M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que chef d’entreprise, le projet de loi que nous examinons me tient particulièrement à cœur puisqu’il concerne la simplification de la vie économique.

Cependant, je ne peux vous cacher ma déception, sincère et profonde, quant au contenu du texte déposé par le Gouvernement et, surtout, aux délais impartis pour l’examiner : un tout petit mois, et même à peine quinze jours ! Il s’agit pourtant d’un enjeu majeur pour notre économie. La véritable question est donc : nous donnez-vous réellement les moyens de vos ambitions ? Je n’ose y répondre…

Peu de mesures contenues dans le texte du Gouvernement visaient concrètement à améliorer le quotidien de nos entrepreneurs, qui doivent, à eux seuls, être à la fois commerciaux, informaticiens, directeurs des ressources humaines, techniciens de l’environnement, comptables, juristes et experts dans la jungle administrative qui s’impose à eux chaque matin.

Vous le savez, madame la ministre, la simplification est un enjeu majeur et un chantier d’ampleur.

Je souhaite d’ailleurs présenter mes remerciements au président Pointereau et aux rapporteurs Yves Bleunven et Catherine Di Folco pour les travaux colossaux qu’ils ont réalisés en un temps extrêmement restreint, ainsi qu’aux membres de la commission spéciale mobilisée pour proposer des mesures effectives.

D’une part, la commission spéciale a fait le choix de supprimer les mesures aux effets plus qu’incertains. À titre d’exemple, nous avons supprimé les articles 2 et 3, qui concentraient les effets d’annonce du Gouvernement sans qu’aucun travail de fond ait été engagé par celui-ci pour connaître exactement les mesures envisagées. Je pense par exemple à la mise en œuvre du principe « dites-le-nous une fois », qui manque cruellement de substance : il devrait à lui seul faire l’objet d’un texte.

Les représentants des administrations que nous avons entendus lors de nos différentes auditions ont apporté des témoignages édifiants, qui montrent que les services ne sont absolument pas prêts : « nous n’avons pas les chiffres », « techniquement, nous ne savons pas comment faire », « cela risque d’être très long », ou encore « c’est extrêmement complexe »… De fait, nous n’allons pas réduire trente ans de complexification en un mois. Mais nous ne pouvons pas entendre, comme seul propos rassurant, que le Gouvernement a « dépêché une task force sur le sujet ». Nous risquons, une fois de plus, de décevoir sur un sujet attendu.

Nous avons également fait le choix de supprimer l’article 7, relatif à la redéfinition du bulletin de salaire. Ce dispositif, présenté comme exemplaire par le Gouvernement, n’apportait aucune simplification pour les employeurs et n’était d’ailleurs demandé par personne.

D’autre part, la commission spéciale s’est attachée à combler le manque d’ambition de ce projet de loi, notamment en renforçant l’article 27, qui porte sur le test PME, par la reprise des dispositions de la proposition de loi d’Olivier Rietmann, adoptée très récemment par notre chambre.

À titre personnel, je suis très sensible à cette dernière mesure, qui fait écho au rapport que nous avons rendu avec Marion Canalès en février dernier sur la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Nous proposions notamment d’expérimenter le « test PME-CSRD ». Je sais, madame la ministre, que vous avez mené une étude sur le sujet, et je me réjouis que nos travaux aient pu modestement être utiles.

Le groupe Union Centriste est favorable à cette version du projet de loi modifiée, améliorée – et simplifiée – par le Sénat, même si nous affirmons, d’ores et déjà, que la tâche de la simplification n’est pas terminée et qu’il faudra, rapidement, y revenir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Reynaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de simplification de la vie économique, dont nous débutons l’examen aujourd’hui, était attendu. Il part d’un constat très ancien, celui de l’inflation normative dans laquelle excelle notre pays.

Le Sénat s’est depuis longtemps inquiété de ces contraintes normatives. Lorsque les normes concernent les entreprises, elles peuvent constituer un frein à leur compétitivité en pénalisant leur développement en France comme à l’international, ainsi que leur capacité d’innovation.

Simplifiez, simplifiez, il en restera toujours quelque chose : pas forcément ! Certes, de même qu’il existe un bon et un mauvais cholestérol, il convient de distinguer, comme l’a dit Rémy Pointereau, la norme qui protège de celle qui entrave. Mais le coût macroéconomique de la réglementation pesant sur les entreprises est évalué à 3 % du PIB, soit plus de 60 milliards d’euros par an.

