M. Pierre Barros. La direction générale des finances publiques déploie beaucoup de moyens à long terme pour détecter les délits fiscaux commis par les personnes morales. Il est donc normal que ces dernières soient privées d’avantages fiscaux, à l’instar des personnes physiques, comme nous l’avons suggéré à l’amendement précédent.

Par souci de constance, nous proposons que la sanction soit obligatoire et qu’elle entraîne une privation du droit à bénéficier d’avantages fiscaux pendant dix ans.

J’imagine que le ministre opposera les mêmes arguments pour faire échec à cette demande. Considérez donc qu’il s’agit d’un amendement d’appel, visant à attirer votre attention sur les fraudes commises et par les particuliers et par les entreprises.

Les services fiscaux ont besoin d’avoir des moyens humains et techniques bien plus importants. Songez aux propos de Nathalie Goulet : aujourd’hui, la fraude fiscale est un véritable art, un travail d’orfèvre qui illustre une technicité assez puissante. Dès lors, si les moyens de l’administration fiscale ne sont pas à la hauteur de cette sophistication, nous ne nous en sortirons jamais.

Encore une fois, les montants des fraudes sont colossaux et les artisans qui les mettent au point sont extrêmement performants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-700.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-1549, présenté par Mme N. Goulet et M. Canévet, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de la section II du chapitre premier du titre II de la première partie de la partie législative du livre des procédures fiscales est complété par un article L. 16 AA ainsi rédigé :

« Art. L. 16 AA. – I. – En matière d’impôt sur le revenu, lorsqu’il existe des indices sérieux de nature à remettre en cause la réalité des dépenses ouvrant droit à crédit d’impôt que le contribuable a mentionnées dans la déclaration prévue à l’article 170 du code général des impôts, ou celle des montants de prélèvement à la source d’impôt sur le revenu que le contribuable a renseignés comme versés sur cette déclaration, l’administration peut, avant l’établissement de l’imposition, lui demander tous les éléments propres à justifier de la réalité de ces dépenses ou prélèvements.

« En l’absence de réponse à la demande de l’administration ou si la réponse n’est pas de nature à justifier de la réalité de ces dépenses ou prélèvements, l’imposition est établie sans prendre en compte ceux-ci.

« II. – La demande prévue au I indique les dépenses ou prélèvements concernés et le délai de trente jours dont dispose le contribuable pour apporter les justifications demandées.

« Elle précise également qu’en l’absence de justifications ou en cas de justifications insuffisantes, l’imposition sera déterminée sans prendre en compte les éléments concernés.

« III. – Lorsque l’imposition est établie dans les conditions prévues au I, le contribuable peut, après établissement de l’imposition, demander par voie de réclamation la prise en compte des dépenses ou des prélèvements concernés. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à compléter l’article L. 16 du livre des procédures fiscales (LPF). Il s’agit de renforcer la lutte contre la fraude aux restitutions sur l’impôt sur le revenu – crédits d’impôt et remboursements de prélèvement à la source –, en créant une procédure de contrôle simplifiée avant l’émission des rôles.

Elle consiste à demander aux contribuables les justificatifs relatifs aux éléments déclarés ouvrant droit à restitution ou, le cas échéant, à établir l’imposition sans les prendre en compte.

Nous proposons également que le contribuable puisse demander, par voie de réclamation, la prise en compte des dépenses après l’établissement de l’imposition.

Vous le savez, l’ensemble des déductions d’impôts ne sont pas contrôlées, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un référé. Le présent amendement tend donc à renforcer le contrôle sur les demandes de déduction, en lien avec l’article 14 A du CGI,

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. Nous avons déjà examiné cette proposition très judicieuse, qui permettrait aux services fiscaux d’être beaucoup plus réactifs et agiles, dès le départ, et de simplifier les contrôles.

Il s’agit de décharger la quantité de travail pour les erreurs déclaratives commises de bonne foi et de détecter plus rapidement les fraudes aux crédits d’impôt : avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1549.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.

