Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour un exercice étrange et largement formel : voter les conclusions d'une CMP considérées comme rejetées par les députés à la suite de l'adoption d'une motion de censure, le 4 décembre dernier. Cette étape est néanmoins nécessaire pour que le PLFSS suive son cours à l'Assemblée nationale et pour que la sécurité sociale bénéficie, au bout du compte, d'un cap pour l'année 2025.

Le constat est d'autant plus regrettable que, pour la première fois depuis fin 2010, la commission mixte paritaire avait abouti à une rédaction commune. Comme tout accord, il a nécessité des compromis ; n'en déplaise à certains, ils étaient nécessaires. L'esprit de responsabilité qui a présidé à nos débats en première lecture a guidé la délégation sénatoriale pour parvenir à un accord.

Si tout n'était pas parfait, le projet de loi conservait la logique que nous voulions lui insuffler : d'une part, des efforts partagés par tous – assurés, actifs, retraités, employeurs, acteurs de la sécurité sociale, professionnels de santé et gestionnaires des caisses de la sécurité sociale, tous étaient mobilisés –, d'autre part, la préservation des emplois et de la qualité des services.

À ce titre, je tiens à revenir sur la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, qui est toujours d'actualité. Nous défendions des efforts pour les entreprises pour mieux protéger les postes. De fait, la rédaction du Sénat n'avait aucune répercussion sur ces derniers.

En outre, le texte de la CMP visait à maintenir plusieurs mesures dont l'objet était d'améliorer tant la lutte contre la fraude que la pertinence des soins. Nous reviendrons notamment sur la carte vitale biométrique et sur l'utilisation du dossier médical partagé.

Pour la première fois, un dispositif de responsabilisation des patients était introduit. Nous en sommes à l'origine et nous continuerons de le défendre. Toutes ces décisions, nécessaires, doivent être conservées.

Par ailleurs, le Sénat avait soutenu l'initiative de contribution de solidarité par le travail. Il faut discuter avec les partenaires sociaux du fléchage d'un tel financement sur le grand âge, notamment sur l'autonomie, car une telle mesure commande selon nous une loi spécifique, dont l'examen est urgent. Celle-ci doit nous permettre de développer une vision pluriannuelle.

À cet instant, je souhaite évoquer le coût exorbitant de la censure. Il s'élève à 12 milliards d'euros selon les estimations et à plus de 4 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale, dont nous craignons que le déficit n'atteigne, faute de texte, les 30 milliards d'euros. Du jamais vu !

Mes chers collègues, si la censure n'avait eu pour conséquence qu'un changement de gouvernement, c'eût été un moindre mal, mais les répercussions budgétaires de cet épisode sont importantes.

En outre, des mesures attendues par tous n'ont pu être mises en œuvre. Je pense notamment aux dispositions en faveur des agriculteurs. Pour l'instant, ces derniers attendent la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), l'amélioration du calcul des pensions de retraite de la profession et le cumul de l'exonération applicable aux jeunes agriculteurs et des taux réduits de cotisations.

Je pense également aux outre-mer. Ces départements et territoires attendent des décisions essentielles étant donné la situation qu'ils connaissent.

Par ailleurs, nous souhaitons conserver les dispositifs visant à soutenir les établissements de santé et les collectivités territoriales : évolutions apportées à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les Ehpad, aide de 200 millions d'euros en faveur des départements pour que ces derniers assurent leurs missions, particulièrement à destination des Français les plus âgés.

Nous nous sommes mobilisés en faveur de ces mesures qui ont été vues sous un jour plutôt favorable et par l'ensemble des partis politiques représentés en commission mixte paritaire et par les professionnels qui ont été consultés.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. Surtout, nous en tirerons les enseignements lorsqu'il s'agira de défendre en deuxième lecture, avec une constante détermination, un certain nombre de principes : rigueur budgétaire, association de l'ensemble des acteurs au redressement des comptes du pays, préservation de la qualité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin, M. Olivier Henno et M. François Patriat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a presque deux mois, le 26 novembre dernier, la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 s'est réunie. J'ai eu l'honneur d'y représenter notre groupe. Conclusive pour la première fois depuis quatorze ans, nous avons fait la démonstration qu'il existait une voie de passage afin de faire adopter un texte essentiel à la protection de nos concitoyens.

