M. Marc Laménie. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos I-95 rectifié et I-94 rectifié.
M. le président. L’amendement n° I-94 rectifié, présenté par MM. Chevalier et Brault, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. Chasseing, A. Marc, Rochette, Grand, V. Louault, Wattebled et Laménie et Mme Bourcier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au n de l’article 279 du code général des impôts, après le mot : « préparés », sont insérés les mots : « par un artisan boulanger ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Marc Laménie. Le taux de TVA dans la restauration a été réduit en France en 2009, de 19,6 % à 5,5 % afin de soutenir l’activité économique du secteur, avant d’être relevé à plusieurs reprises pour atteindre 10 %, taux en vigueur depuis 2014.
Souvent abordés au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les problèmes de surpoids et d’obésité représentent pour l’économie et le système de santé un coût important, estimé à 20 milliards d’euros par an, en raison des dépenses médicales et des pertes de productivité qui en découlent.
Afin de mieux répondre à cet enjeu de santé publique, l’amendement n° I-95 rectifié tend à augmenter de 5 points la TVA pour les ventes sur place, à emporter et en livraison.
Dans le même esprit, l’amendement n° I-94 rectifié vise à supprimer le taux réduit de TVA pour la restauration dite rapide, tout en préservant de cette hausse les produits des artisans boulangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne regrette pas d’être resté en séance jusqu’à une heure aussi tardive pour découvrir cette innovation : un nouveau taux de TVA de 15 % ! (Sourires.)
Plus sérieusement, nous sommes à peu près sûrs d’une chose : lorsqu’on augmente le taux de TVA, les prix augmentent, mécaniquement. N’oublions pas le pouvoir d’achat ! Une mesure de relèvement du taux applicable à ce type de restauration ne me semble pas la meilleure des décisions : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Laménie. Je retire ces deux amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos I-95 rectifié et I-94 rectifié sont retirés.
L’amendement n° I-1634 rectifié, présenté par Mme Linkenheld, M. P. Joly, Mme Daniel, MM. Bourgi, Michau et Temal, Mmes Narassiguin, Canalès et Bélim, MM. Pla et Bouad, Mme Brossel, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Tissot et Jacquin, Mme Espagnac et MM. Ziane et Mérillou, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le IV de l’article 284 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « la personne » sont remplacés par les mots : « la première personne » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le non-respect des conditions auxquelles est subordonné l’octroi des taux réduits est imputable au preneur du bail réel solidaire, le délai de quinze ans précité peut être interrompu pendant une période maximale de deux ans au total, l’organisme de foncier solidaire n’étant pas tenu au paiement du complément d’impôt si les conditions du taux réduit sont rétablies dans ce délai. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement porte sur l’accession abordable à la propriété, que permet le mécanisme du bail réel solidaire (BRS) créé voilà maintenant plusieurs années et qui repose sur la dissociation du foncier et du bâti.
Ces logements en accession durablement abordable à la propriété bénéficient déjà – et c’est heureux – d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.
L’application de ce taux est toutefois soumise, en application de l’article 284 du code général des impôts, à un certain nombre de conditions, notamment l’occupation du logement à titre de résidence principale, qui doivent être respectées pendant une durée de quinze ans.
Cet amendement vise à lever un certain nombre de difficultés qui ont été repérées dans le cadre de la commercialisation de logements sous la forme du BRS.
Nous proposons notamment de modifier les conditions de décompte du délai de quinze ans, en précisant que celui-ci court dès l’acquisition des droits par « la première personne » qui occupe le logement, et non par « la personne », car cette dernière rédaction peut conduire à faire repartir le délai à zéro à chaque nouvel acquéreur.
Par cet amendement, il est également proposé de corriger une difficulté de rédaction liée au cas où le manquement déclenchant l’obligation de reversement du différentiel de TVA est imputable au ménage et où l’organisme de foncier solidaire (OFS) propriétaire du foncier doit régulariser la situation.
Enfin, il s’agit de tenir compte de situations particulières, comme le décès du titulaire du bail réel solidaire au cours des quinze premières années.
Je n’entrerai pas davantage dans le détail de ces modifications très techniques. Il s’agit d’ajustements peu coûteux dont la nécessité a été constatée sur le terrain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit en effet de dispositions très techniques ; pour plus de précisions, je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. La loi de finances pour 2021 a rationalisé le régime des opérations réalisées dans le cadre du BRS éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 %.
Ces avantages fiscaux sont conditionnés au respect de certaines règles visant à garantir la finalité sociale du logement. Il est donc normal qu’en cas de méconnaissance de ces règles il puisse y avoir un rappel de taxe.
L’OFS peut déjà spécifier, dans la relation contractuelle qui le lie à l’acquéreur, qu’une perte du bénéfice du taux réduit liée au non-respect par l’acquéreur des conditions d’éligibilité devra être compensée par celui-ci. Il n’appartient dès lors pas à l’administration fiscale de s’immiscer dans une relation contractuelle privée pour apprécier l’imputabilité de telle ou telle faute.
La mesure proposée conduirait à un traitement uniforme de situations très diverses et, inversement, serait source de différences de traitement qui apparaîtraient injustifiées.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je remercie M. le ministre, mais sa réponse ne correspond absolument pas aux demandes de modification que j’ai présentées.
Si j’ai bien conscience de la technicité du sujet, je suis convaincue, pour être à l’origine de la création du bail réel solidaire, que cette technicité peut être parfaitement comprise par les ministères concernés.
Les difficultés que j’ai évoquées sont réelles.
Il ne s’agit pas de s’immiscer dans la relation contractuelle entre l’OFS et le titulaire du BRS, mais simplement de rallonger un délai.
