Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1278, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, le jeudi 11 avril, le groupe ExxonMobil annonçait la fermeture de son unité de chimie à Port-Jérôme-sur-Seine, et donc la suppression de 677 postes d’ici à la fin de l’année 2024.
Cette entreprise, présente depuis plus de quatre-vingt-dix ans en Normandie, y constitue une véritable institution. La fermeture du vapocraqueur est donc un véritable choc. C’est tout un territoire et son écosystème d’entreprises sous-traitantes et cotraitantes, représentant plus de 1 500 emplois, qui sont directement touchés par cet arrêt brutal. Nous pourrions rester indifférents à cette situation, mais, élue du territoire, je suis évidemment en totale solidarité avec les salariés, leurs proches, les habitants et les élus locaux.
L’axe Seine, et plus particulièrement la commune de Port-Jérôme-sur-Seine, est un territoire dynamique, prêt à rebondir. Si ExxonMobil ne souhaite pas réétudier son projet, différer sa décision ou dialoguer afin de définir un projet alternatif, il est urgent de penser à l’avenir.
C’est ce que font les élus locaux, sous la présidence de Virginie Carolo-Lutrot, qui préparent l’accueil, en 2027-2028, de nouveaux secteurs de la chimie, tels que le recyclage moléculaire ou le bioraffinage, avec notamment l’implantation de l’américain Eastman et du belge Futerro, qui fabriqueront le plastique des prochaines décennies, dégradables, mais aussi biosourcés.
Pour autant, cette transition requiert un accompagnement de l’État, entre la fermeture du vapocraqueur d’ExxonMobil et l’installation des nouvelles entreprises. Que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour garantir l’avenir industriel de Caux Seine agglo, qui a reçu le label Territoires d’industrie ? Que comptez-vous faire pour favoriser l’implantation de nouvelles entreprises sur ce territoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, madame la sénatrice Canayer, vous l’avez rappelé, le 11 avril dernier, ExxonMobil a annoncé sa volonté de fermer le vapocraqueur de Notre-Dame-de-Gravenchon et de céder la raffinerie de Fos au consortium Rhône Énergies.
Le Gouvernement déplore la décision prise par la direction de cette entreprise. Le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, a d’ailleurs échangé directement avec celle-ci sur le sujet, à la suite de cette annonce, pour lui signifier son insatisfaction face à cette décision dommageable pour le territoire, les salariés concernés et leurs familles.
L’action du Gouvernement s’inscrit désormais dans une triple dynamique. D’abord, il s’agit de limiter les conséquences de cette fermeture sur les sous-traitants et la chaîne de la chimie française dans son ensemble. Puis, il faut limiter cet effet sur le territoire. Enfin, et surtout, nous devons nous assurer d’une prise en charge de qualité des salariés qui seront licenciés.
Sur ce dernier point, le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie l’a indiqué à la direction d’ExxonMobil : nous serons extrêmement exigeants vis-à-vis de l’entreprise pour qu’elle assume pleinement ses responsabilités à l’égard des salariés licenciés. C’est aussi le message qu’il a passé aux représentants syndicaux d’ExxonMobil, qu’il a rencontrés le 30 avril dernier. L’État contrôlera donc avec attention les mesures qui seront négociées dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – je pense que vous y serez également attentifs.
Par ailleurs, le Gouvernement assurera un suivi détaillé des projets alternatifs qui pourront se développer sur le territoire. Je remercie les élus, locaux et nationaux, qui s’impliquent sur ce dossier. L’enjeu est, comme vous le soulignez, de pousser des projets créateurs d’emplois, qui puissent aussi irriguer tout le tissu économique de Port-Jérôme-sur-Seine et des alentours.
Enfin, madame la sénatrice, le Gouvernement est également attentif à la situation de la raffinerie de Fos. Le ministre délégué chargé de l’industrie a d’ailleurs rencontré les repreneurs le 23 avril dernier, et nous serons extrêmement vigilants quant aux projets d’investissements à venir sur ce site.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation du Bundesrat, conduite par sa présidente, Mme Manuela Schwesig. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, se lèvent et applaudissent.)
Mme Manuela Schwesig est accompagnée par des représentants du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, dont elle est ministre-président, et par notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Allemagne.
Hier, nous avons tous deux partagé un moment particulièrement fort au mémorial de la Shoah, afin de rendre hommage aux victimes et de rappeler notre opposition ferme à toute forme d’antisémitisme. Demain, nous nous rendrons ensemble aux cérémonies du 8 mai 1945 – ce sera une première – pour redire notre attachement commun à la paix sur le continent européen.
Cette visite s’inscrit dans le cadre d’une coopération étroite et de longue date entre nos deux institutions, consacrée par la déclaration interparlementaire franco-allemande du Sénat et du Bundesrat du mois de mars 2019. Elle fait suite à mon déplacement à Berlin en novembre dernier, au cours duquel nous avons évoqué nos coopérations dans de nombreux domaines, en particulier dans le cadre européen bien sûr, mais aussi à l’échelle de nos collectivités locales.
Par leur dialogue régulier, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution essentielle à la relation si importante, si fondatrice, entre la France et l’Allemagne, ainsi qu’à la relation entre la France, l’Allemagne et la Pologne, dans le cadre du triangle de Weimar des secondes chambres.
Les travaux conjoints entre nos deux institutions se poursuivront fin octobre, dans le cadre de la 22e rencontre des groupes interparlementaires d’amitié du Sénat et du Bundesrat, qui se tiendra à Paris, à l’invitation du Sénat, mais aussi dans le cadre de la rencontre entre nos deux commissions des affaires européennes, sous l’égide de Jean-François Rapin.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis du Bundesrat et à leur présidente la plus cordiale bienvenue au Sénat français. Leur visite vient renforcer les contacts, les relations et l’amitié entre le Bundesrat et le Sénat – entre l’Allemagne et la France ! (Applaudissements.)
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Académie nationale de chirurgie
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon (proposition n° 359 [2022-2023], texte de la commission n° 566, rapport n° 565).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous avons à nous prononcer aujourd’hui permet de réparer une injustice, à tout le moins de rétablir une équité de traitement entre les différentes sociétés savantes, comme celles qui sont consacrées à la médecine et à la pharmacie.
Alors que, depuis 2013 et 2016, le statut de personne morale de droit public à statut particulier a été reconnu respectivement à l’Académie nationale de médecine et à l’Académie nationale de pharmacie, l’Académie nationale de chirurgie demeure une association régie par la loi de 1901.
Pourquoi une telle distorsion ? Différents arguments, évoqués notamment par l’Académie nationale de médecine, visent à démontrer le caractère superfétatoire, voire dangereux, qu’aurait la reconnaissance de statut de personne morale à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie : affaiblissement, parcellisation, concurrence, donc perte d’influence et d’écoute auprès des pouvoirs publics.
Pourquoi avons-nous tendance à concevoir souvent l’émergence de l’autre, quel qu’il soit, comme un danger et non comme une chance ou une opportunité ? Ces réticences pourraient s’entendre si elles avaient empêché la création de l’Académie nationale de pharmacie, ce qui ne fut pas le cas. Ces arguments pourraient s’entendre si l’Académie nationale de chirurgie était créée ex nihilo. Or celle-ci existe depuis 1875, regroupe aujourd’hui treize spécialités chirurgicales et mène des travaux sur son champ de compétences sans que cela ait posé de difficultés à ce jour.
Lors d’une conférence devant l’Académie nationale de médecine, le professeur Philippe Marre s’est interrogé sur la signification de la double représentation de la chirurgie française dans les deux académies – médecine et chirurgie. Après un rappel historique sur les origines de cette situation, il évoque en ces termes les liens actuels entre ces deux institutions : « Actuellement, l’Académie nationale de chirurgie et la deuxième division chirurgicale de l’Académie nationale de médecine se vivent de plus en plus comme complémentaires. […] Loin de créer la confusion, l’expression de la chirurgie française dans deux institutions académiques différentes en ce début de XXIe siècle est vécue comme une richesse par les deux institutions. Elles voient coopérer leurs différentes spécialités dans les nouvelles pratiques “mini-invasives” et “interventionnelles”, qu’elles soient médicales ou chirurgicales, pour le plus grand bien des patients. »
Cette approche vient donc battre en brèche les résistances de ceux qui craignent que la reconnaissance d’un statut plus protecteur pour l’Académie nationale de chirurgie vienne heurter, interférer, amoindrir les autres académies.
Accorder le statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie serait une marque de reconnaissance légitime de la particularité du métier de chirurgien.
Cette spécificité a été soulignée par Paul Valéry, de façon très élogieuse – voire complaisante – dans un discours prononcé en 1938 lors du Congrès français de chirurgie. Il y explique que la chirurgie « demande un si riche recueil de facultés, une mémoire si prompte et si pleine, une science si sûre, un caractère si soutenu, une présence d’esprit si vive, une résistance physique, une acuité sensorielle, une précision des gestes si peu commune, que la coïncidence de tant de ressources distinctes, dans un individu, fait du chirurgien un cas tout à fait peu probable à observer ».
