Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le titre-restaurant est un dispositif bien connu par bon nombre de Français. Selon les derniers chiffres, quelque 5,4 millions de salariés en bénéficient aujourd’hui et 180 000 employeurs auraient recours à ce dispositif.

Pour rappel, le titre-restaurant permet le cofinancement par l’employeur et par le salarié d’un paiement destiné à l’achat d’un repas par le salarié qui ne bénéficie pas de cantine ni de restaurant d’entreprise. En contrepartie, la part financée par l’employeur est exclue de l’assiette de cotisations et contributions sociales. C’est donc un dispositif très intéressant pour les deux parties.

Madame la rapporteure, lorsque nous avons examiné le présent texte en commission, vous aviez commencé ainsi votre intervention : « La proposition de loi qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale et que nous examinons [aujourd’hui] a comme un air de déjà-vu. » C’est effectivement le cas !

À l’origine, le titre-restaurant permet au salarié d’acheter une préparation alimentaire directement consommable. Concrètement, il peut s’agir d’un repas au restaurant, d’un plat acheté en grande surface ou dans un commerce de bouche.

En 2022, le cadre du titre-restaurant a été élargi compte tenu du contexte inflationniste. Le plafond d’utilisation des titres-restaurant est passé de 19 à 25 euros par jour et un régime dérogatoire temporaire a été instauré, afin de permettre son utilisation pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non.

Ce régime devait arriver à son terme le 31 décembre 2023, mais il a été prolongé d’une année, le contexte inflationniste ne permettant pas d’interrompre cette dérogation.

Aujourd’hui, nous devons donc nous prononcer de nouveau sur une prolongation de ce régime, la seconde. Le groupe Les Indépendants – République et territoires soutiendra évidemment cette proposition de loi, dont l’adoption a déjà été largement retardée compte tenu du contexte récent, car aucun salarié ne comprendrait l’interruption de ce régime dérogatoire.

Nous voterons la présente proposition de loi, car elle permettra de répondre aux besoins des salariés, notamment afin de soutenir ces derniers dans le contexte économique qui, s’il est nettement moins inflationniste que l’année dernière, demeure très difficile. Pour nombre de nos concitoyens, l’alimentation continue de représenter une part croissante dans leur budget.

Cependant, c’est bien la version que Mme la rapporteure nous présentait en décembre dernier que nous soutiendrons, celle qui suggérait de prolonger le dispositif non jusqu’en 2026, mais jusqu’en 2025. En effet, une prolongation jusqu’en 2026 nous semblait non seulement inutile, mais presque contre-productive, car elle aurait permis de repousser de nouveau une réforme qui paraît pourtant indispensable.

L’année dernière déjà, au moment de voter la prolongation de la dérogation pour 2024, nous nous demandions ce que nous ferions dans un an et nous invitions à une réforme du titre-restaurant.

De nouveau, mes chers collègues, je vous le demande : que ferons-nous dans un an ? Il ne serait pas raisonnable de nous retrouver indéfiniment chaque mois de décembre pour voter la prolongation de cette dérogation !

Il est absolument impératif que 2025 soit une année de réflexion et de refonte du titre-restaurant. Ce dispositif doit être adapté et modernisé ; il faut le réformer sans précipitation, après une large concertation.

Madame la ministre, nous comptons donc sur vous pour mener une concertation et associer les parties prenantes à cette réforme.

La refonte du titre-restaurant est promise et attendue depuis maintenant plusieurs années. Il a été créé en 1967, il y aura donc bientôt soixante ans, et la société a depuis beaucoup évolué depuis lors, ainsi que les préférences des salariés et des consommateurs. Il faut notamment tenir compte du développement du télétravail ou de la préférence de nombreux salariés à préparer eux-mêmes leur déjeuner, pour des raisons tant économiques que liées à leur santé.

J’insiste aussi sur le temps de concertation nécessaire avant toute refonte pérenne des modalités du dispositif. Une telle évolution ne doit pas se faire au détriment des petits commerçants et des restaurateurs, dont l’activité a déjà été tant mise à mal ces dernières années.

Le titre-restaurant doit surtout demeurer un outil d’aide à la restauration des salariés sur leur temps de travail. Il ne doit pas devenir un complément de pouvoir d’achat plus large ni un chèque alimentaire.

