M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous parlons non pas d'absentéisme, mais d'arrêts maladie !
L'absentéisme, c'est le terme que l'on utilise pour les élèves qui sèchent le lycée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) En l'occurrence, nous parlons de fonctionnaires en arrêt maladie.
Les fonctionnaires, vous les aimez tellement que vous proposez de retirer chaque mois 320 euros bruts à chacun de ceux qui auront un arrêt maladie de cinq jours. Qu'est-ce que vous les aimez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Avant de lui donner la parole pour une question d'actualité au Gouvernement, je souhaite saluer notre collègue Éric Bocquet.
Sénateur du Nord depuis 2011, il a décidé de démissionner de ses fonctions à compter du 1er novembre prochain, afin de « laisser la place à une nouvelle génération », comme il me l'a lui-même dit et écrit.
Je le remercie de son engagement au sein du bureau du Sénat, en tant que secrétaire, et au sein de la commission des finances, dont il a été l'un des vice-présidents et un membre reconnu et, je dois le dire, apprécié.
Il a contribué à de très nombreux travaux du Sénat sur des sujets financiers et fiscaux, en particulier en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.
Je lui souhaite le meilleur pour la suite, à Marquillies – une commune que je connais bien désormais ! Et je tiens à le remercier d'avoir contribué à valoriser un produit laitier de mon département natal, en Normandie… (Sourires.)
Mes chers collègues, je vous livre le message qu'il nous adresse à tous : il souhaite que le Sénat « poursuive le combat incessant pour nos communes, premier échelon de la République, si utile dans des temps si incertains. »
Voilà un objectif que nous pouvons tous, je le crois, partager. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)
poids des marchés financiers sur la politique budgétaire de la france
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Éric Bocquet. Je vous remercie, monsieur le président. Vous êtes un très bon chauffeur de salle ! (Sourires.)
Ma question était destinée à M. le ministre de l'économie et des finances, mais elle s'adresse globalement à l'ensemble des membres du Gouvernement.
Je commencerai par faire un petit retour sur l'histoire de notre pays. Le 28 octobre 1966, se tenait une conférence de presse du général de Gaulle, alors Président de la République. Interrogé par un journaliste sur la chute de la bourse en cette fin d'année 1966, le président eut cette formule devenue célèbre : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. »
Le débat budgétaire est largement engagé au Parlement. Sur mon chevet de droite, j'ai le journal économique Les Échos – et sur celui de gauche, bien sûr, l'excellent journal L'Humanité. (Sourires.) Or le 9 octobre, Les Échos titraient : « La France et l'Italie sous la surveillance des marchés et des agences de notation. » Le lendemain, deuxième lame : « Budget 2025 : Michel Barnier se lance dans la bataille politique sous l'œil des marchés financiers. »
Madame Laurence Garnier, vous êtes membre du Gouvernement, mais je vous pose cette question très simple : est-ce bien vous qui gouvernez encore ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Bocquet, tout d'abord, c'est un honneur pour moi que de répondre à votre dernière question d'actualité au Gouvernement, après treize années d'exercice passionné de votre mandat sénatorial.
Chacun connaît ici vos combats – le président Larcher les a d'ailleurs rappelés – contre l'évasion fiscale, la fraude fiscale et les paradis fiscaux, qui constituent évidemment des enjeux essentiels de notre pacte républicain.
Vous posez la question de la souveraineté française. Je voudrais vous rappeler quelques éléments qui me semblent importants concernant la structuration de notre dette. Celle-ci est quantitativement élevée, mais elle possède un atout majeur : elle est structurée de manière qualitative, car elle repose sur une base extrêmement large. Les investisseurs qui prêtent à la France sont nombreux : des assureurs, des banques, des investisseurs privés, des banques centrales, etc. Cela représente un atout pour notre pays.
La vaste majorité des prêteurs de la France viennent de la zone euro. Un quart d'entre eux sont des investisseurs français. Les trois quarts de notre dette sont achetés soit par des Français, soit par des investisseurs européens. Le dernier quart est prêté par des investisseurs étrangers : des Suisses, des Britanniques, des ressortissants de pays européens qui n'appartiennent pas à la zone euro ou encore des ressortissants de pays situés dans le reste du monde.
En termes de souveraineté, il faut le rappeler, n'avoir qu'un seul prêteur présente des risques importants. Au contraire, avoir de nombreux prêteurs constitue un véritable atout.
