M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Je profite de cette occasion pour revenir sur les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale.

Comme je l’ai dit, il est important de prendre en considération tous les éléments qui contribuent aux bascules stratégiques que l’on observe partout dans le monde, lesquelles vont au-delà du seul changement de présidence aux États-Unis. De ce point de vue, nous considérons que la revue nationale stratégique devrait être modifiée, ou tout au moins repensée, pour tenir compte de ces changements.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé à juste titre que cette décision relevait de la compétence du Président de la République, chef des armées. Néanmoins, les membres du groupe socialiste avec lesquels je viens de m’entretenir ont le sentiment, tout comme moi, après vous avoir écouté, que la voie est ouverte à cette réflexion.

Par ailleurs, vous venez d’affirmer que vous étiez favorable à une demande chère à mon groupe, à savoir notre souhait que le Sénat inscrive à son ordre du jour davantage de débats concernant les questions stratégiques et de défense – tant il est vrai que nous ne pouvons plus nous contenter d’en discuter dans le seul cadre budgétaire. Nous considérons que vous avez pris là une forme d’engagement – vous sembliez en quelque sorte garantir une obligation de moyens, à défaut d’une obligation de résultat.

Compte tenu des réponses que vous nous avez fournies sur ces deux points précis, monsieur le ministre, je vous indique que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera les crédits de la mission « Défense ». Notre groupe, je le rappelle, avait très largement contribué à bonifier le projet de loi de programmation militaire, avec le souci permanent de le faire correspondre au mieux aux ambitions de notre pays. Tout comme nous avions voté ce texte à l’époque, nous voterons donc ce budget aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Dans la mesure où cet amendement résulte d’un arbitrage interministériel, nous vous ferons plaisir, monsieur le ministre, et nous le voterons.

Toutefois, je souscris à ce que vient de dire le rapporteur spécial Dominique de Legge. Je ne vois guère la raison qui justifie de défendre cet amendement en l’état, pas plus que l’amendement identique de M. Canévet.

En effet, le Premier ministre a annoncé renoncer aux deux jours de carence supplémentaires et entretient le flou sur la baisse du taux d’indemnisation des arrêts maladie, mesures qui justifiaient la ponction initiale des crédits de la mission ; en conséquence, cet amendement semble ne plus avoir d’objet…

De plus, il ne me semble pas de bonne méthode d’adopter un amendement à titre provisoire, d’autant que, vous nous l’avez annoncé, monsieur le ministre, le montant des économies sera révisé en commission mixte paritaire. Mieux vaudrait faire figurer ce montant dès à présent, en se conformant simplement aux annonces du Premier ministre.

Enfin, et surtout, cet amendement vise à prendre en compte un enjeu fondamental, celui d’assurer la cohérence globale de la loi de programmation militaire. Je rappelle que le Sénat a bataillé ferme pour obtenir une trajectoire de réarmement crédible ; nous y avons passé beaucoup de temps et de nuits. Les armées ont impérativement besoin de ces crédits pour respecter le contrat opérationnel qui leur a été fixé.

Le rapport Pour rendre larmée plus attractive : retenir, attirer, réunir, rendu par nos collègues Vivette Lopez et Marie-Arlette Carlotti en octobre 2024, montre bien les efforts qu’il reste à faire en matière de ressources humaines pour renforcer l’attractivité de nos armées. Au contact des régiments, on constate au quotidien ce déclin des vocations.

Si, par extraordinaire, la totalité des crédits n’était pas entièrement consommée par les dépenses de personnel, nul ne doute que le ministère des armées saurait les réaffecter pour en faire un bon usage.

En l’état actuel des choses, si nous soutenons la mesure générale qui légitime le dépôt de cet amendement, ce dernier crée un trou dans le blindage de la LPM. Je citerai deux exemples pour illustrer mon propos : le montant des crédits annulés, 57 millions d’euros, équivaut à peu près à 40 Griffon et à 19 000 fusils HK416, dont nous avons du mal à équiper l’ensemble de nos troupes.