Quand on aborde le sujet des titres-restaurant, on pense naturellement au pouvoir d’achat des salariés, et plus largement ou indirectement à leur rémunération. Toutefois, un débat sur le pouvoir d’achat des Français ne peut se résumer à une discussion sur les titres-restaurant. Il doit porter sur les entreprises, leur dynamisme, leurs charges, la productivité, le temps de travail et la rémunération.

L’année dernière, ma collègue Frédérique Puissat et moi-même avons eu l’occasion de mener une mission d’information sur les négociations salariales. À l’issue de celle-ci, nous avons formulé quinze recommandations qui pourraient trouver un écho, afin d’améliorer dignement le pouvoir d’achat des salariés et de lutter contre la stagnation du salaire tout au long de la carrière.

Notre groupe votera en faveur de la prolongation d’une année prévue par cette proposition de loi, mais nous appelons fortement à une large concertation pour une refonte du dispositif, dans le respect d’un équilibre entre le pouvoir d’achat des salariés et l’activité des petits commerçants et des restaurateurs, en espérant que cette réforme puisse aboutir assez rapidement, avant 2026.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, la loi de 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu un dispositif dérogatoire permettant d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2023 les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Une loi du 26 décembre 2023 a prolongé le dispositif jusqu’à la fin de 2024.

Sans mesure législative visant à prolonger de nouveau la dérogation, depuis le 1er janvier 2025, les salariés ne peuvent plus acheter que des produits alimentaires directement consommables, ce qui est fort regrettable.

Près de 200 000 employeurs ont recours aux titres-restaurant et plus de 5 millions de salariés en bénéficient dans notre pays.

Comme les prix des produits alimentaires se maintiennent à un niveau élevé, il apparaît nécessaire de pérenniser l’extension du champ des produits pouvant être achetés au moyen de titres-restaurant et de remédier à une situation provoquée par la censure du Gouvernement et qui met en difficulté le pouvoir d’achat des salariés.

La prolongation du dispositif pour deux années que proposent les auteurs de la présente proposition de loi, tenant compte des différents intérêts en matière de restauration et d’alimentation, doit permettre, comme s’y était engagée la secrétaire d’État chargée la consommation, notre collègue Laurence Garnier, et comme vous venez de le confirmer, madame la ministre, de mener des discussions en 2025 pour procéder à une réforme globale des titres-restaurant. Il faudra y veiller.

Pour ma part, j’indique d’ores et déjà que je souhaite non seulement pérenniser l’extension du champ d’utilisation de ces titres, mais aussi aller bien au-delà.

À ce titre, je souhaite revenir sur une proposition de loi que j’avais déposée en 2022, qui visait à développer « l’argent fléché », dont les titres-restaurant sont les principaux représentants. Réunis sous ce vocable, ces dispositifs permettent de s’affranchir des charges salariales et patronales pour assurer, dans un cadre répondant à des objectifs de simplification, des relations de confiance au sein des organisations et améliorer le pouvoir d’achat des salariés.

Le titre-restaurant, à l’instar du chèque-vacances, est un dispositif social performant, qui rapporte plus qu’il ne coûte à l’État en raison de l’augmentation mécanique des recettes fiscales, en particulier de la TVA. Une étude avait en effet estimé que, en 2020, le coût des exonérations s’élevait à 1,4 milliard d’euros, tandis que les retours induits pour les finances publiques étaient évalués à 2,3 milliards d’euros.

Dans cette proposition de loi visant à améliorer le pouvoir d’achat des salariés et à redynamiser la consommation locale, j’avais proposé le déplafonnement de l’usage journalier du titre-restaurant et l’augmentation de sa valeur faciale.

Je propose d’examiner ces questions dans le cadre de la réforme à conduire, en complément de la pérennisation de l’extension du champ d’intervention. Il s’agit, au travers de cette mesure, d’atteindre l’objectif d’accorder une plus grande liberté et davantage de confiance aux acteurs, lequel sied bien à ce dispositif souple et partenarial qui s’inscrit dans un dialogue social au sein des organisations.

Il s’agit aussi de mettre un terme à la forte érosion du pouvoir d’achat des bénéficiaires du titre-restaurant depuis plus de dix ans.

Alors que les indices des prix à la consommation dans l’alimentaire et la restauration ont respectivement augmenté de plus de 12 et de 17 points de base entre 2011 et 2020, sans parler de la période inflationniste récente, le plafond de la contribution patronale titre-restaurant est resté quasiment stable sur cette période, gagnant à peine 5 points.

En résulte un décrochage de plus en plus visible au quotidien. En 2019, la valeur faciale moyenne d’un titre-restaurant était de 7,90 euros, alors que le prix moyen d’un déjeuner est proche de 14 ou de 15 euros et que la prime repas, elle-même exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, était fixée à 19,10 euros pour un déjeuner au restaurant, selon la valeur en vigueur au 1er janvier 2021.

Il est de notre ressort d’enrayer une telle érosion, pour permettre au titre-restaurant de continuer à jouer son rôle de politique sociale vertueuse, d’assurer sa prise en charge jusqu’à 60 % par l’employeur, ainsi que son rôle dans l’équilibre alimentaire et nutritif.

Dans la proposition de loi que j’avais déposée, je proposais aussi, en m’appuyant sur une étude de l’OCDE selon laquelle les bons sociaux sont des outils innovants pour l’inclusion sociale et le développement local, d’étendre la portée de ces bons.

Cette étude décrit les programmes de bons sociaux, dont relèvent les titres fléchés, comme des outils efficaces pour le déploiement de politiques sociales garantissant aux citoyens l’accès local ou national aux biens et services essentiels.

La plupart des évaluations des programmes de bons soulignent leurs impacts positifs et signalent qu’ils permettent d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux, tels que le bien-être des bénéficiaires, la promotion de l’inclusion sociale ou même l’encouragement de comportements de consommation locale.

Cette étude souligne également que les bons sociaux sont des instruments puissants pour augmenter les recettes fiscales, lutter contre le travail non déclaré, stimuler la création d’emplois formels et développer l’économie locale.

En comparaison d’autres moyens permettant de fournir un soutien social en nature ou en espèces, cette étude conclut que « les bons sociaux permettent le ciblage plus que l’argent, mais ils offrent également une liberté de choix non négligeable aux utilisateurs en ce qui concerne les fournisseurs de biens ou de services », et que « cet équilibre entre le ciblage et le choix des consommateurs est source d’efficacité ».

Mes chers collègues, au-delà des dispositifs que nous connaissons aujourd’hui, je vous propose donc de travailler aux déclinaisons possibles des bons sociaux liés au travail pouvant toucher par exemple le télétravail, les loisirs sportifs ou culturels et les services à domicile.

Dans l’attente de cette réforme, notre groupe soutiendra un vote conforme de la présente proposition de loi, dans un souci d’efficacité, afin d’assurer la mise en œuvre rapide de cette dérogation au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 96 % – un pourcentage écrasant ! – des Françaises et des Français bénéficiant des titres-restaurant soutiennent l’extension de leur usage aux produits alimentaires non directement consommables ; quelque 5,4 millions de nos concitoyens ont bénéficié de cette avancée sociale, qui leur permet de mieux manger et facilite leur quotidien.

Depuis leur création en 1967, les titres-restaurant sont un nouveau dispositif de justice sociale pour les travailleurs de certaines entreprises. Toutefois, nous pouvons affirmer que, depuis cette date, notre manière de travailler, de consommer et de nous nourrir a profondément évolué.

En 2022, nous avons fait face à une inflation oppressante, après la crise de la covid-19. Nous avons été confrontés à une urgence sociale et économique qui a bouleversé notre quotidien.

Le pouvoir d’achat des Français a été fragilisé. Nous avons réagi en votant, notamment sur l’initiative de Frédérique Puissat, l’élargissement de l’usage des titres-restaurant permettant d’y inclure des produits non directement consommables, tels que les pâtes, le riz ou les légumes, pour répondre aux besoins concrets de nos concitoyens.

Cette mesure a fonctionné. Elle a permis à des millions de travailleurs de souffler un peu face à des prix alimentaires qui ne cessaient de grimper.

Mes chers collègues, vous en conviendrez, c’est une question non pas d’idéologie, mais de bon sens, et qui fait consensus.

Aussi, pourquoi devrions-nous continuer de tergiverser chaque année pour prolonger une mesure qui fonctionne et d’ajouter une dose d’incertitude inutile dans la vie des Français ? Pourquoi devrions-nous maintenir ce système dans un état provisoire, alors qu’il est plébiscité par une écrasante majorité de ses bénéficiaires ?

Aujourd’hui, nous devons aller plus loin. Nous devons avoir le courage de pérenniser cet élargissement, ainsi que je le proposais au travers d’une proposition de loi déposée le 15 novembre 2023.

Ce n’est pas seulement une mesure d’urgence, c’est une mesure de progrès, une réponse adaptée aux réalités tant de notre époque que de notre société.

Une grande majorité du groupe RDPI et moi-même proposerons, au travers d’un amendement, de prolonger de deux ans le délai de cette dérogation. Ce délai nous semble nécessaire pour entreprendre une réforme adéquate et durable du système entier des titres-restaurant, qui ne se contenterait pas de prolonger ce qui existe, mais qui préparerait l’avenir en tenant compte de l’ensemble des évolutions.

Pendant ces deux années, nous devrons travailler collectivement.

Premièrement, nous devrons adapter le système aux nouvelles réalités du travail, comme le télétravail, qui modifie profondément les habitudes des travailleurs.

Deuxièmement, nous devrons répondre aux nouveaux modes de consommation, qui favorisent de plus en plus la préparation de repas faits maison et l’exigence de mieux s’alimenter.

Troisièmement, il nous faudra créer un dispositif moderne, équitable et accessible, qui ne laisse personne de côté, y compris dans les zones rurales ou éloignées des centres urbains et des restaurants.

Mes chers collègues, chaque année le Parlement adopte des lois pour encourager nos concitoyens à mieux manger, à consommer cinq fruits et légumes par jour, moins de sucre, moins de plats industriels, etc. Cependant, que faisons-nous pour leur donner les moyens de suivre ces recommandations ? Nous avons ici un outil simple, efficace et très largement adopté.

Je l’ai déjà souligné en commission, mais il me semble essentiel de le rappeler ici, les titres-restaurant sont un droit pour les travailleurs. Aussi, au nom de quoi dicterions-nous aux salariés ce qu’ils doivent en faire ?

Il est bien sûr nécessaire de restreindre leur usage aux seuls produits alimentaires, en excluant l’alcool. Mais il me semble important de laisser aux salariés la liberté de choisir s’ils veulent acheter des carottes ou de la viande, ou s’ils préfèrent les utiliser pour aller au restaurant ou manger un sandwich.

Certains soulèvent la question des conséquences de cette extension de leur usage sur le secteur de la restauration. Je veux être clair : le groupe RDPI est pleinement attentif à cette question, mais seulement 25 % des achats effectués en grande distribution avec des titres-restaurant concernent des produits non directement consommables.

C’est évident, nous devrons nous appuyer sur des études approfondies pour garantir une réforme équilibrée, qui ne laisse personne de côté et qui préserve tous les acteurs concernés, y compris les restaurateurs. Tel est l’objet de ces amendements qui visent à prolonger de deux ans cette dérogation.

Notre responsabilité est d’assurer une pérennisation intelligente du système, qui réponde aux attentes des Français tout en maintenant l’équilibre économique et social.

Le titre-restaurant est une avancée sociale majeure. Faisons en sorte qu’il reste un outil de progrès pour longtemps, un levier pour mieux vivre et mieux manger.

Enfin, je tiens à remercier notre collègue Marie-Do Aeschlimann de la qualité de son rapport et de son engagement sur ce sujet. Grâce à ce texte, nous répondrons à une attente forte de millions de Français.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe RDPI votera majoritairement pour cette proposition de loi visant à prolonger l’usage élargi des titres-restaurant.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, conséquence immédiate de la censure du gouvernement Barnier et de l’ajournement de nos travaux parlementaires, les Français ne peuvent plus, depuis le 1er janvier dernier, utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des denrées alimentaires non directement consommables dans les supermarchés.

La fin de la dérogation qui le permettait jusqu’ici ajoute une pression supplémentaire sur les budgets déjà contraints de nombreux ménages, qui subissent de plein fouet l’inflation depuis maintenant plusieurs années.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, dont l’application était prévue initialement dès le 1er janvier, vise à rétablir la dérogation introduite en octobre 2022 par notre collègue Frédérique Puissat dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, pour faire face à une inflation exceptionnelle de 20 % sur les produits alimentaires.

Elle a permis à 5,4 millions de salariés d’utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des denrées alimentaires essentielles, telles que les pâtes, le riz, les fruits et les légumes ou encore la viande. En 2023, ce dispositif a bénéficié d’un plébiscite massif, avec un taux de satisfaction de 96 % selon la Commission nationale des titres-restaurant.

Bien que l’inflation ait ralenti, les prix à la consommation restent à un niveau élevé et continuent d’augmenter, pesant toujours lourdement sur le budget des ménages.

Dans ce contexte, les titres-restaurant sont un outil essentiel pour préserver le pouvoir d’achat, tout en garantissant l’accès à une alimentation variée et de qualité, avec la possibilité de cuisiner plutôt que d’acheter des plats préparés.

Ce second aspect, qui a été évoqué précédemment, mais peut-être insuffisamment, est loin d’être négligeable : les produits transformés constituent quasiment un tiers de nos apports caloriques et sont en cause dans le développement de nombreuses maladies chroniques.

Certes, nous entendons les inquiétudes des restaurateurs, pour qui cette dérogation constitue un manque à gagner. Aujourd’hui, la restauration représente environ 40 % des dépenses en titres-restaurant.

Toutefois, il est à souligner que cette mesure répond à une situation exceptionnelle, que nous espérons ponctuelle, qui a pour conséquence que de nombreux Français ne sont plus en mesure de payer un repas quotidien au restaurant.

Les restaurateurs, eux aussi frappés par l’inflation, doivent être pleinement intégrés à la réflexion à venir sur une réforme structurelle du ticket-restaurant, dont le nom même ne correspond plus aux pratiques ni aux besoins.

Créé en 1967, ce titre doit impérativement évoluer pour s’adapter aux réalités d’aujourd’hui, à l’essor du télétravail, aux changements d’habitudes alimentaires et aux contraintes géographiques actuelles. Cette refonte globale doit trouver un équilibre entre les aspirations des salariés, les besoins des restaurateurs et les spécificités des zones rurales.

Le gouvernement Attal s’était engagé à lancer cette réforme en 2024. Lors des débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier avait affirmé que les concertations y afférentes débuteraient en janvier 2025.

Madame la ministre, vous représentez aujourd’hui le gouvernement Bayrou. Il est indispensable que ces concertations avancent rapidement – vous vous y êtes d’ailleurs engagée – et aboutissent à une réforme adaptée aux besoins et aux pratiques actuelles de travail.

Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’une période d’un an soit suffisante pour mener à bien la refonte du dispositif.

C’est notamment pour cette raison que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) défend la prolongation de la dérogation jusqu’à la fin de 2026, ainsi que l’ont décidé nos collègues députés. L’amendement que nous présenterons a pour objet l’adoption conforme du texte, son entrée en vigueur immédiate et une meilleure visibilité du dispositif pour les bénéficiaires et les acteurs économiques concernés.

Je le répète, cette proposition de loi aurait dû être débattue le 15 décembre dernier. Malheureusement, en raison de l’ajournement des travaux parlementaires, son examen a été décalé d’un mois. Ce retard a laissé des millions de Français sans solution depuis le début de l’année, aggravant leurs difficultés quotidiennes et créant un flou sur la possibilité même d’utiliser les titres-restaurant au supermarché.

Aujourd’hui, nous avons l’occasion de corriger cela. Mes chers collègues, cette mesure, plébiscitée par les Français, est juste et nécessaire. C’est pourquoi le groupe du RDSE lui apporte tout son soutien. (MM. Jean-Marc Ruel et Xavier Iacovelli applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme Mme Borne en début d’après-midi, je vais lire le texte de quelqu’un d’autre. (Sourires.) C’est celui de notre collègue Sollogoub, qui est empêchée aujourd’hui et qui vous prie de l’en excuser.

Il existe des dispositifs entrés dans les mœurs et qui ne posent pas de problème et ne font pas parler d’eux, au point d’être devenus presque invisibles, même s’ils revêtent une grande importance. Tel était le cas du ticket-restaurant, très simple, peut-être trop simple…

En effet, dans le contexte de la crise inflationniste de 2022, peu après la pandémie mondiale sans précédent qui avait entraîné une longue fermeture des restaurants, le Gouvernement a décidé d’en faire évoluer les paramètres, ce qui a soulevé une multitude de questions, auxquelles il est maintenant urgent de répondre. La loi a décidé d’assouplir, de façon expérimentale, son fonctionnement, ce qui a entraîné une forme de glissement, pour des raisons multiples.

Les lignes ont bougé et le ticket-restaurant a perdu en lisibilité. Alors que celui-ci était à l’origine un droit social des salariés, sans caractère obligatoire, portant sur une participation à un déjeuner par jour travaillé, il a pu, à partir de 2022, être utilisé à titre expérimental pour acheter des produits alimentaires. Cela fut perçu comme une forme de dérive vers un chèque alimentation, en soutien des ménages dans un contexte économique tendu.

Néanmoins, certains salariés ont fait valoir à juste titre que, en l’absence de restaurant, en milieu rural ou ailleurs, pour des raisons de préférence alimentaire ou encore en cas de télétravail, faire ses courses pour se préparer un déjeuner à son goût restait parfaitement conforme à l’objectif initial du dispositif.

Les habitudes et les pratiques ont changé, avec l’apparition du télétravail et de la journée continue. L’expression de « restaurant ouvrier » ou de « restaurant routier » correspondait peut-être à un concept général voilà encore quelques années, mais a-t-elle encore un sens de nos jours ?

Certains salariés préfèrent, je le disais, avoir une journée continue, quand d’autres utilisent le temps du déjeuner pour faire du sport et que d’autres encore travaillent depuis leur domicile.

Si nous sommes tous très attachés à notre réseau de restaurateurs, qui est un fleuron national, revenir à une utilisation du ticket-restaurant strictement et exclusivement réservée au restaurant constitue-t-il pour autant le bon levier pour soutenir ce réseau ? En outre, une telle utilisation du dispositif du ticket-restaurant, visant à soutenir une filière économique, représenterait une dérive considérable d’un droit social initialement accordé aux travailleurs…

Madame la ministre, mes chers collègues, ces évolutions et ces expérimentations, menées en parallèle de changements sociétaux, entraînent une très grande confusion, qu’il va falloir dissiper.

Dans ses travaux du mois de décembre dernier, la commission des affaires sociales du Sénat, sous la houlette de son président Philippe Mouiller et de la rapporteure Marie-Do Aeschlimann, faisait le même constat.

C’est ainsi que fut adopté un amendement tendant à prévoir que les phases d’expérimentation prennent fin au 31 décembre 2025 et que, à partir de cette date, après concertation entre les différents acteurs concernés, en particulier les syndicats – nous croyons au paritarisme –, on arrête définitivement un dispositif solide et au périmètre précis.

Notre rapporteure l’avait alors très bien souligné, la refonte du ticket-restaurant sera également l’occasion de rendre celui-ci plus efficient, en le dématérialisant et en optimisant ses frais de gestion.

Toutefois, la dissolution du Gouvernement a remis en cause notre calendrier législatif et nous place désormais face au dilemme suivant : soit nous conservons cet objectif, qui était le nôtre, consistant à fixer le terme de la dérogation au 31 décembre 2025, mais au prix d’une navette législative forcément chronophage, soit nous adoptons le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, ce qui permettrait de mettre fin dès demain au suspens et d’ouvrir le dossier de la refonte.

Or je constate, dans les médias et autour de moi, que l’on a perdu tout le monde : ni les opérateurs ni les utilisateurs ne savent pour quoi ni comment doit être utilisé aujourd’hui le ticket-restaurant ; la confusion règne. Je crois même que chaque jour qui passe épaissit encore davantage le brouillard et que, plus nous attendrons, plus il sera difficile de redonner un cadre clair.

Pour ces raisons, le groupe Union Centriste, déterminé par un esprit pragmatique et par l’évolution de la société, est favorable à l’échéance du 31 décembre 2026, qui présente l’avantage de la simplicité et de l’opérationnalité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)