Je voudrais enfin rappeler, puisque vous avez cité le général de Gaulle, qu'un titre de dette ne donne aucun droit sur la conduite de la politique de la France. Un tel titre n'est pas une action. Il donne un seul droit à l'investisseur : celui d'être remboursé.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, tout en vous remerciant, au nom de l'ensemble du Gouvernement, de votre engagement au cours de vos treize années de mandat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, voilà des décennies que nous subissons le chantage à la dette publique. L'an prochain, cette dette va encore s'aggraver, puisque vous allez emprunter 306 milliards d'euros.
La France versera aux marchés financiers privés la coquette somme de 55 milliards d'euros. Cette situation ressemble furieusement à de la dette perpétuelle. Le poids des marchés sera encore supérieur l'année prochaine. La République est chez Cofidis ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Voilà des décennies que les gouvernements s'ingénient à désarmer fiscalement l'État. En supprimant des impôts, nous avons ainsi perdu des centaines de milliards d'euros, qui nous manquent aujourd'hui pour rééquilibrer le budget. Et voilà cinquante ans que cela dure !
Il est grand temps de redonner à la République sa souveraineté fiscale et budgétaire. La dette, c'est le revolver de la finance qui met en joue les populations.
Mesdames, messieurs les ministres, je laisse à votre sagacité cette citation de John Adams, qui fut le deuxième président des États-Unis : « Il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation : l'une est par les armes, l'autre est par la dette. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
lutte contre le narcotrafic
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Patru. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, le samedi 26 octobre au matin, des rafales de tirs d'armes à feu ont été entendues dans le quartier de Maurepas, à Rennes. Alors que des individus ont été vus armés dans la matinée, un homme de 29 ans, connu des services de police, quitte, plus tard dans la soirée, le quartier en voiture, emmenant, son fils de 5 ans. La suite, nous la connaissons tous : dans la périphérie rennaise, à dix minutes de ma commune de Pleumeleuc, une course-poursuite s'amorce, des coups de feu éclatent, les assaillants prennent la fuite.
L'enfant est touché à deux reprises à la tête. Son pronostic vital est toujours engagé. Il s'agit, j'y insiste, d'un enfant de 5 ans… Nos pensées vont évidemment à sa famille.
Cette fusillade marque un nouveau palier dans la violence et l'horreur suscitées par le narcotrafic. Les narcotrafiquants ont désormais un coup d'avance sur les responsables politiques, et cela en dépit du travail quotidien et exceptionnel des forces de l'ordre et de la justice, auxquelles il faut rendre hommage.
Les travaux sur les moyens d'endiguer ce fléau ne manquent pas. Je souhaite particulièrement saluer la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic de nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc. Celle-ci constitue une pierre importante pour adapter notre procédure pénale et renforcer les moyens de lutte contre le narcotrafic.
La guerre à mener est transpartisane ; nous devons la conduire tous ensemble. Sinon, l'image qui risque de s'imposer dans l'opinion est celle d'un pays jalonné par les faits divers liés au trafic de drogue, tant dans nos villes que dans nos campagnes.
Aussi, pouvez-vous nous préciser combien de temps la CRS 82 sera présente en renfort dans notre département d'Ille-et-Vilaine ? Et comptez-vous annoncer, le 8 novembre prochain, la création d'un parquet national consacré à la lutte contre le narcotrafic, comme le préconisent nos collègues ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, le drame que vous évoquez est une tragédie absolue. Je veux, à mon tour, avoir une pensée émue pour cette très jeune victime, innocente, dont le pronostic vital, comme vous l'avez dit, est toujours engagé. Je veux aussi avoir une pensée pour sa famille, pour ses proches, pour ce territoire que vous connaissez bien.
L'idée qu'un enfant de 5 ans soit blessé par balle, dans un règlement de compte sur fond de narcotrafic dans notre pays, est pour nous tous totalement insoutenable ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette tragédie montre malheureusement combien le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, a eu raison de dénoncer les ravages du narcobanditisme dans notre pays – j'irai même jusqu'à parler, dans ce cas précis, de narcobarbarie.
Je veux redire notre détermination à engager tous les moyens dont nous disposons pour lutter contre ce fléau. À cet égard, la proposition de loi déposée par les sénateurs Blanc et Durain constitue une base de travail tout à fait intéressante.
Le ministre de l'intérieur a immédiatement dépêché la CRS 82 sur le terrain. Cette unité restera présente le temps qu'il faudra pour assurer la sécurité et la tranquillité des habitants.
Le nouveau préfet du département et de la région, Amaury de Saint-Quentin, suit la situation de très près. Je vous annonce que le ministre de l'intérieur lui-même se rendra à Rennes ce vendredi 1er novembre, pour faire le point sur la situation.
