La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement prend en compte et anticipe un éventuel effet récessif de ce budget. Je ne voudrais pas laisser penser que ce sujet a été balayé, car tel n’est pas le cas. Nous avons eu de nombreuses discussions sur ce point avant d’établir le solde de l’article liminaire.

Il faut bien le comprendre, ce budget est un budget d’équilibre. C’est un budget inédit par l’ampleur de son effort, de 60 milliards d’euros. Et nous faisons en sorte de réduire le plus possible son effet récessif.

C’est pourquoi les hausses de prélèvements obligatoires que nous proposons sont exceptionnelles, ciblées et, pour la grande majorité d’entre elles, temporaires. Nous visons surtout la baisse de la dépense publique, et d’abord dans les domaines où celle-ci a fortement augmenté ces dernières années, notamment pour la relance ou pour l’accélération de certaines politiques publiques. Par définition, c’est dans ces domaines que l’effet récessif sera le moindre.

Pour autant, monsieur le sénateur, nous partageons votre vigilance, et je vous remercie de cet amendement d’appel.

Nous devons étudier de façon très fine les réactions des entreprises, notamment celles de certains secteurs industriels, et réagir vite. C’est pour cela que, comme vous l’aurez noté, nous avons des débats sur la compétitivité des entreprises et le niveau de leurs cotisations, de la manière la plus transparente possible.

Le PLF et le PLFSS ont été élaborés avec une très grande attention au maintien de notre politique de l’offre et de l’attractivité, donc de l’emploi.

Nous considérons qu’il n’y a pas matière à changer les soldes définis à l’article liminaire, mais, monsieur le sénateur, nous partageons une même vigilance.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Comme nos débats sont enregistrés, nous pourrons nous référer à ces prévisions le moment venu.

La Commission européenne prévoit également que le déficit sera de 5,3 % du PIB ; Goldman Sachs annonce un déficit de 5,4 % ; et certains économistes vont encore au-delà.

Si j’ai souhaité solennellement appeler votre attention sur ce point, c’est qu’il n’y aurait pas de mal à reconnaître que, aujourd’hui, on ne pourra pas atteindre les 5 % de PIB de déficit en 2025. Et contrairement à ce que vous indiquez, le Gouvernement n’a pas suffisamment pris en compte l’effet récessif.

C’est justement sur la base de cet effet que l’OFCE a établi ses prévisions. L’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 précise d’ailleurs en creux que le chiffre de 5 % du PIB a été déterminé avant la prise en compte de l’effet récessif…

Il y a un réel questionnement sur ce sujet. Il me semble que, en 2025, il sera nécessaire que le Gouvernement dépose assez rapidement un PLFR pour corriger ses prévisions.

Le sujet est de bien évaluer le comportement des acteurs économiques à la suite des mesures relatives aux dividendes et à la surtaxe d’impôt sur les sociétés. Vous le savez comme moi, chacun étudiera la règle pour voir comment éviter de payer plus. Le rendement fiscal attendu par le Gouvernement est donc tout de même assez aléatoire.

Je soutiens le Gouvernement et je comprends la grande difficulté à laquelle il est confronté, mais il faudra revoir ces prévisions à un moment.

Comme je l’avais annoncé, madame la présidente, je retire cet amendement, mais je voulais tout de même insister sur ce point.

Mme la présidente. L’amendement n° I-358 rectifié est retiré.

M. Grégory Blanc. Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° I-358 rectifié bis, présenté par M. Grégory Blanc et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° I-358 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, mon cher collègue.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, selon vous, l’ensemble des mesures du budget n’aura pas d’effet récessif, ou n’en aura que peu. Soit !

L’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous discutions à partir de certains chiffres, alors même que le Gouvernement disposait d’informations qui, d’entrée de jeu, rendaient le budget caduc…

Il a fallu la mission d’information de la commission des finances sur la dégradation des finances publiques depuis 2023 pour mettre en évidence ce qui apparaît au moins comme un problème de méthode et de gestion. Le rapporteur général de la commission des finances s’est largement exprimé sur ce sujet, tout comme le président de la commission des finances.

