M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. L’amendement présenté par Mme la ministre est très important. En effet, nous avons souvent déploré ces situations d’impasse dans lesquelles il n’existe pas de traitement alternatif ou de solution pour faire face à une maladie ou pour restaurer, notamment, la santé des plantes – des cas qu’il est fondamental de prioriser.

Pour autant, je voudrais être certain d’avoir bien compris le sens de l’amendement. La hiérarchisation des priorités résulte en effet d’une anticipation de l’Anses portant sur l’ensemble des impasses. J’espère que l’on ne décidera pas de donner la priorité à telle situation d’impasse, c’est-à-dire lorsqu’aucun traitement alternatif n’existe, plutôt qu’à telle autre ! Dans le cas contraire, cela voudrait dire que, pour certaines plantes ou maladies, on peut attendre, tandis que d’autres seraient prioritaires…

M. Bernard Jomier. C’est cela !

M. Daniel Gremillet. J’ai besoin que l’on me rassure en me confirmant que l’on ne fixera pas de priorités parmi les situations d’impasse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Comme l’a dit le sénateur Gremillet, cet amendement est très important. Je vais essayer de répondre aux diverses interrogations.

Monsieur Tissot, fixer des priorités à l’Anses en privilégiant des filières menacées de disparition n’est pas une remise en cause de l’indépendance de l’Anses ! Sinon, cela reviendrait à dire qu’un médecin qui a dix patients dans sa salle d’attente doit s’en occuper dans leur ordre d’arrivée, sans donner la priorité à celui dont la vie est en danger… (M. Guy Benarroche proteste.)

M. Laurent Duplomb. Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre. C’est la même chose !

Ce que nous souhaitons, c’est pouvoir dire à l’Anses, lorsqu’une filière encourt un risque mortel, qu’il serait judicieux de lui donner la priorité parmi la masse des dossiers qu’elle doit examiner. Cela ne préjuge en rien de la décision qu’elle prendra. Elle pourra même refuser, et à aucun moment il ne sera question d’orienter ses conclusions.

Je puis vous dire d’expérience que l’Anses protège scrupuleusement son indépendance, ce qui est normal puisque celle-ci est liée au statut que la loi lui a conféré.

J’en viens à la question qu’a posée M. Salmon sur la composition du conseil d’orientation de la protection des cultures. Cette composition sera la même que celle du comité des solutions mis en place par Agnès Pannier-Runacher lorsqu’elle était ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. La seule différence réside dans le fait d’inscrire l’existence de ce conseil dans la loi, et ce faisant de lui donner un statut.

Y seront représentés toutes les organisations professionnelles agricoles (OPA), les instituts techniques, l’Inrae, l’Anses, etc. C’était déjà le cas lorsque je présidais le comité des solutions ! Pour autant, il n’y a pas lieu d’en faire un cénacle de cinquante personnes…

Y siégeront également les représentants des firmes parce qu’il est très important qu’un débat puisse avoir lieu. Ainsi l’Anses pourra-t-elle solliciter des informations avant de rendre ses arbitrages.

Monsieur Gremillet, le ministre de l’agriculture présidera le conseil d’orientation pour la protection des cultures, au même titre que je présidais, en tant que ministre, le comité des solutions. La ministre de la transition écologique est également membre de ce conseil. Quant aux propositions de priorisation, elles seront arbitrées entre tous ses membres et ne porteront que sur un nombre limité de dossiers. En effet, si tout devient prioritaire, alors rien ne l’est plus.

Il ne s’agit pas d’arbitrer entre les situations d’impasse : là où il y a impasse, il y a priorité !

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Ce sujet est complexe, comme nous l’avons constaté lors des diverses auditions.

Je vous remercie de vos propos, madame la ministre, car c’est ainsi que les choses fonctionnent. À l’Inrae, par exemple, il y a un conseil d’orientation scientifique qui donne des impulsions de concert avec des représentants de la DGPE, entre autres, et qui élabore une stratégie avec des scientifiques, lesquels fixent des priorités fondées sur de véritables motifs scientifiques. À cet égard, je vous soutiendrai toujours !

Il est important, par ailleurs, de travailler en partenariat avec le ministère de la transition écologique parce qu’il faut entendre tout le monde. À partir de ce socle, on pourra introduire du bon sens et éviter ces décisions qui étaient prises trop souvent en catimini, en l’absence de transparence, car les ministères de tutelle n’avaient pas l’habitude d’avertir les ministères chargés des questions économiques.