L’amendement n° I-1743, présenté par MM. Rambaud, Fouassin, Patient, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, M. Omar Oili, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, les mots : « et 1649 AB », sont remplacés par les mots : « , 1649 AB et 1649 bis C ».

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Cet amendement vise à allonger de trois ans à dix ans la période durant laquelle l’administration fiscale peut exercer son droit de reprise sur les comptes d’actifs numériques ouverts auprès d’entités étrangères. Voilà qui permettra de répondre à l’évolution des fraudes constatées dans le domaine des crypto-actifs.

Depuis 2017, des progrès ont été réalisés en la matière, mais les formes de fraudes évoluent rapidement, ce qui nécessite une adaptation constante du cadre législatif. Parmi les nouvelles formes de fraude, les transactions de crypto-actifs représentent un défi majeur pour l’administration fiscale, en raison de la nature décentralisée et parfois anonyme de ces échanges.

Nous proposons donc de donner plus de latitude à l’administration fiscale, afin qu’elle sanctionne mieux les nouvelles pratiques frauduleuses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement vous propose de retirer cet amendement compte tenu de l’adoption de l’amendement n° I-2164 de la commission, dont la rédaction paraît plus adaptée.

M. Stéphane Fouassin. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° I-1743 est retiré.

L’amendement n° I-1548, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° L’article L. 169 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due lorsqu’une personne physique se prévaut d’une fausse domiciliation fiscale à l’étranger. » ;

b) A la première phrase du troisième alinéa, les mots : « au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas » ;

c) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième » ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 169 A, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

3° À l’article L. 181-0 A, après les mots : « du code général des impôts », sont insérés les mots : « ou dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 169 du présent code » et les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code général des impôts ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise, lui aussi, à permettre à l’administration fiscale d’user de son droit de reprise pendant un temps plus long, mais pour un tout autre motif.

Certains contribuables tendent à se soustraire à leurs obligations déclaratives, notamment lorsqu’ils sont domiciliés à l’étranger. De ce fait, les enquêtes visant à déterminer le lieu de domiciliation effective prennent de plus en plus de temps.

Le domicile fiscal est un vrai sujet ; nous en avions parlé lors de l’examen du PLFSS. Nous pourrions d’ailleurs évoquer le problème des personnes « domiciliée chez », monsieur le ministre.

Le délai de reprise de droit commun, fixé à trois ans, n’est pas suffisant. Nous proposons donc de le porter à dix ans de manière à mener toutes les enquêtes nécessaires et à poursuivre les fraudeurs dans des délais raisonnables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je m’interroge sur le caractère opérationnel de cet amendement : le Gouvernement pourra sans doute nous éclairer sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. En effet, la sophistication des montages frauduleux est parfois poussée à l’extrême grâce au lieu de domiciliation, surtout lorsqu’il est situé à l’étranger. Les procédures prennent d’autant plus de temps qu’il est parfois difficile d’obtenir des informations.

Dans ces conditions, l’extension du délai pour exercer le droit de reprise nous semble très pertinente : avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1548.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.

L’amendement n° I-106, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts est complété par les mots : « y compris numériques »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. L’article 1649 A du CGI vise les actifs et, plus exactement, la location de coffres-forts. Je vous propose d’y mentionner aussi les coffres-forts numériques, qui abritent les crypto-actifs que le rapporteur général évoquait voilà quelques instants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En principe, les coffres-forts sont déclarés au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba).

Les coffres-forts numériques servent surtout à archiver, indexer et retrouver les fichiers numériques sensibles. S’agissant de sommes d’argent virtuelles, des obligations d’ouverture et de clôture de comptes s’appliquent déjà. Dès lors, la demande formulée par Mme Goulet se trouve satisfaite par l’article 1649 bis C du CGI, qui impose de déclarer l’ouverture d’un compte d’actifs numériques.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. L’article 14 du présent projet de loi prévoit d’accroître les informations sur les crypto-actifs, en particulier les services financiers associés : votre amendement est donc d’autant plus satisfait, madame la sénatrice.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° I-106 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° I-106 est retiré.

L’amendement n° I-962, présenté par MM. Jacquin, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, M. Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 1 de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Au sein de chaque entreprise, il est déterminé un plafond de rémunération correspondant à vingt fois la rémunération moyenne du décile de salariés disposant de la rémunération la plus faible. Pour chaque salarié et associé, la fraction de rémunération supérieure à ce plafond n’est pas prise en compte pour le calcul des dépenses de personnel déductibles en application du 1° du 1. Il en va de même des charges sociales afférentes à cette fraction de rémunération supérieure au plafond précité. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes et indirectes du salarié ou associé. »

II. – Un décret fixe les modalités d’application du présent 1 bis.

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Cet amendement de mon collègue Olivier Jacquin, cosigné par l’ensemble du groupe socialiste, vise à limiter les écarts de salaires et à mieux partager la richesse créée au sein des entreprises.

Une étude d’Oxfam révélait que la rémunération moyenne des dirigeants des entreprises du CAC 40 était, en 2023, 130 fois supérieure au salaire moyen de leurs salariés et 330 fois supérieure au salaire minimum. Force est donc de constater que les écarts se sont encore creusés depuis 2019.

La controverse sur le montant de la rémunération de Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, a relancé le débat sur les rétributions des dirigeants des entreprises du CAC 40.

Sur l’année concernée, la rémunération des dirigeants de ces groupes était en moyenne 130 fois supérieure à celle de leurs salariés, contre 111 fois en 2019.

Monsieur le ministre, vous en conviendrez, les inégalités ont augmenté au sein des grandes multinationales françaises. En termes nominaux, la rémunération moyenne des dirigeants s’est élevée à 6 659 169 euros, soit 27 % de plus en trois ans. Sur la même période, la hausse des rémunérations moyennes des salariés n’a été que de 9 %.

En élargissant la perspective, il apparaît que la rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40 est 160 fois supérieure au salaire brut moyen du secteur privé et représente 330 fois le salaire minimum français.

Pour rappel, en 1979, la rétribution des chefs d’entreprise du CAC 40 était en moyenne 40 fois supérieure au salaire minimum. Il convient de noter que ces disparités ne sont pas seulement nominales, elles sont aussi produites par les hauts salaires.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Cozic. C’est donc dans ce contexte que le présent amendement vise à plafonner la rémunération à 20 fois le salaire moyen.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous évoluons dans une économie ouverte, les rémunérations y sont libres et, pour un certain nombre d’entre elles, établies sous le contrôle et l’autorité des conseils d’administration et des actionnaires. Gardons-nous de chercher à basculer trop brutalement dans une économie dirigée, ce serait un mauvais signe.

Cela étant dit, mes propos ne doivent pas être mal interprétés ni considérés comme étant ceux d’un libéral à l’excès, prêt à accepter tout et n’importe quoi. Il ne s’agit nullement de laisser libre cours à tous les excès et toutes les dérives. La question des rémunérations relève, je le redis, de la liberté d’entreprise, mais également du dialogue en leur sein.

Différents dispositifs peuvent éventuellement être envisagés, mais pourquoi retenir celui qui est proposé dans cet amendement ? Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres, qui ne semble obéir à aucune logique particulière. On pourrait tout aussi bien fixer le plafond à 50 fois la rémunération moyenne, sur une base de 10 000 euros, par exemple. J’ai le sentiment qu’il s’agit d’abord d’un amendement d’appel, car il ne répond à aucune autre logique que celle de maintenir les rémunérations les plus élevées dans des limites décentes.

Toutefois, il faut rester vigilant. Vous le savez, au sein des très grands groupes et des entreprises de premier plan, la concurrence pour attirer les dirigeants est très forte. Nous risquerions de nous retrouver dépourvus de ces femmes et de ces hommes qui sont à la tête de ces géants.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Antoine Armand, ministre. Je partage l’avis du rapporteur général.

