M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je dispose des chiffres de la délinquance, rendus publics le 6 février par la préfecture de police – ils sont donc récents. Ils confirment la nécessité d’augmenter les effectifs et les moyens.
À Champigny-sur-Marne, dont un collectif d’habitants est aujourd’hui présent dans nos tribunes, on observe un accroissement des vols dans les transports. Aussi, l’attente des habitants et des élus est forte. Il serait appréciable que vos collègues transmettent à l’ensemble des maires les tendances que vous nous avez communiquées sur le renforcement des moyens : ils ne sont même pas au courant !
Enfin, en ce qui concerne ce possible nouveau commissariat pour Champigny-sur-Marne, Bry-sur-Marne et Joinville-le-Pont, seriez-vous prête, vous ou l’un de vos collègues du Gouvernement, à recevoir le collectif des citoyens dont certains représentants assistent à cette séance de questions orales ? (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
couteaux de poche traditionnels et port d’un outil utilitaire de la vie rurale
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 251, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, ces derniers mois, la rumeur selon laquelle le simple fait de porter un couteau traditionnel pourrait désormais entraîner une amende de 500 euros et une mention au casier judiciaire s’est propagée en Aveyron, suscitant incompréhension, interrogation et inquiétude.
En effet, le couteau pliant de poche, le Laguiole par exemple, est un objet patrimonial vivant, issu de savoir-faire traditionnels et artisanaux, de fabrication locale. C’est aussi un ustensile profondément enraciné dans notre culture territoriale.
Le couteau est un outil usuel du quotidien que chacun utilise à table, mais aussi comme un instrument utilitaire. En milieu rural, avoir son couteau dans la poche est souvent plus utile qu’avoir un portable. (Sourires.)
Dès lors, dans les territoires ruraux, l’idée de sanctionner le port du couteau apparaît comme totalement inopportune et serait vécue comme une atteinte à la liberté et au mode de vie en ruralité.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que le port d’un couteau dans l’espace public n’est pas automatiquement sanctionné ? La sanction dépend du contexte, notamment si ledit couteau est porté dans les lieux où la loi interdit le port d’arme. Le critère déterminant est la légitimité du port dans un contexte spécifique.
Le couteau Laguiole, qui est un couteau pliant à lame fixe, n’est donc pas considéré comme une arme par nature ; il peut être classé comme une arme par destination selon le contexte d’utilisation.
La subtilité consiste donc à différencier la légitimité, au regard de la loi, du contexte pour déterminer si le port de l’objet est légal ou sanctionnable, ce qui n’est pas toujours évident.
En effet, le dernier paragraphe de l’article 317-8 du code de la sécurité intérieure mentionne « le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros » en cas de remise volontaire à l’agent verbalisateur, « aux fins de transfert de propriété à l’État et de destruction éventuelle ».
Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer : est-il encore possible de se promener avec un Laguiole, un Liadou, un Sauveterre, un Larzac ou un Najac sur soi en Aveyron ? (Sourires. – Mme la ministre déléguée rit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, merci de ce tour d’Aveyron des couteaux ! (Nouveaux sourires.)
À votre dernière question, je réponds évidemment : oui.
Le couteau de poche traditionnel peut être apprécié comme un outil utilitaire de la vie rurale.
La notion d’appréciation est précisément au cœur de la réglementation qui encadre le port des articles de coutellerie. Seuls les poignards et les couteaux-poignards, se distinguant notamment par un tranchant sur chaque côté de la lame, sont expressément visés par le code de la sécurité intérieure et classés en catégorie D : ils ne peuvent être vendus qu’à des majeurs et dans des commerces ayant été autorisés par le préfet. Leur port et leur transport sont formellement interdits sauf motif légitime, comme le fait de se rendre à une action de chasse ou de reconstitution historique.
Les autres couteaux, notamment ceux que vous citez et qui reflètent la richesse artisanale de nos régions, ne sont pas expressément classés dans cette catégorie. Toutefois – l’actualité nous le rappelle trop souvent –, ils sont susceptibles de blesser, voire de tuer, si on les détourne de leur usage.
C’est en cela qu’ils peuvent être appréciés, en cas de contrôle, comme des armes blanches présentant un danger pour la sécurité publique. À ce titre, ils peuvent également relever de la catégorie D quant aux conditions de port et de transport.
Le motif légitime est apprécié par le policier ou le gendarme au cas par cas, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Les circonstances de temps et de lieu, plus largement le contexte, ont à cet égard toute leur importance.
Le recours à la procédure expérimentale de l’amende forfaitaire délictuelle repose sur les mêmes principes. Il s’inscrit dans le cadre de la politique pénale locale, qui s’assure du discernement des intervenants.
avenir de la police municipale
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 243, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Christine Herzog. Ma question porte sur l’avenir de la police municipale.
Créé sur l’initiative du maire, ce service de proximité est chargé de la surveillance de l’ordre public et de la prévention.
Face à l’augmentation de la délinquance et des violences urbaines, face à la progression du narcotrafic et à l’ensauvagement de la population, les policiers municipaux sont les premiers sur le terrain. Ils interviennent souvent avant la police ou la gendarmerie nationales. Le maintien de la sécurité est pourtant l’une des premières fonctions régaliennes.
Le maire ne doit pas être contraint d’orienter les missions de ses agents de police pour suppléer les carences de l’État en matière de sécurité des populations. Les effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, dont le détail n’est d’ailleurs pas connu, tendent pourtant à être remplacés par des policiers municipaux.
La mission de prévention et de proximité de la police municipale s’en trouve nécessairement mise à mal. En outre, un tel effort coûte cher aux collectivités territoriales : en 2023, les polices municipales représentaient près de 4 % des dépenses de fonctionnement des communes.
J’ajoute que les policiers municipaux doivent prendre de plus en plus de risques, faute d’équipements suffisants et de prérogatives judiciaires étendues.
Opter pour des solutions judiciaires, c’est choisir un modèle plus répressif, qui changerait le rapport des policiers municipaux au public ; ce n’est pas forcément ce que souhaitent les élus.
Madame la ministre, l’État va-t-il consentir davantage de moyens pour permettre l’intervention des policiers et gendarmes partout sur le territoire ? Ne peut-on pas trouver une meilleure complémentarité avec les policiers municipaux sur le terrain pour garantir la sécurité de nos concitoyens ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Christine Herzog, vous le soulignez avec raison, plus aucune partie de notre territoire, pas même les zones rurales, n’est épargnée par la délinquance.
Vous le savez, le renforcement de la présence de la police et de la gendarmerie nationales passe non seulement par les effectifs, mais aussi par le maillage territorial. C’est tout le sens des 239 brigades que le Gouvernement a décidé de constituer, dont 80 ont été créées en 2024.
Pour autant, quel que soit le point du territoire concerné, les forces de sécurité intérieure ne peuvent agir seules. Leur travail doit s’articuler au mieux avec celui des autres acteurs du continuum de sécurité.
Les maires sont, dans leur commune, les pivots de la lutte contre la délinquance. Ils disposent de compétences propres, d’outils dédiés, comme la vidéoprotection, et de moyens humains spécifiques, parmi lesquels ceux des polices municipales. Ces dernières constituent une troisième force de sécurité intérieure – je n’oublie pas le tribut qu’elles paient, elles aussi, à la violence.
Si des progrès ont été enregistrés, nous devons aller plus loin pour que les polices municipales s’engagent plus efficacement dans la sécurité du quotidien.
M. le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a élevé au rang d’enjeu majeur la montée en puissance des polices municipales. Il a ainsi demandé aux préfets d’en faire un axe fort de leurs plans d’action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien.
Je n’irai pas jusqu’à parler d’interopérabilité, car bien des éléments singularisent les polices municipales, parmi lesquels leurs autorités d’emploi – vous l’avez rappelé –, le rôle de l’autorité judiciaire et leurs compétences légales. J’ajoute que la libre administration des collectivités reste un principe essentiel.
Cela étant – nous sommes d’accord sur ce point –, il faut davantage de complémentarité et de synergies opérationnelles. Nous devons aussi accroître les prérogatives et les moyens des polices municipales, notamment leur armement et leur protection.
Les conclusions du Beauvau des polices municipales, mené par François-Noël Buffet, sont attendues pour le début du mois d’avril prochain. Le renforcement des dispositifs de coordination figure parmi les axes de travail retenus dans ce cadre. La contraventionnalisation de certains délits, par exemple ceux qui ne sont pas punis d’une peine d’emprisonnement, constitue plus précisément une hypothèse à étudier.
La représentation nationale sera bien sûr informée de l’issue de ces discussions, et je ne doute pas que nous aurons, ensemble, à faire ensuite avancer un certain nombre de sujets de nature législative.
création d’une brigade de sécurisation des transports en commun au mans
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 276, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Thierry Cozic. La sécurité dans les transports en commun est une préoccupation de plus en plus prégnante dans nos villes.
Cette problématique est d’ailleurs identifiée depuis plusieurs années. Conscient de cet enjeu, l’ancien ministre de l’intérieur Gérald Darmanin avait décidé une offensive contre les incivilités, en promettant dès 2022 la création de soixante-dix-sept unités dédiées à la sécurisation des transports, soit 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires. À ce titre, trente-sept nouvelles brigades de sécurisation des transports en commun (BSTC) devaient voir le jour dans les villes moyennes, notamment au Mans.
Ces renforts étaient censés être déployés au plus tard au printemps 2024. La création d’une telle brigade aurait permis de sécuriser les transports en commun du Mans, en particulier en renforçant les contrôles et opérations de sécurisation, déjà nombreux, menés quotidiennement.
Cet effort est important, voire essentiel, dans une ville comme Le Mans, carrefour de flux de voyageurs empruntant TGV, lignes de bus et tramways. Il y va du bien-être et de la sécurité des usagers, comme l’avait dit M. Darmanin, lequel s’était engagé, à l’époque, à créer dix postes en tout.
Les ouvertures de postes nécessaires aux BSTC devaient être rendues possibles par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Pourtant, ce texte, promulgué le 24 janvier 2023, ne fait aucune mention des effectifs supplémentaires affectés à ces brigades.
Malgré les promesses gouvernementales, aucune brigade de sécurisation des transports en commun ne s’est, à ce jour, matérialisée au Mans, alors que quatorze villes sur trente-sept en disposent déjà, en plus de Nice et de Saint-Étienne.
Madame la ministre, cette absence suscite de vives interrogations. Où sont donc les dix postes supplémentaires promis pour la BSTC de la ville du Mans ? Pouvez-vous me préciser les raisons de ce retard ? Pouvez-vous m’indiquer le calendrier désormais retenu pour la mise en place effective de cette unité et l’affectation des dix postes promis ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Thierry Cozic, le Gouvernement est évidemment déterminé à poursuivre le renforcement de la sécurité des transports en commun. Il convient, en particulier, d’assurer le contrôle des flux afin de répondre aux préoccupations des usagers.
La sécurité des transports en commun est une composante incontournable de l’action des forces de l’ordre. Les doctrines d’emploi en tiennent pleinement compte. En outre, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a demandé aux préfets d’y être attentifs en élaborant les plans d’action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, qui sont appelés à monter en puissance.
Dans ce domaine comme dans d’autres, le continuum de sécurité est fondamental : qu’il s’agisse des exploitants et de leurs services de sécurité, des autorités organisatrices des transports ou des polices municipales, chacun a son rôle à jouer en la matière. La proposition de loi relative au renforcement de la sûreté des transports, texte d’initiative sénatoriale déposé à la fin de l’année 2023, devrait, à cet égard, offrir de nouveaux outils.
La sécurité dans les transports en commun est encore renforcée par de nombreuses conventions avec les opérateurs.
Les moyens humains ont bien sûr toute leur importance, mais leur renforcement ne saurait être la seule réponse. De nombreuses autres voies doivent être explorées : moins de bureaucratie, moins de procédures et de charges indues, moins d’impunité. Ce sont là autant de domaines dans lesquels nous avançons.
J’en viens maintenant à votre question précise.
Avant tout, je vous assure de la mobilisation des fonctionnaires de police du Mans, dont je tiens à saluer le travail.
D’après les données dont nous disposons, le nombre d’heures de mission des forces de gendarmerie dans les divers réseaux de transports a progressé de 25 % entre 2023 et 2024 dans le département de la Sarthe. Ce chiffre témoigne de l’importance que l’État accorde à cette question.
J’ajoute que le travail accompli porte ses fruits : en 2024, on a observé à la fois une baisse du nombre de victimes dans les transports en commun et une hausse du nombre de mis en cause.
Faut-il créer une unité spécialisée au Mans ? Notre ligne de conduite, vous le savez, est dictée par le pragmatisme, dans une logique de déconcentration. Nous n’allons pas décider depuis Paris si Le Mans a besoin d’une nouvelle unité de cette nature. Le projet reste de créer, à terme, une telle brigade de sécurisation des transports en commun. Toutefois, à ce jour, ce n’est pas la priorité de la direction départementale de la police nationale (DDPN). Vous pouvez néanmoins en être assuré : la lutte contre l’insécurité dans les transports en commun figure bien parmi ses priorités.
projets de l’état en termes de desserte des aéroports régionaux et d’aménagement du territoire
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 231, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cette année comme les précédentes – c’est désormais de coutume –, la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) va être affectée par la suppression de tous les trains de la journée : entre neuf heures trente et dix-sept heures trente, elle sera totalement fermée pour travaux, à partir du mois de mars prochain et jusqu’en janvier 2026.
Cette fermeture risque naturellement d’entraîner un report des flux de voyageurs sur les trains restants, le matin et le soir. Déjà, au cours des derniers mois, le service s’est fortement dégradé.
Il faut savoir que, pour janvier et février 2025, au titre du service que la SNCF qualifie de « normal », deux à quatre des dix allers-retours quotidiens sont supprimés, ce qui est déjà insupportable.
Une réduction supplémentaire du nombre de trajets se profile, d’ici quelques semaines, sans que l’on propose la moindre mesure de substitution aux habitants des départements traversés par le Polt. Cette perspective est tout simplement catastrophique pour l’équilibre économique et la dynamique desdits territoires, notamment pour le département de la Haute-Vienne.
Pour l’heure, les Haut-Viennoises et Haut-Viennois n’ont aucune solution de substitution à la fermeture partielle de cette ligne, du côté des transports collectifs. Les liaisons vers le TGV Ouest sont interrompues entre Limoges et Angoulême, et très fortement dégradées sur la ligne Limoges-Poitiers.
Dès lors, élus et représentants des milieux économiques de mon département me chargent de vous poser cette question : un rétablissement des vols entre Limoges et Paris, eux aussi supprimés, est-il possible pour faire face à la fermeture programmée de la ligne ferroviaire Paris-Limoges ?
Madame la ministre, l’État est-il prêt à s’engager pour compenser cette rupture de desserte, notamment en finançant une liaison aérienne de remplacement ?
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, mon collègue Philippe Tabarot, ne pouvant être présent au Sénat ce matin, m’a chargée de vous apporter cette réponse.
Comme vous le savez, les travaux programmés d’avril 2025 à janvier 2026 sont indispensables à la modernisation de la ligne Polt. Toutefois, pour minimiser leur impact sur les voyageurs, le Gouvernement a veillé à maintenir des dessertes ferroviaires aux heures de pointe du matin et du soir.
Vous évoquez le rétablissement d’une liaison aérienne entre Limoges et Paris comme solution de substitution.
La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a étudié en détail les différentes options qui s’offrent à nous. À cet égard, plusieurs obstacles juridiques et pratiques doivent être pris en compte.
Premièrement, les obligations de service public (OSP) sur cette liaison sont aujourd’hui éteintes ; elles devraient être entièrement redéfinies pour s’adapter aux besoins spécifiques de cette période de travaux.
Deuxièmement, le calendrier, très contraint, ne permet pas de lancer une procédure classique de délégation de service public, laquelle nécessiterait plusieurs mois de travail.
Toutefois, une autre solution est à l’étude : une exploitation commerciale sans subvention, laquelle pourrait être mise en œuvre plus rapidement. Nous travaillons avec les acteurs concernés pour définir un programme de vols adapté et étudier les différentes formes de soutien possibles dans le respect du droit européen.
M. le ministre des transports et ses services restent pleinement mobilisés pour accompagner les collectivités territoriales dans la recherche d’une solution. Il convient d’assurer au mieux la connectivité du territoire pendant cette période de travaux, tout en respectant le cadre juridique et budgétaire qui s’impose à nous.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.
J’insiste de nouveau sur les enjeux d’aménagement du territoire que soulèvent les projets de l’État en matière de transports.
Si les situations comme celle que je viens d’exposer sont devenues récurrentes, c’est parce que, dans le département de la Haute-Vienne, comme ailleurs, les problèmes d’enclavement ne sont toujours pas résolus, en dépit des alertes que les parlementaires lancent inlassablement.
L’enclavement pénalise des territoires entiers. Chargé d’évaluer la pertinence de la création d’une nouvelle école vétérinaire, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a ainsi émis des réserves quant au choix de la ville de Limoges,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Christian Redon-Sarrazy. … en particulier du fait de la faiblesse de la desserte ferroviaire.
augmentation des tarifs ferroviaires et évolution de l’offre de la sncf
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 273, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question porte sur les transports ferroviaires.
Les Français sont de plus en plus nombreux à choisir le rail : à preuve, le train a vu le nombre de ses voyageurs augmenter de 3 % entre 2022 et 2023. Cette aspiration se heurte toutefois à une réalité tarifaire préoccupante.
Le prix moyen des billets Ouigo est passé de 27,60 euros à 34,20 euros en quatre ans, soit une augmentation de 24 %. Les tarifs inOui ont quant à eux bondi de 6 % pendant la seule année 2024. De telles augmentations risquent d’exclure de nombreux Français du transport ferroviaire.
La situation est d’autant plus préoccupante, voire choquante, que le PDG de la SNCF a récemment déclaré que « le TGV n’[était] pas un service public ». « Prendre le TGV a son prix », a-t-il ajouté, annonçant une nouvelle hausse des tarifs de 1,5 % pour 2025. L’augmentation dépasserait ainsi 10,5 %, en deux ans.
Cette politique est d’autant plus problématique qu’elle s’accompagne d’une réduction de l’offre. En effet, le déclassement de 100 rames en parfait état en 2013 et le transfert récent de 14 rames Duplex en Espagne ont considérablement réduit notre capacité. Les chiffres sont éloquents : l’offre TGV inOui a baissé de 24 % en dix ans.
Certes, la SNCF a pris la mesure de cet enjeu en lançant le programme Obsolescence déprogrammée, mais les retards de livraison des nouvelles rames TGV M par Alstom complexifient la situation.
Comment le Gouvernement entend-il garantir une politique tarifaire permettant réellement l’accès au train pour tous ?
Comment comptez-vous accélérer le renouvellement du parc de rames TGV et assurer que les choix stratégiques de la SNCF s’alignent sur les besoins des Français ?
Enfin, n’est-il pas temps de repenser le modèle de financement de notre réseau ferroviaire, qui fait aujourd’hui peser 40 % du prix du billet sur le financement des infrastructures, cas unique en Europe ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Monsieur le sénateur Pierre-Antoine Levi, avant tout, soyez assuré de toute l’attention que les membres du Gouvernement, notamment M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, portent sur l’accessibilité des tarifs des transports publics en général et des tarifs voyageurs de la SNCF en particulier.
En tant qu’opérateur d’un service librement organisé, la SNCF dispose d’une autonomie de gestion pour fixer sa politique tarifaire, gérer son parc de matériel roulant et adapter son offre de transport à grande vitesse.
Si les prix des services ferroviaires librement organisés ont fortement chuté du fait de la crise sanitaire, ils ont fait l’objet d’un rattrapage de l’indice des prix à la consommation en 2023. Pour l’année 2025, en revanche, les prix des cartes Avantage, de la carte Liberté ainsi que des abonnements Max Jeune et Senior seront gelés.
Pour les billets de TGV inOui, la SNCF a mis en place un bouclier tarifaire limitant la hausse moyenne des prix au niveau de l’inflation anticipée pour l’année 2025, soit 1,5 %.
Par rapport à 2019, la progression du prix moyen d’un billet grande vitesse est inférieure à 10 %, alors même que l’indice des prix, reflétant l’inflation générale, a augmenté de l’ordre de 20 %.
De plus, SNCF Voyageurs a fortement développé l’offre Ouigo, qui permet de proposer des trajets à prix bas pour plus de soixante destinations. En 2025, plus de la moitié des billets Ouigo seront à moins de 30 euros.
Mon collègue Philippe Tabarot est particulièrement attentif au financement des mobilités : cet enjeu sera au cœur d’une conférence nationale qui se tiendra au printemps prochain. Les points sur lesquels vous insistez seront largement débattus dans ce cadre et l’ensemble des acteurs, parmi lesquels, bien sûr, les parlementaires, seront associés à cette conférence, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, qui rassurera certainement les millions de Français qui prennent régulièrement le train.
Nous connaissons l’opiniâtreté du ministre chargé des transports, Philippe Tabarot, au sujet du ferroviaire. (Mme la ministre acquiesce.) Nul doute qu’il arrivera à convaincre les autorités compétentes, sinon de revoir les prix, du moins de leur accorder une attention particulière. J’y insiste, les tarifs aujourd’hui pratiqués pénalisent beaucoup de Français.
augmentation du taux de cotisation des collectivités locales
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 149, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Céline Brulin. Le Gouvernement a imposé, sans la moindre concertation préalable, une augmentation de douze points du taux de cotisation employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), régime de retraite des agents territoriaux et hospitaliers. Un décret a été pris à cette fin, dans la précipitation, au mois de janvier dernier.
De ce fait, les collectivités territoriales subiront un surcoût de 1,2 milliard d’euros au titre des dépenses de fonctionnement, que le Gouvernement leur demande par ailleurs de diminuer…
Les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), également en tension, verront eux aussi leurs dépenses de fonctionnement exploser. Le Sdis de Seine-Maritime devra ainsi assumer 4 millions d’euros supplémentaires par an.
Les hôpitaux, que l’on sait en très grande difficulté, ne pourront pas absorber ce coût supplémentaire, sauf à dégrader encore les conditions de recrutement et de travail des soignants.
Certes, le régime de la CNRACL affichait un déficit de 3,8 milliards d’euros en 2024, mais l’augmentation des cotisations employeur est-elle, pour le Gouvernement, le seul moyen d’y faire face dans la durée ?
Depuis des années maintenant, la CNRACL pallie le déficit d’autres régimes de retraite. Depuis les années 1970, cet effort représente une ponction de l’ordre de 100 milliards d’euros. Sans ces prélèvements répétés, la CNRACL disposerait de réserves suffisantes pour les dix prochaines années, à taux de cotisations constants.
Le Gouvernement entend-il ouvrir un dialogue de fond sur la situation de la CNRACL ? Nous avons besoin d’une véritable concertation associant les collectivités territoriales, les Sdis et les hôpitaux, ainsi, sans doute, que les agents et leurs organisations syndicales. Ce faisant, nous pourrons envisager des solutions durables et soutenables, en lieu et place de ponctions qui ne feront qu’aggraver la situation d’acteurs majeurs du service public.