Enfin, madame la sénatrice, si vous me le permettez, je veux rappeler, comme le ministre de l'intérieur l'a déjà fait, qu'il existe un lien entre la consommation de drogue et le développement de ces réseaux mafieux. Il faut le dire clairement : aujourd'hui, dans notre pays, acheter de la drogue, c'est armer les trafiquants de drogue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) Voilà la réalité !
Je vous prie de croire, enfin, que le ministère de l'intérieur, agissant la main dans la main avec le ministère de la justice, sera pleinement mobilisé pour lutter contre ce fléau. Ce combat prendra du temps, mais je suis certain que nous le gagnerons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
réponse du gouvernement à l'appel des élus locaux en première ligne face au narcotrafic
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Comme ma collègue vient de le rappeler, samedi dernier, à Rennes, un enfant de 5 ans a été touché à la tête lors d'une fusillade. Quatre jours auparavant, un jeune de 15 ans avait été tué par balle dans le centre-ville de Grenoble. Au début du mois d'octobre, un corps calciné a été retrouvé à Marseille.
Ces drames, liés au trafic de drogue, terrifient les habitants. Depuis les petites communes jusqu'aux métropoles, le trafic s'est généralisé, tout comme la violence qu'il suscite. Les habitants exigent la sécurité, et ils y ont droit. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si nous saluons l'action de la police pour protéger nos concitoyens et lutter contre le trafic, la stratégie actuelle est un échec. La commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a rappelé que les opérations « place nette », qui ont mobilisé 50 000 agents, ont obtenu des résultats plus faibles que les opérations de police de pilonnage habituelles.
Pis, le ministre de l'intérieur se défausse sur les communes et pointe du doigt, sans apporter de solution concrète, les élus locaux. Ces derniers, qui sont en première ligne, n'hésitent pourtant pas à prendre des décisions fortes, à l'image de la maire d'Échirolles, Amandine Demore, qui a courageusement fait évacuer l'immeuble Le Carrare pour y démanteler un point de deal et mettre en sécurité les habitants.
Cet exemple montre que la coordination avec les élus locaux, loin des polémiques stériles, donne des résultats. Le ministre de l'intérieur leur doit de la transparence sur le nombre des policiers nationaux déployés, que souhaite connaître la mairie de Rennes.
À Grenoble, les postes supprimés par Nicolas Sarkozy viennent juste d'être rétablis, mais il en faudrait 110 de plus. Dans le Rhône, il en manquerait 500, et la ville de Lyon doit saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour connaître les effectifs réels. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, écoutez les élus locaux. France urbaine et les maires ne cessent de vous alerter. Il n'y a pas une, mais des réponses. Au lieu de diviser, fédérez. Au lieu de vous agiter, agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Les enjeux de sécurité, de justice, de politique de la ville, de prévention, de santé et d'insertion ne s'opposent pas ; ils se complètent. Allez-vous enfin aborder cette question dans sa globalité, être transparent sur votre action, donner des moyens aux collectivités et faire confiance aux acteurs de terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord excuser l'absence du Premier ministre. J'ai l'honneur de le représenter devant vous aujourd'hui et de répondre en son nom.
La criminalité organisée prend une ampleur inquiétante. Jamais elle n'a fait peser une menace aussi grave sur nous tous. C'est vrai au niveau international comme au niveau européen, à l'échelle du pays comme à celle de nos territoires, ainsi que vous venez de le rappeler. De plus en plus de villes sont touchées, y compris dans la profondeur du pays, loin des zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires où cette criminalité prenait traditionnellement appui.
La criminalité organisée est un défi pour tous les élus de la République, quel que soit leur niveau ou leur champ de compétences. Nous devons tous être mobilisés.
Le Gouvernement s'est saisi de la question dès sa prise de fonction. Celle-ci constitue l'une des priorités assumées par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, que j'ai eu l'occasion de lire en son nom devant vous.
En tant que garde des sceaux, c'est le premier chantier que je souhaite mener à bien, car, je le sais, un grand nombre de mesures concernent la justice. Celle-ci doit avoir à sa disposition plus de leviers pour lutter efficacement contre ce fléau. Et il y a urgence.
Nous ne partons pas de rien. Des réflexions ont été menées au sein de mon ministère, parallèlement à celles de votre commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France, dont Jérôme Durain était le président et Étienne Blanc le rapporteur, laquelle a ouvert des perspectives très riches. (M. Jacques Grosperrin manifeste son impatience.)
La proposition de loi qui en découle comporte de nombreuses pistes, que mes services examinent en ce moment même, en lien avec le ministère de l'intérieur, afin que nous puissions avancer tous ensemble dans l'intérêt du pays.
Vous le savez, je travaille en lien étroit avec le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, car les mesures à prendre concernent nos deux ministères.
Nous devons agir en complémentarité, non en opposition. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) La réponse passera forcément par un renforcement des moyens de l'État. Il faudra associer étroitement les élus locaux, qui ont évidemment un rôle central à jouer pour que cette lutte multidimensionnelle soit efficace.
Avec le ministre de l'intérieur, j'ai annoncé ici même, depuis ce banc, que nous nous rendrions ensemble à Marseille le 8 novembre prochain, pour présenter un certain nombre de mesures contre la criminalité organisée.
Nous devons bien sûr être pleinement mobilisés contre ce fléau. Je veux vous assurer, en tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, de la détermination du Gouvernement à mener ce combat et à lui apporter une réponse efficace et ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
directive retour
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le ministre Bruno Retailleau a conclu hier au Maroc un accord sur le retour des déboutés du droit d'asile vers ce pays. Pour sa part, lors du Conseil européen qui s'est tenu il y a quelques jours, la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, a annoncé qu'une nouvelle directive Retour allait prochainement voir le jour.
En tant que rapporteur du pacte européen pour la migration et l'asile pour notre commission des affaires européennes, j'estime que ces informations sont de la plus haute importance.
En effet, les données publiées par Eurostat nous apprennent que, en 2023, près de 490 000 étrangers en situation irrégulière ont reçu l'ordre de quitter le territoire des États membres de l'Union européenne. Pourtant, seuls 90 000 d'entre eux ont fait l'objet d'un éloignement effectif. Cela signifie donc que, l'année dernière, moins de 20 % des décisions d'expulsion ont été exécutées en Europe…
Ces chiffres envoient naturellement un signal délétère. Ils confirment que poser le pied sur le sol européen, c'est quasiment recevoir l'assurance de pouvoir s'y maintenir, quand bien même une décision de justice ordonnerait le contraire. Ces chiffres renforcent chez nos concitoyens le sentiment que les États ont réellement perdu le contrôle de la situation.
La politique de retour engage l'efficacité de l'ensemble de la politique migratoire, mais elle constitue l'un des angles morts du pacte sur la migration et l'asile, tel qu'il a été adopté à Bruxelles. Les performances de la France la placent malheureusement loin du peloton de tête des pays européens en matière d'éloignement.
Les discussions qui vont s'ouvrir dans l'Union européenne doivent donc être vues, selon moi, comme un moyen pour aider notre pays à faire de nouveau respecter ses frontières, comme les actes de son administration et les décisions de sa justice.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple. Comment la France entend-elle entrer dans ces nouvelles négociations et quelles seront ses lignes de force ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, vous avez très bien décrit la situation.
Les lignes ont enfin bougé au niveau européen. Lors de la réunion du dernier conseil Justice et Affaires intérieures, à laquelle ont assisté le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau et l'ensemble de ses homologues européens, nous avons vu combien les lignes avaient bougé sur la nécessité de maîtriser les flux migratoires.
Bien malin celui qui aurait pu distinguer les positions d'un ministre social-démocrate de celles d'un ministre conservateur… Tous ont indiqué qu'il était nécessaire de maîtriser les flux migratoires et exprimé la même volonté politique d'y parvenir.
Au moment où nos concitoyens manifestent parfois un manque de confiance dans leurs institutions, il faut bien comprendre que celles-ci sont minées par le sentiment d'impuissance publique.
Je veux vous réaffirmer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le ministre de l'intérieur est déterminé à maîtriser les flux migratoires, conformément à la feuille de route tracée par le Premier ministre lui-même.
La révision de la directive Retour constitue une excellente nouvelle. La présidente de la Commission européenne a indiqué qu'elle serait à l'ordre du jour des travaux du premier semestre 2025.
Le ministre de l'intérieur présentera un certain nombre de sujets, qui méritent d'être examinés, tels que le délai incompressible dont dispose un étranger en situation irrégulière pour quitter le territoire en cas de départ volontaire, ou encore le fait qu'un étranger doive obligatoirement donner son accord pour être reconduit dans un pays où il est pourtant légalement admissible. Tels sont les points qui devront être examinés.
Nous le devons à nos concitoyens, qui attendent que nous assurions une réelle maîtrise des flux migratoires. Le ministre de l'intérieur est déterminé à continuer à faire bouger les lignes au niveau européen. Nos concitoyens nous le demandent, nous le ferons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous signaler l'inefficacité du fichier AGDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), dont le coût s'élève à 1 milliard d'euros, alors que nous cherchons à faire des économies.
De même, le soutien aux associations d'aide aux migrants mériterait assurément une évaluation approfondie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
plfss - accès aux soins
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Madame la ministre, hier, les personnels de santé et du secteur médico-social se sont mobilisés sur leur lieu de travail pour demander un plan d'urgence d'accès aux soins pour tous et toutes.
Les hôpitaux estiment qu'une augmentation de 6 % de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est nécessaire, mais vous ne leur proposez dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale que la moitié de ce taux ; cela compense seulement l'augmentation des cotisations retraite et l'inflation, et rien de plus.
Alors que les acteurs du secteur du grand âge considèrent qu'une enveloppe de 1,4 milliard d'euros est nécessaire pour simplement assurer la survie des structures d'accompagnement de nos aînés, l'augmentation des crédits de 6 % que vous proposez, qui est fléchée vers la création de nouveaux postes, est bien insuffisante pour rassurer les maires et les élus des départements. Ceux-ci attendent, comme nous, des crédits pour répondre à l'urgence, mais aussi le dépôt de la loi de programmation prévue dans la loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, dite loi Bien vieillir, adoptée l'an passé.
Les professionnels de santé qui exercent dans nos hôpitaux nous disent qu'ils sont épuisés physiquement et moralement. Aucune perspective ne se dessine au terme de laquelle seraient garantis des ratios adaptés à une bonne prise en charge entre le nombre des soignants et celui des patients.
En raison du manque d'investissement dans notre service public de santé, celui-ci se financiarise : les soins coûtent toujours plus cher, au détriment de la qualité du service aux patients.
Notre système de santé publique s'effondre sous nos yeux : délais d'attente qui s'allongent pour les rendez-vous, prises en charge tardive, trajets à rallonge, alors que les services de proximité ferment.
Madame la ministre de la santé, vous êtes aussi chargée de l'accès aux soins. Le coup de rabot que vous assénez dans le PLFSS 2025 ne met-il pas à mal le principe même de notre sécurité sociale, selon lequel chacun doit contribuer en fonction de ses moyens et bénéficier en fonction de ses besoins ? Et que répondez-vous au cri d'alarme des soignants et des patients, que nous relayons au nom des élus locaux et des citoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, je trouve vos propos quelque peu excessifs… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Ils traduisent la réalité !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. En effet, l'Ondam augmentera en 2025 de 9 milliards d'euros, ce qui représente une progression considérable. Et depuis 2019, la hausse est de 60 milliards d'euros.
Chaque année, les orientations sur les dépenses de santé prévoient une hausse des crédits, et c'est encore le cas en 2025. L'Ondam hospitalier, quant à lui, se situera autour de 109 milliards d'euros, alors qu'il était de 80 milliards d'euros en 2017.
Nous avons progressivement augmenté toutes les dépenses de santé, non pour le plaisir, mais pour faire face aux besoins liés notamment au vieillissement et au développement des maladies chroniques et de longue durée. Les besoins de santé des Français augmentent, et il est logique que nous travaillions à les satisfaire.
Vous avez parlé de l'accès aux soins. C'est pour moi une priorité, aussi bien à l'hôpital qu'en médecine de ville et dans toute l'organisation qui se met en place progressivement depuis quelques années autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des services d'accès aux soins (SAS).
Nous sommes en train de construire toute une architecture, qui est budgétée dans l'Ondam. Elle vise à garantir un accès aux soins de premier recours, l'accès aux soins de deuxième recours étant assuré à l'hôpital grâce aux consultations de spécialistes.
Non, il n'y a pas de coup de rabot sur l'Ondam.
Mme Émilienne Poumirol. Mais les personnels se mobilisent !
M. Mickaël Vallet. Cela couvre l'inflation, et c'est tout !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Il nous appartient d'utiliser cet argent le mieux possible, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. Non, madame la ministre, tout ne va pas si bien !
Le service public de la santé a besoin de perspectives pour être attractif. Un plan d'urgence et une loi de programmation pour l'hôpital public et le secteur médico-social sont nécessaires.
Au lieu de cela, le Gouvernement préfère faire payer ceux qui contribuent au service public, en ciblant d'abord les fonctionnaires, qu'ils travaillent à l'hôpital ou ailleurs, en mettant les retraités à contribution et en précarisant les étudiants et les plus vulnérables, qui n'auront pas les moyens de payer une assurance privée. Et votre PLFSS ne prévoit rien non plus pour la santé mentale, ni pour la prévention. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
fusion des aides aux collectivités