Dans une économie ouverte sur le monde, soumise à une concurrence internationale, notamment sur les salaires les moins élevés, qui sont évidemment beaucoup moins faciles à modifier compte tenu des contraintes pesant sur la production, en particulier à l’échelle internationale, votre amendement revient en réalité à proposer l’instauration d’un salaire maximum.

Il s’agit là d’un choix idéologique et politique, éminemment respectable et donc contestable ; toutefois, ce n’est pas l’orientation retenue par le Gouvernement.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Je vous remercie de vos réponses et prends acte de vos propos qui vont dans le bon sens, monsieur le rapporteur général.

Toutefois, nous savons qu’il existe aujourd’hui un certain nombre de situations totalement inacceptables.

De nombreuses entreprises appliquent pourtant une politique de modération salariale. L’économie sociale et solidaire, qui représente 10 % des emplois du secteur privé, en est un parfait exemple : l’écart maximal de rémunération qui y est pratiqué est de 1 à 5.

Autre exemple éloquent, au sein des entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus), la rémunération la plus élevée ne peut excéder un plafond fixé à dix fois le Smic, soit 179 816 euros.

Dans ce contexte, l’amendement que nous proposons vise à inciter socialement les entreprises qui pratiquent des écarts de salaires pouvant être objectivement considérés comme déséquilibrés à mieux partager la valeur créée.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je souhaite ajouter quelques mots, car nous voterons en faveur de cet amendement.

Il a été question de salaires décents, mais il existe aujourd’hui des salaires clairement indécents. On évoque souvent la justice sociale et, dans cet hémicycle, on parle beaucoup de la valeur travail. Nous avons effectivement un salaire minimum, M. le ministre vient de le rappeler. Nous disposons donc d’une borne inférieure ; pourquoi, dès lors, ne pas instaurer une borne supérieure ? Cela me semblerait parfaitement logique.

Nous traversons une période dans laquelle nos concitoyens expriment une grande défiance à l’égard du monde politique, car les inégalités sont, à mon sens, de plus en plus mal perçues, en particulier dans un contexte de tensions économiques croissantes.

Cet amendement revêt donc une importance capitale pour la cohésion de notre société, car nous savons que les sociétés les plus résilientes sont celles où les écarts de salaire sont les plus faibles. Nous n’allons pas dans cette direction.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je remercie M. le rapporteur général, car cet amendement pose effectivement la question de l’économie dirigée, pour reprendre vos termes d’une autre époque.

Cependant, nous sommes ici confrontés à un sujet différent : on peut la qualifier de dirigiste ou de tout ce que l’on veut, mais il s’agit en réalité d’une économie de la surexploitation.

Examinons les chiffres. L’écart de rémunération entre les salaires moyens et ceux des dirigeants des principales entreprises est passé de 64 à 97. Il y a deux jours, on nous affirmait qu’il était impossible de modifier l’impôt sur le revenu progressif ; aujourd’hui, on nous oppose à nouveau que ce n’est pas sérieux et l’on invoque l’attractivité pour certains cadres et collaborateurs. C’est tout simplement indécent !

Peut-être que cela convient à certains d’entre vous, mais un écart de 1 à 97 entre les salaires des dirigeants et ceux de leurs collaborateurs est inacceptable. Cela va sans doute vous choquer, mais je sais qu’il existe des dirigeants d’entreprise qui n’ont jamais travaillé, qui n’ont pas exercé une profession.

Il arrive un moment où ces écarts deviennent choquants, aux yeux non seulement de l’électorat de gauche, mais également de l’électorat de droite, ou de celui qui se considère comme n’étant ni de gauche ni de droite. Un tel écart entre le salaire moyen et celui des dirigeants de grandes entreprises est inconcevable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-962.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 14
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Après l’article 15

Article 15

I. – Le XXVII de l’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est ainsi modifié :

1° Le début du D est ainsi rédigé :

« D. – Le H, à l’exception du a du 1°, et le İ du I… (le reste sans changement). » ;

2° Après le D, il est inséré un D bis ainsi rédigé :

« D bis. – Le G et le a du 1° du H du I s’appliquent à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due par les redevables à compter de 2023. » ;

3° Aux G bis, H, İ et J, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année : « 2030 » ;

4° Au İ bis, la référence : « Q » est remplacée par la référence : « Q du I » et l’alinéa est complété par les mots : « à 2027 » ;

5° Au İ ter, la référence : « Q » est remplacée par la référence : « Q du I » et l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2028 » ;

6° Aux İ quater et İ quinquies, la référence : « Q » est remplacée par la référence : « Q du I » et l’année : « 2026 » est remplacée par l’année : « 2029 ».

II. – Le IV de l’article 79 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 est ainsi modifié :

1° Les C et D sont complétés par les mots : « à 2027 » ;

2° Aux E et F, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2028 » ;

3° Aux G, H et İ, l’année : « 2026 » est remplacée par l’année : « 2029 ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, sur l’article.

Mme Isabelle Briquet. L’article 15 porte sur le report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Initialement prévue pour 2027, cette suppression est désormais repoussée à 2030. Bien que cette mesure ait été présentée comme un soutien aux PME, l’analyse des bénéficiaires révèle une réalité différente : 68 % d’entre eux sont des entreprises de taille intermédiaire et de grandes entreprises.

Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la pertinence de cette réforme, dans un contexte où les PME, pourtant au cœur de notre tissu économique, restent en marge d’un dispositif censé les soutenir.

La suppression de la CVAE entraîne également une perte de recettes pour les collectivités locales, partiellement compensée par une fraction de TVA, ainsi qu’une perte pour l’État, alors que, manifestement, les recettes fiscales lui font cruellement défaut.

Cette situation rend les collectivités plus dépendantes des décisions budgétaires de l’État. Il en résulte une diminution de leurs capacités, avec des conséquences sur les PME locales, fortement tributaires de la commande publique.

Ce soir, à l’occasion de ce débat, nous avons l’opportunité de réexaminer la pertinence de cette suppression. Compte tenu du contexte économique, notamment pour nos PME, je vous invite à y réfléchir pleinement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l’article.

Mme Ghislaine Senée. Pour aller dans le même sens que ma collègue, il est important de rappeler brièvement l’historique de la CVAE, instaurée en 2010 sous la houlette de Nicolas Sarkozy, pour remplacer la taxe professionnelle.

Ceux qui étaient en responsabilité dans les communes à l’époque avouent une certaine nostalgie pour le terme « taxe professionnelle », un dispositif qui établissait un lien direct entre l’entreprise et le territoire et qui permettait de faire rentrer des recettes afin de développer davantage de politiques publiques locales.

En 2021, sous l’impulsion du président Macron, la CVAE a été divisée par deux. Sa suppression a ensuite été annoncée pour 2023 avant qu’il ne soit décidé, en 2024, de l’échelonner jusqu’en 2027. Le présent article 15 prévoit désormais 2030.

Cette petite histoire pourrait paraître anecdotique, mais la réalité des territoires montre qu’elle ne l’est pas : elle représente un manque à gagner de 8 milliards d’euros par an, non compensé. En outre, l’attribution d’une fraction de TVA signifie que l’on puise directement dans les caisses de l’État.

Cette volonté définitive de supprimer cet impôt dit de productivité n’a nullement contribué, comme on le constate depuis 2022, à soutenir la croissance ainsi que l’État l’envisageait. En conséquence, la dette explose, les taux d’intérêt flambent et nous serons contraints de rétablir des impôts pour les entreprises…

De ces constats découlent les différents amendements que nous allons présenter et qui vous permettront peut-être d’agir dès maintenant. C’est une nécessité, en particulier pour nos territoires.