M. Pierre Barros. Cet amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne des autres amendements en discussion commune, vise à transformer en un crédit d’impôt la réduction d’impôt accordée au titre des frais de dépendance et d’hébergement des personnes accueillies en établissement spécialisé, afin d’élargir le nombre de bénéficiaires.
D’après une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), l’ensemble des départements accordent chaque année 3,7 milliards d’euros d’aide sociale à l’hébergement en établissement ou en accueil familial, via principalement l’allocation personnalisée d’autonomie et l’aide sociale à l’hébergement (ASH).
Or, si la réduction d’impôt est plafonnée à 10 000 euros, le montant médian des aides sociales à l’accueil par bénéficiaire s’élève à 4 900 euros par an. En outre, la réduction d’impôt est cumulable avec les aides sociales départementales.
Le montant de la prise en charge des départements est donc infime : comme l’a rappelé notre collègue Cozic, les personnes âgées en établissement s’acquittent de frais de séjour s’élevant en moyenne, en 2017, à 2 382 euros par mois – 1 866 euros pour l’hébergement et 516 euros pour la dépendance. Par ailleurs, en moyenne, les personnes âgées perçoivent, toutes aides confondues, 419 euros par mois : 325 euros au titre de l’APA, 42 euros d’aide au logement et 52 euros de réduction d’impôt.
Ainsi, pour atteindre le montant de 2 382 euros que je mentionnais, le reste à charge moyen avant ASH s’élève à 1 965 euros, niveau très important. C’est pourquoi la transformation de cette réduction d’impôt en un crédit d’impôt constituerait une mesure de justice sociale et fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements suivent la même logique que les amendements examinés précédemment et recevront donc le même avis.
De manière plus générale, je souhaite réitérer la réflexion qu’a eue voilà quelques instants le président de la commission : on ne peut proposer une réforme de cette ampleur, sur la perte d’autonomie et la dépendance, au détour d’un amendement.
Il est vrai que ce sujet est sur la table depuis près de vingt ans. Pour ma part, je regrette qu’aucun gouvernement, toutes majorités confondues, n’ait jamais réussi à proposer le début d’une vision permettant de définir un certain nombre de priorités dans ce domaine. Néanmoins, je le répète, il convient de mener une réflexion plus large sur cette question plutôt que de procéder par petites touches, qui ne me paraissent en outre pas particulièrement pertinentes.
La commission demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. La transformation d’une réduction d’impôt en crédit d’impôt, dans le but de couvrir une frange plus large de nos concitoyens, ne se défend pas systématiquement ; en outre, il n’est pas « fiscalement correct » de faire en sorte que ceux qui ne paient pas d’impôts soient toujours bénéficiaires de crédits d’impôt.
Il me semble préférable – je rejoins le rapporteur général à cet égard – de se poser la question du financement global de la dépendance. Ceux qui ne sont pas imposables bénéficient d’aides auxquelles les personnes imposables ne peuvent prétendre, s’agissant d’aides accordées sous condition de ressources. Il faut examiner la question dans son ensemble.
Si vous proposez une remise à plat complète du financement de l’autonomie, je serai d’accord, mais la transformation d’une réduction d’impôt en crédit d’impôt n’est pas la solution en l’espèce. De manière générale, elle constitue rarement le remède à un problème de financement, surtout pour ce qui concerne la cinquième branche de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Sans doute, monsieur le ministre, mais, d’une part, tout le monde parle du financement de la dépendance depuis des années, mais rien n’arrive jamais ; de l’autre, l’avantage du crédit d’impôt – si j’ai bien compris comment cela fonctionne – est qu’il profite aux ménages qui paient l’impôt sur le revenu une année et qui n’en paient pas l’année suivante, ou inversement.
Il n’existe pas deux catégories étanches : ceux qui, ad vitam æternam, paieront de l’impôt et ceux qui n’en paieront jamais. On n’est pas assigné à vie à l’une ou à l’autre de ces catégories. Dans la vraie vie, les ménages des classes populaires ou moyennes sont, d’une année sur l’autre, imposés différemment : certaines années, ils sont mis à contribution ; d’autres années, ils y échappent.
Par conséquent, le fait d’instaurer un crédit d’impôt permet à toutes ces familles, d’une part, d’avoir une certaine visibilité pluriannuelle, de l’autre, d’être accompagnées par l’État. Pour ma part, je crois que ceux qui sont dans un entre-deux, mais qui travaillent, doivent aussi pouvoir être aidés. Cette aide ne doit pas profiter qu’aux plus hauts revenus.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Certains de nos collègues agitaient précédemment les mots de justice ou d’équité, je saisis donc la balle au bond ! Ce débat fait écho à celui que nous avons eu la semaine dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Monsieur le ministre, vous évoquez la nécessité de financer le grand âge – sur ce point, tout le monde est d’accord. Vous confirmez en outre que le crédit d’impôt, grâce à son assiette plus large, permet de toucher les plus modestes. Or tel est bien justement l’enjeu d’un système plus juste : faire en sorte que les plus modestes aient aussi droit à telle ou telle aide.
