Mes auditions des opérateurs de l'eau, de la biodiversité, de l'information géographique et de la météorologie ont mis en évidence cette tension constante entre, d'une part, la nécessité de réduire nos déficits publics pour préserver notre capacité à piloter les dépenses publiques, et, d'autre part, le souci de maintenir notre expertise et notre réactivité afin d'anticiper les effets du changement climatique.
Pour cela, les moyens budgétaires de la mission soumis à notre approbation doivent prioritairement se concentrer sur les investissements qui préparent l'avenir, tout en répondant aux défis du présent.
Je sais que les opérateurs y sont vigilants et veilleront à ce que le « trou d'air » budgétaire de 2025 n'obère pas leur capacité à déployer, avec succès, nos stratégies environnementales.
Comme l'a rappelé notre collègue Christine Lavarde, les crédits inscrits en loi de finances pour cette année se caractérisent par une pause dans la trajectoire de relèvement continu des moyens consacrés à l'environnement.
La diminution est toutefois moins marquée qu'elle n'apparaît au premier abord, du fait des gels et annulations de crédits intervenus en cours de gestion en 2024.
C'est pourquoi j'ai la conviction que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » n'hypothèquent pas durablement la mise en œuvre et le succès de nos politiques environnementales.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes qui relèvent de sa compétence.
Je regrette toutefois la ponction de 130 millions d'euros opérée sur la trésorerie des agences de l'eau. Elle constitue un mauvais message envoyé aux acteurs de l'eau, lesquels, confrontés à de multiples défis, s'efforcent de mettre en œuvre, à l'échelle du bassin, la solidarité qui explique en partie la robustesse du modèle français de gestion de l'eau.
La résilience hydrique de notre pays se prépare dès aujourd'hui, avec les collectivités locales et les agences de l'eau. Nous devons donc veiller au respect du principe selon lequel l'eau paie l'eau, et non nos déficits publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapport pour avis budgétaire de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la transition énergétique et le climat s'est concentré, comme à l'accoutumée, sur trois thèmes : le verdissement des finances publiques, le développement des énergies renouvelables et la rénovation énergétique des bâtiments.
Concernant le verdissement des finances publiques, une nouveauté de ce budget est la première remise par le Gouvernement d'une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique.
Ce rapport, élaboré sans coordination interministérielle, manque de détails sur les leviers à actionner pour mobiliser les investissements privés.
La commission appelle à combler ce manque de stratégie concrète et à approfondir la réflexion menée pour les prochaines éditions.
Le « budget vert » de l'État révèle, pour 2025, une hausse des dépenses favorables à l'environnement, à hauteur de 42,6 milliards d'euros, soit 2 milliards de plus qu'en 2024.
Nous nous félicitons de cette hausse, qui résulte toutefois principalement de la baisse des prix de l'énergie.
Pour la première fois, les collectivités territoriales devront élaborer dès 2025 leur propre budget vert, une initiative encore prématurée pour les plus petites d'entre elles. Un accompagnement renforcé de l'État serait nécessaire pour éviter que cette obligation ne devienne une contrainte insurmontable.
Un maire de mon département de la Saône-et-Loire me rappelait ce week-end que cette contrainte pour les collectivités avait également un coût.
Les dépenses liées au soutien des énergies renouvelables – 6,6 milliards d'euros en 2025 – augmentent significativement en raison de la baisse des prix de l'énergie.
Malgré le caractère mécanique d'une telle hausse, une réflexion sur ces dépenses est nécessaire dans le contexte budgétaire que nous connaissons, sans remettre en cause le soutien aux énergies renouvelables.
Par ailleurs, le fonds Chaleur, financé par l'Ademe, joue un rôle central dans le développement de la chaleur renouvelable, un enjeu clé pour la transition énergétique.
Malgré son efficacité avérée, ses crédits seraient réduits en 2025, passant de 820 millions à 540 millions d'euros, soit une baisse de 35 %, ce qui compromettrait des projets cruciaux.
Une augmentation de 300 millions d'euros des autorisations d'engagement serait nécessaire pour aligner les moyens sur les ambitions. Tel est l'objet de l'amendement que la commission vous proposera d'adopter, mes chers collègues.
