M. Gérard Lahellec. Madame la ministre, les sénateurs, les députés et le Gouvernement ont convergé ces derniers mois pour inscrire dans la loi la prise en charge par l’État de la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pour leur emploi sur le temps méridien.

L’ensemble de ces dispositions vise à donner de la stabilité à une activité indispensable à l’enseignement en faveur des jeunes en situation de handicap.

Hélas ! les décrets et circulaires qui devraient découler de nos débats et décisions parlementaires tardent à être mis en œuvre. De surcroît, les AESH sont aujourd’hui « ballottés » – je pèse mes mots –, tributaires des décisions prises, d’une part, par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), et, d’autre part, par les rectorats, qui sont l’instance d’appartenance de la catégorie professionnelle, ainsi que par les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), qui sont chargés de l’organisation fonctionnelle de la répartition du travail.

Que ces catégories soient ainsi ballottées crée une instabilité qui n’est bonne pour personne : elle suscite de la précarité, comme nous le rappelons souvent dans les débats parlementaires.

Ce métier a besoin de stabilité et doit être véritablement reconnu. Il conviendrait de rattacher ces personnels aux inspections académiques du point de vue tant de leur emploi que de l’organisation de leur travail, en leur donnant, bien entendu, un statut.

Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que le Gouvernement ira dans cette direction et prendra les mesures pour garantir cette meilleure stabilité des AESH que tout le monde appelle de ses vœux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Monsieur le sénateur Gérard Lahellec, permettre à l’école d’assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves est une priorité du Gouvernement. C’est aussi ma priorité.

Aujourd’hui, 513 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire, un chiffre en constante augmentation depuis 2017. Parmi eux, 336 732 bénéficient d’une notification de la MDPH, soit 65 % des élèves en situation de handicap.

Les AESH sont des professionnels essentiels à la réussite des élèves en situation de handicap. À la fin de l’année 2024, ce sont 140 000 AESH qui accompagneront quotidiennement les élèves pour les aider à gagner en autonomie dans leurs apprentissages.

Entre 2022 et 2025, quelque 13 000 emplois auront été créés pour répondre aux besoins d’accompagnement sans cesse croissants des élèves en situation de handicap. La dynamique se poursuit en 2025, avec la création de 2 000 équivalents temps plein (ETP).

La gestion administrative des AESH a été progressivement confiée aux rectorats dans le cadre d’un service académique dédié, affirmant ainsi la pleine reconnaissance de ces personnels au sein de l’éducation nationale, au même titre que les enseignants. Cela s’est accompagné d’une évolution de leur statut avec la CDIsation de ces personnels dès trois ans d’activité professionnelle depuis la rentrée 2023, ainsi que d’une revalorisation statutaire et financière, afin de stabiliser le cadre d’emploi et de fidéliser ces personnels.

Le ministère de l’éducation nationale est tenu de mettre en œuvre ces notifications dès qu’elles sont portées à sa connaissance.

Afin de garantir une réponse au plus près des besoins de chaque élève, l’emploi du temps des AESH est alors organisé en conséquence au sein des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), ou, depuis la rentrée 2024, dans quatre départements préfigurateurs au sein des pôles d’appui à la scolarité (PAS).

Cette nouvelle organisation en PAS permet une meilleure réactivité dans l’accompagnement des élèves, ainsi qu’une réponse rapide de première intention ou à plus long terme.

M. le président. Même si ce sujet mériterait que l’on s’y attarde, il faut conclure, madame la ministre déléguée…

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je serai particulièrement attentive à l’évaluation et au déploiement de ces nouveaux pôles d’appui.

choix de gouvernance et financement du service public de la petite enfance

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, auteur de la question n° 078, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance.

M. Pierre Barros. Madame la ministre, mes chers collègues, à compter du 1er janvier 2025, la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi confie la compétence « petite enfance » aux communes. Celles-ci deviendront ainsi les « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant ».

Or, selon les configurations territoriales, cette compétence a pu être précédemment confiée à des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin de garantir un accès diversifié et équitable aux habitants d’un même territoire. Dès lors, qu’en sera-t-il pour ces EPCI ? Pourront-ils assurer la continuité du service public en poursuivant l’exercice de cette compétence ?

Par ailleurs, la loi oblige à inscrire dans le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement des équipements et services d’accueil du jeune enfant, le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées.

Madame la ministre, quels seront les moyens alloués à cette réforme ? Les premiers éléments apportés lors de l’audition du 16 octobre dernier consacrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l’Assemblée nationale sont insuffisants.