Pourtant, non seulement l’instauration de ce crédit d’impôt nous est refusée, mais, la semaine dernière, même si les avis du Gouvernement étaient parfois divergents, la majorité sénatoriale – celle-là même qui aujourd’hui prétend défendre la justice et l’équité – a adopté le principe des sept heures de travail gratuit pour financer le grand âge.
On peut donc résumer simplement le message que le Sénat est en train d’envoyer aux plus modestes : « Vous ne bénéficierez pas d’un crédit d’impôt, mais, en revanche, vous allez travailler gratuitement pour financer le grand âge. »
Je veux bien que l’on invoque ensuite la justice ou la solidarité, mais vous comprendrez bien, mes chers collègues, que ce message ne sera pas entendu par nos concitoyens. Nous regrettons vivement ce choix, car d’autres mesures sont possibles, à commencer par celle qui est proposée au travers de ces amendements. Espérons que le Sénat entendra raison…
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’ai vérifié : la transformation, en 2017, de la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour les services à domicile – je dirigeais à l’époque une association d’aide à domicile – a bien été décidée dans la loi de finances pour 2017. On n’a donc pas attendu une hypothétique loi Grand Âge pour agir dans ce domaine, ni dans un sens ni dans l’autre d’ailleurs, puisque, parfois, les choses peuvent aussi se rabougrir…
Je m’étonne en outre des réactions d’une partie de cet hémicycle, pourtant habituellement prompte à demander que soit résolue la question du reste à charge : mes chers collègues, commençons déjà par amoindrir, par équité, le reste à charge pour les ménages des classes populaires et moyennes qui ne paient pas d’impôt tout en étant confrontés, dans les Ehpad, à un reste à charge trop important.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-397 rectifié, I-918 rectifié et I-1670 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 110 |
Contre | 232 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° I-685.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-89 rectifié, présenté par M. Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Daubresse, Bacci, Frassa et Belin, Mme Dumont, MM. J.B. Blanc, D. Laurent et Pellevat, Mme Malet et MM. Panunzi, Genet et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au a, après le mot : « emploi » sont insérés les mots : « , pour les personnes mentionnées aux quatre alinéas suivants, » ;
2° Le même a est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« – les personnes âgées, invalides, en situation de handicap ou les proches-aidants ;
« – les personnes justifiant de contraintes professionnelles, géographiques ou de la présence au sein du foyer d’au moins un enfant ;
« – les personnes malades ou convalescentes nécessitant un soutien temporaire ;
« – les personnes isolées socialement, les personnes âgées, veuves ou vivant seules ; »
3° Le b est complété par les mots : «, au profit des personnes définies au a du présent 1 ».
4° Le dernier alinéa est complété par les mots : «, pour accompagner les bénéficiaires définis au a du présent 1 » ;
II. – Les dispositions du I s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2026.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Sénat sur les dérives d’une dépense fiscale, dont le coût et le périmètre semblent désormais beaucoup trop importants au regard de leur objet initial.
Le crédit d’impôt « services à la personne » (Cisap) a coûté en 2023 plus de 6 milliards d’euros, pour des dépenses qui ne semblent plus répondre exclusivement aux objectifs qu’il est censé viser, à savoir inciter les usagers à adopter certains comportements vertueux et encourager des secteurs économiques en croissance.
Aussi, afin de restaurer le principe d’équité fiscale, nous proposons, au travers de cet amendement, de recentrer le Cisap sur les publics prioritaires et les services essentiels. Nous suivons en cela la préconisation de la Cour des comptes figurant dans le rapport de mars 2024 sur le soutien de l’État aux services à la personne, qui conseillait de restreindre ce crédit d’impôt aux activités de la vie quotidienne et de réallouer une partie de son produit aux branches famille et vieillesse de la sécurité sociale.
Si le dispositif proposé par l’amendement est sans doute trop large, il serait toutefois justifié d’exclure du périmètre des activités éligibles un certain nombre de dépenses difficilement justifiables et très peu vérifiables. En particulier, il serait utile d’envisager de renforcer la prévention contre les cas de fraude dans l’utilisation du Cisap pour l’emploi d’un salarié à domicile.
M. le président. L’amendement n° I-914 rectifié, présenté par Mme Artigalas, MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le a du 1 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les mots : « aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« – à l’article L. 7231-1 du code du travail ainsi qu’au I, au 1° et 21° du II de l’article D. 7231-1du même code ;
« – aux alinéas 2° à 12° et 14° à 20° du même l’article D. 7231-1 si le contribuable bénéficie d’une allocation mentionnée au livre VIII du code de la sécurité sociale ; ».
II. – Les dispositions du I s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2025.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Dans un souci de réduction des dépenses publiques, il a été envisagé de réduire le champ d’application du crédit d’impôt « services à la personne », qui constitue, semble-t-il, la deuxième dépense fiscale la plus importante pour les finances publiques.
Le coût de ce dispositif, qui profite à l’ensemble des contribuables, est en constante augmentation : il s’est élevé à 6 milliards d’euros en 2023 pour 4,7 millions de foyers, soit une hausse de 4,2 % par rapport à la prévision actualisée pour 2023 et de 8,8 % par rapport à la réalisation de 2022.
Il n’en reste pas moins que le Cisap est lié à tout un écosystème de services à la personne et d’activités d’entretien qui accompagnent nos concitoyens, des jeunes parents aux seniors, à chaque étape de leur vie. Il touche en outre tout un tissu de petites entreprises, dont la disparition, si elle advenait du fait de la réduction du champ d’application de ce dispositif, affecterait négativement le dynamisme économique des territoires, notamment ruraux.
Aussi, dans un souci de justice sociale et de maîtrise des dépenses publiques, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose, au travers de cet amendement, de mieux cibler cette dépense fiscale et d’en limiter l’éligibilité aux seules activités de services à la personne soumises à agrément, au sens du code du travail : la garde à domicile et l’accompagnement des enfants, ou encore l’assistance à domicile et l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques. Resteront également éligibles les activités d’entretien de la maison, petits travaux de jardinage et travaux ménagers, ainsi que les activités de coordination et de délivrance des services proposées par des organismes déclarés, agréés ou autorisés.
Les autres prestations pourront continuer d’ouvrir droit au crédit d’impôt, sous réserve de bénéficier d’une allocation mentionnée au livre VIII du code de la sécurité sociale : allocations aux personnes âgées, allocation aux adultes handicapés ou encore prime d’activité. En revanche, certaines prestations de confort, telles que la maintenance, l’entretien ou la vigilance temporaire des résidences principales et secondaires, seront totalement exclues du dispositif.
M. le président. Veuillez conclure.
Mme Viviane Artigalas. Ces dispositions entreraient en vigueur à compter de l’imposition des revenus de l’année 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nos collègues posent un certain nombre de questions pertinentes, mais leurs amendements suscitent quelques difficultés d’interprétation.
En tout état de cause, il me semble qu’une réflexion approfondie s’impose sur la dépense fiscale évoquée, qui, comme l’ont rappelé nos collègues, représente un coût annuel de quelque 7 milliards d’euros et constitue la deuxième dépense fiscale de l’État.
La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Cisap représente même la première dépense fiscale en ce qui concerne les particuliers. D’où son importance, c’est vrai, dans notre pays : cela a été dit, derrière ce crédit d’impôt, c’est tout un secteur d’activité qui est en jeu, avec une réelle problématique sur l’emploi. Il nous faut donc être extrêmement vigilants quand il s’agit de toucher à ce dispositif.
Je ne suis jamais opposé à l’idée d’engager une revue des dépenses et des services, car il est toujours utile de contrôler leur pertinence et leur utilisation. Néanmoins, dès qu’il est question de toucher au Cisap, soit à son taux, soit à la nature des dépenses visées, c’est généralement et très rapidement le travail dissimulé qui l’emporte. Il importe de bien avoir cela à l’esprit quand on entend raboter une telle niche, qui permet non seulement de déclarer de l’emploi, mais aussi de faire vivre tout un panel d’activités.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-1180, présenté par Mme Poncet Monge, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 3. Les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté, dans la limite de 2 000 €. Par dérogation, les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté :
a) Dans une limite de 12 000 €, pour l’emploi d’un salarié qui rend uniquement des services mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail et aux 3° à 5° du I de l’article D. 7231-1 du même code ;
b) Dans une limite de 20 000 € pour les contribuables mentionnés au 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge une personne, vivant sous leur toit, mentionnée au même 3°, ou un enfant donnant droit au complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 541-1 du même code. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à recentrer, pour le rendre plus utile, le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile sur les services à la personne essentiels au quotidien des personnes âgées ou en situation de handicap.
Selon Clément Carbonnier et Nathalie Morel, il s’agit d’un crédit d’impôt fortement antiredistributif. Plus de la moitié des services consommés concernent des prestations de confort concentrées sur les ménages les plus aisés.