Enfin, en ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, MaPrimeRénov' a été réorganisée, en 2024, en deux piliers.
Cependant, des ajustements ont été nécessaires en cours d'année pour répondre à une baisse de la demande, ce qui a entraîné une sous-consommation importante des crédits. Ainsi, 1,7 milliard d'euros ont été utilisés sur les 4 milliards d'euros disponibles.
Pour 2025, une réduction des crédits à 2,5 milliards d'euros est prévue, ce qui pourrait freiner les rénovations pourtant nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques.
Des retards dans l'instruction des dossiers et une qualité variable des accompagnateurs agréés freinent également l'efficacité du dispositif, ce que j'ai pu constater sur le terrain en Saône-et-Loire.
Sous le bénéfice de l'adoption de l'amendement n° II-266, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable aux crédits relatifs à la transition énergétique et au climat inscrits au projet de loi de finances pour 2025, en dépit de réserves relatives au financement à la fois de la décarbonation de la chaleur et de la rénovation énergétique des bâtiments. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis, le 27 novembre dernier, un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques pour 2025, compte tenu de la trajectoire stable des financements dans un contexte de rationalisation budgétaire.
Je salue la consécration, au sein de la mission, d'un nouveau programme – le programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection » –, qui offre une lisibilité accrue des financements de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
En revanche, je regrette que la dénomination du programme 181 « Prévention des risques » soit de plus en plus en décalage avec les missions qu'il finance.
Sur les 1,3 milliard d'euros demandés en crédits de paiement, 400 millions d'euros seulement sont directement destinés à la politique de prévention des risques.
Les 900 millions d'euros restants financent la subvention pour charges de service public de l'Ademe. Or celle-ci ne concourt que faiblement à la prévention des aléas, dans la mesure où 40 millions d'euros seulement, soit 4,4 % des 900 millions d'euros, financent une mesure de mise en sécurité des sites pollués à responsables défaillants.
Ce programme devient un réceptacle inadapté à la bonne lisibilité des financements de la politique de prévention des risques.
Je souhaite appeler tout particulièrement l'attention du Gouvernement sur le financement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
Le Sénat a œuvré pour rendre possible la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), alors que cette mesure était loin de faire consensus au Parlement.
Aujourd'hui, la mise en œuvre de l'ASNR risque d'être perturbée par des moyens sous-dimensionnés, limitant par là même les capacités d'intervention de l'autorité.
Je défendrai tout à l'heure un amendement, adopté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui vise précisément à combler cette carence budgétaire, afin que la première année charnière de la fusion puisse être menée à bien.
Pour 2025, la commission a enfin identifié deux priorités en matière de prévention des risques.
La première est l'amélioration de la prise en compte des risques NaTech et des cyberattaques dans les plans de prévention des risques technologiques (PPRT).
L'accidentologie résultant de ces phénomènes tend à augmenter fortement ces dernières années. Aussi, j'appelle de mes vœux l'inclusion de ces risques dans la culture de gestion de crise des établissements.
La seconde priorité est l'impérieuse nécessité d'accroître nos interventions pour prévenir les risques inondation et retrait-gonflement des argiles.
Nous devons désormais vivre avec un risque omniprésent. En effet, les événements ibériques de novembre dernier nous rappellent le caractère irrémissible du danger. Il faut non pas tergiverser, mais tirer toutes les leçons de ces événements tragiques.
Notre regard doit également se poser sur un horizon plus lointain. Nous devons engager une réflexion au long cours pour appréhender l'avènement de risques plus insidieux, mais tout aussi destructeurs, comme le retrait-gonflement des argiles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le bilan de l'année 2024 nous montre une nouvelle fois le caractère irréversible des mutations induites par le changement climatique, alors même que nous sommes confrontés à un contexte économique particulier et que l'état de nos finances nous oblige à réduire nos dépenses publiques.
Depuis le début, le groupe Les Indépendants tient une ligne claire : l'État doit se recentrer sur ses missions régaliennes, auxquelles il faut ajouter la santé, l'éducation, l'environnement et les investissements pour l'avenir.
Les économies doivent par ailleurs se concentrer en priorité sur les dépenses de fonctionnement, et non sur notre capacité à investir, qui est indispensable pour prévenir les risques et relever les défis de demain.
Voilà tout l'enjeu de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont les crédits de paiement s'élèvent à 15,2 milliards d'euros et dont le plafond d'emplois avoisine les 37 000 équivalents temps plein (ETP) pour 2025.
Si l'État ne peut pas et ne doit pas tout faire, certaines actions, par leur nature et leur ampleur, ne peuvent relever que de lui.
Il en va ainsi des dépenses consacrées aux infrastructures de transport, à l'énergie ou à l'écologie, autant d'investissements collectifs d'avenir.
Ainsi, malgré les fortes contraintes qui pèsent sur le budget cette année, les Français ne pourraient pas comprendre, au vu des derniers événements climatiques majeurs, que les crédits alloués aux actions de cette mission soient fortement réduits.
Nous ne diminuerons donc pas davantage ces crédits, compte tenu des efforts déjà importants qui sont demandés. Je pense, principalement, aux baisses de crédits de l'Ademe et de l'OFB.
Sans remettre en cause l'importance des actions de ces organismes, des économies doivent être faites dès qu'elles sont possibles.
Ne nous trompons pas de débat, ainsi que nous avons pu l'observer ces derniers jours : not !re rôle est non pas d'édicter la feuille de route de ces opérateurs, mais bien de reconnaître l'importance du travail qui y est mené.
La décarbonation de notre économie, notre sécurité énergétique et notre adaptation au changement climatique sont indispensables. Pour faire face aux enjeux de demain, nous devons investir aujourd'hui.
Nous partageons les interrogations de la rapporteure spéciale concernant le nombre d'ETP. Le budget de la mission ayant fortement augmenté au cours des dernières années, il est normal d'être attentif et exigeant quant aux résultats. Nous devons pouvoir évaluer précisément les réalisations. Si des économies peuvent être faites sur les dépenses de fonctionnement, faisons-les.
Par ailleurs, les crédits de la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB) et ceux du fonds vert enregistrent dans ce PLF de fortes baisses. En 2024, les premiers avaient été fortement augmentés ; nous pouvons donc entendre, dans un contexte tendu, que des économies doivent être trouvées.
Pour autant, la biodiversité ne doit pas être reléguée au second plan.
De la même manière, que dire aux collectivités, à qui l'on demande d'accélérer la transition écologique quand, dans le même temps, on supprime les crédits du fonds vert ?
Oui, des économies doivent être trouvées et une stratégie sans doute plus efficace et mieux ciblée, définie, mais maintenons un cap clair et stable pour avoir de la visibilité dans nos investissements.
Les fortes baisses de crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » s'expliquent à la fois par le transfert de MaPrimeRénov' vers la mission « Cohésion des territoires », par la diminution des moyens alloués aux aides à l'achat de véhicules propres après l'incroyable succès, en 2024, du leasing social et du bonus écologique, ou encore par la réforme des modalités d'attribution du chèque énergie.
En revanche, les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » doivent permettre la continuité du service public.
C'est un moindre mal, mais les investissements – d'entretien, de régénération et de modernisation – portant sur les voies fluviales ou ferrées restent insuffisants au regard de l'état des infrastructures.
Nous sommes ici dans le strict nécessaire et nous devons faire plus pour l'avenir.
Permettez-moi de dire au passage quelques mots sur le ferroviaire, un sujet qui me passionne depuis de nombreuses années. Nous avons dans notre pays un patrimoine ferroviaire – gares, ouvrages d'art, ponts, tunnels, viaducs – exceptionnel.
N'oublions pas les lignes classiques, hors trains à grande vitesse (TGV), ainsi que les lignes de capillaire fret, qu'il est important de soutenir.
Dans le département que je représente, les Ardennes, des investissements ont été faits, par exemple entre Charleville-Mézières et Givet. D'autres restent à faire.
En tout état de cause, il faut une bonne communication entre les TGV et les trains express régionaux (TER), tant il est fréquent, en effet, de ne pas trouver de correspondances.
