M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les troubles du neurodéveloppement affectent le développement cognitif, émotionnel et social des enfants, qui en subissent souvent les répercussions jusqu’à l’âge adulte. Ils recouvrent une multitude de troubles, tels que le trouble du spectre de l’autisme, le trouble déficitaire de l’attention, les troubles spécifiques de l’apprentissage et bien d’autres encore.
Cette réalité touche des millions de personnes à travers le monde. En France, un enfant sur six est atteint de TND. Ceux-ci se manifestent de différentes façons – difficultés d’attention, troubles du langage, difficultés de socialisation, hyperactivité… – et affectent non seulement ceux qui en souffrent, mais aussi leur entourage. Malgré leur prévalence, les TND sont souvent mal appréhendés et beaucoup de progrès doivent encore être faits.
C’est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, dont je salue l’engagement indéfectible, qui a permis à ce texte de parvenir à l’ultime étape de son parcours législatif.
Les attentes des familles et du corps éducatif sont fortes. Bien plus qu’un simple environnement d’apprentissage, l’école est pour nos enfants leur premier lieu de socialisation, d’inclusion et d’épanouissement ; mais cela ne vaut pas toujours pour les enfants présentant des troubles du neurodéveloppement, dont le parcours scolaire est malheureusement trop souvent semé d’embûches et pour qui l’inclusion reste un défi quotidien.
Certes, des dispositifs d’accompagnement – comme les accompagnants d’élèves en situation de handicap ou les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) – ont été mis en place pour permettre à ces enfants de s’intégrer pleinement dans des écoles ordinaires. Toutefois, nous le savons, l’offre est insuffisante.
Il est pourtant essentiel de garantir à chaque enfant et adolescent, quel que soit son parcours, un accueil bienveillant et approprié à ses besoins au sein de notre système éducatif, l’école pouvant être vécue comme une véritable souffrance lorsqu’elle n’est pas adaptée.
C’est pourquoi nous souscrivons à la création, dans chaque circonscription académique, de dispositifs voués à la scolarisation en milieu ordinaire d’ici à 2027. Nous nous réjouissons également qu’un module spécifique sur l’accueil des élèves présentant un TND soit intégré à la formation dispensée aux enseignants et aux autres personnels du service public de l’éducation.
De même, nous saluons les modifications qui ont été apportées au texte à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à l’obligation faite à l’éducation nationale de s’assurer qu’un référent soit désigné dans chaque établissement scolaire pour superviser l’accueil des enfants présentant un TND. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les enseignants se sentent parfois démunis face à des situations qui exigent des compétences et des connaissances spécifiques.
Je pense également à l’obligation de former les personnels des centres de loisirs, des crèches ou encore des clubs sportifs. Comme l’a récemment dénoncé la Défenseure des droits, de nombreuses structures refusent, par manque de formation, d’accueillir les enfants handicapés, privant ceux-ci d’un droit fondamental : l’accès aux loisirs, au sport et à la culture.
Ces mesures vont dans le bon sens.
Par ailleurs, cette proposition de loi vise à mettre fin à l’errance de diagnostic, qui entraîne un retard dans la prise en charge des enfants et affecte leur scolarité. Outre le fait d’inscrire dans la loi le principe d’une détection précoce chez les enfants à risque, elle crée deux examens de repérage par le médecin traitant, intégralement pris en charge par la sécurité sociale.
Nous regrettons toutefois que les députés aient avancé l’âge du premier examen de 18 mois à 9 mois. Si la Haute Autorité de santé recommande de réaliser systématiquement un test de repérage global dès le neuvième mois de vie des enfants à risque, elle préconise pour les autres enfants une consultation à 18 mois, estimant qu’il s’agit d’« un âge clé où l’on constate assez souvent des signes d’appel pour un trouble du spectre de l’autisme avec un arrêt voire une régression du développement du langage et de la communication ».
J’en viens au dernier volet de cette proposition de loi : le soutien aux familles. Les enfants porteurs de TND requièrent souvent une attention constante et des soins spécifiques. Cette prise en charge demande beaucoup d’énergie et peut devenir épuisante pour les parents. Le relayage est une réponse précieuse pour ces familles, souvent confrontées à une charge mentale et physique très élevée au quotidien.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE votera en faveur d’une adoption conforme, afin que cette proposition de loi soit rapidement mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Corinne Féret, Patricia Schillinger et Évelyne Perrot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des sujets qui rassemblent, qui poussent à la concorde, parce qu’ils sont justes et parce qu’il est urgent d’agir pour aider et accompagner ceux qui en ont besoin, in fine dans l’intérêt de tous.
Ce texte est issu de ma proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, dont l’examen a été avorté. Celle-ci était rapportée par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail. Après l’avoir enrichie des conclusions d’une mission d’information transpartisane sur les TND, que j’ai menée avec mes collègues Laurent Burgoa et Corinne Féret, j’ai naturellement souhaité redéposer cette proposition de loi, qui a été adoptée à l’unanimité en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Après deux rapports de commission, deux examens en séance publique et un examen en deuxième lecture selon la procédure de législation en commission, les dispositions de ce texte sont désormais bien connues, d’autant que notre rapporteure Anne-Sophie Romagny vient d’en dresser de nouveau les contours.
Je tiens à remercier personnellement cette dernière de son travail et de son soutien, mais aussi ceux qui œuvrent dans l’ombre et qui nous permettent de faire aboutir nos textes – ils se reconnaîtront. Je remercie également le président de la commission des affaires sociales de sa confiance et de son suivi sur ce dossier.
J’aurai enfin un mot pour le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Paul Christophe, qui est désormais ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le ministre, votre engagement envers les proches aidants et les personnes handicapées ou en perte d’autonomie n’a jamais failli. Je peux le dire, car nous nous suivons depuis plusieurs années.
En effet, j’ai été le rapporteur au Sénat de la proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux, que vous aviez déposée le 27 septembre 2017. À votre tour, vous avez été le rapporteur de ma proposition de loi – et en cela, vous avez contribué à son adoption en première lecture – visant à améliorer le dépistage des troubles du neurodéveloppement, l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants à l’Assemblée nationale, en janvier 2024. Pour votre engagement et vos convictions sur des sujets qui nous sont chers, je vous remercie sincèrement, monsieur le ministre.
Je suis très satisfaite que nous votions cette proposition loi, notamment en vue de la pérennisation du dispositif de relayage, si essentiel pour les familles. Si nous ne l’adoptions pas avant la fin de l’année, ce dispositif aurait en effet peu de chance d’aboutir.
Mes chers collègues, nous pouvons voter en fonction de rapports, de chiffres et d’expertises. Souvent, ceux-ci éclairent les débats, mais s’ils sont importants, une politique publique, qu’on la réforme ou qu’on la conçoive ex nihilo, répond avant tout à un problème social ou sociétal. Aussi, je souhaite vous livrer ici un témoignage que j’ai reçu récemment, qui montre l’urgence de la situation : « On est épuisés de se battre ! On n’en peut plus ! Nous sommes démunis. En plus d’avoir deux ans d’errance dans les dossiers, quand ça avance bien, avant d’avoir un diagnostic, on peut avoir des diagnostics différents. C’est aberrant. Nous, ce que l’on veut, c’est aimer tout simplement nos enfants et, pour cela, on a besoin d’un accompagnement pour soulager nos épaules, qui sont certes très larges, mais qui finissent par faiblir… »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle que soit notre place dans l’hémicycle, quelles que soient nos convictions politiques, nous sommes tous sensibles au sujet du handicap.
La prévention a certes un coût, mais ne pas en faire en entraîne au moins trois : un coût humain, car enfants, parents et enseignants sont fragilisés ; un coût politique, celui de la lutte contre le décrochage ; un coût social, car les TND accroissent les risques d’addiction, de délinquance et de suicide.
Je l’ai déjà évoqué, mais j’ajoute qu’il serait tout à fait judicieux qu’un travail plus approfondi soit mené pour les adolescents et les adultes qui sont ou seront passés au travers d’un accompagnement pour vivre mieux au sein de notre société.
Investissons aujourd’hui pour que toute la société soit renforcée demain et écoutons Albert Jacquard, qui écrivait, dans Éloge de la différence. La génétique et les hommes : « Notre richesse collective est faite de notre diversité. L’“Autre”, individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable. »
Enfin, monsieur le ministre, je compte sur vous pour vous assurer que les deux décrets d’application nécessaires à la pérennisation du relayage soient pris dans les plus brefs délais.
Sans surprise, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, dont je suis à l’initiative, avec nombre d’entre vous, au-delà des étiquettes politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE, RDPI et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Corinne Féret applaudit également.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 29 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 343 |
Contre l’adoption | 0 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Bravo ! et applaudissements.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le veut la tradition lorsqu’un texte est adopté à l’unanimité, je voudrais remercier tous les sénateurs ici présents, en particulier Jocelyne Guidez, l’auteure de cette proposition de loi, et monsieur le ministre, qui a contribué à l’enrichir. Cette initiative est le fruit d’un long travail de fond : nombre de rencontres et d’initiatives ont permis d’aboutir à un texte équilibré, répondant aux besoins de nos concitoyens dans le respect des professionnels.
Je remercie notre rapporteure, Anne-Sophie Romagny (Mme Florence Lassarade applaudit.), de sa sagesse et d’avoir apporté au texte son regard particulier d’élue locale et ses convictions.
Au-delà de sa pertinence, nous avons la chance d’adopter une proposition de loi émanant en partie des travaux d’un député, qui appartient désormais au Gouvernement. (Sourires.) Monsieur le ministre, vous avez entendu, lors des explications de vote, que les sénateurs approuvent ce texte, qui répond à de grandes préoccupations sur un beau sujet. Toutefois, il ne sera efficace que si des moyens financiers suffisants sont déployés.
Vous portez une double casquette : coauteur de cette proposition de loi et ministre, vous n’avez donc pas le droit à l’erreur. Nous attendons un premier bilan pour en tirer, Jocelyne Guidez et moi-même, les enseignements. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Paul Christophe, ministre. Je tiens à féliciter toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués pour faire aboutir ce texte, dans une belle unanimité. Monsieur le président de la commission, j’ai en effet entendu les remarques formulées par les uns et les autres ; elles m’obligent d’autant plus que j’aurais pu les formuler moi-même.
Je partage en effet la plupart de vos constats. Pour ne rien vous cacher, j’ai rencontré ce matin Étienne Pot, le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. Cette proposition de loi s’inscrit dans sa feuille de route.
Pour ce qui concerne les moyens, monsieur le président, je sais que vous serez tous très mobilisés pour en obtenir lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est vous qui votez le budget et je serai très heureux de bien dépenser les crédits qui seront accordés en faveur de toutes les personnes souffrant de TND.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison, l’accompagnement des adultes qui sont passés auparavant au travers des mailles du filet et la situation des AESH sont des sujets importants, sur lesquels nous travaillons. Votre concours ne sera pas de trop pour faire évoluer les choses. Œuvrons tous ensemble à cet effet ! Encore une fois, je vous remercie et vous félicite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Solanges Nadille et M. Michel Masset applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Outils de régulation des meublés de tourisme
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (texte de la commission n° 86, rapport n° 85).
La parole est à Mme la rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès le mois d’avril dernier, la commission des affaires économiques s’est mobilisée pour soutenir et améliorer ce texte. À cet effet, elle a organisé une consultation des élus locaux, qui a recueilli plus de 1 200 réponses. Près de 40 % des élus consultés estiment que les outils à leur disposition pour réguler les meublés de tourisme ne sont pas suffisants.
Cette proposition de loi est donc attendue par les maires de nos communes et par nombre de nos concitoyens. Après un long parcours législatif, je me félicite qu’elle aboutisse grâce au soutien du nouveau gouvernement et à l’engagement commun des sénateurs et des députés, qui ont trouvé un accord en commission mixte paritaire.
Ce texte vise à instaurer une régulation au plus près des besoins des territoires en créant de nouveaux outils à la main des élus locaux, facultatifs et adaptés aux réalités de la location meublée touristique.
Tout d’abord, il a pour objet de donner aux maires davantage d’informations sur la location meublée touristique et de faciliter leurs contrôles. Je pense notamment à la généralisation de la déclaration avec enregistrement d’un meublé de tourisme. Il s’agit d’un apport de l’Assemblée nationale, que le Sénat a sanctuarisé et renforcé : d’une part, il a ajouté l’obligation pour les propriétaires de présenter des pièces justificatives pour éviter les fraudes, notamment sur la qualité de résidence principale d’un meublé ; de l’autre, il a doté le maire de pouvoirs renforcés lui permettant de suspendre les annonces de fraudeurs.
La proposition de loi inclut aussi des mesures visant à lutter contre l’éviction du logement permanent au profit de la location meublée touristique. Cela passe notamment par l’application aux meublés de tourisme d’exigences de performance énergétique. La solution retenue par la commission mixte paritaire est issue des travaux du Sénat. Elle opère une distinction entre le flux et le stock de meublés, afin d’éviter que des passoires thermiques ne basculent en meublés de tourisme dès 2025. Elle prévoit aussi que tous les meublés de tourisme devront se conformer aux exigences de la loi Climat et Résilience, dans un délai réaliste et raisonnable de dix ans.
En outre, et c’est le cœur de cette proposition de loi, elle offre aux élus locaux une importante boîte à outils de régulation des meublés de tourisme. Ceux-ci pourront instaurer des quotas d’autorisation temporaire de changement d’usage ou délimiter des zones au sein desquelles les constructions nouvelles sont à usage exclusif de résidence principale. Ils pourront aussi, dès le 1er janvier 2025, abaisser de 120 à 90 le nombre maximal de jours de location d’une résidence principale.
Je précise que ces mesures ne sont qu’une faculté offerte aux élus locaux ; elles ne seront vraisemblablement pas employées partout, mais seulement là où ce sera jugé nécessaire.
Enfin, la proposition de loi reprend l’esprit d’un amendement déposé en séance publique, au Sénat, par Françoise Gatel, en permettant que la location meublée touristique soit interdite par un vote à la majorité des deux tiers, et non à l’unanimité, dans les copropriétés destinées à l’habitation permanente.
Il s’agit d’un texte utile, qui comporte des avancées concrètes pour nos élus locaux. Alors que ces derniers sont parfois démunis face au développement incontrôlé de la location de meublés touristiques, ce texte sécurisera leurs décisions tout en respectant les spécificités de chaque territoire. Je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif.
Il s’agit de la conclusion d’un travail de près de deux ans, entrepris sur l’initiative des députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz et repris par le Sénat, dont je tiens à saluer le travail, en particulier celui de la rapporteure, Sylviane Noël, et du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson.
Avant de revenir sur la genèse et l’objet de la proposition de loi, je veux en souligner trois caractéristiques majeures.
Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi à destination des élus locaux : elle leur offre de nouveaux outils, attendus par nombre d’entre eux, en Hexagone, sur les littoraux, mais aussi dans beaucoup de villes touristiques. À cet égard, je salue le travail de votre chambre, qui a pris le temps de consulter largement les élus avant les débats.
Ensuite, il s’agit d’une proposition de loi pragmatique : les débats ont permis de faire émerger des compromis sur la quasi-totalité des sujets.
Enfin, il s’agit d’une proposition de loi pour tous les Français qui recherchent un logement de longue durée et qui ne parviennent pas à se loger.
Car oui, ce phénomène d’éviction du logement locatif de longue durée au profit de la location meublée touristique est une réalité dans de nombreuses communes. Les avantages créés dans les années 2000 pour soutenir une industrie touristique alors à la peine se sont transformés en effet d’aubaine évident. Même si les chiffres sont imparfaits et imprécis, nous estimons à environ 800 000 le nombre de meublés de tourisme sur l’ensemble du territoire, dont une part non négligeable sont des biens entièrement consacrés à la location touristique.
Plusieurs missions, dont celle de l’inspection générale des finances en 2022 et celle des députés Annaïg Le Meur et Vincent Rolland en 2023, ont mis le doigt sur les difficultés profondes que suscite la multiplication des meublés de tourisme. Ce phénomène a prospéré du fait de plusieurs avantages concurrentiels, fiscaux ou normatifs, acquis au fur et à mesure et de manière souvent fortuite. Je pense notamment aux obligations de rénovation énergétique, qui pèsent encore – pour le moment – sur les logements dans le secteur locatif, mais qui ne concernent pas les meublés de tourisme.
Devant cette situation, il était de notre responsabilité collective de rétablir de l’équité au sein de ces règles. À cet égard, je souhaite saluer une nouvelle fois, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, le travail des commissions du Sénat, qui ont nettement enrichi et sécurisé le texte.
Tout d’abord, pour renforcer la qualité des données dont disposent les décideurs publics, la proposition de loi rend obligatoire l’enregistrement de chaque meublé, qui se verra attribuer un numéro unique lors de la déclaration en mairie, dans le cadre de la mise en place d’un téléservice national. Quelque 78 % des élus locaux ayant répondu à la consultation du Sénat se sont déclarés en faveur de ce dispositif. Le Gouvernement a travaillé pour que, en lien avec le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit Sren, et le règlement européen en cours d’adoption, ce dispositif fournisse un service opérationnel, intelligent et qui permette avant tout de sécuriser et de faciliter la tâche des collectivités.
Ensuite, pour équilibrer les obligations réglementaires qui pèsent, d’une part, sur les meublés de tourisme et, d’autre part, sur les logements, les meublés touristiques se verront appliquer des obligations de qualité énergétique, au même titre que les logements nus. Même si des réflexions sont en cours pour adapter le calendrier de mise en application de ces obligations, il était de notre responsabilité de mettre fin à toute iniquité en la matière pour éviter une fuite des logements nus consacrés à la location de longue durée vers des logements touristiques destinés à la location de courte durée.
Votre chambre a renforcé ces dispositions, notamment en conditionnant les autorisations de changement d’usage à la performance énergétique du bien, afin de prévenir l’attrition future du parc de logements. Ainsi, les propriétaires de nouveaux meublés de tourisme seront soumis au même calendrier que les locations classiques : la mise en location des passoires thermiques classées G sera interdite au 1er janvier 2025, celle de logements classés F en 2028 et celle de logements classés E en 2034. Pour les locations saisonnières existantes, l’obtention d’une étiquette énergétique au minimum classée D sera nécessaire en 2034.
En matière d’étiquettes énergétiques, l’échéance du 1er janvier 2025 constitue un sujet sensible faisant l’objet – sachez-le – d’une initiative parlementaire, qui sera examinée avant la fin de l’année. Nous serions évidemment ravis si le Sénat se saisissait rapidement de la question, à laquelle je vous sais, mesdames, messieurs les sénateurs, particulièrement sensibles.
En parallèle, les communes disposeront de nouveaux outils pour réguler le parc des meublés touristiques.
Les maires auront ainsi la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours de location touristique dans une résidence principale : ce plafond pourra être réduit de 120 à 90 jours par an. Les Français qui proposent des locations meublées occasionnelles pour soutenir leur pouvoir d’achat ne seront que très peu affectés par cette mesure, et le nombre de résidences principales ne devrait pas s’en trouver modifié.
En revanche, il s’agit d’un important signal de confiance à l’égard des élus locaux. Ces derniers pourront également instaurer des quotas de locations saisonnières dans leur commune, ou encore créer des zones réservées aux seules résidences principales, dans les communes situées en zone tendue ou dénombrant plus de 20 % de résidences secondaires.
Les copropriétés font elles aussi l’objet d’un certain nombre de dispositions.
Là où le règlement de copropriété contient une clause d’habitation bourgeoise, cette proposition de loi va permettre d’interdire la location en meublé de tourisme. Le règlement de copropriété pourra être révisé en ce sens par un vote à la majorité des deux tiers – Mme la rapporteure vient de le rappeler –, alors qu’aujourd’hui l’unanimité est requise. Il s’agit là d’un important levier d’action.
Quant aux nouveaux immeubles, leurs règlements de copropriété devront obligatoirement se prononcer sur la possibilité, ou non, de louer en meublé de tourisme des lots d’habitation.
Au chapitre des sanctions, les amendes seront renforcées pour les loueurs se livrant à de fausses déclarations quant au numéro d’enregistrement des locations saisonnières. Une amende civile spécifique est d’ailleurs prévue pour les plateformes ne se conformant pas à l’injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus.
Enfin, cette proposition de loi réforme la fiscalité des meublés de tourisme.
L’avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de tels meublés paraît aujourd’hui excessif au regard de ceux dont jouissent les propriétaires de logements en location. Il semble en effet dépourvu de véritable justification, au regard des charges induites dans la gestion des biens. Le présent texte ajuste les taux d’abattement et les plafonds dans un sens positif.
Désormais, c’est un vaste travail englobant la fiscalité, la rentabilité et la sécurité de l’activité de location résidentielle que nous devons mener.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi renforcera nettement les instruments dont disposent les collectivités territoriales pour réguler et maîtriser un phénomène qui menace la pérennité de l’offre de logements dans nos territoires tendus.
Le Gouvernement soutiendra pleinement ce texte et œuvrera auprès des élus locaux pour qu’il entre en application dès les prochains mois.
Il s’agit là d’un premier jalon. Avec cette proposition de loi, nous commençons à répondre à la crise que subit le secteur du logement, mais je souhaite évidemment que nous allions plus loin. Pour mener cette lutte, je ne manquerai pas de m’appuyer sur les travaux de votre chambre. Je pense bien sûr au rapport établi par Mmes Dominique Estrosi Sassone, Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, que je salue. Je pense aussi au travail engagé sur la paupérisation des copropriétés par Mmes Amel Gacquerre et Marianne Margaté.
Je sais pouvoir compter sur la Haute Assemblée pour accompagner les différents chantiers à venir, et vous pourrez compter sur mon attention constante. Votre connaissance des territoires et votre sagesse nous seront très utiles. (Applaudissements.)