compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres – ce rappel n’est pas inutile ces temps-ci… – ou de celui du temps de parole.

réforme des retraites (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, par lettre en date du 16 janvier dernier, vous me confirmiez « votre engagement sans ambiguïté pour que la concertation sur les retraites (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) se déroule sans totem ni tabou, pas même l’âge légal d’ouverture des droits », et ce à une seule condition : la recherche de l’équilibre financier.

Si vous vous attaquiez aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes, au sous-emploi des seniors et à l’injustice fiscale, je vous assure, monsieur Bayrou, que cet équilibre financier serait à portée de main, y compris dans l’hypothèse où la mesure d’âge serait revue.

Or il ne se passe pas une semaine sans que vous vous immisciez dans les discussions des partenaires sociaux, qui devaient pourtant être libres. Un jour, vous parlez de « déficit caché » ; un autre, vous imposez le retour à l’équilibre financier en 2030 ; le lendemain, vous écartez en conscience toute discussion sur l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, alors que la question est éminemment politique.

Vous opérez non pas une simple révision des termes de la discussion, mais un sabotage du dispositif que vous avez vous-même imaginé. Avec cette méthode, vous renouez avec la pratique des gouvernements précédents : vous dégradez le dialogue social ; vous contournez le Parlement ; vous méprisez les citoyens qui se sont massivement mobilisés contre cette réforme et créez un climat de défiance.

Monsieur le Premier ministre, je serai très direct : allez-vous respecter vos engagements et laisser les partenaires sociaux construire une solution, sans miner le terrain des négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, il y a deux questions dans votre interrogation.

La première, qui est discutée très largement, est de savoir si les partenaires sociaux, organisations syndicales et représentants des entreprises, sont légitimes pour participer aux discussions autour de la problématique du financement, de l’équilibre et de l’organisation du système des retraites. Beaucoup d’observateurs et d’acteurs politiques pensent que non. Moi, je pense que oui. C’est pourquoi j’ai donné la main aux partenaires sociaux sur ce sujet.

La seconde question est de savoir si je me suis immiscé dans les débats.

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est le cas !

M. François Bayrou, Premier ministre. Jamais. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Je ne suis même pas venu présenter le rapport de la Cour des comptes devant les différents acteurs de la concertation.

Au début de votre intervention, vous avez fait allusion à cette polémique récente, en rappelant l’essentiel, à savoir que j’ai écrit une lettre de mission, qui a été acceptée par tous les partenaires sociaux présents autour de la table. Celle-ci disposait qu’il n’était pas possible de dégrader l’équilibre financier de notre régime de retraite.

Dans une seconde lettre, j’ai ensuite précisé qu’il fallait rétablir cet équilibre. Comme vous le savez, la Cour des comptes a démontré que celui-ci, hélas, n’existait pas, le déficit du système s’élevant déjà à 7 milliards d’euros par an et allant croissant.

J’ai donc simplement rappelé qu’il fallait se fixer comme objectif un retour à l’équilibre en 2030, ce que tout le monde a accepté.

À la lumière de ce que je viens d’indiquer, et au vu du contexte financier et démographique, on m’a demandé si je pensais qu’un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans était possible, faisable. J’ai répondu qu’à mes yeux cela ne l’était pas et que l’on ne pouvait pas à la fois supprimer la réforme des retraites et retrouver l’équilibre financier.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous êtes Premier ministre tout de même !

M. François Bayrou, Premier ministre. Telle est mon analyse et je suis sûr qu’elle est partagée sur beaucoup de travées et même dans l’inconscient de la plupart de ceux qui m’interrogent sur le sujet. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe SER.) Je pense que cette analyse est fondée ; j’ai d’ailleurs rencontré un certain nombre des protagonistes de cette concertation qui ont l’intention de continuer de s’impliquer.

Je le souhaite, tout comme je souhaite que l’on trouve les aménagements nécessaires à cette réforme, ainsi que l’équilibre financier indispensable à l’avenir du système de retraite et à l’équilibre de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Mon inconscient va très bien, monsieur le Premier ministre… Je me demande en revanche si vos propos ne trahissent pas votre envie de céder au chant des sirènes que l’on entend de la place Beauvau à la place Vendôme… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous qui vous réclamez du centre droit, je me demande si vous ne dérivez pas plutôt vers l’extrême droite du centre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Protestations sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

Quand vous désavouez deux de vos ministres pour leur conception de la laïcité, quand vous laissez prospérer ici, au Sénat, un débat qui n’a d’autre but que de recycler des mesures d’extrême droite censurées par le Conseil constitutionnel,…

M. Aymeric Durox. C’est fini !

M. Patrick Kanner. … en laissant vos ministres les cautionner, j’estime que nous assistons à une dérive.

M. le président. Il faut conclure !

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous ne vous suivrons pas sur la voie que vous tracez, celle qui conduit à dérouler le tapis rouge au RN ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

réforme des retraites (ii)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Jérémy Bacchi. Selon le Premier ministre, « la démocratie sociale n’est pas négligeable ». Qui faut-il donc croire ? Le Premier ministre du discours de politique générale ou celui des plateaux de télévision ?

En janvier dernier, le chef du Gouvernement promettait une discussion sans « aucun tabou, pas même l’âge » de départ à la retraite ; aujourd’hui, il oppose un non ferme à un retour à 62 ans. Après le 49.3 parlementaire, voici le 49.3 sur la démocratie sociale ! Ni les syndicats de salariés, ni les parlementaires, ni les citoyens n’ont le droit de proposer un retour à la retraite à 62 ans avec un financement alternatif.

Sur fond de cacophonie gouvernementale, qui faut-il écouter ? Les ministres dits sociaux-libéraux, qui font mine de croire que tout est encore sur la table, ou les ministres clairement libéraux qui, eux, s’insurgent contre toute abrogation de cette contre-réforme ?

Le Premier ministre nous indique que « le contrat n’a pas changé », mais, à force de saboter les négociations, il n’y aura bientôt plus personne autour de la table pour signer un quelconque contrat.

Madame la ministre chargée du travail et de l’emploi, allez-vous une nouvelle fois agir contre les intérêts du plus grand nombre et refuser tout retour à la retraite à 62 ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a dit qu’il fallait faire confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Céline Brulin. Il l’a dit, mais il ne l’a pas fait !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Notre position n’a pas changé, les règles du jeu non plus. La légitimité des partenaires sociaux dans le champ social, notamment en ce qui concerne les retraites, est reconnue et exigeante.

La démarche que nous avons engagée, que le Premier ministre a engagée, est inédite.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Elle est inédite, d’abord, parce qu’elle se fonde sur un diagnostic de la Cour des comptes réputé irréfutable, qui établit que le déficit atteint aujourd’hui 7 milliards d’euros.

Elle est inédite ensuite, parce que le Premier ministre a souhaité rappeler, dans une lettre de mission envoyée aux partenaires sociaux, que le retour à l’équilibre en 2030 était une exigence sine qua non pour faire fonctionner notre régime de retraite par répartition et pour que vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, ou vos administrés, quand vous partirez à la retraite, (M. Fabien Gay proteste.) vous puissiez bénéficier d’une pension décente.

M. Fabien Gay. Vous devriez plutôt vous préoccuper des infirmières !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Enfin, elle est inédite, parce que nous avons demandé aux partenaires sociaux d’établir un ordre du jour. Les représentants des organisations syndicales se rencontrent tous les jeudis pour discuter âge de départ, pénibilité, femmes, carrières hachées, gouvernance, épargne, retraite. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Et les 64 ans ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Les discussions doivent se poursuivre et aller à leur terme, si l’on veut réellement rétablir l’équilibre financier du régime, mais aussi corriger certains paramètres qui peuvent sembler injustes aujourd’hui – je pense notamment à la pénibilité et aux carrières des femmes. (M. François Patriat applaudit. – Protestations sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. Vous ne les aidez pas avec cette réforme !

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Je veux bien que l’on nous parle d’équilibre, mais le véritable projet du Gouvernement est de réduire la part des dépenses de retraite dans le PIB. La Cour des comptes le résume d’ailleurs en deux lignes, à la page 45 de son rapport : ces dépenses s’élèveront à 13 centimes par euro produit en 2045 contre 14 centimes aujourd’hui…

De telles menaces incitent les retraités à manifester, comme ce sera le cas demain, partout dans le pays. Je tiens à saluer leur mobilisation, notamment celle des professions portuaires dans mon département, lesquels luttent depuis plusieurs semaines pour faire reconnaître la pénibilité de leurs métiers et leur exposition à l’amiante. Ces salariés refusent qu’on leur vole deux ans de leur vie !

Pour nous, vous l’aurez compris, 64 ans, c’est toujours non ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

financement de la relance nucléaire

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Ma question s’adresse au ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

Monsieur le ministre, nous nous réjouissons que le conseil de politique nucléaire ait repris, lundi dernier, plusieurs constats et propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur l’électricité.

Nous approuvons les déclarations d’intention émises à cette occasion concernant le financement des six premiers EPR 2 (réacteurs pressurisés européens de deuxième génération), la mise en place du contrat pour différence, la relance de la quatrième génération de réacteurs et des réacteurs à neutrons rapides et le renforcement de l’aval du cycle, avec une nouvelle piscine à La Hague et une optimisation du recyclage.

Mes questions sont simples, monsieur le ministre : quel est le montant estimé des investissements nécessaires à la relance de la filière dans les dix prochaines années ? Quelle serait la répartition de ces investissements entre l’État et les différents acteurs de la filière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Marques dironie sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le sénateur Delahaye, je vous remercie de cette question, qui me permet de faire un point de situation sur notre filière nucléaire, laquelle est, comme vous le savez, au cœur de notre stratégie énergétique, en cohérence avec le discours de Belfort prononcé par le Président de la République en février 2022.

Le conseil de politique nucléaire que vous avez cité a notamment permis de faire un bilan du programme de construction des six EPR 2, qui ont vocation à être mis en service à partir de 2038, et d’évoquer les enjeux industriels relatifs à ce programme.

À cette occasion, nous avons souligné la nécessité d’une maîtrise des coûts, ainsi que d’une maîtrise organisationnelle des délais de la part d’EDF dans le cadre de la mise en œuvre du projet. Nous avons également abordé – c’est l’objet de votre question – les aspects financiers du dossier.

Le financement de ce programme reposera, au cours de la phase de construction des réacteurs, sur un prêt bonifié accordé à EDF par l’État sur le modèle de chantiers déjà engagés au niveau européen et validés par la Commission européenne – comme en République tchèque, par exemple –, puis, au cours de la phase d’exploitation, sur un contrat pour différence, c’est-à-dire un contrat de rachat de l’électricité nucléaire dont les modalités sont fixées de telle sorte que le prix soit compétitif pour nos industriels et que la soutenabilité économique du modèle d’EDF soit garantie.

M. Yannick Jadot. Bien sûr !

M. Marc Ferracci, ministre. Nous avons également étudié les enjeux liés à l’aval du cycle et la manière dont nous allons traiter le combustible nucléaire.

M. Marc Ferracci, ministre. Nous avons le souci d’investir dans de nouvelles technologies permettant d’exploiter le combustible usagé, afin de clore le cycle du nucléaire, c’est-à-dire de nous rendre indépendants de l’uranium naturel que l’on trouve aujourd’hui dans des pays qui ne sont pas toujours très fiables ou stables d’un point de vue géopolitique. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Pour ce qui est de la répartition des investissements, ce programme fait l’objet d’une contribution de l’État au titre, comme je l’ai déjà dit, du prêt bonifié qu’il accorde à EDF, ainsi que de 200 millions d’euros au titre de France 2030 pour le financement des petits réacteurs modulaires. Le programme de construction de ces EPR 2 coûtera environ 70 milliards d’euros. (Moues dubitatives sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Ouh là là !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.

M. Vincent Delahaye. Merci, monsieur le ministre, mais je ne suis pas sûr que votre réponse nous rassure complètement… (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe GEST.) Surtout, je crains qu’elle ne suffise pas à rassurer les acteurs de la filière, qui ont besoin de visibilité et de lisibilité.

Le Gouvernement devrait rapidement affirmer ses intentions en matière de répartition des efforts dédiés à la relance et à la mise à niveau de notre filière nucléaire. C’est absolument indispensable.

Alors que nous empruntons pour payer les salaires et les pensions des fonctionnaires, je pense que nous pourrions emprunter 10 milliards d’euros chaque année pour aider la filière nucléaire à se relancer ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Mais oui, allons-y !

M. Vincent Delahaye. Ce sujet pourrait rassembler une majorité de Français dans notre pays, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent. Nous avons besoin du nucléaire, c’est vital pour notre économie, pour nos emplois et pour l’avenir de tous les Français ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

annonces du premier ministre sur l’âge légal de départ à la retraite et suites du « conclave »

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre chargée du travail et de l’emploi, depuis plusieurs semaines, les déclarations se succèdent pour contraindre le débat du conclave, qui devait pourtant être préservé des pressions extérieures de l’exécutif.

Pour ne citer que ces exemples, la ministre du travail interfère dans les discussions en militant pour un âge de départ à la retraite à 65 ans et pour un système par capitalisation ; le président du Conseil d’orientation des retraites (COR) outrepasse sa fonction et trouve ce débat dérisoire en temps d’économie de guerre ; la ministre chargée des comptes publics le déclare irréaliste ; enfin, le Premier ministre lui-même révèle ses véritables intentions en excluant tout retour à la retraite à 62 ans…

On comprend mieux pourquoi le rapport de la Cour des comptes n’avait pas vocation à établir le chiffrage d’un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans et pourquoi le Gouvernement a refusé de suspendre la réforme le temps de la concertation.

Vous faites en sorte que le débat soit forclos, vous méprisez une seconde fois la démocratie sociale et vous refusez la controverse sur les propositions des organisations syndicales : exit l’explosion des exonérations non compensées, les mesures pour une égalité salariale effective, les dispositions améliorant le taux d’emploi et le rendement des cotisations ! Faute de projection financière de ces paramètres sur les équilibres macroéconomiques du système, le conclave se voit imposer les conclusions qui seront tirées de ses travaux et tourne au marché de dupes.

Si vous sabotez votre propre conclave, comment comptez-vous revenir devant un Parlement qui, à partir du travail des partenaires sociaux, devait avoir le dernier mot ?

Madame la ministre, le Gouvernement doit s’engager ici, devant nous : poursuite ou non du conclave, le Parlement sera-t-il saisi des propositions et paramètres qui auraient dû y être discutés ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Madame la sénatrice, le dialogue doit et va se poursuivre. Il faut maintenant laisser les partenaires sociaux travailler sereinement. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Il existe un ordre du jour.

La Cour des comptes a fourni un rapport sur la trajectoire financière de notre système de retraite. Elle rendra dans deux semaines un rapport sur les conséquences macroéconomiques de la réforme, notamment en termes de taux d’activité des seniors. Une telle analyse permettra de répondre à vos questions. La Cour des comptes a également satisfait l’une des demandes des partenaires sociaux, qui souhaitaient disposer des projections financières induites par un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, en plus de celles qui avaient trait à un retour à 63 ans, qui figuraient déjà, elles, dans son rapport.

Aujourd’hui, je le redis, je souhaite que les partenaires sociaux…

M. Yannick Jadot. Mais lesquels ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … puissent réfléchir sereinement, tranquillement, aux points de l’ordre du jour qu’ils ont défini, sur lesquels ils vont travailler dès demain, et qu’ils pourront d’ailleurs compléter au cours de leurs échanges. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

Nous sommes d’accord sur un point : il faut rétablir l’équilibre financier de notre système dès 2030, parce qu’un régime par répartition déséquilibré constitue une menace pour les futurs pensionnés. Il faut également corriger un certain nombre d’injustices comme les critères actuels de définition de la pénibilité, la prise en compte des carrières des femmes et des carrières hachées.

Pour le bien commun, il faut que nous puissions atteindre cet équilibre en prenant en compte à la fois les aspects financiers de la question et les réalités du marché du travail. Vous aurez ainsi toutes les réponses aux questions que vous vous posez, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, nous le réaffirmons, si vous mettez fin à votre « politique des caisses vides », qui légitime les réformes antisociales et livre notre système aux marchés et à la capitalisation, il est possible de revenir à la retraite à 62 ans. Pour une fois, ayez enfin le courage d’en débattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

port du voile dans le sport

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Monsieur le Premier ministre, le 18 février dernier, le Sénat a adopté, à une forte majorité, la proposition de loi visant l’interdiction des signes religieux et de l’exercice d’un culte lors des compétitions sportives. À cette occasion, le Gouvernement, par la voix de François-Noël Buffet, a fermement soutenu ce texte, un soutien que vous avez renouvelé hier à l’Assemblée nationale,…

M. Michel Savin. … ce dont je vous remercie, car il met un terme à la déplorable cacophonie régnant ces derniers jours au sein de l’exécutif.

Car, oui, la lutte contre l’entrisme religieux est une priorité ! Puisque les actes valent mieux que les paroles, que le temps passe et que le phénomène s’amplifie, monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : quand allez-vous inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, je vous remercie tout d’abord d’avoir eu le courage de déposer cette proposition de loi. C’est un texte important (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) pour réaffirmer le principe de laïcité dans notre pays, un principe qui ne souffre évidemment aucune exception.

Nous l’avons dit, il y a bien une ligne et une seule ligne au sein du Gouvernement : le soutien à cette proposition de loi telle qu’elle a été modifiée et adoptée le 18 février dernier au Sénat.

M. Jacques Grosperrin. Et la ministre des sports alors ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Cela signifie que les terrains de sport ne doivent pas favoriser l’entrisme religieux,…

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. … l’entrisme islamiste. Sur les terrains de sport, il n’y a qu’un seul maillot, celui de l’équipe ; aucun maillot politique ou religieux ne peut y être admis.

J’en viens à votre question : oui, le Gouvernement inscrira votre proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il y va de notre responsabilité collective.

Face à une telle tentative d’entrisme, il faut réaffirmer nos valeurs, dire clairement que ce n’est pas nous qui les inversons et qui empêchons la pratique sportive en rappelant fermement le principe de laïcité à l’ensemble de nos concitoyens, mais tous ceux qui imposent aux femmes de porter une tenue différente de la tenue sportive.

La liberté, c’est la laïcité. La laïcité, c’est l’émancipation, notamment celle des femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. Jacques Grosperrin. La gauche est absente sur ce sujet !

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Merci, madame la ministre, me voilà enfin rassuré quant à la position du Gouvernement. Je viens d’entendre votre engagement à ce que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

À l’inverse de Mmes les ministres des sports et de l’éducation nationale, je rappelle l’urgence qu’il y a à légiférer sur le sujet. Il ne se passe pas un week-end sans qu’un dirigeant de fédération sportive, un président de club, un éducateur, un arbitre, voire les services de police, ne soient confrontés à cette réalité : le sport est devenu un espace de conquête pour l’islam politique. Une large majorité de ces acteurs souhaitent que l’État instaure un cadre clair pour faire face à cette pression religieuse.

Les signes religieux, comme le voile, n’ont rien à faire dans les compétitions sportives. Lorsqu’on participe à une compétition, on n’a pas besoin de connaître l’appartenance religieuse ou politique de son partenaire ou de son adversaire… Que les femmes qui le portent sur les terrains de sport en aient conscience ou pas, le voile est l’instrument d’un projet politique échafaudé par les architectes d’un islam radical qui se réjouissent de l’aveuglement, de la naïveté, voire de la complicité de bon nombre de dirigeants et d’élus.

Nous sommes face à un véritable enjeu de société. Ce n’est pas au sport ni à la société de s’adapter, mais bien à la religion d’évoluer. C’est la raison pour laquelle, monsieur le Premier ministre, il est urgent d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avec l’appui sans équivoque du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

difficultés rencontrées par les pêcheurs