Les chantiers sont donc nombreux. Il faut aussi renforcer, nous y sommes très attentifs, les moyens humains dans les trains et dans les gares, pour l'achat de billets notamment.
Enfin, nous devons renforcer notre capacité à prévenir les risques naturels majeurs.
La prévention permet une économie future. C'est pourquoi nous soutenons un recentrage des fonds du programme 181 « Prévention des risques » sur de réelles mesures de prévention, comme celle qui sont mise en œuvre par le biais du fonds Barnier.
Cette mission tentaculaire est essentielle à notre avenir.
Je le répète : notre groupe soutient une baisse de la dépense publique, mais il s'oppose à la baisse des investissements pour demain. Les efforts demandés sont déjà suffisamment importants. (M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, et Mme Denise Saint-Pé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet et Mme Jocelyne Antoine applaudissent également.)
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dispose de treize minutes, il me faudrait treize heures !
M. Stéphane Piednoir. Tout de même !
M. Jean-François Rapin. Cependant, je n'utiliserai pas mon temps de parole en intégralité, tant il est vrai que certains avis sont partagés sur ces travées ; les propos des différents rapporteurs pour avis confirment ma pensée.
L'actualité ne cesse malheureusement de rappeler la présence des enjeux écologiques.
Entre catastrophes naturelles aux conséquences humaines dramatiques, chiffres alarmants et pressions médiatiques comme activistes, il n'est pas toujours évident d'appréhender ces questions avec sérénité.
Toutefois, je me réjouis de constater que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, contribue par ses travaux à l'apaisement sur ce sujet.
Par exemple, la proposition de loi de Christine Lavarde sur l'indemnisation des catastrophes naturelles a été adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée.
M. Philippe Tabarot, ministre. Excellent !
M. Jean-François Rapin. Reste à savoir si le Gouvernement désire renforcer la prévention et garantir la soutenabilité financière du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat, en inscrivant prochainement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Dans un contexte de changement climatique, il est nécessaire d'armer nos territoires pour qu'ils puissent faire face à des aléas toujours plus importants et réguliers, à l'image des inondations qui ont touché de nombreux départements : alors que le montant des dégâts aux biens assurables s'est élevé à 640 millions d'euros dans les seuls départements du Nord et du Pas-de-Calais, nous ne pouvons pas rester figés.
C'est ainsi que la commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont créé, à la demande du président Larcher, une mission de contrôle sur les violentes inondations survenues en France en 2023 et au début de l'année 2024, dont j'ai été rapporteur, avec mon collègue Jean-Yves Roux. Notre rapport a été adopté voilà quelques mois.
Plusieurs de nos recommandations ont été traduites dans une proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, qui a été déposée au Sénat très récemment. J'espère que notre message de simplification, de solidarité et d'adaptation sera entendu et que les dispositions proposées pourront être, à terme, appliquées.
La diversité des programmes, et donc des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui ont été présentés par ma collègue Christine Lavarde, témoigne d'une volonté d'agir des pouvoirs publics.
Vouloir agir est louable, mais faut-il encore s'en donner les moyens, et ce tout en diminuant notre déficit public. Ce jeu d'équilibriste est loin d'être évident. Je tiens à remercier la rapporteure spéciale d'avoir mené ce travail d'analyse de longue haleine, qui l'a encore occupée la nuit dernière.
À la lumière de la baisse des crédits, dont le mouvement avait été amorcé par le précédent gouvernement, l'objectif de rationalisation de la dépense publique apparaît clairement dans ce PLF 2025.
Toutefois, comme le souligne la rapporteure spéciale, la diminution, depuis plusieurs années, des effectifs totaux financés par les crédits de la mission tranche avec l'augmentation enregistrée parmi les opérateurs. En effet, le plafond d'emplois prévu pour 2025 s'élève à 35 014 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors qu'il était de 34 990 ETPT en 2024 : voilà un résultat quelque peu contradictoire…
De plus, dans un souci de lisibilité et de transparence, nous pouvons nous interroger sur l'utilisation concrète de l'argent public. En tant que parlementaire, il est de notre devoir de rendre des comptes aux citoyens et aux contribuables.
