M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, monsieur le rapporteur, cher Bernard Buis, monsieur l'auteur de la proposition de loi Daniel Salmon, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir pour l'examen de cette proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie.
Monsieur le sénateur Salmon, je le dis d'emblée, je partage votre constat : bien plus qu'une simple frontière entre deux champs, la haie est un véritable instrument au service de la transition écologique et de l'agriculture – je dis « et », mais l'on pourrait tout aussi bien dire « la transition écologique dans l'agriculture ».
Les haies rendent aux agriculteurs des services non seulement environnementaux, mais également agronomiques : elles participent à limiter l'érosion des sols pour nos cultures, ce qui est essentiel dans le contexte de pluies abondantes que nous avons connu en 2024 ; grâce à la biodiversité riche qu'elles abritent, elles contribuent à la lutte contre les ravageurs de cultures ; elles sont des refuges pour la biodiversité, offrant des espaces de reproduction, de repos et d'alimentation pour les espèces ; elles jouent un rôle essentiel dans la filtration de l'eau ; elles sont un atout pour l'élevage, en offrant des abris, des garde-mangers et de la litière ; elles stockent du carbone et fournissent de la biomasse pour l'alimentation des chaudières.
Gérée durablement, la haie est un levier efficace de la transition écologique. Elle contribue à la baisse des émissions carbone comme à l'adaptation au changement climatique et elle permet de lutter très concrètement contre l'effondrement de la biodiversité.
Avec celui de l'agriculture, mon ministère s'est emparé de ce sujet et a impulsé plusieurs dispositifs pour encourager la gestion durable des haies et les a consignés au sein du pacte global en faveur de la haie. Lancé en 2023, ce pacte fixe un objectif ambitieux : enrayer le déclin du linéaire de haies et atteindre un gain net de 50 000 kilomètres de haies d'ici à 2030.
Pour y parvenir, avec le soutien de la planification écologique, le pacte prévoit un appui à la gestion durable des haies, au développement de pépinières d'arbres, ainsi qu'à la plantation de haies agricoles. Il facilite également la formation à l'agroforesterie.
Parallèlement, un observatoire a été lancé pour mieux connaître et préserver les haies, par une meilleure appréhension de leur développement, de leur gestion, de leur production de biomasse et de leur valorisation.
Pour accompagner ces actions, des dispositifs de soutien ont été créés.
Tout d'abord, dans le cadre de l'écorégime de la politique agricole commune (PAC), le bonus haie finance la présence et la gestion durable des haies. Afin d'encourager encore plus d'agriculteurs à s'engager dans ce chemin de durabilité, nous avons revalorisé ce bonus de 7 euros par hectare à 20 euros par hectare. Il s'agit d'un soutien très concret.
Ensuite, les agriculteurs peuvent également souscrire une mesure agroenvironnementale et climatique (Maec) pour compenser les éventuels surcoûts et les pertes de revenus liés à la mise en œuvre d'une gestion ambitieuse des haies.
En outre, nous avons lancé un nouveau dispositif de paiements pour services environnementaux, constituant une nouvelle façon de rémunérer les agriculteurs. Lancé en 2020, ce dispositif enregistre déjà des résultats encourageants. Sur les 113 projets engagés jusqu'à présent, qui représentent environ 3 000 agriculteurs, la moitié incluent des indicateurs relatifs aux haies.
Par ailleurs, d'ici à la fin de l'année, plus de 900 exploitants agricoles auront obtenu le label Haie, premier dispositif de certification des pratiques de gestion durable des haies et des filières de distribution du bois issu du bocage.
Nous avons également inclus les haies dans nos dispositifs de financement innovants. Nous avons notamment lancé la labellisation bas-carbone par la méthode Haies, qui comptabilise la séquestration du carbone dans les sols et la biomasse générée par la gestion des haies bocagères.
Ces efforts viennent compenser l'absence, à ce jour, de modèle économique simple et autoportant pour inciter à la plantation et à la gestion durable de haies. Il convient de reconnaître que les dispositifs de soutien n'ont pas tous atteint leurs objectifs et doivent gagner en maturité. Il est également essentiel de développer une filière d'utilisation de la biomasse issue de la haie.