Nous voterons donc cet amendement, bien qu’il nous semble assez saugrenu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Compte tenu des montants évoqués, je prendrai le temps de répondre aux propos que je viens d’entendre et d’éclairer la représentation nationale et le Sénat.

Je ne reviens pas sur les propos des sénateurs de Legge et Perrin, mais nous voyons bien les limites de ce que sont devenues les lois de programmation militaire au gré des évolutions. Jusqu’à récemment, il était impensable d’intégrer les dépenses de personnel, dites T2, à une loi de programmation militaire. Cette dernière avait vocation à définir des contrats opérationnels, des cibles capacitaires, et, de manière plus globale, le modèle d’armée.

Entre 1962 et 2002, jusqu’au début des années 2000 pour faire simple, il était impensable qu’une augmentation du point d’indice des fonctionnaires ou une mesure sur le nombre de jours de carence en cas d’arrêt maladie ait des répercussions sur la programmation militaire.

Il convient de s’interroger sur ce à quoi devront ressembler les lois de programmation à l’avenir. À force de faire figurer la moindre orientation dans les lois de programmation pour sanctuariser des financements, nous avons fini par créer de la rigidité, et ce d’autant plus dans un contexte budgétaire contraint et un environnement inflationniste. Le Sénat étant particulièrement attentif à ce que les lois ne soient pas trop bavardes – je regarde Roger Karoutchi, car il s’agit de l’un de ses chevaux de bataille –, il me semble opportun d’évoquer ce point clé.

Monsieur Temal, je vous remercie des propos que vous venez de tenir au nom du groupe socialiste. Oui, je m’engage à garantir une obligation de moyens. Pour autant, il appartient aux parlementaires de définir le cadre agréé. Les livres blancs que nous avons connus il y a dix ou quinze ans ont parfois constitué un moyen pour les responsables politiques de se défausser sur des « sachants », avec un profil technique, lorsqu’il était question de diminuer les crédits militaires.

Les sommes en jeu sont tellement importantes et les questions traitées sont tellement graves qu’il faut, me semble-t-il, travailler de concert avec le Parlement. La démarche est exigeante : elle implique de se départir de ses éléments de langage habituels et de prendre des risques. À cet égard, un parlementaire est plus libre dans son expression que le ministre des armées, en particulier s’agissant des menaces que constitueraient des pays comme la Chine – le nom de cet État a été prononcé – ou encore l’Iran.

Le contexte stratégique de ces derniers mois ne remet pas en cause les principaux objectifs de la programmation militaire en matière de dissuasion, de nouveaux espaces de confrontation ou de nouvelles technologies. En revanche, je suis frappé par la brutalité des transformations auxquelles nous assistons.

Imaginons que nous ayons eu ce débat budgétaire à l’automne : il n’y avait pas de soldats nord-coréens sur la ligne de front entre la Russie et l’Ukraine ; la situation en Syrie était tout autre ; la trêve à Gaza, que vous avez eu raison de citer au début de votre intervention, monsieur Temal, n’était pas intervenue… En ce qui concerne cette dernière, je me permets de préciser qu’elle fait suite à la trêve au Liban, à laquelle nous avons œuvré avec les Américains en déployant un dispositif de « déconfliction » entre les Israéliens et les Libanais. Je pense enfin aux opérations militaires massives que la Chine a menées aux abords de Taïwan au début du mois de décembre.

Dans cette chambre où le débat démocratique est plus calme et le temps électoral plus clair…

M. Rachid Temal. Sans parler de la qualité !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ayant moi-même été élu sénateur, je me garderai bien de convoquer la grande qualité de vos travaux de peur de me le voir reprocher. Le cadre me semble propice pour tirer tous les enseignements de l’ensemble de ces paramètres.

Il s’agit d’un travail exigeant, qui impliquera de s’intéresser davantage à une forme de dualité, puisque la programmation militaire sera de plus en plus percutée par des éléments civils. Ce travail devra être conduit avec d’autres commissions et d’autres acteurs. Je ne développerai pas plus avant, mais je pense bien entendu au sujet de l’aérospatial.