Le ministre Paul Christophe a annoncé un effort budgétaire de 86 millions d’euros pour accompagner la mise en œuvre de ce service public de la petite enfance (SPPE) et la création de 35 000 places en établissement d’accueil du jeune enfant d’ici à 2027. On est malheureusement bien loin du compte !

Les élus que nous sommes connaissent tout particulièrement la réalité d’une telle compétence. Nous n’avons pas attendu votre loi pour créer des places d’accueil pour nos enfants. Si le nombre de places d’accueil pour les jeunes enfants est encore aujourd’hui insuffisant, ce n’est clairement pas un manque d’intérêt des élus pour la petite enfance, bien au contraire ! C’est avant tout une question de moyens financiers et humains.

J’aurais donc deux questions, madame la ministre. Quel accompagnement de ces objectifs prévoyez-vous dans la durée ? Et quels moyens seront dédiés aux communes, de manière pluriannuelle, pour le fonctionnement d’une telle ambition ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Monsieur le sénateur Barros, en dépit de financements publics importants, la politique familiale demeure marquée par de fortes inégalités territoriales.

Le service public de la petite enfance doit permettre d’accroître l’offre à destination des familles tout en la diversifiant pour mieux répondre à leurs besoins.

Par exemple, sur votre territoire du Val-d’Oise, on compte 41 places d’accueil pour 100 enfants de moins de trois ans.

Les dépenses de la branche famille ne diminuent donc pas entre 2024 et 2025, ce qui souligne l’importance que le Premier ministre porte à ces politiques publiques.

En fonction du nombre d’habitants, une commune doit obligatoirement exercer tout ou partie de quatre compétences : recenser les besoins ; informer et accompagner les familles ; planifier le développement des modes d’accueil ; enfin, soutenir la qualité de ces modes d’accueil.

La concrétisation du service public de la petite enfance en 2025 sera rendue possible grâce à l’engagement des communes, ou des intercommunalités le cas échéant, dans le cadre de leurs nouvelles compétences d’autorités organisatrices.

Le Gouvernement a précisé, sur une foire aux questions, les modalités de mise en œuvre de la compétence, afin de répondre aux principales questions que les communes et intercommunalités peuvent se poser.

Un nouveau soutien financier de 86 millions d’euros de l’État aux communes permettra de les accompagner pour un déploiement rapide dès le 1er janvier 2025. Un amendement au projet de loi de finances sera déposé, afin de définir la liste des critères obligatoires à partir desquels la répartition de cet accompagnement financier sera réalisée.

Les critères envisagés sont le nombre de naissances et le potentiel financier des communes, afin d’orienter davantage l’accompagnement financier de l’État vers les communes disposant des ressources les moins élevées.

En outre, le PLFSS permettra à chaque parent de parvenir à concilier ses différents temps de vie et à chaque enfant de bénéficier d’un cadre protecteur et de qualité.

renforcement des politiques publiques de lutte contre l’amiante

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, auteur de la question n° 043, adressée à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

M. Sébastien Fagnen. Madame la ministre, nous le savons depuis de longues années, l’inhalation de fibres d’amiante entraîne des pathologies graves des poumons ou de la plèvre. Malgré son interdiction depuis le 1er janvier 1997, l’amiante continue pourtant de tuer.

L’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) estime que, dans un délai de vingt ans, 100 000 nouvelles victimes de l’amiante pourraient être identifiées. En effet, si l’amiante est interdit depuis vingt-sept ans maintenant, le nombre de ses victimes s’accroît sans cesse,…

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Sébastien Fagnen. … d’une part, car les maladies peuvent se déclarer plusieurs décennies après l’exposition, et, d’autre part, car 20 millions de tonnes d’amiante seraient encore présentes dans les bâtiments.

Les conclusions de l’assemblée générale de l’Association de défense des victimes de l’amiante (Adeva) Cherbourg, qui s’est tenue le 16 mars dernier, sont extrêmement préoccupantes. L’association pointe du doigt la précarité de la réparation du préjudice.

Pour ce qui concerne le « préjudice d’anxiété » lié à l’amiante, à la suite d’un revirement de la jurisprudence du Conseil d’État en 2022, confirmé à la fin de l’année 2023, des ouvriers d’État de la direction des constructions navales (DCN) de Cherbourg ont récemment vu leurs requêtes de dédommagement rejetées, au motif que le délai de prescription avait déjà commencé en 2001, lorsque la DCN a été inscrite sur la liste des sites ouvrant droit à la « préretraite amiante ».

