M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au préalable, permettez-moi d'avoir une pensée pour M. Patrick Hetzel, qui aura été ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche seulement trois mois et deux jours. Espérons, monsieur le ministre, que votre mandat ne sera pas aussi bref...

Je fais partie non pas de ceux qui militaient pour un ministère de plein exercice, mais de ceux qui souhaitent depuis très longtemps un grand ministère de l'intelligence, en quelque sorte, réunissant l'enseignement supérieur et la recherche, car celui-ci permettra certainement d'obtenir une plus grande fluidité et de régler quelques problèmes : le continuum bac-3/bac+3, Parcoursup, la formation dispensée par les universités ou encore le recrutement d'enseignants par le ministère de l'éducation nationale. Nous avons besoin d'établir davantage de connexions et de fluidité entre le lycée et l'enseignement supérieur.

Je regrette, bien sûr, la valse des ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, qui n'est ni satisfaisante ni de nature à rassurer nos étudiants.

Je ne suis pas certain que la censure de décembre dernier ait été de nature à rassurer nos élèves, nos étudiants, nos professeurs et les étudiants étrangers, qui doutent désormais de la capacité de la France de former des étudiants de grande qualité dans un contexte si instable.

En tout cas, monsieur le ministre, vous trouverez au Sénat une institution exigeante, respectueuse, sensible à notre jeunesse, à l'innovation et, plus largement, à notre souveraineté.

J'évoquerai quelques chiffres concernant ce budget de 26,8 milliards, répartis en trois programmes : premièrement, 15,3 milliards d'euros pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », en augmentation de 0,7 % par rapport à 2024 ; deuxièmement, 3,2 milliards d'euros pour le programme 231 « Vie étudiante », en diminution de 2,3 % par rapport à 2024 ; troisièmement, 8,3 milliards d'euros pour le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

L'effort budgétaire est maîtrisé, monsieur le ministre, malgré une situation économique fortement fragilisée. La sanctuarisation des crédits alloués à cette mission montre la bonne volonté du Gouvernement. Toutefois, et vous l'entendrez de nombreuses fois ce matin sur toutes les travées du Sénat, les présidents d'université ne cessent de nous alerter sur la situation économique de leurs établissements.

De nombreux chiffres circulent, mais une certitude se profile : une grande majorité de présidents d'université devront présenter un budget en déficit pour cet exercice.

L'université de Franche-Comté, par exemple, supporte depuis 2022 près de 5 millions d'euros de charges supplémentaires liées aux mesures salariales.

Pour 2025, ses responsables évaluent leurs dépenses supplémentaires à 3 millions d'euros pour ce qui est du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », et à 1,2 million d'euros du fait des mesures dites Guerini de revalorisation du point d'indice, soit au total 4,2 millions d'euros non compensés pour l'année 2025. Ils estiment que, de 2022 à 2025, plus de 9 millions d'euros de charges n'ont pas été compensés, ce qui est inacceptable. Et je ne parle ici ni des surcoûts liés à l'énergie, qui ne relèvent pas de votre périmètre, monsieur le ministre, ni des dépenses de fonctionnement.

Lors de ma rencontre avec la présidente de cette université me sont apparues, plus largement, les difficultés de l'université française, contrainte de faire appel à ses fonds de roulement, qui sont actuellement d'une durée de quinze jours en moyenne. Selon la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip), la baisse de ces fonds propres a atteint 1,8 milliard d'euros entre décembre 2023 et septembre 2024. L'accélération de cette évolution affecte fortement les missions universitaires, à commencer par la santé et l'inclusion.

Il devient difficile de financer les projets liés à la santé mentale des étudiants, à l'inclusion et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Il devient difficile, également, de financer les infrastructures, car il y a une saturation des équipements, comme les bibliothèques universitaires, incapables d'accueillir plus d'étudiants alors même qu'elles sont devenues – on le sait – leur deuxième maison.

Enfin, il est impossible aux universités d'avancer sur la question de la transition écologique.

Des solutions existent, radicales.

La première serait de baisser les capacités d'accueil sur Parcoursup, donc le nombre de places pour les futurs bacheliers. Le voulez-vous ?

