Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir débattu des meublés de tourisme, qui ont leur responsabilité dans la crise actuelle du logement, nous reprenons le problème par un autre bout, celui de la vacance des bureaux.

Il est vrai que, d’après l’Institut Paris Région, plus de 4,4 millions de mètres carrés de bureaux seraient vides en Île-de-France. Plus que le nombre en lui-même, c’est la tendance qui inquiète. En effet, alors qu’il n’y avait « que » 2,6 millions de mètres carrés vacants à la fin de 2019, juste avant la crise du covid-19, ce chiffre a augmenté de 70 % en seulement trois ans.

Si l’on prend pour référence une opération conduite à Pantin qui a permis de transformer 6 000 mètres carrés de bureaux en 70 logements, on peut supposer, par un calcul approximatif, que ces 4,4 millions de mètres carrés vides en Île-de-France pourraient donner lieu à la création de 50 000 logements environ.

Cette hypothèse semble toutefois relever de la fiction, sachant que 2 000 logements seulement sont issus de telles transformations chaque année.

Nous nous apprêtons à simplifier un peu la réglementation afin de faciliter la transformation de bureaux en logements. Cela garantira-t-il pour autant la réalisation d’opérations souvent coûteuses ? Rien n’est moins sûr.

Les promoteurs qui construisent des bureaux le font notamment pour assurer un portefeuille d’actifs stables à leurs financeurs et pour équilibrer des opérations d’aménagement dont les collectivités sont de plus en plus dépendantes pour financer des équipements et des espaces publics. Les conversions représenteront donc un coût supplémentaire qu’il faudra bien supporter.

La petite modification de la taxe d’aménagement prévue par plusieurs articles de cette proposition de loi sera naturellement insuffisante, même si les collectivités bénéficiaires l’accueilleront positivement.

Le modèle économique qui préside à l’aménagement doit être revu, soit en arrêtant de soutenir la finance au détriment du droit au logement soit en donnant aux collectivités et aux bailleurs sociaux les moyens budgétaires de conduire directement les opérations répondant à la demande.

Quoi qu’il en soit, pour ce qui est des locaux vacants, il semble clair que l’État devra être au rendez-vous s’agissant d’assurer la réalisation des projets de conversion, dont nous avons en effet bien besoin.

Les objectifs du ZAN ayant été fixés pour 2050, cette proposition de loi nous pousse aussi à réfléchir à la raréfaction du foncier.

Il nous faut rationaliser son utilisation, tant pour faire face aux défis sociaux que pour limiter le dérèglement climatique. Malheureusement, ledit foncier est avant tout soumis aux règles du marché, à la spéculation et aux exigences de la rentabilité maximale. Ceux qui ont les moyens d’acheter des terrains, nus ou bâtis, et ceux qui ont les moyens de construire devraient désormais le faire pour l’intérêt général ; nous en sommes loin. À l’inverse, ceux qui œuvrent au service de l’intérêt général ont de moins en moins les moyens de bâtir.

Nous devons mieux maîtriser les constructions et redonner du pouvoir aux collectivités afin que les projets qui se réalisent soient en phase avec les besoins des territoires, y compris lorsque c’est de bâtiments tertiaires qu’il est besoin – et je ne doute pas qu’il s’en construise encore beaucoup.

Il s’avère aujourd’hui qu’une partie de l’offre d’immeubles tertiaires n’est pas en adéquation avec la demande, du fait de la structure des immeubles, mais aussi de leur coût, conséquence d’une spéculation foncière et immobilière qui ne concerne pas le seul logement.

Dans ces locaux vacants, on trouve parfois des activités éphémères. Éphémères, elles le sont non par manque d’intérêt des personnes qui en bénéficient, mais par manque de moyens des porteurs de projet, compte tenu des loyers exorbitants de certains de ces locaux.

Un nouveau modèle de financement devrait pouvoir assurer la mise à disposition durable de locaux accessibles pour les structures dont nous avons besoin et qui n’ont pas les moyens de payer des loyers exorbitants pour faire vivre le lien social, lequel est trop peu valorisé.

Il en va en définitive du sujet qui nous occupe aujourd’hui comme de la demande de logements décents : celle-ci augmente chaque année sans qu’aucun financement se dégage pour construire du logement accessible.