Surtout, monsieur le ministre, si l’introduction de la réduction d’impôt en 1991, avec un niveau de plafond relativement bas, a en effet eu un effet positif sur l’emploi ou sa régularisation, tel n’est plus le cas des hausses de plafond successives, qui ont eu un fort effet d’aubaine, comme cela est documenté.
Nous suggérons donc d’abaisser à 2 000 euros le plafond du montant pouvant être défiscalisé pour les prestations dites de confort. En revanche, nous entendons conserver les plafonds pour les services à domicile liés à l’assistance des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité favorisant leur maintien à domicile.
Notre proposition répond à l’une des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport publié en mars 2024 : « Réduire le coût du crédit d’impôt pour les activités de la vie quotidienne ne relevant pas des politiques en faveur de l’autonomie et de la garde d’enfants. »
L’ensemble des économies dégagées par la réduction des services de confort devraient notamment être fléchées pour couvrir les services essentiels, qui souffrent d’un sous-financement chronique, ou pour financer le passage de la réduction d’impôt au crédit d’impôt au titre des frais d’hébergement pour les personnes accueillies en Ehpad.
Rappelons en conclusion que, sur ces quelque 7 milliards d’euros, près de 44 % de la subvention bénéficient au décile de la population percevant les revenus les plus élevés.
Ce plafond de 2 000 euros aura donc vocation à embrasser toutes les prestations dites de confort ; pour le reste, nous maintenons les plafonds en vigueur.
M. le président. L’amendement n° I-1379 rectifié, présenté par Mmes Billon, Housseau et Tetuanui et MM. Cambier, Courtial, Duffourg, Fargeot, Longeot, Menonville et Bleunven, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La limite mentionnée au premier alinéa est fixée à 750 € pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 4 » ;
2° Après le premier alinéa du 4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est porté à 80 % des dépenses telles que définies au précédent alinéa lorsqu’elles sont supportées par toute personne physique s’engageant au sein d’un syndicat professionnel relevant des articles L. 2131-1 et suivants du code du travail ou d’une association déclarée régie par la loi du 1er juillet 1901 et exerçant un mandat de représentation syndicale ou associatif. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Yves Bleunven.
M. Yves Bleunven. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ma chère collègue, vous proposez, au travers de l’amendement n° I-1180, de diviser par six le plafond applicable pour la majorité des bénéficiaires, même si vous le maintenez à un niveau plus élevé pour certaines catégories de services.
Vous vous appuyez sur un certain nombre de travaux, certes, mais il faut certainement aller plus loin et l’une de nos commissions aurait tout intérêt à se pencher sur le sujet. Lorsque le Sénat propose des pistes d’économies, cela fait en général suite à des travaux ayant permis d’évaluer les dispositifs, leur pertinence, la réponse aux besoins et le coût. Il me paraîtrait plus logique d’agir ainsi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur le suivant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur général, je suis prête à retirer mon amendement, tout du moins si vous prenez l’engagement de lancer une mission flash, tant il est vrai que vous nous tenez le même discours chaque année.
Le Cisap, deuxième dépense fiscale et première pour les particuliers, est capté à 43,5 % par le décile le plus élevé. Rares sont les dépenses fiscales aussi antiredistributives.
Lorsque vous affirmez que cela risque de pousser nombre de bénéficiaires à se priver de certains services, c’est assez faux : dans les neuf premiers déciles, le plafond de 2 000 euros couvre amplement les besoins. Je ne connais guère de ménages modestes, ou même appartenant aux classes moyennes, qui aillent au-delà.
Comme nous vous le disons, cette dépense fiscale est concentrée sur le dernier décile. Des personnes très aisées font entretenir leur jardin, promener leurs chiens et garder leur maison l’été, puisque ces services s’effectuent toujours à domicile. De fait, elles ont simplement bénéficié d’un effet d’aubaine pour des emplois qu’elles généraient déjà. Cela ne changera rien, car ce ne sont pas elles qui recouraient au travail dissimulé.
Parmi les personnes composant le dernier décile, il en est qui ne déclarent pas leurs dépenses, mais cela n’a rien à voir avec l’existence ou non d’un crédit d’impôt : si elles continuent de le faire, c’est parce que, pour elles, c’est peanuts ! Il s’agit donc vraiment d’un effet d’aubaine, documenté qui plus est. Les travaux que j’ai évoqués sont très importants, parus depuis plusieurs années. Qu’attendons-nous pour agir ?
Je le répète, je retirerai mon amendement en échange de l’engagement d’une mission flash.
M. Yves Bleunven. Je retire l’amendement n° I-1379 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° I-1379 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-695 rectifié est présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° I-906 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 6 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts, après le mot : « versées », sont insérés les mots : « ainsi que la nature de l’organisme et la personne morale ou physique définie au 1 dont les services rendent le contribuable bénéficiaire du crédit d’impôt ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-695 rectifié.