Je présenterai une série d’amendements sur ce sujet, non pas pour embourber le débat ou pour endormir mes collègues, mais parce qu’il s’agit de traiter cette problématique. On s’est en effet aperçu que le dialogue de gestion ne se nouait pas entre le comité des solutions et d’autres instances dont les conseils d’administration ne comptent pas suffisamment d’agriculteurs et qui ne peuvent pas se saisir des dossiers – nous en reparlerons.

L’Anses a créé une grosse difficulté, notamment, au sujet des nouvelles techniques génomiques (NTG), qui intéresse particulièrement notre collègue Gremillet. En se saisissant toute seule de ce dossier, elle a mis en difficulté la Commission européenne, et cela a provoqué une réaction en chaîne ; ainsi, des universitaires belges se sont crus obligés de faire de même… Il convient de cadrer les choses, car on ne fait pas de politique avec une agence !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 66 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 67, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Au onzième alinéa de l’article L. 1313-1, les mots : « , pour les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que » sont supprimés ;

…°Au deuxième alinéa de l’article L. 1313-6-1, les mots : « des produits phytopharmaceutiques et adjuvants mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, » sont supprimés ;

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Depuis plusieurs années, la France subit un déclin alarmant de sa souveraineté alimentaire, passant pour ses exportations du deuxième rang mondial au cinquième, et ce en deux décennies seulement. Entre 2011 et 2021, notre solde commercial agricole a chuté de 12 milliards à 8 milliards d’euros et nous importons désormais 50 % de ce que nous consommons, soit deux fois plus qu’en l’an 2000.

Face à cette situation, il est impératif de revoir les mécanismes de décision stratégique dans le domaine agricole. Le transfert à l’Anses, en 2014, de la compétence de délivrance des AMM de produits phytopharmaceutiques a montré ses limites. Si cette agence fournit un éclairage scientifique essentiel, elle ne prend pas en compte les enjeux économiques, commerciaux et stratégiques liés à ces autorisations. Cela crée des distorsions de concurrence avec nos partenaires européens et fragilise encore davantage notre agriculture.

Cet amendement vise à redonner au ministère de l’agriculture la compétence de délivrance de ces autorisations, en s’appuyant sur les avis scientifiques de l’Anses, tout en assurant un arbitrage équilibré entre les impératifs sanitaires, environnementaux et économiques. Il s’agit d’un choix de souveraineté et de pragmatisme pour permettre à notre agriculture de répondre aux défis d’aujourd’hui sans être pénalisée par les interdictions arbitraires.

Ce retour au bon sens est indispensable pour garantir la compétitivité de nos agriculteurs, préserver notre autonomie alimentaire et réaffirmer le rôle stratégique du ministère de l’agriculture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Nous avons eu, dans le passé, ce débat au sein de la commission des affaires économiques. L’Anses doit-elle délivrer des AMM ? La réponse est oui, dans la mesure où elle est aujourd’hui la seule instance à détenir l’expertise et les ressources pour assurer cette mission.

Nous nous étions demandé s’il fallait de nouveau confier ladite mission au ministère de l’agriculture, mais nous avions rapidement conclu que ce n’était pas envisageable. C’est bien parce que le système antérieur était défaillant, et notamment que les délais étaient beaucoup trop longs, que cette compétence avait été transférée à l’Anses.

Je vous invite donc à réfléchir, d’abord, à la façon d’améliorer le fonctionnement de cette agence.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons déjà eu ce débat ; je n’y reviens donc pas. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Cambier, Chasseing, Grand, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Gacquerre, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin et Mmes Josende et Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 1313-1 il est inséré un article L. 1313-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1313-1-… Lorsqu’une décision relative à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation prévues aux alinéas onze à treize de l’article L. 1313-1 présente un risque avéré de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne, le ministre chargé de l’agriculture ou le ministre chargé de l’économie peut saisir le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché prévu à l’article L. 1313-6 du même code d’une demande de rapport qui doit être publié, au plus tard, 30 jours après la saisine.

« Ce rapport présente les détails de la balance entre les risques sanitaires et environnementaux et les risques de distorsion de concurrence sur le marché européen. Il en présente également les conséquences pour le marché français et évalue l’efficience des solutions alternatives.

« Une annexe au rapport intègre un avis de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

« Si les conclusions du rapport s’avèrent négatives pour le marché français alors le ministre de l’agriculture effectue une demande de dérogation auprès des instances de l’Union européenne. » ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je vais retirer cet amendement, madame la ministre, car le travail qui a été fait me satisfait.

Je précise simplement que si l’on avait fait une étude d’impact et analysé correctement la situation, au lieu d’interdire bêtement les néonicotinoïdes pour « faire de la poloche », on n’en serait pas là ! On se serait en effet aperçu que l’acétamipride qui était utilisé avait reçu le label « Abeille » délivré par l’Anses… (Exclamations sur les travées du groupe GEST.). Cela vous fait mal de l’entendre, mes chers collègues du groupe GEST, mais c’est le cas : en 2016 et 2017, ce label, le plus difficile du monde à obtenir, a été délivré par l’Agence à ce produit !

J’indique, accessoirement, que l’acétamipride, vous en avez partout dans votre maison, dans les produits Stop Insecte, dans les colliers antiparasitaires pour chiens, etc. On oublie de dire que cela ne pose aucun problème ! (M. Daniel Salmon le nie. – M. Laurent Duplomb sexclame.)

M. le président. Seul M. Louault a la parole !

M. Vincent Louault. Excellent, monsieur le président ! (Sourires.)

Je souhaite revenir sur quelques points, madame la ministre.

Lorsque l’acétamipride a été interdit, la direction générale de l’alimentation (DGAL) n’a même pas eu le courage de notifier la décision aux firmes parce qu’elle avait peur que celles-ci ne forment un recours !

L’Anses a produit une mise à jour de l’AMM de l’acétamipride à la demande de l’AESA en 2020 et 2021 parce que son AMM est toujours valable.

Si l’acétamipride devait être réintroduit demain, il serait utilisable dès le lendemain de la promulgation de la loi, contrairement à ce qui nous a été dit lors des auditions, lorsque l’on nous avait affirmé qu’il faudrait produire de nouveau une AMM. Cette assertion provenant des services du ministère de la transition écologique était totalement fausse et mensongère ! Il faudrait d’ailleurs que je me fasse expliquer cela par les professionnels qui travaillent au sein de l’AESA, car eux, au moins, sont transparents ! (M. Laurent Duplomb applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié octies est retiré.

L’amendement n° 26 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie, L. Vogel et Cambier, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte, Gacquerre et Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le deuxième alinéa de l’article L. 1313-3 est supprimé ;

…° Au troisième alinéa de l’article L. 1313-4, les mots : « mentionnées à l’article L. 1313-3 » sont supprimés ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Voilà encore une situation complètement exceptionnelle : aujourd’hui, les syndicats, par exemple la CGT ou la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ou de nombreuses associations – des gens très bien, là n’est pas la question – peuvent saisir l’Anses, dont on nous dit pourtant qu’elle n’a pas assez de temps pour travailler… Puisque tout le monde peut la saisir, elle se retrouve embourbée !

Je propose qu’on limite cette possibilité de saisine aux associations dont les représentants siègent au conseil d’administration de l’Anses. Cet amendement a reçu un avis défavorable en commission ; sur ce point, j’affronte les excellents administrateurs du Sénat, qui travaillent jour et nuit…

Encore une fois, si tout le monde se met à saisir l’Anses, cela ne pourra pas coller !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. M. Louault a donné lui-même la réponse à sa question… Les saisines d’associations, et notamment de syndicats, représentent moins de 2,5 % du total des saisines de l’Agence.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. En effet, le nombre de saisines émanant d’associations est relativement faible.

Avis défavorable.

M. Vincent Louault. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 26 rectifié nonies est retiré.

L’amendement n° 27 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci et Bonhomme, Mme Housseau, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le cinquième alinéa de l’article L. 1313-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …°Des représentants d’organisations professionnelles et syndicales agricoles ; »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié nonies est retiré.

L’amendement n° 23 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1313-6-1, après le mot : « décision », sont insérés les mots : « relative aux onzième à quatorzième alinéas de l’article L. 1313-1, consulter ou bien être saisi par un ou plusieurs membres du comité d’évaluation des autorisations de mise sur le marché, » ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je le retire.

Madame la présidente de la commission, vous apprécierez mes efforts ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié nonies est retiré.

L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Menonville, J.M. Boyer, D. Laurent et Bacci, Mme Di Folco, M. Sido, Mme Valente Le Hir, MM. Le Rudulier et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Khalifé, Somon, Chaize et Sol, Mmes Ventalon, M. Mercier et Evren, M. Bouchet, Mmes Joseph et Dumont, MM. Chevalier et Chasseing, Mme Gacquerre, MM. Daubresse et V. Louault, Mme Bonfanti-Dossat, M. Reynaud, Mmes Puissat, Lopez et Pluchet, M. Karoutchi, Mme Romagny, M. Rochette, Mmes Gosselin et Malet, MM. Rietmann, Genet, Hugonet et Savin, Mmes Dumas, Micouleau et Paoli-Gagin, MM. J.P. Vogel, Pointereau et Rapin, Mme Demas, M. P. Vidal et Mme Hybert, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 253-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation de mise sur le marché relative à des produits utilisés en agriculture, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est tenue, préalablement à l’adoption de toute décision de rejet, de communiquer les motifs pour lesquels elle envisage de rejeter la demande. Ces motifs sont communiqués dans les meilleurs délais, de façon à permettre au demandeur de produire des observations écrites. Ces observations sont prises en compte par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail aux fins d’adoption de sa décision. » ;

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement, relatif à la procédure contradictoire au terme de laquelle l’Anses rend ses décisions, est assez simple : je souhaite que l’Agence motive ses décisions de rejet d’AMM et qu’elle fournisse au demandeur de l’autorisation des éléments tangibles motivant le rejet, au lieu de se contenter de donner une réponse très succincte. En effet, après des mois, voire des années de recherche, et alors que des dizaines de milliers, voire des millions, d’euros ont été investis pour lancer un produit, il n’est pas possible de se satisfaire d’un non catégorique qui ne s’accompagne pas d’explications.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement visant à favoriser le dialogue qui doit s’instaurer entre le demandeur et l’Anses, j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le principe du contradictoire existe avec les pétitionnaires, c’est-à-dire les firmes ! J’ajoute que les firmes seront présentes au sein du conseil d’orientation pour la protection des cultures, ce qui permettra d’instaurer ce dialogue.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Nous vivons ce principe du contradictoire puisque notre collègue veut ajouter quelque chose… (Sourires.)

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Si le contradictoire existe, madame la ministre, alors mon amendement ne saurait vous poser de problème puisqu’il ne vise pas à prévoir autre chose que ce qui se fait déjà !

Vous nous dites que ce principe existe ; je puis vous dire, quant à moi, après avoir entendu l’ensemble des demandeurs d’AMM, que ce dialogue n’a pas lieu.

Votons mon amendement ! S’il est adopté, soit ce qui se fait déjà continuera à se faire, soit il sera possible de demander à l’Anses de faire ce qu’elle devrait faire, mais qu’elle ne fait pas. (Sourires au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je soutiens cet amendement de M. Duplomb, qui touche là du doigt un problème dont on m’a également fait part.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. On voit au travers de ces amendements que, une fois de plus, l’économie prime la sécurité et la santé. (Mme la présidente de la commission proteste.)

Il s’agit très clairement de compliquer encore la tâche de l’Anses (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) en prévoyant des discussions à n’en plus finir avec les fabricants, qui mettent tous les jours de nouvelles molécules sur le marché, ce qui induit des coûts colossaux pour la puissance publique. C’est un véritable problème !

Ce primat de l’économie, on le retrouve à beaucoup d’endroits. Je ferai un petit parallèle : on a parlé de distorsion de concurrence et de priorités ; cela me fait penser à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui a beaucoup travaillé sur la corrosion sous contrainte (CSC). S’il n’avait pas eu la liberté de le faire, les gouvernements et l’exploitant, EDF, lui auraient-ils demandé d’étudier ce sujet ?

Il faut faire attention à ne pas porter atteinte à l’indépendance de ces agences et à préserver leur capacité d’effectuer les recherches qui leur semblent pertinentes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Effectivement, cet amendement n’est pas neutre. En l’absence de contradictoire, on s’appauvrit. Il y a des chercheurs partout, et permettre leurs échanges n’enlève rien au rôle majeur de l’Anses. Au contraire, cela fortifierait les débats et permettrait de développer davantage la connaissance et le savoir.

M. Laurent Duplomb. Et l’acceptabilité !

M. Daniel Gremillet. C’est vrai pour tout dans la vie, on a besoin de s’enrichir ! (M. Laurent Duplomb acquiesce.)

Je ne serai pas plus long : je soutiens cet amendement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 80 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 18

Remplacer ces alinéas par treize alinéas ainsi rédigés :

a) Le I est remplacé par des I à I ter ainsi rédigés :

« I. – Sous réserve des I bis et I ter, la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite.