Cependant, nous rencontrons des difficultés à y voir clair, malgré un travail minutieux. Je pense notamment aux dépenses engagées par l'Office français de la biodiversité (OFB) dans le cadre de sa mission de formation et de mobilisation des citoyens et des parties prenantes, où l'usage de près de 7 % des crédits, hors frais de personnel, soit un montant de 45 millions d'euros, n'a pas pu être clairement identifié.
Je comptais m'exprimer sur le fonds vert, mais mes propos auraient été très similaires à ceux qu'a tenus tout à l'heure Christine Lavarde. Je pense aussi, madame la ministre, que vous évoquerez probablement ce sujet.
J'ai assisté à des transactions concernant la répartition des crédits entre la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et le fonds vert. Comme je vous l'ai dit récemment, madame la ministre, lorsque vous vous êtes rendue dans le Pas-de-Calais, qui est votre terre d'accueil, je trouve que la répartition des crédits semble résulter davantage d'une sorte de jeu de bonneteau que d'une volonté de faire en sorte que ces crédits soient efficaces.
L'écologie est bien au cœur de notre quotidien et les problématiques afférentes sont pluridisciplinaires. Par le biais du fonds Chaleur, du chèque énergie ou de la prime à la conversion, l'action publique vise à parvenir à un fin équilibre entre sensibilisation et incitation.
Les thématiques du logement, du pouvoir d'achat ou bien des mobilités sont les premières concernées.
La mobilité des personnes sur le territoire constitue un enjeu crucial. Savez-vous, mes chers collègues, que les jeunes ruraux passent deux heures et trente-sept minutes en moyenne dans les transports chaque jour, soit quarante-deux minutes de plus que les jeunes urbains ? Cet écart est renforcé par les difficultés d'accès aux transports, puisque 53 % de ces jeunes déclarent être mal desservis par le bus – ce taux est inférieur de 39 points pour les urbains. Dans ce contexte, sept jeunes ruraux sur dix en viennent à se dire que la conservation de leur emploi est en danger.
Il est donc essentiel d'avancer sur le développement des mobilités vertes, sans pour autant assigner nos compatriotes à résidence. Pour cela, il est primordial d'investir dans la recherche, dans les infrastructures ferroviaires ou encore dans la décarbonation du transport aérien ; nous avons d'ailleurs eu un petit débat sur ce sujet lors de l'examen de la mission précédente.
L'investissement est avant tout un vecteur de souveraineté. Le transport maritime est au croisement des enjeux régaliens, géopolitiques, économiques et, bien évidemment, écologiques. Il soulève à la fois les questions de la compétitivité des ports français, de l'indépendance énergétique et de la défense. À l'heure où les conflits sont nombreux et l'accès aux ressources, fragilisé, aucun secteur ne doit être négligé.
C'est d'ailleurs pour cela, madame la ministre, que nous avons été nombreux à nous émouvoir de l'intégration de la mer et de la pêche dans votre portefeuille.
Récemment, lors de votre déplacement à Boulogne-sur-Mer, les pêcheurs vous ont fait part de leur étonnement, sinon de leur inquiétude. Ces secteurs, en effet, semblent oubliés, notamment celui de la mer. Aucun mot n'a été prononcé à leur propos par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Vous comprenez que les signaux envoyés sont de mauvais augure, tant pour les territoires concernés que pour l'ensemble des corps de métiers qui dépendent de ces activités. Mais, je le redis, votre récent déplacement à Boulogne-sur-Mer était plutôt un signal positif. Néanmoins, celui-ci devra être confirmé.
Quelle pourrait être cette confirmation ? J'y viens, justement. Dix ans après la COP 21 et l'accord de Paris, la troisième conférence des Nations unies sur l'océan, l'Unoc 3, réunira l'ensemble des États membres des Nations unies, les agences spécialisées, la société civile, le secteur privé et les donateurs internationaux.
On espère que les futurs accords de Nice constitueront le cadre dans lequel la communauté scientifique se rassemblera pour alerter et orienter l'action des chefs d'État pour le climat.
Mais quelles sont les garanties ? Dans quelle mesure le plan d'action de Nice pour l'océan, qui devrait être adopté à l'issue des discussions internationales menées lors de la conférence, sera-t-il efficace ? Quelle place la France compte-t-elle occuper ? Quel message la France délivrera-t-elle ?
