Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Madame la ministre, si nous abordons des sujets d'une telle importance en nous contentant de postures, le débat va devenir assez vite compliqué. Je regrette que vous n'ayez retenu pour le traiter que le prisme économique, et encore, Jean-Claude Tissot vient de le dire très justement, en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments.

On pourrait ainsi intégrer le coût de l'inaction et de la réparation climatiques et environnementales. En définitive, c'est plutôt vous qui avez opposé agriculture biologique et agriculture conventionnelle, en disant que la première, je le traduis ainsi, n'était pas totalement viable économiquement.

Mes collègues l'ont rappelé, commençons par respecter ce que la loi prévoit déjà, ce qu'elle permet et ce qu'elle exige. Les chiffres en la matière sont incontestables, les obligations inscrites dans la loi Égalim pour ce qui est de la part de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective ne sont pas respectées.

Prenons aussi en compte l'impact de la non-action climatique pour fixer les moyens que nous devons mobiliser pour réparer les erreurs qui ont été faites en matière agricole : ainsi aborderions-nous le débat d'une manière beaucoup plus juste et apaisée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite insister sur le volet de la prévention en santé, sujet qui m'intéresse et que je suis de près.

Force est de constater qu'en dépit des plans nationaux santé-environnement (PNSE) la prévention représente seulement 3 % du budget de la sécurité sociale.

Faisons un parallèle : quand les laboratoires pharmaceutiques, et en particulier Big Pharma, négocient le prix d'un médicament, ils veulent que soient prises en compte les économies futures induites par l'utilisation du produit, qui fera baisser le nombre d'hospitalisations et de pathologies lourdes ou chroniques à traiter. Pourquoi ne pas procéder selon la même logique pour ce qui est de l'agriculture biologique ?

L'agriculture biologique, mes collègues l'ont dit, est un élément essentiel de la prévention en santé. De multiples exemples attestent ainsi que la qualité de l'eau a des répercussions sur la santé, et l'on connaît le lien entre prévalence des cancers et facteurs environnementaux. J'y insiste, il est prouvé que la progression actuelle de ces maladies dans nos pays a des causes environnementales.

Un soutien à l'agriculture bio représenterait, certes, une dépense immédiate et de court terme. Mais gouverner, c'est ne pas se contenter de vues à court terme : c'est s'inscrire dans le long terme.

Or, à long terme, cette dépense aurait pour effet de réduire le nombre des pathologies chroniques, des hospitalisations et des cancers, donc les coûts énormes que tout cela entraîne. Il faut savoir que les prix des médicaments innovants destinés à guérir les cancers représentent une très grande partie des dépenses inscrites dans le PLFSS !

Je le répète, les mesures ici proposées représentent bien, à court terme, une dépense, mais elles relèvent, sur le long terme, de la prévention. Et, puisque gouverner c'est prévoir – on le dit suffisamment –, il est toujours bon de prendre en compte ce volet de la prévention.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je suis un peu déçu, et même désolé, que nous ayons ce débat, et que l'on oppose ainsi les agriculteurs les uns aux autres.

M. Franck Montaugé. Ce n'est pas nous qui le faisons !

M. Thomas Dossus. On peut remercier Mme la ministre…

M. Daniel Gremillet. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et de respect, mes chers collègues ; j'aimerais que vous fassiez de même : c'est important !

Avec les membres de la commission des affaires économiques – j'en prends à témoin notre présidente, Dominique Estrosi Sassone –, et en particulier avec Anne-Catherine Loisier, nous avons passé beaucoup de temps en auditions sur ce sujet.

En réalité, et tel est d'ailleurs le piège de la loi Égalim, on s'éloigne tout doucement de ce que le consommateur souhaite acheter. C'est pour cela que je suis triste !

Un certain nombre d'entre nous avons été, dans une autre vie, actifs dans le domaine agricole, d'une façon ou d'une autre. Je pourrais vous parler, par exemple, de ce que j'ai fait en tant que président de chambre d'agriculture voilà plus de trente ans : j'ai engagé le premier technicien conseil en agriculture biologique au sein du département des Vosges…

À force de laisser croire que le marché est extensible et qu'il peut sans cesse absorber des volumes supplémentaires, on a menti aux paysans qui se sont engagés dans la reconversion de leur exploitation, car, au bout du compte, nous n'avons pas eu les marchés et les consommateurs n'ont pas été au rendez-vous !