En outre, alors que l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement avant sa suppression par le Parlement, revenait sur une victoire obtenue par l’Andeva, c’est désormais l’article 24 du PLFSS 2025 qui concentre toute notre attention.

L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent en cas de faute inexcusable de l’employeur sous forme de rente risquerait, par exemple, de constituer un recul pour les victimes les plus gravement atteintes. La réparation en cas de faute inexcusable doit être alignée sur la réparation intégrale des préjudices, conformément à une recommandation des rapports annuels de la Cour de cassation depuis de nombreuses années.

Toutefois, ce que nous regrettons particulièrement, c’est l’absence de volet pénal. Les victimes attendent toujours un procès pénal qui semble malheureusement s’éloigner chaque jour un peu plus…

Face à ce terrible constat et au degré d’urgence dans lequel nous nous trouvons, comment le Gouvernement compte-t-il garantir la mise en place d’une politique publique de désamiantage massif ainsi que la tenue d’un grand procès pénal à la hauteur du drame subi par des générations d’ouvriers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Annick Billon et Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Monsieur le sénateur Fagnen, l’attention de la ministre du travail et de l’emploi est attirée sur la prévention des expositions professionnelles à l’amiante et sur la réparation de ces expositions.

Un décret du 4 mai 2012 a relevé significativement le niveau de prévention en matière d’exposition des travailleurs à l’amiante. Il a abaissé la valeur limite d’exposition professionnelle à 10 fibres d’amiante par litre d’air sur huit heures et a imposé une méthode d’analyse capable de décompter toutes les fibres d’amiante cancérigènes.

L’inspection du travail contrôle attentivement le respect de cette réglementation, avec près de 11 000 interventions en 2022.

La cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Caata) est un dispositif de réparation à titre collectif, justifié par des expositions à l’amiante importantes intervenues avant 1997.

Ce dispositif s’applique, à titre individuel, aux salariés atteints de maladies professionnelles liées à l’amiante et, à titre collectif, aux salariés des établissements inscrits sur les listes fixées par les arrêtés du 3 juillet 2000 et 7 juillet 2000 et régulièrement mises à jour.

Les salariés exposés à l’amiante peuvent, depuis 2010, demander la réparation du préjudice d’anxiété, quand les ouvriers de l’État peuvent le faire depuis 2017. La reconnaissance du droit à la Caata vaut reconnaissance d’un lien établi entre l’exposition à l’amiante et la baisse de l’espérance de vie, ce qui permet d’être indemnisé au titre du préjudice d’anxiété.

Depuis 2017, DCNS est devenue Naval Group. Cette entreprise n’est pas inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation pour cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Acaata), car le groupe a mis en place une politique de prévention de l’exposition à l’amiante.

En revanche, des sites relevant historiquement de DCNS sont inscrits, depuis 2001, dans l’arrêté ouvrant droit au bénéfice de l’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité (Ascaa).

Les partenaires sociaux ont réaffirmé, en mai 2023, puis en 2024, leur attachement au caractère dual de l’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 retranscrit fidèlement leur accord.

complexification du dispositif qualiopi

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 046, adressée à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, ma question s’adressait à la ministre du travail et de l’emploi, puisqu’elle concerne la formation.

La certification Qualiopi est obligatoire pour tous les prestataires proposant une formation de développement de compétences. Elle leur permet d’être éligibles aux financements publics.

Depuis son entrée en vigueur, en 2021, ce dispositif a été révisé à neuf reprises, entraînant de nombreuses superpositions de formalités et de contraintes. La certification impose la validation de 32 indicateurs et de multiples points de contrôle, avec de nombreuses redondances.

Si l’instauration d’un cadre rigoureux est nécessaire, nous constatons aujourd’hui plusieurs écueils regrettables, comme le fait que les formateurs deviennent des exécutants de procédures administratives ou encore les coûts administratifs, qui se révèlent très importants.

Par exemple, la maison familiale rurale (MFR) de Talmont-Saint-Hilaire, en Vendée, comptait 0,5 équivalent temps plein (ETP) administratif pour 56 apprenants en 2014, contre 5,5 pour 150 élèves aujourd’hui. Si l’intention initiale était d’assainir le secteur des centres de formation, c’est véritablement un échec !

Des structures spécialisées dans l’accompagnement pour l’obtention de la certification Qualiopi prolifèrent, créant un véritable marché parallèle ; des centres proposent parfois des formations en 100 % à distance, lesquelles peuvent être mal ou peu dispensées ; des élèves insuffisamment formés ne valident pas leurs examens…

Pourtant, les centres concernés disposent du même niveau de soutien de l’État ! On peut donc légitimement s’interroger sur l’efficience de ces dépenses.

