Mme Mathilde Ollivier. Il s’agit de mettre un terme aux interdictions abusives de certaines tenues de bain dans les piscines municipales et sur les plages lorsqu’elles ne sont pas justifiées par des impératifs d’ordre public ou d’hygiène.

Depuis plusieurs années, certaines municipalités cherchent à interdire le port de tenues de bain couvrantes, notamment le burkini, sans que cela repose sur des impératifs d’hygiène ou des motifs d’ordre public.

Le Conseil d’État lui-même a rappelé en 2016 que ces interdictions portaient une atteinte grave aux libertés individuelles, en particulier à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté individuelle.

Nous faisons face ici à une dérive inquiétante : des décisions administratives visent directement une partie de la population non pas pour des raisons de sécurité ou de santé publique, mais pour des considérations politiques et idéologiques.

Cet amendement a donc pour objet de poser un cadre clair : les interdictions de tenues de bain ne peuvent être fondées que sur des motifs d’ordre public ou des raisons d’hygiène.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les auteurs de l’amendement proposent une nouvelle rédaction de l’article 3, qui limiterait la possibilité de réglementer les tenues de bain envisagée par l’auteur de la proposition de loi. Il vise ainsi à revenir sur la jurisprudence du Conseil d’État de 2022.

Nous préférons nous en tenir aux termes de l’ordonnance du Conseil d’État, fondés sur le respect de l’ordre public et de l’égalité de traitement des usagers.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. La première partie de l’amendement est satisfaite par les dispositions de l’article 3.

En ce qui concerne l’encadrement des mesures de police pour l’accès aux plages et à la baignade, le juge administratif contrôle déjà strictement le respect des principes de nécessité et de proportionnalité. Sur ce point, la jurisprudence est d’ailleurs d’une clarté absolue : il suffit de se référer à l’arrêt du Conseil d’État du 17 juillet 2023, que l’on peut considérer comme un arrêt de principe.

Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase

Remplacer les mots :

des services publics

par les mots :

du service public

2° Dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il prohibe notamment le port de signes ou de tenues susceptibles d’y contrevenir.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Le Gouvernement propose une formulation moins explicite que celle de l’article 3.

Il s’agit d’interdire tout signe ou tenue susceptible de contrevenir au bon fonctionnement des piscines ou de porter atteinte à l’ordre public dans ces espaces. Il me semble que la loi doit trancher, pour avoir l’assurance que la même règle s’applique partout et, ainsi, éviter la multiplication des contentieux.

L’amendement n’ayant pas été examiné en commission, c’est à titre personnel que je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4 (nouveau)

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mmes V. Boyer et Garnier, MM. Mouiller, Allizard et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. Bruyen, Chatillon et de Legge, Mmes Di Folco, Dumont, Evren et Gruny, M. Hugonet, Mmes Josende et Lavarde, M. Lefèvre, Mmes Lopez et P. Martin, M. Meignen, Mme Nédélec, MM. Paumier, Pellevat, Reichardt et Savin et Mme Valente Le Hir, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le II de l’article L. 212-9 du code du sport, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – En outre, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès des mineurs s’il est inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. »

La parole est à Mme Patricia Demas.

Mme Patricia Demas. Cet amendement de ma collègue Alexandra Borchio Fontimp vise à renforcer les contraintes d’honorabilité qui pèsent sur les éducateurs sportifs, particulièrement lorsqu’ils sont au contact de mineurs.

Au moment où l’actualité ne cesse de mettre en exergue la dangerosité de l’islam radical sur notre territoire national, il est urgent de protéger dans les clubs sportifs nos plus jeunes concitoyens d’un quelconque prosélytisme, contraire aux valeurs de la République et au principe de laïcité.

Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) présente l’avantage d’être ciblé sur la radicalisation islamiste. L’inscription de ces personnes dans ce fichier justifie qu’elles fassent l’objet d’une attention toute particulière.

Par conséquent, il s’agit d’interdire à toute personne d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité physique ou sportive auprès des mineurs si elle est inscrite dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste est un fichier de renseignement créé par un décret du 5 mars 2015, peu après les attentats de janvier 2015.

Les données qu’il contient sont classifiées et ne sont partagées qu’avec les services de plusieurs ministères engagés dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente. Seuls les destinataires habilités peuvent accéder aux données contenues dans ce fichier.

Le principe du FSPRT est celui d’un suivi opérationnel par les services. Ce suivi à caractère préventif peut être clôturé à tout moment. Il a par ailleurs vocation à rester discret. Les personnes qui y sont inscrites n’ont pas fait l’objet d’une condamnation, elles ne peuvent donc en aucun cas être privées de droits, y compris de la faculté de jouer un rôle d’éducateur auprès de jeunes enfants. Le seul objectif de ce fichier est la prévention.

Néanmoins, la question soulevée par cet amendement est évidemment importante. Nous la traitons à l’article 4 introduit par la commission, qui reprend une proposition des députés Éric Diard et Éric Poulliat, dans un rapport d’information de 2019 sur les services publics face à la radicalisation.

À l’article 4, nous envisageons de permettre la réalisation d’enquêtes administratives préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif, comme c’est déjà le cas pour l’accès à certains emplois dans les domaines de la sécurité et de la souveraineté ou pour l’accès à des sites et événements particulièrement sensibles.

L’enquête administrative doit permettre de détecter si la personne est habilitée à exercer son activité d’éducateur sportif auprès de jeunes enfants, mais, sans condamnation, il ne peut y avoir préalablement de privation de droits.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement sera satisfait par l’adoption de l’article 4. L’ensemble des contrôles qui sont préconisés préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif seront effectués dans le cadre de l’enquête administrative, conformément aux dispositions de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. J’ai cosigné cet amendement, en me fondant sur mon expérience d’entraîneur fédéral. Je n’ai pas de carte professionnelle, mais j’ai obtenu un certain nombre de certifications qui m’autorisent à encadrer des groupes d’enfants tout en étant assurée par ma fédération.

La loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, adoptée il y a quelques mois, prévoit la vérification du casier judiciaire des entraîneurs. Pour autant, par cet amendement, on vise des personnes qui ne sont pas couvertes par l’article 4, lequel ne concerne que les entraîneurs titulaires d’un diplôme d’État, et non les entraîneurs dits fédéraux, qui peuvent aussi s’occuper d’enfants.

Peut-être faudrait-il compléter l’article 4, car un grand nombre de fédérations fonctionnent avec des bénévoles, des citoyens qui décident de s’engager dans les structures sportives.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Madame Lavarde, la référence aux dispositions de l’article L. 114-1 permet d’avoir accès à l’ensemble des fichiers sans aucune difficulté.

En revanche, le point particulier que vous soulevez mérite vérification. Nous profiterons de la navette parlementaire pour le faire : très honnêtement, je ne suis pas capable de vous donner une réponse précise ou exacte en cet instant.

M. le président. Madame Demas, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

Mme Patricia Demas. Dans l’attente de la navette parlementaire, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Après l’article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4 (nouveau)

Au premier alinéa du I de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « courses », sont insérés les mots : « soit la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif, » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 4 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je regrette beaucoup la teneur de notre débat, même si je n’en suis pas surprise.

Alors que notre société est déjà très polarisée, les sujets que nos collègues du groupe Les Républicains choisissent d’aborder ne font que fracturer, nourrir la division – on a vu combien nos débats se sont enflammés sur l’article 1er – et vont à l’encontre de notre vivre ensemble. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je le dis d’autant plus fortement que cette proposition de loi est la septième tentative de légiférer sur le voile. On a parlé des accompagnatrices scolaires. Souvenez-vous, nous avons aussi débattu du contrat d’engagement républicain.

J’en déduis donc que cette proposition de loi a bien une visée politique. Elle instrumentalise la laïcité, tout simplement pour stigmatiser une religion, de façon cohérente avec tous les débats que nous avons eus ces dernières années.

Chers collègues du groupe Les Républicains, pensez-vous véritablement que cette proposition de loi va régler les quelques problèmes observés et détectés par les fédérations ? Jean-Jacques Lozach l’a dit, le mouvement sportif n’est pas demandeur de ce texte. (Ce nest pas vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Pensez-vous réellement que cette proposition de loi va régler tous ces cas ?

Nous sommes loin d’avoir envisagé dans ce débat le sport comme un facteur d’intégration. Il aurait fallu prévoir d’accompagner, peut-être plus encore aujourd’hui, les éducateurs sportifs, mais aussi les collectivités qui rencontrent des problèmes. Ce n’est pas en dévoyant le concept de laïcité que nous avancerons sur un sujet aussi important dans notre société. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je me ferai la voix de la majorité du groupe CRCE-K.

Vous l’avez entendu, nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous regrettons vivement de ne pas avoir procédé à une transposition dans le droit français de la Charte olympique. C’est un texte qu’il faut défendre, alors qu’il est attaqué et qu’il va encore l’être.

Je pense que cela aurait été l’honneur de la France, qui est tout de même la patrie de l’olympisme, d’affirmer de manière solennelle que nous tenons à la Charte olympique, notamment à son article 50.2, qui propose une définition nettement plus englobante. J’observe d’ailleurs que l’article 1er des statuts de la Fédération française de football est très proche de cet article de la Charte olympique.

Les articles 3 et 4 cette proposition de loi posent selon nous des difficultés de principe, de droit, sur des sujets fondamentaux que l’on ne peut pas traiter lors d’un simple débat sur le sport : la mise à disposition des bâtiments publics pour les cultes et l’égalité de traitement des usagers dans les services publics, notamment le service public du sport. Il faut retravailler ces sujets.

Par ailleurs, je demande de nouveau au Gouvernement – M. le ministre au banc voudra bien transmettre mon message à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative – de retravailler la question de la délégation de service public aux fédérations. Celles-ci ont besoin aujourd’hui d’un cadre beaucoup plus précis, elles nous le demandent.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nos débats ce soir ont bien montré qu’il y avait un clivage.

M. Thomas Dossus. Vous remettez une pièce dans la machine, là !

M. Max Brisson. Je le dis à nos collègues de gauche, maintenant que les débats se sont calmés : vous ne voulez pas voir la réalité en face ! Vous êtes dans le déni. (Mme Sylvie Robert sexclame.)

Excusez-nous, mais, nous, nous entendons le milieu sportif, qui demande un certain nombre de précisions. Il attend que la loi l’épaule. Nous constatons aujourd’hui que, pour des raisons idéologiques, vous ne voulez pas voir que les choses ont évolué.

Pour ma part, je remercie Michel Savin d’avoir proposé ce texte et je remercie le rapporteur Stéphane Piednoir de l’avoir amélioré. Ce texte est certainement imparfait, mais il a au moins le mérite d’aborder un problème que vous niez.

M. Max Brisson. Ainsi, il cherche à apporter un certain nombre de réponses, qui peuvent encore être améliorées. Le cadre peut certainement être davantage travaillé, mais, je le répète, il faut apporter des réponses. Le mouvement sportif attend que nous fassions preuve de courage et que nous ne le laissions pas seul face aux situations qu’il doit traiter.

Avec ce texte, nous avons avancé. Je pense franchement que, en le votant, nous sommes fidèles aux pères fondateurs de la laïcité, à ceux qui se sont battus pour elle. C’est vous qui êtes en train aujourd’hui d’oublier cet héritage.

M. Thomas Dossus. C’est de l’usurpation et du dévoiement !

M. Max Brisson. Ce que je sais, c’est que les jeunes filles dont nous avons parlé tout au long de cette soirée, nous ne les stigmatisons pas,…

M. Max Brisson. … nous cherchons au contraire à les protéger. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Ce que je sais, c’est que depuis le XIXe siècle, dans tous les combats pour la laïcité, l’enjeu, ce sont toujours les jeunes filles. Je constate malheureusement que vous avez oublié le combat de ceux qui furent plutôt de votre bord politique, qui consista avant tout à protéger les jeunes femmes. Ce soir, c’est nous qui avons pensé à elles, c’est nous qui l’avons fait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cette proposition de loi va à l’encontre du droit européen et du droit international relatifs aux droits humains. Elle va à l’encontre de notre Constitution, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle va à l’encontre du code du sport, qui garantit la liberté de pratiques sportives sans discrimination d’aucune sorte.

Alors que le sport doit être un vecteur d’apprentissage de la citoyenneté, d’émancipation et de cohésion sociale, cette proposition de loi vient exclure de la pratique sportive des citoyens français. Elle risque en particulier d’éloigner les femmes portant le voile de la pratique sportive, alors que les femmes sont déjà plus éloignées du sport que les hommes.

Cette proposition de loi est donc discriminatoire. Elle stigmatise non seulement la communauté musulmane, mais plus particulièrement les femmes musulmanes, ces femmes dont nous avons parlé tout l’après-midi, mais que nous n’avons pas pris le temps d’écouter, qui portent le voile et subissent des discriminations tout au long de leur vie.

La liste de ces discriminations est longue : agressions verbales, agressions physiques, discriminations lors de la recherche d’un logement, discriminations lors des contrôles de police, discriminations dans le monde du travail, que ce soit lors de la recherche d’un emploi ou tout au long de la carrière professionnelle.

Par ailleurs, comment comptez-vous appliquer cette loi dans les communes ou les départements majoritairement musulmans, par exemple Mayotte ? Voulez-vous en faire des zones de non-droit ?

Les territoires où l’intégration et la cohésion sociale sont des réussites ne sont pas ceux où les communautés se sont montrées du doigt ou se sont tourné le dos. À La Réunion, je vous le redis, nous avons choisi le chemin du partage et de l’échange. Chez nous, la laïcité vit sans abîmer ni les identités ni les croyances.

Nous refusons que la laïcité soit instrumentalisée par des lois aux relents de racisme et de sexisme. Ce n’est pas en participant à la stigmatisation d’une communauté que nous construirons une société apaisée et laïque ni que nous contribuerons à l’émancipation des citoyennes et des citoyens.

Enfin, je tiens à vous dire que la voie assimilationniste n’est que le chemin de l’erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Si j’ai bien tout saisi, au-delà de tous les fantasmes, nous allons voter une loi pour essayer de protéger, d’intégrer et d’émanciper les jeunes femmes. Pour cela, on va commencer par les empêcher de se rendre dans des espaces de socialisation et d’émancipation, tout cela parce qu’elles portent un voile ou un signe religieux ostentatoire. J’ai du mal à comprendre !

Certains nous traitent d’idéologues. Avoir une idéologie n’est pas un défaut. C’est le dogmatisme qui pose problème. Peut-être sommes-nous des idéologues, mais nous avons pour notre part affaire à des dogmatiques qui s’enferment dans une vision fantasmée de la société. Où avez-vous vu que l’on arrête des matchs pour permettre aux joueurs d’aller prier ? Vous faites d’un fait divers ou d’un détail la réalité de notre pays.

Bientôt, on adoptera dans ce pays une loi considérant qu’être musulman est un délit ! Est-ce la visibilité qui pose problème ? Si l’on veut aider les jeunes filles, si l’on veut qu’elles s’émancipent, il faut qu’elles aient le choix, qu’elles puissent pratiquer du sport dans l’espace public.

M. Max Brisson. Vous avez capitulé !

M. Akli Mellouli. Ce n’est pas en adoptant une position obscurantiste, en les enfermant ou en les empêchant d’avoir une parole que l’on y parviendra. C’est par la rencontre et l’échange avec l’autre qu’on se développe, qu’on s’émancipe, non en étant enfermé ou stigmatisé.

Cette proposition de loi est tout sauf une loi sur la laïcité. C’est un texte xénophobe et raciste. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cela vous choque parce que c’est la vérité !

Cette loi, je le répète, n’a rien à voir avec la laïcité. Des lois ont été votées sur la sécurité, sur d’autres sujets, mais, ici, vous détournez la laïcité, vous la galvaudez. C’est indigne ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Yan Chantrel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. J’ai attentivement écouté les débats sur ce texte. D’une certaine façon, on avait malheureusement l’impression d’être à l’Assemblée nationale. (Cest vrai ! sur les travées du groupe SER.), et c’est fort gênant.

Sur ce sujet, j’avais prévu de prendre la parole en explication de vote sur l’ensemble. Depuis plus de soixante ans, en effet, je fréquente les vestiaires en tant que pratiquant, dirigeant, père aussi.

Très honnêtement, mes chers collègues, comme l’a dit fort justement Max Brisson, nous ne pouvons que constater qu’il existe un clivage entre nous, mais respectons-nous. J’entends que nos avis sont radicalement différents : ce n’est pas une tare, c’est la démocratie. En revanche, je ne supporte pas les invectives et les attaques ad hominem.

À l’évidence, nous n’avons pas les mêmes yeux, nous n’avons pas la même perception. Je pratique le football et j’adore ce sport qui a d’ailleurs été attaqué plusieurs fois ici. À cet égard, permettez-moi de rappeler ce qu’a déclaré Albert Camus en 1957 lorsqu’il a reçu le prix Nobel de littérature : « Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c’est au football que je le dois. » Aujourd’hui, il doit se retourner dans sa tombe.

M. Akli Mellouli. Pourquoi ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Il semble bien que nous ne vivions pas dans le même monde – vraiment pas !

M. Jean-Raymond Hugonet. Pour ma part, je vous engage à venir un week-end en Île-de-France assister à des manifestations sportives de football. Vous comprendrez pleinement le problème !

M. Akli Mellouli. Je vis en Seine-Saint-Denis, quel est le problème ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Ce soir, je tiens à remercier solennellement Michel Savin et Stéphane Piednoir du travail qu’ils ont accompli et tous ceux qui ont œuvré à son amélioration. Cela a été dit, il n’est pas la panacée, nous sommes bien d’accord, mais il montre qu’il existe véritablement un problème, qu’il faut traiter, que l’on soit d’accord ou non.

Je le répète, je ne supporte pas les invectives. Certes, nous pouvons avoir des avis différents, mais ne nions pas la réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Soyons sport !

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, je ne comptais pas prendre la parole, mais les propos de M. Brisson m’y incitent.

Merci, cher Max Brisson, de ne pas nous donner de leçons de bienséance, de ne pas nous dire qui seraient les véritables laïques, qui n’en seraient plus aujourd’hui. C’est malvenu de la part d’un courant politique qui a injurié Briand et Jaurès, qui a refusé le grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale.

M. Max Brisson. Je n’étais pas né !

M. Patrick Kanner. Sans doute d’ailleurs ce courant politique pourrait-il demander, s’il était cohérent avec lui-même, qu’il n’y ait plus de soutanes et de crucifix sur les murs dans les écoles privées aujourd’hui, ces établissements remplissant une mission de service public. Il faut être cohérent jusqu’au bout ! Puisque ces établissements, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs ou musulmans, remplissent une mission de service public, ils ne devraient accepter aucun signe religieux. C’est intéressant, non ?

M. Max Brisson. Les masques tombent !

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, vous défendez un dispositif de fracturation de la société.

J’ai noté que, depuis 2017, le bloc central veillait à éviter tout débordement sur ce sujet. En revanche, monsieur le ministre, depuis l’arrivée de certains ministres au Gouvernement, j’ai constaté une évolution : on peut désormais, dans un texte comme celui-ci, aborder des sujets qui étaient jusqu’à présent absents du débat politique national. Dont acte.

J’entends bien que la laïcité ne souffre aucun adjectif, mais je sens tout de même la main de M. Retailleau dans ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Que cela vous plaise ou non, c’est la réalité ! Vous réglerez vos problèmes plus tard au sein de votre parti politique.

Ce que je veux dire par là, et j’en termine, monsieur le président, c’est que nous vivons ce soir un événement historique. Je ne sais pas si cette proposition de loi est appelée à prospérer, mais, si tel était le cas, nous n’hésiterions pas pour notre part à saisir le Conseil constitutionnel, quel que soit son président, pour vérifier la conformité de ce texte, qui deviendrait une loi de la République, à la Constitution. Comptez sur nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Mon engagement politique s’inspire aussi de nos illustres aînés, qui s’étaient engagés pour les valeurs de la République, garanties par le principe de laïcité. Je ne doute pas qu’ici, sur toutes les travées, à droite et à gauche, tout le monde souhaite défendre ce principe.

Je vous mets simplement en garde, chers collègues : en matière de laïcité comme dans d’autres domaines, l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. Nul doute qu’il existe aujourd’hui des comportements et des manipulations visant à opprimer les femmes et qu’il faut combattre. Attention, simplement, à ne pas dévoyer le principe de laïcité, qui est un principe de protection.

Si on le détourne pour en faire une arme de discrimination ou un instrument de contrainte, on braque toute une partie de la population, notamment la jeunesse, qui voit la laïcité comme étant non plus protectrice, mais contraignante.

Je salue les efforts du Gouvernement pour édulcorer, voire anesthésier certains articles par ses amendements. Pour autant, ce texte n’est pas à la hauteur de l’enjeu : il comporte des risques parce qu’il stigmatise et, surtout, parce qu’il dévoie véritablement le principe de laïcité, que nous défendons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. D’aucuns ont évoqué les débordements qui ont émaillé l’examen de ce texte. À vous entendre, chers collègues, certains sujets ne pourraient même pas être débattus dans cet hémicycle. Je remercie pour ma part le groupe Les Républicains d’avoir accepté d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux.

À force de ne pas parler de certains sujets, en effet, on laisse le champ ouvert…