Opposer les agriculteurs entre eux, faire croire que seuls ceux qui travaillent en bio ont permis aux Français de mieux vivre et de mieux s'alimenter, c'est une erreur. L'agriculture française a contribué d'une manière générale à ce que les Français soient mieux nourris et à améliorer leur sécurité alimentaire. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Mais si, mon cher collègue !

Il n'est pas imaginable de s'en remettre, pour faire vivre l'agriculture biologique, à la seule commande publique. Regardons ce que le consommateur est prêt à dépenser, au quotidien, pour se nourrir ; alors nous tomberons tous d'accord !

Je remercie les rapporteurs spéciaux pour l'avis qu'ils ont émis au nom de la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Ce débat est symptomatique ! Notre pays pourrait être fier de son agriculture, qui est la plus respectueuse au monde de l'environnement.... (Il l'est ! sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Franck Montaugé. Il en est fier !

M. Jean-Claude Tissot. Et nous le sommes !

M. Laurent Duplomb. Nous avons une agriculture familiale, présente sur la totalité de nos territoires, qui a réduit de 95 % le recours aux molécules dangereuses classées CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) de catégorie 3.

Nous avons une agriculture qui a diminué, du mieux qu'elle a pu, toutes les atteintes possibles et imaginables à l'environnement. Et, malgré cela, d'aucuns continuent à s'y opposer en vertu d'un dogme politique soutenu en particulier par la gauche, qui est le suivant : seule l'agriculture biologique est bonne, le reste vous empoisonne.

M. Jean-Claude Tissot. J'ai dit l'inverse !

M. Laurent Duplomb. Telle est la réalité de vos discours, mes chers collègues ; ils sont inaudibles !

Les agriculteurs, je le rappelle, vivent en moyenne trois années de plus que l'ensemble des Français. Si l'agriculture conventionnelle était aussi dangereuse, elle commencerait par tuer les agriculteurs avant de tuer le reste de la population… Trois années de plus d'espérance de vie, c'est factuel ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Et les maladies professionnelles ?

M. Laurent Duplomb. Si vous continuez à taper sur le monde agricole, il y a aura de moins en moins d'agriculteurs et d'installations, et l'on ouvrira encore un peu plus grand les portes à l'importation !

Il ne faut tout de même pas oublier que le rendement des surfaces exploitées en bio est inférieur de 30 % à 50 % en volume à celui de l'agriculture conventionnelle.

MM. Thomas Dossus et Daniel Salmon. Ce n'est pas vrai !

M. Laurent Duplomb. Cela signifie que, pour nourrir la même population avec des produits biologiques, il faut importer des denrées en provenance de continents qui déforestent pour produire… C'est ce modèle d'agriculture dont vous êtes les promoteurs pour demain !

Mme Émilienne Poumirol et M. Michaël Weber. Caricature !

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. On voit bien ici qui désigne qui, qui fabrique des oppositions, qui monte les uns contre les autres…

Oui, c'est vrai, nous pouvons être fiers de notre agriculture, et nous le sommes. Vous avez raison, d'énormes progrès ont été accomplis en matière de respect de l'environnement, notamment par le biais d'un certain nombre de normes qui ont été imposées aux agriculteurs. On peut donc remercier aussi cette régulation normative dont vous voulez la suppression !

D'aucuns, à droite, disent qu'il faut laisser le marché s'orienter au gré du choix des consommateurs. Mais, je vous le dis, si l'on propose au consommateur du poulet ukrainien trois fois moins cher que le poulet français, celui-ci choisira le poulet ukrainien !

M. Laurent Duplomb. C'est ce qu'il fait déjà !

M. Thomas Dossus. On le voit bien, l'agriculture est un marché spécifique et les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres. En ce domaine, il faut des règles, de la régulation et des choix politiques : il y a des modèles à défendre.

Oui, certains modèles sont plus vertueux que d'autres pour l'environnement. Lorsqu'il y a moins d'intrants dans le sol, il est évident que les nappes phréatiques sont moins polluées : ce n'est pas un dogme, c'est prouvé par la science !

Des territoires entiers ont été pollués par l'utilisation de pesticides, comme le chlordécone, dont on continue de subir les conséquences. Sur ces questions-là, mes chers collègues, il faut savoir se remettre en question !

Concernant la longévité des agriculteurs, il faut faire attention à ce que l'on dit, et notamment aux causes et aux conséquences. Le fait que les agriculteurs travaillent en plein air et exercent un métier physique – j'allais dire « sportif » – est un facteur de longévité : ainsi s'explique notamment la statistique qui a été citée par notre collègue. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il ne faut donc pas raconter tout et n'importe quoi !

Je pense, pour ma part, que l'on ne rémunère pas suffisamment les services rendus à la nature, à l'environnement, à nos nappes phréatiques, par le modèle de l'agriculture biologique. Il est important de faire le choix du soutien à cette filière.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Quoi qu'il en soit des dissensions qui s'expriment ici, je ne pense pas que quiconque dans cet hémicycle soit opposé à un modèle d'agriculture ou à un autre… La grandeur de la France réside dans ses agricultures, qu'il s'agisse de production conventionnelle, biologique ou à haute valeur environnementale (HVE). Là n'est pas la question.

À titre personnel, et parce que je suis favorable aux écorégimes, je soutiendrai l'amendement n° II-1553 rectifié bis.

L'aide à la conversion à l'agriculture biologique passe par des financements étatiques, européens, régionaux et départementaux. Défendant une conception de l'agriculture qui intègre les paiements pour services environnementaux (PSE), je considère qu'il est essentiel de soutenir les agriculteurs qui rendent des services à la société, notamment en préservant la qualité de l'eau, en favorisant la restructuration des sols par les matières organiques et en contribuant, de manière générale, à l'atteinte de nos objectifs climatiques.

Il est essentiel de soutenir ces agriculteurs, disais-je : il y a de l'argent public pour ce faire et leur engagement mérite une reconnaissance.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je crois que nous ne réussirons pas à nous mettre d'accord, mais nous le savions…

Madame la ministre, j'ai noté un point que vous avez évoqué à bas bruit : votre volonté d'examiner les crédits de la conversion en vue de les flécher sur l'aide au maintien de l'agriculture biologique. Il s'agit d'une demande très forte, qui n'a pas été satisfaite, et il serait bon que vous puissiez prendre un engagement à cet égard.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. J'espère apporter un peu d'apaisement dans ce vif débat portant sur les amendements de M. Salmon.

La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre l'agriculture biologique. La défense de ce modèle d'agriculture a toute sa place dans la politique du ministère, et ce depuis des années !

Pour vous en convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à rappeler que, au titre des aides pérennes, l'agriculture biologique bénéficie chaque année des 109 millions d'euros du crédit d'impôt qui lui est dédié.

Mme Annie Genevard, ministre. Nous consacrons 50 millions d'euros à l'écorégime.

Nous accordons au fonds Avenir Bio, via la planification écologique, un budget qui a été porté à 18 millions d'euros par an.

Nous abondons le budget de communication de l'Agence Bio, à hauteur de 5 millions d'euros par an, pour soutenir une campagne de communication massive sur la consommation des produits bio.

Enfin, nous soutenons la valorisation des produits bio au travers de la loi Égalim, laquelle a fixé l'objectif d'au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio, dans les menus servis par les restaurants collectifs sous gestion publique. Ce choix – je le rappelle pour rebondir sur l'allusion faite par le sénateur Gremillet – met d'ailleurs en difficulté certains intendants, à qui il arrive de devoir choisir entre les productions des agriculteurs locaux, qu'ils voudraient encourager, et des produits de l'agriculture biologique qui ne sont pas toujours disponibles à proximité ; mais c'est un autre débat, sur lequel nous reviendrons.

L'État reconnaît donc l'importance de l'agriculture biologique : il soutient l'agriculture biologique.

M. Jean-Claude Tissot. En supprimant les aides au maintien ?

Mme Annie Genevard, ministre. La question est de savoir si l'on peut consacrer à ce soutien, comme vous le souhaitez, monsieur Salmon, 325 millions d'euros ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Le rapporteur a dit que cela n'était pas raisonnable, et nous disons de même.

Quant à celui de vos amendements qui prévoit un abondement de crédits de 50 millions d'euros, il pose un problème réglementaire : on ne peut pas revoir les dispositions européennes de notre seule initiative, c'est techniquement impossible ! (M. Franck Montaugé s'exclame.)

Je réitère donc mon avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1551 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1553 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1548 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1552 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-1496 rectifié bis, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Redon-Sarrazy et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

659 000 000

 

298 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

dont titre 2

 

509 000 000

 

 298 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

dont titre 2

 

150 000 000

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

TOTAL

659 000 000

659 000 000

298 000 000 

298 000 000

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à rétablir les crédits dédiés à la planification écologique à la hauteur de ceux qui avaient été promis et votés dans le précédent budget.

En effet, le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait de mobiliser 1 milliard d'euros pour engager concrètement cette transition, via la création de nouvelles lignes budgétaires au sein de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Notre groupe avait à l'époque salué cette disposition, même si nous étions déjà très sceptiques concernant sa mise en œuvre et la volonté réelle du gouvernement d'alors de respecter ses engagements. Malheureusement, les faits nous ont donné raison et, un an plus tard, le constat est sans appel : une baisse de près de 70 % des crédits consacrés à la planification écologique se conjugue à de nombreux renoncements législatifs et réglementaires en matière environnementale, tendance qu'a priori vous avez bien l'intention, madame la ministre, de poursuivre.

Ce renoncement budgétaire est injustifiable à deux titres.

D'une part, il démontre une nouvelle fois l'incapacité de votre gouvernement à prendre réellement en compte l'urgence climatique et la nécessité d'opérer un virage agroécologique majeur et rapide, dans l'intérêt même des agriculteurs, qui sont les premières victimes des dérèglements climatiques.

D'autre part, il témoigne du peu de considération que vous avez pour le Parlement et pour la parole publique.

Comment justifier un tel revirement opéré en moins d'un an ? Vos arguments sont loin de nous avoir convaincus… Cela revient en quelque sorte à s'asseoir sur le vote du Parlement.

Comment justifier la non-dotation de lignes budgétaires entières concernant le plan Protéines, le diagnostic carbone ou la défense des forêts contre l'incendie, ou encore la baisse drastique des crédits dédiés au pacte en faveur de la haie ou au plan de souveraineté alimentaire ?

Au total, madame la ministre, ce qui transparaît à la lecture des documents de présentation de ce projet de budget, c'est une forme de cynisme. Pour justifier et assumer ce renoncement, vous n'évoquez quasiment pas le budget pour 2024 et vous vantez un budget stable par rapport à celui de 2023. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de rétablir les crédits de la planification écologique à hauteur de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin que la parole donnée soit respectée.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de rétablir à l'identique les crédits prévus dans le projet de budget pour 2024.

En outre, mon cher collègue, j'appelle votre attention sur le fait que l'adoption de votre amendement signifierait une augmentation de la dépense de 659 millions d'euros. À ce rythme, il est certain que nos discussions de la soirée vont se trouver raccourcies… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Vous évoquez le budget 2023, monsieur le sénateur ; mais il faut citer également le budget 2024 ! Tout bien pesé, le budget 2025 équivaut au réalisé 2024 ; vous ne pouvez donc pas dire qu'il y a un effondrement des crédits : si l'on tient compte de l'exécution, c'est, d'un exercice à l'autre, la même épure budgétaire.

Le budget 2024 avait en effet un caractère atypique et il a été sous-consommé pour ce qui concerne la ligne dédiée à la planification écologique.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Je suis désolé, madame la ministre, mais cet argument n'en est pas un ! C'est le même, ou presque – « oui, le budget baisse, mais il n'a pas été consommé… » –, qui est d'ailleurs également invoqué concernant le fonds vert.

Que s'est-il passé, dans un cas comme dans l'autre ? En réalité, les acteurs locaux sont perdus par les messages que vous envoyez !

Car, sans même parler de la dissolution et de la valse des gouvernements, on ne peut que constater l'instabilité des mesures et les changements de pied permanents, les vôtres et ceux de vos prédécesseurs. D'un côté, vous affirmez votre soutien à la planification écologique ; de l'autre, vous dites aux agriculteurs que, le combat essentiel étant l'allègement normatif, ils n'ont pas à s'inquiéter : le Gouvernement sera à leurs côtés même s'ils diminuent leur engagement en faveur de la transition…

Forcément, à l'arrivée, la consommation des crédits n'est pas à la hauteur des attentes ! C'est l'évidence même.

Je prends un autre exemple pour illustrer cette situation, celui des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec). Nous avons dû, les uns et les autres, mener une bataille acharnée, à la fin de l'année 2023, pour faire simplement respecter la parole de l'État lorsqu'il s'est agi de trouver des crédits afin de soutenir les agriculteurs qui, en nombre, se lançaient dans cette démarche.

Lorsque vous galérez à ce point pour obtenir des financements qui vous étaient dus, vous vous dites que la parole de l'État, de la puissance publique, n'a plus de valeur ; évidemment, vous faites machine arrière ! Et si d'aventure vous ne vous êtes pas encore inscrit dans une telle démarche, vous ne pouvez pas ne pas vous demander s'il est bien raisonnable de solliciter des dispositifs qui, de toute façon, ne seront pas au rendez-vous.