Je pense, par exemple, au maintien de la possibilité de pêcher dans les aires marines protégées, qui constitue, comme vous le savez, madame la ministre, un vrai sujet. Nos voisins anglais ont pris des dispositions draconiennes. L'enjeu est important pour la France. S'il est donc intéressant de parvenir à l'expression d'une vision internationale sur le sujet, il importe aussi de faire valoir une vision française et économique.
L'ordre du jour des prochaines semaines nous offrira d'autres occasions de nous positionner sur des sujets européens. Je pense notamment au fameux projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, examiné demain à l'Assemblée nationale et qui, en dépit de la technicité apparente de ses dispositions, sera l'occasion de débattre, notamment, de notre vision de l'écologie et de la santé.
Chaque année, lors de l'examen de cette mission budgétaire, le Parlement doit faire la preuve de son exigence, c'est particulièrement vrai dans le contexte actuel, de sa sagesse et de sa capacité à travailler collectivement, sur tous les bancs et toutes les travées, pour apporter aux Français, contribuables comme citoyens, des réponses à la hauteur de leurs besoins et des enjeux, à court comme à long terme, pour nos finances publiques.
Cette rigueur est nécessaire pour maintenir la France au centre du jeu vis-à-vis de nos voisins européens, et pour offrir à notre pays un souffle d'espoir et un cap vers l'avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Écologie, développement et mobilité durables », que nous examinons aujourd'hui, est probablement l'une des plus importantes de ce budget, au regard des événements climatiques que nous avons connus au cours de ces dernières années et qui sont de plus en plus violents et récurrents.
Je voudrais, à ce titre, avoir une pensée émue pour mon département de Mayotte et pour tous les Mahorais victimes du dramatique épisode cyclonique Chido.
Même si le budget s'élève à 21,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 20,50 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), il marque toutefois une baisse, de 9,52 % en AE et de 5,15 % en CP, par rapport à l'an dernier.
Face aux défis climatiques à venir, nous devons garder notre forte ambition d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Il s'agit d'une question non pas simplement environnementale, mais aussi de souveraineté.
Je commencerai par évoquer les points positifs.
Je salue ainsi la création de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, dont 2025 sera la première année pleine d'activité. Cette autorité, issue de la fusion l'ASN et de l'IRSN, illustre notre engagement en faveur d'une filière nucléaire sûre et contrôlée. Elle constitue un pilier stratégique de notre politique énergétique, au service de la sécurité des Français et de notre indépendance énergétique.
Je me réjouis également que les dispositifs de soutien aux ménages, comme le chèque énergie, perdurent, car ils sont essentiels pour protéger les plus fragiles. En 2024, le versement du chèque énergie a permis d'aider 5,5 millions de foyers à faire face à leurs factures énergétiques.
Les aides à l'acquisition de véhicules propres doivent également être maintenues à un niveau satisfaisant. Le groupe RDPI défendra ainsi des amendements visant à développer le rétrofit et à augmenter les aides à l'acquisition de véhicules propres, afin de soutenir la filière automobile, confrontée aux défis de la transition écologique et de la concurrence internationale.
Si nous voulons réussir à élaborer une vraie planification écologique et énergétique, nous devons compter sur nos territoires. Les collectivités territoriales jouent un rôle clé dans la transition écologique. À cet égard, le signal envoyé avec la diminution de 60 % des crédits du fonds vert, désormais plafonnés à 1 milliard d'euros, est préoccupant. Ce fonds a, en effet, démontré son efficacité ; il a permis de soutenir, en 2023, plus de 10 000 projets, allant de la rénovation énergétique des bâtiments publics à la prévention des risques naturels.
Nous devons continuer à mobiliser ce levier essentiel pour renforcer la résilience et l'innovation à l'échelon local. Si le maintien de ce fonds à son niveau actuel paraît constituer une demande excessive au regard de l'état de nos finances publiques, que comptez-vous faire, madame la ministre, pour que l'investissement territorial en faveur de la transition écologique reste satisfaisant ?