Cette année, l’examen du budget commence de manière encore plus critique : d’entrée de jeu, nous savons que les chiffres présents dans cet article liminaire sont fallacieux.

D’une part, il y a le problème des effets récessifs mentionné par Vincent Capo-Canellas. D’autre part, les chiffres sont incompréhensibles les uns par rapport aux autres.

Je ne prendrai qu’un exemple. Lors du débat sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) pour 2025-2029, je faisais déjà remarquer au Gouvernement que ce document prévoit une augmentation du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en 2025 par rapport à l’année précédente, sans tenir compte ni de l’électrification du parc automobile ni de la baisse des prix du pétrole prévue par les analystes.

Le ministre m’a alors répondu qu’il y aurait un surplus de croissance en 2025. Très bien, mais, dans ce cas, on devrait retrouver pour d’autres impôts les conséquences de ce surplus de croissance ! Or le Gouvernement prévoit, par exemple, un rendement de l’impôt sur les sociétés quasiment identique entre 2024 et 2025.

Si nous voulons être responsables et ne pas discuter dans le vide, nous devons débattre à partir de chiffres précis, étayés et solides.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-358 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-882 rectifié quater, présenté par M. V. Louault, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Médevielle, Brault, Chevalier, Grand, L. Vogel, Capus et A. Marc, Mme Bourcier et M. Rochette, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, dernière colonne

1° Quatrième ligne

Remplacer le nombre :

-3,3

par le nombre :

-3,1

2° Septième ligne

Remplacer le nombre :

-3,7

par le nombre :

-3,5

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Par cet amendement, Vincent Louault souhaite appeler l’attention du Sénat sur un point : nous aurions intérêt à réaliser des économies sur le budget de l’État et de ses différents comités ou agences, plutôt que sur celui des collectivités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant d’un amendement d’appel, l’avis de la commission sera défavorable.

De plus, il est délicat de modifier la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) en cours de route, alors que nous examinons un autre texte budgétaire. Alors que le déficit public s’est dégradé par rapport à la loi de finances initiale (LFI), concentrons-nous plutôt sur le projet de loi de finances pour 2025, dont nous entamons l’examen.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne puis que vous donner raison. Depuis le début de l’examen des textes budgétaires à l’Assemblée nationale, le Gouvernement répète que la priorité est de diminuer la dépense publique.

Nous devons maintenir un cap clair : l’État doit être le premier contributeur à la baisse de la dépense publique.

Ainsi, sur les 40 milliards d’euros d’économies que nous proposons, 21 milliards d’euros proviennent du budget de l’État. Il est vrai que l’on m’interroge depuis plusieurs jours sur les postes budgétaires visés. L’Assemblée nationale n’ayant pas examiné la deuxième partie du PLF sur les dépenses, le Sénat sera le révélateur des économies supplémentaires qui seront proposées par le Gouvernement, notamment par voie d’amendement.

Par exemple, 5 milliards d’euros seront prélevés sur les missions de l’État. Nous proposerons également que 15 milliards d’euros soient retranchés du budget de la sécurité sociale ; ce dernier fera l’objet d’un scrutin solennel ici même, demain. Quant à la contribution des collectivités territoriales, elle s’élève à 5 milliards d’euros dans le texte initial, mais nous avons d’ores et déjà annoncé qu’elle serait revue à la baisse au regard des amendements que vous avez déposés.

Je comprends que l’adoption à l’Assemblée nationale de certains amendements, notamment ceux qui ont été déposés par le Nouveau Front populaire, ait pu brouiller le message. Mais soyons clairs : les deux tiers des ressources dégagées doivent provenir d’une baisse de la dépense publique.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Capus, l’amendement n° I-882 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Emmanuel Capus. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° I-882 rectifié quater est retiré.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l’article.

M. Vincent Delahaye. Je n’ai pas déposé cette année, comme j’aime le faire, un amendement visant à changer le titre de l’article liminaire pour indiquer qu’il assure le déséquilibre plutôt que l’équilibre des comptes.

Toutefois, cet article liminaire ne contribue guère à la compréhension de nos finances publiques par nos compatriotes, dans la mesure où il présente une situation après transferts entre les différents comptes. Nous gagnerions à présenter les comptes avant transferts, ce qui donnerait un résultat quelque peu différent.