Jean d’Ormesson, à la même tribune, lors du Congrès de 1985, a choisi d’autres formules. Il y déclare aux auditeurs : « Vous êtes des mystiques du réel et de l’invention. Votre premier souci est de réparer ce qui ne marche pas et de faire fonctionner ce qui ne fonctionne plus : vous êtes les mécanos du Bon Dieu, vous êtes les ingénieurs conseil du hasard et de la nécessité. »
Derrière ces propos, qui peuvent sembler dithyrambiques, qui sont des propos d’intellectuel, il y a un constat lucide des aptitudes indispensables à l’exercice de cette profession, qui connaît actuellement des mutations profondes avec la robotique, l’intelligence artificielle, la simulation.
Dès lors, comment ne pas donner à ses représentants les moyens d’agir ? Comment refuser de leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent ? Mes collègues Khalifé, rapporteur, et Pascale Gruny, également auteur de cette proposition de loi, vous présenteront plus en détail les raisons et les conséquences de ce changement de statut.
Pour conclure, je reprendrai les propos de Paul Valéry en 1938 : « Au moment où je ne sais quels délires, quelles manifestations tétaniques et quelles alternatives [sont] trop souvent le témoin des derniers moments d’une civilisation qui semble vouloir finir dans le plus grand luxe de moyens de détruire et se détruire, il est bon de se tourner vers des hommes qui ne retiennent des découvertes, des méthodes et des progrès techniques que ce qu’ils peuvent appliquer au soulagement et au salut de leurs semblables. »
Si nous éprouvons encore ce besoin, il nous incombe en retour d’accorder aux chirurgiens notre reconnaissance et les moyens de garantir leur indépendance dans le cadre d’une académie bénéficiant du statut de personne morale de droit public à statut particulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi déposée le 16 février 2023 par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon, qui vise à conférer à l’Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République.
Ce texte, à la portée essentiellement symbolique, semble avoir soulevé certaines interrogations, voire des inquiétudes, auxquelles je vais m’efforcer de répondre, en présentant sa philosophie et les enjeux.
L’Académie nationale de chirurgie est une institution ancienne, héritière d’une tradition monarchique ayant consacré certaines académies royales dès le XVIIe siècle, pour concourir aux progrès de la science et des arts. Tel fut le cas de l’Académie des sciences, fondée en 1666 par Colbert. L’Académie royale de chirurgie est quant à elle créée en 1731, suivie en 1778 par la Société royale de médecine. Toutes deux dissoutes après la Révolution française, elles sont conjointement restaurées par une ordonnance royale de 1820 dans une Académie royale de médecine chargée de poursuivre les travaux de la Société royale de médecine et de l’Académie royale de chirurgie.
Médecins, chirurgiens, pharmaciens, cohabitent au sein de cette académie, devenue Académie nationale de médecine, depuis deux siècles. La transdisciplinarité est au cœur de l’identité de l’Académie nationale de médecine. Elle irrigue ses travaux, également enrichis par la présence de membres éminents représentant des disciplines telles que le droit public, la philosophie ou la sociologie.
En parallèle, la pharmacie et la chirurgie ont toutes deux continué à se structurer de façon autonome à partir du XIXe siècle. Les académies nationales de chirurgie et de pharmacie s’inscrivent aujourd’hui dans une logique de complémentarité, qui répond à la nécessité de maintenir la spécialisation des travaux par discipline.
Actuellement, l’Académie nationale de chirurgie est une association régie par la loi de 1901. Elle dispose de missions propres, non concurrentes avec celles de l’Académie nationale de médecine. Preuve en est, la collaboration interacadémique fructueuse qu’entretiennent ces deux institutions et qui peut les conduire à des travaux et à des communications communs.
L’objectif de cette proposition de loi est bien de préserver l’équilibre actuel, qui permet de cultiver des champs de recherche s’enrichissant mutuellement grâce à une meilleure valorisation des expertises réciproques. Les missions de l’Académie nationale de chirurgie n’ont pas vocation à être modifiées, mais elles doivent être reconnues à leur juste valeur.
La qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République a été conférée par la loi à l’Académie nationale de médecine au mois de juillet 2013. Au mois de janvier 2016, la même reconnaissance a été octroyée à l’Académie nationale de pharmacie. Les motivations avancées tiennent alors essentiellement à la nécessité de développer les travaux de recherche dans le champ des sciences pharmaceutiques et biologiques. L’existence d’une division dédiée à la pharmacie au sein de l’Académie nationale de médecine n’a pas constitué un obstacle à cette évolution statutaire de l’Académie nationale de pharmacie. Elle n’a pas non plus conduit à une suppression de ladite division au sein de l’Académie nationale de médecine.
L’ambition de la présente proposition de loi pour l’Académie nationale de chirurgie n’est pas différente : il s’agit de contribuer à soutenir l’exercice de ses missions. L’Académie nationale de chirurgie valorise l’excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française. Elle s’investit dans la formation continue des chirurgiens, ainsi que dans la promotion de la recherche et de l’innovation, qui jouent un rôle fondamental dans l’évolution de la technique chirurgicale. À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse les pratiques de la discipline, il est essentiel de donner à cette académie une reconnaissance qui confortera sa légitimité et l’érigera comme un interlocuteur à part entière du Gouvernement.
L’Académie nationale de chirurgie œuvre d’ailleurs déjà aux côtés de l’Agence de l’innovation en santé et entretient des relations avec la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée. Elle constitue ainsi une instance de réflexion au service des pouvoirs publics. Elle est par ailleurs reconnue comme établissement d’utilité publique.
La consécration par la loi de cette institution en tant que personne morale de droit public à statut particulier permettra également d’en assurer l’indépendance, notamment financière. La proposition de loi prévoit en effet que l’Académie s’administre librement et qu’elle bénéficie de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes. Le budget de l’Académie, d’ailleurs excédentaire, s’appuie sur des produits qui proviennent essentiellement des cotisations de ses membres et de concours privés. Je précise que le statut de personne morale de droit public n’emporte pas de conséquences automatiques en termes de soutien financier par les pouvoirs publics. Ainsi, si l’Académie nationale de médecine bénéficie de personnels affectés et d’une subvention annuelle obligatoire, la subvention perçue par l’Académie nationale de pharmacie ne revêt pas de caractère obligatoire, et son montant est mineur.
La reconnaissance de ce statut particulier emporte enfin certains attributs juridiques spécifiques, comme l’insaisissabilité des biens et la compétence du juge administratif. Ainsi que cela a été le cas pour l’Académie nationale de pharmacie en 2016, la personne morale de droit public devrait se substituer à l’association de droit privé pour ses contrats, la propriété de ses biens et l’ensemble de ses droits et obligations.
En définitive, ces académies, héritières d’une histoire commune également prestigieuse, ne bénéficient pas de la même reconnaissance. La différence de traitement qui subsiste aujourd’hui place l’Académie nationale de chirurgie dans une situation d’infériorité symbolique qui n’apparaît pas justifiée.
L’argument qui motive la reconnaissance d’une académie de pharmacie par le fait que la pharmacie correspond à une profession différente de la médecine n’est pas convaincant au regard de l’enjeu du texte : donner à une discipline les moyens de porter une expertise spécialisée reconnue et faire progresser la recherche académique. D’ailleurs, le Conseil national de l’ordre des médecins a exprimé un soutien sans réserve à ce texte.
Ayant entendu les réserves exprimées, j’ai néanmoins souhaité soumettre à notre assemblée des amendements susceptibles de rassurer tous les acteurs. En premier lieu, nous avons adopté en commission un amendement visant à préserver le nom actuel de l’Académie nationale de chirurgie sans y adjoindre les pratiques interventionnelles innovantes. En deuxième lieu, lors de l’examen de l’article unique, la commission proposera d’adopter deux amendements tendant à prévenir tout risque de concurrence éventuelle avec les travaux de l’Académie nationale de médecine, laquelle intervient également dans le champ de la chirurgie. En troisième lieu, elle proposera, au travers d’un troisième amendement, de différer l’entrée en vigueur du dispositif, pour permettre au Gouvernement de définir les conséquences réglementaires de cette évolution statutaire en lien avec l’Académie nationale de chirurgie.
En résumé, les origines communes et l’histoire pluriséculaire partagée par les trois académies, autant que la nature des missions de l’Académie nationale de chirurgie, plaident en faveur de la reconnaissance de ce statut particulier. Loin de créer une redondance superflue ou une concurrence délétère, une telle évolution permettrait au rôle de l’Académie nationale de chirurgie d’être ainsi justement reconnu.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
(Mme Sylvie Robert remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)