La deuxième serait de fermer des sites universitaires délocalisés dans les petites villes, comme ceux de Vesoul ou de Dole en Franche-Comté. Le voulez-vous ? Cette question concerne aussi les territoires.

La troisième consisterait à arrêter la rénovation du patrimoine immobilier. Le voulez-vous ?

Enfin, la quatrième solution pourrait être de réduire le niveau de service des bibliothèques universitaires. Le voulez-vous ?

Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous souhaitiez prendre de telles mesures ! La France est dans une situation budgétaire inédite, mais les universités ne doivent pas devenir le parent pauvre de ce grand ministère. Il vous faudra donc faire des choix.

J'en viens aux crédits de la recherche, qui sont globalement maintenus.

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a contribué à augmenter le nombre de contrats doctoraux lors de l'année universitaire 2023-2024, en revalorisant le salaire des doctorants ; nous nous en félicitons.

Le secteur de la recherche est préservé, comme nous l'a expliqué la rapporteure pour avis Alexandra Borchio Fontimp. Il nous faut absolument être attentifs au vivier des doctorants, qui contribue à faire de la France une nation à la pointe des innovations technologiques futures et qui participe à la compétitivité, mais surtout à la souveraineté de notre pays.

Avec 2,3 % de son PIB consacré à la recherche, la France est en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE, qui se situe à ce jour à 2,72 %, mais aussi de l'objectif de 3 % fixé dans le programme-cadre européen Horizon Europe. Nous devons impérativement retrouver l'État stratège qui nous permet d'évoluer sur la scène internationale et travailler plus ardemment sur les partenariats public-privé (PPP).

Je ne saurai conclure mon propos sans parler de l'amélioration des conditions de vie étudiante, qui constitue un enjeu crucial.

Notre collègue Stéphane Piednoir a montré dans son rapport que les conditions matérielles et sanitaires des étudiants s'aggravaient et qu'un tiers d'entre eux déclaraient sauter un repas. C'est inacceptable ! En réponse, la loi d'initiative sénatoriale du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi, a été mise en œuvre : le tarif « très social » du repas au restaurant universitaire est de 1 euro, tandis que le tarif « social » est de 3,30 euros.

J'en viens au sujet des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux (BCS). Monsieur le ministre, il vous faut clarifier votre position sur ce deuxième volet de la réforme et sur son accès.

La recherche et l'enseignement supérieur sont des investissements abordés sous le prisme de l'excellence. Nous devons faciliter l'insertion par l'apprentissage. Se pose d'ailleurs une autre question : quel sera le devenir de l'apprentissage ?

Il nous faudra renforcer les liens entre les acteurs de la recherche et le tissu économique local. Cette synergie entre le monde académique et les entreprises, que nous attendons tous, est nécessaire.

Vous le savez, monsieur le ministre, les chantiers sont nombreux. Soutenez-les avec ambition, rigueur et audace !

Comme mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai les crédits de cette mission, en étant attentif aux mesures susceptibles de répondre aux préoccupations que nous venons d'exposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'examen de cette mission, nous abordons des crédits alloués à des thématiques qui permettront à notre pays de renforcer sa prospérité dans les années à venir.

Nos établissements d'enseignement supérieur forment nos enfants en leur donnant les compétences et connaissances nécessaires, afin qu'ils s'épanouissent professionnellement et participent à la réussite collective de notre pays. En outre, la recherche constitue notre principal levier pour promouvoir l'innovation dans tous les domaines de la société.

Notre groupe a toujours promu un certain sérieux budgétaire, et nous connaissons le contexte de nos finances publiques, avec l'impérieuse nécessité de faire des économies. Mais je tiens à exprimer mon regret de constater, au dernier moment, une telle coupe budgétaire dans les crédits d'une mission aux enjeux si importants.

Cela dit, venons-en aux points positifs de cette mission.

Entre 2022 et 2025, les crédits de la mission ont augmenté de 1,8 milliard d'euros. Pour cette année, les moyens alloués permettent de poursuivre la montée en charge des mesures de la loi de programmation de la recherche.

Ainsi, les opérateurs voient leurs effectifs augmenter de 284 équivalents temps plein (ETP). Quant à la revalorisation indemnitaire annuelle à destination des personnels de la recherche, source de notre attractivité par rapport à nos voisins et concurrents, elle se poursuit, tout comme la revalorisation des financements de la recherche sur appels à projets autour de plusieurs axes scientifiques et disciplinaires.

Autre point à saluer dans le contexte budgétaire actuel : le montant total versé en 2025 au réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) sera, à périmètre constant, en augmentation de 30 millions d'euros.

Toutefois, la hausse de 4 points en 2025 des cotisations de l'État employeur aura un impact sur le programme 150 de près de 200 millions d'euros. Nous saluons l'effort du Gouvernement, qui a choisi de compenser la moitié de ce coût à hauteur de 100 millions d'euros, même si le reste à charge reste élevé pour les universités.

Afin de lutter contre la précarité étudiante, le groupe RDPI salue la poursuite du soutien aux étudiants, notamment ceux dont la situation est la plus modeste, par la pérennisation du ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers. Permettez-moi, à cet égard, d'avoir une pensée pour les étudiants guyanais qui ont accepté de rester dans notre territoire pour poursuivre leurs études.

Bien entendu, cette mesure portant sur le ticket de restauration universitaire sera très appréciée. Aussi, je voudrais renouveler mon soutien aux étudiants guyanais qui, depuis des années, militent pour la création d'un Crous : cette structure permettrait de répondre aux préoccupations spécifiques de nos étudiants.

Dans un objectif de production d'énergie décarbonée, nous sommes favorables à la relance de la filière nucléaire par le biais d'un renforcement des moyens alloués au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Face au réchauffement climatique, qui provoque partout dans le monde et sur notre territoire des catastrophes jamais vues par le passé, nous nous devons d'accentuer nos efforts et nos moyens, afin d'accompagner la recherche et l'innovation sur les sujets de transition écologique et énergétique.

Dans le secteur de la recherche publique, qui constitue une politique nationale prioritaire dont le caractère stratégique a été réaffirmé dans la LPR, nous défendrons un amendement visant à augmenter les crédits en faveur de la recherche clinique sur les cancers pédiatriques.

Un premier effort avait été réalisé par le gouvernement de l'époque dans le projet de loi de finances pour 2019 ; cinq ans plus tard, il permet d'entrevoir de réels espoirs d'avancées thérapeutiques. C'est pourquoi il est désormais temps d'élargir et d'amplifier cet effort en prévoyant un fléchage complémentaire.

Toujours pour aider les plus fragiles, nous soutiendrons une hausse des crédits destinés à l'accessibilité étudiante à l'université, sachant que la quasi-totalité des étudiants en situation de handicap sont inscrits en faculté.

Enfin, alors que le gouvernement Barnier avait fait de la santé mentale une grande cause nationale, le Premier ministre François Bayrou a également désigné ce sujet comme une priorité de son action. Nous devons agir dans ce domaine, notamment en créant des postes d'enseignant-chercheur en pédopsychiatrie dans chaque faculté de médecine, afin de pallier le manque criant de professionnels.

En ces temps de contraintes budgétaires, notre rôle est d'être à la hauteur de nos responsabilités. Dans cette perspective, le groupe RDPI appelle à adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la recherche et l'enseignement supérieur doivent rester une priorité, un investissement essentiel, pour un pays comme le nôtre qui tire sa richesse du travail et de l'intelligence de ses citoyens. En période de crise économique et financière, cette priorité doit être affirmée encore davantage.

Que dire de cette mission « Recherche et enseignement supérieur », dans le contexte de contraintes budgétaires que nous connaissons tous ?

Bien sûr, on regrettera de ne pouvoir poursuivre la trajectoire des crédits promis dans la loi de programmation de la recherche, sur laquelle il est grand temps, monsieur le ministre, de faire un point d'étape et d'ouvrir la clause de revoyure annoncée.

Bien sûr, on regrettera que les universités soient poussées dans leurs derniers retranchements, c'est-à-dire contraintes de prélever dans leurs fonds de réserve, ce qui plonge un grand nombre d'entre elles dans une situation très inquiétante.

Bien sûr, on regrettera de ne pouvoir créer les chaires de professeurs juniors attendues et mettre en place des rémunérations de chercheurs et d'enseignants qui soient à la hauteur de leur talent, ce qui permettrait d'éviter la fuite des cerveaux.