« I bis. – A. – Pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.

« B. – Les programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253-7, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil peuvent être autorisés, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, sur les parcelles agricoles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %, sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte greffes conduites au sol.

« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentant les exploitants et les salariés agricoles, définit les conditions d’autorisation de ces programmes dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

« I ter. – A. – Par dérogation au I du présent article, des programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits mentionnés au B du I bis peuvent être autorisés, dans les conditions fixées aux B et C du présent I ter, sur des parcelles et des cultures autres que celles mentionnées au B du I bis lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« B. – Les programmes mentionnés au A du présent I ter sont autorisés à titre d’essai pour une durée maximale de trois ans.

« Les essais visent à déterminer, pour un type de parcelles ou un type de cultures, les avantages manifestes de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« Leurs résultats sont évalués par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

« Les évaluations sont présentées à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

« Un décret, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, définit les conditions d’autorisation et les modalités de réalisation de ces essais, ainsi que les modalités de transmission de leurs résultats à cette agence.

« C. – Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé dresse la liste des types de parcelles ou des cultures pour lesquelles les résultats des essais mentionnés au B montrent que la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement.

« Pour les types de parcelles ou pour les cultures inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent C, un programme d’application par aéronef circulant sans personne à bord peut être autorisé dans les conditions prévues au B du I bis. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à autoriser l’utilisation de drones pour la réalisation de traitements au moyen de produits phytopharmaceutiques, dans des conditions encadrées.

Je le redis, l’utilisation des drones permet le développement d’une agriculture de précision, qui favorise la diminution de l’exposition à ces produits, tant pour l’environnement que pour les opérateurs. Ce bénéfice rend légitime l’autorisation de la pulvérisation par drone, comme le prévoit d’ailleurs la directive européenne instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, qui indique que le recours aux drones doit présenter « des avantages manifestes » pour « la santé et l’environnement ».

Pour autant – je le sais et vous en êtes les témoins, mesdames, messieurs les sénateurs –, ce sujet peut provoquer des inquiétudes. Le recours aux drones doit intervenir dans le cadre de programmes préalablement autorisés.

Le débat sur l’autorisation de ce mode de traitement a eu lieu à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la proposition de loi déposée par le député Fugit. Le présent amendement s’appuie sur ces travaux et reprend le dispositif équilibré auquel ils ont abouti.

Nous prévoyons ainsi un encadrement strict de ces pratiques et une approche progressive de leur autorisation, c’est-à-dire une démarche par étape s’appuyant sur les acquis de l’expérimentation de trois ans réalisée en application de la loi Égalim.

Par cet amendement, nous prévoyons également que de nouvelles expérimentations seront nécessaires pour permettre le déploiement de la technique.

En somme, après une demande aura lieu une expérimentation ; si cette dernière est concluante, elle sera pérennisée. Nous procéderions par expérimentations successives, au regard des besoins.

M. le président. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme Jouve et M. Masset, est ainsi libellé :

Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« I bis. – Par dérogation au I, la pulvérisation aérienne par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques au sens du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, de produits de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 du code rural et de produits autorisés en agriculture biologique est autorisée dans les cas suivants :

« 1° Lorsque les conditions techniques rendent impossible l’application par voie terrestre, notamment en raison de la pente, de l’accessibilité des parcelles ou de la hauteur des parties végétales à traiter ;

« 2° Lorsqu’elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ;

« 3° En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé définit les conditions d’application de la présente dérogation, notamment les critères techniques permettant de caractériser l’impossibilité de traitement par voie terrestre, conformément à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement de mon collègue Raphaël Daubet vise à clarifier les conditions dans lesquelles la pulvérisation par drone peut être autorisée. Nous voulons en particulier mettre l’accent sur les situations dans lesquelles des contraintes techniques rendent impossible le traitement par voie terrestre.

Il s’agit notamment de prendre en compte la réalité du terrain dans les zones escarpées et difficiles d’accès, mais également la hauteur des parties végétales à traiter en arboriculture, qui fait obstacle à l’efficacité du traitement.

Cet amendement vise à définir un cadre clair pour limiter au strict nécessaire la pulvérisation par drone, qui ne serait autorisée que lorsque les conditions techniques rendent impossible l’application terrestre sur les cimes des arbres les plus hauts, ou lorsqu’elle présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement.

M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Bilhac et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 17