Depuis plusieurs années déjà, notre Haute Assemblée travaille sur cette question. Récemment, le rapport d’information du 15 juin 2023, rédigé par nos collègues Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Pierre Moga et Olivier Rietmann, a pointé l’importance de l’évaluation indépendante.

Je me réjouis que ce projet de loi de simplification de la vie économique intègre le mécanisme du test PME, déjà adopté en mars dernier. Mais permettez-moi, madame la ministre, de revenir une fois encore sur la méthode. Comme un certain nombre de mes collègues, je tiens à souligner le décalage entre l’importance que ce texte revêt pour notre tissu économique, les dispositions minimalistes qu’il comportait initialement et les délais bien trop courts qui nous sont laissés pour l’examiner.

Certes, concertation il y a eu, vous l’avez plaidé en audition, mais la coconstruction que vous mentionnez n’a pas abouti puisque, notamment, les organisations syndicales n’ont pas apprécié d’être négligées. Le Conseil d’État lui-même regrette le bref délai dont il a disposé pour examiner ce projet de loi, alors « que l’urgence qui s’attache à l’adoption des mesures proposées n’est pas avérée ».

Les auditions tenues par les rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleunven ont cependant apporté un éclairage nouveau sur certains points et permettent de présenter aujourd’hui des mesures concrètes. Je voudrais ici féliciter Rémy Pointereau d’avoir présidé tambour battant ces réunions.

Dans le titre III du projet de loi, facilitant l’accès de toutes les entreprises à la commande publique, je salue le fait que l’accès à une plateforme unique et dématérialisée soit simplifié et que les entreprises puissent candidater simplement en utilisant leur numéro Siret. Mais nous aurions aimé que le texte ne soit pas scindé et que, sur ce point, il concerne aussi, plus largement, les collectivités territoriales.

Je voudrais évoquer les études d’impact, qui revêtent une grande importance. En l’espèce, le Conseil d’État relève qu’elle lui a été transmise tardivement et qu’elle est « insuffisamment aboutie ». C’est un problème important : il faut, si l’on veut simplifier la vie des entreprises, prendre le temps de conduire des études d’impact rigoureuses, objectives, permettant une réelle mesure des coûts et des bénéfices.

Enfin, je salue la suppression des articles 2, 3 et 11 : ces habilitations beaucoup trop larges demandées par le Gouvernement dessaisissaient le Parlement de son pouvoir législatif sur des sujets d’importance.

Mes chers collègues, ce projet de loi est très attendu, mais les différents partenaires considèrent tous qu’il ne s’agit que d’une première étape. La commission spéciale a néanmoins remanié le texte : il en ressort, fort heureusement, nettement amélioré.

Sous réserve des observations que je viens de faire, nous le voterons. Afin de restaurer la confiance entre les entreprises et l’administration, nos entrepreneurs ont besoin de liberté et de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission spéciale.

projet de loi de simplification de la vie économique

TITRE III

FACILITER L’ACCÈS DE TOUTES LES ENTREPRISES À LA COMMANDE PUBLIQUE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de simplification de la vie économique
Après l’article 4 (priorité) (début)

Article 4 (priorité)

I. – Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 2132-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale utilisent la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l’État pour réaliser les communications et les échanges mentionnés au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire.

« L’État autorise tout acheteur autre que ceux qui sont soumis à l’obligation mentionnée au deuxième alinéa qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation. » ;

2° La vingt-sixième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 2651-1, la vingt-cinquième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 2661-1 et L. 2671-1 et la vingt-quatrième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 2681-1 sont remplacées par deux lignes ainsi rédigées :

«

L. 2131-1 à L. 2132-1

L. 2132-2

Résultant de la loi n° … du … de simplification de la vie économique

» ;

3° Après le 5° des articles L. 2651-2, L. 2661-2, L. 2671-2 et L. 2681-2, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis L’article L. 2132-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de simplification de la vie économique, est ainsi modifié :

« a) Au deuxième alinéa, les mots : “, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale” sont supprimés ;

« b) Le dernier alinéa est supprimé ; »

4° L’article L. 3122-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale utilisent la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l’État pour offrir l’accès mentionné au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire.

« L’État autorise toute autorité concédante autre que celles qui sont soumises à l’obligation mentionnée au deuxième alinéa qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation. » ;

5° La vingtième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 3351-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

«

L. 3120-1 à L. 3122-3

L. 3122-4

Résultant de la loi n° … du …

L. 3122-5

» ;

6° Après le 4° des articles L. 3351-2 et L. 3381-2, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Au deuxième alinéa de l’article L. 3122-4, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de simplification de la vie économique, les mots : “, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale” sont supprimés ; »

7° La vingtième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 3361-1 et L. 3371-1 et la seizième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 3381-1 sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées :

«

L. 3120-1 à L. 3122-3

L. 3122-4

Résultant de la loi n° … du …

L. 3122-5

» ;

8° Après le 4° des articles L. 3361-2 et L. 3371-2, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis L’article L. 3122-4, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de simplification de la vie économique, est ainsi modifié :

« a) Au deuxième alinéa, les mots : “, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale” sont supprimés ;

« b) Le dernier alinéa est supprimé ; ».

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en fonction de la catégorie d’acheteurs et d’autorités concédantes et au plus tard le 31 décembre 2028.

Les acheteurs et autorités concédantes pour lesquels une plateforme de dématérialisation a été mise à disposition par un contrat qui est en cours à la date de publication de la présente loi ou pour lequel une procédure de consultation ou un avis de publicité est en cours à cette même date ne sont soumis aux obligations qui résultent du présent article qu’au terme de ce contrat.

L’État autorise l’acheteur ou l’autorité concédante qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation dès la date de publication de la présente loi.

Le présent II est applicable aux contrats soumis au code de la commande publique dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

M. le président. L’amendement n° 275 rectifié, présenté par MM. Levi, Klinger et Laugier, Mme Demas, MM. A. Marc et Menonville, Mme O. Richard, M. H. Leroy, Mme de La Provôté, MM. Henno, Kern, Cadec, Panunzi, Chatillon, J.M. Arnaud et Chasseing, Mme Guidez, MM. Grand et Belin, Mmes Antoine et Billon et MM. Fargeot et Duffourg, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Patricia Demas.

Mme Patricia Demas. Cet amendement vise à supprimer l’article 4. En effet, les mesures figurant dans cet article ne permettent pas d’atteindre l’objectif de simplification de l’accès à la commande publique en ligne, et mettent en péril tout un écosystème qui fonctionne correctement depuis de nombreuses années grâce aux investissements consentis et à l’innovation développée par le secteur privé.

Le départ d’une partie des collectivités sur Place, la plateforme des achats de l’État, ne serait-ce que de 15 % d’entre elles, couplé au départ obligatoire des personnes morales de droit public, entraînerait la disparition des plateformes mutualistes, qui ne pourraient plus maintenir leur rentabilité, et donc l’effondrement de toute la commande publique française, y compris pour les collectivités ayant fait le choix de rester sur les plateformes mutualistes.

Par ailleurs, le choix d’une plateforme unique de publication des consultations fragiliserait également l’équilibre économique précaire des supports habilités à publier des annonces légales (Shal) et, en particulier, de la presse quotidienne régionale (PQR), à la survie de laquelle la publication des avis de publicité est indispensable.

Enfin, c’est un danger pour nos petites entreprises locales, qui seraient plus facilement mises en concurrence avec les grands groupes et les ETI nationales, et subiraient les allongements de délais liés à l’absence d’interopérabilité. Elles se retrouveraient seules face à la difficulté de la commande publique, faute d’un accompagnement que n’offre pas la plateforme d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 4 que la commission spéciale a adopté.

Nous estimons en effet que cet article constitue un juste équilibre pour la centralisation des procédures de passation des contrats de la commande publique pour les personnes morales de droit privé, de droit public et les organismes de sécurité sociale, tout en prévoyant un recours – facultatif, j’y insiste – au dispositif pour les collectivités territoriales.

La mise en œuvre dans un délai de cinq ans de cette obligation nouvelle permettra aux acteurs du secteur, tels que les éditeurs privés de plateformes de dématérialisation, de se préparer, notamment en recentrant leurs prestations vers les personnes non soumises à l’obligation. En outre, rien n’empêchera les acheteurs dont l’offre est publiée sur la plateforme de l’État d’assurer aussi une publication via la PQR.

L’article 4 prévoit donc une véritable mesure de simplification de l’accès des petites entreprises à la commande publique, et ne remet en cause ni le modèle économique des autres plateformes de dématérialisation des offres ni celui des éditeurs de la PQR. Il permet de poursuivre un mouvement de centralisation déjà engagé par les administrations centrales et offre la possibilité aux acheteurs non soumis à l’obligation de bénéficier d’un outil opérationnel gratuit pour la dématérialisation de leurs offres.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Nous souscrivons aux arguments de Mme la rapporteure.

Place ne déstabilisera nullement les autres plateformes, notamment mutualistes, pas plus que la PQR qui est derrière celles-ci. Cette plateforme n’est qu’un point d’entrée pour accéder, ensuite, aux plateformes des marchés publics.

Par ailleurs, la date d’entrée en vigueur, fixée à la fin de 2028, permettra à chacun de s’adapter.

Je le répète, ces dispositions ne remettent aucunement en cause le marché des annonces légales, qui représente des ressources financières encore très importantes pour la PQR.

Je rappelle également – vous en avez longuement discuté en commission – que nous parlons d’une évolution de 7,5 % à 15 % du flux des marchés publics. Par construction, 85 % du champ des marchés publics resteraient à la main des plateformes mutualistes et de la PQR, dont vous avez relayé, madame la sénatrice, les préoccupations légitimes.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Demas, l’amendement n° 275 rectifié est-il maintenu ?

Mme Patricia Demas. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 275 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 274 rectifié est présenté par MM. Levi, Klinger et Laugier, Mme Demas, MM. A. Marc et Menonville, Mme O. Richard, M. H. Leroy, Mme de La Provôté, MM. Henno, Kern, Cadec, Panunzi, Chatillon, J.M. Arnaud et Chasseing, Mme Guidez, MM. Grand et Belin, Mmes Antoine et Billon et MM. Fargeot et Duffourg.

L’amendement n° 306 est présenté par M. Barros, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Bocquet et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, M. Corbisez, Mmes Cukierman et Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 2132-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale peuvent utiliser la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l’État, après autorisation de celui-ci, pour réaliser les communications et les échanges mentionnés au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire. » ;

2° L’article L. 3122-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales de droit public, à l’exception des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, et les organismes de sécurité sociale peuvent utiliser la plateforme de dématérialisation mise gratuitement à leur disposition par l’État, après autorisation de celui-ci, pour réaliser les communications et les échanges mentionnés au premier alinéa dans les conditions et sous réserve des dérogations définies par voie réglementaire. »

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en fonction de la catégorie d’acheteurs et d’autorités concédantes et au plus tard le 31 décembre 2028.

L’État peut autoriser l’acheteur ou l’autorité concédante qui en fait la demande à utiliser gratuitement sa plateforme de dématérialisation dès la date de publication de la présente loi.

Le présent II est applicable aux contrats soumis au code de la commande publique dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

La parole est à Mme Patricia Demas, pour présenter l’amendement n° 274 rectifié.

Mme Patricia Demas. Cet amendement, que je présente au nom de M. Levi, vise à réécrire l’article 4 en y apportant trois modifications : suppression de la possibilité donnée aux collectivités territoriales d’utiliser la plateforme de dématérialisation de l’État, Place ; suppression de l’obligation faite aux personnes morales de droit public et aux organismes de sécurité sociale d’utiliser cette même plateforme ; et extension aux personnes morales de droit public et aux organismes de sécurité sociale de la possibilité d’utiliser cette plateforme s’ils en formulent la demande.

Les mesures prévues à l’article 4 ne répondent pas à l’objectif de simplification de l’accès à la commande publique en ligne, et mettent en péril tout un écosystème qui fonctionne correctement depuis de nombreuses années grâce aux investissements consentis et à l’innovation développée par le secteur privé.

Le départ d’une partie des collectivités sur Place – ne serait-ce que de 15 % d’entre elles –, couplée au départ obligatoire des personnes morales de droit public, entraînerait la disparition des plateformes mutualistes, qui ne pourraient plus maintenir leur rentabilité.

Cela conduirait à l’effondrement de la commande publique française dans son ensemble, y compris pour les collectivités ayant fait le choix de rester sur les plateformes mutualistes.

Par ailleurs, le choix d’une plateforme unique de publication des consultations fragiliserait l’équilibre économique précaire des Shal, en particulier la PQR, dont la survie dépend de la publication des avis de publicité.

Enfin, il représente un danger pour nos petites entreprises locales, qui seraient plus facilement mises en concurrence avec les grands groupes et les ETI nationales, et subiraient les allongements de délais liés à l’absence d’interopérabilité. Elles se retrouveraient seules face aux difficultés que présente la commande publique, faute d’un accompagnement que n’offre pas la plateforme d’État.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 306.

Mme Marianne Margaté. Au travers de cet amendement d’appel, nous souhaitons relayer les inquiétudes réelles des éditeurs privés qui ont développé des plateformes d’achat dédiées à la commande publique.

Ces derniers ont émergé à la demande des pouvoirs publics et sous leur impulsion. Par leurs investissements, ils ont permis à l’État d’atteindre ses objectifs de modernisation en matière de transparence des marchés publics, de digitalisation de l’économie et, aujourd’hui, de réduction de l’impact environnemental de l’activité.

Or, dans sa rédaction actuelle, l’article 4 risque de mettre à mal tout un écosystème et ses nombreux emplois.

Outre ces plateformes mutualistes qui fournissent 80 % des acheteurs autres que l’État, c’est aussi la PQR qui risque de faire les frais d’un article rédigé sans véritable concertation.

Comme le souligne la commission spéciale, l’extension de l’usage de la plateforme Place et l’intégration des marchés des collectivités engendreraient une perte financière importante pour la presse quotidienne régionale, que l’objectif de simplification visé par ce texte ne semble pas justifier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, mais je souhaiterais plutôt que leurs auteurs les retirent, s’agissant d’amendements d’appel.

Par ses propos, Mme la ministre a tenté de rassurer la PQR et les plateformes.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En effet !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. S’ils étaient adoptés, ces amendements auraient pour effet de ralentir le processus de centralisation des procédures de passation des contrats de la commande publique.

Je rappelle que les collectivités ont la faculté de faire appel à ces plateformes si elles le souhaitent. Nous pouvons leur laisser cette liberté.

Nous avons, nous aussi, reçu les représentants de la PQR et des plateformes, qui nous ont exposé leurs problèmes, auxquels nous ne sommes pas insensibles.

Les services que fournissent les plateformes sont très intéressants, notamment pour les collectivités. Il leur appartient donc de rester performantes : c’est une saine concurrence.

Enfin, les collectivités qui ont l’habitude de travailler avec ces plateformes bénéficient d’un service en retour, si l’on peut dire, de leur investissement : elles n’en changeront pas si facilement. Ne nous affolons donc pas, d’autant que la part de marché concernée reste mineure.

Pour ces raisons, la commission spéciale demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Le Gouvernement suivra avec sagesse et détermination l’avis de la commission spéciale.

Les amendements nos 274 rectifié et 306 tendent à supprimer l’obligation de recours à Place pour les établissements publics, les hôpitaux et les organismes de sécurité sociale. Or tel est précisément l’objet de l’article 4.

Nous avons, nous aussi, reçu les éditeurs de plateformes et de logiciels mutualistes, ainsi que les acteurs de la presse quotidienne régionale. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, une petite partie du flux seulement est concernée.

En tant qu’ancienne responsable de TPE-PME, j’ai personnellement fait l’expérience de la réponse aux appels d’offres et marchés publics. C’est une véritable nécessité que de simplifier et de regrouper sur une seule plateforme mutualisée l’ensemble des appels d’offres à destination des entités visées à l’article 4, c’est-à-dire, je le redis, les établissements publics, les hôpitaux et les organismes de sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous passez du temps avec vos administrés petits entrepreneurs et, pour certains d’entre vous, êtes vous-mêmes entrepreneurs. Vous connaissez donc le doux enfer qui consiste, par exemple, à se coltiner, pour répondre à un appel d’offres public, de renseigner l’intégralité des informations d’une TPE artisanale de quatre salariés sur quinze plateformes différentes.

Si ce texte ne manque pas d’audace – j’ai bien vu que vous l’aviez tous remarqué (Mme Anne-Sophie Romagny sourit.) –, il n’y a vraiment aucune malice dans cet article 4. Il s’agit simplement de tenter de rassembler – soyons fous ! – 15 % du flux des marchés publics en un seul lieu, en une seule place, sans mauvais jeu de mots.

Pour ces raisons et celles qui ont été exposées par Mme la rapporteure, je demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis sera défavorable.