Malheureusement, l'irresponsabilité des députés de gauche et d'extrême droite en a décidé autrement. En votant en faveur de la motion de censure déposée sur ce projet de loi, les intéressés ont fait le choix d'aggraver la crise institutionnelle, économique et sociale que nous traversons. (M. Akli Mellouli s'exclame.)

Si cette fin d'année a constitué une trêve bienvenue et si la loi spéciale du 20 décembre dernier garantit le versement des prestations, la sombre réalité de nos comptes sociaux n'a pas disparu par magie. Le déficit de 18 milliards d'euros des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2024 nous le rappelle, tout comme les perspectives négatives pour les quatre années à venir.

Il nous revient donc, plus que jamais, d'engager sans délai des efforts importants pour retrouver la maîtrise de nos comptes sociaux et pour ne pas laisser une dette insoutenable aux générations futures.

Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, le groupe RDPI s'était majoritairement abstenu, considérant qu'il subsistait quelques points de divergence importants, en particulier à l'article 6. Le texte de compromis issu de la CMP dégage des mesures d'économies soutenables tout en garantissant des moyens accrus aux secteurs en ayant le plus besoin. Après avoir été corapporteure de la mission d'information sénatoriale sur la situation des Ehpad, je suis heureuse que l'urgence qu'il y a à financer le secteur ait été prise en compte.

Le groupe RDPI soutient le compromis trouvé à l'article 6. Alors que le gouvernement Barnier souhaitait réaliser 4 milliards d'euros d'économies au travers de la refonte du système d'allégement des cotisations patronales, le texte de la CMP ramène l'effort à 1,6 milliard d'euros.

Mes chers collègues, notre groupe a été le seul à défendre unanimement et à voter au Sénat la suppression de cet article. Au-delà du risque de destruction de plusieurs dizaines de milliers de postes, revenir sur les politiques de soutien à l'emploi que nous menons avec réussite depuis 2017 était inconcevable, au risque d'effacer les succès obtenus sur le front du chômage. Au contraire, favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises c'est améliorer l'état de nos comptes sociaux. Le compromis trouvé en CMP sur cet article est donc une bonne nouvelle pour l'emploi.

Sur le volet relatif aux outre-mer, qui tient tant à cœur à notre groupe, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, nous nous satisfaisons que le texte préserve l'existence du dispositif issu de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom. Celui-ci est essentiel pour l'attractivité économique des territoires ultramarins. Si le texte de la CMP nous paraît très acceptable, les députés repartiront néanmoins la semaine prochaine de la version du Sénat.

Par ailleurs, nous accueillons avec enthousiasme la récente annonce du Premier ministre de rehausser les dépenses de l'Ondam pour 2025 de 3,3 % par rapport à 2024, au lieu des 2,8 % envisagés, afin de soutenir l'hôpital, qui en a bien besoin.

Je salue aussi l'annonce d'un Ondam pluriannuel – il était temps ! Comment, en effet, réformer notre système de santé sans vision politique, qui impose de regarder loin tout en agissant vite au service de nos concitoyens, de leurs médecins et de leurs soignants ?

Mes chers collègues, ce PLFSS n'est ni un simple exercice comptable ni une guerre entre branches, qui sont toutes aussi essentielles les unes que les autres. Il s'agit avant tout d'un véritable contrat social, qui doit nous engager et incarner notre devoir de garantir l'équité médico-sociale sur l'ensemble de nos territoires.

Il en va de même pour les retraites. Nous saluons la décision du Premier ministre de remettre la question sur la table en donnant la main aux partenaires sociaux, sans tabou. Sur ce sujet comme sur le PLFSS, notre groupe est ouvert à plus de justice sociale et à une meilleure protection de nos concitoyens, tout en prenant garde à la soutenabilité budgétaire.

Je répète en cet instant, avec gravité, que les Français nous demandent de nous retrousser les manches et de travailler ensemble au service de l'intérêt général, sans sectarisme. Alors, plus que jamais, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, faisons enfin preuve de responsabilité. Pour notre part, nous y sommes prêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a deux mois, presque jour pour jour, j'entamais mon explication de vote sur le PLFSS en affirmant que l'inédit devenait la norme. Je ne croyais pas si bien dire !

Le lendemain, le 27 novembre, un accord en commission mixte paritaire était trouvé – une première depuis quatorze ans. S'en est suivi l'engagement de la responsabilité du Gouvernement à l'Assemblée nationale puis la censure et l'absence d'adoption des budgets. En matière d'inédit, nous avons atteint une forme de paroxysme.

Notre groupe partage le souhait du Gouvernement d'écourter cette période d'incertitude et d'instabilité en repartant non pas d'une feuille blanche, mais des débats précédemment menés au Parlement. Même si cet exercice nous contraint à discuter d'un texte déjà obsolète, il nous permet également, madame la ministre, de préciser ce que notre groupe attend du PLFSS pour 2025.

D'abord, trois de nos amendements retenus dans la rédaction de la CMP doivent selon nous être conservés.

Premièrement, il faut maintenir l'extension aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de l'exonération de cotisations patronales pour l'emploi des aides à domicile. Chaque année, cet amendement est adopté par le Sénat avant de disparaître en commission mixte paritaire.

Deuxièmement, il faut retenir le report de la date de candidature à l'expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD).

Troisièmement, il faut conserver l'expérimentation permettant aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole d'opter pour que leurs cotisations soient calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette fixée forfaitairement. L'amendement concernant cette disposition est cher à notre collègue Henri Cabanel.

Ensuite, je qualifierai la prévention de puissant levier de transformation de notre système de santé. Notre groupe salue l'annualisation des examens bucco-dentaires de 3 à 24 ans, ainsi que la nouvelle campagne de vaccination contre la méningite dans les collèges. Les efforts de pédagogie doivent être renforcés, y compris sur la grippe, qui connaît un pic de mortalité effarant cette année – on pourrait atteindre les 10 000 morts !

Ce coût humain ainsi que les fortes tensions qu'il engendre à l'hôpital sont à mettre en regard du faible coût financier de la vaccination. Nous devons être plus convaincants sur ce dernier sujet, y compris chez les soignants, qui se protègent peu. L'obligation ne doit pas être un tabou ; à titre personnel, j'y suis favorable.

Nous souhaitons également maintenir les mesures en faveur de la santé sexuelle, comme la généralisation des centres spécifiques, la meilleure prise en compte des personnes en situation de handicap et l'expérimentation visant à rembourser, avant le dépôt de plainte, les tests et analyses de détection de soumission chimique. Nous travaillons sur ce dernier point au sein d'une mission gouvernementale.

Nous soutenons certaines mesures qui permettent d'améliorer l'offre de soins, comme la lutte contre les rendez-vous non honorés et l'exonération de cotisations d'assurance vieillesse pour les médecins libéraux en cumul emploi-retraite. La généralisation de l'expérimentation permettant aux infirmiers de signer des certificats de décès est une excellente mesure, que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années.

Enfin, je veux mentionner la question du financement. Travailler sur la pertinence des prescriptions est essentiel, mais exiger toujours plus de formulaires et donc d'administratif correspond-il au schéma de simplification tant attendu ?

D'autres mesures de rationalisation des dépenses recueillent notre préférence, telles que le plafonnement des rémunérations des intérimaires paramédicaux, les outils contre la fraude, dont l'interdiction des sites fournissant des arrêts de travail de complaisance, et la carte vitale biométrique.

Le plafond de l'Ondam est appelé à être relevé en nouvelle lecture. Nous ne pouvons qu'y souscrire. Toutefois, ne nous y trompons pas : sans vision pluriannuelle, sans stabilité, sans réforme structurelle, le répit sera de courte durée. Une trajectoire de redressement est nécessaire. Celui-ci doit être rapide, car il garantit seul la pérennité d'un système de santé auquel nous sommes tous attachés.

À chaque problème, la réponse n'est pas d'investir plus d'argent. Il nous faut nous attaquer à la gouvernance : plus de décentralisation, moins de bureaucratie... La crise covid a d'ailleurs démontré qu'il était possible de mener une telle lutte.

Si le financement de la sécurité sociale continue de reposer presque exclusivement sur les actifs, dans un contexte de baisse de la natalité et de hausse du coût de la santé, il nous faudra ouvrir sans tabou ni posture dogmatique le chantier du temps de travail et de l'employabilité des seniors, et trouver le courage d'oser d'autres pistes d'abondement, déjà largement évoquées dans cet hémicycle.

La quasi-totalité de notre groupe n'est pas favorable à la mise en place d'une seconde journée de solidarité. Nous considérons que les efforts ne doivent pas toujours reposer sur les actifs. À tout le moins, si les Français travaillent plus, il faut les payer plus.

Nous souhaiterions également aller plus loin sur la fiscalité comportementale, notamment sur les produits transformés tels que le tabac et l'alcool. J'insiste personnellement sur l'alcool, dont les conséquences demeurent un tabou dans le pays du vin, alors qu'il cause 41 000 décès et coûte 102 milliards d'euros par an. Voilà un moyen de mieux prévenir les maladies, de baisser nos dépenses et d'augmenter nos recettes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Je suis d'accord !

Mme Véronique Guillotin. Pour conclure, afin de poursuivre la navette parlementaire et d'aboutir à l'indispensable adoption du budget de la sécurité sociale pour 2025, notre groupe ne s'opposera pas à ce texte. Nos voix se répartiront entre abstention et vote en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat relatif aux conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, après que celui-ci a fait tomber le gouvernement Barnier, est incontestablement un Ovni.

Je veux utiliser mon temps de parole pour évoquer, au nom du groupe UC, non seulement le paradoxe que constitue ce texte, mais surtout l'avenir de notre système de protection sociale et les principes auxquels nous sommes attachés.

J'ai pour conviction que le PLFSS voté par le Sénat en novembre dernier n'était pas mauvais – à cette occasion, je salue à nouveau le travail de Mme la rapporteure générale, des rapporteurs et de la commission des affaires sociales –, non plus que la rédaction que nous examinons. Une CMP conclusive est en soi une bonne nouvelle – quel paradoxe ! –, d'autant qu'un tel cas de figure ne s'était pas rencontré depuis longtemps. Pourtant, reconnaissons que nous n'avons pas pu nous réjouir très longtemps, car les germes de la censure apparaissaient à l'intérieur même de la commission. Je ne referai pas le match, d'autant que le PSG a gagné le sien hier… (Sourires.)

Au fond, le gouvernement Barnier est tombé pour avoir tenté de réguler nos dépenses sociales et refusé de laisser filer le déficit, pour avoir refusé aussi de considérer la dette comme la variable d'ajustement de nos débats budgétaires et de faire porter le fardeau de notre dette sociale sur les générations futures.

À mon sens, le plus grave est là : nous sommes depuis trop longtemps incapables d'équilibrer nos comptes sociaux et de renoncer à la facilité de s'endetter. Notre pays agit comme un toxicomane et sa drogue est la dette publique !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Tout à fait !

M. Olivier Henno. À bien y réfléchir, la chute du précédent gouvernement sur ce projet de loi n'est pas un hasard. Pourtant, beaucoup sur ces travées redoutaient ou pronostiquaient – autre paradoxe ! – une censure plutôt sur le projet de loi de finances. Faisons en sorte que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

Le PLFSS est un texte essentiel, parce qu'il est l'un des piliers, peut-être même le pilier principal, de la cohésion sociale française avec ses cinq branches : retraite, maladie, famille, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et autonomie, la petite dernière.

Aussi est-il tout de même inquiétant que le Gouvernement n'ait d'autre choix que de laisser filer le déficit. Les prévisions en la matière s'élèvent à 25 milliards d'euros, le montant le plus élevé hors période de crise.

Nous pourrions avoir la tentation de nous réjouir de l'augmentation de l'Ondam de 3,3 %. Je comprends ce sentiment, bien sûr, car les difficultés et le malaise des hôpitaux sont réels. Toutefois, nous devons avoir conscience qu'il n'est pas sérieux d'avoir un plafond toujours déconnecté du taux de croissance du produit intérieur brut. La situation est intenable.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Parfaitement !

M. Olivier Henno. Nous sommes l'un des pays qui dépensent le plus pour sa santé : plus de 12,5 % du PIB. Il n'est pas responsable d'augmenter encore cette proportion. Nous avons, monsieur le ministre, un devoir de régulation et de maîtrise de nos dépenses. Il en est de même pour celles qui sont relatives à la retraite, estimées à 14 % du PIB, l'un des taux les plus élevés d'Europe.

Une meilleure maîtrise est une obligation si nous voulons ne pas mettre en danger notre modèle social, d'autant que nous avons d'autres besoins, comme ceux des branches autonomie, pour les personnes âgées et handicapées, ou famille.

En tant que rapporteur pour cette dernière, permettez-moi de m'inquiéter de la nouvelle baisse de notre natalité : 663 000 bébés sont nés en France en 2024, soit 2,2 % de moins qu'en 2023 et 21,5 % de moins qu'en 2010. L'indicateur conjoncturel de fécondité s'établit maintenant à 1,62.

Ces chiffres doivent nous alarmer, mais, au fond, sont-ils si surprenants ? J'ai bien conscience que les causes sont multiples, notamment l'anxiété qui règne et qui est propagée dans la société française. Affirmons-le clairement : notre politique familiale n'est pas à la hauteur des enjeux. S'ajoutent à la fin de l'universalité des allocations familiales, décidée en 2015, la crise des modes de garde et la difficulté croissante pour les familles de trouver une place en crèche ou une assistante maternelle. En réalité, il est urgent de revisiter du sol au plafond notre politique familiale.

Mes chers collègues, les défis posés par le PLFSS 2025 sont nombreux. Pour y répondre, Élisabeth Doineau et Philippe Mouiller ont déjà évoqué les pistes du Sénat– je n'y reviendrai pas. Nous n'aurons d'autre remède que de mieux rémunérer les emplois et d'augmenter la quantité de travail produite tout au long de la vie : nombre de jours, d'heures, âge de départ à la retraite… Là est le seul remède possible pour créer de la richesse. Le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui est particulièrement affligeant, symptomatique de la situation politique que nous sommes en train de vivre.

Plutôt que de respecter le vote des Françaises et des Français lors des élections législatives anticipées de juin dernier, où la gauche est arrivée en tête en nombre de députés, ne vous en déplaise, le Président de la République préfère nommer des Premiers ministres issus de sa minorité parlementaire. Ceux-ci ne font pas long feu : Michel Barnier a tenu trois mois et huit jours, avant que votre sacro-saint 49.3 ne déclenche une nouvelle motion de censure.

L'examen du budget de la sécurité sociale s'est interrompu net. À son arrivée, le gouvernement Bayrou, pas plus légitime que le précédent, avait deux options.

La première consistait à écouter le peuple et ses représentants parlementaires en déposant un nouveau budget de la sécurité sociale, qui prenne en compte la situation de notre système de santé, qui abroge la réforme des retraites, qui mette à contribution les supers profits, etc.

La deuxième option consistait à faire l'autruche en reprenant le projet de loi du gouvernement Barnier. C'est évidemment ce choix qui a été fait.

Nous nous retrouvons aujourd'hui à devoir voter les conclusions d'une commission mixte paritaire surnaturelle sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Je résume pour celles et ceux qui auraient raté un épisode, car chacun y perd son latin.

Dans la saison 1, Petits arrangements entre amis, le gouvernement Barnier a joué le chrono en déposant un certain nombre d'amendements pour empêcher l'examen du texte dans le délai imparti.

Puis, le Sénat a modifié le texte en aggravant les mauvais coups : désindexation des pensions de retraite sur l'inflation, instauration d'une journée de sept heures gratuites pour financer prétendument le grand âge, suppression de l'indépendance du service de contrôle médical de l'assurance maladie et enfin étalement de l'augmentation des cotisations sociales des hôpitaux et des collectivités sur quatre ans au lieu de trois. Je parle, évidemment, de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Dans la saison 2, Poker menteur et trahison, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord pour la première fois depuis quinze ans entre les deux chambres. Les députés et sénateurs se sont accordés sur les 130 articles restant en discussion en supprimant la journée de sept heures et en réduisant les économies sur les exonérations patronales à 1,6 milliard d'euros, contre 4 milliards escomptés initialement par le Gouvernement.

La saison 3, que nous vivons actuellement, pourrait s'intituler : Illusion et désillusions. Nous faisons abstraction du passé, comme s'il ne s'était rien produit. Une fois que la majorité sénatoriale aura voté en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire, c'est le texte issu du Sénat qui sera présenté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Dans dix jours, nos collègues députés auront certes un droit d'amendement, mais amoindri par la règle de l'entonnoir.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. À quand la saison 4 ? (Sourires.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous voilà réduits à deviner les intentions du Gouvernement.

La ministre des comptes publics a confirmé que « travailler sept heures de plus par an, dès cette année, pour financer la dépendance des personnes âgées était une piste sur la table ».

Avant-hier, la ministre du travail a annoncé sur une radio qu'une ponction sur les pensions de retraite supérieures à 2 000 euros était envisagée, avant que le ministre des finances n'affirme le contraire ce matin. Vous naviguez complètement à vue, vous n'avez aucun cap !

Votre objectif est pourtant toujours le même : prendre dans la poche de ceux qui ont peu pour préserver vos amis du CAC 40, ces dirigeants dont la plupart n'ont pour seul mérite que d'être des héritiers !

Pour notre part, nous refusons les marchandages et les satisfecit autour d'un Ondam qui augmenterait de 3,3 %, voire de 3,6 % pour les hôpitaux, alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) en demande le double.

En réalité, vous compensez tout juste l'inflation et l'augmentation des cotisations de la CNRACL. En ce moment, près de 100 hôpitaux ont déprogrammé leurs opérations pour faire face à l'épidémie de grippe. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'y changera rien, car la logique reste la même : faire passer les intérêts financiers avant la santé des usagers.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky refuse ces choix politiques et votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Le citoyen d'aujourd'hui se sent comme un spectateur sourd assis au dernier rang : il a beau être conscient qu'il devrait prêter attention aux mystères qui se déroulent là-bas sur la scène, il n'arrive pas à rester éveillé. »

Comment ne pas le comprendre, ce citoyen peint par Walter Lippmann dans le Public fantôme, à l'heure où le Sénat doit se prononcer sur le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ?

Le 4 décembre dernier, dans un coup de tonnerre pourtant bien prévisible, l'Assemblée nationale rejetait ce texte. Du même coup, elle faisait tomber le gouvernement de Michel Barnier, acoquiné dès ses commencements à l'extrême droite, lui confiant même son destin.

Quelle leçon pour vous, monsieur le ministre ! Aucun démocrate ne peut accorder ne serait-ce qu'une once de confiance à la parole de l'extrême droite. Si l'on fait l'erreur tragique de la croire, aussitôt elle n'hésite pas à baisser le pouce dans une forme d'exécution publique et à détruire brique par brique nos institutions.

L'extrême droite ne dit jamais son nom véritable. Quand l'un de ses émissaires montre le bout de son nez, on dit : « C'est elle, vous croyez ? Il ne faut rien exagérer… » Puis un jour, cet émissaire accède au pouvoir et un salut nazi fait de nouveau la une des journaux.

Ne l'oubliez pas : le projet du Gouvernement pour le budget de la sécurité sociale ne doit rien devoir à l'extrême droite. Les Françaises et les Français l'ont clairement exprimé lors des dernières élections législatives : aucune compromission, aucune rupture du cordon sanitaire, aucune trahison du mandat populaire.

Dès lors, vous n'avez d'autre choix que de vous tourner vers les forces républicaines, notamment vers la gauche et les écologistes.

Pour l'heure, nous sommes contraints d'examiner ce texte fantôme et de procéder à un vote qui n'aura aucune autre conséquence que d'inscrire pour la postérité l'opinion que nous en avons. Pour la postérité donc, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte pour trois raisons.

D'abord, parce qu'il comporte des mesures antisociales que nous rejetons, au premier rang desquelles la désindexation – certes partielle – des pensions de retraite sur l'inflation, le déremboursement des médicaments, et ce malgré les annonces du nouveau Premier ministre, la « taxe lapin » pour les rendez-vous médicaux non honorés, la remise en cause – l'air de rien – des transports sanitaires et de certains appareils, notamment pour l'apnée du sommeil.

Ensuite, parce que ce texte ne répond à aucune des urgences de notre système de santé. Il prévoyait une évolution de l'Ondam de 2,6 % ; j'entends dire aujourd'hui qu'il s'agirait plutôt de 3,3 %, et même de 3,6 % pour l'hôpital, mais la Fédération des hôpitaux de France demandait 6 %, ce qui, loin d'être un luxe, est plutôt un minimum ! Quoi qu'il en soit, l'Ondam proposé aurait entraîné un accroissement de la dette des hôpitaux, déjà extrêmement fragilisés.

Ma collègue Solanges Nadille, avec qui j'étais corapporteure de la mission d'information du Sénat sur la situation des Ehpad, a évoqué le grave déficit que connaissent ces établissements. Or l'enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros est très en deçà des 800 millions euros de déficit estimés par la FHF en 2024 pour les Ehpad publics.

Enfin, parce que ce texte est dangereux pour l'équilibre financier de la sécurité sociale. J'entends déjà les propos de mauvaise foi selon lesquels « la censure a un coût », que ceux qui l'ont votée ont aggravé le déficit social. Mais rappelons que ce projet portait le déficit de la sécurité sociale à 18,3 milliards d'euros pour 2025, comme Mme la rapporteure l'a souligné.

À force de rejeter toutes les recettes que nous proposions, la droite avait fini par sortir du chapeau en commission mixte paritaire une mesurette d'économie de 600 millions d'euros, sans préciser sur quoi elle porterait : ce n'est vraiment pas sérieux !

Pour autant, certaines mesures présentes dans le texte allaient dans le bon sens ; nous serons attentifs à ce qu'elles soient maintenues au cours de la navette parlementaire. Je pense à la réforme des exonérations de cotisations sociales, au dispositif Handigynéco, à l'annualisation du rendez-vous « M'T dents », à la réforme de Mon soutien psy.

En conclusion, le destin de ce texte rappelle que l'avenir du budget de la France, comme celui de la sécurité sociale, ne se fera que dans un esprit de parlementarisme éclairé par la démocratie sociale.

Vous pouvez en être sûrs, monsieur le ministre, chers collègues, les écologistes seront au rendez-vous du débat parlementaire pour parvenir à nous doter d'un budget. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)