Madame la ministre, comment le Gouvernement imagine-t-il faire évoluer le dispositif Qualiopi pour garantir sa performance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Madame la sénatrice Billon, depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2022, les prestataires d’actions concourant au développement des compétences doivent obtenir la certification qualité Qualiopi pour accéder aux fonds publics et mutualisés gérés par les organismes financeurs mentionnés à l’article L. 6316-1 du code du travail.

Je tiens à souligner que les critères et indicateurs sont restés stables ; le référentiel est toujours le même. Seul le guide de lecture a évolué, de manière à être plus lisible et précis en fonction des demandes des acteurs de la formation.

Il semble également important de préciser que l’augmentation du nombre d’organismes de formation est surtout liée à l’obligation, pour les sous-traitants, de se déclarer. Par ailleurs, tous ne demandent pas la certification : sur les 125 000 organismes actifs recensés en octobre 2024, seuls 44 633 sont certifiés Qualiopi.

Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) de 2023, seuls 6,5 % des organismes de formation ont recruté durablement une personne dans le cadre de la certification.

Le sujet de la qualité est une préoccupation majeure de Mme la ministre du travail et de l’emploi, qui entend poursuivre les travaux engagés en lien avec les partenaires sociaux et les représentants des financeurs ainsi que de l’offre de formation.

La question de la qualité de l’accompagnement des apprentis, le respect des 14 missions assurées par les centres de formation d’apprentis (CFA) et l’adéquation des moyens mis en œuvre au regard des certifications proposées constituent des priorités.

Plus largement, une meilleure coordination des contrôles et des audits conduits en matière de formation est également un axe de travail.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Les échecs des élèves montrent les failles du système ! Ce que je vous propose aujourd’hui, madame la ministre, en pleine période de discussion budgétaire, c’est de réaliser des économies en cessant de subventionner certains établissements : ceux qui ne remplissent pas les critères de qualité qu’on leur demande de respecter pour les formations qu’ils dispensent.

inégalité de traitement par l’état entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat à paris

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 085, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, ma question porte sur les inégalités persistantes dans l’allocation des moyens entre enseignement public et enseignement privé sous contrat, notamment à Paris.

L’enseignement privé est aujourd’hui financé à plus de 76 % par des fonds publics. Pourtant, il est difficile d’avoir des données claires sur les moyens alloués et les effectifs réels, ainsi que sur le nombre de classes et d’enseignants qu’il représente, en particulier dans la capitale.

Je ne suis pas la seule à le déplorer : je rappelle ici que la Cour des comptes elle-même, dans son désormais fameux rapport sur l’enseignement privé de 2023, estimait que les inégalités entre enseignement public et privé ne cessaient de s’accroître, fondées sur une répartition des moyens « qui ne tient pas suffisamment compte des difficultés des élèves accueillis ».

Depuis lors, ces inégalités n’ont cessé d’être documentées. Une récente étude du syndicat SE-Unsa (Syndicat des enseignants de l’Unsa), réalisée à partir des indices de position sociale, met en évidence que, malgré des écarts très importants entre les collèges publics et les collèges privés sous contrat, les dotations semblent quasi identiques. Les lycées généraux et technologiques publics seraient également les grands perdants.

Si la méthode de calcul utilisée pour définir les moyens des établissements privés s’appliquait aux établissements publics, ces derniers auraient droit à la création de 12 850 postes d’enseignants. À l’inverse, si le privé était soumis à la même règle, ce sont 2 040 de ses postes qui devraient être supprimés.

À Paris, à la rentrée, dans l’enseignement public, on a compté 127 classes en moins dans le premier degré. Dans le même temps, l’enseignement privé parisien a connu un déconventionnement d’une cinquantaine de classes seulement.

Il est temps de mettre fin à ce déséquilibre intolérable entre public et privé, qui conduit de fait à faire absorber la baisse démographique quasi exclusivement par l’enseignement public.

Parce que la démographie ne peut tout justifier, notamment pas la suppression de 4 000 postes prévue au PLF 2025, je souhaite connaître les indicateurs à l’appui des décisions de fermeture d’une classe ou de baisse de la dotation horaire globale (DHG) pour l’enseignement public, ainsi que pour l’enseignement privé sous contrat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Madame la sénatrice Brossel, comme vous le savez, la répartition des moyens entre les enseignements public et privé est inchangée au niveau national : elle répond au principe de parité et à la mise en œuvre d’une règle dite des 20 %, en vertu de laquelle on ajoute ou retire à l’ensemble de l’enseignement privé sous contrat 20 % des moyens accordés chaque année à l’enseignement public.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’enseignement privé dans l’académie de Paris, qui est marquée par une forte proximité géographique entre établissements privés sous contrat et établissements publics, un travail de convergence avec le schéma d’emplois prévu dans l’enseignement public a été mené, afin d’aboutir, pour la rentrée scolaire 2024, au retrait de 50 équivalents temps plein (ETP).