Vous voyez bien qu'il y va d'une responsabilité globale, qui suppose une stabilité des moyens financiers, mais aussi du message politique, s'agissant de priorités qui concernent en premier lieu les agriculteurs. Encore une fois, madame la ministre, ce sont eux que nous défendons au travers de cet amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1496 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-1258 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Gold et Grosvalet, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

272 000 000

 

305 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

dont titre 2

 

272 000 000 

 

305 000 000 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

dont titre 2

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

272 000 000

272 000 000

305 000 000

305 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. La forêt est l'un des chantiers prioritaires de la planification écologique compte tenu de ses répercussions sur la production de bois, le stockage de carbone et la préservation des écosystèmes.

Les actions sont donc nombreuses : amplification des actions de prévention contre les incendies ; reconstitution des forêts touchées par des sinistres, tels que les attaques de scolytes ou les incendies ; adaptation des forêts identifiées comme vulnérables face aux effets du changement climatique, etc.

Il est d'autant plus urgent de soutenir ce secteur que, selon le département de la santé des forêts (DSF), le taux de plantations en échec, c'est-à-dire dont au moins 20 % des plants sont morts ou disparus, a atteint un niveau inédit de 38 % en 2022, année de sécheresses et de canicules, contre 24 % en 2023, taux plus proche de la moyenne 2015-2022.

Ce constat devrait nous alerter quant au risque que les conditions de plantation deviennent durablement moins propices, et inciter à accélérer l'adaptation. Pourtant, ce projet de loi de finances prévoit de diviser par deux les crédits visant à financer le renouvellement forestier.

Cet amendement a en conséquence pour objet de rétablir, à hauteur de ceux qui furent proposés pour 2024, les crédits alloués à la filière forêt-bois, dans une logique de prévention qui est celle que je défends.

Mme la présidente. L'amendement n° II-335 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Menonville et Tissot, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

22 000 000 

 

22 000 000 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

dont titre 2

 

22 000 000  

 

22 000 000  

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

dont titre 2

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

 22 000 000

22 000 000 

22 000 000 

22 000 000 

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à porter les crédits de l'enveloppe « forêt » de la planification écologique à 250 millions d'euros, contre 228 millions inscrits dans le projet de loi de finances, afin de sanctuariser 150 millions d'euros sur la ligne relative au renouvellement forestier, ainsi que 10 millions d'euros pour le soutien à la filière graines et plants forestiers.

Après des débuts laborieux, une dynamique s'est enclenchée depuis trois ans ; il est tout à fait important de la maintenir, car toute cassure désorganiserait la filière et ses différents maillons, au premier chef les plantations et les entreprises de travaux forestiers. Le secteur a désormais atteint sa vitesse de croisière ; je le répète, ne cassons pas cet élan !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Le premier de ces amendements en discussion commune vise à rétablir 272 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 305 millions d'euros de crédits de paiement.

Il faut traiter la question forestière, c'est entendu, mais il est impossible d'accepter cet amendement, car il bousculerait l'architecture budgétaire.

Le second amendement, celui de la commission des affaires économiques, porte sur la même thématique ; il est plus raisonnable. Compte tenu des contraintes budgétaires, la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement avant d'émettre un avis définitif.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Vous connaissez les modifications de périmètre qui ont été introduites à la suite de la nomination du nouveau gouvernement…

La forêt relève pour une bonne part, désormais, du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Ça va rassurer la filière !

Mme Annie Genevard, ministre. L'idéal eût été que Mme la ministre de la transition écologique soit au banc pour vous répondre ; elle ne l'est pas, mais ses équipes ont préparé les éléments qu'elle souhaitait vous communiquer lors de ce débat.

Le Gouvernement a conscience des enjeux liés à la forêt et reste convaincu qu'il faut poursuivre l'effort financier engagé en 2024 en faveur d'une meilleure connaissance de la forêt, de son renouvellement et de la structuration de la filière forêt-bois. Cela étant, la ligne intitulée « renouvellement des forêts » porte l'intégralité des crédits de la planification pour 2025. Il convient donc de lire que l'enveloppe de 228 millions d'euros est consacrée à l'ensemble des mesures forestières de l'action n 29 du programme 149.

Il semble donc prématuré, monsieur le rapporteur spécial Lurel, de procéder dès à présent à un nouvel abondement des montants, compte tenu du manque de recul que nous avons sur les besoins réels des différents secteurs.

En effet, il faut – c'est de bonne stratégie – recueillir les attentes de la profession avant de procéder au fléchage des sous-enveloppes dédiées.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je retire l'amendement n° II-1258 rectifié bis au profit de l'amendement n° II-335 rectifié de la commission des affaires économiques.

Mme la présidente. L'amendement n° II-1258 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.