Il importe aussi de continuer à développer les énergies renouvelables et le fonds Chaleur, notamment dans le prolongement de l'adoption de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Le développement de ces dernières constitue une priorité incontournable, tant pour la compétitivité des entreprises de ce secteur que pour notre souveraineté.
En effet, si notre groupe soutient un scénario reposant sur une part très importante d'énergie nucléaire, nous ne réussirons notre indépendance énergétique que si nous marchons sur nos deux jambes. Il nous faut donc continuer à investir sur ces énergies disponibles, à court et à moyen terme ; celles-ci nous permettront de parvenir à un mix énergétique soutenable et raisonnable.
Je dirai un dernier mot sur le fonds Barnier. Ce dernier se révèle de plus en plus comme un outil indispensable au regard de la fréquence et de l'intensité des catastrophes naturelles au cours de ces dernières années, comme nous avons encore pu le voir en Bretagne, l'année passée, ou à Mayotte, voilà quelques semaines.
Il paraît ainsi primordial de renforcer notre politique nationale de prévention des risques naturels. C'est pour cela que le groupe RDPI proposera un amendement visant à abonder le fonds Barnier de 75 millions d'euros.
Mes chers collègues, ce budget de raison pour nos finances publiques ne doit pas nous faire perdre notre ambition écologique pour la souveraineté de notre pays. Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis cette après-midi pour examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
Dans un premier temps, je tiens, au nom du groupe RDSE, à remercier nos collègues rapporteurs spéciaux et pour avis des commissions des finances, des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable pour leur travail d'analyse des différents programmes, ainsi que pour leurs propos introductifs, qui nous permettent d'aborder cette séance en toute clarté.
Comme cela a été dit, cette mission porte les dépenses afférentes aux politiques publiques en faveur de la transition énergétique, du climat, de la biodiversité, de la prévention des risques, de la sûreté nucléaire et des transports, ainsi qu'aux emplois des ministères chargés de l'écologie, de l'énergie, de la cohésion des territoires et de la mer.
Lorsque nous parlons de ces sujets majeurs, il est toujours utile de rappeler le contexte dans lequel nous évoluons. Les hasards du calendrier font que nous examinons cette mission le jour même de l'investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis.
En effet, la première puissance économique du monde, qui réalise 25 % du PIB mondial, va être dirigée pendant quatre ans par un homme qui déclarait en 2015 à la chaîne CNN : « Je ne crois pas au changement climatique. […] C'est juste la météo ! » Ce n'est qu'une déclaration climato-sceptique parmi tant d'autres, dont beaucoup ont été prononcées durant la dernière campagne présidentielle.
Il y a donc fort à parier que Donald Trump reviendra rapidement sur les efforts écologiques engagés par son prédécesseur. Peut-être procédera-t-il au retrait pour la seconde fois des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat.
En outre, dans cette ambiance où règnent la désinformation et le bashing anti-écolo, les alertes scientifiques sont malheureusement de plus en plus palpables aux quatre coins de la planète.
En 2024, nous avons de nouveau connu des records de chaleur dans les cours d'eau et dans les mers, ainsi que des événements climatiques intenses, voire dramatiques sur le plan humain, comme à Mayotte – le cyclone Chido – ou en Espagne – les inondations dans la région de Valence en octobre.
La France métropolitaine n'est pas épargnée par la hausse de la fréquence et de l'intensité des événements météorologiques extrêmes dus au changement climatique.
Les communes de l'est de la Lozère, département pourtant habitué aux fameux épisodes cévenols, ont également subi, en octobre dernier, des pluies torrentielles d'une ampleur inédite.
Ainsi, en dépit d'une adversité souvent virulente, notre mobilisation et nos actions en faveur de l'adaptation au changement climatique doivent être toujours plus fortes et ambitieuses, en liaison avec les acteurs de terrain.
Or force est de reconnaître que la mission « Écologie, développement et mobilité durables » subira, en 2025, des coupes budgétaires qui suscitent des interrogations légitimes sur la pérennité des ambitions de la France dans ce domaine.
En effet, la mission sera dotée de 21,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 20,50 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une baisse respective de 9,52 % et de 5,15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.