Bien entendu, nous ne pouvons pas, hélas ! offrir à tous les étudiants, quelle que soit leur situation personnelle et familiale, des repas à 1 euro. Je me réjouis que le dispositif perdure pour les boursiers. Rappelons qu'aucun autre pays n'offre des repas à 3,30 euros à ses étudiants...

L'extension des conditions de repas subventionnés à tous les étudiants, quel que soit leur lieu d'étude, est une avancée de la loi Levi, dont je salue l'auteur qui est aussi notre collègue ; cela mérite d'être souligné.

Il y a, monsieur le ministre, des économies qui ne demandent pas de sacrifices budgétaires. Il s'agit, par exemple, de la simplification des démarches administratives de la recherche, à condition, bien sûr, de ne pas complexifier cette simplification réclamée par tous les chercheurs.

Afin d'assurer le bien-être des étudiants, il faut prévoir, pour la date de leur inscription ou de leur rentrée universitaire, un temps plus solennel consacré à la présentation de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qu'ils doivent connaître.

Par ailleurs, comme nous l'avons recommandé, avec Pierre-Antoine Levi, dans notre rapport intitulé Antisémitisme dans l'enseignement supérieur : dénoncer le climat, prévenir les dérives et sanctionner les actes, le rappel des droits, mais également des devoirs, de chacun face aux discriminations de toute sorte – violences sexuelles et sexistes, racisme, antisémitisme, discrimination anti-LGBT, etc. – doit être assorti de dispositifs clairs de signalement et d'accompagnement.

Un bon climat pour suivre ses études, avec des enseignants reconnus et rémunérés à leur juste valeur, est la condition de réussite des générations qui auront à relever des défis considérables – techniques, économiques, sociaux, dans la santé, l'espace, etc. – face à l'intelligence... très artificielle. (Sourires.)

Aussi, pour ce qui est de ce budget, faut-il faire contre mauvaise fortune bon cœur ?

Certes, il est préservé. Mais encore faut-il qu'il ne soit pas raboté par des amendements traduisant davantage le souci de l'équilibre financier immédiat que celui de l'avenir d'une croissance qu'alimenteront, seuls l'innovation et l'investissement dans la recherche.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Je parle ici de la recherche publique, mais aussi de la recherche privée, qui doit être privilégiée par rapport aux redistributions de dividendes de la richesse produite.

Monsieur le ministre, remettez aussi de l'ordre dans ces officines privées hautement profitables qui bernent des étudiants et leurs familles en proposant des formations discutables, voire contestables !

M. Bernard Fialaire. Je ne confonds pas ces officines avec les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) qui, eux, méritent d'être soutenus.

Je souhaite profiter de cette intervention pour revenir sur le concours de première année de médecine, ce parcours d'accès spécifique santé (Pass) qui n'autorise pas le redoublement et exclut, de fait, les enfants issus de populations socialement éloignées de la culture et du vocabulaire médicaux, qui donnant un avantage certain à une frange favorisée de la population.

M. Pierre Ouzoulias. C'est vrai !

M. Bernard Fialaire. Offrons aussi aux universités de médecine, au travers du tutorat et du soutien, les moyens d'être une alternative aux officines qui prospèrent en créant des inégalités insupportables pour un enseignement prétendument gratuit – pour la seule ville de Lyon, celles-ci réalisent un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros !

En dépit de tous ces impératifs d'amélioration, les membres de mon groupe voteront ces crédits, sous réserve – je le répète – que ceux-ci ne soient pas amputés par un coup de rabot trop violent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où la compétition internationale s'intensifie et où les innovations technologiques se multiplient, notre système d'enseignement supérieur et de recherche doit affirmer son excellence. La formation de notre jeunesse et le rayonnement de notre recherche sont des atouts essentiels pour notre souveraineté et notre compétitivité.

C'est dans ce cadre et dans un contexte budgétaire très contraint que nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour 2025 atteint ainsi 26,8 milliards d'euros, en hausse de 49 millions d'euros par rapport à 2024. L'amendement « rabot » de dernière minute réduit quelque peu cette hausse. Ces crédits visent à soutenir plusieurs objectifs stratégiques : l'amélioration des conditions de vie étudiante, le financement de la recherche d'avenir et l'accompagnement des établissements d'enseignement supérieur.

Je me félicite de voir figurer dans ce budget des mesures concrètes destinées aux étudiants, notamment les 550 millions d'euros alloués pour réformer les bourses sur critères sociaux, renforcer l'accès à la restauration universitaire et accompagner les étudiants en situation de handicap. Ces initiatives témoignent d'une volonté forte de lutter contre la précarité étudiante tout en favorisant la réussite pour tous.

À ce titre, je me réjouis particulièrement que figure et soit renforcé dans ce projet de loi de finances le dispositif issu de ma proposition de loi visant à garantir l'accès à une restauration à tarif modéré pour tous les étudiants ne bénéficiant pas de restauration universitaire à proximité, qui entrera en application en février prochain. Une enveloppe de 38 millions d'euros est ainsi prévue pour garantir à chaque étudiant l'accès à une restauration à tarif modéré, en partenariat avec les structures locales ou au travers d'une aide individuelle.

Cette avancée législative permettra de répondre à une problématique majeure d'égalité entre les étudiants sur tout le territoire.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir sacralisé dans ce projet de budget cette enveloppe très attendue par nos étudiants. Je remercie aussi très sincèrement votre prédécesseur, Patrick Hetzel, d'avoir mis en œuvre ce dispositif dès son arrivée au ministère. Je salue enfin mon collègue Jean Hingray, qui était rapporteur de cette proposition de loi.

En matière de logement étudiant, je note avec satisfaction que la dotation d'investissement du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) permettra de réhabiliter 12 000 places d'hébergement, répondant ainsi à une problématique cruciale pour la réussite de nos étudiants.

Par ailleurs, je souhaite évoquer un autre sujet qui me tient particulièrement à cœur. Avec mon collègue Bernard Fialaire, je porte actuellement une proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, qui sera examinée par le Sénat le 20 février prochain. Ce texte vise à renforcer les dispositifs existants pour combattre ce fléau et à promouvoir un environnement académique respectueux et inclusif.

M. Laurent Lafon. Très bien !

M. Pierre-Antoine Levi. Nous resterons particulièrement attentifs à l'évolution des crédits permettant la mise en œuvre de ces dispositifs.

En matière de recherche, compte tenu du contexte budgétaire, seul un tiers de la marche 2025 de la LPR sera atteint. Nous espérons que la clause de revoyure prévue dans la LPR sera désormais réalisée, pour faire un bilan de la première phase et cadrer précisément la deuxième.

Ce budget permet de financer les grandes infrastructures de recherche, telles que celles qui sont dédiées à l'énergie, à l'environnement et à l'intelligence artificielle, tout en renforçant les collaborations internationales, en particulier dans le cadre du programme-cadre européen Horizon Europe.

Concernant la santé étudiante, je tiens à souligner les efforts significatifs déployés pour l'accompagnement psychologique.

Les fragilités psychologiques, exacerbées par la crise sanitaire, nécessitent des mesures concrètes et pérennes. Le dispositif Santé Psy Étudiant est ainsi renforcé avec une dotation de 15 millions d'euros pour 2025, permettant de consolider le réseau des psychologues conventionnés et d'augmenter le nombre de consultations gratuites.

Les services de santé universitaires voient également leurs moyens renforcés pour recruter des psychologues supplémentaires et développer des actions de prévention.

Pour toutes ces raisons, et avec la conviction que ce budget contribue à l'avenir de notre jeunesse et à la compétitivité de notre pays, le groupe de l'Union Centriste votera en faveur de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Piednoir applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous êtes devant nous pour un exercice singulier : c'est la première fois que vous rencontrez la représentation nationale et vous devez défendre un budget qui a été préparé par votre prédécesseur, sur la base d'arbitrages que la ministre précédente avait contestés. (M. Jacques Grosperrin sourit.)

Dans un courrier adressé à M. Attal, Mme Retailleau avait en effet considéré que les correctifs apportés par Bercy et Matignon à son projet de budget compromettraient la santé budgétaire des universités, l'obligeraient à reporter la réforme des bourses et ne permettraient pas de réaliser les objectifs de la loi de programmation de la recherche.

Elle estimait, en son temps, qu'il manquerait 320 millions d'euros de crédits et 250 emplois pour honorer les engagements de la LPR. Elle soulignait que la réalisation de la LPR avait déjà été compromise en 2024, à la suite de nombreuses annulations de crédits.

Le projet de budget de son successeur aggravait davantage ces restrictions budgétaires. Pourtant, ce ministre estimait que seulement un tiers des mesures prévues pour l'année 2025 de la LPR serait financé. En revanche, il considérait qu'« il y aurait plutôt moins d'universités en difficulté fin 2024 que fin 2023 ».

Ce n'est pas en cassant le baromètre que l'on arrête la tempête ! À défaut de leur apporter les moyens suffisants pour exercer pleinement leurs missions de service public, nous devons au moins aux universités de reconnaître la situation budgétaire difficile dans laquelle elles se trouvent et les efforts qu'elles accomplissent pour tenter de maintenir des conditions d'études acceptables. J'aimerais éclairer mon propos par une situation concrète, celle de l'université de Nanterre.

Pour l'année 2025, en l'état actuel de la discussion budgétaire, les mesures dites Guerini représenteront une charge supplémentaire de 2,6 millions d'euros. Le coût du mécanisme du glissement vieillesse technicité (GVT) serait de 600 000 euros, la charge du CAS « Pensions » passerait à environ 3 millions d'euros et l'augmentation du coût des fluides à près de 1 million d'euros.

L'université de Nanterre doit donc faire face à plus de 7 millions d'euros de charges supplémentaires. Elle ne peut diminuer sa masse salariale, dont le coût représente près de 88 % de ses dépenses budgétaires, car son taux d'encadrement et la proportion d'agents administratifs dont elle dispose sont parmi les plus faibles de France.

Elle a donc été obligée de réduire à zéro son fonds de roulement, de restreindre ses investissements et d'augmenter ses frais de gestion, ce qui réduira d'autant les capacités de recherche des unités de recherche qu'elle accueille. Si l'État n'augmente pas la subvention pour charges de service public qu'il lui verse pour compenser les charges supplémentaires qu'il lui impose, il lui faudrait diminuer le nombre d'étudiants qu'elle scolarise ou augmenter leurs frais d'inscription.

Le cas de l'université de Nanterre n'est pas isolé. Sa situation budgétaire extrêmement précaire est celle de nombreuses universités. Il serait coupable de considérer que cette dégradation n'est pas sans conséquence sur les capacités de formation et de recherche de notre pays. Plusieurs indicateurs devraient nous alerter. Ainsi, le taux de réussite des étudiants de licence est en baisse et, surtout, le nombre de docteurs formés par l'université continue de diminuer.

Le rapport rendu par M. Mario Draghi a montré sans conteste que l'Europe était entravée par une pénurie de compétences qui restreignait ses capacités d'innovation et de recherche. L'effort de recherche de la France participe de cette crise. Il est passé de 2,22 % du PIB en 2022 à 2,19 % en 2023, et le volume de recherche des entreprises a baissé de 1,3 % sur la même période.

Reconnaissons avec honnêteté que la science française connaît une situation de déclassement, aggravée par les politiques de ce gouvernement et de ses prédécesseurs.

D'autres pays, qui sont pourtant dans des situations budgétaires tout aussi difficiles, ont fait des choix rigoureusement inverses. Ainsi, le gouvernement britannique consacrera plus de 24 milliards d'euros à la recherche et à l'innovation, dont plus de 6 milliards seront directement affectés à la recherche fondamentale.

L'université et la recherche ne constituent pas des charges financières que l'on pourrait réduire sans conséquence pour l'avenir de notre pays et de notre jeunesse. La République doit se réconcilier avec ses savants, parce que c'est dans la science et la connaissance qu'elle trouvera les ressources pour dépasser les crises qui la menacent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre était très fier de présenter votre ministère de rattachement, celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme le premier dans l'ordre protocolaire. De plus, quel symbole qu'il s'agisse d'un ministère d'État !

Il est très fier de vous avoir, monsieur le ministre, ancien président du Centre national d'études spatiales (Cnes) et « spécialiste des universités ».

Toutefois, derrière ces compliments et cet encensement, la réalité est bien différente. Ne faisant pas exception, cette mission est durement et durablement touchée par la cure d'austérité. Le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche fait l'objet d'une inacceptable coupe budgétaire de 553 millions d'euros, n'annulant que partiellement le coup de rabot de février 2024.

Ce budget, c'est votre prédécesseuse, Sylvie Retailleau, qui en parle le mieux : sa trajectoire est « irréaliste, voire dangereuse ».

Irréaliste et dangereux, ce budget l'est tout d'abord pour les étudiantes et étudiants.

Alors que plus de 50 % des étudiants faisant la queue aux distributions alimentaires ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux, ce projet enterre l'ambition d'une réforme structurelle des aides sociales.

Pis, le financement des bourses étudiantes baisse de 120 millions d'euros, ce qui risque d'aggraver la crise sociale subie par les étudiantes et étudiants. La précarité étudiante n'a pas disparu avec la fin de la pandémie.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a ainsi déposé un amendement visant à revenir sur cette baisse des crédits consacrés aux aides directes sur critères sociaux. Plus globalement, face à l'inadaptation du barème des bourses, nous défendons le principe d'une allocation universelle d'autonomie d'études.

Nous souhaitons également que la santé mentale des jeunes soit une priorité du Gouvernement, tant dans les paroles que dans les actes. On ne compte qu'un psychologue pour 30 000 étudiants, alors que 68 % de ces derniers déclarent avoir des symptômes dépressifs et 36 % des pensées suicidaires. Nous défendrons un amendement visant à renforcer les services de santé étudiante.

Enfin, nous devons prendre à bras-le-corps la crise du logement qui touche les étudiants de plein fouet. Dénoncée depuis plusieurs années, l'insalubrité des logements des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) a marqué la chronique estivale des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

Bâtiments présentant des risques de sécurité, mise en péril sanitaire, conditions d'études dégradées : certains jeunes se retrouvent parfois dans des situations insurmontables, avec peu de marge de manœuvre pour garantir leurs droits. Nous devons poursuivre de manière massive la rénovation et l'accessibilité des logements étudiants gérés par les œuvres universitaires.

Irréaliste et dangereux, ce budget l'est également pour les universités.

Nous avons toutes et tous reçu les alertes relatives à la situation financière particulièrement difficile des universités, qui se trouvent dans une situation alarmante et sans précédent. Les surcoûts non financés ou non compensés par l'État s'élèvent à au moins 500 millions d'euros, sans compter les contraintes budgétaires déjà existantes.

Fermeture d'antennes universitaires, notamment dans les villes moyennes, limitation des places offertes sur Parcoursup et Mon Master, cours en distanciel : ce budget va contraindre les établissements à faire des choix aux conséquences directes sur les perspectives des étudiants et le rayonnement de l'enseignement supérieur.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite revenir sur l'ensemble de ces coupes, pour que les établissements n'aient pas à puiser dans leurs fonds de roulement et ne mettent pas en danger la pérennité de leur budget.

Nous regrettons également l'absence de financement de la rénovation du parc immobilier de l'enseignement supérieur et de la recherche. En héritage des Jeux, nous avons déposé un amendement visant à promouvoir la rénovation des infrastructures sportives.

Enfin, je souhaite évoquer le sujet des établissements privés à but lucratif. Monsieur le ministre, votre prédécesseur M. Hetzel avait lui-même admis qu'il fallait réguler ce secteur.

Face aux nombreuses dérives et dysfonctionnements du privé lucratif, je suis convaincue que nous pouvons mener un travail collectif à ce sujet. Au-delà des instabilités politiques et ministérielles, nous devons collectivement porter ce combat dans les prochains mois.

Irréaliste est dangereux, ce budget l'est enfin pour la recherche française. Monsieur le ministre, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, l'inquiétude est grande dans le monde de la recherche !

Ce budget rend impossible le respect de la trajectoire du refinancement de la recherche prévue par la LPR, en raison des 320 millions d'euros et 250 emplois qui y manquent. Comme toujours, la réalité entre en contradiction avec les déclarations d'Emmanuel Macron, qui promettait en décembre 2023 de relancer la dynamique de financement des universités.

Nous défendons l'idée de basculer vers une recherche qui se conjugue avec les défis de notre temps. À ce moment charnière de notre histoire, la recherche doit rester un pilier et même le fondement de la planification écologique de notre pays.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)