Mais l'ambition du Gouvernement ne s'arrête pas là : nous voulons restaurer des continuités écologiques, car les haies sont essentielles pour la circulation des espèces entre les différentes zones et habitats. De plus, pour assurer la préservation de la haie, nous avons décidé de la protéger au sein des documents d'urbanisme.
Enfin, mon ministère a lancé la marque Végétal local, qui assure une traçabilité des plantes et des graines, lesquelles sont prélevées localement, ce qui renforce la résilience des haies face au dérèglement climatique grâce à leur diversité génétique.
Ces dispositifs nombreux s'inscrivent dans un même objectif : renforcer la place de la haie dans notre pays et dans nos paysages.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été déposée dès 2023 par le sénateur Salmon, avant même la présentation du pacte en faveur de la haie, et porte évidemment la même ambition. Elle constitue une consolidation bienvenue des politiques que nous avons déjà engagées et je tiens, monsieur le sénateur, à saluer l'esprit de votre proposition de loi et votre travail pour nos haies et notre agriculture.
Si ces ajouts sont importants et utiles, vous conviendrez sans doute avec moi que, si nous voulons développer les haies dans notre pays sans alourdir le travail de nos agriculteurs et de nos administrations, le pacte pour la haie doit rester ce qu'il avait l'ambition d'être : une feuille de route souple et agile, qui ne crée pas des prétextes à des contentieux contre ceux qui s'investiraient dans cette démarche. Celle-ci doit également pouvoir évoluer en fonction de l'avancée des connaissances sur le sujet, en particulier en ce qui concerne ses objectifs quantitatifs.
C'est pourquoi il me semble prématuré, et même contre-productif, d'inscrire dès à présent des objectifs quantifiés dans la loi. En effet, la certification que nous mettons en place se déploiera progressivement. Les trajectoires pourraient être amenées à évoluer en fonction des données de l'observatoire de la haie, qui est, je le rappelle, en cours d'installation. À ce stade, l'inscription dans la loi de l'objectif de 50 000 kilomètres net d'ici à 2030 me semble donc suffisante.
Dans cette même démarche d'agilité et de souplesse, je ne suis pas favorable à l'inscription de plusieurs niveaux de certification ou à une formalisation trop détaillée du comité de suivi. À trop formaliser, nous risquons de complexifier et de nuire aux objectifs de la loi.
En revanche, la loi peut poser les principes de la « gestion durable », en définir les grandes lignes et prévoir les modalités de sa garantie par un contrôle adéquat. Ce contrôle pourra être précisé ultérieurement par arrêté interministériel.
La reconnaissance des certifications durables, notamment dans la filière de l'énergie, jouera un rôle précieux pour aider à valoriser économiquement les haies de manière pérenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi s'inscrit dans la dynamique actuelle de nos politiques publiques afin d'ancrer durablement les haies dans nos territoires et de les intégrer à notre stratégie de transition écologique et énergétique. Je tiens donc à saluer l'unanimité dont elle a fait l'objet en commission des affaires économiques, et j'espère que nos débats de ce matin s'inscriront dans le même esprit de coconstruction. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d'abord notre collègue Daniel Salmon et l'ensemble du groupe écologiste d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi qui, loin d'être un enjeu secondaire, relève d'un principe fondamental.
En effet, 23 000 kilomètres de haies en moyenne disparaissent en France chaque année. La région Bretagne, qui est une terre de bocage, mais aussi une terre d'élevage, ne fait pas exception. Dans mon département, et notamment dans le Trégor, 159 kilomètres de haies ont disparu au cours des vingt années qui viennent de s'écouler.
Comme cela a été rappelé précédemment, les haies préservent la biodiversité. À ce titre, notre pays du Trégor recèle un bocage complexe : aux bocages de bord de mer, qui sont des talus nus, succèdent à l'intérieur des terres des talus plantés, puis de la haie plantée. Cette richesse contribue activement au maintien et à l'enrichissement de la biodiversité.
Toutefois, la haie a bien d'autres qualités que celle de préserver la biodiversité.
Tout d'abord, les haies participent à façonner et à organiser nos territoires. Par exemple, à Plouaret, qui est un grand canton rural – que chacun connaît ici, n'est-ce pas ? (Sourires.) –, 85 kilomètres de route et 45 kilomètres de chemins de randonnée sont enchâssés dans des espaces de talus planté. La gestion de ce bois de bocage permet aussi d'alimenter deux chaudières à bois assurant le chauffage de plusieurs établissements publics.
La haie allie ainsi proximité et diversité. Surtout, elle sert notre agriculture à plusieurs égards.
Tout d'abord, si les haies disparaissent, il en reste néanmoins encore 7 000 kilomètres dans le périmètre de mon intercommunalité, où elles ont également vocation à tenir les fermes. Dans le territoire du Trégor, il existait jadis une forme de fermage un peu particulière : les agriculteurs et les exploitants devenaient propriétaires des haies qu'ils construisaient sur les champs qu'ils exploitaient en signant des covenants. Ce mode d'appropriation a naturellement favorisé le développement des haies ; nous gagnerions à nous souvenir de cette petite histoire.
Plus largement, les haies ont une utilité pour les éleveurs. Par exemple, je connais des éleveurs qui laissent des haies au milieu de leurs parcelles de manière que les bêtes s'abritent des intempéries en hiver, mais aussi de la chaleur en été.
En outre, l'association entre les haies et les talus qui les portent parfois retient les eaux de pluie, ce qui évite le lessivage des sols et permet de restituer l'eau en période d'étiage pour soutenir les débits des rivières – ce sont, en quelque sorte, des mini-bassines. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Il convient donc de soutenir cette proposition de loi à plusieurs titres, tant du point de vue de l'écologie et de l'aménagement du territoire que de celui de la protection de notre agriculture et de notre élevage.
Je conclurai par une remarque : l'entretien des bocages reposant grandement sur les agriculteurs, moins il y aura d'agriculteurs, moins il y aura de haies. Sachons nous en souvenir lors de tous les débats à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et RDPI, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer particulièrement l'auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, qui sont parvenus à trouver des accords sur un sujet important et même, comme vient de le dire Gérard Lahellec, fondamental.
Trouver des compromis sur des enjeux majeurs pour l'avenir de notre pays, voilà ce qui est actuellement demandé à la représentation nationale. Cette proposition de loi, mais également la proposition de résolution que nous venons d'adopter s'inscrivent dans cette optique. Bien entendu, les enjeux environnementaux sont au cœur de cet avenir.
Les sinistrés des inondations d'Ille-et-Vilaine, dont plus de 1000 avaient été déplacés ce matin, non plus que les maires de Loire-Atlantique, qui gèrent la crise liée à la montée des eaux depuis le début de la semaine – à qui je rends hommage – ne nous demandent de faire de nos hémicycles des lieux de posture, d'instrumentalisation, voire de brutalisation du débat public. Ils nous demandent de trouver des solutions à de graves problèmes, qui, du fait du réchauffement climatique, s'aggraveront mécaniquement si nous ne faisons rien.
Face aux inondations, l'urgence est de ralentir le grand cycle de l'eau. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) l'écrit noir sur blanc dans son avis sur le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), adopté ce 28 janvier à la quasi-unanimité, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) à France Nature Environnement, des réseaux de collectivités au Mouvement des entreprises de France (Medef).
Pour y parvenir, chacun connaît le rôle clé des haies : ce sont des éponges précieuses, qui évitent les écoulements trop rapides, lesquels sont à l'origine d'inondations de plaines. C'est par exemple ce qu'il se passe ces derniers jours dans la commune de Saffré en Loire-Atlantique, où une personne est déjà morte noyée l'année dernière.
Nous savons aussi l'importance des haies pour la biodiversité et la production de biomasse. Cette importance a été soulignée hier lors de la présentation du dernier avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), à laquelle j'ai assisté. Cet avis a été adopté à la quasi-unanimité – cent dix-huit voix pour, une contre –, et présenté à la fois pas un représentant des chasseurs et une représentante du WWF (World Wide Fund for Nature).
Plusieurs recommandations de cet avis coïncident avec cette proposition de loi : la création d'un observatoire, la fixation de trajectoires chiffrées, ou encore l'instauration de mécanismes financiers de soutien.
Entre le CNTE, le Cese et la communauté scientifique, le consensus sociétal est très fort. Il est donc de notre responsabilité de traduire en politiques publiques concrètes et efficientes ce que nous demandent les acteurs représentatifs de notre société.