Puisque nous sommes au mois de janvier, je forme le vœu que nos futurs débats portent non plus sur la question de savoir si la loi de programmation militaire est respectée ou non – vous voyez bien qu’elle l’est –, mais sur celle de savoir si nous dépensons bien notre argent pour prévenir les menaces de demain.

Au moment où je vous parle, je réponds de la copie que je vous présente, dont je connais autant les forces que les limites. Les menaces qui percutent le continent européen évoluent très rapidement ; mon obsession est que les élites françaises, qu’elles soient politiques, économiques, intellectuelles ou militaires, avancent aussi vite que ces menaces. Et je ne parle même pas de l’investiture de Donald Trump, qui obligera de nombreuses capitales européennes à évoluer sur les questions de coordination entre l’Union européenne et l’Otan et de souveraineté nationale.

Nous devrons en débattre, et je laisse au président Perrin le soin de définir le cadre dans lequel il souhaitera le faire. Je me rendrai évidemment disponible pour y participer. De même, le personnel du ministère est à votre disposition pour vous éclairer, y compris lors d’auditions non retransmises. Il me semble important que vous puissiez entendre ce que notre renseignement militaire ou la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont à dire sur l’évolution des menaces.

Le moment est venu de mener un travail innovant et original entre le Sénat et le Gouvernement, afin de montrer que nous sommes sur la bonne voie et de préparer le prochain débat présidentiel de 2027. En effet, nous devons éclairer le vote des Français en nourrissant le débat public sur la réalité des enjeux de stratégie militaire. Acquittons-nous de ce devoir collectif !

MM. Rachid Temal et Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-625.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1180 rectifié bis, présenté par MM. Saury, Pillefer, Bonneau et Perrin, Mme Dumont, M. Pellevat, Mmes Sollogoub, Guidez et Belrhiti, MM. Paul, Chaize, Brisson, Panunzi et C. Vial, Mme Dumas, M. Naturel, Mme Perrot, M. Ruelle, Mme P. Martin et MM. Gremillet et Genet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

 

 

 

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Équipement des forces

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Hugues Saury.

M. Hugues Saury. Cet amendement vise à augmenter les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces » pour soutenir la filière française des drones.

Les drones sont devenus des éléments incontournables des théâtres de guerre, comme nous l’avons constaté en Ukraine. Les forces armées doivent donc disposer d’un éventail complet de ces aéronefs.

La France accusait un léger retard sur cette technologie, qu’elle rattrape petit à petit. Toutefois, elle ne dispose toujours pas d’un drone de moyenne altitude à longue endurance (Male). Notre armée est donc encore dépendante des États-Unis et de leurs drones Reaper, d’autant que le projet de drone Male européen est régulièrement ajourné.

Pourtant, notre base industrielle et technologique de défense est en capacité de répondre aux besoins de l’armée. Il s’agit aujourd’hui d’accompagner la finalisation et la massification de la production.

Cet amendement vise donc à permettre à la direction générale de l’armement de continuer de soutenir la filière du drone Male. À ce dessein, nous proposons d’abonder le programme 146 de 10 millions d’euros. Pour assurer la recevabilité financière formelle de cet amendement, nous proposons de soustraire un même montant de crédits du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission des finances tend à faire confiance aux spécialistes des questions de défense, et je vois que cet amendement est cosigné par nombre d’entre eux. Hugues Saury a raison de souligner combien les drones constituent de plus en plus un enjeu stratégique.

La commission sollicite l’avis du Gouvernement et souhaiterait notamment savoir si le Gouvernement est disposé à lever le gage. Nous considérons que la trajectoire financière de la loi de programmation militaire doit être respectée. Cela devrait se faire par redéploiement, mais si le ministre se sent d’humeur généreuse, nous ne nous y opposerons pas ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Saury, sur le fond, votre intuition est bonne. La « dronisation », dont le président de la commission des affaires étrangères et de la défense a, à raison, fait l’un de ses chevaux de bataille, est le segment sur lequel nous n’avons pas été bons ; ne nous racontons pas d’histoires.

Cela s’explique par de nombreuses raisons.

Tout d’abord, en France, l’innovation militaire impulse toujours les innovations civiles – l’atome, internet… Or le drone est à l’origine une innovation civile, qui est désormais utilisée dans le schéma militaire. Pour des raisons culturelles, notre système n’a pas su se l’approprier.

Ensuite, nos industriels n’ont pas toujours compris à quel point il convenait d’innover rapidement, ce qui a permis à des acteurs nouveaux d’émerger dans le champ militaire, y compris des entreprises qui avaient commencé dans le domaine civil.

La loi de programmation militaire, telle que vous l’avez adoptée, est-elle caduque ? Sur la dronisation, ce n’est pas le cas ; elle est toujours valable. J’en profite pour vous faire une annonce. Comme vous le savez, le projet de drone Male européen a du retard, mais je souhaite que les gains budgétaires réalisés par rapport à la programmation continuent d’être affectés au développement des drones militaires. À l’avenir, chaque plateforme, que ce soit à terre, dans l’air ou en mer, devra disposer de son propre drone.

Cela vaut bien sûr pour les avions – vous savez que le nouveau standard F5 du Rafale sera doté d’un drone accompagnateur –, mais aussi pour les bateaux et pour l’armée de terre. La grande transformation de l’armée de terre que nous sommes en train de conduire s’articulera autour de deux éléments : d’une part, la guerre électronique, sur laquelle la guerre en Ukraine nous a beaucoup appris – en la matière, nous n’avons pas de retard, mais veillons à ne pas reproduire la même erreur que sur les drones ; d’autre part, la dronisation.

La dronisation de l’armée de terre est fondamentale : elle va du petit drone tactique dont chaque combattant doit être muni, au même titre que de son arme de poing, jusqu’aux drones des plateformes les plus lourdes, notamment la cavalerie blindée. Hugues Saury a évoqué le MGCS : il est impensable qu’un char, en 2040, n’évolue pas dans un univers fondamentalement dronisé, quand bien même il ne serait pas lui-même doté initialement de cette composante.

Ce processus concerne également l’artillerie. Le canon Caesar qui est actuellement produit n’a strictement rien à voir avec celui qui était produit il y a trois ans. À cet égard, nous avons tiré profit du retour d’expérience de la guerre en Ukraine. En matière d’artillerie, les drones peuvent servir à l’acquisition de cibles à moyenne portée.

Votre amendement m’amène à évoquer le rôle de nos industriels. Nous avons beaucoup entendu parler de Delair, par exemple, mais il convient également de souligner le travail remarquable de Turgis et Gaillard, en particulier le drone Aarok.

J’ai donc demandé, je le redis, de consacrer les gains budgétaires liés au retard du projet de drone Male européen pour réaliser des acquisitions susceptibles d’accélérer la dronisation de notre armée.

Si la géopolitique crée des ruptures, c’est aussi le cas des nouvelles technologies : au-delà des drones, je pense notamment à la guerre électronique, à l’intelligence artificielle, mais aussi à l’innovation quantique. Les sauts capacitaires dans chacun de ces domaines auront des répercussions sur l’organisation des armées ; nous devons nous y préparer.

Enfin, j’ai demandé à l’armée de terre de faire évoluer sa transformation. Plutôt que de continuer à saupoudrer les mesures de modernisation pour qu’elles profitent à l’ensemble des régiments – pour des raisons d’égalité et de justice compréhensibles –, j’ai demandé à ce que quelques régiments fassent l’objet d’une modernisation accélérée.

Cette décision a notamment été prise à des fins de compréhension. En effet, je me suis aperçu que de nombreux observateurs, y compris les plus savants d’entre eux, avaient parfois du mal à saisir en quoi consistait cette modernisation de l’armée de terre. Nous allons donc créer, en quelque sorte, des régiments témoins – pardonnez-moi cette expression –, qui montreront concrètement les évolutions liées à la « scorpionisation », à la guerre électronique, à la modernisation de certaines structures combattantes et forces de soutien.

Je considère donc votre amendement comme satisfait, et je vous invite, si vous en êtes d’accord, à le retirer. En contrepartie, je m’engage à répondre à toutes les questions que vous pourrez vous poser tout au long de l’année 2025 sur les initiatives en la matière de l’armée de terre et de la DGA.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le groupe socialiste soutient cet amendement. Comme je l’ai déjà indiqué en présentant les crédits du programme 146, Hugues Saury et moi-même, qui en sommes les corapporteurs pour avis, nous rendons régulièrement sur le terrain. Je peux donc témoigner, tout comme lui, de la puissance de l’innovation française.

Certes, nous avons pris du retard à cause de décisions qui ont été prises il y longtemps, en considérant que les drones ne joueraient pas un grand rôle à l’avenir. Au regard des conflits actuels, nous voyons bien que c’était une erreur.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’attirer l’attention sur le fait que les drones ne concernent pas seulement l’armée de l’air. Vous avez raison, toutes les armées ont besoin de drones. Il ne s’agit pas simplement de nous aligner sur nos compétiteurs ou concurrents en matière d’armement ; il s’agit de tirer les leçons des conflits armés actuels, au cours desquels les drones jouent un rôle essentiel.

Je ne doute absolument pas de la capacité de nos industriels à développer un nouveau drone Male ; ils savent le faire. C’est essentiel, car nous entrons dans une nouvelle ère de combat, de nouveaux systèmes aérien et terrestre s’apprêtant à être déployés.

Monsieur le ministre, je vous remercie de l’intérêt particulier que vous portez au développement de ce type d’équipements, dont nous avons besoin. Nos chercheurs et nos industriels sont tout à fait capables, non seulement de produire cette technologie, mais aussi de l’améliorer pour que nos équipements soient encore plus en pointe qu’actuellement.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Lorsque j’entends parler de drones, je me sens obligé de prendre la parole. (Sourires.)

Cet amendement de notre collègue Hugues Saury est important, ne serait-ce que parce qu’il nous donne l’occasion de revenir sur la question des drones. Je rappelle que le Sénat suit ce sujet de très près depuis longtemps : le rapport d’information de Jacques Gautier et Daniel Reiner de 2013 a poussé à l’acquisition de drones Reaper ; en 2017, j’ai réalisé avec Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel un rapport d’information intitulé Drones dobservation et drones armés : un enjeu de souveraineté, que nous avons actualisé en 2021 au travers d’un autre rapport d’information.

Les préconisations de ces rapports sont désormais appliquées. Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que nous avons pris énormément de retard et que nous n’avons pas été bons ; c’est une évidence

Dans Vers larmée de métier, le général de Gaulle estimait que la technologie devait être au service de la stratégie. Lorsque nous nous penchons sur les conflits auxquels nous sommes actuellement confrontés, qu’il s’agisse de l’Ukraine, du Haut-Karabakh, de l’Éthiopie ou d’autres, nous constatons que le drone est devenu un véritable game changer.

Depuis 2017, nous ne cessons de rappeler, au Sénat, l’importance de travailler sur cette question. Petit à petit, nous progressons : 5 milliards d’euros de crédits ont été inscrits dans la dernière loi de programmation militaire de sorte que nous prenions le bon chemin.

Toutefois, il s’agit d’un chemin compliqué à emprunter : il faut faire des choix difficiles, à commencer par le choix entre les diverses catégories de drones. Vous avez rappelé que la livraison du drone Male européen était sans cesse retardée, mais il convient également de s’interroger sur l’usage que nous souhaitons faire d’un tel drone de combat. Ainsi, la guerre en Ukraine nous a fait comprendre que l’emploi d’un drone Male n’était pas forcément une évidence.

Les évolutions de cette technologie sont nombreuses. Je rappelle que les Ukrainiens ont produit plus d’un million de drones en 2024. Nous devons faire en sorte que les industriels français s’adaptent à cette nouvelle donne, ce qui est extrêmement complexe.

J’espère que nous travaillerons sur ces sujets, en particulier sur l’adaptation de notre industrie de défense pour qu’elle soit en mesure de fournir nos armées en drones en quantités importantes. Actuellement, notre armée utilise des drones de petite taille, mais il ne faut rien s’interdire en la matière.

Une ancienne ministre des armées avait expliqué que nous ne nous doterions pas de munitions rôdeuses, car ce n’était pas éthique. Je rappelle que le deuxième concile du Latran avait interdit l’arbalète pour la même raison, ce qui n’a pas empêché son usage quelques années plus tard.

Il convient de faire preuve de clarté sur ces sujets. Je ne sais pas si Hugues Saury maintiendra son amendement, mais celui-ci me semble important dans la mesure où il montre l’importance de consacrer des moyens importants au développement des drones. Les industriels français savent faire beaucoup de choses ; il convient donc de les soutenir. Nous sommes, me semble-t-il, tous d’accord sur ce point dans cet hémicycle.

J’insiste sur le fait que nous avons besoin de clarté sur la façon dont seront ventilés les 5 milliards d’euros prévus dans la LPM. Actuellement, nous n’avons aucune idée des postes budgétaires qui en bénéficieront.

M. le président. Monsieur Saury, l’amendement n° II-1180 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Hugues Saury. Monsieur le ministre, il s’agit d’un sujet extrêmement important, mais étant entendu que nous avons jusqu’à présent toujours travaillé en confiance, je compte sur vous pour nous informer des avancées en la matière.

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1180 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° II-1230, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco, Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Nationalisation d’ATOS

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

 

 

 

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

 

 

 

Équipement des forces

 

70 000 000

 

70 000 000

Nationalisation d’ATOS

70 000 000

 

70 000 000

 

TOTAL

70 000 000

70 000 000

70 000 000

70 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement, inspiré par celui que notre collègue député Aurélien Saintoul a déposé à l’Assemblée nationale, tend à créer un programme « Nationalisation d’Atos » et à l’abonder de 70 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Nous connaissons tous la situation d’Atos : l’entreprise est endettée à hauteur de 5 milliards d’euros. Au printemps 2024, Bruno Le Maire avait mollement indiqué vouloir sauver les « activités stratégiques » de l’entreprise, sans les définir et sans dire comment il comptait s’y prendre. Juste avant l’été, une offre de reprise à 700 millions d’euros était finalement évoquée.

Cette somme est-elle toujours à l’ordre du jour ? Au regard du cours de l’action, qui ne vaut plus que 0,65 centime, on peut supposer que la valeur de l’entreprise n’est en réalité que de 70 millions d’euros.

Quant aux activités dites stratégiques, on devine qu’il s’agit de celles qui sont directement liées aux activités de défense et de sécurité : les supercalculateurs, les systèmes militaires tels que la plateforme Artemis.IA, qui doit devenir le futur logiciel de renseignement de la DGSI et remplacer Palantir, ou encore la gestion des systèmes de combat et de communication sur le porte-avions, les frégates et les sous-marins.

Quid des logiciels gérés par Atos qui sont utilisés au quotidien par tous les Français ? L’entreprise est essentielle à tous les échelons de la nation. FranceConnect, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), la SNCF, la Caisse des dépôts et consignations, EDF et une grande partie des logiciels de gestion de sécurité informatique des collectivités territoriales et des mairies dépendent d’Atos. Faut-il comprendre que ces activités ne sont pas stratégiques ?

Une nationalisation totale de l’entreprise nous paraît la meilleure solution. Ce serait parfaitement logique, dans la mesure où celle-ci est financée par l’État de longue date, prestataire de l’État et subventionnée par l’État. Elle appartient au patrimoine industriel de la France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous débattons souvent de la situation d’Atos au Sénat. Le président Perrin a plusieurs fois attiré l’attention du Gouvernement sur ce sujet, de même que plusieurs collègues au cours de séances de questions d’actualité au Gouvernement.

Pour autant, monsieur Gontard, j’interprète votre amendement comme un amendement d’appel. D’une part, il n’est pas opérant, dans la mesure où vous ne prévoyez pas d’affecter les sommes concernées vers le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui serait mobilisé pour une éventuelle nationalisation. D’autre part, le montant de l’opération serait à la fois très sous-estimé et superfétatoire, le compte d’affectation spéciale disposant déjà des fonds nécessaires.

J’écouterai avec attention l’avis du Gouvernement, mais je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.