Ce texte étant voté, les bureaux vacants pourront être transformés en logements. Mais de quels logements s’agira-t-il ? De logements de luxe, inaccessibles au plus grand nombre ? Je ne l’espère pas, et il y aurait tout intérêt à soutenir la transformation de bureaux vacants en logements sociaux.

Les bailleurs sociaux devront avoir les moyens de mener ces opérations, avec le soutien de l’État, pour créer des logements accessibles, afin que les bureaux chers ne deviennent pas des logements chers. Remplacer des bureaux vacants par des logements vacants n’aurait en effet que peu d’intérêt s’agissant de répondre à la crise du logement à laquelle cette proposition de loi est censée timidement s’attaquer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les confinements successifs, la mise à l’arrêt de secteurs entiers, le télétravail généralisé ou la fermeture de certaines écoles ont considérablement modifié notre mode de vie.

Les entreprises ont dû s’adapter, autorisant de plus en plus franchement la digitalisation des tâches et laissant vacants de nombreux bureaux.

Dans le contexte actuel, où se conjuguent crise du logement et objectifs imposés par la loi Climat et résilience – ceux-ci restreignant certaines constructions –, nous devons faire preuve de réalisme.

C’est donc avec satisfaction que le groupe du RDSE accueille cette proposition de loi, qui contient des propositions intéressantes pour remédier à l’étroitesse du marché dans certaines zones tendues. Face à l’urgence de la situation, elle doit servir de levier d’action et de première étape en vue de mobiliser davantage de réservoirs fonciers.

En effet, la possibilité de déroger au plan local d’urbanisme en cas de transformation en logements de bâtiments ayant une destination autre que d’habitation et la possibilité de soumettre ces derniers à la taxe d’aménagement même sans construction de surface de plancher supplémentaire permettront aux élus, ainsi qu’aux particuliers, de se lancer plus facilement dans des projets d’aménagement, et ainsi d’alimenter le stock de logements disponibles.

Pour répondre à une demande croissante dans les zones urbaines, d’où je viens et dont je suis l’un des représentants, il est essentiel d’alléger certaines contraintes réglementaires et administratives et de mobiliser davantage de moyens.

Madame la rapporteure, bien qu’accueillant cette proposition de loi avec beaucoup de satisfaction, nous craignons qu’elle ne soit dévitalisée après l’examen du projet de loi qui nous sera présenté dans quelques jours.

Nous regrettons de surcroît que le présent véhicule législatif ne permette pas la création de davantage de logements sociaux. En effet, force est de constater que le surplus de logements disponibles ne sera pas mis à disposition des plus précaires.

Au lieu de cela, l’exécutif a fait le choix de nous présenter une « loi Logement » – un projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables –, dont nous débuterons l’examen en commission dans deux semaines, qui va à rebours du texte qui nous est aujourd’hui soumis.

Pourtant, en Seine-Saint-Denis, les apports de cette proposition de loi pourraient être très utiles. La transformation et le changement d’usage de l’ensemble des bâtiments ayant une destination autre que d’habitation permettraient de répondre à la pénurie de logements, notamment de logements sociaux, dont souffre le département.

Dans la ville de Saint-Denis, on compte 56 000 demandes pour 150 logements à attribuer ! Pareille statistique vaut dans l’ensemble du département ; voilà qui n’est pas acceptable.

La rupture idéologique qui sépare la politique actuelle du logement de celle qui prévalait depuis le début des années 2000 nous inquiète.

À Noisy-le-Grand, par exemple, une personne qui perçoit 1 700 euros par mois ne peut prétendre à un logement social ; bien souvent, elle ne peut pas non plus avancer les trois mois de loyer demandés pour devenir locataire de n’importe quel autre bien.

Améliorer l’accessibilité ne se résume pas à construire plus : il faut repenser les critères d’éligibilité.

Face à un problème d’offre, la tentation est grande de créer des logements supplémentaires ; mais, dans un contexte marqué par la raréfaction foncière et par la limitation normative croissante de la construction neuve, il n’est plus possible pour les marchés immobiliers locaux de s’équilibrer via une augmentation des quantités d’offre.

Monsieur le ministre, fini les rustines ! Il devient nécessaire de préparer une politique du logement reposant sur une vision de plus long terme.

En effet, la loi Logement que vous présenterez prochainement détricote complètement la loi SRU (loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains) et menace les objectifs de mixité sociale consacrés par ce texte.

Hélas ! au regard du contexte, nous pouvons douter de l’opportunité de transformer des logements privés en logements sociaux dans les communes récalcitrantes qui contournent les dispositions de la loi SRU, ces mêmes communes dont les maires pourront user de leur droit de veto, lors des commissions d’attribution, sans que se pose la question de leur légitimité.

Malgré ces observations, qui témoignent d’une vigilance particulière du groupe du RDSE sur le projet de loi à venir, nous voterons en faveur de ce texte : parce qu’il permet l’augmentation du stock de logements disponibles dans un contexte de diminution dont nous prenons quotidiennement la mesure dans nos territoires, il fait figure de première étape sur la voie d’une réponse qui devra être plus profonde et plus structurante. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité du texte que nous venons d’adopter, la présente proposition de loi apporte une réponse complémentaire à la crise du logement qui sévit en France depuis de nombreuses années.

Évidemment, ce texte ne résoudra pas à lui seul la crise actuelle, mais il va dans le bon sens et apporte des outils supplémentaires pour y répondre.

La transformation des bureaux en logements est un sujet récurrent, souvent évoqué, mais rarement concrétisé.

Nous en avons conscience : le logement, bien de première nécessité, est devenu une préoccupation quotidienne et une charge financière majeure pour nos concitoyens. La crise actuelle du secteur n’est pas nouvelle ; elle a des répercussions économiques, sociales et politiques.

Nous assistons aujourd’hui à une convergence de plusieurs dynamiques : essor du télétravail, qui réduit les besoins en surfaces de bureaux, déficit de logements qui se creuse, vieillissement accéléré des bâtiments, obsolescence des passoires thermiques ou encore conditions financières favorisant le résidentiel par rapport à l’immobilier de bureau.

Cette question du recyclage immobilier n’est pas nouvelle. Dans les années 1990, cette piste était logique, en raison de la crise de surproduction tertiaire. La pandémie de covid-19 a de nouveau mis en lumière cet enjeu, en révélant l’existence de plus de 4 millions de mètres carrés de bureaux vacants rien qu’en Île-de-France.

Vu l’ampleur de cette crise dans le quotidien des Français, la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements est présentée comme un levier utile pour redynamiser le marché du logement.

Eu égard à l’évolution du taux de vacance des bureaux, dont la crise de la covid-19 a aggravé la hausse, et à la croissance de la demande de logements destinés aux personnes à ressources modestes, ce texte est une occasion que nous devons saisir.

Il offre de nouveaux outils à l’ensemble des collectivités afin qu’elles puissent répondre rapidement et efficacement aux besoins en logements abordables sur des terrains déjà urbanisés. Les prix du logement ayant été multipliés par 2,6 en quarante ans, la procrastination n’est plus une option.

Sous l’impulsion du Président de la République, la majorité a déjà beaucoup accompli pour le logement depuis 2017 : je citerai la loi Élan (loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), la loi 3DS (loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale), ou encore le plan Logement d’abord.

Cependant, face aux défis persistants, nous devons aller plus loin, en commençant par apporter aux élus locaux de nouveaux outils permettant une accélération des procédures et une amélioration de l’équilibre économique des transformations de bâtiments existants en habitations.

Ainsi l’article 1er autorise-t-il le changement de destination d’un bâtiment ayant une autre destination que l’habitation à titre principal, y compris si le plan local d’urbanisme ou le document en tenant lieu ne l’autorise pas.

Ainsi l’article 2 autorise-t-il les maires à assujettir les bureaux transformés en logements à la taxe d’aménagement. Quant à l’article 4, il crée un permis de construire à destinations multiples.

Sur ce dernier sujet, je défendrai deux amendements au nom du groupe RDPI.

L’un, qui vise à offrir davantage de souplesse aux porteurs de projet, tend à porter à vingt ans la durée de validité du permis à destinations multiples, avec possibilité, sur demande des bénéficiaires, de le prolonger de dix ans jusqu’à trois reprises.

L’autre a pour objet de supprimer la mention explicite par laquelle il est précisé que le bénéfice de la dérogation prévue à l’article 1er est applicable au permis à destinations multiples. En effet, cette possibilité de dérogation est d’application automatique, le permis multidestination étant soumis aux règles de droit commun.

Ce texte prévoit également l’adaptation des règles d’urbanisme et de copropriété pertinentes et l’instauration d’un régime fiscal adéquat à ces changements d’usage.

Ainsi, grâce aux dispositions de l’article 6, de nombreux copropriétaires pourront demain convertir plus rapidement leurs bureaux en logements.

Je veux revenir, pour finir, sur le sujet crucial du logement étudiant.

Selon un rapport sénatorial issu des travaux de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante et présenté par notre collègue Laurent Lafon en juillet 2021, il manquerait environ 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande en France.

Quiconque ici ayant des enfants ou des petits-enfants qui ont étudié ou étudient à Paris sait à quel point il est difficile de s’y loger, à quel point les listes d’attente s’allongent et à quel point le nombre de garanties demandées devient parfois ubuesque. Combien de jeunes renoncent à leurs études ? Combien dorment dans des conditions plus que précaires ? Il existe aujourd’hui dans notre pays des situations insensées auxquelles nous devons mettre un terme.

Or le texte qui nous est aujourd’hui présenté contient, à juste titre, des mesures complémentaires pour le logement étudiant.

Il facilite la réalisation de tels logements en donnant aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les Crous, la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation et en autorisant les PLU à prévoir une majoration du volume constructible au bénéfice de l’ensemble des résidences étudiantes.

Pour ce qui est de cette dernière disposition, notre groupe proposera de revenir à la version initiale de l’article 5 bis, celle de nos collègues députés, qui permet d’accorder aux seules résidences universitaires gérées par le réseau des Crous le même bonus de constructibilité que celui qui est accordé aux logements sociaux.

Mes chers collègues, vous le savez toutes et tous, la crise actuelle du secteur du logement est causée par de multiples obstacles. Loin de tous les surmonter, cette proposition de loi constitue néanmoins une nouvelle boîte à outils de solutions bienvenues.

Le groupe RDPI votera donc sans hésitation pour l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur du logement connaît une grave crise. Ce phénomène, nous l’observons sur l’ensemble du territoire national ; et la politique, ou plutôt l’absence de politique, menée en la matière depuis 2017 n’a fait qu’aggraver cet état de fait.

Il serait toutefois difficile de ne pas soutenir un texte qui reprend deux objectifs absolument essentiels s’agissant de répondre aux besoins de construction de logements, mais aussi de tenir les objectifs du ZAN et de lutter contre l’étalement urbain.

Cette proposition de loi vise donc à faciliter la transformation en logements des bureaux vides, mais aussi, plus globalement, de tout le bâti inutilisé, aussi bien dans les zones tendues que dans les zones rurales.

Si nous sommes a priori favorables à ce texte, dont nous partageons les ambitions, il n’en reste pas moins qu’il embrasse de multiples questions et soulève des enjeux importants, tant en matière de compétence des collectivités et d’urbanisme que de logement étudiant et de fiscalité.

Nous nous posons ainsi quelques questions quant à la pertinence et aux modalités de mise en œuvre des dispositifs suggérés.

Avant tout se pose le problème fondamental de l’ingénierie dont disposent les communes pour réaliser de telles opérations de transformation. En effet, le texte prévoit que la possibilité de déroger au PLU s’applique à l’ensemble des territoires couverts par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu. Il doit donc s’appliquer non seulement aux bureaux, mais aussi à tout bâtiment public sans utilité, comme les anciennes postes, trésoreries ou écoles, souvent en déshérence, qui pourraient constituer un stock de bâti mobilisable pour les territoires ruraux.

Mais de telles opérations induisent une forte complexité. Qui conduira l’étude du potentiel de transformation du bâtiment concerné ? Qui évaluera les coûts globaux de la transformation ? Si le texte prévoit des dérogations à la réglementation urbanistique, rien n’est prévu concernant d’éventuelles dérogations à la réglementation technique, ce qui risque de poser d’évidentes difficultés quant à la viabilité des projets de transformation.

On multiplie les dérogations – au permis de construire, à la commande publique, au PLU ; mais où est l’impulsion politique pour encourager les maires à se lancer dans ces opérations complexes et coûteuses ? Qu’en est-il de l’ingénierie que nous réclamons pour les communes rurales, ingénierie dont elles ont besoin pour mener ces opérations de transformation relativement coûteuses ?

Nous attendons sur ce point un engagement formel de l’État – pourquoi pas via l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), instance la plus à même d’effectuer un tel accompagnement – à aider les maires dans l’évaluation et la structuration de leurs projets.

Ce texte manque également de propositions ou de solutions concernant la convergence entre les règles et normes de construction applicables aux bureaux et aux logements.

En effet, envisager et permettre la mutabilité des bâtiments est louable, mais on ne saurait s’exonérer d’une réflexion plus approfondie visant à harmoniser les réglementations existantes, notamment en matière de sécurité incendie, entre les bureaux et les logements, de manière à faciliter la mixité fonctionnelle et l’évolution de l’usage du bâtiment.

Nous demanderons au Gouvernement un engagement clair sur ce sujet.

Mes chers collègues, un autre point nous paraît incontournable, celui de l’inventaire des locaux vacants dans chaque commune.

En effet, les élus locaux ne sont pas toujours au fait du nombre exact de bâtiments disponibles qui pourraient faire l’objet de telles transformations.

Comment les aider à mieux connaître leur patrimoine sans créer pour autant de charges supplémentaires pour les collectivités, lesquelles n’ont pas forcément le temps ni les moyens nécessaires pour établir une telle cartographie ? C’est là une réflexion que nous portons déjà de longue date, dans le cadre notamment des débats sur le ZAN et de la fameuse cartographie des friches. L’État semble aujourd’hui incapable de fournir de telles données. Non seulement un état des lieux s’impose, mais il est également nécessaire que les maires aient accès à des statistiques complètes et précises sur l’état des bâtiments, leur statut et leurs propriétaires.

Il est enfin une question que le texte ne traite pas, celle de la rentabilité de ces futurs logements et du modèle économique que l’on souhaite favoriser.

La transformation de bureaux en logements existe de longue date, notamment à Paris, mais la répartition territoriale des opérations de ce genre est très inégale. Comment, dès lors, favoriser ces opérations dans des territoires où la question de leur rentabilité se posera avec davantage d’acuité que dans une grande métropole ?

On cherche à faciliter la transformation de bureaux en logements : soit. Mais à destination de quel public ?

Étant attachés, comme nombre de nos collègues dans cet hémicycle, aux dispositions de la loi SRU – elles ont prouvé leur efficacité depuis vingt ans –, nous avons déposé un amendement qui tend à préciser explicitement que, dans les communes carencées, la dérogation au PLU ne pourra être accordée que si l’opération de transformation prévoit la réalisation de 30 % de logements sociaux.

Nous saluons la volonté de mobiliser le bâti public inutilisé. Mais quel sera l’investissement de l’État, tant financier qu’en matière d’accompagnement ? Aucune intervention publique n’est prévue pour flécher au moins une partie de ces opérations vers du logement abordable.

Notre groupe a formulé depuis plusieurs années, notamment dans le cadre des projets de loi de finances successifs, des propositions en faveur de la réappropriation du bâti, sans jamais avoir l’oreille du Gouvernement.

Nous espérons que ce texte sera l’occasion pour nous d’être enfin entendus – partiellement, sans doute – ou, à tout le moins, d’engager un travail de réflexion et d’échange.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la régulation des meublés de tourisme, nous abordons la transformation des bureaux en logements.

Nous aimerions ainsi effeuiller les pétales d’une marguerite imaginaire, qui serait la stratégie du Gouvernement en la matière. (M. le ministre délégué samuse.)

Mais ce à quoi nous avons affaire ressemble plutôt à la tactique du salami ! De puzzles en boîtes à outils, le Gouvernement nous demande, pour remédier à la crise du logement, de traiter les sujets en silos, l’un après l’autre, sans véritable vision d’ensemble.

Je ne conteste pas l’utilité du texte qui nous est soumis aujourd’hui et je salue le travail de nos rapporteurs, Martine Berthet, pour la commission des affaires économiques, et Stéphane Sautarel, pour la commission des finances. Ils ont cherché à étendre au maximum la portée du texte initial.

Ils ont ainsi atténué certains de ses défauts, notamment sur le plan fiscal, afin de mieux prendre en compte l’équilibre financier difficile des opérations visées.

Ils ont étendu le champ des types de bâtiments concernés, inclus les surélévations et les extensions, facilité les exceptions, accru le potentiel du permis de construire à destinations multiples.

Quelle est donc l’ampleur du sujet que nous traitons ? Cela a été dit : en Île-de-France, environ 4,5 millions de mètres carrés de bureaux sont vides, dont un quart de manière structurelle. Dans le contexte que nous connaissons, ce potentiel de quelques dizaines de milliers de logements est bon à prendre.

Toutefois, malgré les efforts de nos deux commissions, ce texte restera un simple petit pas dans la bonne direction.

Je regrette que les auteurs de cette proposition de loi, et à travers eux le Gouvernement, n’aient pas eu l’ambition d’englober complètement, par ce texte, le potentiel beaucoup plus important que représentent les quelque 55 000 hectares des 243 zones commerciales identifiées par la Banque des territoires. Une fois restructurées, ces surfaces pourraient représenter un potentiel d’un million de logements.

Monsieur le ministre, cette proposition de loi est également l’un des volets de votre politique en faveur de l’offre. Mais à quel horizon produira-t-elle ses effets ? Depuis une dizaine d’années, le produit des reconversions de bureaux en logements est d’environ 2 000 logements par an. On est bien loin du choc d’offre annoncé depuis 2017 et qui, depuis, a fait long feu.

Alors que, pour des raisons techniques, ces bureaux sont souvent propices à la création de résidences étudiantes, force est de constater que le Gouvernement est également bien loin de l’objectif des 60 000 logements étudiants promis par Emmanuel Macron en 2017.

En réalité, les résultats de cette politique de l’offre ne se feront sentir que dans plusieurs années ; c’est dire qu’ils ne sont pas le remède à la crise sociale que nous connaissons, qui est de plus en plus une crise politique.

Nous soutenons et soutiendrons toute mesure qui accroîtra l’offre de logements et simplifiera la vie des acteurs de la filière. Mais nous pensons également que cette politique de l’offre ne peut répondre, à elle seule, aux besoins en logements des Français. Il faut une autre politique à effet plus immédiat !

Nous avons besoin d’une relance de la demande, car, à l’heure actuelle, le déficit de demande nourrit le déficit d’offre, et non l’inverse. En France, et contrairement à ce qui se passe dans certains pays étrangers, la promotion immobilière privée n’est pas confrontée à une crise de surproduction. C’est tout l’inverse : elle ne produit que les logements qu’elle a déjà vendus. Or, précisément, elle n’en vend plus, ou si peu… Il faut donc que les Français puissent de nouveau acheter.

Pourtant, en pleine crise du logement, le Gouvernement a réduit son appui au secteur, aggravant ainsi la situation.

Nicolas Sarkozy, en 2008, et Édouard Balladur, en 1993, avaient fait l’inverse. Ils s’étaient également appuyés sur la capacité contracyclique des bailleurs sociaux qui, mis à l’amende de la réduction de loyer de solidarité (RLS) depuis 2017, n’ont jamais produit aussi peu de logements qu’en 2023 !

L’Allemagne, aujourd’hui, relance massivement le logement.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Vous n’avez pas les bons chiffres !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Oui, je le redis, une autre politique est possible, même en tenant compte des difficultés financières que nous connaissons, puisque ces dépenses ont un effet de levier important sur l’économie et les recettes fiscales et que le compte national du logement est largement bénéficiaire pour l’État.

À l’opposé de ces petites lois technicistes et pointillistes, c’est à une refondation de la politique du logement que nous appelons.

Nous voulons cette refondation pour recréer un consensus national, adopter une vision d’ensemble et répondre aux besoins des Français.

Le logement doit être le creuset du projet national, et non le moteur d’une archipélisation du vivre ensemble par laquelle, au lieu de vivre les uns avec les autres, nous serions face à face, puis les uns contre les autres, jalousant qui un logement social, qui un pavillon.

La transformation de bureaux en logements devrait être l’un des éléments de cette vision, car elle peut donner l’occasion, en bâtissant la ville sur la ville, de créer de nouveaux quartiers correspondant à l’ambition d’une densité de qualité, tout en réussissant la transition écologique.

Le groupe Les Républicains soutiendra donc le texte issu du travail de nos deux commissions. Les rapporteurs ont su en effet tirer de cette proposition de loi tout le potentiel de constructibilité qu’elle contenait, dans la perspective de favoriser la création d’un certain nombre de logements supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)