Par ailleurs, il présente un biais en ce qui concerne les recettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Celles-ci sont comptabilisées dans le budget de la sécurité sociale, alors que le remboursement de la dette l’est dans le budget de l’État.

C’est une anomalie : il devrait exister une correspondance entre la dépense et la recette. Dès lors que la dépense liée à la Cades incombe à l’État, les recettes devraient être portées sur le budget de ce dernier, ce qui dégraderait le déficit de la sécurité sociale et atténuerait celui de l’État.

Enfin, tous les régimes de retraite ne sont pas pris en compte dans le budget de la sécurité sociale. Certains d’entre eux sont comptabilisés dans les dépenses de personnel de l’État.

Monsieur le rapporteur général, la commission des finances ferait œuvre utile en améliorant la lisibilité de l’article liminaire du PLF.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire.

(Larticle liminaire est adopté.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Mme la présidente. Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, l’article 40 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Article 40 et participation de la France au budget de l’Union européenne

Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Masset applaudit également.)

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, il nous revient d’examiner l’évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne présentée dans le projet de loi de finances. Il s’agit d’un exercice incertain, dans la mesure où le montant inscrit dans le projet de loi de finances est seulement prévisionnel.

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen autour du budget européen pour 2025 ont touché à leur fin ces derniers jours. Le 16 novembre dernier, ces deux institutions se sont accordées sur un montant de 199 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 155 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces deux institutions ont désormais jusqu’à la fin du mois pour approuver formellement l’accord intervenu. Le Conseil devrait l’adopter aujourd’hui même.

Comme il est d’usage, le Gouvernement devrait déposer prochainement un amendement visant à tenir compte du montant du budget européen sur la contribution française. Je regrette, pour la clarté de nos débats, que nous ne disposions pas d’une évaluation révisée du prélèvement sur recettes (PSR).

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quand sera déposé cet amendement ? Et quel serait le montant révisé de l’évaluation du PSR ?

Une forte progression de la contribution française est attendue, celle-ci étant estimée par la direction du budget à 30,4 milliards d’euros en 2026 et à 32,4 milliards d’euros en 2027.

Si cette progression est en partie cyclique, la consommation des crédits se faisant plus marquée à mesure que l’on progresse dans le cadre financier pluriannuel, elle reflète le fait incontournable que la contribution annuelle moyenne de la France a fortement progressé, passant de 20,1 milliards d’euros par an entre 2014 et 2020 à 26,2 milliards d’euros par an entre 2021 et 2027.

La France est ainsi confrontée à un effet ciseaux : d’une part, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 prévoit des dépenses en hausse ; d’autre part, lorsque le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne, cette dernière a perdu l’un de ses principaux contributeurs.

Monsieur le ministre, un tel niveau de contribution est-il soutenable dans le contexte budgétaire que nous connaissons ? Les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel commenceront l’an prochain ; quelle sera la position de la France ?

L’un des enjeux de la révision du prochain cadre financier pluriannuel sera l’adoption de nouvelles ressources propres. Les États membres sont convenus de ce principe dès 2020.

Une telle mesure est indispensable pour notre pays. En effet, l’engagement financier de la France au titre de Next Generation EU est de l’ordre de 75 milliards d’euros. Ainsi, un défaut d’adoption de ces nouvelles ressources signifierait un surcroît de 2,5 milliards d’euros annuels sur la contribution française au budget de l’Union européenne à partir de 2028, qui s’ajouterait aux perspectives budgétaires préoccupantes que je viens d’évoquer.

Monsieur le ministre, dans un contexte politique incertain, où la coalition qui gouverne l’Allemagne traverse une crise politique, quelles sont les perspectives d’adoption de ces nouvelles ressources propres ?

Enfin, les sommes que j’ai évoquées ne visent qu’à financer les politiques publiques existantes de l’Union européenne.

Or l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a fait état dans un rapport qui a fait grand bruit d’un déficit criant de compétitivité de l’économie européenne, nous appelant notamment à combler le fossé de l’innovation. L’actualité nous rappelle constamment que la compétition avec les puissances chinoise et américaine se fait chaque jour plus pressante.

Mario Draghi estime l’investissement nécessaire à un minimum de 800 milliards d’euros par an. Si le gros de ces investissements doit être endossé par le secteur privé, le rapport préconise, au vu des enjeux, une mobilisation mieux ciblée, plus efficace et peut-être plus large du budget européen, au travers de l’émission d’un nouvel emprunt commun.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous surmonter les contraintes économiques et politiques pour permettre à l’Europe, donc à la France, de tenir son rang en matière de compétitivité ?

Mes chers collègues, lors de l’examen de l’article 40 par la commission des finances le 31 octobre dernier, celle-ci s’est prononcée en faveur d’une adoption sans modification. Je vous invite donc à suivre cet avis. (M. Vincent Delahaye applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les bonnes nouvelles étant rares, il faut saluer celle-ci : la France est le premier pays de l’Union européenne en matière de consommation des crédits du plan de relance européen. En effet, elle a consommé 30 milliards d’euros de subventions à ce titre depuis 2022, soit 76 % des fonds auxquels elle a droit, contre une moyenne de 42 % dans les autres États membres.

Cette bonne performance est une chance pour notre pays, ce plan finançant des projets très concrets, comme le chantier de la ligne C du métro toulousain ou la construction d’un nouveau bâtiment scientifique de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) à Nantes. Voilà toute l’importance de la contribution française au titre du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, cette bonne nouvelle ne doit cependant pas éclipser deux sujets d’inquiétude.

Tout d’abord, si nous consommons les crédits du plan de relance européen, tel n’est pas le cas pour les crédits en gestion directe du budget de l’Union européenne, c’est-à-dire ceux qui sont directement exécutés par la Commission européenne, sans intervention des États membres.

C’est particulièrement vrai pour la rubrique 1 du budget de l’Union européenne, consacrée à la recherche, à l’innovation et au numérique. Le taux de retour français sur cette rubrique est passé de près de 20 % en 2021 à environ 15 % en 2023. Notre performance est particulièrement mauvaise en ce qui concerne la consommation du programme-cadre Horizon Europe, le taux de retour étant inférieur à 12 % en 2023.

Monsieur le ministre, ces chiffres interpellent. Quelles sont les raisons de cette sous-consommation ? Quel premier bilan peut-on tirer du travail réalisé par la cellule du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) chargée de la mobilisation des fonds européens, qui a été mise en place il y a bientôt deux ans ?

Dans un contexte de finances nationales dégradées, alors que l’argent public se fait rare, nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver de crédits européens. Le SGAE m’a indiqué que la France pouvait espérer bénéficier de 2 milliards d’euros de crédits européens supplémentaires. Il est donc impératif d’optimiser nos retours sur le budget de l’Union européenne !

Enfin, j’appelle votre attention sur l’évolution de la contribution de la France. En 2028, doit commencer le remboursement du principal emprunt levé pour financer le plan de relance européen, dont le montant est de 750 milliards d’euros. En 2020, les États s’étaient accordés pour introduire de nouvelles ressources propres d’ici à 2026, afin de financer ce remboursement et d’éviter qu’il ne se traduise par un surcroît des contributions nationales.

Monsieur le ministre, je vous ai souvent sollicité sur ce sujet depuis que vous êtes en poste, car j’estime qu’il s’agit d’un véritable point d’inquiétude, d’une ombre menaçante qui plane sur nos finances publiques.

Dans son acte de certification des comptes de l’État pour 2023, la Cour des comptes a d’ailleurs relevé que l’absence de ce montant dans les engagements hors bilan constituait une anomalie manifeste. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de mes convictions, c’est toujours un plaisir et une fierté pour moi que de rejoindre cette tribune pour parler de l’Europe. Dans le cadre du projet de loi de finances, nous débattons aujourd’hui de la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

Je n’aborderai pas le programme consacré à la recherche, le président de la commission des affaires européennes s’en étant déjà chargé. Je consacrerai mon intervention au montant de la contribution elle-même, à la question de la politique agricole commune (PAC), qui doit rester un poste pivot, et aux fonds structurels.

Pour l’année 2025, le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union s’élèvera à 23,3 milliards d’euros. Ce montant représente une hausse d’un peu plus de 1 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2024. Comme l’a rappelé Jean-Marie Mizzon, si l’on ajoutait à ce montant le prélèvement des droits de douane nets versés par la France au budget européen, la contribution totale s’élèverait à 25,3 milliards d’euros.

En regard de cette contribution, il convient de rappeler que les retours représentent tout de même 16,5 milliards d’euros. Aussi ne pouvons-nous que déplorer la façon dont s’est déroulé l’examen de l’article 40 à l’Assemblée nationale. En effet, la France percevra notamment 9,4 milliards d’euros au titre de la PAC et environ 3 milliards d’euros au titre de la politique de cohésion.

À ce propos, je tiens à le souligner, la PAC doit demeurer un point prioritaire pour la France au cours des négociations. Nous nous souvenons tous de l’engagement de Jacques Chirac sur ce sujet, qui doit demeurer l’un des fondamentaux de notre doctrine européenne.

Il n’en demeure pas moins que la France est contributrice nette au budget de l’Union européenne, à hauteur de 9 milliards d’euros. Il convient de le noter, sans pour autant reprendre le fameux « I want my money back ! » de Margaret Thatcher. Rappelons que l’Europe apporte la paix entre les pays membres, la monnaie commune et, bien sûr, les retombées économiques de notre marché intérieur, qui valent bien plus que le montant de notre contribution.

À cet égard, le Brexit coûterait environ 120 milliards d’euros par an au Royaume-Uni, soit bien davantage que sa contribution nette passée au budget de l’Union.

Je partage toutefois les inquiétudes exprimées par notre rapporteur. Nous devons collectivement être conscients que le montant de la contribution française sera encore plus important pour les années à venir, la direction du budget en estimant le montant à 30,4 milliards d’euros en 2026 et à 32,4 milliards d’euros en 2027. Cela s’explique par la progression de la contribution française attendue sur l’ensemble du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

À mon sens, il convient d’ouvrir une réflexion sur le fonctionnement des instances européennes, pour en réduire le coût.

En ce qui concerne l’utilisation par la France des fonds européens, celle-ci se heurte à des obstacles bureaucratiques. Il existe huit principaux fonds européens. Comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, je rencontre très fréquemment des maires ou des présidents d’exécutifs qui me font part de leur désarroi quant à l’utilisation des fonds européens. Deux difficultés majeures sont fréquemment déplorées : la complexité de la procédure et le délai du versement.

Les dernières données statistiques portant sur le sujet démontrent que la France a un taux de dépenses certifiées de 35 %. Si ce taux se situe au-dessus de la moyenne européenne, nous sommes loin de pays comme le Danemark ou la Roumanie, qui demandent des rallonges de crédits, alors que nous en reversons pour ne pas avoir su les utiliser.

Monsieur le ministre, il convient d’accentuer les travaux du gouvernement précédent visant à simplifier l’accès aux fonds européens, dont le recours manque encore de lisibilité.

Les collectivités territoriales disposeront dans les années à venir de moins en moins de ressources, ou, à tout le moins, de plus en plus de besoins financiers. Leur faciliter l’accès aux fonds européens serait un réel coup de pouce pour nombre d’entre elles, en vue de financer les nombreux investissements qui les attendent, ne serait-ce qu’en matière de transition écologique.

Les régions ont le statut d’autorité de gestion des fonds européens depuis 2014, mais il existe des disparités régionales importantes dans l’utilisation de ces fonds. Les taux de programmation traduisent des modes de gestion et des stratégies d’utilisation différentes selon les régions. Certaines d’entre elles ont notamment fait le choix de surprogrammer certains fonds pour se prémunir d’un risque de sous-réalisation.

J’ajoute que le délai moyen de versement des aides est de deux à trois ans, ce qui est largement perfectible.

Monsieur le ministre, le Gouvernement doit se saisir de cette question et faciliter l’accès des collectivités territoriales aux fonds européens. En effet, si nous atteignions un taux de dépenses certifiées supérieur à 50 %, l’Union européenne serait davantage incarnée dans nos territoires et sa nécessité apparaîtrait plus clairement dans le quotidien de nos élus et de nos compatriotes.

L’Union européenne est plus qu’une nécessité dans le contexte géopolitique que nous traversons : elle est un idéal dont nous avons besoin. Certes, l’Europe a un coût, mais celui-ci est nécessaire.

Pour conclure, le groupe Union Centriste votera en l’état l’article 40 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prélèvement sur recettes de la France au profit de l’Union européenne s’élève cette année à 23,3 milliards d’euros, soit une hausse de 7,9 % par rapport à 2024.

Or cette tendance haussière n’est qu’un début. Dans un rapport publié le 25 juillet 2023, la Cour des comptes estime que la non-adoption de ressources propres d’ici à 2028 contraindra la France à relever sa contribution annuelle au budget de l’Union européenne de 2,5 milliards d’euros sur une période de trente ans, ce qui montre la situation alarmante dans laquelle nous nous trouvons.

Cependant, le débat sur la définition de ces nouvelles ressources pour l’Union européenne s’enlise. Les nouvelles recettes envisagées seraient issues du système communautaire des quotas carbone, de revenus du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et des bénéfices de certaines multinationales. Ces ressources sont injustes et volatiles et elles font la part belle au capital.

Pourquoi ne pas s’accorder sur la taxation des transactions financières que propose la Commission européenne ? Cette ressource fondée sur la spéculation pourrait soulager la contribution des États membres. Il s’agit, mes chers collègues, d’une question prioritaire pour éviter que notre prélèvement n’explose ces prochaines années.

La hausse de notre contribution grève nos marges de manœuvre, alors que la France est visée par une procédure de déficit excessif, car elle ne respecte pas les critères imposés par le carcan du pacte de stabilité et de croissance (PSC). La réponse du Premier ministre consiste en une cure d’austérité qui mettra à contribution les Français et leurs services publics.

Nous n’accepterons pas que les peuples européens continuent de payer le prix de telles mesures : en 2024, d’après Eurostat, près de 95 millions de personnes sont déjà menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne. Combien le seront demain ?

Par ailleurs, la contribution de la France est aussi majorée par les rabais accordés à d’autres pays de l’Union européenne. Ce mécanisme antidémocratique est accordé par dérogation à certains États dont la contribution a été jugée excessive. L’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède sont concernés.

La France représente le premier contributeur à ces rabais : nous les finançons à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2025, soit 26,8 % du total. Nous pouvons donc légitimement douter de l’efficacité de notre contribution, d’un point de vue strictement comptable.

La France est ainsi le deuxième pays contributeur net aux fonds européens, son solde net s’élevant à 9,3 milliards d’euros en 2023. Depuis 2017, la France a contribué à hauteur de 60 milliards d’euros en cumulé. Or elle n’est que le vingt-deuxième bénéficiaire des dépenses de l’Union en 2023, avec 242 euros par habitant.

Il est vrai que nous demeurons le premier pays bénéficiaire des fonds de la politique agricole commune. Mais en signant à tour de bras des accords de libre-échange, la Commission européenne reprend d’une main ce qu’elle donne de l’autre. Nos agriculteurs en sont les premières victimes.

Dans le même temps, l’Union européenne durcit sa politique de lutte contre l’immigration et y met les moyens, au détriment de notre politique de réindustrialisation ou de transition écologique. Entre le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 et celui pour la période 2021-2027, les crédits alloués à la protection de l’environnement n’ont que légèrement augmenté, cependant que ceux qui sont consacrés au contrôle des migrations et à la gestion des frontières ont explosé de plus de 700 %.

De même, les crédits alloués aux investissements stratégiques européens ou pour l’interconnexion en Europe sont largement insuffisants : ils représentent 7 milliards d’euros, sur un budget total de 147 milliards d’euros. La volonté de liquider Fret SNCF en est l’illustration.

Nous devrions à l’inverse investir massivement pour faire advenir une nouvelle construction européenne axée sur un développement industriel en phase avec la préservation du vivant.

Mario Draghi lui-même, dans son rapport sur la compétitivité de l’Union européenne publié en septembre dernier, alerte sur le risque d’une « lente agonie » économique. Notre modèle actuel est dépassé. Il ne fait plus rêver et nous mène droit dans le mur.