Durant l’année scolaire 2023-2024, le taux d’encadrement dans le premier degré de l’enseignement privé était de 25,5 élèves par classe, soit près de 6 élèves de plus par classe que dans l’enseignement public.

Dans le second degré, les taux d’encadrement sont très nettement favorables à l’enseignement public au collège. Au lycée, en revanche, le nombre d’élèves par classe est moins important dans l’enseignement privé.

Par ailleurs, et même si la composition sociale des établissements publics parisiens est déjà très favorisée, avec un indice de position sociale (IPS) moyen au collège de 117,2, contre 100,8 au niveau national, on constate un écart important avec les établissements privés, dont l’IPS moyen au collège est de 147,5.

Dans ce contexte, le ministère de l’éducation nationale veillera, dans le cadre des travaux de préparation de la prochaine rentrée scolaire, à maintenir un équilibre entre les deux secteurs d’enseignement et à œuvrer en faveur d’une amélioration de la mixité sociale et scolaire dans cette académie.

non-respect du principe « extrader ou juger » et causes de la non-performance prolongée de l’obligation de quitter le territoire de la france

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 018, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité organisée est une priorité. La réunion du Groupe d’action financière (Gafi) qui se tient à Paris le montre bien.

Lorsque je présidais le groupe d’amitié France-Asie centrale, j’ai eu connaissance d’un feuilleton judiciaire – ma question s’adressait au garde des sceaux – concernant un ancien banquier en fuite dans l’Hexagone, accusé par son pays de détournement de fonds d’une valeur de 7,5 milliards de dollars – une paille ! Il avait été inculpé dans le cadre d’une information judiciaire ouverte en avril 2018, à la suite d’une plainte.

Nous constatons aujourd’hui que le principe « extrader ou juger » est difficilement appliqué.

Compte tenu des faits avérés de fraude et de blanchiment, la Cour de cassation a invalidé en mai 2023 l’annulation des poursuites, qui devaient donc reprendre. Parallèlement, l’individu fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis le mois de novembre 2023. Or la procédure judiciaire n’a pas avancé, et l’OQTF n’est pas appliquée.

Soit l’enquête judiciaire pour abus de confiance aggravé et blanchiment se poursuit, soit l’OQTF doit être appliquée !

En toute hypothèse, nous avons, depuis le 9 avril 2024, une convention d’entraide avec le Kazakhstan. Dès lors, madame la ministre, la question que je souhaitais adresser au garde des sceaux est simple : avez-vous l’intention d’appliquer le principe « extrader ou juger » ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Madame la sénatrice Goulet, mon collègue le garde des sceaux vous prie de bien vouloir l’excuser de ne pouvoir venir vous répondre ce matin. Il m’a chargée de vous transmettre les éléments suivants.

L’information judiciaire que vous évoquez, ouverte par le parquet de Paris à l’encontre de ce ressortissant kazakhstanais fait suite au refus d’extrader ce dernier opposé par l’autorité judiciaire française, refus qui a été suivi d’une dénonciation officielle des faits par les autorités kazakhstanaises.

L’ouverture d’une telle procédure judiciaire, toujours en cours et couverte par le secret de l’instruction, est l’illustration flagrante de l’exacte application qui a été faite par la France du principe « extrader ou juger », prévu par l’article 113-8-2 du code pénal.

Si les demandes d’extradition entre la France et le Kazakhstan ne disposent toujours pas de fondement conventionnel dédié, il n’en va plus de même des demandes d’entraide pénale internationale, qui peuvent dorénavant être transmises sur la base de la convention bilatérale d’entraide signée entre nos deux pays le 28 octobre 2021 et qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2024. Celle-ci ne pourra que faciliter et fluidifier la coopération franco-kazakhstanaise en matière d’entraide aux fins d’enquête, éventuellement dans le cadre de l’information judiciaire évoquée.

Pour ce qui concerne, enfin, la question de la mise en œuvre de l’obligation de quitter le territoire français délivrée à l’encontre de ce ressortissant kazakhstanais, le ministère de la justice n’est pas compétent pour y répondre, s’agissant d’une procédure administrative.