J'insiste notamment sur la question essentielle de la rétribution du monde agricole pour ce qu'on appelle de manière technocratique et désincarnée les externalités et les aménités qu'il suscite. La préservation de la biodiversité, notamment des pollinisateurs, la production de bois-énergie et la lutte contre les inondations participent historiquement de la culture paysanne. Le bocage n'a pas été créé pour faire joli ; il a été développé et entretenu pour ses fonctionnalités.
À cause du réchauffement climatique, il est inéluctable que la société demande demain au monde agricole de développer plus encore ces services essentiels à son avenir. Le mécanisme de crédit d'impôt qui a été retenu dans cette proposition de loi constitue un premier signal en ce sens.
Je ne doute pas d'un vote massif du Sénat en faveur de ce texte proposé par le groupe GEST et Daniel Salmon, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Lucien Stanzione. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec solennité que je m'adresse à vous aujourd'hui pour évoquer la préservation et la reconquête de nos haies.
En effet, je ne vous entretiendrai pas de jolis arbustes alignés le long des clôtures de nos maisons, mais bien d'une bataille pour notre avenir, celle de la mise à profit des bénéfices qu'offre la biodiversité.
Nous examinons une proposition de loi historique, déposée le 5 juillet 2023 et adoptée à l'unanimité en commission des affaires économiques le 4 décembre dernier. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail de Daniel Salmon et du rapporteur Bernard Buis. Sans eux et sans la volonté de la commission des affaires économiques dans son ensemble, cette initiative n'aurait pas pu voir le jour.
Si je déplore plusieurs reculs par rapport aux ambitions du texte initial, il est important de souligner l'essentiel : chaque pas en avant compte. C'est pourquoi, dans un esprit de coopération, voire de compromis, nous soutiendrons cette proposition, qui marque une avancée majeure sur une question que nous ne pouvons plus ignorer et qu'il convient de traiter sans plus tarder.
Mes chers collègues, les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis les années 1950, 70 % des haies ont disparu, soit environ 1,4 million de kilomètres, principalement sous la pression du remembrement, qui a structuré la politique agricole productiviste d'après-guerre. Mais loin d'appartenir au passé, la destruction des haies connaît récemment encore des tendances à l'accélération, passant en moyenne de 11 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014 à plus de 23 500 kilomètres par an depuis lors.
Cette perte tourne à la tragédie pour nos écosystèmes, nos sols, nos cultures et notre climat. Car ces haies ne sont pas de simples éléments paysagers ; elles sont de véritables infrastructures naturelles. Elles jouent un rôle clé à plusieurs égards.
Tout d'abord, elles protègent les sols : elles en freinent l'érosion et les nourrissent grâce à des interactions complexes. De plus, elles contribuent au stockage de l'eau et à la climatisation des espaces. En stockant le carbone, elles favorisent l'infiltration de l'eau de pluie et brisent la violence des vents asséchants.
Elles préservent également la biodiversité – elles servent de gîte, de couvert et de corridors écologiques à la faune essentielle de nos écosystèmes –, mais aussi l'agriculture. Tous les services rendus par la haie améliorent les rendements en protégeant cultures et élevages, tout en offrant une diversification des revenus par l'exploitation intelligente et locale de la biomasse engendrée. Elles constituent de surcroît un élément important d'aménagement du territoire.
Malheureusement, ces multiples bienfaits n'ont été compris que tardivement, après avoir été beaucoup trop négligés. L'urgence est donc d'agir avant qu'il ne soit trop tard.
Certains territoires tentent déjà de préserver ce patrimoine, notamment dans les plaines du sud de la France. Je pense en particulier à la plaine de Carpentras, en Vaucluse, où le mistral a forcé les générations successives à façonner un maillage dense de haies. Celles-ci sont principalement constituées de cyprès, qui sont désormais remarquables. Conçues et orientées pour résister aux vents violents, elles jouent un rôle crucial pour les cultures maraîchères et fruitières, en particulier pour la viticulture, tout en participant de l'identité paysagère de la région.
Des initiatives de sauvegarde existent, et le parc naturel régional (PNR) du Mont-Ventoux est à cet égard un exemple remarquable de ce que nous pouvons accomplir : lauréat de l'appel à projets national du pacte en faveur de la haie, il s'est engagé à restaurer et à promouvoir l'agroforesterie sur plus de 94 000 hectares. Grâce à un accompagnement technique et à des financements publics, vingt exploitations agricoles pourront profiter de programmes innovants, mêlant préservation paysagère, gestion durable et création de systèmes agroforestiers.
Toutefois, ces efforts sont encore fragiles, d'autant plus qu'ils dépendent de budgets publics, malgré leur importance cruciale pour nos territoires.
Mes chers collègues, mon groupe votera pour cette proposition de loi. Faisons de cette journée un tournant pour l'agriculture, l'environnement et les générations futures. Les haies ne sont pas de simples vestiges du passé ; elles sont la clé pour l'avenir ! Restaurons-les, promouvons-les, afin de porter haut les couleurs de nos territoires empreints de sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
(Mme Sylvie Robert remplace M. Loïc Hervé au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Marne est le département du Grand Est qui a planté le plus de haies dans le cadre du programme « Plantons des haies ! ». Et elle n'a pas eu besoin d'un texte supplémentaire pour le faire !
Au début de 2021, l'État engageait 50 millions d'euros dans le cadre du plan France Relance pour déployer la trame verte et bleue à l'échelle nationale, notamment par le biais du programme « Plantons des haies ! ».
Dans mon département, l'association Symbiose, qui réunit l'ensemble des parties prenantes – chercheurs, agriculteurs, chasseurs, apiculteurs, naturalistes, techniciens, financeurs – a mis en place un guichet unique pour proposer des projets clés en main. Cette initiative fut un réel succès : plus de 110 agriculteurs volontaires marnais ont rencontré la fédération des chasseurs ou la chambre d'agriculture de la Marne en 2021 et 2022, donnant lieu à 84 projets accompagnés et un total de 167 kilomètres de plantations.
Les haies, qui sont à la fois un outil et une ressource, remplissent de multiples fonctions. Elles participent à l'aménagement du territoire, abritent une forte biodiversité et constituent une ressource exploitable et valorisable. En effet, au-delà de leurs effets bénéfiques directs pour les cultures et les exploitations, les haies constituent une ressource économique pouvant se convertir en un supplément de revenu : bois d'énergie, bois de chauffage et bois d'œuvre.
J'irai même plus loin : les haies peuvent avoir une vocation pédagogique. Le 24 janvier dernier, à Courcy, un village de la Marne situé près de Reims, une plantation s'est déroulée de dix-huit heures trente à vingt-deux heures pour permettre à des scolaires d'y assister et d'aider les agriculteurs.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À Michery dans l'Yonne aussi !
M. Cédric Chevalier. Je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission, qui avait dans un premier temps révisé les objectifs chiffrés initiaux. Toutefois, nous soutenons l'effort du Gouvernement pour mettre en cohérence ce texte avec les engagements ayant déjà été pris dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité et du pacte en faveur de la haie présenté en septembre 2023 par le ministère de l'agriculture.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi visant à supprimer dix-sept organismes dits Théodule, contre vingt-sept figurant dans la rédaction initiale. Selon son auteur, Nathalie Goulet, leur « utilité ne semble pas avérée ».
Nous reconnaissons l'intérêt légitime d'une telle démarche, que nous ne pouvons que soutenir dans son principe, ainsi que l'implication de notre collègue en la matière. Toutefois, lors de premiers échanges avec l'intéressée, j'ai pu faire part de ma perplexité sur le contenu même du texte, notamment sur les critères retenus pour déterminer les comités concernés. Ce sentiment s'est renforcé au fur et à mesure des débats qui ont eu lieu en commission.
D'après l'exposé des motifs, les partisans du maintien de ces organismes devraient déployer une certaine « imagination » pour justifier leur position. Ils en ont fait preuve ! En témoignent les nombreux amendements, y compris ceux qu'a déposés M. le rapporteur.
En effet, l'ensemble des comités mentionnés étant d'emblée qualifiés d'« inutiles », cette proposition de loi est dominée par une vision partiale. Vous reconnaissez d'ailleurs, madame Goulet, vous être essentiellement appuyée sur le jaune budgétaire de cette année, texte annexe au projet de loi de finances, pour proposer la suppression de ces organismes sur le seul fondement de la tenue ou non de réunions. Pourtant, certaines de ces structures – nous vous l'avons dit – ne se réunissent que sur demande, lorsqu'un motif le justifie !
En analysant attentivement les vingt-sept comités figurant dans la rédaction initiale de la proposition de loi, il est apparu rapidement que la situation était bien plus complexe que celle qui est décrite dans l'exposé des motifs. Nous ne pouvons pas juger de l'utilité d'un organisme à partir du seul critère du nombre de réunions organisées et sans mise en regard avec l'objectif fixé et les missions qui lui sont dévolues. Prenons l'exemple, que vous avez donné vous-même, de la suppression de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. Cette mesure a provoqué à juste titre des réactions, que vous avez su pleinement entendre.
Nous reconnaissons tous que l'évaluation, la clarification et la simplification administrative sont des chantiers indispensables pour garantir l'efficacité des politiques publiques. Pour ce faire, il est indispensable d'aborder la question de façon objective, avec une méthode et des critères plus précis. À ce titre, je salue le travail de M. le rapporteur, lequel, au fil des débats sur les amendements en commission, s'est efforcé avec pragmatisme, ouverture et rigueur d'introduire un peu de discernement – le terme a été employé – au sein des propositions formulées.
Sont désormais exclus du texte plusieurs organismes. Je n'en citerai que quelques-uns.
Sont ainsi concernés le Conseil national des opérations funéraires, indispensable pour légiférer sur un secteur sujet à de nombreuses attentes, la commission d'évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, grâce à une mobilisation assez forte en faveur de son maintien, la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), qui a pour mission de favoriser le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales et qui se réunit très régulièrement, notamment pour évoquer les enjeux essentiels de notre diplomatie.
Malgré ces évolutions, la proposition de loi demeure insatisfaisante en l'état. Le rapporteur suggère d'ailleurs de nouvelles suppressions d'articles, remettant ainsi en cause l'abrogation des structures qui y sont visées. Comme vous l'avez évoqué, madame la sénatrice, de telles modifications réduiraient singulièrement l'ambition de ce texte.
Certains articles suscitent toujours des interrogations, car ils visent à abolir des structures dont le travail est reconnu, considéré comme crucial du fait de ses effets, notamment sur la mise en œuvre des décisions au sein des domaines concernés. Permettez-moi de prendre deux exemples.
D'une part, le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire (CSESS) apporte une contribution majeure à la coconstruction des politiques publiques. Son maintien est demandé par l'ensemble des acteurs.
D'autre part, la suppression du comité du secret statistique au profit du Conseil national de l'information statistique revêt un faible intérêt dans la mesure où elle conduirait ce dernier à créer en son sein une sous-commission pour exercer les mêmes missions. Quel progrès !
Nous pourrions également prendre l'exemple d'autres structures : l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle, la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives… L'ensemble de ces organismes ont connu une forte mobilisation en leur faveur.
Cette proposition de loi est un peu dans l'air du temps : même si nous sommes loin de l'Argentine, nous entendons beaucoup parler de tronçonneuse… Malheureusement, le texte est bien éloigné de l'ambition initiale. Il ne répond pas à l'objectif partagé d'une simplification, pourtant nécessaire, des commissions et des instances consultatives.
En ce sens, lors de l'examen de ce texte en commission, nous avons proposé la création d'un groupe de travail transpartisan. Celui-ci permettrait de mener sur l'ensemble des 313 comités une étude plus méthodique, non partiale, et de faire preuve de discernement. Nous pourrions d'ailleurs nous appuyer sur les critères que vous avez évoqués, monsieur le ministre. En effet, ceux-ci pourraient tout à fait servir de fondement à notre travail afin de garantir l'objectivité de l'examen des contributions des différents comités.
Ce type de dispositif a déjà été mis en place par le Sénat, notamment dans le cadre de l'examen de la loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes, proposée par la mission Balai (Bureau d'abrogation des lois anciennes inutiles).
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Christophe Chaillou. Dans la mesure où il est nécessaire d'œuvrer avec plus de rigueur, il ne nous semble pas possible d'acter aujourd'hui la suppression des comités Théodule concernés.