Il ne s’agit pas non plus de mettre le fisc en difficulté, mais simplement de faire face à des considérations concrètes qui sont remontées du terrain.
Navrée de cette réponse, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. Cet amendement vise à favoriser les opérations de bail réel solidaire ; or il s’agit d’un excellent outil au service des politiques du logement et en faveur de l’accès au logement de personnes qui, en l’absence d’un tel dispositif, seraient en difficulté.
M. Philippe Grosvalet. Bien sûr !
Mme Sonia de La Provôté. Pour les communes et pour les maires, il y a là une bonne façon de mobiliser le foncier et de promouvoir l’accession sociale.
Par ailleurs, sur les plans fiscal et budgétaire, il n’y a aucun drame à signaler : au total, il s’agit de mesures techniques essentielles.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1634 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 133 |
Contre | 206 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° I-688, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section VI du chapitre premier du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. 285.… – Par dérogation aux 8° et 11° de l’article 262 du code général des impôts, les locations de courte durée d’un navire de plaisance accueillant moins de 20 passagers, y compris lorsqu’elles font l’objet d’un trajet prédéfini, en provenance, à destination ou donnant lieu à des escales, sont assujetties au taux normal de TVA. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. La loi permet déjà de taxer au taux normal les locations de yachts de courte durée.
Seule la part des loyers correspondant à la durée d’utilisation hors des eaux de l’Union européenne est exonérée.
Avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° I-35 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° I-705 est présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° I-852 rectifié est présenté par MM. Capus et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, M. Laménie, Mme Bourcier, MM. Brault, V. Louault et Grand, Mme Lermytte, MM. A. Marc et Chasseing, Mme L. Darcos et MM. Chevalier, L. Vogel, Pellevat, Longeot et Houpert.
L’amendement n° I-1001 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-1754 est présenté par MM. Rambaud, Fouassin, Patient, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Omar Oili, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 3° bis du I de l’article 286, les mots : « ou par une attestation individuelle de l’éditeur, conforme à un modèle fixé par l’administration » sont supprimés.
2° Au premier alinéa de l’article 1770 duodecies, les mots : « de l’attestation ou » sont supprimés.
L’amendement n° I-35 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° I-705.
M. Pierre Barros. Cette proposition s’inscrit dans le droit fil des nombreux travaux de Nathalie Goulet sur ces sujets, dont elle est spécialiste : nous souhaitons lutter contre les fraudeurs qui, en détournant de leur usage les logiciels de caisse autocertifiés, minent la collecte de TVA.
Cette fraude massive à la TVA est un tabou fiscal et le caractère fondamentalement injuste de cette taxe ne légitime pas la fraude pour autant.
Nous ne souhaitons pas jeter l’opprobre sur les logiciels libres de droits, qui permettent aux petits commerçants d’accéder gratuitement à des solutions numériques fonctionnelles et de qualité.
Toutefois, l’administration fiscale n’étant pas en mesure de connaître et de contrôler toutes ces solutions, il s’avère, au moment des contrôles fiscaux, que leur usage donne lieu à d’importantes fraudes à la TVA.
Les méthodes sont connues : du fait d’un encadrement légal minimal et afin de satisfaire la demande d’entreprises fraudeuses, les éditeurs se livrent entre eux à une compétition visant à rendre leurs logiciels plus permissifs.
Si de tels cas sont rares, nous souhaitons rendre obligatoire l’agrément des logiciels de caisse. Il s’agit d’inverser la charge de la preuve et de faciliter le travail légitime de l’administration dans le contrôle et le recouvrement de l’impôt dû.
Nous serons attentifs à la réponse du ministre, qui conditionnera le maintien ou le retrait de notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° I-852 rectifié.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement est défendu. Je précise que l’Insee évalue le manque à gagner fiscal imputable à la fraude à la TVA dans une fourchette comprise entre 20 milliards et 25 milliards d’euros par an, l’estimation de la Cour des comptes étant plutôt de 25 milliards.
Éradiquer l’usage de ce genre de logiciels pourrait donc être intéressant.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° I-1001.
Mme Florence Blatrix Contat. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour présenter l’amendement n° I-1754.
M. Frédéric Buval. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.
Cela dit, à titre personnel, je pense que nous aurions tout intérêt à nous pencher de très près sur ce sujet.
Mesdames, messieurs, les sénateurs, je partage vos remarques et j’y associe les travaux de Mme la sénatrice Goulet.
Nous devons trouver une solution pour qu’une telle forme de certification ne soit pas une lourdeur de plus, notamment pour les petites entreprises : la vigilance à cet égard est indispensable.
Par ailleurs, et par définition, la certification n’empêche pas la fraude.
Enfin, des contrôles sont menés. Je ne suis pas en mesure ce soir de confirmer les chiffres que vous avancez sur la fraude en la matière et le manque à gagner fiscal correspondant : il est toujours très difficile, en ce domaine, de faire des estimations.
Une chose est sûre : en fait de lutte contre la fraude, il s’agit probablement de l’un des chantiers les plus pertinents. Dans ce cadre, la mise en place d’un mécanisme de certification des logiciels de caisse serait le bienvenu.
Si j’émets, je le répète, un avis défavorable sur ces amendements, je souhaite y travailler dans les prochains mois avec les parlementaires intéressés et avec toutes les parties prenantes.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-705, I-852 rectifié, I-1001 et I-1754.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Mes chers collègues, nous avons examiné 276 amendements au cours de la journée et 158 au cours de la soirée ; il en reste 1 403 à examiner sur le projet de loi de finances pour 2025.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 28 novembre 2024 :
À dix heures trente, l’après-midi, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale (texte n° 143, 2024-2025) :
Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 28 novembre 2024, à une heure trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER