Sommaire
Présidence de M. Dominique Théophile
2. Mises au point au sujet de votes
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Substances per- et polyfluoroalkylées. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 4 de M. Hervé Gillé. – Rejet par scrutin public n° 206.
Amendement n° 12 de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de M. Didier Rambaud. – Rejet par scrutin public n° 207.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Martine Berthet. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Didier Rambaud. – Retrait.
Amendement n° 26 de M. Didier Rambaud. – Retrait.
Amendement n° 27 de M. Didier Rambaud. – Retrait.
Amendement n° 11 de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de M. Olivier Rietmann. – Adoption.
Amendement n° 15 de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 30 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 31 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 de M. Hervé Gillé. – Retrait.
Amendement n° 9 de M. Hervé Gillé. – Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Sylvie Vermeillet. – Rejet.
Amendement n° 23 de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Jean-Pierre Corbisez. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 29 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 22 de M. Alexandre Ouizille. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 24 rectifié de Mme Martine Berthet. – Adoption.
Amendement n° 8 de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 6 de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 7 de M. Hervé Gillé. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
5. Retrait-gonflement de l’argile. – Rejet d’une proposition de loi
Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement
Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Mme Christine Lavarde, rapporteur
Rejet par scrutin public n° 209.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet par scrutin public n° 210.
Amendement n° 6 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Rejet de l’article.
Amendement n° 7 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Articles 1er bis à 1er quinquies (nouveaux) – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet par scrutin public n° 211.
Articles 2 bis à 2 octies (nouveaux) – Rejet.
Mme Christine Lavarde, rapporteur
Rejet, par scrutin public n° 212, de l’article.
Article 3 – Devenu sans objet.
Tous ses articles ayant été rejetés ou étant devenus sans objet, la proposition de loi n’est pas adoptée.
compte rendu intégral
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaire :
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine.
Mme Jocelyne Antoine. Lors du scrutin n° 204 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, Mme Évelyne Perrot souhaitait s’abstenir, tandis que M. Patrick Chauvet, Mme Nathalie Goulet, Mme Denise Saint-Pé et moi-même ne souhaitions pas prendre part au vote.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Lors du scrutin n° 205 sur l’article 1er constituant l’ensemble de la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, M. Clément Pernot souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Substances per- et polyfluoroalkylées
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (proposition n° 514, texte de la commission n° 620, rapport n° 619).
Discussion générale
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous occupe ce matin est particulièrement complexe. Il couvre en effet des produits extrêmement divers, dont le nombre est estimé entre 5 000 et 12 000 selon les sources.
Ces produits se caractérisent tous par une liaison carbone-fluor, laquelle compte parmi les liaisons chimiques les plus fortes, ce qui donne à ces composés des propriétés de résistance remarquables, qui les rendent particulièrement adaptés à de nombreuses applications, notamment pour résister aux températures, aux frictions ou au feu.
C’est la raison pour laquelle ces composés sont utilisés pour fabriquer des objets très divers comme les tenues ignifugées protégeant les pompiers et les ouvriers du bâtiment ou les mousses destinées à éteindre les incendies. Ils servent également à protéger les réservoirs d’avion ou encore à fabriquer les membranes de batteries électriques et celles des électrolyseurs d’hydrogène.
Leur grande résistance explique aussi que ces composés se dégradent très peu ; ils sont donc très persistants dans l’environnement, d’où l’usage de l’expression « polluants éternels » pour les décrire.
Je tiens aujourd’hui à commencer mon propos de la même manière que mon collègue Roland Lescure,…
M. Yannick Jadot. Ah !
M. Christophe Béchu, ministre. … ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, lorsqu’il a défendu ce texte à l’Assemblée nationale : le texte sur lequel nous allons débattre aujourd’hui n’oppose pas ceux qui sont pour les produits dangereux pour la santé publique et ceux qui sont contre.
Nous sommes tous favorables à la préservation de l’environnement et à la protection de nos écosystèmes, plus particulièrement pour nos milieux aquatiques, qui sont très sensibles, qui remplissent des fonctions essentielles et qui sont irremplaçables.
Je suis convaincu, comme nombre d’entre vous, que l’industrie, plus particulièrement l’industrie française, fait partie des solutions aux défis environnementaux auxquels nous devons faire face. Nous devons réindustrialiser notre pays ; l’hypocrisie écologique qui aboutirait à fermer des usines en France pour continuer à s’approvisionner avec des produits provenant du bout du monde n’est bonne ni pour la planète ni pour la création d’activités dans notre pays.
Contre les produits dangereux pour la santé publique, pour la protection de l’environnement, pour une industrie française nous permettant de mettre en œuvre une écologie concrète : ces grands principes doivent nous guider et nous rassembler à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi.
Je veux saluer cette initiative, tout en rappelant que ce sujet a déjà été travaillé par le Gouvernement.
Ainsi, l’objectif de réduction des rejets de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) a été annoncé dès 1998, avec l’établissement d’une valeur limite de concentration de 25 microgrammes par litre dans les eaux rejetées en milieu naturel.
Force est de reconnaître que, entre 1998 et il y a quelques années, l’actualité concernant les PFAS n’a guère été débordante… Je suis donc heureux de vous rendre compte de mon action en la matière depuis deux ans.
L’objectif fixé en 1998 a ainsi été complété par l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, qui généralise la réalisation d’un diagnostic PFAS.
J’ai également lancé, en janvier 2023, le premier plan d’action ministériel global pour mieux connaître ces substances dans l’environnement, les quantifier et les mesurer et pour mettre en place des actions de réduction à la source chez les principaux émetteurs. Ce plan d’action s’insère dans les travaux européens qui visent à interdire l’usage de ces substances.
Dans ce contexte et pour la première fois, une vaste campagne de mesure des PFAS a été lancée dans 5 000 installations classées pour la protection de l’environnement, afin de déterminer les concentrations présentes dans les rejets liquides de ces installations.
Ces mesures, effectuées par les industriels dans le cadre d’un arrêté préparé par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), permettront de dresser un diagnostic des contaminations. Je me suis engagé à faire la pleine transparence sur le bilan de cette campagne, et les premiers résultats ont déjà été mis en ligne sur les sites des différentes directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).
Les agences régionales de santé ont également commencé à réaliser des campagnes exploratoires de mesures de concentration dans les captages d’eau potable.
Ce premier plan piloté par mon ministère a été complété, en juillet 2023, par une mission confiée au député Cyrille Isaac-Sibille, qui est également médecin. L’objectif était de réaliser un diagnostic de la situation des PFAS en France, accompagné de recommandations. Le député m’a remis son rapport au début du mois de février et ses recommandations ont été prises en compte lors de l’élaboration du plan interministériel d’action que j’ai présenté le 4 avril dernier.
Ce plan interministériel rassemble l’ensemble des actions engagées par plusieurs ministères : transition écologique et cohésion des territoires ; travail, santé et solidarités ; intérieur et outre-mer ; agriculture et souveraineté alimentaire ; armées ; enseignement supérieur et recherche. Il permettra de coordonner toutes les administrations pour étendre la campagne de mesures, réduire les rejets le plus vite possible et dépolluer l’environnement, au travers de 26 actions qui seront chacune confiées à une administration pilote.
Il s’articule autour de cinq axes : acquérir des connaissances sur les méthodes de mesure ; améliorer et renforcer la surveillance ; réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS, en restreignant largement la présence de ces substances dans les produits ; innover en associant les acteurs économiques ; informer pour mieux agir.
Par ailleurs, la France fait partie des six pays qui, depuis la fin de l’année 2023, réclament au plan européen de durcir la réglementation applicable aux PFAS, en s’appuyant sur le règlement communautaire concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, ou règlement Reach.
J’ai ainsi eu l’occasion d’apporter le soutien de la France à l’Allemagne, aux Pays-Bas, à la Suède, au Danemark et à la Norvège, soit les États qui se mobilisent aujourd’hui sur ce sujet, sans que celui-ci reçoive à ce stade la même attention de la part de nos autres partenaires.
Sans attendre la finalisation de cette disposition, la France a également soutenu la restriction des PFAS dans les emballages alimentaires dans le cadre de la révision du règlement européen sur les emballages.
Nous voilà réunis ce matin pour examiner un texte qui prévoit des avancées sur ces sujets. Le Gouvernement donnera évidemment un avis sur chacun des amendements proposés ; bienveillant quant à cette initiative, il émet toutefois des réserves sur son contenu pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui privilégie une approche par usage et non par produit, ce qui est totalement orthogonal aux interdictions prises jusqu’à présent à l’échelle européenne et à une démarche scientifique.
Je rappelle que, en nous appuyant sur des éléments scientifiques, nous avons déjà interdit des substances, non des usages, je le redis : l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) depuis 2009, l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) depuis juillet 2020 et l’acide perfluorohexanesulfonique (PFHxS) depuis juin 2022.
J’y insiste, en proposant de s’occuper des usages, plutôt que de la composition des produits, nous nous éloignons de l’approche européenne.
Ensuite, le texte privilégie une approche nationale plutôt qu’une approche européenne, alors même que l’Europe bénéficie, avec le règlement Reach, du cadre le plus protecteur au monde en ce qui concerne les produits chimiques. C’est un cadre scientifique, rigoureux et coordonné entre tous les États membres, qui s’appuie sur les travaux de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa, selon l’acronyme anglais) et des experts des vingt-sept États membres. Nous orienter vers vingt-sept réglementations différentes serait aller vers une application défaillante.
Que la France fasse passer des messages et examine dans quel domaine, là où il y a des consensus, on peut avancer, c’est une chose. Mais nous devons d’abord nous efforcer, si nous voulons être crédibles et avancer sur ces sujets, de construire un cadre européen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, place au débat ! Ma conviction la plus absolue, c’est que nous avons besoin de toutes les échelles : un échelon territorial pour les mesures et le contrôle des rejets : un échelon national pour le renforcement de la surveillance, l’innovation et la recherche ; enfin, un échelon européen pour déterminer des interdictions ou des restrictions de mise sur le marché de substances.
Pour faire tout cela, nous avons besoin de disposer d’un cadre scientifique robuste et cohérent à l’échelle européenne et de prendre des décisions qui soient à la fois étayées et annoncées suffisamment tôt pour accompagner nos industriels. Nous devons en effet réussir, dans le même temps, la lutte contre la pollution et la réindustrialisation de notre continent.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lundi dernier, un rapport du réseau PAN Europe pointait la « contamination généralisée » des cours d’eau en Europe par le TFA, un PFAS aujourd’hui non réglementé et non contrôlé au titre du droit national et européen.
L’échantillon prélevé au pied de Notre-Dame de Paris présentait une concentration près de six fois supérieure au seuil maximal prévu par la directive européenne pour l’ensemble des PFAS !
Cette actualité nous rappelle malheureusement que la pollution causée par ces molécules constitue pour l’heure un immense iceberg, dont la taille et la dangerosité sont probablement sous-estimées.
Elle nous invite également à aborder la problématique avec beaucoup de modestie, mais également avec de la confiance dans les constats scientifiques bien établis sur lesquels j’ai largement appuyé mes travaux.
Premier constat, les milliers de substances regroupées sous le nom de PFAS constituent une famille cohérente au regard de leurs propriétés. Leur forte mobilité, leur importante volatilité et leur très grande persistance conduisent à une présence significative de ces molécules dans l’environnement.
Deuxième constat, les PFAS s’accumulent dans les êtres vivants, notamment dans les organismes humains principalement contaminés par l’eau potable ou les aliments pollués. La demi-vie des PFAS dans le corps, soit le temps nécessaire pour que la moitié de la substance soit dégradée, peut varier de plusieurs jours à plusieurs années. On estime ainsi que 40 % de la population française est contaminée par sept PFAS et 100 % par deux de ces substances.
Troisième constat, de nombreuses pathologies sont associées à certains PFAS avec un niveau de certitude élevé – taux élevé de cholestérol, cancer du rein, baisse de la réponse du système immunitaire à la vaccination ou encore diminution du poids des nouveau-nés.
La liste des impacts probables ou suspectés s’enrichit continuellement à la suite de travaux scientifiques. Néanmoins, le degré de nocivité d’un grand nombre de PFAS et les effets cumulatifs associés à l’exposition à plusieurs substances ne sont pas encore pleinement documentés.
Pour autant, les études scientifiques les plus récentes invitent à considérer tous les PFAS comme une classe chimique unique, même en l’absence de résultats sanitaires précis sur l’ensemble des substances, compte tenu de leur extrême persistance.
Face à cette contamination massive, notre commission porte un message clair : endiguer la production et l’utilisation des PFAS en amont doit être la priorité absolue. Il faut fermer le robinet ! En outre, nous estimons que seule une démarche conduite de façon concertée à l’échelle de l’Union européenne permettra la régulation efficace et le contrôle du recours à ces substances. Je le dis en européiste convaincu.
Aussi, nous soutenons la proposition de cinq pays européens visant à engager une démarche de restriction communautaire de l’ensemble des PFAS, actuellement instruite par l’Agence européenne des produits chimiques.
Compte tenu du principe de libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur, les tentatives visant à interdire l’utilisation de PFAS à l’échelle d’un pays seraient inévitablement contournées et extrêmement difficiles à contrôler.
En tout état de cause, elles pourraient même se traduire par un affaiblissement de l’appareil industriel national, qui se verrait fragilisé, notamment, par des risques de délocalisation de certaines productions, ainsi que par un accroissement des importations de produits fabriqués à l’étranger et contenant, eux, des PFAS.
C’est pourquoi notre commission a supprimé l’article 1er bis A, qui tendait à interdire de façon générale et sans mesure transitoire l’utilisation de PFAS sur le territoire français et qui aurait très probablement été retoqué par la Commission européenne.
Pour autant, au regard du calendrier prévisionnel qui résulte des discussions sur la proposition européenne de restriction, nous avons estimé légitime d’enrichir, dès à présent, notre législation par des mesures de restriction à l’échelle nationale, dès lors qu’elles sont circonstanciées.
Nous avons estimé opportun d’interdire rapidement les PFAS pour un certain nombre de produits – les cosmétiques et les textiles –, puisque ces produits sont directement en contact avec le public et puisque des restrictions nationales ne se traduiraient pas par une hausse des importations de produits contenant des PFAS. Nous avons aussi validé l’interdiction concernant les farts de ski, compte tenu des rejets directs qu’ils génèrent dans les milieux naturels.
Pour ce qui concerne les textiles qui ne sont pas utilisés pour l’habillement, nous avons prévu des exceptions pour les produits répondant à des utilisations essentielles ou pour les produits nécessaires à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution.
Par ailleurs, afin de garantir la bonne mise en œuvre de ces restrictions, conformément à la logique prévalant actuellement dans les réglementations sur les substances chimiques, nous avons précisé que l’interdiction ne s’appliquerait pas aux produits contenant des traces résiduelles de PFAS.
En outre, nous avons précisé que le régime de contrôle et de sanctions administratives serait identique à celui qui a été mis en place au titre du règlement Reach.
Enfin, approuvant la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de PFAS par les installations industrielles à l’article 1er bis, nous avons souhaité renvoyer à un décret la détermination de la liste des substances concernées pour tenir compte de l’évolution de la capacité d’analyse des laboratoires.
Si restreindre l’utilisation de PFAS en amont doit constituer une priorité, il demeure néanmoins indispensable d’être en mesure de surveiller la présence de PFAS dans les milieux naturels, notamment dans l’eau en aval.
C’est pourquoi la commission s’est montrée favorable à ce que le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables inclue le contrôle de la présence de PFAS, ainsi que le prévoit l’article 1er de la proposition de loi.
Dans un souci d’applicabilité du dispositif, elle a veillé à préciser que les substances concernées par ce contrôle seraient énumérées par décret, sans pour autant exclure le contrôle d’autres PFAS techniquement quantifiables, lorsque c’est justifié au regard des circonstances locales. L’exemple du TFA, que je citais en introduction, valide cette approche équilibrée.
En outre, nous avons accueilli favorablement la mise à disposition d’une carte publique permettant d’identifier les sites émettant ou ayant pu émettre des PFAS, en prévoyant, en commission, son enrichissement avec des mesures quantitatives des émissions dans les milieux.
Nous avons toutefois jugé peu opportune, au regard des difficultés de mise en œuvre, la publication d’une liste des communes exposées à un danger. Nous avons donc supprimé cette disposition.
Enfin, nous avons validé la redevance prévue à l’article 2 de la proposition de loi, considérant que le stock historique devra être dépollué et que des financements devront être identifiés à cette fin, même s’il est certain que le retrait des PFAS des milieux naturels se révèle économiquement plus coûteux que la prévention de leur rejet dans l’environnement.
Nous avons donc renforcé l’applicabilité de cette redevance, en veillant à ce qu’elle ne s’applique qu’aux rejets nets des exploitants et en prévoyant l’établissement de la liste des substances concernées par décret.
Nous savons toutefois que le produit de cette redevance ne suffira pas à faire face aux besoins. C’est pourquoi notre commission a prévu la mise en place d’un plan d’action pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales.
En conclusion, mes chers collègues, notre commission, dans sa très grande majorité, vous invite à voter ce texte.
Tout d’abord, parce que cette proposition de loi apporte de premières réponses proportionnées à la problématique qui nous réunit aujourd’hui.
Ensuite, et surtout, parce que nous avons aujourd’hui l’occasion, à quelques jours des élections, d’adresser un signal fort aux instances européennes, qui disposent des outils les plus efficaces pour protéger la santé des citoyens du continent face aux PFAS. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les PFAS sont dans les eaux, dans notre alimentation, dans l’air que nous respirons. Tout comme l’ensemble du vivant, nous y sommes tous exposés, en tout lieu et en tout temps. Ce n’est pas un hasard s’ils sont appelés polluants éternels, leur caractéristique principale étant d’être persistants et stables.
Tous, dans cet hémicycle, nous sommes concernés, d’une part, parce que c’est une question de santé publique, d’autre part, parce que, dans la majorité des cas, les pollutions et les situations de dépollution sont à la charge des collectivités – nous en savons quelque chose.
Néanmoins, en ayant dit cela, on n’a pas beaucoup avancé, car le sujet est complexe et présente de multiples aspects. Ainsi, des filières industrielles et des emplois français dépendent de ces PFAS et en ont besoin. Nombre de filières travaillent à une utilisation moins importante ou à des solutions de substitution, mais nous devons les accompagner et trouver des équilibres menant vers une transition.
Je tiens à saluer le travail de très grande qualité mené au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable – l’une des meilleures commissions du Sénat, je ne serai pas contredit sur ce point aujourd’hui ! (Sourires.)
Avant d’évoquer le cœur des dispositions proposées dans ce texte, je veux rappeler que l’on ne peut parler des PFAS sans évoquer l’Europe, puisqu’une proposition d’interdiction totale est en cours d’examen par la Commission européenne. Bien entendu, rien ne se fera avant 2027 ou 2028 : certains diront que c’est trop tard ; d’autres, dont je fais partie, estimeront qu’il est indispensable de disposer d’un cadre européen avec des interdictions définies, d’éventuelles dérogations, des classifications et des précisions sur les solutions de substitution.
En tant que parlementaire, j’aimerais que nous soyons prêts, le moment venu, à faire entendre notre voix et nos positions pour faire avancer ce processus. Les parlements nationaux doivent jouer un rôle important en matière de subsidiarité.
À titre personnel, je ne suis pas favorable à la prétransposition que certains l’appellent de leurs vœux. Nous avons connu des expériences plutôt malheureuses en la matière – nul besoin de donner des exemples. Je crois que ce n’est pas le chemin à suivre.
En ce qui concerne la proposition de loi soumise à notre examen, j’évoquerai trois points.
Premièrement, à l’article 1er, les modifications adoptées en commission, en particulier les précisions sur les interdictions comme les modalités de contrôle et les sanctions, ont été utiles. Je pense aussi que la suppression de la liste des communes éventuellement touchées par des PFAS est une bonne chose, parce qu’une telle liste aurait des effets contre-productifs et plutôt dévastateurs pour les collectivités.
Deuxièmement, je me félicite aussi que l’article demandant l’activation de la clause de sauvegarde prévue dans le règlement Reach ait été supprimé – j’avais déposé un amendement dont les dispositions allaient dans ce sens. Adopter des mesures provisoires, afin de protéger la santé humaine et l’environnement, est nécessaire, mais, dans le cas d’espèce, soyons prudents.
Troisièmement, et enfin, s’agissant de l’article 2 et de l’assujettissement à la taxe qui y est prévue, la précision qui assoit la redevance sur les rejets en raison des activités me semble tout à fait pertinente.
Mes chers collègues, le sujet des PFAS mérite toute notre attention et un traitement des plus efficaces. C’est dans ce sens que l’action du groupe Les Indépendants s’inscrit, et c’est pour cette raison que les évolutions du texte au cours de nos échanges décideront de notre vote. Nous sommes pour encadrer, mais sans condamner ni les industries ni les emplois français qui dépendent des PFAS. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cédric Chevalier. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Antoine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail et l’investissement de notre collègue rapporteur Bernard Pillefer, qui s’est saisi de ce sujet avec engagement et détermination, dans des délais très contraints.
Nous sommes réunis ce matin pour traiter d’un sujet grave et extrêmement complexe. Est-il encore besoin de développer les dangers des substances per- et polyfluoroalkylées que nous regroupons sous le terme générique de PFAS, ces polluants éternels ?
M. le ministre a pris le temps de nous énumérer les propriétés et les usages de ces molécules. Je n’y reviendrai pas plus longuement.
Les études récentes montrent que tous les milieux et de nombreux êtres vivants sont contaminés par les PFAS, alors que les investigations menées pour les détecter n’en sont qu’aux prémices.
L’endiguement de leur production et de leur utilisation dans les procédés industriels doit par conséquent être notre priorité absolue.
Aussi, je souhaite sincèrement que nos débats dépassent les clivages partisans. Il est de notre responsabilité de surmonter nos divergences pour voter un texte qui revêt une importance cruciale pour les Français.
La définition du développement durable est claire : il s’agit d’intégrer, dans une perspective de long terme, les contraintes environnementales et sociales à l’économie. Nous nous devons donc de sortir de l’opposition binaire entre écologie et économie.
La protection de notre environnement ne peut se traduire par l’abandon de l’industrie française ; or réguler les PFAS au seul échelon national, c’est prendre le risque, en application du principe de libre circulation des marchandises, d’un accroissement des importations de produits fabriqués à l’étranger et contenant eux-mêmes des PFAS.
C’est aussi prendre le risque de voir nos productions être délocalisées pour contourner l’interdiction française, ce qui entraînerait la suppression de centaines de milliers d’emplois sur notre territoire.
Pour cette raison, nous sommes convaincus, comme le rapporteur, que seule une action concertée à l’échelle européenne permettra une régulation efficace de l’ensemble des PFAS. C’est tout le sens de la démarche de restriction communautaire soutenue par la France et actuellement soumise à la consultation de l’Agence européenne des produits chimiques.
Pour autant, et dans l’attente de cette réglementation européenne, la France se doit d’envoyer un message fort à l’Europe pour lui montrer l’exemple et la pousser à aller le plus loin possible. En légiférant sur ce sujet, nous avons une nouvelle fois l’occasion de nous placer en pionniers au sein de l’Union.
Il est ainsi de notre responsabilité de prendre, dès aujourd’hui, des mesures de restriction nationale circonstanciées.
C’est pourquoi nous soutenons l’interdiction, d’ici à 2030, des produits contenant des PFAS dans les secteurs des cosmétiques et des textiles, pour lesquels ces restrictions ne se traduiraient pas par une hausse des importations.
Nous soutenons également l’interdiction rapide des PFAS dans les farts de ski, dont les rejets touchent directement nos milieux naturels. Sur ce point, la commission a prévu des exceptions opportunes.
Surtout, nous saluons l’établissement par M. le rapporteur Pillefer d’un régime de contrôle et de sanctions administratives, sans lequel cette interdiction ne pourrait être pleinement appliquée.
En effet, nous ne pouvons nous satisfaire d’une restriction de l’utilisation des PFAS en amont sans un contrôle de leur présence dans les milieux naturels en aval.
À cet égard, nous accueillons favorablement la recherche de la présence des PFAS lors du contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables, ainsi que la mise en place d’une cartographie des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux naturels.
Par ailleurs, la création d’une redevance assise sur les rejets nets de ces composés dans l’eau nous semble tout à fait nécessaire. Celle-ci permettra de mobiliser des ressources supplémentaires au profit du traitement des eaux polluées.
Enfin, nous approuvons la demande par le rapporteur d’un plan d’action du Gouvernement pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine. Ce plan est indispensable pour répondre aux besoins de nos collectivités territoriales, qui assument la compétence de distribution d’eau. J’insiste sur les chiffres déjà annoncés par mon collègue : 40 % de notre population serait contaminée par sept PFAS et 100 % par au moins deux PFAS.
À titre d’exemple et avant de conclure, j’aimerais m’attarder un instant sur un article paru ce matin dans la presse régionale et intitulé : « Les pompiers en première ligne face aux polluants éternels. »
En contact quotidien avec les fumées et les produits chimiques, les pompiers sont parmi les professionnels les plus contaminés par ces polluants. Le 16 mai dernier, alors qu’ils manifestaient à Paris, une vingtaine d’entre eux s’étaient fait couper une mèche de cheveux afin de les faire analyser. Les résultats sont édifiants : les PFAS ont été détectés dans des proportions significatives chez tous les sapeurs-pompiers qui ont participé à l’expérience – deux d’entre eux cumulaient jusqu’à cinq polluants et le dernier, six !
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle a été enrichie par les amendements du rapporteur Pillefer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous êtes toutes et tous contaminés ; nous sommes toutes et tous contaminés par les substances per- et polyfluoroalkylées.
Ces polluants éternels, dangereux pour notre santé et extrêmement persistants dans l’environnement sont partout : ustensiles de cuisine, textiles, cosmétiques, farts de ski, eaux, air, mousses anti-incendie. Ils sont partout, mais il y a une bonne nouvelle : avec ce texte, nous pouvons en finir, couper le robinet et réparer les dégâts de quatre-vingts années de pollution.
Nous pouvons en finir avec les PFAS, auxquels 100 % de la population française est exposée et qui seraient responsables de pathologies touchant 2 millions de nos concitoyennes et concitoyens.
Nous pouvons agir pour la santé environnementale. Oui, c’est pour la santé environnementale, autrement dit pour réconcilier l’homme, sa santé et celle de notre planète, qu’avec Jacques Ferrique et le groupe écologiste nous avons décidé d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat.
En 1974, René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle, brandissait un verre d’eau. Ce faisant, il nous alertait : l’eau est un bien précieux.
Cinquante ans plus tard, l’eau est toujours un bien en danger : de plus en plus rare, sa qualité est désormais menacée par les PFAS.
Hier, l’eau, avec René Dumont ; aujourd’hui, le scandale Nestlé Waters, qui fait l’objet d’une mission flash menée par notre collègue Antoinette Guhl.
Je le répète, il y a une bonne nouvelle : avec cette proposition de loi, nous pourrons protéger l’eau et l’environnement des rejets industriels qui les contaminent. Nous pourrons protéger notre santé des polluants présents dans nombre de produits de consommation.
Quand Nicolas Thierry, dont je salue le long et valeureux combat, a déposé cette proposition de loi, on lui a dit, comme on le dit aux écologistes : « Jamais tu ne parviendras à faire adopter ce texte. » C’était compter sans la mobilisation spectaculaire des citoyennes, des citoyens et des scientifiques, qui ont convaincu les députés, avec succès, de la nécessité de voter ce texte.
Le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, que je salue également, l’a rappelé : il est impossible aujourd’hui de balayer d’un revers de main une loi sur les PFAS.
Non seulement cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale, mais nous savons qu’ici, au Sénat, une majorité peut se dégager pour envoyer ce puissant message du Parlement français : la sortie des PFAS est annoncée.
Bien sûr, le combat contre ces composés ne s’arrêtera pas aujourd’hui. En France, il conviendra, si nous la votons en première lecture au Sénat, de faire aboutir cette proposition de loi avec une deuxième lecture. Les écologistes seront mobilisés pour que le processus législatif aille à son terme et que ce texte soit appliqué afin d’interdire progressivement, mais résolument, les PFAS. Il s’agit de réparer, traiter les dégâts et préparer l’avenir avec les acteurs concernés, industriels et collectivités territoriales.
En Europe, ensuite, et non pas d’abord, monsieur le ministre, le combat devra se poursuivre : avec le Danemark, qui a interdit en 2020 les PFAS dans les emballages alimentaires ; avec les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède et la Norvège, qui ont déposé en 2023 une demande d’interdiction de ces substances. La France peut aujourd’hui rejoindre cette dynamique européenne pour protéger la population.
Mme Anne Souyris. Il nous faudra réviser le règlement Reach pour couper à jamais le robinet des polluants éternels. Autant dire que le chantier est colossal et que le chemin sera long, mais nous pouvons aujourd’hui envoyer un signal fort : c’est parti ; c’est irréversible ; nous irons jusqu’au bout pour protéger la santé et l’environnement. La France aidera l’Europe à aller dans le bon sens. Voilà le message !
Oui, nous pouvons en finir avec la civilisation des toxiques. Avec les territoires, avec les collectivités, avec les industries qui s’adaptent, nous pouvons sortir des PFAS. Le moment est venu de montrer à tout le monde que c’est possible : votons un texte ambitieux ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mmes Marie-Claude Varaillas et Mireille Jouve applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, protéger la population des risques, comme l’envisagent les auteurs de cette proposition de loi, est une ambition qui doit guider notre action. Comme élus, il nous revient d’éviter les catastrophes, particulièrement les catastrophes sanitaires, en évaluant les probabilités qu’elles se produisent.
Nous connaissons trop les conséquences du manque d’anticipation : rappelons-nous le covid-19 et la pénurie de dispositifs de protection au début de la pandémie. Nous avons aussi connu ce type de situation avec l’amiante et le chlordécone, deux substances qui ont causé de nombreuses victimes avant que les pouvoirs publics ne se saisissent de la question.
Permettez-moi d’évoquer mon territoire, le Pas-de-Calais, avec son bassin minier. Je vous y invite, monsieur le ministre, pour constater les conséquences des pollutions par le plomb, le mercure, le cadmium, le zinc, rejetés par centaines de tonnes depuis l’ancienne usine Metaleurop, ainsi que les dégâts causés à notre nappe phréatique par le perchlorate d’ammonium provenant des munitions utilisées lors de la Première Guerre mondiale. Comme je l’ai indiqué à M. le rapporteur, dépolluer notre nappe phréatique coûterait bien plus cher que les 2 millions d’euros évoqués pour les PFAS.
Ce sont aujourd’hui ces polluants éternels qui sont au cœur des inquiétudes partagées par les scientifiques, les citoyens et, aujourd’hui, les parlementaires dans cet hémicycle.
Les substances chimiques polluantes sont nombreuses ; en évaluer les risques revient à comparer les bienfaits qu’elles apportent aux dommages qu’elles peuvent causer.
Les PFAS sont des ingrédients qui peuvent sembler magiques, avec leurs propriétés antitaches, antiadhésives, déperlantes… Bref, une solution miracle face aux problèmes que rencontre le secteur industriel pour produire des objets du quotidien utiles à toutes et à tous.
Ainsi, on retrouve ces substances dans les ustensiles de cuisine, dans les vêtements imperméables, dans les lentilles de contact et dans bien d’autres produits encore.
Le problème est que l’on en retrouve aussi dans les organes, dans le sang, dans l’eau, l’air et les sols et que, loin de rendre l’organisme plus résistant, les PFAS y développent des cancers.
La solution miracle a donc des limites, à savoir notre santé et notre environnement : il s’agit de ne pas les franchir afin de toujours protéger la population. Qui peut dire qu’un antiadhésif vaut mieux qu’une maladie, alors même qu’il existe des solutions de remplacement ? L’application de ces dernières obligerait sans doute les industriels à revoir leurs marges, mais celles-ci représentent bien peu en regard du coût induit pour l’assurance maladie.
Nous vantons régulièrement le mérite des entrepreneurs français, des innovations qu’ils permettent, de la French Tech, du concours Lépine, du salon de l’industrie. On ne compte plus les milliards d’euros investis dans le crédit d’impôt recherche pour que les entreprises développent de nouveaux produits. Aussi, je veux faire confiance aux capacités des industriels, qui doivent pouvoir s’appuyer sur des solutions de substitution existantes ou en développer de nouvelles, en évitant cette fois-ci de tout miser sur des substances cancérogènes, même si je suis persuadé qu’ils ne connaissaient pas les risques des PFAS à l’origine.
S’il y a des conséquences sur l’emploi, alors nous voulons qu’elles soient positives. C’est le sens d’un amendement que nous défendrons tout à l’heure.
Supprimer les PFAS signifie qu’il faudra produire différemment dans les secteurs concernés. Des formations seront nécessaires, de même qu’il faudra modifier les emplois tout au long de la chaîne de production, de la conception jusqu’au produit fini.
Cette proposition de loi est l’occasion de mieux faire en ciblant principalement le secteur industriel.
L’agriculture, qui n’est pas mentionnée dans le texte, n’est pas protégée non plus. Les PFAS y sont employés pour stabiliser des substances utilisées par certains exploitants comme les pesticides ou les engrais.
Les ventes ont plus que triplé depuis 2008 et sont en constante augmentation, ce qui démontre bien que la prise de conscience quant aux dangers de ces polluants éternels est encore lointaine. Il faudra d’autres lois pour préserver notre santé et celle de nos agriculteurs, de même que notre environnement.
Monsieur le ministre, soyons dans l’anticipation ; ne bottons pas en touche en comptant sur l’Union européenne pour régler le problème. Compte tenu de l’avancée que ce texte représente, le groupe CRCE-K votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour l’examen d’un texte qui engage notre responsabilité dans la protection de la santé des Français.
Il m’importe de vous faire part de quelques réflexions, auxquelles je ne vous demande pas d’adhérer.
Nous vivons dans une société qui souffre de ses paradoxes. Si je voulais être plus sévère et employer de grands mots, je parlerais de sa schizophrénie. Qui que nous soyons, riches ou pauvres, retraités ou salariés, chômeurs ou étudiants, nous sommes tous des consommateurs.
« La consommation est la seule fin et la seule raison d’être de toute production. » Les Trente Glorieuses ont fait de cette phrase d’Adam Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations une réalité qui organise nos sociétés.
Nous souhaitons tous le mieux, le plus, au fil de nos besoins, des modes, des suggestions publicitaires. Et pour y répondre, les industriels ont usé de substances chimiques assurant à certains produits de la stabilité, de la résistance à l’eau, à la chaleur, des propriétés antitaches ou antiadhésives, etc. Ainsi, pour nos petits travaux, nous exigeons une peinture couvrante, sans odeur, avec un séchage rapide ; pour la cuisine, nous privilégions les casseroles qui n’attachent pas. Et nous pensions naïvement, comme Alain Souchon, « Que le bonheur, c’est d’avoir / De l’avoir plein nos armoires », ou des vêtements qui ne froissent pas…
Soyez rassurés, mes chers collègues, je ne vous imposerai pas la litanie des ustensiles de cuisine, des produits cosmétiques, des emballages, des batteries en lithium pour nos chers téléphones, ordinateurs portables et voitures ou encore des mousses anti-incendie qui contiennent ces substances.
Nous réalisons aujourd’hui que ce que nous pensions être mieux pour nous faciliter la vie est un plus pour la pollution et un inquiétant moins pour la qualité de notre environnement.
Sont ainsi répertoriés pas moins de 4 500 composés chimiques, appelés scientifiquement les per- et polyfluoroalkylées, ou polluants éternels, utilisés par l’industrie : ils sont toxiques, persistants dans l’eau, dans l’air, dans le sol, dans la chaîne alimentaire et donc dans nos corps.
D’ailleurs, si les premiers cas de pollution aux PFAS révélés dans les années 1990 ne permettaient pas une analyse poussée, force est de constater qu’aujourd’hui personne ne remet en cause leur effet sur la santé humaine : augmentation des risques de lésions hépatiques, de maladies thyroïdiennes, d’obésité, de problèmes de fertilité et de cancers.
Nous consommons, contaminons, polluons collectivement et, dans le même mouvement, nous prenons conscience des conséquences de nos comportements.
De nombreuses études scientifiques et universitaires témoignent de la progression chez les jeunes d’une écoanxiété, c’est-à-dire de la peur chronique d’une catastrophe environnementale.
Je salue et remercie donc Nicolas Thierry, député de Gironde, pour son heureuse initiative parlementaire, qui nous bouscule dans nos certitudes, nous impose de prendre du recul et nous confronte à nos responsabilités.
Certes, l’on peut regretter un certain affadissement du texte ainsi que les suppressions intervenues tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, mais il est temps d’inverser les données, « d’aller à l’idéal et de comprendre le réel », comme le clamait Jaurès, afin de traduire dans nos textes cette prise de conscience environnementale.
Je dis oui à l’interdiction de fabrication, d’importation, d’exportation et de mise sur le marché de certaines catégories de produits à compter du 1er juillet 2026 ; oui à l’interdiction de fabriquer, d’importer, d’exporter et de mettre sur le marché tout produit textile contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2030 ; oui au contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables ; oui à une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de PFAS ; oui au plan d’action pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation.
Il est grand temps de se rendre compte que le coût de l’inertie, de l’inaction et de l’indécision sera toujours plus élevé que celui de l’interdiction de ces polluants.
Alors, malgré les affadissements et suppressions, le groupe RDSE apportera sa voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et GEST. – M. Hervé Gillé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est particulièrement importante pour la santé humaine et notre biodiversité. Je me félicite que ce sujet soit repris au Sénat.
Autant le dire d’emblée, je pense que personne sur nos travées ne se positionne aujourd’hui en faveur des produits dangereux. Le débat que nous devons avoir ne doit pas opposer ceux qui sont pour les produits dangereux à ceux qui sont contre, ni ceux qui sont pour l’industrie à ceux qui sont contre : il s’agit plutôt de réfléchir à un mode d’action adéquat et pragmatique pour faire face à ce danger.
Nous le savons, les PFAS rassemblent aujourd’hui plus de 4 000 composés chimiques, largement répandus dans notre quotidien en raison de leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et thermorésistantes.
Toutefois, plusieurs scientifiques ont mis en évidence le large éventail des effets néfastes de ces substances, allant de maladies bien identifiées à des réactions plus subtiles de notre organisme. Il est donc nécessaire et urgent de se saisir du sujet et de légiférer pour commencer à structurer une vraie politique publique. C’est en ce sens que nous soutenons l’esprit de ce texte.
Néanmoins, la rédaction de la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale était inefficace et contre-productive en ce qu’elle interdisait tous les PFAS dans certains usages, plutôt que certains PFAS réellement dangereux dans tous les usages.
Comme sur d’autres sujets tout aussi importants – je pense, par exemple, à l’agriculture –, nous ne pouvons légiférer de manière isolée à l’échelon national, hors Union européenne.
Nous ne pouvons imposer du jour au lendemain une interdiction globale de tous les PFAS sur l’ensemble du territoire, comme le prévoyait l’article 1er bis A, ni imposer des délais aussi rapprochés d’interdiction pour nos industries textiles ou cosmétiques, comme le prévoyait l’article 1er, sans mettre en place des règles similaires ou des clauses miroirs à l’échelle européenne. À défaut, nos industries françaises souffriraient d’une concurrence déloyale, alors même que nous importerions, dans le cadre du marché unique, des produits contenant des PFAS. Ces substances finiraient donc tout de même par se retrouver sur notre sol.
Nous ne ferions que pénaliser les entreprises françaises sur le fondement d’arguments démagogiques sans exclure ces composés du territoire. À l’heure où il n’est question que de renforcer notre souveraineté, je crois que nous avons tous pris conscience de ces risques.
Ainsi, c’est de manière raisonnable que notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a maintenu certaines exceptions, comme pour les ustensiles de cuisine, pour laisser le temps à certaines industries d’opérer une transition sans se précipiter.
C’est en suivant ce même raisonnement que notre commission et son rapporteur, dont je salue les travaux, sont revenus sur un certain nombre de mesures, tout en gardant la volonté d’agir sur le sujet et en prévoyant des interdictions proportionnées.
En commission, l’adoption de deux amendements a permis de supprimer l’article 1er bis A, qui prévoyait l’interdiction des PFAS sur l’ensemble du territoire français, et de préciser que les interdictions de produits contenant ces composés, prévues à l’article 1er de la proposition de loi, ne s’appliqueraient pas aux concentrations inférieures ou égales à une valeur résiduelle définie par décret.
J’y insiste, nous ne pouvons traiter ce sujet selon une approche franco-française. Il faut laisser le temps aux autorités sanitaires européennes de mener des études. Ne procédons pas à des prétranspositions ; attendons plutôt les résultats des recherches de l’Echa sur l’ensemble des PFAS avant de prendre des mesures d’interdiction prématurées.
Encore une fois, ce sujet doit être traité urgemment, car il y va de notre santé, mais de manière collective et documentée à l’échelle européenne.
Pour conclure, si la méthode prônée par l’Assemblée nationale n’est pas la bonne, celle de notre commission nous paraît aller dans le bon sens en posant des bases d’interdiction raisonnées. C’est pourquoi le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé. (Mme Monique de Marco applaudit.)
M. Hervé Gillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « imaginons que ce qui fait mourir tous ces animaux, c’est quelque chose qui est dans l’eau du robinet ». Cette phrase, certains d’entre vous la connaissent : elle est issue du film Dark Waters, qui raconte la contamination aux perfluorés d’une ville aux États-Unis.
Cette phrase, c’est la face immergée de l’iceberg que constituent les polluants éternels, les PFAS, ces polluants chimiques dont nous savons tout et si peu à la fois.
Pour bien appréhender une catastrophe sanitaire et environnementale, il nous faut franchir plusieurs obstacles.
D’abord, l’indescriptible : les PFAS sont aussi difficiles à prononcer qu’invisibles à l’œil humain, comme certains cancers à lente progression et à l’issue fatale.
L’omniprésence, ensuite : leur présence est généralisée dans tous les milieux, que ce soit l’eau, l’air ou les sols. Je pense ici au travail d’Atmo France sur les rejets atmosphériques, l’inhalation étant l’une des principales voies de contamination. Mon collègue Alexandre Ouizille y reviendra.
La persistance, en outre : la durée de vie de ces polluants chimiques est bien supérieure à la nôtre et constitue une bombe à retardement pour les générations futures.
La dangerosité, enfin : ces polluants affectent nos corps, favorisent les cancers, altèrent la fertilité. L’ensemble de la chaîne alimentaire est contaminé.
Il y a plus de PFAS aujourd’hui dans notre environnement qu’hier et il y en aura plus demain par un effet cumulatif, car ce sont des polluants quasi permanents. L’enjeu de la réduction à la source est donc essentiel.
Il faut lever ce voile de l’ignorance. J’ai une pensée pour mon collègue girondin Nicolas Thierry, qui a déposé cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, aux associations, aux agences de l’eau, à Atmo, aux agences régionales de santé que nous avons auditionnées pour comprendre l’ampleur du drame qui se joue devant nous lentement, mais avec certitude.
Le texte qui nous est aujourd’hui proposé est une première brique fondamentale pour construire progressivement un programme d’action ambitieux et réaliste pour lutter contre les PFAS, préserver la qualité de nos eaux, de l’air et de nos sols.
Après un vote unanime à l’Assemblée nationale, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a été moins ambitieuse, puisqu’elle subordonne l’application du texte à l’adoption de nombreux décrets, ce qui nuit à la transparence et à la bonne lisibilité de la loi.
Ensuite, le signal envoyé par le Gouvernement, qui renvoie la balle à l’Union européenne et n’a pas soutenu cette proposition de loi, est préoccupant. La France a du retard. Certains pays ont déjà appliqué une norme plus stricte que ce que l’Europe envisage de mettre en œuvre à partir de 2026. Le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Flandre ont tous une norme inférieure ou égale à 4,4 nanogrammes par litre pour les quatre PFAS les plus présents. Les États-Unis vont plus loin : pour six PFAS, la norme va de 1 à 4 nanogrammes par litre.
Vous l’aurez compris, l’enjeu de la pollution de l’eau est primordial. Curieusement, si la proposition de loi traite de la question de l’eau du robinet, rien ne semble prévu pour l’eau en bouteille, qui représente pourtant 50 % de l’eau que nous buvons.
Une eau minérale naturelle est censée se distinguer, selon la législation européenne, par sa « pureté originelle ». Les critères de nature à objectiver cette qualité ne reprennent cependant pas la contamination aux PFAS. À l’heure où la France, comme d’autres pays européens, est traversée par le scandale Nestlé Waters, il est urgent de mettre fin à cette différence de traitement, qui tend à stigmatiser l’eau du robinet et à entretenir une vaste tromperie du consommateur.
L’anticipation industrielle face à une directive européenne, qui arrivera de toute façon à échéance plus ou moins lointaine, est la meilleure position à adopter. Certains industriels l’ont bien compris et mettent en avant leurs produits sans PFAS.
Certaines techniques de traitement, comme l’osmose inverse et le charbon actif, sont en cours d’évaluation, mais elles sont particulièrement coûteuses pour les syndicats de traitement. Les financements des agences de l’eau ne sont pas dimensionnés aujourd’hui pour y faire face.
Pour la métropole de Lyon, dont cinq communes ont été concernées par une pollution de l’eau aux perfluorés, la mise en place de filtres et le contournement pour diluer l’eau potable et la rendre sans danger pour les habitants ont coûté 6 millions d’euros : nous sommes face à une bombe à retardement pour les collectivités, le coût de la dépollution étant immense.
Monsieur le ministre, il nous faut réfléchir collectivement à la meilleure façon d’accompagner les collectivités.
Il faut donc réduire les PFAS en amont comme en aval du processus industriel. Lutter contre les PFAS et lancer les premiers programmes de prévention, de limitation et de santé environnementale prévus dans cette proposition de loi exigera des moyens de l’ordre de 2,4 millions d’euros. Très sincèrement, ce montant semble dérisoire en regard de l’ampleur du problème que nous allons devoir traiter.
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’intégralité du territoire national est concernée par ces pollutions ; la question de la responsabilité est donc cruciale.
Le principe pollueur-payeur est régulièrement rappelé par un grand nombre de membres du Gouvernement – il est toujours intéressant, de ce point de vue, de citer le cas du bassin d’Arcachon, qui a donné lieu à jurisprudence… Dans cet esprit, il nous faut accompagner les collectivités.
Les programmes régionaux de santé environnementale élaborés par les agences régionales de santé sont encore largement insuffisants ; il faut que s’y exprime une ambition plus forte pour caractériser les conséquences de ces pollutions et, par conséquent, déterminer les priorités territoriales.
Les collectivités ont toute légitimité à bénéficier d’accompagnements et de soutiens spécifiques pour éviter qu’elles ne soient stigmatisées et laissées sans solutions.
Aujourd’hui, mes chers collègues, nous avons la possibilité d’agir pour notre santé et celle de nos enfants, pour aujourd’hui et pour l’avenir. Ce texte est un compromis transpartisan, il n’est ni révolutionnaire ni déséquilibré. C’est une première brique essentielle de notre responsabilité collective. Soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Michallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise aujourd’hui à la chambre des territoires est tout à fait singulière, et ce à plusieurs égards.
Tel qu’il est arrivé dans notre chambre, au vu du périmètre qu’avait retenu l’Assemblée nationale, ce texte, censé protéger, pouvait tuer, de trois façons différentes.
C’est d’abord d’un point de vue sanitaire qu’il pouvait tuer. En effet, en s’affranchissant totalement de notre écosystème partagé qu’est l’Europe, les auteurs de cette proposition de loi avaient oublié que les PFAS ne s’arrêtent pas aux frontières. Leur objectif, louable, était de protéger la santé de nos concitoyens ; mais en choisissant d’agir seuls, sans concertation internationale, ils ont abouti à un texte qui cochait à peu près toutes les cases de la loi inapplicable.
Ensuite, il pouvait tuer toutes nos industries – je dis bien : toutes ! Avec l’article 1er bis A, dès l’entrée en vigueur du texte, nos entreprises, qu’elles soient productrices, utilisatrices, ou simplement détentrices de PFAS, se seraient vu appliquer une norme destructrice, qui aurait tué des milliers d’emplois, directs et indirects.
Enfin et surtout, mes chers collègues, ce texte tuait, par son silence, nos collectivités, qui ont la responsabilité de la distribution et du traitement des eaux. À aucun moment cette proposition de loi, dans sa configuration initiale, ne regardait les élus en face. Je pense ce matin à tous les élus confrontés aux PFAS dans nos territoires, je pense à mon département de l’Isère, à la commune de Chasse-sur-Rhône, à la communauté de Vienne Condrieu Agglomération, à toutes les collectivités du bassin rhodanien, enfin, qui se trouvent responsables, presque coupables, mais surtout bien seules. Et nous, membres de la chambre des territoires, nous devrions laisser faire ?
Grâce au travail du rapporteur, que je salue sincèrement, et de la commission, dans l’attente du vote du Sénat tout entier, nous sommes parvenus, non sans difficultés, à supprimer de cette proposition de loi tout le dogme omniprésent dans l’esprit du texte initial.
Sur le fond, lorsqu’il est question des PFAS, il est important de souligner que les dimensions environnementales, économiques, industrielles, sociales, sanitaires et financières du problème doivent impérativement être traitées de manière globale.
Or l’ensemble de ces éléments nous indique, sans concession, que cette problématique doit faire l’objet d’un travail supranational, à l’échelle européenne, voire peut-être mondiale. Tout nous indique avec force que la qualité et l’opérationnalité de l’interdiction internationale constituent la solution adaptée, pertinente, souhaitable et efficace.
Le bon sens à lui seul impose l’idée d’une réglementation européenne. Si nous devons avancer, c’est en bonne intelligence avec nos partenaires européens, pour que chaque entreprise de l’Union applique les mêmes règles et soit soumise aux mêmes obligations et aux mêmes sanctions.
Je sais que, depuis quelques années, sinon plus longtemps encore, monsieur le ministre, on cherche en France une forme de légitimité, que l’on croit parfois trouver dans la « surcréativité », que nous nommons pour notre part « surtransposition ». Mais avec ce texte, dans sa forme initiale, on créait un nouveau concept : la « pré-surtransposition ».
J’entends dire que l’Europe serait trop lente et qu’il serait nécessaire, dès à présent, d’agir. Mais avec ce texte, mes chers collègues amis des lettres, on s’amuse des classiques, on s’apprête à rejouer les fables de La Fontaine : l’Europe, lente, avance à pas de tortue sur la réglementation des PFAS ; la France, rapide comme un lièvre, se précipite, puis tergiverse, s’arrête. Mais enfin, est-il seulement nécessaire de rappeler la morale si chère à nos souvenirs d’enfance ?
Alors, y a-t-il urgence à agir ? Bien sûr ! Mais il faut agir en toute transparence et bien dire que l’interdiction des PFAS pose un défi majeur à notre économie, et à raison ! La bonne volonté française ne pourra ni empêcher les industries de notre territoire de supporter le coût de la transition ni dissuader nos partenaires européens de continuer d’exporter ces substances vers notre pays. Quelles assurances avons-nous quant à la mise en place d’un contrôle efficace des importations de ces entreprises ? Il n’y en a aucune.
Enfin, et c’est peut-être ce qui me chagrine le plus, la proposition de loi initiale se concentrait exclusivement sur l’amont du problème. Nous constations à regret que, face à cette situation urgente, ce texte ne contenait aucune piste concrète pour aider nos collectivités. Abandonner ainsi nos territoires à leur propre sort est tout simplement, pour nous sénateurs, inacceptable !
C’est pour cette raison que le rapporteur, soutenu par le groupe Les Républicains, a entrepris de modifier ce texte de manière à demander le concours de l’État pour l’organisation de la dépollution des eaux de consommation. Monsieur le ministre, c’est maintenant que nous avons besoin de vous : accompagnons les collectivités locales !
Ce texte est aujourd’hui soumis à notre assemblée, mais dans sa version modifiée par le travail de la commission. En définitive, nous ne pourrons soutenir cette proposition de loi que dans ces termes : sécuriser nos habitants, sauver nos entreprises, accompagner nos territoires. Telle est l’ambition du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vocable de PFAS recouvre un grand nombre de substances d’une même famille ayant des caractéristiques communes, notamment une très grande persistance qui rend leur dégradation difficile.
Pour autant, les différents types de PFAS présentent des niveaux variables de toxicité. Ainsi, il faut distinguer entre les PFAS non-polymères, qui sont mobiles, bioaccumulables et, pour certains, toxiques, et les fluoropolymères, qui sont stables et non bioaccumulables : ils ne peuvent donc pas entrer dans l’organisme.
La toxicité des PFAS non-polymères est connue depuis plusieurs années, ce qui a conduit à édicter à l’échelle européenne, via le règlement européen Reach, une limitation de leurs usages. Les fluoropolymères, en revanche, sont considérés comme « peu préoccupants » par l’OCDE, qui estime qu’ils ont des impacts insignifiants sur la santé et l’environnement. Ces PFAS ne font donc pas, pour l’instant, l’objet d’une régulation particulière.
Toutefois, des travaux ont été lancés à l’échelle européenne pour mieux réguler le recours à l’ensemble de ces substances, au motif que, bien que les fluoropolymères ne soient a priori pas toxiques, leur grande persistance devrait inciter à une approche prudente et à une réduction de leur utilisation, sauf dans les cas d’usages essentiels.
Ce principe de précaution peut être entendu, mais le problème est que des PFAS fluoropolymères sont utilisés dans de nombreux produits du quotidien, sans que des solutions de remplacement aient été trouvées pour l’instant. C’est le cas pour un grand nombre de médicaments et pour certaines composantes de vélos, de batteries électriques ou encore de chaussures de ski, pour ne citer que quelques-uns de ces produits. Pour d’autres, des solutions de remplacement existent, mais elles ne sont pas aussi performantes. Des années de recherche et développement sont donc encore nécessaires avant que ne soient trouvées des solutions viables.
C’est pourquoi, dans l’attente de leur émergence, il m’apparaît nécessaire d’adopter une position pragmatique et de limiter autant que faire se peut l’utilisation des PFAS, là où cela est possible, tout en laissant aux industriels la possibilité d’y recourir lorsqu’ils ne disposent pas d’autres solutions techniques, et ce pour éviter d’amplifier la désindustrialisation que nous connaissons.
En effet, interdire l’ensemble des PFAS dans tous les secteurs conduira nécessairement à des délocalisations et laissera notre marché à la merci de pays dont les réglementations sont bien moins qualitatives que les nôtres. Nous mettrions alors en danger notre tissu industriel, qui s’est déjà réduit comme peau de chagrin ces dernières années. Certains pays, telle l’Allemagne, sont d’ailleurs en train de réaliser leur erreur et de revenir sur leur volonté d’interdire l’ensemble des PFAS.
À ce titre, la suppression de l’article 1er bis A par la commission était nécessaire, puisque celui-ci aurait conduit à interdire l’utilisation de PFAS sur le territoire français. L’approche retenue par la commission me paraît équilibrée, en ce qu’elle consiste à interdire l’utilisation de PFAS seulement dans les secteurs où des solutions de remplacement sont envisageables, sauf exception circonstanciée pour les textiles.
En ce qui concerne les sites et les eaux polluées par des PFAS dangereux, je ne peux que soutenir les propositions avancées, mon département de Haute-Savoie étant lui-même confronté à une telle pollution des eaux, à Rumilly. Je suis donc favorable à l’inclusion du contrôle de la présence de PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables, ainsi qu’à la création d’une carte, publique, permettant d’identifier les sites émettant ou ayant pu émettre des PFAS, de manière à faciliter les contrôles.
Enfin, nous avons été confrontés dans mon département à la question de la prise en charge des coûts liés à la dépollution. Je m’étais d’ailleurs étonné du fait qu’aucun dispositif ne semblait être en place pour accompagner la commune concernée.
Je soutiens donc la création d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau, qui permettra de financer en partie cette dépollution. De même, la mise en place d’un plan gouvernemental pour son financement est essentielle. Je remercie donc la commission d’avoir enrichi le texte d’un tel plan d’action.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et de l’apparent équilibre du texte entre protection de la santé et de l’environnement, d’une part, et maintien de notre souveraineté industrielle, de l’autre, je voterai en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Article 1er
I. – Le titre II du livre V du code de l’environnement est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
« Art. L. 524-1. – I. – Sont interdites, à compter du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de :
« 1° (Supprimé)
« 2° Tout produit cosmétique contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées ;
« 3° Tout produit de fart contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées ;
« 4° Tout produit textile d’habillement, chaussures et agents imperméabilisants de produits textiles d’habillement et de chaussures destinés aux consommateurs contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, à l’exception des textiles d’habillement et des chaussures qui sont conçus pour la protection et la sécurité des personnes, notamment dans l’accomplissement des missions de défense nationale ou de sécurité civile, et dont la liste est précisée par décret.
« II. – Sont interdites, à compter du 1er janvier 2030, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de tout produit textile contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, à l’exception des produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles et de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution, dont la liste est précisée par décret.
« III. (nouveau) – Les interdictions prévues aux I et II ne s’appliquent pas aux produits contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées présentes en concentration inférieure ou égale à une valeur résiduelle définie par décret.
« Art. L. 524-2. (nouveau) – Les dispositions des articles L. 521-12 à L. 521-20 sont applicables à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions du présent chapitre.
« Pour les besoins de leurs missions de recherche et de constatation de ces infractions, les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 521-12 peuvent procéder aux opérations prévues à l’article L. 521-11-1 dans les conditions définies par ce même article L. 521-11-1. »
II. – Après l’article L. 1321-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1321-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-9-1. – Le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables inclut le contrôle de la présence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées définies par décret dans les eaux destinées à la consommation humaine. Il inclut également le contrôle des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées qui ne sont pas listées par le décret mentionné au présent alinéa, dès lors que ces substances sont quantifiables et que leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales.
« Le ministre chargé de la prévention des risques élabore, conjointement avec le ministre chargé de la santé, une carte, mise à la disposition du public et révisée au moins tous les ans, de l’ensemble des sites ayant pu émettre ou émettant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans l’environnement. Cette carte comporte, lorsqu’elles sont disponibles, des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux. Les actions de dépollution et les seuils maximaux d’émissions de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sur l’ensemble des sites émetteurs sont fixés par arrêté. »
III. – (Non modifié) Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article. (M. Yannick Jadot applaudit.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, vous avez exprimé tout à l’heure, en introduction de ce débat, votre bienveillance vis-à-vis de cette proposition de loi, mais vous avez aussi soulevé deux réserves qui, à mon sens, peuvent être levées au vu de ce qui figure effectivement dans ce texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, puis retravaillé par notre commission.
Oui, avec ce texte, notre pays servira d’aiguillon pour la future réglementation européenne. La position de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne consiste pas à ne rien faire en attendant l’Europe, en attendant Godot en quelque sorte…
Comme il est exprimé très clairement dans le rapport, cette démarche, pour avoir les résultats escomptés, nécessite une action à l’échelle européenne. Nous comptons donc bien sur le projet de restriction des PFAS compris dans la révision du règlement Reach, en cours de discussion sur l’initiative de cinq États membres, et que la France soutient, comme vous l’avez rappelé.
Simplement, dès maintenant, il est très important, selon notre commission et son rapporteur, de ne pas rester l’arme au pied au vu des délais d’instruction de ce projet de législation européenne. C’est pourquoi la commission a approuvé les mesures de restriction figurant dans la proposition de loi, à l’échelle nationale, dès lors qu’elles sont circonstanciées.
Avec ces restrictions, qui figurent dans cet article 1er, tout à fait pertinent à mon sens, nous commençons à fermer le robinet qui déverse tellement de PFAS sur le marché, en nous attaquant à trois usages très émetteurs : les cosmétiques, les farts de skis et les textiles, auxquels la commission a ajouté les chaussures.
Je suis également surpris par votre deuxième réserve, monsieur le ministre. Vous reprochez à cette proposition de loi son approche par usage, qui serait selon vous contraire à la démarche européenne, par produit.
Mais ce qui a servi de base de référence pour ce texte n’est autre que le tableau des restrictions envisagées par l’Echa, qui comprend ce qui peut être fait dans une première vague et ce qui doit l’être ensuite, avec des dérogations qui peuvent être de cinq ou douze ans. Or ce tableau se fonde bien sur les usages de ces produits : il y est question, par exemple, des cosmétiques, des farts de ski ou de tout ce qui concerne le textile d’ameublement ou d’habillement.
N’ayons pas une vaine querelle sémantique entre usage et produit ! Nous sommes parfaitement en phase avec la démarche européenne engagée par l’Echa et cet article 1er est ainsi tout à fait pertinent. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, sur l’article.
M. Alexandre Ouizille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour, après Jacques Fernique, soutenir cet article 1er, qui est le cœur de cette proposition de loi.
Je veux également revenir sur les propos de M. le ministre, selon lequel considérer les PFAS comme une classe chimique unique et les envisager usage par usage ne serait somme toute pas très scientifique. Mais ce sont justement les scientifiques qui nous expliquent qu’énormément d’effets cocktail sont possibles entre les 5 000 à 12 000 PFAS référencés. Il y en a tellement qu’il est finalement impossible de mesurer et d’analyser les effets de chacun de ces produits, quand le problème est la combinaison de milliers de ces molécules.
L’approche par usage a par ailleurs l’avantage d’être profondément démocratique, puisqu’elle nous permet d’étudier, usage par usage, si des produits de substitution sont disponibles, donc si l’on peut interdire le recours aux PFAS.
Le texte qui nous est soumis interdit trois de ces usages. La version adoptée par l’Assemblée nationale était enrichie d’une approche coût-bénéfice un peu plus roulante dans le temps. Je regrette pour ma part que cette approche ait disparu du texte, mais je veux bien en prendre acte si cela était nécessaire pour parvenir à un compromis. Reste que l’approche par usage constitue l’originalité et la force de cette proposition de loi.
Une deuxième question a été soulevée par plusieurs orateurs : l’effet de ces interdictions sur les industriels. Or l’on ne rend jamais service à des industriels en les laissant dépendants de technologies rouillées et inadaptées.
Par ailleurs, s’il est question des coûts, pensons aux coûts sociaux que l’interdiction des PFAS permettra d’éviter. Et réinvestissons donc ces sommes – des millions, voire des centaines de millions d’euros chaque année – dans une politique industrielle. Cela ne me pose aucun problème, bien au contraire. Allons puiser dans ces gisements, pour que ce texte serve également notre industrie et sa décarbonation ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’usage de mousses anti-incendie contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans le cadre des essais, entraînements et formations ;
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à interdire, à compter du 1er janvier 2026, le recours aux PFAS pour les mousses anti-incendie dans le cadre des essais, entraînements et formations.
On répondrait ainsi à une inquiétude exprimée depuis des années par les pompiers, qui sont exposés dans le cadre de leurs interventions à ces substances dont l’inhalation a des conséquences néfastes sur la santé.
Nous tenons à rappeler que l’Echa a formulé cette proposition dès 2022 ; elle figure également dans le rapport que le député Cyrille Isaac-Sibille a remis au Premier ministre en janvier 2024.
D’autres pays, comme le Danemark, ont déjà agi en ce sens. Des procès commencent à fleurir aux États-Unis, avec le dépôt de nombreuses plaintes visant des pollutions de l’eau potable liées à l’utilisation de ces mousses. Enfin, il existerait déjà des solutions de substitution, à savoir des mousses sans PFAS efficaces sur des feux d’hydrocarbure.
Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas utile d’attendre que l’Europe agisse, au risque de perdre encore plusieurs années.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Souyris, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Est interdit, à compter du 1er janvier 2026, l’usage de mousses anti-incendie contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans le cadre des essais, entraînements et formations.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Mes chers collègues, j’aimerais vous parler de Florian Dallant : il a 23 ans, il est sapeur-pompier depuis six ans. Alors que les écologistes et l’intersyndicale des sapeurs-pompiers organisaient la semaine dernière des tests pour savoir si les pompiers étaient exposés aux PFAS, Florian Dallant s’est porté volontaire. Plus jeune pompier testé, il est aussi celui qui était le plus contaminé !
Je pourrais aussi vous parler d’Arnaud Decosne, 45 ans, lui aussi pompier, lui aussi exposé aux PFAS. Il racontait au Monde que son père et son grand-père, tous deux pompiers, étaient l’un comme l’autre décédés d’un cancer. En 2022, le Centre international de recherche sur le cancer a reconnu l’exposition professionnelle des pompiers comme cancérogène pour l’homme. Arnaud Decosne a déclaré au Monde : « On se met en danger pour les gens, mais une fois qu’on a fini notre carrière on a envie de vivre ! » C’est une réalité.
Nous comptons sur les pompiers, ils doivent pouvoir compter sur nous. Oui, nous devons garantir aux pompiers une vie après leur métier. Dès lors, pour la santé au travail comme pour la santé environnementale, nous devons interdire les mousses anti-incendie contenant des PFAS, qui sont utilisées surtout dans le cadre des formations, essais et entraînements des pompiers, car elles sont dangereuses, comme l’a rappelé le rapport du député Cyrille Isaac-Sibille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Les mousses anti-incendie font l’objet d’un projet de réglementation spécifique dans le cadre de la révision du règlement Reach. L’Echa a proposé d’interdire tous les PFAS dans les mousses anti-incendie. Le travail européen étant bien engagé, je juge superflu d’ajouter au texte des dispositions sur les mousses anti-incendie.
L’avis de la commission est donc défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Il est également défavorable, pour les mêmes raisons.
L’Europe travaille pour que ces mousses soient interdites en 2027. Les auteurs de ces amendements proposent de le faire dès 2026. Le problème est évidemment identifié, le législateur européen en est saisi. Des comités d’évaluation nationaux ont produit des rapports et l’on est sur le point de passer au vote à l’échelle européenne. Anticiper d’un an la législation européenne n’aurait pas de sens, d’autant que l’on risquerait ce faisant d’inscrire dans notre droit des mesures qui ne correspondraient pas à celles qui seront prises à l’échelle européenne.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 99 |
Contre | 241 |
Le Sénat n’a pas adopté.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 12. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet amendement ? (Assentiment.)
En conséquence, l’amendement n° 12 n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Rambaud et Omar Oili, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Patient, Patriat et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
tout produit textile
insérer les mots :
au sens du Règlement (UE) n° 1007/2011 du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 relatif aux dénominations des fibres textiles et à l’étiquetage et au marquage correspondants des produits textiles au regard de leur composition en fibres
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Cet amendement de précision juridique vise à faire référence dans le texte au règlement européen du 27 septembre 2011 relatif aux produits textiles, qui définit ces derniers comme des produits exclusivement composés de fibres textiles ou constitués pour au moins 80 % de leur poids de fibres textiles.
Les membranes techniques, aux applications parfois essentielles, contiennent moins de 80 % de fibres textiles ; elles ne sont pas des produits textiles. Il est donc nécessaire de préciser dans la proposition de loi que les produits textiles sont entendus au sens du règlement européen du 27 septembre 2011.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Bruyen et Burgoa, Mme Dumont, MM. Favreau et Gremillet, Mme M. Mercier, M. Pellevat et Mme Puissat, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les textiles, au sens du présent article, sont définis par décret.
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Le II de l’article 1er vise à interdire tout produit textile contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, « à l’exception des produits nécessaires à des utilisations essentielles et de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution ».
Si une définition des produits textiles, comme produits dont au moins 80 % du poids est composé de fibres textiles, figure bien dans le règlement européen du 27 septembre 2011, comme vient de le rappeler M. Rambaud, il apparaît nécessaire, par sécurité juridique, de confier cette définition à un décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Concernant l’amendement n° 25 rectifié, le règlement européen en question a un tout autre objet que celui qui nous réunit aujourd’hui ; la référence proposée ne me semble donc pas pertinente.
Quant à l’amendement n° 18 rectifié, je rappelle que le pouvoir réglementaire est autonome : nous n’avons pas besoin de préciser qu’un décret doit être pris pour appliquer la loi.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces deux amendements.
J’entends les arguments de M. le rapporteur, mais il peut être utile d’apporter quelques précisions. Le paradoxe est que, aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’y a pas de définition précise de ce qu’est le textile au sens large. Le préciser au moins partiellement, à l’échelle européenne ou nationale, pourrait tout de même avoir quelques vertus.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 25 |
Contre | 299 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
utilisations essentielles
insérer les mots :
, des fluoropolymères
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à exclure les fluoropolymères du champ de l’interdiction prévue à l’article 1er.
Je rappelle que les fluoropolymères, pour lesquels il n’existe aucune solution de substitution, permettent de fabriquer des membranes légères et durables, qui contribuent à réduire l’empreinte carbone des solutions constructives légères comparativement à d’autres alternatives plus lourdes.
Les fluoropolymères ont aussi des applications dans de nombreux autres secteurs essentiels : batteries électriques, construction, sécurité alimentaire, secteur médical, numérisation, transport ou encore aérospatial.
Tout cela justifie leur exclusion du champ de l’article 1er.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
utilisations essentielles
insérer les mots :
, des textiles de construction
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. L’adoption de cet article dans sa rédaction actuelle aurait des conséquences pour certaines entreprises françaises, y compris celles qui se sont engagées dans des démarches non négligeables en matière de transition environnementale.
Je rappelle une nouvelle fois que les fluoropolymères, pour lesquels il n’existe aucune solution de substitution, permettent de fabriquer des membranes légères et durables qui contribuent à réduire l’empreinte carbone des produits finaux. Les fluoropolymères doivent donc être exclus du champ de l’interdiction prévue à l’article 1er.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
utilisations essentielles
insérer les mots :
, des textiles de construction utilisant des fluoropolymères
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Concernant l’amendement n° 28, l’exclusion des fluoropolymères de l’interdiction, à compter de 2030, des textiles contenant des PFAS n’est pas justifiée scientifiquement. Une évaluation des politiques publiques en matière de fluoropolymères, publiée en 2020 dans la revue Environmental Science & Technology, concluait que leur utilisation « devrait être réduite, sauf dans les cas d’utilisations essentielles », notion qui a été intégrée dans le texte de la commission.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 26, l’exclusion des textiles de construction n’est pas justifiée : pourquoi ce secteur, plutôt qu’un autre, bénéficierait-il d’une exonération de principe ? Je propose plutôt d’exclure du champ de l’interdiction les textiles qui peuvent être considérés comme essentiels, par exemple pour des raisons de protection ou de sécurité.
L’avis de la commission sur ces deux amendements, ainsi que sur l’amendement n° 27, qui combine les deux critères d’exception proposés, est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. J’émets également un avis défavorable sur ces trois amendements.
D’abord, rien ne justifie d’exclure tous les fluoropolymères en tant que tels. Il faut prendre en considération la toxicité de ces produits : on ne peut pas préjuger qu’elle serait nulle pour chacun d’entre eux. Sur ce point, je vous rappelle que des études d’impact scientifiques sont conduites à l’échelle européenne.
Quant aux textiles employés dans le domaine de la construction, votre commission a prévu des exemptions liées soit à la souveraineté soit aux usages nécessaires de ces textiles. Dès lors, inscrire dans le texte, spécifiquement, que les textiles servant à la construction seraient exemptés de cette interdiction serait trop large.
Enfin, comme M. le rapporteur, au vu de ces arguments contre les amendements nos 28 et 26, je ne peux qu’être également défavorable à l’amendement n° 27.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Compte tenu des observations de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire mes amendements.
M. le président. Les amendements nos 28, 26 et 27 sont retirés.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer les mots :
et de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement tend à supprimer une mention que M. le rapporteur a ajoutée en commission pour exempter totalement du champ de l’interdiction visée à l’alinéa 9 tous les textiles « contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution ».
Nous estimons que le travail réalisé en commission a déjà largement encadré le champ d’application et de mise en œuvre des interdictions visées par cet alinéa, avec de nombreux renvois à des décrets.
À ce titre, il ne nous apparaît pas opportun d’ajouter une nouvelle catégorie de dérogation qui ne serait pas limitée dans le temps et qui pourrait, par définition, faire l’objet d’interprétations diverses.
Autant la notion d’« utilisations essentielles », ajoutée par M. le rapporteur, fera l’objet d’une définition européenne dans le cadre du règlement Reach, autant celle de « souveraineté nationale » pourrait, nous le craignons, être sujette à interprétation très ou trop large.
Nous proposons donc de supprimer une telle mention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La commission a adopté un amendement prévoyant des dérogations par décret à l’interdiction des produits textiles contenant les PFAS en 2030 pour, d’une part, ceux qui sont « nécessaires à des utilisations essentielles » et, d’autre part, ceux qui contribuent « à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution ».
Ces dérogations introduites en commission nous paraissent ciblées et proportionnées, et la notion de « souveraineté nationale » nous semble suffisamment précise pour ne pas donner lieu à des interprétations trop larges de la part du pouvoir réglementaire.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable également, pour deux raisons.
D’une part, vouloir retirer la souveraineté nationale des motifs d’exemption me pose une difficulté, car je suis convaincu qu’elle est l’un des leviers dont nous avons besoin pour conduire la transition écologique.
D’autre part, alors que vous invoquiez voilà trente minutes la souveraineté pour que nous n’attendions pas l’Europe sur un certain nombre de sujets, vous souhaitez à présent que nous nous privions de l’argument de la souveraineté dans la définition commune des règles du jeu. Un peu de cohérence, s’il vous plaît…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Rietmann et Perrin, Mmes Estrosi Sassone, P. Martin, Josende et Garnier, MM. D. Laurent, Cuypers et Klinger, Mme Nédélec, M. Bonnus, Mmes Valente Le Hir et Gruny, MM. Bruyen et Allizard, Mme Joseph, MM. Pernot, Favreau et Hugonet, Mmes Pluchet et Noël, MM. Brisson et Michallet, Mmes Puissat et Ventalon, MM. Darnaud, Pellevat, Panunzi, Anglars et Burgoa, Mme Gosselin, M. Reynaud, Mme Deseyne, M. Bouchet, Mme Belrhiti, M. Genet, Mme Dumont, MM. Gremillet et Lefèvre, Mme Imbert, M. Belin, Mmes Canayer et Muller-Bronn, M. Meignen et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
substitution,
insérer les mots :
et à l’exception des textiles techniques à usage industriel
La parole est à M. Olivier Rietmann.
M. Olivier Rietmann. Cet amendement vise à préciser que les interdictions de produits contenant des PFAS prévues à l’article 1er de la proposition de loi ne s’appliquent pas aux textiles techniques à usage industriel.
D’aucuns pourraient penser que les alinéas 8 et 9 prévoient déjà des dérogations suffisamment larges avec la référence aux « utilisations essentielles » et à la « souveraineté nationale », mais le diable se niche dans les détails.
L’expression « usage industriel » nous permet de nous raccrocher au règlement Reach, qui définit trois familles d’utilisateurs.
Quand on évoque la « souveraineté », on pense spontanément à la défense nationale et on oublie souvent l’aéronautique civile, qui a besoin de ces substances pour la fabrication, par exemple, de parachutes, de toboggans d’évacuation, de sièges d’avion, de gaines pour envelopper les câbles électriques, etc.
Il est donc nécessaire de prévoir une dérogation pour les textiles techniques à usage industriel.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La dérogation qui nous est proposée me semble particulièrement circonscrite, car elle se limiterait aux textiles techniques à usage industriel, c’est-à-dire à ceux qui sont utilisés dans le cadre des processus industriels.
Au regard du caractère extrêmement ciblé de l’exemption envisagée, la commission émet un avis de sagesse.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Positive !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le texte prévoit déjà des exemptions, fondées sur trois éléments : l’absence de solutions de substitution, le fait de concourir à la souveraineté et le caractère essentiel.
Je pense que si nous commençons à entrer dans le détail, cela risque vite de compliquer le dispositif. En l’occurrence, ce qui nous est proposé me paraît à la fois trop technique et déjà couvert par la rédaction issue des travaux de la commission : avis défavorable.
M. Jacques Fernique. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 13 est présenté par M. Fernique, Mme Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Corbisez, Mme Varaillas, M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Sont interdites, à compter du 1er janvier 2030, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de tout ustensile de cuisine contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à rétablir l’interdiction de tout ustensile de cuisine contenant des PFAS, mais en retenant la date du 1er janvier 2030, ce qui permet de se laisser un peu de temps.
Nous proposons donc un compromis. Le texte initial incluait également les emballages alimentaires et la version adoptée en commission, à l’Assemblée nationale, maintenait l’interdiction des ustensiles de cuisine contenant des PFAS dès 2026. Cette dernière interdiction avait ensuite été supprimée en séance publique pour des motifs exclusivement économiques, des députés se faisant le relais des inquiétudes d’industriels du secteur.
Nous sommes bien évidemment très attachés à la préservation de l’emploi en France, mais nous estimons qu’elle ne doit pas se faire à n’importe quel prix, surtout quand il s’agit de santé publique. Dans ce cas, nous devons faire preuve de fermeté, tout en prévoyant des mesures d’accompagnement pour les acteurs économiques afin d’assurer la transition et de préserver l’emploi.
La date du 1er janvier 2030, que nous proposons de retenir, laisserait ainsi cinq ans aux industriels pour s’adapter et aux pouvoirs publics pour mettre en place un plan d’accompagnement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Jacques Fernique. Par cet amendement, nous proposons – c’est important – que l’ensemble des matériaux en contact avec les denrées alimentaires destinées aux consommateurs soient couverts par la première vague d’interdictions de la présence de PFAS. L’alimentation est en effet l’une des premières sources de contamination.
Un accord politique européen a déjà été obtenu au mois de mars dernier pour les emballages, avec la révision du règlement concerné. Il reste donc à faire preuve de cohérence sur la question des ustensiles de cuisine. En l’occurrence, le revers subi en séance à l’Assemblée nationale n’a tenu qu’à huit voix.
J’étais avant-hier à Rumilly, où j’ai dialogué avec les associations de riverains et les représentants du syndicat CGT de Tefal. Ces derniers m’ont indiqué avoir retenu la leçon de l’amiante et refuser de rejouer le mauvais film de l’époque. Ils dénoncent cette espèce de chantage à l’emploi, qui masque en réalité une fuite face aux responsabilités. Ils sont bien conscients qu’il y va de l’intérêt même de nos entreprises : c’est en enclenchant dès que possible les dynamiques de transition que nous garantirons au mieux les emplois et la vitalité économique de demain.
Je précise que cette date du 1er janvier 2030 figurait dans un amendement déposé par des députés Horizons, Modem et Renaissance.
Mme Mélanie Vogel et M. Akli Mellouli. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Jean-Pierre Corbisez. Mes collègues Hervé Gillé et Jacques Fernique ont très bien défendu cet amendement.
Le fait que le même dispositif ait été proposé à l’Assemblée nationale par des députés de la majorité prouve que l’objectif peut être soutenu par le plus grand nombre. Faisons le pari qu’il est possible de produire des ustensiles de cuisine accessibles à tous et n’abîmant pas la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Seule une démarche menée de manière concertée à l’échelle de l’Union européenne permettra la régulation effective du recours aux PFAS.
Notre commission a identifié plusieurs critères, parmi lesquels le contact direct avec le public et le fait que les restrictions nationales ne doivent pas se traduire par une hausse des importations de produits contenant ces substances.
De plus, les consommateurs ont déjà la possibilité de faire des choix, compte tenu du large éventail de produits sur le marché.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. M. Corbisez, qui se réjouissait du soutien passé de députés membres de la majorité présidentielle à un amendement similaire, devrait aller au bout de son raisonnement et suivre l’avis de la majorité de l’Assemblée nationale, qui a considéré qu’il n’était pas souhaitable de poser une telle interdiction dans la loi…
Par ailleurs, j’aimerais rappeler que le groupe Seb a pris la décision d’arrêter l’incorporation de PFOA dans ses produits dix ans avant l’interdiction de cette substance, à une époque où personne ne s’intéressait à ce sujet. Taper sur des industriels, dont certains ont pris leurs responsabilités avant même la reconnaissance du caractère cancérogène de certains produits, ne me paraît donc pas très juste, en plus de ne pas être particulièrement pertinent du point de vue de l’emploi.
Je maintiens que la définition des produits concernés doit faire l’objet d’une approche européenne et d’un examen détaillé : avis défavorable. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 13 et 20.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Fernique, Mme Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. S’il est normal et juste de prévoir une valeur résiduelle en dessous de laquelle les interdictions ne s’appliquent pas, nous souhaitons que le décret la fixant soit pris après avis de l’Anses. Il est important de ne pas laisser se diffuser dans l’opinion le soupçon selon lequel cette valeur pourrait être définie en fonction de considérations autres que scientifiques…
Comme l’a souligné M. le rapporteur, l’Anses effectue actuellement un gros travail pour déterminer un certain nombre de valeurs technologiques de référence – il y en a des centaines. C’est ce qui a été convenu dans le cadre de la répartition des tâches entre les différentes agences européennes.
C’est précisément parce que l’Anses est chargée de la mutualisation avec ces agences qu’elle est la plus à même d’émettre un avis pertinent et susceptible de rassurer tout le monde sur la fixation de la valeur résiduelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. L’Anses doit permettre d’identifier des valeurs toxicologiques de référence pour les différentes substances PFAS. L’objectif est non pas de fixer une norme sanitaire, mais de déterminer un seuil permettant de qualifier la présence de traces non intentionnelles dans ces produits.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Fixer la valeur résiduelle, c’est le travail de l’Agence européenne des produits chimiques. Il existe une démarche européenne, avec une agence européenne. Confier cette tâche à l’Anses, alors que cinq agences nationales travaillent sur le sujet, est une fausse bonne idée : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Souyris, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 524-1-…. – Tout ustensile de cuisine contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées doit comporter un étiquetage informant de leur présence selon des modalités précisées par décret.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. En démocratie, comme vous le savez, l’information est le nerf du changement.
« Nos revêtements antiadhésifs sont reconnus comme étant sûrs », peut-on lire depuis quelques semaines sur les panneaux publicitaires faisant la promotion de poêles à frire commercialisées par une marque bien connue. Mais est-ce vraiment certain ? Il n’est évidemment pas précisé sur ces panneaux que les poêles en question contiennent du polytétrafluoroéthylène (PTFE), un fluoropolymère de la famille des PFAS…
Ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé en commission, les consommateurs ont un grand rôle à jouer dans la transition de l’industrie en faisant pression pour un développement rapide et massif de substituts aux PFAS. À cette fin, ils doivent savoir si ces substances sont présentes ou non dans les produits qu’ils achètent.
Cet amendement a donc pour objet de rendre obligatoire un étiquetage informant de la présence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans tout ustensile de cuisine, à l’instar de ce qui a été fait pour le bisphénol A.
M. le président. Le sous-amendement n° 32, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Amendement n° 14, alinéa 3
Après le mot :
polyfluoroalkylées
insérer le mot :
non-polymères
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Ce sous-amendement vise à exclure de l’obligation d’étiquetage ceux des PFAS polymères qui ne présentent pas de danger pour la santé.
Il s’agit d’éviter une concurrence déloyale avec des produits contenant des PFAS mis sur le marché dans les autres États membres de l’Union européenne sans étiquetage, qui, eux, auront accès au marché français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 14, dont l’adoption permettrait de renforcer l’information des consommateurs sur la présence des PFAS dans les ustensiles de cuisine, en attendant une interdiction qui pourrait venir de l’Union européenne.
La commission s’étant réunie avant le dépôt du sous-amendement n° 32, elle n’a pas été en mesure de se prononcer sur ce dernier. À titre personnel, j’estime que son adoption aurait pour effet de vider de sa substance l’amendement n° 14, j’y suis donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Les règles d’étiquetage relèvent d’un règlement européen. Il n’est pas possible de les modifier par un vote du Parlement français.
L’adoption de l’amendement n° 14 aurait pour effet d’introduire dans notre législation une disposition dont nous n’avons aucun doute sur le fait qu’elle ne résisterait pas juridiquement au premier contentieux venu : avis défavorable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe UC.)
Dans l’hypothèse où l’amendement n° 14 serait tout de même adopté, je préférerais qu’il ait été modifié par le sous-amendement n° 32. Mais, encore une fois, ce serait de toute manière adopter une mesure totalement contraire au droit européen.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, il n’y a rien d’illégal à être mieux-disant sur un étiquetage.
Mme Anne Souyris. Le sous-amendement n° 32 vise à exclure de l’obligation d’étiquetage les PFAS polymères, qui, dites-vous, monsieur Pellevat, ne présenteraient « pas de danger pour la santé ». Mais cette affirmation est réfutée par l’OCDE !
Rappelons que les polymères peuvent libérer des substances toxiques à différents stades de leur cycle de vie.
Prenons un exemple parmi tant d’autres : les fluoropolymères présents dans les poêles Tefal sont, lors de la fabrication et du recyclage, à l’origine de rejets de PFOA cancérogènes avérés à Rumilly, à proximité de l’usine.
Les polymères peuvent également se fragmenter en microplastiques, qui sont ensuite ingérés et qui provoquent inflammations, effets toxiques et perturbations endocriniennes.
Ne rejouons pas le match de l’Assemblée nationale : notre amendement ne menace aucune industrie ; au contraire, il protège non seulement les citoyens et les citoyennes, mais aussi l’industrie française.
D’un point de vue sanitaire et industriel, exclure les polymères n’aurait aucun sens au regard des exigences de protection qui sont les nôtres.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 240 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Pillefer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
1° Après la deuxième occurrence du mot :
contrôle
insérer les mots :
, dans les eaux destinées à la consommation humaine,
2° Après le mot :
décret
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Pillefer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
après le mot :
public
insérer les mots :
par voie électronique
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’opportunité d’abaisser la norme de 100 ng/L dans les eaux destinées à la consommation humaine, retenue actuellement dans le suivi de 20 substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées en application de la directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020.
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Par cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité d’abaisser le seuil de 100 nanogrammes par litre pour les vingt PFAS contrôlés actuellement dans les eaux destinées à la consommation humaine.
De nombreuses études scientifiques estiment que ce seuil actuellement en vigueur est beaucoup trop élevé et préconisent de le revoir à la baisse rapidement.
En France, l’Anses avait établi en 2017 une valeur sanitaire maximale de 75 nanogrammes par litre pour le PFOA dans l’eau potable.
Il serait donc particulièrement intéressant de disposer d’un tel rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Il sera sans doute nécessaire de revoir le seuil de 100 nanogrammes par litre pour les vingt PFAS mesurés dans les eaux destinées à la consommation humaine dans les prochaines années.
Néanmoins, comme vous le savez, ce seuil découle directement de la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Il semble donc plus opportun que la révision de ce seuil soit opérée à l’échelle européenne.
Les travaux en cours de l’Agence européenne des produits chimiques permettront d’éclairer une telle décision.
M. Hervé Gillé. Ça n’a aucun rapport !
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous n’avons pas attendu d’être saisis par des parlementaires. Trois procédures sont en cours.
La Commission européenne a saisi l’OMS sur la révision des valeurs.
En France, nous avons saisi l’Anses pour qu’elle nous remette un rapport sur l’intérêt d’une éventuelle baisse des seuils et sur le seuil le plus bas qu’il faudrait retenir. Nous attendons ses conclusions, qui auront évidemment vocation à éclairer la Commission européenne et la représentation nationale, pour la fin de l’année 2024 ou le début de l’année 2025.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, dont l’objectif est satisfait.
M. Hervé Gillé. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
L’amendement n° 9, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’opportunité de créer un comité de la santé environnementale auprès des préfets de département. Ce comité, dont la composition pourrait être précisée par décret, pourrait être composé du représentant de l’état dans le département et de représentants du conseil départemental, des collectivités territoriales, de l’agence régionale de santé, des agences de l’eau, ainsi que de l’ensemble des acteurs de la santé environnementale pouvant utilement apporter leur expertise en vue de mener une politique et des actions efficaces et globales sur un territoire donné.
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Par cet amendement, nous demandons un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de créer un comité de la santé environnementale auprès des préfets de département. Il s’agit ici de décloisonner l’action des acteurs institutionnels sur un même territoire.
La présente proposition de loi démontre la nécessité de créer des lieux d’échanges et de synergies avec l’ensemble des acteurs pour mener des actions et des politiques efficaces en matière, notamment, de lutte contre les pollutions chimiques.
Bien entendu, la composition d’une telle instance se devra d’être pluraliste et représentative. C’est une condition indispensable pour apporter une expertise utile en vue de mener une politique et des actions efficaces et globales sur un territoire donné.
Il faut engager des actions de prévention dès maintenant ; l’adoption de cet amendement y participerait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Comme vous le savez, les demandes de rapport ne sont pas un moyen d’action privilégié au Sénat…
De plus, rien n’interdit aux territoires qui le souhaiteraient de créer un comité si cela se révélait nécessaire. Étudier l’opportunité de l’imposer sur l’ensemble du territoire ne me semble donc pas constituer une priorité à ce stade.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. L’examen de cet amendement constitue un exercice d’humilité pour moi. Il me permet de mesurer que l’action n° 25 du plan interministériel sur les PFAS du 4 avril dernier n’a visiblement pas été intégrée par tout le monde.
Elle prévoit en effet exactement ce que M. Gillé suggère : la possibilité de constituer dans chaque département, sous l’autorité des préfets et en associant l’ensemble des autorités sanitaires, des groupes de suivi des taux de contamination.
Cet amendement étant satisfait, monsieur Gillé, je vous demanderai de bien vouloir le retirer.
M. Hervé Gillé. Je le retire, mais je suivrai cette question…
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
Article 1er bis A
(Supprimé)
Article 1er bis
Après l’article L. 523-6 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 523-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 523-6-1. – La France se dote d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles, de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
« Cette trajectoire, la liste des substances concernées ainsi que les modalités de mise en œuvre du présent article sont précisées par décret. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, M. Henno, Mme N. Goulet, M. Laugier, Mmes Billon et de La Provôté, M. Cambier, Mme Sollogoub, M. Courtial, Mme Gacquerre, M. Lafon, Mmes Perrot, Guidez et Jacquemet, MM. Canévet et Levi, Mme Gatel, M. Duffourg, Mmes Doineau et Romagny, M. Capo-Canellas, Mmes O. Richard et Saint-Pé et MM. Chauvet et Cigolotti, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles
par les mots :
mentionnées à l’article 3 de l’arrêté du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, la liste des substances concernées
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. L’article 1er bis ne fait pas de distinction immédiate entre les rejets de PFAS préoccupants pour la santé humaine ou l’environnement et ceux qui sont par nature non solubles et non biodisponibles.
C’est le cas du polyfluorure de vinylidène (PVDF), polymère produit sans fluorosurfactants sur plusieurs sites en France, dont celui de Solvay, dans mon département, le Jura. Solvay, c’est 1 400 emplois industriels en France.
Le PVDF n’est donc pas considéré comme ayant un effet négatif sur la santé humaine au sens de la recommandation de la Commission européenne. Notre pays est le seul producteur actuel en Europe. Il s’agit d’un composant essentiel à la production de batteries lithium, notamment pour les véhicules électriques ; à ce titre, il revêt donc un intérêt stratégique pour assurer notre souveraineté en matière de transition écologique.
Solvay a bénéficié massivement du plan de relance. Aujourd’hui, des industriels ont besoin d’assurances quant à la pérennité des emplois et au développement des produits sur lesquels ils sont en train de travailler.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous préférez vous en remettre à un décret, mais nous devons rassurer nos industriels et rester vigilants quant aux effets possibles du présent texte.
Je souhaite que le PVDF soit clairement identifié, afin de rassurer les personnes qui travaillent sur le site de Solvay. J’y insiste, nous parlons de 1 400 emplois en France ! (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Renvoyer à la liste des PFAS définie par l’arrêté du 20 juin 2023 revient à en figer le contenu, alors même que la liste des substances concernées par la trajectoire de réduction des rejets aqueux de PFAS pourrait être élargie au gré des capacités des laboratoires à mesurer la présence d’autres substances.
Le cas récent du TFA, que j’évoquais en discussion générale, montre l’importance de n’exclure a priori aucun PFAS de nos politiques de prévention et de surveillance.
De plus, le PFAS évoqué faisant partie des produits « nécessaires à des utilisations essentielles », votre amendement me semble satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Certains sites – je pense par exemple à Arkema – ont pris des engagements de baisse des rejets de PFAS absolument drastiques. Or leurs caractéristiques ne sont guère différentes de celles du site qui se trouve sur votre territoire, madame la sénatrice.
Là où il y a une volonté, il y a des chemins. En l’espèce, nous avons des exemples concrets de chemins en matière de diminution de PFAS.
Autant je pense qu’il faut savoir ne pas aller trop loin, autant on ne peut pas justifier d’une forme d’inaction quand il existe des possibilités d’agir étayées, documentées, avec des sites qui s’engagent.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. Je ne suis pas convaincue par ces arguments.
Voilà deux jours, notre débat sur l’application des lois a bien montré que, quand la loi peut être claire, il faut qu’elle le soit.
Nous avons un message à faire passer : il faut rassurer les industriels. Je me suis entretenue avec le directeur du site de Solvay. Monsieur le ministre, ce texte soulève des enjeux que vous ne pouvez ignorer. Je préfère que la loi soit claire aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Chère collègue, je crois qu’il y a méprise : nous ne sommes plus à l’article 1er ; il est question non pas d’interdire le PVDF dans la fabrication des batteries, mais de tracer une trajectoire de réduction des rejets lors de la phase de production dans les milieux – en l’occurrence le milieu aqueux –, avec comme objectif l’arrêt de ces rejets d’ici à cinq ans.
Peu importe l’usage – certains pensent encore que les polymères sont inoffensifs lorsque le produit est en activité –, essentiel ou pas. S’agissant de maîtriser et de réduire les rejets indésirables dans le milieu aqueux, il est normal que cette substance soit, elle aussi, concernée.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23, présenté par M. Ouizille, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
aqueux
insérer les mots :
et atmosphériques
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Cet amendement vise à inclure les questions atmosphériques dans la trajectoire de réduction des PFAS.
Ceux-ci sont rejetés dans les milieux aqueux comme dans les milieux atmosphériques ; or les effets sur les populations des rejets atmosphériques sont beaucoup plus difficiles à comprendre.
Pour repousser une première fois cet amendement, il m’a été opposé en commission qu’il n’était pas aisé de mesurer les émissions dans l’atmosphère.
Pourtant, il suffit de discuter avec les chimistes, notamment ceux de mon territoire, pour constater combien les processus industriels relèvent d’une mécanique de haute précision : les quantités rejetées sont globalement connues.
Je peux entendre que nous ayons quelques faiblesses sur les outils de contrôle, mais les industriels sont capables d’estimer dans les grandes lignes des quantités qu’ils émettent entre ce qu’ils placent dans la cheminée et ce qui en sort.
Il serait dommage, avant d’entamer un travail sur les cinq prochaines années, de ne pas tenir compte dès à présent de la question atmosphérique.
Enfin, dès lors que l’on réduit les rejets dans les milieux aqueux, mais que l’on peut faire autrement dans d’autres milieux, il ne faut pas exclure le risque d’effets de bord entre milieux.
C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’adopter une approche globale.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Fernique, Mme Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
industrielles
insérer les mots :
et des rejets atmosphériques de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles, dès lors que ces substances sont quantifiables et que leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Je me réjouis que ce texte prévoie une trajectoire de réduction puis d’arrêt des rejets dans le milieu aqueux.
De toute évidence, il est possible de prendre également en compte les rejets dans l’atmosphère, en sortie de cheminée.
Le rapport du député Cyrille Isaac-Sibille, PFAS, pollution et dépendance : comment faire marche arrière ?, qui sert de référence à cette proposition de loi, a pour sous-titre Faire cesser urgemment les rejets industriels des PFAS et recommande d’interdire les rejets industriels indésirables en phase de production.
Cet amendement, similaire à celui de M. Ouizille, a été calibré pour tenir compte de la difficulté à mesurer les rejets atmosphériques et de l’absence de protocole. Il est nécessaire de travailler sur cette trajectoire, dans laquelle nous devrons de toute façon nous engager.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. L’air est en effet un milieu de rejet des PFAS et peut être vecteur de contamination.
Pour autant, comme je l’ai souligné en commission, toute la difficulté réside dans notre capacité à mesurer précisément la quantité de PFAS rejetés dans les milieux atmosphériques.
À ce jour, la méthode n’est pas stabilisée. Il est donc prématuré de se doter d’une trajectoire de réduction des émissions atmosphériques.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je souscris à la finalité de ces amendements.
Toutefois, le Gouvernement y est défavorable, principalement pour des raisons de méthodologie – qu’il s’agisse de la mesure ou de l’interdiction.
L’Anses a été saisie de la question de la caractérisation des rejets par voie atmosphérique.
Par ailleurs, si des normes existent, par exemple, pour les usines d’incinération, quelques biais méthodologiques subsistent pour ce qui est de la mesure de la présence de PFAS dans l’atmosphère. Nous continuons de travailler pour fiabiliser certains éléments.
En tout état de cause, c’est bien une étape vers laquelle nous devons aller. Pour autant, je ne peux soutenir des amendements qui tendent à retenir, pour les rejets atmosphériques, des dispositions semblables à celles que nous appliquons aux rejets aqueux, alors même que nous ne disposons pas des éléments de robustesse nécessaires.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Corbisez, Mme Varaillas, M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette trajectoire intègre les programmes de formation et de transformation d’emplois nécessaires à la réorganisation des activités industrielles mentionnées.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Il faut prendre en compte les salariés des entreprises, qui sont les premiers à être contaminés par ces substances.
Comme l’a rappelé Jacques Fernique, nombre d’entre eux se disent prêts à soutenir l’utilisation de solutions de substitution moins polluantes et plus saines.
Nous souhaitons donc intégrer explicitement dans le texte les besoins de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La définition d’une trajectoire de diminution des rejets aqueux n’est pas le bon support pour intégrer les programmes de formation et de transformation d’emplois.
En l’occurrence, la priorité est à la définition de cette trajectoire. Une fois qu’elle sera définie, il faudra bien évidemment identifier les mesures d’accompagnement les plus opportunes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement pourrait laisser penser qu’il est si compliqué de se débarrasser des PFAS qu’il faudrait mettre en place une formation spécifique.
Les techniques sont connues et éprouvées. Nous avons besoin non pas de nous y former, mais de les généraliser. Je pense aux ions positifs, au piégeage ou encore au charbon actif. Le besoin n’est donc pas tant de se former que d’investir.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement se dote d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérée par les collectivités territoriales responsables des services publics d’eau potable et d’assainissement, que cette gestion soit en régie ou déléguée. Ce plan présente les différentes ressources à la disposition des collectivités pour leur politique de dépollution, le rôle et les missions des agences de l’eau, le rôle de l’État dans l’accompagnement de ces politiques publiques, ainsi qu’un calendrier prévisionnel.
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet, sur l’article.
M. Damien Michallet. Cet article nouveau comble une lacune en cherchant à mieux définir le rôle des agences de l’eau ainsi que celui de l’État dans l’accompagnement des collectivités.
Il recueille une large adhésion et je pressens, monsieur le ministre, que vous adhérerez, vous aussi, à cette proposition de plan d’action interministériel. (M. Jacques Fernique applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Pillefer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer le mot :
gérée
par le mot :
gérées
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Ouizille, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement se dote d’un plan d’action interministériel pour la recherche sur les rejets atmosphériques de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles et l’accompagnement de l’action des collectivités territoriales contre ces rejets. Ce plan présente notamment l’état de la recherche en la matière, les différents leviers de l’État mis à la disposition des collectivités territoriales pour leur permettre d’agir contre ces rejets et contre la présence dans l’air de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. »
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Cet amendement de repli tend à inclure les questions atmosphériques dans la réflexion sur ce plan d’action et d’accompagnement des collectivités.
En effet, certaines collectivités, y compris celle dont je suis l’élu, mettent en place des actions, avec le soutien d’Atmo, par exemple, pour capturer des informations sur la qualité de l’air, notamment sur la présence de PFAS.
Nous saluons bien évidemment l’initiative de la commission : ce plan d’accompagnement des collectivités est utile. Il faut toutefois aller un cran plus loin, en y intégrant les questions atmosphériques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Cet amendement présente deux volets principaux.
Le premier est la volonté de se doter d’un plan d’action pour la recherche sur les rejets atmosphériques. Il est déjà satisfait par le plan d’action interministériel sur les PFAS d’avril 2024.
Le second volet, l’accompagnement des collectivités, est crucial, mais il ne pourra être traité que lorsque le premier aura abouti.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter, modifié.
(L’article 1er ter est adopté.)
Article 2
L’article L. 213-10-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au I et à la fin de la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « au IV » sont remplacés par les mots : « aux IV et IV bis » ;
2° (Supprimé)
3° Il est ajouté un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – La redevance due par une personne exploitant une installation soumise à autorisation en application de l’article L. 512-1 et dont les activités entraînent des rejets de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées est assise sur la masse de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées rejetée par an en raison de ces activités dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte. Le seuil de perception de la redevance est fixé à cent grammes. Le tarif de la redevance est fixé à 100 euros par cent grammes.
« La liste des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sur laquelle est assise la redevance prévue au premier alinéa du présent IV bis est définie par décret. »
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Brisson et Burgoa, Mme Dumont, MM. Favreau et Gremillet, Mme M. Mercier, M. Pellevat et Mme Puissat, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
dans le milieu naturel
par les mots :
dans l’eau
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Afin de renforcer la sécurité juridique de la redevance prévue à l’article 2, cet amendement vise à préciser que celle-ci est assise sur la masse de PFAS rejetés dans l’eau et non dans le milieu naturel.
L’expression « milieu naturel » englobe l’ensemble des milieux – aquatique, terrestre, végétal, atmosphérique… – constituant l’environnement. Or il n’est pas possible de déterminer de manière exhaustive l’ensemble de ces émissions pour des raisons techniques et économiques.
Près d’un an après l’arrêté de juin 2023 exigeant la mesure des rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) relevant du régime de l’autorisation, seulement un tiers des résultats sont disponibles.
Au-delà de certaines difficultés techniques, cette situation résulte du nombre limité de laboratoires capables de réaliser ces mesures. Une analyse dans l’eau coûte environ 300 euros, alors qu’une analyse dans l’air coûte au minimum 10 000 euros.
Souvent, plusieurs points de mesure dans l’air sont nécessaires par installation, alors que les mesures des rejets aqueux sont généralement regroupées au niveau d’un point de sortie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. J’ai une lecture différente de cet amendement, que je considère comme satisfait.
Compte tenu des règles qui s’appliquent aux redevances de manière large, c’est bien le milieu naturel qui, à la fin, est visé.
Je suis favorable à la mise en place d’une redevance, car elle permet de décliner le principe pollueur-payeur, auquel je sais votre attachement, à l’échelon des collectivités territoriales.
Si je me réjouis que le Sénat ait avancé dans cette direction, j’émets toutefois, sur l’amendement de Mme Berthet, un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Remplacer le montant :
100
par le montant :
200
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. L’article 2 vise à assujettir à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique toutes les ICPE dont les activités rejettent des PFAS dans le milieu naturel, directement ou par un réseau de collecte.
Dans le texte issu de l’Assemblée nationale, le seuil de perception est fixé à 100 grammes et le montant de la redevance à 100 euros par 100 grammes, ce qui nous semble insuffisant.
Nous proposons de doubler ce tarif pour le porter à 200 euros pour 100 grammes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. À ce stade, il me semble préférable d’en rester au montant proposé dans le texte issu de l’Assemblée nationale.
Nous avons besoin de recul sur les conséquences de cette nouvelle taxe, que nous pourrons envisager de faire évoluer dans un second temps seulement, par exemple à l’occasion d’un projet de loi de finances : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 213-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , et pour pollution liée aux substances per- et polyfluoroalkylées » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article concernant le recouvrement de la redevance pollution liée aux substances per- et polyfluoroalkylées. » ;
2° La sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un paragraphe … ainsi rédigé :
« Paragraphe …
« Redevance pour pollution issue des produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées
« Art. L. 213-10-…. – Est soumise à la redevance pollution liée aux substances per- et polyfluoroalkylées la mise sur le marché de produits qui contiennent des substances per- et polyfluoroalkylées.
« Pour les produits mentionnés au premier alinéa, le taux de redevance pour l’ensemble du territoire national est fixé par décret.
« La redevance est exigible auprès des personnes qui mettent sur le marché les produits mentionnés au même premier alinéa à partir du 1er janvier 2025. Le fait générateur de la redevance est alors la mise sur le marché, à titre onéreux ou gratuit, de ces produits.
« Pour les produits mentionnés audit premier alinéa, les sommes collectées permettent de proposer de nouvelles actions ou de renforcer les actions accompagnées par les agences de l’eau dans le domaine de la prévention et des modifications des pratiques, mais aussi d’amélioration de la collecte et du traitement des eaux usées.
« Les distributeurs de produits générant des substances per- et polyfluoroalkylées visés au même premier alinéa, font apparaître le montant de la redevance qu’ils ont acquittée au titre du produit distribué sur leurs factures. »
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à prendre en compte l’ensemble des sources de pollution de l’eau par les PFAS.
Des pollutions diffuses sont émises dans le cycle de l’eau par l’utilisation de produits contenant des PFAS. Ces contaminations affectant les eaux pluviales usées, il est normal que la mise sur le marché de ces produits donne lieu au paiement d’une redevance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. L’intention est louable, mais la prise en compte d’un plus grand nombre de sources de pollution, ainsi que des contaminations liées aux produits fabriqués à l’étranger, rendrait dans les faits une telle redevance inapplicable – cela supposerait en effet de connaître la composition de chaque produit mis sur le marché.
Un travail est déjà engagé à l’échelle de l’Union européenne pour mettre en œuvre une filière à responsabilité élargie du producteur pour les micropolluants. Il semble donc préférable de nous inscrire dans cette réflexion plus globale : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je n’entrerai pas dans le détail, car nous touchons là à la directive européenne sur les eaux usées.
La mise en place de la redevance est une première brique. Consolidons le socle avant de réfléchir à l’ajout d’autres dimensions et à leur imbrication : avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Les agences régionales de santé rendent publics le programme des analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional. À partir de ces résultats, le ministre chargé de la santé publie chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France au regard des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par Mme Souyris, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Première phrase
Après le mot :
humaine
insérer les mots :
et notamment les eaux conditionnées en bouteille destinées à la consommation humaine,
La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Hervé Gillé. Cet amendement, que nous avions également déposé en commission, vise à rendre publiques les analyses effectuées par les ARS sur les eaux vendues en bouteille destinées à la consommation humaine.
J’ai rappelé en discussion générale la situation bien connue des eaux minérales et des eaux de source. Cet amendement est donc particulièrement important.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Anne Souyris. Alors que l’Assemblée nationale a examiné la présente proposition de loi voilà deux mois, Le Monde et Radio France ont révélé que l’Anses avait détecté la présence de PFAS dans les sources utilisées par Nestlé Waters pour ses eaux en bouteille commercialisées sous les marques Hépar, Perrier, Vittel et Contrex.
L’inspection générale des affaires sociales (Igas) indiquait alors qu’il ne serait pas « prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire ».
Eu égard à ces éléments, la commission des affaires économiques a créé une mission flash sur les politiques publiques en matière de contrôle du traitement des eaux minérales naturelles et de source, dont notre collègue Antoinette Guhl est rapporteure.
Il revient évidemment à la justice de déterminer s’il y a eu tromperie des consommateurs de la part des industriels dans le cas particulier de Nestlé Waters, mais il nous revient aussi de renforcer le contrôle de la présence des PFAS dans les eaux conditionnées en bouteilles destinées à la consommation humaine.
Ainsi, cet amendement vise à assurer la publication des analyses effectuées sur ces eaux par les agences régionales de santé.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Les agences régionales de santé sont chargées du contrôle sanitaire des eaux conditionnées en application du code de la santé publique.
Au regard de ces éléments, la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 5 et 17.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements pour les mêmes raisons. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe GEST.)
Nous avons besoin d’un parallélisme des formes. Ces deux amendements permettent d’éviter des décalages dans la réglementation.
Nous faisons face à un enjeu de santé publique. Dès lors que nous adoptons cette mesure pour les eaux municipales, il n’y a aucune raison d’agir différemment pour les eaux conditionnées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 17.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par :
1° (Supprimé)
2° La création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° La création d’une taxe additionnelle d’un pour cent sur les bénéfices générés par les industries rejetant des substances per- et polyfluoroalkylées dans l’environnement parmi les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 000 000 euros ;
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à rétablir la création d’une taxe additionnelle sur les bénéfices générés par les industries rejetant des PFAS.
Cette disposition était présente dans le texte initial avant d’être supprimée à l’Assemblée nationale.
Cette taxe pollueur-payeur est importante. Nous proposons de la réintroduire à hauteur de 1 % des bénéfices enregistrés par les industries redevables de l’impôt sur les sociétés dès lors qu’elles réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La taxe que cet amendement vise à rétablir affiche deux principales limites. D’une part, elle ne présente pas de caractère proportionnel : son taux n’est pas corrélé au volume de rejet de PFAS, ce qui ne correspond pas à une logique de pollueur-payeur. D’autre part, elle vient s’ajouter à la création d’une première redevance, prévue à l’article 2 de la proposition de loi.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous créons déjà une redevance au travers de ce texte. En outre, les cas d’utilisation sont différents et, pour nombre d’entre eux, l’interdiction des PFAS n’est pas envisagée. En pharmacie, par exemple, certaines molécules, qui sont des PFAS, permettent de traiter des infections ou des pathologies particulières.
Monsieur Gillé, dans sa rédaction actuelle, le texte prend en compte un enjeu écologique, pose un principe de pollueur-payeur et contient des dispositions pour améliorer la santé et accompagner nos concitoyens.
À ce titre, il fait l’objet d’un large consensus. Ne basculons pas dans la facilité d’un impôt qui prêterait le flanc à la critique quant aux motivations réelles de ce texte.
Vous gagneriez à retirer votre amendement pour ne pas donner le sentiment que cette taxe sur les bénéfices est aussi importante que les dispositions constructives et consolidées que nous venons de retenir.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Nous y sommes !
Le Sénat, hier en commission, aujourd’hui en séance publique, a bien actionné son potentiel transpartisan constructif. Il a fait œuvre utile en marquant sa détermination à agir de manière cohérente pour lancer trois chantiers convergents qu’il faut maintenant conduire de front.
Le premier chantier est en amont : il faut mettre fin, au stade de la production, aux fuites et aux rejets industriels de PFAS dans les milieux. C’est ce que prévoit l’article 1er bis, qui dessine une trajectoire pour en finir, à terme, avec les rejets industriels de PFAS dans l’eau.
Le deuxième chantier concerne le marché. Il faut commencer à fermer le robinet qui déverse tellement de produits à PFAS sur le marché. À cet effet, l’article 1er vise trois usages très émetteurs : cosmétiques, farts de ski et textile.
En engageant ces premières interdictions, notre pays accélérera la prise de conscience par les industriels de la sortie programmée de l’utilisation des PFAS et encouragera le développement des solutions de remplacement. Ces dispositions serviront d’aiguillon pour la future réglementation européenne.
Enfin, le troisième chantier est en aval : il s’agit de mesurer, réparer et traiter les dégâts, de s’attaquer aux stocks accumulés dans nos déchets, dans la chaîne alimentaire et, en priorité – nous y avons consacré largement nos travaux du jour –, dans nos réserves d’eau. Tel est l’objet de la deuxième partie de l’article 1er et des articles 1er ter, 2 et 2 bis.
Il est important de le dire : le Sénat, chambre des territoires, a particulièrement rempli son rôle en améliorant ce texte pour aider et outiller les collectivités locales et leur donner des moyens.
Les acteurs des collectivités locales comptent sur les parlementaires pour faire face à l’enjeu colossal des contaminations aux PFAS, qui les concernent au premier chef en raison de leurs compétences en matière de gestion publique de l’eau.
Nous avons apporté une première réponse au travers de l’amendement « Michallet » sur le plan de financement de la dépollution de l’eau. Autant dire que la volonté est transpartisane.
S’il n’a pas été possible d’aller plus loin que la redevance aux PFAS pour les plus gros émetteurs de rejets industriels du texte initial, ce premier pas est significatif de la volonté d’actionner le levier pollueur-payeur.
C’est donc une belle étape. Merci à Nicolas Thierry, auteur de cette base de travail, sur laquelle nous nous sommes beaucoup appuyés.
Nous passons le relais à l’Assemblée nationale, pourquoi pas pour un vote conforme, de façon que nos concitoyens, nos milieux, nos collectivités et nos entreprises puissent profiter de ce bon travail. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous avons plutôt bien travaillé. Malgré nos divergences, qui font que ce texte présente quelques insuffisances, nous avons fait œuvre utile en cherchant à protéger la population des PFAS.
Ce texte est important pour notre santé à toutes et tous, ainsi que pour notre environnement.
Il l’est aussi pour certains de nos territoires. Je pense notamment aux habitants du Rhône et de la métropole de Lyon, et aux riverains des sites industriels, en particulier aux habitants d’Oullins-Pierre-Bénite et de la vallée de la chimie, qui manifestaient encore dimanche dernier pour réclamer sécurité sanitaire et transparence aux industriels.
Ce texte est important pour les salariés de ces industries, qui sont exposés à ces produits, parfois au mépris des règles de protection.
Il est important évidemment pour nos collectivités, qui sont confrontées à la pollution des eaux et des sols.
Certes, ce texte ne répond pas à toutes nos inquiétudes ni à tous les problèmes soulevés par les PFAS, mais il représente un premier pas dans la direction d’une économie plus responsable et d’une meilleure application du principe pollueur-payeur.
Enfin, nous n’aurions pas travaillé sur cette question aussi rapidement sans le travail essentiel d’importantes enquêtes journalistiques, souvent menées par un service public de l’audiovisuel indépendant et rigoureux. Dans le contexte actuel, nous devons aussi les saluer.
Merci à toutes celles et à tous ceux qui voteront en faveur de ce texte ; merci pour les habitants du Rhône et de la métropole de Lyon ; merci pour ce premier pas dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Mes chers collègues, je tenais très sincèrement à vous remercier.
Ce travail transpartisan débouche sur une première brique essentielle pour commencer à travailler en profondeur sur un plan d’action et de prévention, dont les objectifs seront de réduire la production des PFAS en amont, à la source, et en aval, dans l’ensemble des processus industriels.
Certes, nous pouvons être déçus des moyens qui y sont consacrés ; mais ce texte permet à la France d’envoyer un signal fort et très puissant, qui résonne avec son positionnement à venir à l’échelle européenne : il faut avancer le plus rapidement possible sur ce sujet.
Enfin, nous envoyons également un signal – à cet égard, je remercie M. le ministre de ses propos – aux industriels du secteur des eaux minérales et de source. Le sujet concerne l’ensemble des eaux destinées à la consommation humaine.
N’oublions pas, mes chers collègues, que les PFAS sont permanents : ils se concentrent dans les êtres humains, qui sont les derniers maillons d’une chaîne alimentaire.
Face au danger, il nous faut agir dès maintenant.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je salue le travail transpartisan qui a été réalisé, notamment en commission. Son rapporteur a été particulièrement constructif.
Je salue également le travail de l’ensemble des chefs de file, notamment Anne Souyris et Jacques Fernique.
Ce texte est le fruit d’un long cheminement, entamé grâce aux lanceurs d’alerte et ONG qui ont mis ce sujet sur la table.
Il faut dire que le scandale des PFAS a éclaté voilà vingt-cinq ans aux États-Unis. Il aura donc fallu attendre autant d’années pour débattre du sujet en France.
Je voudrais souligner également le travail parlementaire réalisé par Nicolas Thierry, à l’Assemblée nationale.
Beaucoup reste à faire, mais nous avons bien avancé.
Ce texte est particulièrement attendu, par chacun d’entre nous pour des questions sanitaires, mais aussi par les collectivités.
À cet égard, les apports de mon collègue Damien Michallet visant à soutenir les collectivités sont importants. C’est à elles qu’il reviendra en effet de gérer ces questions liées à l’eau.
Le texte issu de l’Assemblée nationale constituait déjà, sur cet aspect, une très bonne base, en ce qu’il indiquait des moyens de financement. Il faudra bien sûr compléter ces dispositions, car nous savons tous, vu l’ampleur du sujet, que ces moyens ne suffiront pas.
En tout état de cause, nous avons réalisé une belle avancée.
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet, pour explication de vote.
M. Damien Michallet. Je perçois dans les propos de mes collègues une véritable admiration pour l’article que nous avons introduit afin d’accompagner les collectivités. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
« Admiration », le mot serait-il trop faible ? (Nouveaux sourires sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Vénération !
M. Damien Michallet. Le texte transmis au Sénat était particulièrement dogmatique.
Je tiens à exprimer ma sincère amitié à notre rapporteur, car il a fait le job, et ce dans un temps très court. Ce texte est très technique, presque d’ordre scientifique. Nous avons réussi à l’amender, chacun a pu s’exprimer et nous sommes finalement parvenus à un consensus.
Celui-ci repose sur trois éléments clés.
Le premier, évidemment, c’est la protection des habitants. Il s’agit de les accompagner, de les écouter, d’observer ce qu’il se passe, et d’éviter les scandales, dans une démarche proactive.
Le deuxième élément concerne les entreprises. Nous avons réussi à ne pas les montrer du doigt. Comme le ministre l’a dit, nombre d’entre elles ont été proactives à bien des égards ; elles le sont déjà sur la question des PFAS, et elles continueront de l’être. Laissons-les faire ce qu’elles savent bien faire, poursuivre leurs efforts de recherche et de développement. C’est ainsi que nous avancerons ensemble, avec nos industriels, sur la bonne route.
Le dernier élément a trait aux collectivités territoriales. Celles-ci étaient les grandes absentes de la proposition de loi ; elles en constituent désormais quasiment la colonne vertébrale. N’oublions pas, monsieur le ministre, que ce sont elles qui auront, à la fin, la charge de mettre en œuvre cette politique. Il convient donc de ne pas les laisser seules et de les accompagner jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Nous étions favorables à un texte qui encadre et accompagne, mais qui n’ait pas d’effet guillotine pour l’industrie et pour les emplois. Le texte auquel nous sommes parvenus nous semble équilibré et c’est pourquoi les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dans leur très grande majorité, le voteront.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents, moins une abstention. (Applaudissements sur toutes les travées.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à saluer, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, le travail constructif que nous avons réalisé. Il montre la volonté de la majorité sénatoriale de travailler dans l’intérêt général et d’être à l’écoute de l’opposition. Cette dernière a d’ailleurs reconnu, notamment le groupe GEST – et je l’en remercie – que le rapporteur a tenu compte des avis de tous les groupes.
Je tiens ensuite à féliciter notre rapporteur de son travail, qu’il a réalisé dans des conditions qui n’étaient pas simples. Avant qu’il ne soit désigné pour occuper cette fonction, je lui avais indiqué que ce dossier était complexe.
Monsieur le rapporteur, vous venez de réaliser votre premier rapport législatif au Sénat, alors que vous avez été élu récemment. Vous avez réussi votre examen de passage avec brio et effectué un travail constructif, chacun l’a reconnu. Bravo pour ce premier rapport ! (Applaudissements.)
Je remercie aussi le Gouvernement, qui a soutenu cette proposition de loi très importante pour nos concitoyens et nos entreprises. Ce texte démontre qu’il est possible d’articuler de manière constructive nos politiques en matière d’environnement et d’économie. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Le Sénat a démontré une nouvelle fois que la sagesse qu’on lui prête parfois est une réalité. Ce texte est opérationnel, concret. Il permettra d’articuler plus facilement les différents niveaux d’action entre eux – territorial, national et européen –, tout en envoyant le signal clair qu’il ne faut pas tout attendre des échelons supérieurs.
Je me réjouis de l’adoption de ce texte. L’action à l’échelon européen sera facilitée, tandis que le rôle de l’échelon territorial est affirmé. Nous pourrons donc collaborer et avancer. Bravo et merci à toutes celles et à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, ont permis d’aboutir à ce résultat.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Retrait-gonflement de l’argile
Rejet d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (proposition n° 513, résultat de travaux n° 614, rapport n° 613).
Discussion générale
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat, créé en 1982, a indemnisé en quarante ans plus de 3,3 millions de sinistrés en France, pour un montant total proche de 45 milliards d’euros.
Dans ce cadre, 800 000 assurés ayant subi des dégâts matériels liés à des phénomènes de sécheresse ont bénéficié d’une couverture assurantielle, assortie d’une réassurance publique, pour un montant de 16 milliards d’euros.
Permettez-moi donc de rappeler, à titre liminaire, que ce régime est l’un des plus généreux et des plus protecteurs au monde face aux effets des catastrophes naturelles.
La France est d’ailleurs le seul pays dans lequel les dommages liés au retrait-gonflement des argiles font l’objet, de manière obligatoire, d’une couverture assurantielle.
Ce régime peut être considéré comme une fierté nationale, un modèle pour la résilience de notre société face au changement climatique. C’est aussi un exemple d’articulation réussie entre les mécanismes de marché et l’intervention de l’État, dont s’inspirent actuellement plusieurs pays.
Pour autant, ce régime demeure perfectible et a fait l’objet de nombreuses adaptations ces derniers mois. Lors de l’examen de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, le 6 avril 2023, le Gouvernement avait détaillé les travaux en cours pour renforcer le cadre d’indemnisation des sinistres liés à la sécheresse, à la suite de la promulgation de l’ordonnance du 8 février 2023.
Nous avons respecté nos engagements.
L’assouplissement des conditions de reconnaissance des phénomènes de sécheresse a été confirmé dans une circulaire signée le 29 avril 2024. Le Gouvernement a introduit un nouveau critère : la succession anormale de sécheresses d’ampleur significative. Une commune limitrophe d’une commune reconnue en état de catastrophe naturelle à la suite d’une sécheresse pourra également bénéficier, sous certaines conditions, de la même reconnaissance.
Ces améliorations, qui étaient attendues par de nombreux élus et sinistrés, permettront d’augmenter en moyenne de 17 % chaque année le nombre de communes reconnues, selon les études d’impact réalisées par Météo-France et la Caisse centrale de réassurance.
Le décret publié le 5 février 2024 renforce la prévention contre de futurs sinistres en précisant les conditions de mise en œuvre de l’obligation d’affecter l’indemnité d’assurance, perçue au titre d’un sinistre reconnu catastrophe naturelle, à la réalisation effective des travaux de réparation durable de l’habitation.
Le décret prévoit toutefois, à titre d’exception, que cette obligation ne s’applique pas lorsque le montant des travaux de remise en état du bien est supérieur à sa valeur avant le sinistre. Cette exception répond à l’article 2 bis de la proposition de loi.
En outre, l’indemnisation est désormais centrée sur les sinistres susceptibles d’affecter la solidité ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé. Il s’agit d’accompagner en priorité les sinistrés confrontés à des dommages matériels affectant leur habitation et qui sont susceptibles d’entraîner, à terme, des dommages graves sur celle-ci s’ils ne sont pas traités précocement. Comme nous nous y étions engagés, les « petits » sinistres qui peuvent s’aggraver et entraîner des désordres affectant l’habitation restent donc inclus dans le périmètre de la garantie.
L’information des citoyens, en tant que futurs acquéreurs, est également renforcée : lors de la vente d’un bien immobilier assuré, le vendeur devra informer l’acquéreur, dans l’état des risques annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente, si le bien a subi des désordres qui ont été indemnisés ou qui sont indemnisables.
Par ailleurs, le Gouvernement a consulté de nombreuses parties prenantes dans le cadre de l’élaboration en cours du projet de décret encadrant les experts d’assurance intervenant après une sécheresse. Le texte sera bientôt finalisé et sera mis en consultation dans les prochaines semaines, en vue d’une publication d’ici à la fin d’année.
Enfin, le Gouvernement a décidé de relever, à compter de 2025, le taux des surprimes CatNat. Cette mesure vise à rétablir l’équilibre du régime et à financer les évolutions récentes introduites par la loi. Ces ressources complémentaires ne permettront nullement cependant de compenser le surcoût induit par les dispositions de la présente proposition de loi.
Le Gouvernement a aussi missionné, à l’été 2023, trois experts pour qu’ils formulent des propositions afin d’adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques. Leur rapport, public, a été remis à Bruno Le Maire et Christophe Béchu en avril dernier. Il contient de nombreuses recommandations visant notamment à maintenir une offre d’assurance accessible à tous ou à renforcer la prévention des risques naturels et l’adaptation face au changement climatique. Certaines recommandations constituent des priorités pour le Gouvernement et feront l’objet de consultations approfondies d’ici à l’été.
Le Gouvernement prévoit en outre de mettre en œuvre les orientations et les mesures retenues dans le troisième plan national d’adaptation au changement climatique.
Les nombreuses adaptations du régime CatNat réalisées au cours de l’année écoulée répondent ainsi à certaines des interrogations et des demandes formulées dans la proposition de loi examinée aujourd’hui.
Sur le fond, le Gouvernement est défavorable à ce texte.
En premier lieu, le Gouvernement a d’ores et déjà répondu à l’essentiel des dispositions figurant dans la proposition de loi, notamment à l’article 1er, par la circulaire du 29 avril dernier.
Nous considérons, en outre, que la définition des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doit continuer de relever du niveau réglementaire, compte tenu de leur technicité et de la nécessité de les faire évoluer régulièrement à la lumière de l’amélioration des connaissances scientifiques sur les phénomènes considérés.
En second lieu, les dispositions de cette proposition de loi n’ont pas été préalablement chiffrées ni a fortiori financées. Loin d’être indolore, comme cela a pu être indiqué dans la presse, cette proposition de loi représente pour le régime un surcoût annuel estimé à un milliard d’euros par le Gouvernement.
Il faut être clair : ce sont les assurés qui, collectivement, paieront, chaque année, ce milliard d’euros additionnel, car le régime CatNat est fondé sur le principe de solidarité et de mutualisation entre les assurés.
M. Ronan Dantec. C’est le principe de l’assurance !
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Ce qui est en jeu, c’est non seulement la capacité du régime à retrouver un équilibre permettant d’assurer sa pérennité, mais aussi la capacité des assurés – ménages, entreprises et collectivités – à souscrire une offre d’assurance à un prix accessible.
La commission des finances du Sénat l’a d’ailleurs bien noté, en soulignant que cette proposition de loi « aggraverait la situation des sinistrés et remettrait en cause l’intégrité du régime CatNat ».
En troisième lieu, l’absence d’étude d’impact masque l’effet très incertain, malgré leur coût indéniable, de certaines propositions. Les sinistrés seront-ils réellement mieux indemnisés si cette proposition de loi est adoptée ? Nous en doutons.
Tout d’abord, les articles 1er quater et quinquies prévoient le financement par l’assurance des contre-expertises et l’obligation de recourir à un professionnel inscrit au tableau national des experts compétents en matière de retrait-gonflement des argiles (RGA). Ces mesures ne nous semblent pas opportunes. Pourront-elles d’ailleurs être mises œuvre ? Une difficulté tient à la disponibilité des experts compétents en matière de sécheresse.
Comme je l’ai indiqué précédemment, le Gouvernement travaille actuellement à préciser les obligations incombant aux experts désignés par les assureurs, le contenu du rapport d’expertise, ainsi que les modalités et les délais de l’élaboration de ce dernier. Par ailleurs, la profession d’expert d’assuré n’est à ce jour encadrée par aucun texte de loi et n’est soumise à aucune obligation en termes de compétence professionnelle. Des dérives sont ainsi, malheureusement, constatées.
Si les risques d’effets d’aubaine, aux frais du régime, et donc des assurés, sont évidents, la perspective d’une amélioration de l’indemnisation perçue par les sinistrés est, quant à elle, beaucoup plus incertaine.
Ensuite, la présomption simple de causalité prévue à l’article 2 pose un problème principiel et un problème de fond, qui pourraient in fine être préjudiciables aux sinistrés.
En effet, au-delà du principe fondamental du droit civil, défini par l’article 1353 du code civil, selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver », faire porter sur l’assureur la charge de la preuve qu’un sinistre n’est pas la conséquence d’un phénomène de retrait-gonflement des argiles entraînera la réalisation d’études techniques complémentaires, qu’un simple constat permettrait souvent d’éviter. Cela allongera inutilement les délais d’indemnisation et augmentera la charge de gestion, laquelle sera répercutée sur les primes d’assurance.
Enfin, toujours en ce qui concerne ce même article, les experts soulignent, de manière unanime, que le caractère systématique de l’étude de sol géotechnique ne peut qu’entraîner des délais de gestion insoutenables, qui se répercuteront sur les délais de traitement et d’indemnisation des sinistres. Dans de nombreux cas, il n’est pas justifié de procéder à une telle étude : celle-ci vise à analyser le sous-sol, mais ne permet pas d’établir le lien de causalité avec le dommage constaté. Sa nécessité doit être appréciée en fonction des situations, selon les sinistres.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne soutient pas ce texte et partage les conclusions de votre commission, qui ne l’a pas adopté.
Je connais d’ailleurs, madame la rapporteure, votre implication sur ces questions, comme en témoigne la proposition de loi que vous avez déposée récemment.
Le Gouvernement se tient bien entendu à la disposition des parlementaires pour identifier, de manière concertée, des adaptations utiles, pragmatiques et finançables du régime CatNat, comme cela a déjà été le cas avec succès dans le passé, notamment lors de l’élaboration de la loi relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, adoptée en 2021, qui avait été déposée sur l’initiative du député Stéphane Baudu.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certains ici s’étonneront sans doute de la présence de la ministre chargée des relations avec le Parlement au banc du Gouvernement pour l’examen de ce texte, mais c’est peut-être parce que le sujet que nous abordons est profondément interministériel : il concerne en effet à la fois le ministère de l’intérieur, pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, le ministère de l’économie, pour l’indemnisation et le fonctionnement du marché des assurances, ainsi que le ministère de la transition écologique, pour la prévention.
La problématique du retrait-gonflement de l’argile et, plus largement, des catastrophes naturelles dépend de ces trois acteurs. Lorsque l’on étudie le sujet, il convient donc d’envisager, sans les dissocier, les décisions qu’ils peuvent chacun prendre, car elles ont des incidences fortes sur l’équilibre du régime et sur sa soutenabilité à long terme.
Ce sujet n’est pas nouveau, nous en avons déjà largement discuté. Mme la ministre a rappelé la loi Baudu, qui a été promulguée à la fin de l’année 2021. Je ne peux pas ne pas souligner que celle-ci était une reprise, parfois imparfaite, de travaux antérieurs du Sénat, notamment de la proposition de loi issue de la mission d’information sénatoriale de 2019, dont Michel Vaspart était le président et Nicole Bonnefoy la rapporteure.
En 2021, nous avions collectivement considéré que la proposition de loi Baudu constituait un premier pas, parce qu’elle s’intéressait particulièrement à tout ce qui relevait de la compétence du ministère de l’intérieur, mais nous avions constaté qu’il serait nécessaire de revenir très rapidement sur la question du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, sous un angle financier.
Nous y voilà, trois ans et demi plus tard, durant lesquels peu a été fait. C’est sans doute ce qui explique que le groupe écologiste de l’Assemblée nationale ait déposé ce texte, qui a été adopté par l’Assemblée nationale. Ce ne sera pas une surprise, je suis défavorable à chacun de ses articles, pour des raisons très différentes.
Tout d’abord, une partie des articles sont satisfaits. En effet, le texte ayant été déposé à l’Assemblée nationale en février 2023, discuté en séance publique en avril de la même année, son examen a été concomitant de la préparation et de la publication de l’ordonnance du 8 février 2023, dont les textes d’application réglementaires n’ont été publiés que très récemment : l’un d’entre eux l’a été au mois de février et un autre, très important, au mois de mai.
Mme la ministre nous a indiqué que le décret sur les experts d’assurance devrait être publié dans les prochaines semaines, quand on nous l’annonçait dans les prochains jours lorsque nous menions nos travaux.
C’est parce que les mesures d’application ont tardé à être prises que les parlementaires se sont saisis de la question et tentent d’y apporter des réponses.
Ensuite, d’autres articles sont particulièrement inopportuns, notamment ceux qui constituent des demandes de rapports. En effet, les études publiées sur le sujet s’empilent déjà : le rapport Bonnefoy de 2019, les rapports sur la proposition de loi Baudu, les rapports de la Cour des comptes, ceux des missions d’inspection, deux rapports de la commission des finances du Sénat, un autre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, sans oublier le dernier en date, le rapport Langreney. (M. Thierry Cozic proteste.) Les acteurs du secteur ont tous été auditionnés : nous connaissons tous la situation et savons ce qu’il faut faire pour assurer la soutenabilité du régime.
J’en viens maintenant aux problèmes de fond.
L’auteure de la proposition de loi a déclaré que mon opposition à ce texte était une question d’ego… J’en fais plutôt une affaire d’éco, c’est-à-dire d’économie. Je ne suis pas professeur d’économie, contrairement à elle, mais mes connaissances en la matière me font dire que nous ne pouvons pas adopter une telle proposition de loi si l’on est attentif aux finances publiques – Mme la ministre a rappelé le coût de cette proposition de loi –, aux risques très importants qu’elle ferait peser sur le fonctionnement du marché de l’assurance (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.) et à l’équilibre de notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Nous sommes tous ici attachés à ce dispositif, qui constitue une spécificité française et qui permet d’assurer une protection à chaque citoyen en tout point du territoire national, quelle que soit son exposition aux différents aléas naturels.
Certaines dispositions de cette proposition de loi sont pertinentes sur le fond ; elles sont d’ailleurs incluses dans la proposition de loi que j’ai déposée au nom de la commission des finances du Sénat, mais celle-ci couvre un périmètre plus large que le retrait-gonflement des argiles. En effet, en ce qui concerne les experts par exemple, les difficultés sont les mêmes qu’il s’agisse d’évaluer un préjudice consécutif à une inondation, à une subduction, à un écoulement de boue ou à un retrait-gonflement de l’argile. Il faut donc légiférer sur les catastrophes naturelles dans leur ensemble. Il importe notamment de renforcer significativement toutes les actions de prévention, et pas uniquement celles qui sont liées au retrait-gonflement des argiles.
Je vous tends la perche, madame la ministre !
Malgré la bonne volonté dont le Gouvernement assure faire preuve sur ce sujet, je crains une certaine latence. J’ai peur que les choses n’aillent encore trop lentement. Vous avez évoqué le rapport Langreney, madame la ministre, mais ses propositions ne sont pas orthogonales – vous pourrez aisément le constater – à celles qui figurent dans la proposition de loi transpartisane de la commission des finances du Sénat, qui est déjà cosignée par près de 160 parlementaires.
Nous vous proposons ainsi une réponse immédiate, susceptible d’être adoptée dès la reprise de nos travaux en octobre, alors que vous prévoyez d’intégrer les recommandations de la mission dans votre plan national d’adaptation au changement climatique, dont on ne connaît toujours pas la teneur. Il devrait être présenté après la période de réserve liée aux élections européennes. Ensuite, il faudra organiser des consultations, ce qui allongera encore les délais. Puis il vous faudra trouver un véhicule législatif pour agir.
Les dispositions nécessaires pour assurer la soutenabilité du régime CatNat à long terme ne relèvent pas uniquement du périmètre de la loi de finances. Ce support ne suffira donc pas. Il faut aussi modifier les codes de la construction ou de l’environnement.
Nous vous proposons donc un vecteur législatif spécifique, bien identifié, susceptible d’être adopté en octobre 2024. Nous espérons que le Gouvernement sera au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contre toute attente, cette proposition de loi risque d’aggraver la situation des sinistrés du retrait-gonflement de l’argile dans la mesure où elle remet en cause l’intégralité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : alors que près de 50 % du territoire est exposé au risque de RGA et que plus de 10 millions de maisons individuelles sont concernées, les conditions d’indemnisation prévues par le régime CatNat sont à l’évidence non seulement datées, mais, qui plus est, insuffisantes.
Concrètement, la moitié des dossiers d’indemnisation déposés sont classés sans suite, un quart d’entre eux seulement donnent lieu à une indemnisation. De nombreuses communes touchées par la sécheresse se voient refuser l’éligibilité au régime CatNat, puisque 50 % seulement des demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sont acceptées.
Or, en raison de l’augmentation des températures et du réchauffement climatique, le coût des sinistres liés à la sécheresse pourrait dépasser les 40 milliards d’euros entre 2020 et 2050, soit quasiment trois fois plus qu’au cours des trente dernières années. D’après la Caisse centrale de réassurance, la sinistralité annuelle liée à la sécheresse pourrait même augmenter de 60 % à 190 % à l’horizon 2050.
Dans ce contexte, si la gravité de la situation fait largement consensus entre nos deux assemblées, un dissensus apparaît quant aux réponses à apporter, ce qui est particulièrement manifeste dans la proposition de loi adoptée par nos homologues députés.
Je tiens ici à saluer la qualité du récent rapport d’information sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles de Christine Lavarde, ainsi que celle de son rapport législatif sur la présente proposition de loi.
Certaines mesures de ce texte sont superfétatoires, dans la mesure où elles sont déjà satisfaites par le droit positif, tandis que d’autres sont inopportunes. En outre, cette proposition de loi pose un réel problème de financement : son coût s’élèverait à un milliard d’euros par an.
En tout état de cause, nous partageons les griefs exprimés par la rapporteure pour rejeter le texte.
Tout d’abord, celui-ci allongerait considérablement la durée de la procédure d’indemnisation et réduirait la couverture assurantielle sur le territoire. La présomption du lien de causalité entre les dommages constatés et le phénomène de RGA entraînerait une augmentation du délai des expertises, dans la mesure où la preuve négative est plus difficile à établir. La Caisse centrale de réassurance estime ainsi que le délai moyen des expertises passerait d’un à trois ans. Ces éléments sont susceptibles d’entamer la crédibilité des décideurs publics et d’aggraver la situation des sinistrés jusqu’à ce qu’elle devienne insoutenable !
Ensuite, l’obligation pour l’assureur de prendre en charge les frais de contre-expertise risque d’entraîner une forte augmentation des honoraires d’expertise et de provoquer un désengagement des assureurs du secteur des catastrophes naturelles.
L’obligation de choisir un expert inscrit sur une liste tenue par la juridiction administrative réduirait, de surcroît, le nombre d’experts spécialisés dans le risque de sécheresse.
Bien que la dérogation prévue par le texte soit louable, puisqu’elle permettrait à une victime de RGA d’utiliser, au choix, l’indemnité reçue pour réparer son logement ou pour en acquérir un nouveau, elle nous semble trop limitée. Il conviendrait plutôt de rétablir le principe de libre utilisation des indemnités d’assurance pour tous les sinistrés victimes de catastrophes naturelles.
Enfin, comme cela a déjà été rappelé, plusieurs dispositions relèvent du domaine réglementaire ou sont déjà satisfaites par le droit existant.
La labellisation des principaux acteurs intervenant en cas de RGA n’est pas de nature législative.
Des précisions sur la méthodologie de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse ont déjà été apportées dans une circulaire du ministère de l’intérieur le 27 avril dernier.
L’obligation de motiver de manière précise et détaillée les décisions de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est, elle aussi, déjà satisfaite par la loi.
Quant aux sept demandes de rapport, elles ne contribuent pas à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, et ce d’autant moins que la plupart des sujets sur lesquels sont demandés des rapports sont déjà documentés dans de nombreux travaux.
Enfin, plus grave encore – j’insiste ! – est, à nos yeux, le coût de cette proposition de loi : tel est le principal angle mort de ce texte, qui n’offre pas de solution pérenne de financement garantissant la soutenabilité du régime CatNat sur le long terme.
Là encore, je partage la crainte de notre rapporteur. Un financement du régime CatNat par l’État, pour l’ensemble des catastrophes naturelles, n’est ni souhaitable ni acceptable, compte tenu de l’état délabré de nos finances publiques.
Aussi, pour l’ensemble de ces raisons, et dans l’attente que les recommandations du rapport d’information sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles soient converties en proposition de loi sénatoriale, les membres du groupe Union Centriste suivront la position adoptée par notre commission des finances sur l’initiative du rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rejeter le texte qui est soumis au vote cet après-midi, c’est prolonger le calvaire des sinistrés.
Cela fait cinq ans qu’on promène les familles d’une proposition de loi à une autre, avant de les renvoyer à un décret, puis de nouveau à une proposition de loi, et, enfin, à une ordonnance et à des circulaires, sans toutefois apporter de solutions urgentes et concrètes aux drames qu’elles vivent.
Voilà ce que nous disent, dans une lettre ouverte, les associations de victimes. C’est aussi l’enjeu de nos échanges cet après-midi.
C’est la raison pour laquelle le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a souhaité inscrire à l’ordre du jour de sa niche la proposition de loi, défendue par Sandrine Rousseau, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, le 6 avril 2023 – c’était il y a un an déjà.
Ce texte a été construit de manière transpartisane à l’Assemblée nationale. Il a été modifié et amélioré par des amendements déposés par les groupes Socialistes et apparentés et Les Républicains, mais aussi par la majorité présidentielle, avant d’être finalement adopté à la quasi-unanimité.
L’objectif politique de cette proposition de loi était de lever deux freins à l’indemnisation des victimes du retrait-gonflement de l’argile.
Premièrement, il s’agissait de modifier les critères d’éligibilité pour faciliter l’accès à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour l’ensemble des collectivités touchées par le phénomène. Cela représente 8 500 communes reconnues depuis 1989, sachant qu’une commune sur deux voit sa demande rejetée. La circulaire du 29 avril dernier assouplit les critères d’éligibilité. C’est là une amélioration salutaire, mais elle reste moins-disante par rapport à la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen.
Le second frein levé concerne directement les victimes du retrait-gonflement de l’argile qui, dès l’obtention par la commune de l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, doivent effectuer un véritable parcours du combattant pour que leur société d’assurance les indemnise des dégâts qu’elles ont subis.
Dans bien des cas, l’assurance se défausse, malgré les primes et les surprimes payées, laissant les habitants seuls face à la fissuration et la dégradation de leur domicile.
En refusant de voter nos amendements de suppression, jugés inopportuns, la commission des finances a enterré le vote de cette proposition de loi. Elle a ainsi joué la montre.
Madame la ministre, madame la rapporteure, le contexte étant posé, permettez-moi de vous dire qu’il n’est pas acceptable de nous expliquer que cette proposition de loi est inopportune, car insoutenable financièrement à moyen terme par les assureurs et le régime CatNat.
Ce discours n’est pas recevable pour les propriétaires des 10,4 millions de maisons potentiellement concernées, d’autant moins que ces sinistrés, dont les assurances refusent de prendre en charge l’indemnisation, vont devoir payer le passage à 20 % de la surprime CatNat sur leur contrat d’assurance à compter du 1er janvier 2025. Franchement, c’est inacceptable !
C’est inéluctable : plus nous attendrons, plus les maisons se dégraderont, plus les coûts des travaux seront élevés et plus l’immobilisme et l’inaction coûteront cher à la puissance publique.
Telle est la réalité, madame la rapporteure ! Voilà dans quoi vous avez embarqué la majorité sénatoriale. Encore une fois, vous avez enterré une proposition de loi votée à la quasi-unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, au profit d’un nouveau texte dont le parcours législatif demeure très incertain.
Ce nouveau texte, plus généraliste, est centré sur le financement du régime, pas sur l’indemnisation des victimes du RGA.
Chers collègues, vouloir prévenir la catastrophe financière qui s’annonce est nécessaire ; d’ailleurs, je ne doute pas que nous saurons le faire. En revanche, prévenir la multiplication des phénomènes naturels liés au réchauffement climatique et à l’activité humaine, et leurs conséquences sur la vie de nos concitoyens, c’est une autre paire de manches.
Nous sommes face à un mur : cessons donc de le regarder ! Aujourd’hui, 54 % des maisons individuelles sont soumises au risque de RGA. Des solutions techniques existent : faisons fonctionner la solidarité nationale, amorçons les travaux, créons les filières, réhabilitons, rénovons et, par la même occasion, isolons ces logements dont nous avons besoin.
Ainsi, nous créerons un véritable appel d’air économique, tout en nous approchant des objectifs de décarbonation dans le secteur du bâtiment.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Ghislaine Senée. Telle était la volonté de nos collègues de l’Assemblée nationale. C’est un terrible rendez-vous manqué pour le Sénat : nous le déplorons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de sinistres causés par le retrait-gonflement de l’argile a explosé de 145 % entre les périodes 2006-2024 et 1989-2005. Ainsi, 10,5 millions de maisons individuelles, soit 54 %, sont menacées par ce phénomène climatique, et 3,1 millions d’entre elles se trouvent en zone d’exposition forte.
C’est dire à quel point cette nouvelle proposition de loi revêt un enjeu majeur. À cet égard, notre groupe regrette qu’elle ait été rejetée en commission des finances et que, opportunément, une proposition de loi de notre collègue rapporteure ait été déposée au Sénat la veille de la présente niche.
Cette démarche consistant à manier le calendrier parlementaire mine l’initiative législative des groupes minoritaires et rompt avec la conception de la démocratie sénatoriale. Nous le déplorons et le condamnons.
Mon département de la Dordogne est particulièrement en proie à ce phénomène, du fait des sols argileux, qui agissent comme une éponge, se rétractant en séchant et se gonflant en réaction à l’humidité. Sur la période précitée, les précipitations y ont été soutenues et les nappes phréatiques ont peiné à absorber le surplus.
Force est de constater que, comme ailleurs, ce sont les logements construits avant 1921 et après 1976 qui cumulent 69 % des risques les plus importants. Nous devons nous fixer un objectif de zéro aléa moyen ou fort sur les constructions neuves.
Les collectivités disposent de vingt-quatre mois pour demander à être reconnues comme éligibles au régime CatNat. Certaines communes espèrent toujours décrocher le sésame tant espéré : figurer sur l’arrêté ministériel portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Sauf que, chaque année, nombre d’entre elles en sont exclues.
Les élus locaux se trouvent dépourvus de solutions face à leur population. La procédure est longue et fastidieuse, et le délai de recours insuffisant : c’est pourquoi nous proposerons, par amendement, de le porter à quatre-vingt-dix jours, afin de laisser aux collectivités le temps de réaliser les contre-expertises nécessaires pour apporter des éléments nouveaux et fonder leur recours.
En Dordogne, 135 des 303 demandes formulées sont restées sur le carreau et n’ont pas été inscrites dans le dernier arrêté du 16 avril 2024. Les raisons sont bien connues : d’une part, les retraits-gonflements d’argile sont difficiles à faire reconnaître ; d’autre part, les modalités de relevé n’intègrent que le niveau d’humidité des sols superficiels.
Sur ces points, la proposition de loi apporte des solutions opportunes en instaurant une présomption de RGA à l’article 2, car ce n’est qu’en renversant la charge de la preuve que l’indemnisation des sinistrés pourra être améliorée. L’expert devra désormais démontrer que le dommage n’a pas comme cause déterminante le retrait-gonflement de l’argile.
À cet égard, et malgré le risque d’allongement à trois ans du délai moyen de l’expertise, lequel est probablement surestimé, le surcoût de 250 millions d’euros qu’a relevé la rapporteure est d’une certaine manière un moindre mal.
La commission a justifié le rejet du texte en invoquant le coût élevé des dispositifs qui y sont prévus. Il est à noter que, à pratiques inchangées, le coût du risque de RGA pourrait s’élever à 2,1 milliards d’euros par an dans les années à venir, contre 1 milliard d’euros entre 2017 et 2020. Il était même deux fois plus faible entre 1982 et 2017. C’est donc tout le modèle de financement du risque climatique qui doit être passé en revue.
Nous affirmons que les assureurs doivent prendre toute leur part à ce financement ; quant à la puissance publique, elle ne pourra s’exonérer de toute contribution. Le risque climatique doit progressivement faire partie des missions régaliennes d’un État moderne. Sans une protection accrue des populations, le risque est de créer des sans-droits et des sans-toits.
Le groupe CRCE-K soutiendra unanimement cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe GEST d’avoir inscrit à l’ordre du jour de nos travaux cette proposition de loi visant à mieux indemniser nos concitoyens frappés par le retrait-gonflement des sols argileux.
Ce phénomène commence par une fissure fendillant d’abord le crépi, puis s’étendant jusqu’à constituer une faille, puis une cassure irréparable. Il finit par remettre en cause les économies de toute une vie de travail. Gardons à l’esprit le drame social que cette situation représente.
Au travers de ce texte, il s’agit de protéger les biens des personnes et de combattre les inégalités.
Au 30 janvier 2024, après onze arrêtés parus au Journal officiel, 6 700 communes étaient éligibles au régime CatNat au titre des sécheresses subies en 2022 : il s’agit d’un record absolu.
Pour autant, bon nombre de communes ne sont pas prises en compte, ce qui provoque une vague de mécontentements tout à fait compréhensible.
Ainsi, dans le Lot-et-Garonne, 28 communes du secteur de Monflanquin demeurent exclues du périmètre du régime CatNat. Je peux témoigner, ici, du profond sentiment d’injustice des maires déboutés et de l’angoisse qui frappe 510 foyers de leurs communes.
S’il fallait encore convaincre certaines têtes dures de la véracité du réchauffement climatique, ce phénomène de dilatation et de rétractation des sols est une preuve très concrète des changements climatiques que nous subissons.
Les précipitations anormales que nous constatons depuis des mois ne doivent pas nous faire oublier les sécheresses inédites que nos territoires ont vécues ces dernières années et qui ont fragilisé tant de bâtis.
La Haute Assemblée avait ouvert la voie au début de l’année 2020 en adoptant à l’unanimité la proposition de loi de Nicole Bonnefoy. Que de temps perdu depuis !
Je veux bien entendre les réticences exprimées par les collègues sur ce texte et cosigner une nouvelle proposition de loi. Toutefois, chaque retard que nous prenons en ce domaine aggrave la situation de milliers de nos concitoyens.
De surcroît, la loi n’étant pas rétroactive, nous perdons un temps précieux pour traiter une avalanche de catastrophes naturelles qui n’a que faire de l’agenda parlementaire et de nos atermoiements.
Le dispositif examiné aujourd’hui n’est certes pas parfait, mais il contient des avancées non négligeables eu égard aux difficultés rencontrées par les habitants et les élus locaux.
Ainsi, le texte permet une prise en compte des mesures d’humidité des sols pour caractériser l’état de catastrophe naturelle. Il établit la présomption de RGA comme cause déterminante du dommage subi, jusqu’à preuve du contraire. Il prévoit que l’aggravation d’une fissure dans une construction est un préjudice indemnisable. Enfin, lorsqu’un logement est devenu inhabitable, le texte permet que l’indemnisation puisse servir à la construction d’un nouveau logement.
Mon analyse est simple : affichons une fois pour toutes une solidarité sans faille et sachons nous unir pour débloquer la situation actuelle !
Toutes les initiatives législatives sur ce dossier essentiel pour les Français sont bien sûr opportunes. Alors, qu’attendons-nous, mes chers collègues ? Votons un texte et avançons vers une nouvelle étape !
Nous autres, parlementaires des territoires, nous savons qu’il est urgent d’apporter des réponses concrètes aux citoyens concernés. Agissons en cohérence avec nos votes précédents.
Vous l’aurez compris, vous pouvez compter sur la détermination et le soutien du groupe du RDSE pour avancer, à tout moment, sur ce dossier national d’importance majeure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le retrait-gonflement de l’argile, bien qu’il ne soit pas dangereux pour l’homme, provoque chaque année des dégâts considérables sur les bâtiments ; les maisons individuelles sont particulièrement touchées.
Aujourd’hui, nous devons débattre de l’épineuse question de l’indemnisation des victimes de ce phénomène.
Je le rappelle, le RGA survient quand les sols varient de volume en fonction de la teneur en eau des terrains : ils se rétractent en période de sécheresse et gonflent lorsqu’ils sont à nouveau hydratés. Le phénomène concerne un cinquième des sols dans l’Hexagone et 4 millions de maisons individuelles.
Ce débat est organisé aujourd’hui au Sénat alors que le travail déjà engagé par le Gouvernement témoigne de sa volonté d’adapter le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles à l’évolution du phénomène de retrait-gonflement de l’argile.
J’en veux pour preuve la mission d’information du député Vincent Ledoux, conclue l’an dernier, qui a identifié de nouveaux axes pour une meilleure prise en considération des sinistrés.
Avant d’entrer dans les détails, permettez-moi de m’attarder sur les causes du RGA. Les phénomènes climatiques exceptionnels que nous connaissons actuellement sont le principal facteur de déclenchement du retrait-gonflement des sols argileux.
En tant qu’Ultramarine, je ne peux qu’être sensible au dérèglement climatique qui touche l’ensemble des territoires français.
Les outre-mer sont particulièrement touchés alors qu’ils accueillent 10 % de la biodiversité mondiale en termes d’espèces. Nous devons faire face à l’érosion côtière, à la submersion marine, ainsi qu’au réchauffement et à l’acidification des océans. Les sargasses, qui affectent durement l’économie des Antilles, sont l’une des conséquences du dérèglement climatique.
Pour ralentir ces phénomènes, nous n’avons qu’une seule solution : diminuer la fréquence des événements extrêmes en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre. Nous devons tous apporter notre pierre à l’édifice et participer activement à cette lutte.
Même si nous pouvons saluer la réduction de 5,8 % des émissions des gaz à effet de serre de notre pays en 2023, nous ne pouvons pas complètement nous en satisfaire. La France est encore très loin d’atteindre ses objectifs climatiques.
Si ce texte était adopté dans sa rédaction actuelle, il pourrait engendrer un surcoût de plus de 1 milliard d’euros par an et déséquilibrer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Ce surcoût serait répercuté directement sur les primes payées par les assurés.
Aussi, face à la multiplication du nombre de catastrophes naturelles ces dernières années, le taux de surprime augmentera dès le 1er janvier prochain et passera de 12 % à 20 %.
Créé en 1982, ce régime, qui a indemnisé plus de 3,3 millions de sinistrés, doit être encore perfectionné concernant le RGA. Nous devons en assurer la pérennisation financière, tout en garantissant l’assurabilité des risques climatiques.
Le Gouvernement, de manière proactive, a pris l’initiative en 2022 de renforcer le cadre d’indemnisation spécifique aux sécheresses dans l’ordonnance promulguée le 8 février 2023, complétée par des décrets parus respectivement le 6 février et le 6 mai derniers. Le premier décret apporte des précisions sur les modalités d’indemnisation, tandis que le second assouplit les critères de reconnaissance des phénomènes de sécheresse et renforce les mesures de prévention.
Grâce à ces textes, le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a augmenté de 17 %.
Nous devons faire preuve de prudence face aux conséquences que la présente proposition de loi fait peser sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais aussi face aux risques auxquelles il expose les sinistrés.
La présomption réfragable de causalité prévue à l’article 2 engendrera des études techniques complémentaires, alors qu’un simple constat serait suffisant dans certains cas. Ainsi, les délais d’indemnisation seront inutilement allongés et la charge de gestion sera alourdie.
En outre, je m’interroge sur l’obligation pour l’assureur de faire réaliser une expertise sur la base d’une étude des sols. Cette dernière ne répond que partiellement au problème qui nous préoccupe directement, car elle ne traite pas l’environnement proche.
De plus, le recours à ce type d’étude se traduira par une hausse du coût moyen des sinistres indemnisés. Une telle proposition renchérirait de manière significative la charge du régime d’indemnisation et allongerait fortement les délais de prise en charge des sinistrés.
Notons aussi que le Gouvernement travaille actuellement sur un décret afin de mieux encadrer l’activité des experts missionnés par les entreprises d’assurance.
Le groupe RDPI constatant que le dossier du retrait-gonflement de l’argile avance, dans l’intérêt de nos concitoyens, il ne pourra pas voter ce texte en l’état : premièrement, parce qu’il risque d’augmenter les contributions des contribuables et d’allonger les délais d’indemnisation ; deuxièmement, parce qu’il ne nous semble pas responsable de voter un texte qui ne permet pas d’assurer l’équilibre financier du régime d’indemnisation.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Nous entendons poursuivre le travail collectivement, afin de mettre en place un cadre légal et réglementaire qui permettra de pérenniser le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici rassemblés pour aborder un sujet qui, bien que technique, n’en est pas moins crucial pour la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde des habitations de nos territoires.
Lorsque nous évoquons les conséquences du dérèglement climatique, il nous vient tous à l’esprit des images de catastrophes : incendies, inondations, rivières asséchées.
La réalité du changement climatique, ce sont aussi des dégâts insidieux, des bouleversements profonds qui rendent la vie de nos concitoyens de plus en plus difficile : chaleurs caniculaires, restrictions d’eau, fragilisation du littoral et, pour ce qui nous occupe aujourd’hui, dégâts causés par le retrait-gonflement de l’argile sous l’effet des sécheresses.
Le retrait-gonflement de l’argile est un phénomène qui, sous l’effet exacerbé du dérèglement climatique et de la sécheresse, menace aujourd’hui une part très importante des habitations françaises. Il suppose donc de gérer et d’indemniser les dommages subis.
Avant toute chose, il me semble primordial de rappeler le contexte dans lequel ce texte s’inscrit. Sur les 20,3 millions de maisons individuelles qui parsèment notre pays, environ 10 millions se trouvent exposées à un risque moyen ou fort de RGA. Ainsi, 50 % de nos territoires sont concernés par ce phénomène qui vire au fléau.
Ce risque y est inégalement réparti : dix départements supportent près de la moitié du coût de la sécheresse liée au RGA. La Sarthe, en particulier, est l’un des départements français les plus touchés.
Lors de mes nombreux échanges et de mes rencontres avec les associations d’élus locaux et de sinistrés – j’en profite pour saluer le travail important qu’elles accomplissent pour accompagner les sinistrés –, j’ai pu constater l’urgence et l’ampleur des défis auxquels font face avec impuissance nos concitoyens.
Nous sommes en effet confrontés à une réalité difficile : de nombreux Français vivent dans des logements désormais inhabitables et se voient contraints, tout comme nos collectivités, d’entreprendre des rénovations dont le coût est bien supérieur à leurs moyens financiers.
Face à cette impasse, certains propriétaires envisagent même la déconstruction de leur bien, tandis que les locataires risquent de se retrouver sans abri, exposés à une précarité accrue.
Ce phénomène revêt des enjeux tant sociaux que financiers. Depuis l’intégration de ces mouvements de terrain dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, il y a maintenant près de quarante ans, le coût des dommages a atteint le montant colossal de près de 14 milliards d’euros, soit 40 % des coûts totaux pris en charge par ledit régime.
Plus alarmant encore, nous observons une expansion géographique de ce risque liée au dérèglement climatique. Si nous nous projetons jusqu’en 2050, l’ensemble des coûts cumulés pourraient s’élever à près de 43 milliards d’euros, dont 17 milliards seraient directement imputables aux seuls effets du changement climatique.
Face à cette réalité alarmante, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se présente comme une réponse pragmatique, malgré ses imperfections.
En la matière, ce texte ne fait pas œuvre de nouveauté. Il s’inscrit dans le prolongement des travaux de notre collègue socialiste Nicole Bonnefoy qui, dès janvier 2019, suivant les conclusions de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, avait déposé une proposition de loi, laquelle, je le précise, avait été adoptée à l’unanimité sur ces travées.
Le présent texte comporte certaines dispositions bienvenues. Il rend notamment la procédure d’expertise plus impartiale et modifie l’équilibre existant entre l’assureur et l’assuré, qui est aujourd’hui défavorable à ce dernier.
Concrètement, l’article 2 met en place une présomption réfragable : désormais, lorsque l’état de catastrophe naturelle est déclaré, il est de fait présumé que le retrait-gonflement de l’argile est la cause déterminante du dommage sur l’habitation.
Il est aussi à noter que cet article contraint l’assureur à mener une analyse des sols prenant spécifiquement en compte ce risque, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. À cet effet, un label « expert RGA » est créé pour mieux identifier les experts ayant reçu une formation spécifique en la matière.
Une fois de plus, ces dispositions s’inscrivent dans une logique proche de celle que le groupe SER a défendue par le passé.
Ces avancées interviennent alors que la situation n’a cessé de s’aggraver. Eu égard aux enjeux, je ne doute pas que ce texte saura susciter la concorde sur ces travées, en dehors des clivages partisans, voire politiciens, et ce dans l’intérêt de nos concitoyens.
Il n’y aurait d’ailleurs aucune cohérence à rejeter ce texte alors que le Parlement a unanimement soutenu des mesures similaires il y a à peine quatre ans.
L’heure est non pas aux tergiversations, mais à l’action. Les associations d’élus locaux et de sinistrés nous interpellent et nous demandent de prendre des mesures concrètes. Ce texte est un premier pas nécessaire.
Ignorer leurs réclamations serait irresponsable. Il est de notre devoir, en tant que législateurs, de répondre avec vigueur et prévoyance aux défis posés par le retrait-gonflement de l’argile, exacerbé par le changement climatique.
Nous devons envoyer un signal fort à nos territoires. Actuellement, nos élus doivent d’abord faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle, ce qui leur impose d’effectuer des démarches pas toujours aisées.
À cet égard, je tiens à saluer le travail exemplaire accompli par les associations d’élus. Elles constituent un soutien indispensable et un point de repère pour tous nos concitoyens confrontés à la misère causée par l’effondrement de leur foyer.
C’est donc mû par un souci de constance et de cohérence que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte. Il représente une avancée nécessaire pour une meilleure indemnisation et une plus forte protection de nos concitoyens face à un risque croissant. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi aujourd’hui intervient quelques semaines après les inondations ayant eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais et la Somme et les glissements de terrain survenus en février dernier dans les Alpes-Maritimes, mais aussi dans un contexte de désolation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où plus de 2 000 habitants de six villages ont été ensevelis par un glissement de terrain.
Ces exemples démontrent que, partout sur le globe, y compris chez nous, surviennent des phénomènes climatiques de nature variée. Les variations successives des régimes pluviométriques liées au changement climatique augmentent en tout lieu les risques de glissements de terrain, d’inondations et de retrait-gonflement de l’argile, avec leur cortège de destructions et de conséquences humaines, matérielles et financières.
La présente proposition de loi est, hélas ! un exemple supplémentaire d’une réflexion partiellement aboutie soumise au Parlement. Il vaudrait mieux réfléchir globalement aux évolutions des coûts engendrés par les catastrophes climatiques, selon les modélisations proposées, ainsi qu’aux solutions pour pérenniser le système d’indemnisation et aux mesures de prévention.
Comme l’indique la Caisse centrale de réassurance, « une vraie politique de prévention des risques est nécessaire, car l’assurabilité du RGA ne peut s’appuyer que sur l’action conjointe de l’État, des collectivités locales, des assureurs, des réassureurs et in fine des assurés ». L’adaptation de notre bâti existant et futur est aussi impérative.
Comme l’écrivait Nicolas Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Non seulement cette proposition de loi ne prend pas en compte les catastrophes naturelles dans leur ensemble, mais elle coûtera aussi 1 milliard d’euros, son dispositif manquant de lisibilité et entraînant des délais d’indemnisation parfois allongés.
La commission des finances est attachée à l’évaluation préalable des normes issues de notre assemblée, ainsi qu’à la bonne appréciation des coûts. C’est bien la responsabilité qui nous incombe dans une conjoncture budgétaire contrainte.
Dans le département de la Somme, vingt-sept demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre du retrait-gonflement de l’argile ont été déposées en préfecture. Depuis 2018, le ministère a émis douze avis défavorables et quinze avis favorables.
De nombreuses communes touchées par les sinistres dus à la sécheresse se voient refuser l’éligibilité au régime CatNat. En moyenne, seuls 50 % des communes qui ont déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle finissent par l’obtenir. C’est le cas dans mon département de la Somme.
Le nombre de dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile et de maisons fissurées à la suite des sécheresses ira croissant. Quelque 16 millions de logements pourraient être concernés d’ici à 2050.
Pour le groupe Les Républicains, l’indemnisation des dégâts et des biens doit être considérée dans sa globalité. Aussi, il remercie Christine Lavarde d’avoir mené un travail de contrôle exhaustif sur le régime CatNat et se félicite qu’il ait été examiné par la commission des finances.
Celle-ci a approuvé le virage que doit prendre le régime CatNat, aujourd’hui à bout de souffle, dans la perspective d’une sinistralité condamnée à une augmentation d’environ 40 % à l’horizon de 2050, en raison de l’aléa naturel.
La commission a rendu le régime CatNat plus équitable, notamment en ce qui concerne le retrait-gonflement de l’argile, et a assuré sa pérennisation. C’est d’autant plus important que, selon la Caisse centrale de réassurance, la sécheresse géotechnique est « le péril le plus préoccupant compte tenu du montant des dommages qu’elle engendre et de leur forte évolution à horizon futur ».
Pour ces raisons, notre groupe ne votera pas la proposition de loi présentée ce jour. Nous reviendrons sur ce sujet lors de la discussion du texte déposé le 21 mai dernier, lequel prend en compte l’ensemble des phénomènes relevant du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nos maisons se fissurent et vous regardez ailleurs !
Ce cri de colère, nous l’entendons de tous côtés en France : dans les campagnes, dans les banlieues, dans nos villes, en Sologne en particulier. Partout où les argiles gonflent et se rétractent sous l’effet de la pluie et de la sécheresse, les maisons et les immeubles se fissurent. Des familles voient leur foyer, mais également leur capital financier, leur patrimoine, le fruit de leur histoire et de trente, quarante ou cinquante ans de travail littéralement brisé par le dérèglement climatique.
Chez moi, en Sologne, le phénomène frappe avec une particulière gravité. Les habitants se sentent démunis face au sort qui s’acharne sur eux, ils ne savent pas comment s’y prendre, à qui demander de l’aide. Ils comprennent aussi qu’ils ne jouent pas à armes égales avec les assurances et craignent que les dés des expertises et des contre-expertises ne soient pipés.
Lorsque nos concitoyens sont à ce point affectés, lorsqu’ils se heurtent à la complexité, à des procédures et à des règlements, c’est toujours vers leur maire qu’ils se tournent, car celui-ci est « à portée de baffes », pour reprendre les mots du président du Sénat.
Les conséquences de ce phénomène sont considérables : aujourd’hui, 10 millions de maisons sont exposées, la moitié du territoire national est concernée. Les dommages représentent quelque 1 milliard d’euros par an ; ils ont même atteint 2,5 milliards d’euros pour le seul été 2022. Et ce n’est pas fini !
Les sinistres liés au retrait-gonflement des argiles nous imposent donc de relever le défi du financement, sujet majeur aujourd’hui. Sur ce point, je partage l’avis de la rapporteure de la commission des finances : il s’agit non pas d’un aspect secondaire ni même d’un aspect important du problème, mais bien du point essentiel, pour ne pas dire du nerf de la guerre.
Déstabiliser le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles pour renforcer la protection des sinistrés du retrait-gonflement des argiles, c’est prendre le risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est là que le bât blesse.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui sur l’initiative de mes collègues écologistes a le mérite de remettre à l’ordre du jour de notre assemblée ce sujet si important pour nos concitoyens. Je tiens à les en remercier.
Le texte présente toutefois de nombreux défauts : il contient par exemple des dispositions déjà satisfaites par le droit actuel. Mais s’il ne s’agissait que de cela, je suis certain que la commission des finances aurait pris soin de les corriger pour rendre son dispositif opérationnel, car l’urgence le commande.
Si cela n’a pas été le cas, c’est parce que le texte achoppe sur la question essentielle du financement. La rapporteure a d’ores et déjà annoncé l’examen prochainement d’un texte alternatif qui prendrait cette question à bras-le-corps.
Nos concitoyens ne nous pardonneraient pas de renvoyer ce sujet crucial aux calendes grecques en raison de telles divergences de vues, car celles-ci leur paraîtront toujours dérisoires face à la ruine qui les menace : ruine de leur bâtiment, mais aussi de leur patrimoine et de leur porte-monnaie.
Nos maisons se fissurent, mes chers collègues ; ne regardons pas ailleurs, regardons devant nous. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le réchauffement climatique est une réalité dont les effets touchent l’ensemble de notre pays.
Dans son sillage, il entraîne non seulement une raréfaction des ressources telles que l’eau, dans certaines régions de France, mais aussi, et surtout, une recrudescence des catastrophes naturelles en tous genres. Les alternances de sécheresse, de tempêtes et d’inondations, autrefois rarissimes, tendent à devenir de plus en plus fréquentes. La violence de ces phénomènes emporte souvent des conséquences désastreuses pour nos concitoyens.
La région Grand Est n’a pas été épargnée ces dernières années. Dans ce contexte, la majorité régionale a logiquement décidé de relancer le fonds catastrophes naturelles afin de venir en aide aux communes sinistrées.
Ainsi, avant les terribles épisodes pluvieux que nous venons de connaître et les inondations qui les ont suivis, mon département, la Moselle, avait déjà été durement touché par l’extrême sécheresse de l’été 2022. Dans son sol particulièrement argileux, le phénomène de retrait-gonflement a provoqué des milliers de sinistres, l’apparition de fissures et la fragilisation de l’ensemble de la structure de nombreuses habitations. Certains bâtiments sont devenus inhabitables, d’autres menacent de s’effondrer.
L’objectif de la présente proposition de loi était de faciliter l’indemnisation légitime des propriétaires touchés par ces situations.
Néanmoins, si le sujet qui nous réunit aujourd’hui pouvait faire consensus, la question de l’indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles en général n’est pas traitée par le texte ; celle-ci est trop importante pour être en effet expédiée de manière imparfaite : il s’agit de ne pas légiférer dans la précipitation.
Certes, l’indemnisation de ces dégâts est indispensable ; certes, il faut intervenir pour contrecarrer l’inaction du Gouvernement. Pour autant, nous devons aboutir à une harmonisation de la gestion des sinistres causés par des catastrophes naturelles. Le coût d’un dispositif d’indemnisation pour les seuls RGA s’élèverait à quelque 1 milliard d’euros. Comment justifier un tel montant alors que cette proposition de loi cible seulement l’une des catastrophes naturelles qui touchent notre pays ?
Selon la Caisse centrale de réassurance, le seul coût de la sinistralité sécheresse représentera 43 milliards d’euros entre 2020 et 2050, alors que notre pays n’est pas en mesure de faire face à une telle dépense. (Murmures sur les travées du groupe GEST.) Comment pourrions-nous justifier, dans cette période de récession économique, une dépense supérieure au budget du ministère des sports une année de jeux Olympiques, pour indemniser des dégâts dont l’impact n’est pas correctement rapporté ?
Pleinement conscient des enjeux, le groupe Les Républicains du Sénat a décidé de prendre ses responsabilités en soutenant une autre proposition de loi, déposée par notre collègue Christine Lavarde. Celle-ci vise à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et s’articule autour de deux objectifs majeurs : améliorer le financement du régime CatNat tout en protégeant mieux les assurés lors de leurs procédures d’indemnisation ; renforcer la politique de prévention des risques naturels majeurs afin de garantir la soutenabilité dudit régime sur le long terme.
Mes chers collègues, depuis sa mise en place en 1982, ce régime a largement fait ses preuves. Associant étroitement les compagnies d’assurances aux institutions publiques, il a rendu possible une véritable solidarité dans ces moments de grand désarroi, tout en préservant les comptes publics. À l’heure où l’ensemble des services de l’État sont touchés par la crise, il est essentiel de préserver son intégrité et de le renforcer pour nous préparer au mieux aux années difficiles qui s’annoncent.
Pour cela, il est indispensable de revoir les paramètres de son financement tout en protégeant au mieux les assurés et en consolidant la politique publique de prévention des risques naturels majeurs. Le texte soumis à notre examen ne répondant pas à ces exigences, le groupe Les Républicains se prononcera contre.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.
proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile
Article 1er A (nouveau)
Le quatrième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, la décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est motivée de façon claire, détaillée et compréhensible et mentionne les voies et délais de recours ainsi que les règles de communication des documents administratifs, notamment des rapports d’expertise ayant fondé cette décision, dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Notre débat me semble assez étrange. Nous parlons assurance et solidarité nationale, mais l’argument avancé pour ne pas voter cette proposition de loi est que celle-ci serait trop coûteuse. Pourtant, nous parlons non pas du budget de l’État, mais de la mutualisation de l’assurance, qui constitue l’un des socles de la cohésion de notre société.
Le RGA étant une catastrophe naturelle liée au réchauffement climatique, la solidarité nationale doit s’exercer, par le biais de la mutualisation assurantielle. Certes, cela a un coût, estimé à 1 milliard d’euros. Cela signifie qu’il faut organiser une mutualisation des cotisations à hauteur de ce montant. Une telle somme, dans un pays dont le PIB avoisine les 2 500 milliards d’euros, n’est en rien insupportable, d’autant que cet argent ira vers l’artisanat et le bâtiment et restera donc dans notre économie.
J’ai lu avec attention la proposition de loi de Christine Lavarde. S’il nous arrive parfois d’être d’accord, ce n’est pas le cas ici : le recours à des prêts à taux zéro pour des ménages modestes n’est pas envisageable. Même si ces prêts ne donnent pas lieu au paiement d’intérêts, reste qu’il faudra bien les rembourser. Les solutions de remplacement qui nous sont faites aujourd’hui ne fonctionnent pas.
La situation est relativement simple : nous devons, comme cela sera sans doute évoqué lors de la présentation du Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), élargir le régime CatNat, nous sommes d’accord sur ce point. En outre, il faudra simplifier les différents dispositifs relatifs à d’autres catastrophes naturelles, comme la submersion marine, car ils s’enchevêtrent.
De grâce, ne disons pas que le texte, s’il était adopté, aurait un coût insupportable ; le coût insupportable, il est pour les ménages modestes dont les maisons se fissurent et s’effritent à la suite d’une catastrophe naturelle. Nous devons donc clairement placer la solidarité nationale et le renforcement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles au cœur de la réponse. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Thierry Cozic applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Je ne voudrais pas que l’on dise des choses fausses à l’occasion de l’examen de ce texte.
M. Dantec soutient qu’il ne serait pas ici question du budget de l’État. Aussi je l’invite à se référer au rapport de contrôle budgétaire qui détaille le fonctionnement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
À ce jour, les provisions pour égalisation et la réserve de la Caisse centrale de réassurance sont proches de zéro. Ainsi, en cas de survenue d’un événement climatique majeur, la garantie illimitée de l’État sera mobilisée, emportant un coût significatif pour la collectivité.
Ensuite, vous nous avez appelés à mettre en place une mutualisation des primes d’assurance à l’échelle du territoire. Cette problématique est précisément au cœur des réflexions menées dans le cadre de la proposition de loi que je défends. Bien que M. Dantec ne partage pas cette approche, il convient de rappeler que ce sujet est évoqué dans les derniers scénarios publiés cette semaine par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Ceux-ci mettent en lumière les risques d’éviction et de non-couverture assurantielle auxquels nous pourrions être confrontés si aucune action n’était entreprise. Ces risques sont de deux ordres : les assurés ne seraient plus en mesure de s’acquitter de la prime technique exigée par les compagnies d’assurances et ces dernières se désengageraient de certaines zones du territoire. Notre proposition de loi s’efforce d’apporter des réponses pour faire face à ces enjeux cruciaux.
Enfin, le prêt à taux zéro évoqué par M. Dantec est destiné à financer des mesures de prévention.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui fait peser la totalité du poids du financement sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, lequel est pourtant déséquilibré.
M. Ronan Dantec. Rééquilibrons-le !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
Après le quatrième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Aux fins de constat de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse, l’arrêté interministériel mentionné au quatrième alinéa est pris notamment sur le fondement des variations d’humidité du sol sur le terrain, caractérisant le cycle de retrait-gonflement des argiles dans les zones concernées.
« La caractérisation de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse se fait selon une méthodologie dont les modalités sont définies par décret et qui tient compte de l’indicateur d’humidité des sols superficiels. L’état de catastrophe naturelle de sécheresse est constaté dès lors que l’indicateur d’humidité des sols présente une durée de retour supérieure ou égale à dix ans.
« Lorsque la zone géographique à laquelle s’applique l’arrêté interministériel présente un risque de phénomènes de retrait-gonflement des argiles postérieurs à l’épisode de sécheresse, la durée d’application de l’arrêté est de douze mois. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Lermytte, MM. Brault, Wattebled et A. Marc, Mmes Bourcier et L. Darcos, MM. Capus et Chevalier, Mme F. Gerbaud, M. Anglars, Mme Jouve et MM. Daubresse et Cambier, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
superficiels
par les mots :
au niveau des fondations des bâtiments sinistrés
La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Cet amendement se justifie par son dispositif même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, par cohérence avec sa position défavorable sur l’article sur lequel porte cet amendement.
Cependant, concernant l’ensemble de cette question, les deux amendements déposés par Mme Marie-Claude Lermytte soulèvent un problème tout à fait pertinent : les études de sol qui sont actuellement réalisées lors de l’édification des bâtiments ne sont pas satisfaisantes pour garantir leur pérennité à long terme.
C’est pourquoi il est indiqué dans le rapport de contrôle budgétaire qu’il conviendra de renforcer les dispositions de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, afin de nous assurer de la résilience des bâtiments sur le long terme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui vise à imposer une étude géotechnique systématique de type G5, laquelle ralentirait considérablement le rythme d’indemnisation.
Une telle étude n’est pas nécessaire dans tous les cas et sa systématisation irait à rebours de l’esprit de la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, dite loi Baudu, laquelle vise à réduire les délais de prise en compte des sinistres.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 211 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 6, présenté par Mmes Varaillas et Apourceau-Poly, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et des données agrométéorologiques relatives aux précipitations à l’évapotranspiration et au bilan hydrique
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Nous le savons, il est impératif de fiabiliser les données qui fondent la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, étant donné que plus de la moitié des communes en sont exclues. Si le critère géotechnique ne pose guère de problème et constitue une simple formalité, le critère météorologique est défaillant.
En effet, l’indice météorologique lui-même n’est pas directement mesuré, il est calculé à partir d’une modélisation numérique. On ne dénombre d’ailleurs que 3 000 points d’observation, soit un point de relevé pour trois mailles, ce qui contribue à exclure certaines communes du régime CatNat, alors même que toutes les communes alentour en sont bénéficiaires.
Dans mon département, la chambre d’agriculture de la Dordogne se tient prête à mettre à disposition ces points de relevé pour l’établissement du rapport météorologique qui fonde la décision de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
D’autres données pertinentes existent et les acteurs du monde agricole sont disposés à apporter leur contribution. Cela ne pourrait que renforcer la rationalité des décisions prises.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. L’avis est défavorable par cohérence avec la position de la commission sur l’article.
En revanche, je reconnais la pertinence de votre proposition, puisque les rapports de la commission des finances de 2023 et de 2024 ont mis en avant la perfectibilité du critère météorologique. Actuellement, celui-ci porte sur une aire de soixante-quatre kilomètres carrés, bien trop vaste pour mesurer la pluviométrie avec précision.
Votre proposition me semble donc opportune. Il serait judicieux de déposer de nouveau cet amendement lors de l’examen de la proposition de loi de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Les relevés réalisés au cas par cas par les exploitations agricoles sont limités, privés et non vérifiés, ils ne peuvent donc pas être considérés comme des relevés fiables, susceptibles de compléter les données produites par Météo-France pour élaborer le critère hydrométéorologique permettant de caractériser le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.
Leur prise en compte introduirait de l’incertitude quant à la fiabilité scientifique de l’indicateur actuel et donnerait lieu à une inégalité de traitement entre les communes au regard de la disponibilité et de la qualité inégales de tels relevés.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Bien évidemment, nous voterons cet amendement, mais le temps presse et nous savons pertinemment que nous n’irons pas au bout de l’examen de cette proposition de loi.
Globalement, on nous a expliqué que celle-ci n’était pas soutenable et qu’elle allait remettre en cause le régime CatNat. Or celui-ci fonctionne très bien. Bien plus, dans le rapport de Thierry Langreney, on lit que les services de l’État soutiennent qu’il ne faut pas toucher au fonds Barnier.
Certes, il faut travailler et trouver des solutions. Pour autant, on nous explique que cette proposition de loi coûtera 1 milliard d’euros – un chiffre qu’il faudra revoir – et que le phénomène de retrait-gonflement des argiles représentera un coût total de 43 milliards d’euros, coût que nous ne pourrons jamais assumer.
Quel message envoyons-nous donc aux citoyens qui nous regardent aujourd’hui ? Nous leur disons que leur maison va se détériorer sous l’effet des changements climatiques et que l’État sera incapable d’agir. Or c’est faux ! Quel aveu d’impuissance ! Comment peut-on tenir des propos aussi violents, ici, dans cet hémicycle ?
Bien évidemment que nous devons trouver une solution – c’est pour cela que nous siégeons ici –, et nous la trouverons ! Nous les trouverons, ces 43 milliards d’euros, car nous ne pouvons pas laisser des maisons pourrir dans nos villages et dans nos centres-villes, le risque étant la dévitalisation et la paupérisation. Et ça, ça coûte aussi très cher aux collectivités territoriales.
Ce débat me semble inadmissible, il n’est pas à la hauteur des enjeux. C’est ainsi que l’on nourrit la montée des extrêmes.
Nous allons devoir très vite nous mettre au travail, parce que ceux qui ne sont pas indemnisés aujourd’hui vont avoir beaucoup de mal à accepter de s’acquitter le 1er janvier prochain d’une augmentation de la surprime CatNat ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et INDEP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 6. Puis-je considérer que le vote sur cet amendement est identique au précédent ? (Assentiment.)
En conséquence, l’amendement n° 6 n’est pas adopté.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 1er n’est pas adopté.
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Varaillas et Apourceau-Poly, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances, après le mot : « recours » sont insérés les mots : « qui ne peuvent excéder 90 jours ».
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Le délai de recours de droit commun de soixante jours n’est pas en mesure de permettre à la commune de recueillir les pièces nécessaires pour la manifestation de ses droits.
Ce délai trop court est inadapté ; il convient, selon nous, de le porter à quatre-vingt-dix jours, ou plus exactement, de permettre au Gouvernement de le faire par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Il s’agit sans doute d’un amendement d’appel. La commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable. Je pourrais expliquer pourquoi, mais le temps presse…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, qui lui semble satisfait.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 7. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet amendement ? (Assentiment.)
En conséquence, l’amendement n° 7 n’est pas adopté.
Article 1er bis (nouveau)
À la quatrième phrase du I de l’article L. 125-1-1 du code des assurances, après le mot : « locaux », sont insérés les mots : « , dont deux maires de petite commune, ».
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er bis. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 1er bis n’est pas adopté.
Article 1er ter (nouveau)
Après le 2° de l’article L. 125-1-2 du code des assurances, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis De prévoir l’élaboration de supports de communication, afin de permettre aux élus locaux d’expliquer à leurs administrés les étapes de la procédure ; ».
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er ter. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 1er ter n’est pas adopté.
Article 1er quater (nouveau)
L’avant-dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances est complétée par les mots : « prise en charge par l’assureur ».
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er quater. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 1er quater n’est pas adopté.
Article 1er quinquies (nouveau)
Le quatrième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances est complété par trois phrases ainsi rédigées : « L’expertise et l’éventuelle contre-expertise sont effectuées par un professionnel inscrit au tableau national des experts près le Conseil d’État, aux tableaux des experts auprès des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs ou sur l’une des listes établies en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. Sauf dans les situations où ce n’est pas possible autrement, l’assureur ne peut recourir deux fois de suite à des experts appartenant à la même structure. Chaque acteur concourant à la gestion du sinistre est responsable pendant dix ans à compter de la réception des travaux, en tant que professionnel, de sa prestation effectuée. »
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er quinquies. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 1er quinquies n’est pas adopté.
Article 2
Après l’article L. 125-2 du code des assurances, sont insérés des articles L. 125-2-1 A et L. 125-2-1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 125-2-1 A. – Lorsque l’état de catastrophe naturelle de sécheresse est reconnu :
« 1° Les dommages définis au troisième alinéa de l’article L. 125-1 sont présumés avoir pour cause déterminante des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, caractérisant le phénomène de retrait-gonflement des argiles ;
« 2° L’expertise pouvant être demandée par l’assureur en application de l’article L. 125-2 doit obligatoirement contenir une étude de sol vérifiant que les fondations des constructions sont adaptées aux caractéristiques du sol. Cette expertise peut également être demandée par l’assuré, avec une prise en charge par l’assureur. L’assureur informe également l’assuré de la possibilité pour ce dernier de se faire assister par un expert d’assuré aux fins de contre-expertise. Les honoraires de cet expert d’assuré sont pris en charge par l’assureur.
« L’aggravation d’une fissure est considérée comme un événement nouveau, nonobstant l’apparition antérieure de microfissures, ouvrant droit à indemnisation si l’aggravation de la fissure est apparue pendant la période de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse.
« Art. L. 125-2-1 B (nouveau). – I. – Les experts chargés d’établir le lien entre les dommages et les mouvements de terrain différentiels mentionnés au 1° de l’article L. 125-2-1 A peuvent obtenir le label “Expert retrait-gonflement des argiles”, dit “Expert RGA”, agréé. Ce label certifie que ces experts ont reçu une formation spécifique relative au phénomène de retrait-gonflement des argiles.
« Les modalités d’octroi de ce label, notamment les obligations de formation, sont fixées par décret.
« II. – Les entreprises chargées de réaliser les travaux de remise en état des bâtiments ayant subi des dommages liés aux mouvements de terrain différentiels peuvent obtenir le label “Entreprise de remise en état retrait-gonflement des argiles”, dit “Entreprise de remise en état RGA”, agréé. Ce label certifie que les entreprises disposent d’une expertise spécifique relative à ces travaux.
« Les modalités d’octroi de ce label sont fixées par décret. »
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Lermytte, MM. Brault, Wattebled et A. Marc, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos, M. Chevalier, Mme F. Gerbaud, M. Anglars, Mme Jouve et MM. Daubresse et Cambier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les deux premières phrases par une phrase ainsi rédigée :
« 2° L’expertise pouvant être demandée par l’assureur en application de l’article L. 125-2 peut également être demandée par l’assuré, avec une prise en charge par l’assureur.
La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Actuellement, l’expert d’assurance n’examine pas le RGA, phénomène dû à la variation d’humidité du sol, au niveau des fondations. Pourtant, seule une étude technique du sol réalisée par un géotechnicien à cette profondeur permet de caractériser l’effet de la sécheresse sur le RGA.
Cet amendement vise à remplacer une étude des sols superficiels par une étude des sols au niveau des fondations des bâtiments concernés, plus adéquate.
En effet, en tant qu’ancien professionnel du bâtiment, je peux vous dire que seule une étude à trente ou cinquante centimètres de profondeur permet de voir ce qui s’y passe.
C’est pourquoi cet amendement déposé par ma collègue Marie-Claude Lermytte me paraît judicieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Vous avez raison sur le fond, comme je vous l’ai indiqué précédemment. Pour autant, si cet amendement devait être adopté, il aurait pour conséquence un allongement très significatif de la procédure d’indemnisation. Est-ce cela que nous souhaitons pour les sinistrés ?
Ces études devraient être réalisées plus en amont, dès la phase de construction du bâtiment.
Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Brault. Nous savons pertinemment que dans le secteur des assurances, l’expert et le contre-expert s’accordent entre eux dans 60 % des cas ; le client est lésé ! Il s’agit là d’un véritable sujet de préoccupation.
C’est précisément la raison pour laquelle le fait d’expertiser les fondations à une profondeur de trente ou quarante centimètres du sol permettrait d’établir un diagnostic beaucoup plus précis. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 189 |
Le Sénat n’a pas adopté.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 n’est pas adopté.
Article 2 bis (nouveau)
Le b du 2° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « une phrase ainsi rédigée » sont remplacés par les mots : « trois phrases ainsi rédigées » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels rendent le bâti inhabitable, cette indemnité peut également être utilisée par l’assuré pour faire construire ou pour acquérir un nouveau logement. »
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 bis. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 bis n’est pas adopté.
Article 2 ter (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’incidence financière de la présente loi. Celui-ci présente à la fois des propositions de réforme afin de s’assurer de la soutenabilité financière du régime des catastrophes naturelles et des pistes de financement assurantiel, tout en excluant une hausse des primes, des cotisations et des franchises pour les assurés.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 ter. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 ter n’est pas adopté.
Article 2 quater (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences, en termes de dépenses publiques et de taux de recours, de l’allongement du délai durant lequel l’assuré peut déclarer un sinistre à l’assureur à compter de la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 quater. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 quater n’est pas adopté.
Article 2 quinquies (nouveau)
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la prévention du risque de sécheresse-réhydratation des sols. Il détaille un plan prévisionnel pour protéger les immeubles à risque afin d’anticiper les sécheresses à venir ainsi que des mesures pour améliorer la connaissance du risque et des actes de prévention, afin de réduire le nombre de sinistres, en y associant les collectivités territoriales et les assureurs.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 quinquies. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 quinquies n’est pas adopté.
Article 2 sexies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’élargir les possibilités de recours des sinistrés et des élus locaux contre l’État et les assurances, particulièrement lorsque l’état de catastrophe naturel n’a pas été prononcé.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 sexies. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 sexies n’est pas adopté.
Article 2 septies (nouveau)
Au plus tard le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, pour financer les expérimentations de techniques de prévention du risque de retrait-gonflement de l’argile, en vue de leur généralisation.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 septies. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 septies n’est pas adopté.
Article 2 octies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les possibilités de perfectionnement du critère météorologique permettant de reconnaître l’état de catastrophe naturelle pour le phénomène de retrait-gonflement des argiles.
M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 2 octies. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet article ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 octies n’est pas adopté.
Article 2 nonies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la pertinence des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en cas de sinistres provoqués par des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
Le rapport évalue les modalités de mise en œuvre de l’article 1er afin d’améliorer le taux de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par une analyse sur site, et non par mailles, adaptée au phénomène d’alternance entre des épisodes de sécheresse et de réhydratation dans un temps long.
M. le président. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 2 nonies, je vous informe que, les articles précédents n’ayant pas été adoptés, si celui-ci ne l’était pas non plus, l’article 3 deviendrait sans objet.
En conséquence, il n’y aurait plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, tous les articles la constituant ayant été rejetés ou étant devenus sans objet. Aucune explication de vote sur l’ensemble ne serait admise.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Je souhaite remercier les membres du groupe Les Républicains d’avoir participé en nombre et de manière constructive au débat sur ce texte. (Rires sur les travées du groupe GEST.) Trêve de plaisanterie : vous n’êtes pas très sérieux, chers collègues. Nous débattons d’un sujet essentiel. Des millions de personnes vivent dans une maison fissurée, ou ne peuvent plus y vivre, et attendent d’être indemnisés.
Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, cela fait quatre, voire cinq ans que nous travaillons sur ce sujet. Telle est à mon sens la meilleure raison de voter ce texte.
La mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, rapportée par notre collègue Nicole Bonnefoy, avait abouti au dépôt d’une proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, débattue et adoptée par le Sénat. Ce texte bienvenu proposait des solutions.
Le Gouvernement nous avait répondu qu’il était préférable d’attendre, au bénéfice d’un dispositif plus performant. Il recommence aujourd’hui, mais je ne comprends pas pourquoi Mme Lavarde s’entête, elle aussi, dans cette direction.
En quoi l’élaboration d’un texte plus global sur le fonds Barnier et les catastrophes naturelles – nous ne sommes d’ailleurs pas d’accord avec vos orientations, qui nous paraissent très dangereuses – empêche-t-elle de voter le présent texte, qui apporte une solution immédiate à des personnes qui attendent une indemnisation ? Il faudra me l’expliquer, madame le rapporteur !
Par ailleurs, je l’ai dit, vos orientations m’inquiètent fortement. Vous voulez en effet ménager les assureurs. Nous avons bien compris que vous ne vouliez pas que l’on y touche, comme vous ne voulez pas non plus que l’on touche aux finances publiques. Or le réchauffement climatique coûte cher et va nécessiter la mise en place de mécanismes de protection, au financement desquels les finances publiques devront contribuer.
Dans le même temps, vous entendez augmenter les prélèvements pour contribuer aux garanties catastrophes naturelles.
Ce que vous proposez me paraît incohérent ! Je ne comprends pas qu’on en arrive à une telle situation. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. En complément des propos de Guillaume Gontard, j’ajouterai que le rejet de ce texte est tout de même une occasion manquée. Nous ne répondrons pas à la situation en renvoyant cette question à un texte à l’automne, dont les dispositions ne seront pas applicables avant un an.
Les difficultés qu’emporte le retrait-gonflement des sols argileux sont très anxiogènes pour les nombreux Français concernés, parmi lesquels on compte beaucoup de personnes modestes. Notre responsabilité politique est de leur apporter une réponse rapide, non de la reporter encore de six mois, huit mois ou un an.
Par ailleurs, j’ai relevé dans le propos de Mme la rapporteure une divergence qui m’inquiète un peu.
Je rejoins tout à fait Christine Lavarde – il se trouve que nous assistons aux mêmes colloques et échangeons avec les mêmes acteurs – quant au constat d’une possible fragilisation de la Caisse centrale de réassurance, autrement dit de l’État. C’est un point sur lequel nous sommes d’accord. J’estime toutefois que la seule manière de préserver cette caisse – c’est même une évidence – est d’augmenter les recettes du régime CatNat, ce qui, du reste, ne mettrait aucun acteur en danger, pas même les assureurs. Cela créerait même des flux financiers supplémentaires.
Tel est le sens dans lequel nous aurions dû aller pour trouver un accord sur la chaîne de l’expertise – j’estime à cet égard que la proposition de Sandrine Rousseau constitue une excellente base de travail.
Avec cette occasion manquée, nous envoyons un message très négatif aux personnes qui sont en difficulté. Il n’est tout de même pas simple de voir sa maison se fissurer. En votant contre ce texte, vous ne faites pas œuvre utile, mes chers collègues.
Je redoute par ailleurs la suite, car les propos de Mme le rapporteur vont plutôt dans le sens d’un amoindrissement de la solidarité nationale au nom de l’orthodoxie financière, à rebours de ce qu’il faut faire aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Permettez-moi de répondre aux mises en cause dont j’ai fait l’objet.
La première porte sur les orientations « très dangereuses » qui sont les miennes. Je suis au regret de vous dire, mes chers collègues, que M. Jean-Marc Jancovici soulignait cette semaine la pertinence des questions posées par les travaux du Sénat. Telle n’est peut-être pas l’écologie que vous prônez, mais M. Jancovici a ajouté que si certaines questions soulevées par nos travaux étaient certes dérangeantes, nous ne pouvions plus mettre ces dossiers sous la table.
Vous me reprochez ensuite de ne pas vouloir toucher aux assureurs. C’est faux ! La proposition de loi de la commission des finances comporte des dispositions assez coercitives pour les assureurs. S’ils se désengageaient demain de certains points du territoire, ils seraient contraints, via le Bureau central de tarification, de continuer de les couvrir.
M. Ronan Dantec. Il fallait inclure cette disposition dans le présent texte !
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Vous me reprochez également de ne pas vouloir toucher aux finances publiques. C’est faux !
La même proposition de loi de la commission des finances prévoit explicitement que toutes les sommes prélevées aux assurés au titre de la prévention des risques naturels majeurs soient affectées à des politiques de prévention de ces mêmes risques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Le texte prévoit de plus que ces affectations seront retracées chaque année dans les documents financiers, notamment dans le projet de loi de finances et les projets de loi de règlement.
Par ailleurs, le président Gontard s’inquiète de l’augmentation des prélèvements sur les assurés, tandis que M. Dantec en appelle à une augmentation des recettes du régime CatNat, dont une partie est prélevée sur les contrats des assurés. Il faudrait donc vous mettre d’accord, car on ne peut pas à la fois augmenter les ressources du régime et ne pas faire payer davantage les assurés ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Vous nous appelez enfin à la responsabilité politique. J’estime pour ma part que la responsabilité politique consiste à essayer de concilier différents impératifs. Mes collègues de la commission des finances pourront du reste confirmer que, en matière de catastrophes naturelles, j’ai toujours souligné que la grande difficulté était de concilier la valeur vénale des biens concernés et leur valeur patrimoniale et affective, qui n’est pas forcément bien prise en compte par l’économie.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 nonies.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 96 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je rappelle que, les articles précédents n’ayant pas été adoptés, l’article 3 est devenu sans objet.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile n’est pas adoptée.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 3 juin 2024 :
À dix-sept heures :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (texte de la commission n° 632, 2023-2024) ;
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (texte de la commission n° 610, 2023-2024).
Le soir :
Projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte de la commission n° 635, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER