Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
Secrétaire :
Mme Marie-Pierre Richer.
2. Prolifération du frelon asiatique. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Michel Masset, auteur de la proposition de loi
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 10 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Kristina Pluchet. – Retrait.
Amendement n° 2 rectifié de Mme Kristina Pluchet. – Adoption.
Amendement n° 14 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 9 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 4 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 5 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 15 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 6 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 18 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 8 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État
3. Accès aux pharmacies dans les communes rurales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi
Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 6 rectifié quater de M. Cédric Vial. – Rejet par scrutin public n° 181.
Amendement n° 3 rectifié de M. Philippe Folliot. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
compte rendu intégral
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Secrétaire :
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Prolifération du frelon asiatique
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (proposition n° 359, texte de la commission n° 501, rapport n° 500).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Masset, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)
M. Michel Masset, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il était temps ! Vingt ans après son arrivée, il était temps de retracer le parcours d’un insecte qui, malgré sa taille modeste, pose d’importants problèmes.
L’histoire de l’apparition du frelon asiatique à pattes jaunes sur le sol européen pourrait être cocasse si ses conséquences n’étaient pas dramatiques. Le vespa velutina nigrithorax est originaire d’Asie, il est présent de manière endogène de l’Afghanistan à la Chine.
Son introduction en France aurait eu lieu lors de l’importation de poteries depuis la Chine. Une reine se serait nichée dans un emballage et se serait enfuie à son ouverture, dans le Lot-et-Garonne, à deux pas de ma commune.
De cette unique reine, importée par malchance, a découlé une expansion phénoménale. Les deux premiers nids ont été recensés à Tonneins en 2004, après que des habitants les ont détruits au fusil de chasse, une pratique dangereuse à ne surtout pas reproduire.
En 2006, deux ans plus tard, l’insecte est déjà observé dans treize départements alentour. En 2009, 1 600 nids sont recensés dans trente-deux départements. En 2012, cinquante-six départements sont touchés. En 2014, soixante-sept départements sont concernés, etc.
Nos voisins européens n’ont pas non plus été épargnés : d’abord l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique, enfin, les Pays-Bas. De Lisbonne à Amsterdam, le frelon asiatique coule aujourd’hui des jours paisibles en Europe, malheureux exemple topique d’une espèce exotique invasive, introduite par erreur, mais qui s’est très rapidement adaptée.
Cette invasion est l’un des symptômes de la mondialisation, mais il ne s’agit pas de traiter cette problématique de manière dogmatique. Au contraire, notre réponse doit permettre de mieux appréhender les espèces invasives actuelles et futures : le ver plat d’Amazonie, fléau pour nos vers de terre, la moule quagga, qui pullule dans nos lacs alpins, ou encore la jussie que l’on retrouve dans nos cours d’eau.
Depuis plus de vingt ans, les frelons asiatiques bouleversent les écosystèmes, déciment les ruches et tuent les pollinisateurs. Pourtant, jusqu’ici, nous avons détourné les yeux. Dès à présent, regardons ensemble le problème en face.
La réflexion que nous devons mener concerne le rôle de la puissance publique et, précisément, celui de l’État. « La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. » Tels sont les termes par lesquels le préambule de la Constitution de 1946 consacre la réalité du principe de solidarité face aux fléaux.
Comment qualifier le frelon asiatique sinon comme une calamité ? La Nation proclame la solidarité ; il revient à l’État de l’organiser. Son intervention pour assurer la mutualisation des risques qui pèsent sur toute la société répond bien à une nécessité républicaine. Notre réponse doit ainsi être celle d’une République solidaire, une réponse populaire et non populiste, car le frelon constitue bien une menace.
Il est une menace, d’abord, pour la santé de nos concitoyens : si son venin n’est pas particulièrement plus dangereux que celui d’autres insectes présents sur le territoire, son agressivité, lorsqu’il est dérangé, est bien plus grande. Il se défend par l’attaque, souvent en groupe, et les piqûres répétées peuvent être mortelles.
Il représente une menace, ensuite, pour les abeilles : notre pays est riche de ses apiculteurs, dont je salue les fiers représentants présents aujourd’hui dans nos tribunes. Ils sont plus de 71 000 à produire notre miel, professionnels, pluriactifs ou amateurs ; ils constituent le maillage de la pollinisation, avec les 1,3 million de ruches que compte le cheptel français. En plus de produire 14 000 tonnes de miel par an, ils travaillent en collaboration directe ou indirecte avec les agriculteurs, les arboriculteurs ou les floriculteurs pour polliniser les cultures.
Comment répondre aujourd’hui au problème ? Cette proposition de loi à objectif clair : organiser et préserver.
D’une part, il s’agit d’organiser la lutte et la prévention contre cette espèce. C’est un fait : il faut vivre avec le frelon asiatique, car, eu égard à l’ampleur de l’invasion, son éradication est désormais impossible.
Si l’État n’a pas encore pris l’initiative d’une politique publique d’ensemble, les collectivités territoriales sont, comme souvent, en première ligne et tentent d’apporter des réponses concrètes à cette problématique. De nombreux maires agissent sur le territoire de leur commune pour accompagner, voire financer, la destruction des nids présents dans les jardins, les garages et les maisons à proximité de lieux publics.
Les départements tentent également de mettre sur pied des politiques de lutte pour freiner les conséquences délétères de la présence de cette espèce, quand bien même les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) ont cessé d’intervenir sur les nids.
Toutefois, comme l’a indiqué en commission notre rapporteur, M. Jean-Yves Roux, les actions isolées se sont traduites par un échec patent. Le frelon asiatique ne se soucie pas des frontières administratives et dispose d’une forte capacité de dispersion. Malheureusement, les actions coups de poing ne sont rien d’autre que des coups d’épée dans l’eau.
C’est pourquoi, mes chers collègues, il vous est proposé d’établir une stratégie nationale, déclinée à l’échelle départementale, pour remédier aux lacunes et aux incohérences de ces efforts. La mise en commun et la coordination des actions relèvent d’un impératif d’égalité entre les citoyens et les territoires.
Les élus locaux, s’ils demeurent les chevilles ouvrières de ces politiques publiques, doivent recevoir le soutien organisationnel et financier des représentants de l’État. Il est indispensable que l’ensemble des acteurs jouent un rôle : collectivités, apiculteurs, organismes à vocation sanitaire et État.
D’autre part, ce texte vise, bien sûr, à préserver l’apiculture française. Actuellement, 12 millions d’euros sont perdus chaque année par la filière à cause du frelon, alors même que nos apiculteurs sont déjà en proie à la concurrence déloyale de miels importés et de produits souvent frauduleux. Ils attendent depuis longtemps un soutien franc face à la destruction de leurs ruches. Le repeuplement des cheptels de pollinisateurs est un impératif économique et environnemental.
On prête à Albert Einstein une citation que je partage : « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre. » Nous sommes donc face à la nécessité impérieuse d’aider largement les apiculteurs.
À peine quelques semaines après avoir été élu sénateur, j’ai déposé un amendement visant à créer un fonds d’urgence pour la filière apicole lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Les moyens alloués ne doivent pas représenter une goutte d’eau dans un océan de difficultés susceptibles de décourager les apiculteurs de poursuivre leur activité. J’ai également à l’esprit les exploitants pluriactifs, les agriculteurs, pour qui la vente de produits du miel constitue une source de revenus complémentaires non négligeable.
Mes chers collègues, tel est l’objet de cette proposition de loi.
Je me réjouis de la dynamique de coconstruction dans laquelle se sont engagés les sénateurs de tout bord. Ce texte prend la suite de plusieurs propositions de loi déposées depuis 2011, notamment par Mme Bonnefoy et Mme Pluchet, que je remercie de contribuer au débat par leurs amendements. En outre, deux propositions de loi ont été déposées le mois dernier à l’Assemblée nationale.
En inscrivant ce texte à l’occasion de sa journée d’initiative parlementaire, le groupe RDSE met à l’agenda un sujet majeur. Le débat a lieu, ce qui est pour le mieux.
Une nouvelle fois, le Sénat trace le chemin d’une politique publique concrète dont le Gouvernement doit se saisir pour répondre à la détresse de nos concitoyens. Je lui fais confiance.
Je forme ici le vœu que cette proposition de loi prospère sans se perdre dans les méandres de la procédure législative. Monsieur le secrétaire d’État, les membres du RDSE et moi-même vous offrons l’occasion de porter un message d’espoir pour l’apiculture française.
Vingt ans après, il est temps de croiser le fer avec le frelon asiatique. Ne décevons pas les espérances nées de cette initiative, soyons au rendez-vous de ces questions écologiques majeures, de la défense des savoir-faire, de l’enjeu sanitaire, ainsi que de notre souveraineté apicole, agricole et alimentaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1668, Jean de La Fontaine faisait paraître le premier volume de ses Fables, au sein duquel le texte Les Frelons et les mouches à miel mettait déjà à l’honneur les insectes qui occuperont l’attention de notre Haute Assemblée ce matin – la mouche à miel étant le terme usité à l’âge classique pour désigner l’abeille.
J’aurais préféré que le frelon asiatique reste un animal légendaire – une curiosité d’un autre continent –, cantonné à son aire de répartition originelle, qui n’entame jamais la fabuleuse invasion de notre territoire national.
Il est en effet devenu, en moins de vingt ans, un hyménoptère très bien identifié, cauchemar des abeilles et bête noire de la profession apicole. La morale de cette fable est limpide : l’État-tortue n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre en échec le frelon-lièvre. (Sourires.)
Vingt ans après sa détection sur le territoire national, le frelon asiatique à pattes jaunes a colonisé la France entière, avec une expansion moyenne de soixante-dix-huit kilomètres par an. Seule la Corse, grâce à son insularité, est aujourd’hui protégée de ce redoutable prédateur.
Une seule femelle, arrivée il y a vingt ans, est à l’origine de plus de 12 millions d’euros de pertes économiques annuelles pour la production apicole, directement imputables à cette espèce. C’est là un exemple parfait à l’attention des étudiants en mathématiques pour illustrer le principe d’une suite géométrique.
On estime que cette espèce exotique envahissante est responsable d’environ 20 % de la mortalité observée dans les ruchers. L’abeille domestique et les insectes sociaux constituent en effet les proies de prédilection et la majeure partie du bol alimentaire de cette espèce. Chaque année, un nid de frelons asiatiques consomme plus de onze kilogrammes d’insectes pour la nourriture de ses larves.
La prédation n’est pas le seul effet négatif généré par sa présence à proximité d’une exploitation apicole : le stress qu’occasionne son vol stationnaire en sortie de ruche conduit bien souvent à un affaiblissement de la colonie tout entière en raison d’un moins grand nombre de sorties des abeilles butineuses.
À son arrivée un peu avant 2004 dans le Lot-et-Garonne, le frelon asiatique a trouvé en France des conditions propices à son épanouissement et à sa prolifération : climat idéal, absence de prédateurs sur son segment écologique, forte résilience aux parasites et insuffisance des mesures d’éradication au moment de sa détection.
La lutte contre cette espèce ne doit cependant pas être envisagée uniquement comme une problématique apicole, car sa présence contribue avec certitude au déclin d’autres insectes sociaux et des pollinisateurs sauvages, bien qu’il soit difficile de déterminer dans quelle proportion. Cela provoque des baisses de rendement dans les exploitations arboricoles et végétales dont la productivité dépend de la pollinisation.
En somme, le frelon asiatique est une calamité apicole, un fléau pour la biodiversité entomologique, ainsi qu’un facteur de risque agricole insuffisamment pris en compte.
En disant cela, je ne cherche pas à attribuer de bons ou mauvais points non plus qu’à désigner des responsables ; je fais simplement le constat qu’il est urgent de réagir et de proposer un cadre législatif pour optimiser les moyens de lutte et renforcer la cohérence des actions visant à amoindrir les pressions de prédation de cette espèce exotique envahissante devenue endémique.
Sa progression dans l’ensemble des départements hexagonaux est telle qu’il est devenu illusoire d’envisager son éradication avec les moyens de lutte actuels.
L’auteur du texte a rappelé l’absence de vigueur des mesures mises en œuvre par l’État pour faire face à cette espèce exotique envahissante et le manque de coordination des efforts des collectivités et des agriculteurs, qui ont conduit à la situation actuelle. Il s’agit désormais de faire front uni et d’engager, de façon concertée, un plan national de lutte contre le frelon asiatique avec l’ensemble des acteurs concernés, avec des moyens dédiés et une volonté politique forte.
Aujourd’hui, dans cet hémicycle, nous avons l’opportunité d’engager cet élan transformateur et de changer d’échelle en matière de lutte et d’accompagnement des acteurs face au frelon asiatique.
Telle est l’ambition de l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Michel Masset, dont je salue ici l’indéfectible engagement. D’autres sénateurs ont également ouvert la voie par leurs réflexions, leur initiative et leur engagement, à l’instar de notre collègue Kristina Pluchet, avec qui les échanges ont été fructueux, ou de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui a très tôt alerté sur la nécessité d’une action plus volontariste de l’État.
Ce texte est la preuve que la ténacité d’une assemblée finit toujours par payer quand un sujet lui tient à cœur.
Que propose-t-il au sortir de son examen en commission ? Un plan national de lutte contre le frelon asiatique, qui détermine les grands principes et les indicateurs de suivi de l’ensemble des actions menées et qui se décline en plans départementaux, afin de lancer des réponses locales cohérentes, construites avec les acteurs du territoire et coordonnées avec les objectifs définis à l’échelon national.
À l’État sera confié le soin de piloter cette stratégie, avec un double engagement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, en concertation avec les acteurs et les scientifiques, afin d’œuvrer à la recherche de systèmes de prévention et de lutte efficaces et sélectifs.
Des financements multipartites seront apportés à la fois par l’État, par les collectivités territoriales et par les acteurs de la filière, afin de mutualiser les moyens consacrés à la lutte et d’atteindre une surface financière permettant d’agir plus efficacement.
Nous nous inspirons ici de la devise nationale de nos amis belges, selon laquelle « l’union fait la force ». Seule la conjonction des efforts de la puissance publique et des acteurs, dans la durée, avec des moyens pérennes, permettra en effet d’endiguer de façon sensible la prolifération du frelon asiatique.
Le dispositif proposé instaure également une obligation de signalement de nid pour tout propriétaire, ainsi qu’une évaluation, par le préfet, de l’opportunité de faire procéder à la destruction de celui-ci, au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce.
En matière d’indemnisation, attente forte des acteurs entendus en audition et pierre angulaire de l’accompagnement des agriculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique, je vous proposerai par amendement la mise en place d’un système fondé sur le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).
La création d’une section apicole au sein du FMSE constitue, à mon sens, un mécanisme dont la simplicité, l’efficacité et la rapidité de déclenchement répondent aux attentes des apiculteurs avec qui j’ai discuté lors des auditions comme dans mon département.
Je suis animé de la volonté de limiter l’impact budgétaire des textes que nous adoptons. Je précise donc que l’indemnisation constitue, à mon sens, la dernière séquence d’une réponse publique, n’intervenant que lorsque les techniques de prévention et de lutte ont échoué et que le dommage que l’on cherchait à éviter s’est produit.
Les mesures prises dans le cadre du plan national de lutte ont vocation à faire diminuer les pressions de prédation sur les ruchers. À ce titre, la dynamique des indemnisations versées permettra d’évaluer, ces prochaines années, l’efficacité des mesures de lutte et de prévention par rapport à l’année zéro.
Mes chers collègues, tel est, brièvement présenté, le contenu du texte soumis à vos suffrages ce matin. Je suis tenté de croire que les dispositifs qu’il met en œuvre répondent aux attentes des acteurs, au vu des courriels de soutien que je reçois depuis plusieurs jours.
Il a le mérite de sanctuariser des financements dédiés à la lutte, apportés par la collectivité publique et par les acteurs socioéconomiques, mais également – c’est là une avancée notable – par l’État, qui assume sa part en contribuant financièrement à cette lutte nécessaire. Il coordonne l’action des acteurs pour plus d’efficacité et de cohérence dans le cadre de plans départementaux qui doseront l’effort et les réponses à apporter au regard de la présence du frelon asiatique et des pressions qu’il induit sur les ruchers. J’y vois une application du principe de différenciation cher à notre assemblée.
Enfin, si vous adoptez l’amendement que j’ai déposé concernant le FMSE, ce texte présentera l’immense avantage d’accompagner financièrement les apiculteurs ayant subi des pertes économiques causées par le frelon asiatique, ce qui constituera une avancée très significative par rapport à la situation actuelle, caractérisée par la défaillance du régime assurantiel et par l’absence d’indemnisation.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous engage à adopter ce texte modifié par les amendements proposés par la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Jocelyne Antoine et Nicole Bonnefoy applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du secrétaire d’État de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, monsieur Masset, auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être présent dans cette belle assemblée pour discuter avec vous de la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole que le groupe RDSE a inscrite à l’ordre du jour de son espace réservé.
Permettez-moi de saluer très chaleureusement M. Michel Masset, auteur de ce texte, ainsi que le rapporteur, M. Jean-Yves Roux, pour leur excellent travail et la démarche transpartisane qu’ils ont appliquée avec méthode et beaucoup de bienveillance. C’était nécessaire pour mener une action porteuse de résultats en faveur de la souveraineté et de la préservation de la biodiversité.
Je suis satisfait, à ce titre, que ce texte ait été adopté à l’unanimité en commission, fait assez rare pour être relevé. Je me réjouis également de la mobilisation de l’ensemble des groupes, notamment des groupes Les Républicains et Union Centriste, pour la protection de notre filière apicole et pour la défense de la biodiversité.
Le frelon asiatique représente une menace et un péril pour notre biodiversité et notre souveraineté. Cette espèce exotique envahissante, apparue dans notre pays en 2004, est aujourd’hui largement répandue sur tout le territoire.
Elle constitue un triple péril : pour la filière apicole, pour l’environnement et pour la santé publique. Ce prédateur redoutable et opportuniste cible en premier lieu les insectes vivant en colonies, en particulier les abeilles domestiques, vitales pour leur production de miel, mais aussi pour l’ensemble de notre écosystème via la pollinisation.
Les statistiques révèlent que le frelon asiatique est responsable d’environ 20 % de la mortalité constatée au sein des ruchers, exerçant ainsi une forte pression sur nos apiculteurs, déjà confrontés à des défis considérables.
L’impact du frelon asiatique sur l’ensemble des espèces de l’entomofaune qui composent notre environnement est préoccupant et nécessite une action collective à la hauteur de notre ambition.
Les abeilles constituent environ un tiers de son régime alimentaire. Il s’en prend également aux pollinisateurs sauvages, ainsi qu’à divers insectes solitaires tels que les guêpes, les mouches, les papillons ou les araignées. La lutte contre ce fléau dépasse donc largement la question de la filière apicole et concerne directement ou indirectement l’équilibre de notre écosystème.
Le frelon asiatique, vous le constatez dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, est aussi un danger mortel pour l’homme, car sa piqûre peut être fatale. Il nous faut aussi répondre à cette nécessité de santé publique.
Face à cette situation, il nous faut agir avec méthode et détermination, non pour éradiquer ce nuisible, car il est désormais trop tard pour cela, mais pour limiter au maximum sa propagation et son impact sur l’apiculture, l’environnement et la santé publique.
Comme vous le savez, des actions ont déjà été entreprises.
Depuis avril 2021, le frelon asiatique est inscrit sur la liste des espèces exotiques envahissantes (EEE) fixée par le ministère de la transition écologique. Cette classification permet au préfet d’ordonner des mesures de lutte telles que la destruction des nids présents sur des propriétés privées.
Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026, lancé conjointement par les ministères chargés de la transition écologique et de l’agriculture, intègre un volet dédié à la lutte contre le frelon asiatique. Il contient une série de mesures visant à valider des outils de lutte efficace contre ce nuisible mis en œuvre dans un cadre collectif.
Un groupe consacré à cette problématique a en outre été constitué en 2020 au sein de la plateforme nationale d’épidémiosurveillance en santé animale afin de développer des outils de surveillance efficaces.
En parallèle, le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire soutient financièrement l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (Itsap) ainsi que le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) dans leurs efforts techniques et scientifiques visant à identifier et à valider ces outils de lutte contre le frelon asiatique.
En 2023, le fonds vert a financé quatre projets de collectivités de lutte à grande échelle contre ce nuisible à hauteur de 235 000 euros, qui ciblent trois types d’actions prioritaires : le piégeage de printemps, la destruction des nids et la protection des ruches.
Je souhaite également saluer le travail de terrain réalisé au quotidien par les organismes à vocation sanitaire, les groupements de défense sanitaire (GDS) et les Fredon, à l’échelle des départements, ainsi que via leurs têtes de réseau, qui ont publié les bases d’un plan de lutte national il y a quelques semaines.
Vous l’avez dit, nous devons aller beaucoup plus loin et faire beaucoup mieux, vous en ressentez la nécessité dans vos territoires. Cette proposition de loi est un élément fondamental de notre capacité à réduire l’impact de cette espèce exotique envahissante. Elle s’articule autour de trois pistes d’action.
Premièrement, elle instaure un plan national de lutte contre le frelon asiatique décliné à l’échelon départemental afin de coordonner les efforts et d’adapter les politiques publiques aux réalités du terrain. Il me semble que les sénateurs de toutes les travées s’accordent sur ce point.
Deuxièmement, elle facilite les signalements des nids de frelons asiatiques et leur destruction, afin d’agir rapidement et efficacement contre leur expansion.
Troisièmement, elle met en place un régime d’indemnisation pour les apiculteurs ayant subi des pertes économiques dues aux dommages causés par ce nuisible, afin de tenir compte des difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Ces mesures sont inédites et salutaires. Elles vont dans la bonne direction pour répondre efficacement à cette menace.
J’ai la profonde conviction que ce combat commun pour la biodiversité et la filière apicole doit se fonder sur une action issue des réalités du terrain, collective et mesurée. Le plan départemental qui associera l’ensemble des acteurs concernés est fondamental, tout comme l’intégration des organismes à vocation sanitaire dans son élaboration, prévue sur l’initiative de M. le rapporteur. C’est nécessaire, compte tenu du rôle que ceux-ci jouent au quotidien dans la surveillance et dans la lutte contre cette espèce envahissante.
Il est également important que les financements alloués à ce plan d’action soient suffisants et adéquats pour garantir son efficacité. Ils doivent être mobilisés par l’ensemble des acteurs concernés, au premier chef l’État et les collectivités.
J’en viens aux signalements. À mon sens, le dispositif adopté devra non pas faire peser la charge uniquement sur les occupants des terrains concernés et les préfets, mais associer les acteurs locaux. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen : je suis convaincu que ceux-ci sont les mieux à même de définir des procédures de signalement et de destruction des nids adaptées aux spécificités de leurs départements. Faisons-leur confiance.
Enfin, concernant les indemnisations, nous partageons la volonté du rapporteur d’adosser le dispositif au FMSE, dont l’efficacité et l’utilité ne sont plus à démontrer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, nos points de vue convergent : nous partageons la volonté de faire évoluer le texte vers une meilleure prise en compte des dommages subis par les apiculteurs et une plus large collégialité dans la lutte.
Mon expérience d’ancien député me conduisant en effet à partager le constat, j’estime que c’est ainsi que nous parviendrons à remédier à cette situation.
Dans le beau département dont je fus l’élu, les Côtes-d’Armor, le groupement de défense sanitaire des abeilles a réalisé en 2023 la première campagne de piégeage du département, en associant 160 communes à la démarche. Plus de 100 000 reines fondatrices ont été piégées. Cet excellent bilan a contribué à diminuer nettement la pression sur les ruchées dès cette année, conduisant une quarantaine de communes costarmoricaines supplémentaires à rejoindre le dispositif.
Cet exemple montre que la méthode que vous mettez sur la table est la bonne, puisqu’elle a fonctionné dans un département que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs.
En unissant nos efforts, nous pouvons apporter une réponse concrète à la menace que constitue le frelon asiatique pour nos territoires, pour nos écosystèmes et pour notre souveraineté.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage l’ambition de cette proposition de loi et soutiendra toutes les évolutions qui permettront d’en garantir le caractère opérationnel et, partant, d’assurer la protection de nos apiculteurs, ainsi que de notre biodiversité.
Une fois n’est pas coutume, je conclurai à mon tour par une citation attribuée à Einstein, qui souligne le caractère éminemment important de ce texte : « Si les abeilles venaient à disparaître, l’humanité n’aurait plus que quatre ans devant elle. » Peut-être faisons-nous donc œuvre bien plus utile que ce que nous imaginons. De cela, je vous remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Philippe Grosvalet. « Ils nous narguent. Ils n’hésitent pas à capturer leur proie en notre présence. Ils se posent ensuite sur une branche et là, ils les décapitent. Imaginez qu’une espèce s’attaque de cette manière aux bovins. Là, il y aurait des moyens mis sur la table pour lutter contre. »
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces propos de mon ami Loïc Leray, ancien président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), illustrent le désarroi suscité par ce fléau qui s’est abattu sur notre territoire il y a vingt ans.
Il faut se représenter l’ampleur du désastre. Vous avez évoqué les Côtes-d’Armor, monsieur le secrétaire d’État ; je ferai pour ma part allusion à la Loire-Atlantique.
Un seul nid consomme en moyenne l’équivalent de cinq à six ruches par an. En 2022, 1 700 nids ont été détruits dans le seul département de la Loire-Atlantique. Cela fait froid dans le dos, d’autant qu’il faut également prendre en compte les lourdes pertes que nos apiculteurs subissent, 20 % des pertes de colonies d’abeilles étant en effet imputables aux frelons asiatiques.
Or 80 % de la pollinisation nécessaire au maintien et au développement de la production agricole est assurée par les abeilles. Un tiers des aliments que nous mangeons ne pourraient plus être produits si les abeilles venaient à disparaître.
Il ne faut pas non plus oublier le risque sanitaire. Chaque année, plusieurs dizaines de personnes meurent des suites d’une piqûre. Au mois de septembre dernier, à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, une école élémentaire a été la cible de l’attaque de frelons asiatiques.
Pour lutter contre cette espèce invasive, les acteurs de nos territoires se sont alliés. Apiculteurs, élus locaux et associations s’organisent et mènent des opérations visant à localiser, piéger et détruire les nids de frelons asiatiques.
Ces initiatives, aussi nécessaires soient-elles, ne peuvent toutefois pas suffire, monsieur le secrétaire d’État. Pis, sans coordination, elles perdent en efficacité. Comme le souligne l’appel lancé par la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire, « la lutte contre le frelon asiatique est devenue une urgence absolue, qui ne concerne plus seulement le milieu des apiculteurs et doit devenir un acte citoyen ».
Depuis vingt ans pourtant, les mesures prises à l’échelon national sont largement insuffisantes.
Le premier rapport interministériel sur cette espèce, publié dès 2010, préconisait l’élaboration d’un plan de lutte national, mais il est demeuré sans suite.
En 2012, huit ans après son introduction en France, le frelon asiatique était classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l’abeille. Depuis, malgré l’aggravation de la situation, aucune révision de cette classification, en particulier pour classer le frelon asiatique dans la première catégorie, n’a été envisagée.
Des fonds communs pour mener cette croisade sont créés grâce au soutien financier de communes, d’intercommunalités et de départements, mais, encore une fois, l’absence de l’État se fait cruellement ressentir.
À ce stade, la mise en œuvre d’un véritable plan national est une urgence absolue. Celui-ci devra être doté de moyens dévolus à la recherche et aux actions sur le terrain et s’appuyer sur la définition d’objectifs communs et la création d’indicateurs permettant d’évaluer les actions.
Tel est le sens de cette proposition de loi, déposée par notre excellent collègue Michel Masset et soutenue par le groupe RDSE. Par son adoption, mes chers collègues, nous adresserons un message à nos apiculteurs, premières victimes de ce fléau, avec nos maraîchers et nos arboriculteurs.
Ce texte ne sera toutefois pas le remède à tous les maux, car le frelon asiatique n’est pas la première cause de mortalité des abeilles. Celles-ci sont victimes d’abord du réchauffement climatique, des virus et des produits phytosanitaires. Les apiculteurs de l’Unaf ont ainsi observé une chute brutale de 50 % de la production à proximité de cultures traitées aux néonicotinoïdes.
Que dire, par ailleurs, de la rude concurrence que les miels étrangers, soumis à des normes moins exigeantes que notre production, font peser sur celle-ci ? Alors que la demande de miel est de l’ordre de 45 000 tonnes par an dans notre pays et que notre production nationale est estimée à 34 000 tonnes, 63 % des apiculteurs français ont rencontré des difficultés à commercialiser leur récolte l’an dernier.
Quoi qu’il en soit, ce texte, que je salue, atteste d’une prise de conscience claire du caractère fondamental de la protection des pollinisateurs pour préserver notre biodiversité.
À l’instar de M. le secrétaire d’État, je conclurai par une citation, mais d’un auteur français :
Elles se fatiguent et nous les hommes,
Devant ce don qui vient du ciel,
En égoïstes que nous sommes,
Nous nous nourrissons du bon miel
Vss vss vss
Des abeilles.
(Rires et applaudissements.)
M. Henri Cabanel. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des moyens à mettre en œuvre pour stopper la prolifération du frelon asiatique.
Cette espèce qui ne connaît pas de prédateur a crû de manière exponentielle. En effet, un nid qu’on ne détruit pas donne quatre nids l’année suivante.
Telle est certainement la raison pour laquelle, en dépit des nombreux débats dont ce sujet a fait l’objet au sein de notre hémicycle, nous ne sommes pas parvenus à endiguer la progression du frelon asiatique.
Nos prédécesseurs ont tenté de trouver des solutions, mais les résultats parlent d’eux-mêmes : en 2011, le frelon asiatique occupait déjà 50 % du territoire national ; aujourd’hui, 90 % de la France hexagonale est colonisée par cet insecte.
Plusieurs pays européens tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et le Portugal sont également touchés.
Le frelon asiatique a été aperçu pour la première fois en 2004 dans le Lot-et-Garonne. Désormais présent dans quasiment tous les départements, il est aujourd’hui classé parmi les espèces exotiques envahissantes.
Cette espèce constitue une menace grave pour la biodiversité, en particulier pour la filière apicole. Le frelon asiatique est un prédateur actif des abeilles, lesquelles composent 80 % de son régime alimentaire, si bien que 20 % de la mortalité des ruchées lui sont imputables. Les pertes annuelles pour la filière apicole sont estimées à plus de 12 millions d’euros.
Je ne peux donc que féliciter notre collègue Michel Masset, qui, par sa proposition de loi, permet au Sénat de se pencher une nouvelle fois sur cette question. Le groupe RDPI partage la volonté d’instaurer un cadre législatif de coordination nationale.
Il y a une semaine, sur proposition du rapporteur Jean-Yves Roux, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a approuvé à l’unanimité ce texte. Celui-ci prévoit, en sus des actions déjà menées, d’instaurer un plan national de lutte contre le frelon asiatique doté de moyens spécifiques.
Décliné sous forme de plans départementaux, il permettra de coordonner des mesures plus efficientes, coconstruites avec les apiculteurs, les acteurs économiques, les élus locaux et les scientifiques, sous l’égide de l’État.
Les orientations nationales et les indicateurs de suivi des actions de surveillance, de prévention et de destruction mises en œuvre localement, la classification des départements en catégories en fonction de l’importance des dégâts causés, l’accompagnement financier des collectivités territoriales et les financements alloués à la recherche d’outils de lutte efficace seront intégrés à ce plan national.
Enfin, ce texte introduit le principe d’une indemnisation des dommages pour les apiculteurs concernés.
La commission a souhaité préciser les dispositifs créés par l’adoption de plusieurs amendements. Le régime d’indemnisation prévu par cette proposition de loi a ainsi été recalibré au bénéfice des chefs d’exploitation apicole dont une partie essentielle du revenu provient de la vente des produits de la ruche.
Cette prise de conscience, certes tardive, ne doit pas faire oublier que d’autres menaces existent. Je pense à la coccinelle asiatique qui, à l’instar du frelon, gagne du terrain d’année en année. Depuis son arrivée massive, la coccinelle à deux points, naturellement présente chez nous, a vu sa population baisser de 40 %.
En tant qu’Ultramarine, je ne peux pas passer sous silence les menaces qui pèsent sur nos territoires souvent insulaires. Certes, le frelon asiatique qui nous préoccupe aujourd’hui n’a pas été recensé dans nos territoires, mais les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales menaces qui planent sur l’exceptionnelle biodiversité des outre-mer.
Je pense notamment au poisson-lion, qui menace l’équilibre des récifs coralliens en mer des Caraïbes, ou au crabe vert, qui nuit à l’aquaculture à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces espèces envahissantes sont impliquées dans 53 % des extinctions d’espèces recensées dans les territoires ultramarins.
L’escargot carnivore de Floride est, quant à lui, responsable de l’extension de près de cinquante-sept espèces d’escargots endémiques de Polynésie française.
Ces espèces envahissantes sont autant de bombes à retardement, dont les conséquences seront terribles. Je rappelle que les outre-mer accueillent 10 % de la biodiversité mondiale en termes d’espèces. Ne pas se préoccuper dès aujourd’hui de ces menaces, c’est accepter passivement que des espèces endémiques disparaissent à tout jamais.
En conclusion, cette proposition de loi est un texte de bon sens, qui permettra enfin à l’État de conduire une politique publique nationale adaptée à chaque territoire. Le groupe RDPI votera donc en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Jocelyne Antoine et M. Thierry Cozic applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après maintes initiatives parlementaires, nous débattons d’un sujet qui me tient à cœur : la présence du frelon asiatique sur notre territoire et ses conséquences sur la survie des abeilles.
Je remercie nos collègues du RDSE, en particulier Michel Masset, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux.
Comme de nombreux collègues, j’ai récemment interrogé le Gouvernement, par le biais d’une question écrite, sur l’absence notable de stratégie nationale de lutte contre la prolifération du frelon asiatique. Dans sa réponse, le Gouvernement indique qu’il n’y a quasiment plus rien à faire : « L’espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport à d’autres hyménoptères… Si cette situation venait à changer du fait de l’extension de l’espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer. »
Le 25 octobre dernier, Sarah El Haïry, alors secrétaire d’État chargée de la biodiversité, reconnaissait la faiblesse de la réponse de la stratégie nationale biodiversité 2030, qui ne prévoit, en matière de lutte contre les espèces exotiques invasives, que 500 opérations coups de poing par an.
Comme le souligne également le rapporteur Jean-Yves Roux, il est évident que des opérations ponctuelles ne sont pas en mesure de répondre à l’enjeu que constitue la recrudescence du frelon asiatique à pattes jaunes.
Cet insecte, introduit par mégarde en 2004 dans le Lot-et-Garonne, se plaît apparemment dans nos contrées et colonise aujourd’hui à grande vitesse nos voisins européens. Aucun territoire n’est épargné.
En 2011, j’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à créer un fonds de prévention contre la prolifération du frelon asiatique afin de pallier les défaillances de l’État et d’organiser concrètement la lutte sur le territoire en mettant en cohérence les actions utilement menées par les départements et les collectivités locales dans leur ensemble. Beaucoup d’entre elles financent du reste pour partie la destruction de nids, aident à l’acquisition de pièges sélectifs et programment des opérations de prévention au printemps.
Nous souscrivons donc à l’inscription dans la loi d’une stratégie nationale. Sans réponse globale, il sera impossible de remédier à cette problématique qui touche tous nos concitoyens au quotidien et occasionne de sérieuses nuisances.
Je rappelle qu’une seule piqûre suffit pour provoquer un grave choc anaphylactique chez une personne allergique.
Le frelon asiatique à pattes jaunes constitue de surcroît une véritable menace pour la biodiversité, au premier chef pour les abeilles. La croissance exponentielle de l’espèce est en cela une catastrophe pour les apiculteurs, qui voient leurs ruches décimées en un rien de temps. Certaines attaques peuvent provoquer la perte de 80 % des ruches, si bien que les apiculteurs confrontés à la présence du frelon préfèrent déplacer leurs ruches pour préserver leurs colonies d’abeilles.
En somme, le préjudice annuel cumulé pour la filière apicole est évalué à près de 12 millions d’euros, sans compter les dommages indirects sur l’agriculture et l’arboriculture.
Autre conséquence, le stress que ces attaques suscitent emporte de lourdes conséquences sur la production de miel des abeilles. Certes, des muselières peuvent être placées à l’entrée des ruches pour diminuer les effets de ce stress, mais celui-ci demeure, en raison de la pression exercée par les frelons asiatiques en vol stationnaire, qui menacent d’agripper chaque ouvrière imprudente.
Au-delà des seules abeilles, qui ne représentent que 12 % du bol alimentaire de ce prédateur hors pair, le frelon asiatique dévore de nombreux insectes pollinisateurs. Toute l’entomofaune est concernée, sans compter les dévastations causées par le frelon sur les fruits mûrs.
Pour préserver la biodiversité et la pollinisation, qui est un service écosystémique majeur pour nos cultures agricoles, il est donc crucial de protéger nos apiculteurs.
Tout en saluant à ce titre l’indemnisation instaurée par ce texte, je regrette que les évolutions apportées par les travaux de la commission aient restreint l’ambition initiale d’indemniser l’ensemble des apiculteurs.
Je crois pourtant que l’on ne naît pas apiculteur, mais qu’on le devient. Les apiculteurs détenant une dizaine de ruches sont en effet les plus nombreux et ce sont eux que les attaques de frelons dissuadent de poursuivre cette activité. Il faudrait donc pouvoir garder l’objectif initial du texte pour répondre efficacement à la détresse de la filière.
Protéger nos apiculteurs et l’ensemble des habitants implique de prendre des mesures pour détruire les nids lorsque les frelons menacent non seulement la santé publique, mais aussi les ruchées.
J’estime en outre que le préfet de département est la personne la plus adéquate pour agir. Le rôle qui lui est conféré est une reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la lutte contre cette espèce.
J’estime qu’il est tout aussi utile de reconnaître le rôle des maires aux côtés du préfet, car ils sont les acteurs publics de proximité accessibles aux habitants. Nous en discuterons lors de l’examen des articles.
Enfin, afin d’être cohérents dans la lutte contre le frelon asiatique, il s’agira pour nous de veiller à ce que les destructions de nids n’entraînent pas une pollution collatérale en raison des produits insecticides injectés. Pour cela, des conditions doivent être remplies, telles que l’utilisation de produits peu ou pas nocifs pour l’environnement, mais aussi l’enlèvement des nids détruits, qui, s’ils étaient laissés à l’abandon, pourraient contaminer les sols et la faune environnante.
La prévention doit également être encadrée, en particulier pour éviter la diffusion de mauvaises pratiques de piégeage qui pourraient nuire à d’autres insectes. Les méthodes les plus sélectives possible doivent être mises en avant.
En résumé, cette proposition de loi offre un cadre législatif efficace pour lutter contre le frelon asiatique de manière uniforme sur le territoire. Nombre de nos concitoyens attendaient un tel cadre depuis vingt ans. Cette proposition de loi peut également contribuer à améliorer les conditions de travail des apiculteurs. Le bilan est donc positif.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra ce texte d’intérêt général qui corrige l’incurie manifeste de l’État, laquelle n’a que trop duré. Nous tenterons néanmoins de l’améliorer par voie d’amendement lors de la discussion qui s’ouvre. Je vous invite à nous soutenir dans cette démarche en votant les mesures que nous proposerons, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Kristina Pluchet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme Kristina Pluchet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plus de dix ans, nos apiculteurs sont aux prises avec le fléau du frelon asiatique. Cet insecte, sans prédateur connu en Europe, ravage sans cesse leurs ruches et leur activité.
Au-delà de l’activité apicole, la biodiversité et la production agricole sont également affectées. Si nos abeilles disparaissent, c’est un tiers du contenu de nos assiettes qui disparaîtra.
La prolifération particulièrement rapide et étendue de cet insecte exotique envahissant induit une pression dommageable sur l’ensemble des pollinisateurs et sur notre entomofaune, déjà objet d’inquiétudes, et fragilise de la sorte de nombreuses activités fruitières et maraîchères, ainsi que l’équilibre de nombreuses autres chaînes alimentaires, y compris ornithologiques.
L’ensemble de ces alertes m’ont incitée à déposer, il y a plus d’un an, une proposition de loi visant à définir et coordonner les moyens de lutter efficacement contre le frelon asiatique. Par ce texte, je souhaitais défendre la cause apicole, la biodiversité et notre souveraineté alimentaire.
C’est donc avec le plus grand intérêt que j’accueille aujourd’hui cette proposition de loi. Je salue son auteur ainsi que son rapporteur pour la qualité de nos échanges, qui ont permis de croiser nos travaux.
Il est en effet plus que temps que le Gouvernement, comme il le fait pour d’autres espèces problématiques, engage un plan national de lutte, seul à même de contenir cet insecte ravageur.
Je souhaite également souligner la qualité du travail mené auprès de nombreux acteurs, qui a permis de dépasser la fausse logique de destruction des nids et de percevoir l’importance de la connaissance du cycle de vie de cet hyménoptère pour un ciblage efficace de la lutte.
Dans un contexte de dépenses publiques contraintes, la lutte doit donner la première place à une prévention efficiente fondée sur l’utilisation d’outils efficaces et de techniques de lutte éprouvées.
Rien ne serait plus fâcheux que des moyens substantiels manquent leur objectif par une mauvaise compréhension d’une lutte à laquelle les acteurs de terrain, ceux qui ont une connaissance fine de ce prédateur et le savoir-faire, n’auraient pas été suffisamment associés.
La destruction des nids, menée si possible avant la migration des reines reproductrices, constituera l’autre volet de la lutte.
Le recours par les apiculteurs à l’indemnisation que cette proposition de loi prévoit permettra par ailleurs de mesurer l’efficacité de notre politique de lutte et sera, je l’espère, d’autant plus limité que la prévention et la destruction auront été bien menées.
Je terminerai en soulignant l’importance de pouvoir s’appuyer sur une règle nationale fédératrice pour mobiliser l’ensemble des acteurs de la lutte. La seule réglementation actuelle issue de la transposition de règles européennes ne saurait suffire à fonder un plan de lutte ambitieux dans notre pays, qui est actuellement le plus touché par le frelon asiatique.
Vigilante sur ces points, je soutiens ce texte, que je voterai, car il marque une prise de conscience nationale et collective du danger que constitue le frelon pour nos écosystèmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte est à la fois une madeleine de Proust et un film de science-fiction. Nous défendons aujourd’hui Maya l’abeille face au frelon asiatique qui veut la dévorer. Cela nous ramène à notre enfance ! (Sourires.)
Le sujet peut paraître léger, mais il ne l’est pas, car c’est de notre biodiversité qu’il s’agit. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, si les abeilles venaient à disparaître, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre. Qu’elle soit d’Albert Einstein ou non, cette affirmation emporte son pesant de vérité.
Alors que les abeilles ont été décimées au cours des dernières décennies en Europe, nous prenons conscience, peut-être un peu tardivement – mais mieux vaut tard que jamais –, de leur place centrale dans notre existence et de notre fragilité sans elles.
Les abeilles contribuent à maintenir les équilibres de la biodiversité. Elles sont un chaînon primordial de notre sécurité alimentaire. Au-delà de l’apiculture, c’est plus largement d’agriculture dont il est question ; je crois que nous soutenons unanimement le monde agricole et la ruralité, mes chers collègues.
Près des trois quarts de la production de nourriture dans le monde reposent sur les frêles ailes des abeilles. Elles sont nos meilleures alliées en matière de pollinisation ; de nombreuses espèces en dépendent.
Dans les territoires que les abeilles ont désertés, les hommes cherchent les moyens de les remplacer. En Chine, la pollinisation se fait manuellement. Aux États-Unis, ce sont les drones qui accomplissent cette tâche.
Les chiffres sont sans appel : nous perdons nos abeilles. Un cocktail de facteurs est à l’origine de cette triste réalité, dans la composition duquel figurent les pollutions en tout genre, notamment les pollutions causées par les produits phytosanitaires, les monocultures, qui n’offrent plus la diversité essentielle à nos butineuses, et la réduction des espaces où elles trouvent de quoi butiner. S’y ajoute le frelon asiatique, qui a pris d’assaut tout le territoire à la vitesse de l’éclair et qui est à la fois totalement dévastateur pour les abeilles et dangereux pour nos populations.
Dans ce contexte alarmant, je remercie l’auteur de cette proposition de loi, que je salue. Je remercie également le rapporteur, ainsi que le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, du travail accompli, qui semble mettre tout le monde d’accord.
Il est temps que nous organisions efficacement notre riposte contre les conséquences néfastes de la colonisation du frelon asiatique.
La mise en place d’un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes est nécessaire.
L’inclusion de toutes les parties prenantes à la concertation et les accompagnements financiers prévus pour les collectivités territoriales devraient assurer l’efficacité de ce plan.
La déclinaison territoriale du plan national en autant de plans départementaux de lutte permettra quant à elle de répondre aux spécificités locales.
Enfin, le suivi des actions de surveillance, de prévention, de piégeage sélectif et de destruction constituera un indicateur fiable des bonnes pratiques et des évolutions. Nous pourrons ainsi prévenir et organiser les prochaines étapes.
La création d’un droit à une indemnisation proportionnée aux dommages causés par les frelons asiatiques marque également une avancée. L’association de l’interprofession apicole et de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation à la détermination du montant forfaitaire est un point positif, car leur technicité est un atout.
En conclusion, nous devons inverser la tendance et arrêter le déclin des abeilles dans notre pays, mes chers collègues. Une action coordonnée de l’État, des apiculteurs, des collectivités locales et de tous les acteurs en présence est urgente. Il y va de notre avenir et de nos équilibres.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc ce texte des deux mains. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
Mme Jocelyne Antoine. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe RDSE, en particulier le sénateur Michel Masset, de cette proposition de loi qui nous donne l’occasion de nous saisir d’un sujet trop longtemps négligé.
Je remercie également le rapporteur Jean-Yves Roux de la qualité de son analyse et des apports introduits dans le texte, qui me satisfont pleinement.
Je m’exprime à la fois en tant que sénatrice de la Meuse, département affecté par ce frelon à pattes jaunes venu d’Asie, et en tant qu’apicultrice et femme d’apiculteur amateurs, puisque mon mari et moi possédons cinq petites ruches au fond de notre jardin. Il n’en demeure pas moins que ce frelon asiatique arrive sur notre verger et perturbe nos ruches.
Le texte que nous examinons ce matin donne de l’espoir aux apiculteurs professionnels, qui subissent les conséquences économiques de l’installation de cet insecte sur la production de miel en France, mais également aux modestes amateurs qui entretiennent les traditions rurales en produisant quelques pots de miel pour leurs enfants et leurs petits-enfants – cela aussi est en danger. Je suis donc très heureuse de prendre la parole sur ce texte aujourd’hui.
Comme cela a été évoqué, le manque d’action concertée explique que la prolifération du frelon n’ait pu être endiguée. En 2004, lorsque le frelon a été introduit sur notre territoire, de nombreux rapports indiquaient qu’il ne survivrait pas au climat européen. Il nous a depuis détrompés, en proliférant de manière importante. Pour résider à la frontière avec la Belgique, je puis témoigner qu’il ne s’est du reste pas arrêté à nos frontières. Nos voisins européens sont également concernés.
Si nous avons beaucoup tardé, ce texte nous donne aujourd’hui de l’espoir.
Je reviens sur les trois principaux préjudices causés par ce frelon.
Comme l’ont rappelé le secrétaire d’État et plusieurs collègues, le premier préjudice concerne la santé humaine, et c’est une apicultrice qui vous le dit, mes chers collègues ! En 2021, dans le Calvados, où 300 nids ont été détruits, on a dénombré 120 attaques de frelons qui ont provoqué 60 passages aux urgences et 2 décès – oui, 2 décès !
Au-delà des apiculteurs, les bûcherons et les élagueurs, du fait du positionnement des nids dans les arbres, les charpentiers et les couvreurs, car les nids peuvent également se cacher sous les toitures, les entrepreneurs en espaces verts, mais aussi le jardinier du dimanche, le frelon pouvant également nicher au niveau du sol, sont eux aussi directement confrontés au risque d’attaque.
Je rappelle de plus que 7 % de la population française est allergique aux hyménoptères.
L’invasion du frelon emporte donc un véritable enjeu de santé publique.
Le deuxième préjudice, économique, est lié à la chute du nombre d’abeilles et au déficit de pollinisation qui en découle, celui-ci affectant la production de fruits, en particulier de pommes et de poires.
Le colza est également concerné, même s’il est moins souvent cité que les fruitiers. Je suis élue d’un département où le potentiel céréalier est fort. Or les pertes liées au manque de pollinisation peuvent aller jusqu’à 10 % de la production d’un champ de colza, du fait de la diminution drastique du nombre d’abeilles et d’autres insectes pollinisateurs.
Mes collègues l’ont rappelé, un nid de frelons composé de 2 000 individus mange onze à douze kilogrammes d’insectes par an. Il s’agit d’insectes divers et variés, mais la ruche se distingue comme un réservoir vital, car elle leur fournit le plus gros potentiel de nourriture : c’est donc là qu’ils attaquent.
Troisième préjudice, le frelon asiatique porte atteinte à notre biodiversité.
En l’absence d’une vraie politique d’État, les apiculteurs tentent tant bien que mal d’atténuer les dégâts. Dans le cadre des plans départementaux, nous plaçons depuis la semaine dernière des pièges sélectifs, qui capturent les frelons asiatiques et laissent ressortir les autres insectes. Cela nous permet d’attraper les mères et les reines colonisatrices et de les détruire, car c’est la bonne période pour le faire. Il n’est pas possible de nous attaquer aux nids de frelons, vu l’importance et l’ampleur de la prolifération, mais nous devons nous efforcer de contenir celle-ci en détruisant les reines – les « fondatrices », comme on les appelle.
Or nous sommes dans la période de l’année où ces fondatrices sont seules et peuvent donc être piégées. Nous venons de commencer à le faire dans le cadre des plans départementaux, soutenus par les collectivités territoriales et par les groupements de défense sanitaire des abeilles (GDSA).
Après des années d’atermoiement, nous examinons enfin un texte ambitieux, à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face – mieux vaut tard que jamais. Le groupe Union Centristes votera en faveur de cette proposition de loi ; en ce qui me concerne, je le voterai des deux mains ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis est très intéressant et je remercie son auteur Michel Masset, qui nous offre l’occasion de revenir sur plusieurs grands enjeux de biodiversité.
Certains de mes collègues l’ont déjà souligné, cette proposition de loi porte sur la lutte contre les espèces invasives, qui sont l’une des cinq causes majeures de la disparition de la biodiversité.
Je crois, monsieur le secrétaire d’État, que l’exemple du frelon asiatique prouve à quel point notre pays est peu organisé pour faire face à ces espèces.
Vous avez présenté le frelon asiatique comme la septième plaie d’Égypte ; mais attendre vingt ans avant de réagir à ce qui serait la septième plaie d’Égypte, cela montre les difficultés de l’État à s’organiser.
M. Ronan Dantec. Nous n’aurions jamais dû attendre vingt ans pour essayer de répondre à ce problème sérieux, et encore le faisons-nous grâce à une initiative non pas gouvernementale, mais parlementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous devons profiter de nos échanges pour chercher à développer une capacité d’action rapide de l’État, totalement différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Actuellement, dès lors qu’une espèce invasive apparaît, il s’agit d’abord de comprendre comment elle fonctionne et de commander des études, dont les résultats arrivent beaucoup trop tard pour agir.
Or il me semble qu’à travers l’action territoriale de l’Office français de la biodiversité (OFB) nous disposons d’un outil intéressant pour lutter contre les espèces invasives. Toutefois, la logique doit être inversée : il faut éradiquer une espèce invasive avant d’essayer de comprendre son fonctionnement, car plus le temps passe et moins elle peut être éradiquée. Ce renversement ferait la différence.
En outre, je souscris à ce qu’a dit notre collègue Marie-Laure Phinera-Horth sur l’enjeu majeur que constituent les territoires ultramarins, grands centres de biodiversité, où les espèces invasives provoquent d’importants dégâts.
Je rappelle, monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai déjà fait hier, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, que nous attendons les décrets d’application de la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables, qui prévoit – c’était du moins l’accord que nous avions passé au Sénat – un partage de la valeur au profit des collectivités territoriales : 15 % doivent être fléchés vers les programmes nationaux d’action sur les espèces menacées, notamment ultramarines. Ainsi, des financements très importants pourraient être déployés contre les espèces invasives, qui menacent d’autres espèces en voie de disparition.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez pu prendre bonne note de cette demande.
Il faut également souligner le rôle clé des pollinisateurs. Certains se laissent parfois aller à des phrases un peu trop générales, voire creuses, sur la nécessité de préserver la biodiversité, sans préciser pourquoi il faut le faire. Ce n’est pas le cas au Sénat, où chacun sait bien que l’enjeu soulevé par la question des pollinisateurs est celui de l’avenir de l’agriculture.
Le groupe d’assurances allemand Allianz, dont les responsables ne sont pas vraiment des « poètes écolos », a établi que perdre 20 % de la pollinisation représenterait un coût d’environ 3 milliards d’euros pour l’agriculture. Nous disposons de chiffres assez proches en France.
Cette approche systémique est intéressante : s’il faut hiérarchiser, il faudra d’abord s’en prendre à la cause principale de disparition des abeilles. Ma chère collègue Pluchet, je me tourne, car il suffira de reprendre le texte en remplaçant la mention de « frelon asiatique » par celle de « néonicotinoïdes », la cause principale de la disparition des pollinisateurs restant tout de même les pesticides ! Nous aurons ainsi un texte tout prêt pour nous opposer à certaines propositions de loi récemment examinées à l’Assemblée nationale.
Il faut adopter une approche systémique de l’agriculture. Autoriser l’usage des néonicotinoïdes pour le traitement des betteraves, comme le souhaitent certains collègues députés, c’est aller contre l’agriculture française, car cela entraînerait un coût bien plus important.
Mme Kristina Pluchet. Il n’y a pas de fleurs sur les betteraves !
M. Ronan Dantec. Mais je pense qu’il y a consensus sur le sujet.
M. Laurent Burgoa. Idéologie !
M. Ronan Dantec. Ce texte est important ; j’espère que nous le voterons tous. Il doit nous permettre de relancer notre réflexion sur la lutte contre les espèces invasives ainsi que sur la protection des abeilles, qui sont notre bien commun. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, le frelon asiatique, arrivé en France par accident en 2004, est désormais présent sur plus des deux tiers du territoire national et continue de s’y étendre.
Aussi, de nombreuses collectivités territoriales doivent faire face à ce redoutable prédateur d’abeilles. Contrairement aux abeilles asiatiques, celles qui sont présentes en France n’ont pas encore mis en place de stratégie de défense efficace contre ses attaques dévastatrices. Or les dégâts du frelon asiatique sont considérables.
D’un point de vue environnemental, avec les pesticides et la monoculture, le frelon asiatique est aujourd’hui considéré comme l’une des causes majeures de la surmortalité des abeilles.
D’un point de vue économique, la perte du chiffre d’affaires pour la filière apicole est estimée à 12 millions d’euros par an – pour certains apiculteurs, les pertes peuvent atteindre jusqu’à 100 % de leur chiffre d’affaires. Pis, dans certaines zones, il est devenu impossible de pratiquer l’apiculture. Qu’en sera-t-il demain ?
Cela représente aussi un coût pour les collectivités locales : une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) met en avant que le contrôle du frelon asiatique par destruction des nids a coûté 23 millions d’euros entre 2006 et 2015 et que le coût annuel ne cesse d’augmenter.
La France, qui est le pays européen le plus touché par ce prédateur, est aussi celui où la réponse politique a manqué de cohérence, de moyens et de coordination, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur.
S’il y a eu quelques efforts en matière de recherche et de financement, comme le rappelle l’Union nationale de l’apiculture française, l’État n’a jamais mis en œuvre de plan d’action visant à réduire la pression sur les ruches ou à soutenir les apiculteurs français face à cette espèce invasive.
La lutte repose actuellement sur la seule mobilisation des apiculteurs, aidés par les collectivités locales. La réglementation n’est à ce jour pas suffisamment contraignante pour l’État, qui n’est soumis à aucune obligation de destruction de nids de frelons ou de financement du piégeage. Pire encore, il n’y a aucun plan d’action cohérent coordonné par l’État.
Nous saluons donc la présente proposition de loi, qui met bien en exergue les effets de la prolifération du frelon asiatique.
Le principe d’une participation financière de l’État aux côtés des collectivités et celui d’une compensation des apiculteurs victimes du frelon asiatique sont bienvenus. Toutefois, nous regrettons que cet accompagnement financier ainsi que l’indemnisation des dommages causés ne soient pas davantage précisés – les modalités de leur mise en œuvre restent floues.
Nous regrettons également que l’obligation générale à laquelle serait soumis le préfet de faire procéder à la destruction des nids de frelons ait été remplacée par un régime laissant à ce dernier une marge d’appréciation. Certes, il faut respecter le cycle de vie du frelon asiatique, mais il faut aussi penser à limiter sa prolifération.
En la matière, la science progresse. La recherche et les expérimentations menées à La Réunion ont montré, par exemple, qu’il était possible de stériliser une population de moustiques pour en contrôler la prolifération.
Nous regrettons aussi que l’indemnisation des apiculteurs ne soit ouverte qu’aux chefs d’exploitation apicoles.
Nous ne sommes pas naïfs. Ce texte, inscrit dans la niche du groupe RDSE, offrira au Gouvernement – nous l’espérons – l’occasion d’impulser une vraie politique de lutte contre les espèces invasives, qui attaquent à la fois nos écosystèmes et nos exploitations agricoles. Il faut une large politique, qui pense cette lutte en s’appuyant sur tous les moyens de la recherche et de l’innovation pour mettre en œuvre des actions concrètes et concertées avec l’ensemble du monde agricole. Les menaces qui pèsent sur l’apiculture sont multiples : en sus du frelon asiatique, elle doit aussi faire face à la loque américaine et au varroa.
Malgré les réserves que je viens d’exprimer, nous voterons ce texte attendu par toute la filière. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Nicole Bonnefoy et MM. Guislain Cambier et Pierre Cuypers applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le frelon asiatique, présent en France depuis vingt ans, prolifère de façon inquiétante et se révèle un fléau redoutable pour les abeilles et l’activité apicole.
Son expansion sur l’ensemble du territoire est inéluctable. Aujourd’hui, seulement 30 % à 40 % des nids sont détruits, alors qu’il faudrait atteindre un taux de 60 % pour seulement freiner sa progression. Le coût actuel des frais de destruction est estimé à 11,9 millions d’euros.
Cette prolifération nous oblige à faire face à trois enjeux majeurs : un problème sanitaire pour les apiculteurs ; la protection de la biodiversité face aux espèces exotiques envahissantes ; la protection de la population face aux attaques de frelons.
Aujourd’hui, il faut trouver une solution pour vivre avec le frelon asiatique tout en limitant ses nuisances. C’est le sens de cette proposition de loi.
Je voudrais dire que certaines collectivités territoriales sont déjà engagées sur ces questions. Je pense à ma région des Pays de la Loire, où une organisation est en place grâce à un maillage associatif efficace. Je pense aussi au réseau Polleniz, un organisme à vocation sanitaire, qui guide efficacement les particuliers et les entreprises vers des professionnels de l’éradication du frelon.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes a été publié en février dernier afin de protéger les ruchers, la population et la biodiversité. Il a été décliné par les fédérations d’organismes à vocation sanitaire (OVS), par le groupement de défense sanitaire GDS France ou encore par Fredon France, qui est le premier réseau d’experts au service de la santé, du végétal, de l’environnement et des hommes. Monsieur le président de la commission, je précise que ce réseau s’inscrit dans une démarche d’« une seule santé » – One Health.
Il me paraît important de mettre en valeur ces actions qui ont été menées sur le terrain sans attendre l’intervention de l’État et qui fonctionnent.
Si la proposition de loi va dans le bon sens en prévoyant notamment, dans les territoires qui ne sont pas encore suffisamment organisés, que le préfet sera chargé d’alerter la population en cas de présence de nids de frelons, je suis inquiet quant au risque de suradministration qu’une telle mesure pourrait générer et qui perturberait une organisation efficiente dans un certain nombre de départements. Je pense en particulier aux petites entreprises déjà investies sur ces missions d’éradication.
La proposition de loi ne détaille pas non plus comment les préfectures se saisiront concrètement du problème. Rien n’est précisé sur la mise en œuvre d’appels d’offres ni sur la manière de rendre effective l’obligation de déclarer la présence d’un nid de frelons pour nos compatriotes.
C’est pourquoi je présenterai un amendement visant à permettre aux OVS de prendre le relais des préfectures dans les départements où sont déjà mis en place des dispositifs efficaces. Cela permettra de ne pas ajouter une lourdeur administrative inutile et de laisser libre champ aux OVS, qui effectuent un bon travail. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il faut faire preuve de pragmatisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’apiculture, très discrète, ne manifeste pas, n’arrose pas de lisier les préfectures, n’établit pas de barrages de ballots de paille, mais souffre considérablement.
Agriculteur moi-même, je mesure combien le déficit de pollinisation met en danger le fragile équilibre de la biodiversité et par là nos récoltes, donc notre souveraineté alimentaire.
Le remembrement des bocages, la disparition des haies ont fait chuter le nombre d’insectes de près de 70 %, dont de nombreux pollinisateurs. Or sans pollinisation, pas de fruits ni de légumes, donc pas de culture.
La France importe 60 % de sa consommation de miel : du miel bon marché, venu de Chine, souvent de mauvaise qualité, voire frelaté, tout en conservant l’appellation « miel ». Là encore, l’Empire du Milieu tire son épingle du jeu. On nous envoie du frelon asiatique et on nous vend du miel dans la foulée.
Les filières du miel français tiennent à bout de bras, qu’elles soient alimentaires ou cosmétiques. Mon département, la Seine-et-Marne, peu touché jusqu’en 2020, subit depuis trois ans une pression énorme de cet insecte vorace et destructeur de ruches.
Il est nécessaire, pour lutter contre ce fléau, de disposer d’un réseau fort, compétent et disponible de personnes au plus près des territoires ; de disposer d’outils pour recenser et cartographier les nids ; de structurer les interventions pour piéger les insectes et détruire les nids.
La présente proposition de loi prévoit des mesures, mais tout dépendra des moyens de financement qui seront définis dans le décret d’application. Sans moyens significatifs, comme c’est malheureusement le cas pour de nombreuses lois de notre pays, ce texte ne s’appliquera que dans le Journal officiel.
Face au réchauffement et au dérèglement climatique et compte tenu de la globalisation des échanges commerciaux, d’autres invasions sont à prévoir, dont certaines sont déjà en cours. La présence du frelon oriental a été constatée dans les Bouches-du-Rhône et le frelon bicolore est déjà en Espagne.
Que se passera-t-il si le frelon géant asiatique invasif, déjà présent aux États-Unis, arrive un jour sur le continent européen ? Cet hyménoptère mesure entre quatre et sept centimètres, soit la taille d’un colibri, et peut tuer jusqu’à 300 abeilles en une seule heure. Son arrivée, sans réaction immédiate des pouvoirs publics, sonnerait le glas net et sans appel de toute forme d’apiculture française.
Monsieur le secrétaire d’État, cette proposition de loi, qui est une nécessité absolue non seulement pour les apiculteurs, mais aussi pour l’équilibre de la biodiversité, arrive vingt ans trop tard. Il faudra bien retenir la leçon : n’attendons pas que les catastrophes prennent une ampleur nationale pour légiférer et prendre les décisions qui s’imposent contre les menaces en cours et à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole
Article unique
I. – Après l’article L. 411-9 du code de l’environnement, sont insérés des articles L. 411-9-1 à L. 411-9-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 411-9-1. – I. – Dans le cadre des plans mentionnés à l’article L. 411-9, il est institué un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes qui détermine :
« 1° Les orientations nationales et les indicateurs de suivi des actions de surveillance, de prévention, de piégeage sélectif et de destruction mises en œuvre dans le cadre des plans départementaux de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes définis au II du présent article ;
« 2° La classification des départements en fonction de la pression de prédation et des dégâts causés aux ruchers et aux pollinisateurs sauvages par le frelon asiatique à pattes jaunes ;
« 3° Les financements alloués à l’information du public, à la connaissance scientifique et à la recherche d’outils de lutte efficaces et sélectifs ;
« 4° L’accompagnement financier des collectivités territoriales dans le cadre des plans départementaux de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes prévus au même II, notamment pour l’acquisition de systèmes de prévention et de lutte contre la prédation.
« Le plan mentionné au premier alinéa du présent I est élaboré par l’État en concertation avec les organismes à vocation sanitaire, les associations représentatives des élus locaux, des représentants d’acteurs socio-économiques directement touchés par la mise en danger des pollinisateurs, d’associations de protection de l’environnement et de membres de la communauté scientifique.
« II. – Le plan départemental de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes est élaboré par le représentant de l’État dans le département en concertation avec le président du conseil départemental, les représentants des communes et de leurs groupements, la section départementale des organismes à vocation sanitaire, les acteurs socio-économiques directement touchés par la mise en danger des pollinisateurs, des associations de protection de l’environnement, l’Office français de la biodiversité et des usagers de la nature.
« Le plan départemental décline territorialement le plan national prévu au I. Le plan départemental est mis à jour au plus tard six mois après chaque modification du plan national.
« III (nouveau). – Un décret fixe les conditions d’application du présent article.
« Art. L. 411-9-2. – Tout occupant légal d’une parcelle au sein de laquelle se trouve un nid de frelons asiatiques à pattes jaunes est tenu de procéder à la déclaration de ce nid au représentant de l’État dans le département. Ce dernier détermine s’il y a lieu de faire procéder à la destruction du nid au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce.
« Art. L. 411-9-3. – Tout dommage imputé au frelon asiatique à pattes jaunes subi par un chef d’exploitation apicole ouvre droit à une indemnisation proportionnée aux dommages. Les montants forfaitaires d’indemnisation et les modalités de calcul de l’indemnisation sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, pris après avis de l’interprofession apicole et de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation. »
II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du I sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Aveyron, avec ses 671 apiculteurs et ses 32 700 colonies d’abeilles, n’est pas épargné par le fléau que représente la prolifération du frelon asiatique pour l’apiculture et la culture fruitière.
Cela fait une vingtaine d’années que l’on constate les dégâts grandissants de cette espèce invasive et destructive sur l’écosystème.
L’augmentation du nombre des frelons asiatiques a des conséquences particulièrement violentes sur l’activité des abeilles et sur les ruches, qui sont la cible de la prédation des frelons. Dans certains départements, 40 % des abeilles ont été décimés. Localement, les ravages peuvent être pires encore.
Or le taux élevé d’extinction des abeilles entraîne de grandes difficultés de pollinisation des plantes et des arbres et des conséquences en chaîne pour la biodiversité ainsi que pour la filière apicole.
Pour les apiculteurs et les spécialistes du frelon asiatique, le problème provient essentiellement du fait que 95 % des nids de frelons ne sont pas détruits, alors que chaque nid peut contenir jusqu’à 500 reines, qui feront ensuite 500 nouveaux nids dans un rayon de quelques kilomètres seulement.
Ces constats sont alarmants et plongent les apiculteurs dans l’inquiétude. Il est donc tout à fait regrettable que l’État ne réagisse pas davantage. Je rappelle que le frelon asiatique n’est pas classé en catégorie 1 des espèces nuisibles, ce qui ne manque pas de surprendre.
Globalement, l’absence de cohérence et de financement adéquat a limité l’efficacité des actions menées. Les moyens de lutte dont nous disposons sont insuffisants, raison pour laquelle il est indispensable d’adopter un nouvel arsenal législatif.
Si les solutions proposées dans ce texte vont dans le bon sens, elles ne peuvent constituer qu’une première étape dans la lutte contre les frelons asiatiques. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard pour les apiculteurs, pour la biodiversité et pour la santé publique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Roux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à apporter davantage de souplesse dans la détermination des objectifs et des grandes lignes du plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes.
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
destruction
insérer les mots :
non nocives pour l’environnement
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement de précision est le fruit de l’expérience du terrain.
Nous savons que des marchands sans scrupules préconisent parfois des méthodes de destruction de nids de frelons faisant appel à des produits interdits.
Il s’agit donc de préciser que la destruction des nids doit se faire au travers de moyens non nocifs pour l’environnement, surtout dans la durée. Cet amendement de précisions fait aussi écho aux propos de Nicole Bonnefoy.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement est cohérent avec l’esprit du texte, tout en répondant à la préoccupation de mise en œuvre de systèmes de piégeage sélectifs et efficaces ainsi que de techniques de lutte qui n’endommagent pas la biodiversité.
La rédaction proposée par notre collègue Ronan Dantec et les membres du groupe GEST me paraît tout à fait utile. La lutte contre le frelon asiatique doit conduire à un bilan environnemental positif, sans quoi l’action publique ne serait pas cohérente : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Dantec, premièrement, votre amendement ne s’appuie pas sur une réalité juridique, ce qui est essentiel quand il s’agit de faire la loi.
Deuxièmement, une étude de l’Institut de l’abeille est en cours pour vérifier l’efficacité d’appâts empoisonnés et leur incidence sur l’environnement. Il ne faudrait pas à ce stade que nous nous fermions des possibilités, ce que pourrait entraîner l’adoption de votre amendement.
Troisièmement, il me paraît important de rappeler – et le Sénat y sera sensible – que nous souhaitons déployer la stratégie nationale, tout du moins la décliner, dans le cadre des plans départementaux. Il faut donc laisser à la main des départements le soin de déterminer les différentes techniques à utiliser en prenant en compte les spécificités et les enjeux locaux.
Pour ces trois raisons, je sollicite le retrait de votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Antoine. Je souscris à l’argument de mon collègue selon lequel il faut détruire les frelons en utilisant les méthodes les moins dangereuses pour l’environnement.
Mon propos vise à demander une précision à M. le secrétaire d’État. Les apiculteurs recourent à différents moyens pour venir à bout du frelon asiatique. Ils ont ainsi testé les cannes à vapeur en faisant bouillir de l’eau à 100 degrés Celsius, sachant que le frelon asiatique ne survit pas au-delà de 50 degrés Celsius.
La réglementation en vigueur prévoit qu’il est possible, dans le cadre d’un plan de prévention et de lutte contre un insecte, d’utiliser des cannes à insecticides. Or le protocole à l’eau chaude n’est pas validé, faute d’utiliser un insecticide.
Il y a là un petit non-sens, qui nécessite que l’on revoie la réglementation pour y intégrer d’autres moyens. Il s’agit de répondre à l’attente de nos collègues et à leurs inquiétudes. À cette fin, nous pourrions tous ensemble faire évoluer intelligemment la réglementation à la marge.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Que M. le rapporteur m’en excuse, mais je ne suivrai pas sa position tant l’argument de M. le secrétaire d’État me semble relever du bon sens.
Avec tout le respect que j’ai pour mon collègue Dantec, son amendement de précision est très orienté, de sorte qu’il faut rester prudent. Et comme je suis très prudent et que j’ai beaucoup apprécié votre argumentation, monsieur le secrétaire d’État, je suivrai votre avis et demanderai à mon collègue Dantec de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Bien évidemment, je ne vais pas retirer mon amendement. Je tiens d’ailleurs à remercier le rapporteur de son soutien.
Monsieur le secrétaire d’État, la loi définit un cadre. Comment pouvez-vous vous opposer à l’ajout de la précision « non nocives pour l’environnement » ? C’est totalement inexplicable et je n’ai pas bien compris votre argumentation.
En outre, nous sommes tous d’accord sur le fait que la manière dont est menée la lutte contre les espèces invasives ne fonctionne pas : il faut faire étude sur étude avant de pouvoir décider d’une stratégie, lorsqu’il est déjà trop tard…
Vous nous demandez de ne pas voter cet amendement, parce qu’une étude est en cours. Il faudrait donc, en attendant les résultats de ce travail, accepter l’utilisation de produits nocifs pour l’environnement. Vos propos me semblent comporter une contradiction assez forte…
Il est évident – et cela devrait faire consensus – que les techniques de lutte contre le frelon asiatique ne doivent pas nuire à l’environnement ni aux autres hyménoptères. Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends absolument pas votre position ; j’irai même jusqu’à vous proposer de retirer votre avis, car je ne retirerai pas mon amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. J’abonde dans le sens de Ronan Dantec.
L’objet du travail que nous menons est de gagner en biodiversité. La lutte contre le frelon asiatique ne doit pas s’entendre comme la lutte contre une espèce en particulier ; elle se justifie par le fait que le frelon asiatique, devenu dominant, menace le reste de la biodiversité.
Partant de ce principe, la proposition de Ronan Dantec pour rétablir l’équilibre ou même reconquérir la biodiversité tombe sous le sens : il faut éviter d’utiliser des produits qui peuvent être nocifs.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, il serait bienvenu de soutenir cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Dantec, soyons très clairs : notre but commun est de réduire, voire éliminer, dans chacune de nos activités, ce qui peut être nocif pour l’environnement.
Mon premier argument portait sur un élément de droit. Vous savez bien que les termes « non nocives pour l’environnement » ne correspondent à aucune réalité juridique. Or, dans cet hémicycle, il s’agit de faire la loi et donc du droit. Des catégories existent déjà, dans la cadre des autorisations de mise sur le marché (AMM). Or la rédaction que vous proposez ne recouvre aucune réalité juridique.
Je souscris totalement à votre ambition de préserver la biodiversité. C’est la raison pour laquelle, madame Antoine, je suis favorable à ce que nous examinions toutes les nouvelles techniques qui se développent dans les territoires et qui correspondent à l’ambition des apiculteurs. Celle que vous avez mentionnée est apparue alors que je n’exerçais pas encore mes fonctions.
Surtout, tous les produits destinés à détruire tel ou tel insecte ou à lutter contre telle ou telle espèce exotique invasive font l’objet d’AMM et sont classés par catégories. Des études sont en cours pour trouver les techniques les moins nocives pour l’écosystème, mais en cas d’invasion de frelons ou d’une autre espèce exotique qui représente un danger pour la santé humaine, il faut bien mener une campagne pour l’éradiquer, quitte à utiliser une molécule qui ne soit pas en parfaite adéquation avec nos exigences pour les cent prochaines années, mais dont nous avons besoin pour mener cette lutte.
Au-delà du fait qu’il n’a pas de fondement juridique, je vous invite à retirer votre amendement, car nous continuons de travailler avec les scientifiques et les apiculteurs pour tenir les deux bouts de la chaîne : préserver à la fois la biodiversité et notre capacité à éradiquer des espèces invasives, qui ont aussi des répercussions sur l’environnement. Comme l’un d’entre vous l’a très bien dit : One Health, une seule santé !
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Monsieur le secrétaire d’État, je suis convaincu par vos arguments.
Monsieur Dantec, je comprends votre volonté, mais permettez-moi de vous donner un exemple : en viticulture bio, des matières premières sont utilisées pour lutter contre le mildiou, notamment le cuivre ; or le cuivre est nocif pour l’environnement.
M. Laurent Burgoa. Eh oui !
M. Henri Cabanel. Compte tenu de ce qu’a expliqué le Gouvernement, il me semble plus sage de ne pas adopter cet amendement. (MM. Jean-Claude Anglars et Laurent Burgoa applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je rappelle que le frelon asiatique est le principal prédateur de l’abeille. S’il faut veiller à appliquer des méthodes respectueuses de la biodiversité, comme le propose l’auteur de cet amendement, cela doit se faire à l’échelle européenne. En passant par le droit national, nous opérerions une surtransposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas seulement d’une question d’AMM. Mon raisonnement s’appuie également sur des faits concrets, constatés sur le terrain.
Dans mon département, la Charente, nous avons élaboré en 2012 un plan départemental de lutte contre les frelons asiatiques. Le département était chargé de démolir les nids, en utilisant bien évidemment des produits homologués.
Or nous avons constaté que plusieurs de ces produits avaient des conséquences sur l’environnement. Une fois traité, soit le nid restait sur l’arbre et les oiseaux en mangeaient le contenu, soit il tombait au sol et des animaux terrestres le consommaient. Au-delà des frelons asiatiques, ces produits ont eu un effet destructeur sur la biodiversité.
Voilà ce que veut rappeler M. Dantec et ce que j’ai tenté d’expliquer lors de la discussion générale. Je vous parle de mon vécu. L’idée est de considérer l’emploi d’autres méthodes.
Pour avoir échangé sur la question avec des scientifiques, il existe, par exemple, des pièges à phéromones, qui sont très sélectifs et détruisent les frelons et non le reste de la biodiversité.
Si je comprends que le sujet relève du domaine réglementaire, il convient de conforter le principe selon lequel les méthodes utilisées doivent être sélectives et affecter uniquement le frelon lui-même, de manière à ne pas détruire l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Madame Bonnefoy, je suis d’accord avec vous sur le principe. Nous l’appliquons d’ailleurs dans les Côtes-d’Armor.
Toutefois, je me dois de souligner au législateur que vous êtes que le fondement juridique de cette disposition n’est pas clair : adopter cet amendement reviendrait à créer de l’incertitude.
Si vous détruisez un nid de frelons asiatiques qui se trouve dans un hangar ou dans une maison en utilisant un produit qui sera considéré comme « nocif pour l’environnement » dans cinq ou dix ans, les conséquences pour l’environnement sont inexistantes, puisqu’il s’agit d’un lieu clos. En revanche, si le nid se trouve à proximité d’un espace protégé, la situation est différente.
Nous faisons tout, au travers des plans départementaux, pour adopter les meilleures techniques, mais la rédaction de cet amendement est insatisfaisante d’un point de vue juridique, car elle ne désigne pas de catégorie et crée de l’incertitude pour les organisations sanitaires, pour les apiculteurs et pour nos producteurs.
Monsieur Dantec, madame Bonnefoy, je vous propose d’étudier avec vous la façon dont le décret pourrait être modifié pour y intégrer cet objectif de préservation de la biodiversité. En l’état, cet amendement est inopérant.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par M. Roux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
1° Après le mot :
financements
insérer les mots :
de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs socio-économiques et sanitaires
2° Remplacer la première occurrence du mot :
et
par le signe :
,
3° Remplacer les mots :
d’outils de lutte
par les mots :
de systèmes de prévention
4° Compléter cet alinéa par les mots :
et à la lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement vise à assurer le caractère multipartite du financement du plan de lutte contre le frelon asiatique et à impliquer l’ensemble des acteurs pour fédérer l’action publique contre cette espèce.
Les auditions qui ont été réalisées par la commission ont en effet mis au jour la nécessité de mieux fédérer et coordonner les mesures de lutte.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Pluchet, M. Mandelli, Mme Garnier, MM. Chatillon et Menonville, Mmes Lopez et Muller-Bronn, MM. Naturel et Burgoa, Mmes M. Mercier et Estrosi Sassone, MM. Bacci, Folliot et Lefèvre, Mmes Gosselin et Dumont, M. Milon, Mme Bellurot, MM. C. Vial, de Legge, de Nicolaÿ et Reynaud, Mmes Goy-Chavent et Ventalon, M. Saury, Mme Lassarade, M. Anglars, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, M. P. Martin, Mme P. Martin, MM. Klinger, Mouiller et Belin, Mme Gruny, MM. Courtial, Bruyen, Somon et Rapin, Mme Herzog, M. Genet, Mmes Imbert et Florennes et M. Bouchet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
outils
insérer les mots :
et de techniques
La parole est à Mme Kristina Pluchet.
Mme Kristina Pluchet. La lutte contre le frelon asiatique ne recouvre pas seulement la question du bon piège ou des bons outils. Elle a été perfectionnée par une connaissance fine de cet insecte, qui a permis de comprendre que l’efficacité des pièges dépendait surtout de leur application opportune, c’est-à-dire au bon moment et au bon endroit.
Aussi me paraît-il essentiel que la loi mentionne cet aspect afin que la lutte contre le frelon asiatique ne se borne pas à un subventionnement de pièges.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Je partage l’esprit de l’amendement n° 3 rectifié, à tel point que la rédaction de mon amendement n° 13 satisfait l’intention de son auteure.
Je propose pour ma part d’évoquer des « systèmes de prévention » efficaces et sélectifs, qui incluent à la fois les outils et les techniques.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. L’amendement n° 13 est très important. Je remercie M. le rapporteur de l’avoir déposé.
Nous allons déployer un plan national de lutte contre le frelon asiatique. En tant qu’élus locaux, vous êtes, comme moi, attachés à la crédibilité de l’action publique. Il est nécessaire de mettre en place un financement collégial pour débloquer des moyens à la hauteur de nos ambitions.
Une fois la stratégie définie, nous devons nous doter des moyens nécessaires pour la déployer en nous appuyant sur la volonté de tous les acteurs, d’un point de vue à la fois financier, budgétaire et humain, afin d’être plus efficaces pour protéger nos apiculteurs.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 3 rectifié, qui est d’ordre rédactionnel, il deviendra sans objet si l’amendement du rapporteur est adopté. Toutefois, je vous remercie, madame Pluchet, de l’avoir déposé, car il concerne un socle important de cette proposition de loi : celui du financement. Tous les acteurs doivent contribuer financièrement et engager des actions pour nos apiculteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je profite de cette explication de vote pour saluer l’auteur de cette proposition de loi et le groupe du RDSE pour leur engagement contre ce fléau que représente le frelon asiatique.
Je soutiendrai bien sûr l’amendement n° 13 de la commission, qui porte sur les plans de lutte contre cette espèce invasive.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé les engagements de l’État, mais aussi ceux de tous les partenaires, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des groupements de défense sanitaire.
J’ai rencontré dans les Ardennes des passionnés d’apiculture, et je sais que ma collègue Jocelyne Antoine en a fait de même dans le département voisin, la Meuse. Dans mon département, il existe un rucher-école, qui crée un lien entre les apiculteurs et les jeunes.
Depuis une vingtaine d’années, le frelon asiatique fait de redoutables dégâts sur la biodiversité et représente un danger pour nous tous. Il convient donc de soutenir les mesures d’engagement de l’État, des collectivités et des associations pour lutter contre ce prédateur en votant en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Pluchet, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Kristina Pluchet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 13.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Pluchet, M. Mandelli, Mme Garnier, MM. Chatillon et Menonville, Mmes Lopez et Muller-Bronn, MM. Naturel et Burgoa, Mmes M. Mercier et Estrosi Sassone, MM. Bacci, Folliot et Lefèvre, Mmes Gosselin et Dumont, M. Milon, Mme Bellurot, MM. C. Vial, de Legge, de Nicolaÿ et Reynaud, Mmes Goy-Chavent et Ventalon, M. Saury, Mme Lassarade, M. Anglars, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, M. P. Martin, Mme P. Martin, MM. Klinger, Rojouan, Mouiller et Belin, Mme Gruny, MM. Courtial, Bruyen, Somon et Rapin, Mme Herzog, M. Genet, Mmes Imbert et Florennes et M. Bouchet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
«…° L’opportunité de classer le frelon asiatique à pattes jaunes parmi les dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l’abeille domestique afin d’assurer une protection plus efficace des ruchers, de la flore et de la faune et de prévenir des dommages importants aux activités agricoles.
La parole est à Mme Kristina Pluchet.
Mme Kristina Pluchet. Il me paraît important que le Gouvernement reconsidère le statut du frelon asiatique dans notre droit national. Depuis l’abrogation par l’arrêté du 3 mai 2022 du décret définissant une liste de dangers sanitaires, le frelon asiatique ne figure plus dans aucune liste régie par le ministère de l’agriculture.
Ne subsiste plus que son statut d’espèce exotique envahissante, ce qui semble bien insuffisant, alors que l’État doit mobiliser des acteurs autour d’un plan de lutte nationale visant à protéger l’apiculture.
Aussi, cet amendement a vocation à inviter le Gouvernement à reconsidérer la classification du frelon asiatique. La situation singulière de la France, qui est, de loin, le pays le plus touché par la prolifération de cet insecte, justifie le maintien d’une réglementation nationale claire et mobilisatrice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement vise à répondre à une attente forte de la profession apicole et des acteurs de la filière.
Le frelon asiatique a été classé comme danger sanitaire de deuxième catégorie pour l’abeille domestique de 2012 à 2022, puis déclassé pour des raisons de mise en conformité avec la loi européenne sur la santé animale.
Pourtant, le frelon asiatique fait peser de très fortes menaces sur les ruchers et c’est en France que les pressions de prédation sont les plus fortes et les pertes de la filière apicole les plus importantes.
À ce titre, il me semble opportun d’envoyer ce signal fort à l’ensemble des acteurs, en complément de toutes les mesures prévues par ailleurs dans le cadre du plan national de lutte contre le frelon asiatique : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Je partage votre volonté de créer une catégorisation à la hauteur de nos objectifs pour les apiculteurs en matière de santé et d’environnement, non seulement pour des raisons symboliques, mais aussi pour reconnaître les dégâts que le frelon asiatique peut causer.
Comme vous le savez, le frelon asiatique a été déclassé pour respecter le règlement européen sur la santé animale. Je sais que le groupe Les Républicains est très attaché au fait de ne pas surtransposer les normes européennes – vous l’avez souligné précédemment, notamment en ce qui concerne l’agriculture. Or classer le frelon asiatique comme un danger sanitaire de catégorie 2 s’apparenterait précisément à une surtransposition. Du reste, cela n’aurait aucune conséquence concrète.
Toutefois, je comprends parfaitement votre objectif. Faire de la politique, c’est aussi envoyer des signaux à nos producteurs et à nos apiculteurs.
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Aussi le Gouvernement s’en remet-il à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par M. Roux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
élaboré par l’État
par les mots :
établi par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le plan de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes est établi conjointement par les ministres de l’agriculture et de l’environnement – que je remercie.
Il est préférable de cibler les ministres chargés de l’élaboration de ce plan plutôt que l’État, abstraction juridique que personne n’a jamais pu rencontrer. Les locataires de l’hôtel de Roquelaure et de l’hôtel de Villeroy sont plus faciles à identifier. (Sourires.)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Il s’agit également d’un amendement important. Il est souhaitable que ce plan de lutte soit établi non seulement par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, car ce sujet relève de la préservation de l’environnement et de la biodiversité et concerne nos communes et nos intercommunalités au premier chef, mais aussi par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, car il concerne nos apiculteurs et donc la souveraineté alimentaire de notre pays.
Le Gouvernement émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements et de deux sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Omar Oili, Patriat, Buis, Buval, Fouassin et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il organise l’évaluation du niveau de danger pour la santé publique des nids de frelons asiatiques déclarés ainsi que la procédure de signalement et de destruction.
II. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. La proposition de loi prévoit une obligation de principe pour les habitants de signaler les nids de frelons dont ils constatent la présence. Si nous partageons les objectifs incitatifs de cette mesure, cette obligation représente une responsabilité importante.
En effet, il n’est pas toujours aisé de repérer un nid de frelons asiatiques ou de le distinguer d’un nid de frelons européens. Cela peut engendrer des situations compliquées, par exemple lorsqu’un élève est piqué à l’école par un frelon asiatique, dont le nid se trouve dans une maison voisine.
Pour éviter de faire peser une telle responsabilité sur nos concitoyens, nous proposons que le préfet, qui élabore déjà le plan départemental de lutte contre le frelon asiatique, organise également l’évaluation du niveau de danger sanitaire des nids ainsi que la procédure de signalement et de destruction à suivre.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 17, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 11, alinéa 3
Après les mots :
santé publique
insérer les mots :
et des dégâts sur les ruchers
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Ce sous-amendement vise à inscrire dans la loi qu’il est nécessaire d’apporter un soutien particulier à la filière apicole, qui traverse une crise majeure, notamment en raison du frelon asiatique.
Il apparaît indispensable que le préfet puisse fonder sa décision sur l’impact de la présence du frelon asiatique sur les ruchers environnants. Cette disposition s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la proposition de loi.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 16, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 11, alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce signalement peut être établi par l’intermédiaire du maire de la commune où est situé le nid de frelons asiatiques à pattes jaunes ou d’un membre du conseil municipal désigné par lui.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Ce sous-amendement tend à reconnaître le rôle du maire et des élus communaux dans le dispositif de lutte contre le frelon asiatique.
Comme nous le savons tous, les maires sont bien souvent aux avant-postes de la lutte contre cette espèce invasive et représentent les interlocuteurs de proximité privilégiés des habitants. Aussi connaissent-ils bien le sujet, d’autant que de nombreuses communes participent déjà aux frais de destruction et à la prévention.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Après les mots :
déclaration de ce nid
insérer les mots :
directement ou par l’intermédiaire du maire de la commune concernée,
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cet amendement vise à reconnaître le rôle du maire dans le dispositif de lutte contre la prolifération du frelon asiatique à des fins de lisibilité et d’efficacité pour le citoyen.
Comme vient de le rappeler Nicole Bonnefoy, les maires sont bien souvent en pointe dans la lutte contre cette espèce invasive et représentent les interlocuteurs privilégiés de nos concitoyens. Pour bon nombre d’entre elles, les communes participent aux frais de destruction ou encore à la prévention.
En permettant de déclarer les nids directement auprès de la commune, nous entendons ainsi confirmer le rôle des élus locaux dans le dispositif proposé. Le maire se chargera ensuite de transmettre la déclaration au préfet de département afin de procéder, le cas échéant, à la destruction du nid.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, Perrin et Rietmann, Mmes Muller-Bronn et Valente Le Hir, M. Burgoa, Mme Micouleau, MM. Bacci, Milon et Sol, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Grosperrin, Mme Pluchet, M. Naturel, Mmes Di Folco, Lopez, M. Mercier, Chain-Larché, Estrosi Sassone, Gosselin et Garnier, MM. J.P. Vogel et Brisson, Mme Dumont, MM. de Legge et C. Vial, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. de Nicolaÿ, Bas, Belin, Favreau et Saury, Mme Borchio Fontimp, MM. Anglars, Lefèvre et Gremillet, Mme P. Martin, M. Klinger, Mme Gruny, MM. Rojouan, Somon, Rapin, Houpert et Genet, Mme Imbert et M. Bouchet, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Première phrase
Après le mot :
État
insérer les mots :
ou à l’organisme à vocation sanitaire mentionnés à l’article L. 201-9 du code rural et de la pêche maritime,
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
Ce dernier détermine
par les mots :
Ces derniers déterminent
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Si certaines régions doivent s’organiser pour lutter contre le frelon asiatique, d’autres sont déjà bien avancées, notamment grâce aux actions des organisations à vocation sanitaire comme le réseau Polleniz dans ma région des Pays de la Loire.
Je rappelle que ces organismes sont des personnes morales reconnues par l’autorité administrative selon le code rural et de la pêche maritime.
Ces OVS ont signé un plan national de lutte et doivent pouvoir s’organiser librement. Ajouter des lourdeurs administratives en rendant obligatoire de déclarer chaque nid en préfecture pourrait ralentir la lutte contre le frelon asiatique.
Cet amendement vise à permettre aux OVS de poursuivre le travail efficace qu’ils réalisent en se faisant le relais des préfectures.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Remplacer les mots :
Ce dernier
par la phrase et les mots :
Si cette déclaration a lieu entre le 1er janvier et le 1er juillet, ce dernier procède ou fait procéder à la destruction du nid. Si elle a lieu entre le 2 juillet et le 31 décembre, il
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. En commission, le rapporteur a supprimé le caractère obligatoire de la destruction des nids pour lui substituer une simple faculté à la discrétion du préfet.
D’une manière générale, le caractère non prescriptif d’une loi nous laisse dubitatifs, car cela débouche bien souvent sur une application très partielle de celle-ci.
En outre, le retard de quinze ans que nous avons pris dans la lutte contre le frelon asiatique démontre bien que le volontariat n’a pas porté ses fruits.
Par ailleurs, introduire ce caractère facultatif tout en maintenant l’obligation pour les particuliers de déclarer chaque nid pourrait être mal compris par nos concitoyens, surtout si aucune action n’est entreprise par le préfet à la suite d’une telle déclaration.
Compte tenu du fait qu’il peut apparaître inutile de détruire les nids à l’automne, pour les raisons que le rapporteur a exposées en commission, nous proposons que la destruction d’un nid qui a été signalé soit rendue obligatoire au cours des six premiers mois de l’année et qu’elle soit laissée à l’appréciation du préfet durant les six derniers.
Mes chers collègues, ce compromis me semble acceptable pour les apiculteurs qui nous écoutent peut-être en ce moment même.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Après les mots :
au regard
insérer les mots :
des dégâts causés aux ruchers et
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Le texte issu des travaux de la commission prévoit que le préfet doit fonder sa décision de procéder ou non à la destruction d’un nid sur le danger que représente celui-ci pour la santé publique et sur le cycle biologique de l’espèce.
Nous proposons, par cet amendement, qu’il tienne également compte de l’impact de la présence du frelon asiatique sur les ruchers environnants.
Cette précision nous semble indispensable et totalement en phase avec l’esprit de cette proposition de loi, qui vise à apporter un soutien particulier à la filière apicole, laquelle traverse une crise majeure, dont les frelons asiatiques sont l’une des causes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. L’amendement n° 11rectifié vise à ce que les procédures de signalement et de destruction des nids de frelons asiatiques soient déterminées à l’échelle de chaque plan départemental, plutôt que de manière homogène au plan national, comme le prévoyait initialement la proposition de loi.
Cette solution présente l’avantage de la souplesse, en laissant aux acteurs le soin de déterminer les procédures adéquates pour lutter contre les frelons asiatiques en fonction des réalités territoriales et des pressions de prédation qui ont été constatées.
Je tiens à préciser que les maires ne sont en aucune façon tenus à l’écart de la lutte contre le frelon asiatique, dans la mesure où l’alinéa 8 prévoit bien que les représentants des communes et de leurs groupements sont associés à l’élaboration du plan départemental de lutte. Les communes les plus volontaires auront donc bien la possibilité de s’associer de manière plus marquée à la lutte contre le frelon asiatique.
Ainsi, la commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 11 rectifié, même si, à titre personnel, le dispositif me paraît très intéressant.
Le sous-amendement n° 17 tend à ce que l’évaluation de l’opportunité de détruire un nid de frelons asiatiques tienne compte des dégâts que celui-ci est susceptible de causer aux ruchers.
Ce sous-amendement n’a pas pu être examiné par la commission. À titre personnel, et par cohérence avec les positions qui ont été exprimées en commission, j’y suis favorable.
Le sous-amendement n° 16 vise à ce qu’un propriétaire qui constate la présence d’un nid de frelons asiatiques sur sa parcelle puisse le signaler au maire de la commune concernée et non au seul préfet.
Bien que la commission n’ait pas pu émettre d’avis sur ce sous-amendement, compte tenu de son dépôt tardif, cette disposition me paraît intéressante, car elle permet aux maires qui le souhaitent d’être acteurs de la lutte contre le frelon asiatique. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur ce sous-amendement.
L’amendement n° 9 vise à ce que le signalement au préfet de nids de frelons asiatiques puisse se faire par l’intermédiaire du maire de la commune concernée.
Si l’esprit de cet amendement est intéressant, il convient de noter que l’on demande déjà beaucoup aux maires, véritables couteaux suisses territoriaux. Il aurait sans doute été plus judicieux de permettre aux maires de servir ou non d’intermédiaire plutôt que de leur attribuer une obligation nouvelle : avis défavorable.
L’amendement n° 1 rectifié ter me semble très intéressant, car les OVS sont très actifs en matière de lutte contre le frelon asiatique. La modalité qu’il vise à instaurer pourrait être mise en œuvre dans le cadre des plans départementaux, dans la mesure où les sections départementales des OVS sont associées à leur élaboration. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 4, il ne me paraît pas souhaitable d’inscrire dans la loi des dates aussi précises, le cycle biologique du frelon asiatique dépendant des conditions climatiques – il prolifère lorsque les températures sont printanières. À la fin de l’hiver, entre janvier et mars, les nids sont vides. Leur destruction à cette période ne présente donc pas d’intérêt : avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 5, il sera complexe d’imputer de pareils dégâts à un nid spécifique, d’autant qu’il est impossible de cartographier de façon exhaustive la présence de cette espèce sur un territoire donné, dans la mesure où elle nidifie bien souvent dans les arbres à plus de dix mètres de hauteur : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Il est essentiel de ne pas faire peser sur nos concitoyens la charge de cette question de santé. Imaginez qu’un frelon asiatique dont le nid se trouve dans votre jardin, sans que vous l’ayez vu, pique un coureur ou un enfant dans une école : on ne peut pas vous en rendre responsable !
Cet amendement est très important et je vous en remercie. La responsabilité collective doit être la mère de notre bataille et de notre riposte. Ne faisons pas peser sur nos concitoyens une charge lourde et dangereuse.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 11 rectifié.
Nous voulons éviter toute surréglementation. Il importe de laisser les acteurs locaux s’organiser et agir le plus rapidement possible. Ce n’est pas la même chose selon que vous vivez dans une métropole ou dans un territoire rural comme le mien, où les intercommunalités ont un rôle plus important à jouer.
Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable sur les amendements nos 4, 5 et 9 et sur le sous-amendement n° 16.
Le sous-amendement n° 17 vise à apporter une précision attendue par nos apicultures en permettant au préfet de se fonder sur les dégâts causés aux ruchers avoisinants : avis favorable.
Je veux, pour conclure, préciser à l’attention de M. Chevrollier que j’aurais été tenté d’émettre un avis de sagesse sur son amendement n° 1 rectifié ter s’il avait été rédigé de telle sorte qu’il ne crée pas une obligation pour les organismes à vocation sanitaire, ce qui serait une charge trop lourde pour eux, mais qu’il leur ouvre simplement une faculté.
Il faut être particulièrement prudent dans les responsabilités qu’on assigne aux OVS ou aux citoyens dans la lutte contre le frelon asiatique.
De toute manière, monsieur le sénateur, si l’amendement n° 11 rectifié est adopté, le vôtre deviendra sans objet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 9, 1 rectifié ter, 4 et 5 n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15, présenté par M. Roux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 411-9-3. - Les pertes économiques causées par le frelon asiatique à pattes jaunes subies par un exploitant apicole sont indemnisées dans les conditions prévues à l’article L. 361–3 du code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Avec son apparente simplicité, cet amendement ne paie pas mine, mais son adoption conduirait à une petite révolution pour la filière apicole.
Il tend en effet à créer un régime indemnitaire au bénéfice des exploitants apicoles ayant subi des pertes économiques causées par la prédation du frelon asiatique, et ce dans le cadre du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).
Grâce à un mécanisme de cotisation auprès des exploitants apicoles et à un financement par des crédits publics, ils pourront aussi bénéficier d’une indemnisation des pertes économiques dues au frelon asiatique.
Il s’agit d’une innovation majeure, puisqu’on passerait d’une absence d’indemnisation à un mécanisme simple, efficace et rapide, assurant une compensation des pertes d’exploitation.
Il s’agit d’un signal fort, porteur d’espoir pour les apiculteurs professionnels.
J’indique d’ores et déjà que l’avis de la commission sera défavorable sur les amendements nos 6 et 7 rectifié, d’une portée moindre que celui de la commission.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
chef d’exploitation apicole
par les mots :
rucher exploité à des fins commerciales
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cet amendement important vise à rétablir le texte initial de la proposition de loi, selon lequel tout apiculteur impacté par la présence du frelon asiatique peut faire valoir ses droits à indemnisation dans le cadre du dispositif prévu à cet effet.
En commission, et à notre grande surprise, le rapporteur a restreint ce champ aux seuls chefs d’exploitation, soit à tout exploitant possédant au moins 200 ruches ou justifiant de plus de 1 200 heures de travail.
Notre groupe estime qu’une telle restriction enverrait un très mauvais message à la filière et priverait demain des milliers d’apiculteurs de la possibilité de recevoir un soutien qui pourrait, dans certains cas, particulièrement pour les plus petites structures, être essentiel à leur survie.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
un chef d’exploitation apicole
par les mots :
tout propriétaire de plus de 49 ruches exploitées à des fins commerciales
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement de repli vise à ouvrir le bénéfice d’une indemnisation à tout propriétaire de plus de 49 ruches. Les apiculteurs présents aujourd’hui en tribune savent ce qui est en jeu.
Il s’agit ainsi de viser les chefs d’exploitation, mais aussi une grande partie des cotisants de solidarité à la Mutualité sociale agricole (MSA), dont l’exclusion resterait incompréhensible.
Le champ d’application du dispositif reste, en définitive, d’une étendue tout à fait raisonnable. Monsieur le rapporteur, les apiculteurs qui nous écoutent ne comprendraient pas que vous le restreigniez aux structures les plus importantes.
Mme la présidente. M. le rapporteur a déjà indiqué quel était l’avis de la commission sur ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ceux-ci, ainsi que sur l’amendement de la commission ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. L’amendement n° 15 tend à créer un mécanisme d’indemnisation des apiculteurs dans le cadre du plan national de lutte contre le frelon asiatique. Certes, ce faisant, nous ne réinventons pas la roue, le fonds sollicité existant, mais celui-ci a prouvé son utilité et son efficacité.
Par ailleurs, la solution retenue nous permettra d’agir rapidement et efficacement, puisqu’elle est immédiatement opérationnelle.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 15.
En revanche, il sera défavorable aux amendements nos 6 et 7 rectifié, pour une simple et bonne raison : les critères d’indemnisation des apiculteurs qui ont été retenus ont été fixés par ces professionnels eux-mêmes. Or les auteurs de ces deux amendements proposent d’étendre cette indemnisation aux non-professionnels.
D’ailleurs, des échanges qui ont eu lieu avec les organisations représentatives des professionnels de l’apiculture, il est bien ressorti qu’il fallait éviter que le fonds bénéficie à quiconque pratiquerait l’apiculture sans en vivre professionnellement.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 6 et 7 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux, au nom du Gouvernement, de vous soumettre cet amendement tendant à lever le gage sur cette proposition de loi afin de financer les mesures ambitieuses qu’elle contient, en dépit du contexte, que vous connaissez, de maîtrise des dépenses publiques.
Il nous est apparu important, par cohérence et par souci de crédibilité, d’accompagner au mieux nos apiculteurs, de nous donner les moyens de mettre en œuvre ce plan ambitieux, de mener des actions concrètes et de soutenir nos maires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Gillé et Kanner, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
et par un prélèvement fixé à 0,1 % du produit de la taxe prévue à l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime
La parole est à M. Michaël Weber.
M. Michaël Weber. Le financement des mesures prévues par ce texte est important, mais il faut aller au-delà.
De fait, la proposition de loi prévoit que « les éventuelles conséquences financières [en] résultant pour les collectivités territoriales […] sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement ».
Notre groupe considère, au vu de l’impact avéré et considérable de l’usage des pesticides sur les insectes pollinisateurs, plus particulièrement les abeilles – ce n’est pas sans lien avec le présent texte –, qu’il revient également à tout metteur sur le marché de tels produits de contribuer financièrement à préserver des espèces essentielles à notre biodiversité.
Aussi, nous proposons d’instaurer un prélèvement de 0,1 % sur le produit de cette taxe sur les produits phytopharmaceutiques. Ce taux reste raisonnable, pour ne pas dire symbolique, mais c’est un geste par lequel nous entendons signifier que tout est lié dans le débat que nous avons ce matin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir levé le gage sur cette proposition de loi et de nous avoir entendus. La commission émet donc un avis très favorable sur l’amendement du Gouvernement, dont l’adoption rendra sans objet celui que M. Weber a défendu.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Nous en avons bien pris conscience dans cet intéressant débat, l’intrusion d’une espèce allochtone comme le frelon asiatique déséquilibre totalement la biodiversité de nos territoires, ce qui a des conséquences importantes non seulement sur cette biodiversité, en particulier sur les abeilles, mais également, partant, sur l’activité économique apicole. On le voit donc bien, la circulation de telles espèces invasives a un impact sur l’environnement, sur la santé humaine et sur l’économie. Le travail intéressant que nous avons mené doit aussi nous inspirer pour la suite, car, à n’en pas douter, nous aurons d’autres débats de ce type au sein de notre hémicycle.
Nous voterons avec plaisir cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mon nom personnel, mais également au nom du groupe RDSE, je vous remercie et me félicite de la qualité des travaux que nous avons menés sur cette question dont nous mesurons tous les enjeux.
Nous envoyons aujourd’hui au monde apicole, et plus largement au monde agricole, un signal fort. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et SER.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail que vous avez mené, un travail de longue haleine notamment pour Mme Bonnefoy, qui s’intéresse à ce sujet depuis fort longtemps.
Je remercie plus particulièrement M. Masset, l’auteur de cette proposition de loi, M. Roux, son rapporteur, ainsi que le président Longeot toujours à la manœuvre et à l’écoute.
Enfin, je me félicite que ce texte ait été adopté à l’unanimité des groupes de votre assemblée, sur un sujet qui concerne la biodiversité, la santé et la souveraineté.
Je retiens trois avancées majeures de cette proposition de loi.
Premièrement, elle institue un plan national de lutte contre le frelon asiatique, qui, allant plus loin que ce qui existe déjà, donnera le cap pour les acteurs concernés.
Deuxièmement, un fonds d’indemnisation des apiculteurs est mis en place – ils l’attendaient –, grâce auquel ils seront bien mieux protégés qu’ils ne l’étaient jusqu’à présent.
Troisièmement, le gage ayant été levé, le plan est financé, ce qui lui donne sa crédibilité. Nous le devons aux apiculteurs, nous le devons aux maires, aux élus locaux qui sont engagés depuis des années dans la lutte contre le frelon asiatique.
Nous continuerons dans cette voie pour préserver la biodiversité, pour notre souveraineté et pour la santé de nos concitoyens. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie personnellement de l’écoute que vous nous avez accordée, à Michel Masset et à moi-même, lorsque nous vous avons rencontré.
Je remercie également les services du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, grâce auxquels il a été possible d’intégrer au FMSE le régime indemnitaire que crée le présent texte au bénéfice des exploitants apicoles.
Enfin, mes chers collègues, je remercie chacun d’entre vous de sa participation et de ce vote unanime.
Je n’oublie pas, dans ces remerciements, le président Longeot et les services de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui m’ont bien soutenu. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je vous remercie, mes chers collègues, de ce vote unanime.
Je salue le travail précurseur qu’ont conduit sur ce sujet Mmes Bonnefoy et Pluchet, et remercie Michel Masset d’avoir déposé cette proposition de loi.
Je remercie le rapporteur du travail volontariste qu’il a effectué au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui lui a permis de dépasser les clivages, ce dont je me réjouis.
Tout comme le rapporteur, je remercie également M. le secrétaire d’État d’avoir levé le gage, geste qui n’était pas évident. J’ai entendu à plusieurs reprises que cela fait vingt ans que nous aurions dû faire quelque chose – en additionnant toutes les fois où j’ai entendu cela, on ne doit plus être très loin d’un siècle ! (Sourires.) En effet, faute de moyens financiers, une telle proposition de loi ne servirait pas à grand-chose.
Enfin, je remercie l’ensemble des membres de la commission de l’aménagement du territoire, ses services, pour l’assistance qu’ils ont accordée au rapporteur.
Encore une fois, je me réjouis de cette unanimité et je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de l’engagement du Gouvernement, que cette proposition de loi sera transmise rapidement à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
3
Accès aux pharmacies dans les communes rurales
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de la proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 355, texte de la commission n° 503, rapport n° 502).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, consacré comme un « art précieux à l’humanité » par la déclaration royale du 25 avril 1777, l’exercice de la pharmacie a évolué au fil des siècles et le rôle du pharmacien s’est progressivement renforcé.
Devenu un acteur incontournable du parcours de soins, il n’est plus seulement celui qui délivre des médicaments. Ses missions se sont en effet multipliées ces dernières années : renouvellement d’ordonnance en cas de maladie chronique, vaccinations, dépistages, mise à disposition de cabines de téléconsultation, etc.
La délivrance d’antibiotiques pour les infections urinaires simples et les angines viendront très prochainement élargir ces nouvelles compétences, comme l’a rappelé, le week-end dernier, le Premier ministre.
Les missions du pharmacien devraient de nouveau s’enrichir dans les années à venir, notamment sur la base des conclusions d’une expérimentation en cours depuis 2021.
Toutes ces mesures ont un seul et même objectif : simplifier l’accès aux soins des Français. Mais encore faut-il que nos concitoyens puissent avoir une pharmacie à proximité.
Or, depuis 2007, notre pays en a perdu plus de 4 000. L’année dernière, le caducée de 276 officines a cessé de s’illuminer. Jamais la France n’avait connu un tel rythme de fermetures.
Alors que le nombre de pharmacies est désormais passé sous la barre des 20 000, cette évolution nous inquiète.
Pour autant, ce phénomène n’affecte pas toutes les communes dans les mêmes proportions. Si, dans les grandes villes, la suppression de pharmacies a peu d’incidences, elle est en revanche préoccupante dans les petites communes, qui ont bien souvent déjà vu partir le médecin généraliste.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère en effet que de « 3 à 5 % de la population française vit aujourd’hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre pharmaceutique ».
Sans officine à proximité, les patients sont contraints d’effectuer des kilomètres pour se rendre dans la pharmacie la plus proche, ce qui devient très compliqué pour les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et celles qui n’ont pas de moyen de transport, notamment en milieu rural.
Cette situation n’est évidemment pas sans conséquence sur la qualité des soins et le suivi des patients. Une récente étude sur la santé en milieu rural le souligne : les écarts d’espérance de vie entre départements ruraux et départements urbains s’aggravent pour atteindre désormais près de deux ans d’espérance de vie pour les hommes et un an pour les femmes. Cette étude, menée par l’Association des maires ruraux de France (AMRF), doit nous interpeller.
Au-delà de l’enjeu sanitaire, c’est également le dynamisme des zones rurales qui est remis en cause. La pharmacie est l’un des tout premiers commerces de proximité, dans lequel entrent quotidiennement plus de 4,5 millions de nos concitoyens. Les fermetures d’officines contribuent à l’isolement des habitants et à la désertification de nos campagnes, en décourageant les jeunes familles et les professionnels de santé de s’y installer.
Dans ces conditions, comment voulez-vous revitaliser ces territoires ? C’est une mission quasi impossible !
L’implantation des pharmacies est réglementée depuis 1941 pour assurer une bonne répartition « démo-géographique » sur l’ensemble du territoire. Elle repose globalement sur l’application d’un quota par rapport au nombre d’habitants ou à une clientèle potentielle. Bien qu’ils soient régulièrement revus, les seuils démographiques ne correspondent plus, aujourd’hui, à la réalité du terrain.
Deux dispositifs ont été proposés ces dernières années pour maintenir l’accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés.
Le premier, l’ordonnance du 3 janvier 2018, a ainsi prévu d’assouplir les règles d’ouverture dans les territoires où l’accès à une pharmacie n’est pas assuré de manière satisfaisante. L’ouverture, par voie de transfert ou de regroupement, d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants est ainsi possible si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine.
Deux conditions sont toutefois nécessaires : il faut que l’une de ces communes recense au moins 2 000 habitants et que l’ensemble de ces communes rassemblent au moins 2 500 habitants.
La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, a quant à elle autorisé, à titre expérimental, la création d’une antenne d’officine par un ou plusieurs pharmaciens titulaires d’une commune limitrophe lorsque la dernière officine de la commune d’accueil a cessé son activité et que l’approvisionnement en médicaments et produits pharmaceutiques de la population y est compromis.
Aucun de ces dispositifs n’est à ce jour appliqué.
Monsieur le ministre, permettez-moi plusieurs remarques.
L’ordonnance de 2018 prévoyait que le décret identifiant les territoires dits fragiles soit publié avant le 31 juillet 2018. Cela fait plus de cinq ans que nous attendons sa publication. Comment justifier un tel retard ?
Alors que la France compte un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, je ne suis de toute façon pas certaine que cet assouplissement réponde réellement aux défis de nos territoires.
Si je prends l’exemple de mon département, moins de vingt communes seulement comptent plus de 2 000 habitants, alors que la plupart des autres en comptent entre 20 et 900.
Surtout, il est de plus en plus fréquent que de petites officines soient rachetées par des pharmacies de plus grande taille, qui les ferment quelques mois plus tard.
Dans un rapport publié en 2016, les inspections générales des finances et des affaires sociales relevaient ainsi que « près de la moitié des fermetures d’officines sont […] le résultat d’initiatives de pharmaciens désirant restructurer l’offre locale via des regroupements et rachats-fermetures ». Voilà qui est joliment dit…
De tels comportements conduisent à créer des inégalités d’accès aux soins, les communes rurales étant souvent les premières touchées par ce phénomène.
Dans mon département, en moins de six mois, trois pharmacies situées dans trois territoires différents ont été rachetées dans le seul objectif de les fermer pour éviter la concurrence avec les territoires voisins.
Cette tendance s’accompagne de l’impossibilité, pour les maires de commune de moins de 2 500 habitants, de rouvrir des pharmacies dans leurs territoires.
J’ai donc décidé de déposer cette proposition de loi pour nous pencher sur la question de la réorganisation territoriale du réseau d’officines, en particulier dans nos territoires ruraux et de montagne.
Nous souhaitions assouplir les conditions d’ouverture des officines pour faciliter leur installation dans des communes faiblement peuplées. Le dispositif initial autorisait une telle ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants à deux conditions : que la commune se situe dans une zone géographique constituée d’un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine ; que ces communes totalisent ensemble au moins 2 500 habitants. L’assouplissement n’était pas exceptionnel…
Lors des auditions, notre rapporteure Guylène Pantel, dont je tiens à saluer le travail et les négociations qu’elle a menées sur ce texte, s’est heurtée à l’opposition des syndicats de pharmaciens, qui nous accusaient de vouloir « désorganiser le réseau ».
Il nous fallait alors trouver une solution consensuelle qui nous permette d’avancer sur le sujet et qui soit acceptée par tous.
C’est pourquoi l’article unique a été réécrit pour demander au Gouvernement de publier le décret nécessaire à l’application du dispositif Territoires fragiles avant le 1er octobre, sans quoi il appartiendra aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) d’identifier lesdits territoires fragiles.
Adopter cette proposition de loi permettra de résoudre un certain nombre de situations difficiles. Au sein des territoires fragiles, l’ouverture de pharmacies d’officine dans les communes rurales sera facilitée et des aides pourront être octroyées pour favoriser leur maintien.
Pour autant, permettez-moi de partager notre frustration. Il est en effet à craindre que le dispositif proposé par notre rapporteure, et que nous avons accepté dans un souci de consensus, ne puisse apporter qu’une réponse partielle à la désertification pharmaceutique à laquelle nous souhaitions apporter une réponse globale au travers de notre proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle nous apporterons notre soutien aux amendements de notre collègue Cédric Vial, qui, dans son territoire, est confronté aux mêmes problématiques de désertification pharmaceutique. Leur adoption permettrait, nous semble-t-il, d’aboutir à un texte plus affirmé.
Monsieur le ministre, quelle que soit l’issue de nos débats, ce texte doit nous amener à réfléchir à la suite, car – j’y insiste – le problème reste entier.
Si les membres du groupe RDSE ne sont pas indifférents aux questions démographiques qui touchent la profession non plus qu’aux considérations de viabilité économique des officines, notre devoir de sénatrice et de sénateur est aussi de veiller à l’aménagement de notre territoire et aux conditions d’accès aux soins de nos concitoyens. Cela, pour nous, est essentiel et primera toujours les considérations financières et corporatistes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a demandé l’examen, dans son espace réservé, de la proposition de loi que nous avons déposée avec la présidente Maryse Carrère pour préserver l’accès aux pharmacies d’officine dans les communes rurales.
Après m’être concertée avec Mme Carrère, le texte a été substantiellement modifié en commission, sur mon initiative. Nous vous proposerons de le compléter.
En premier lieu, il me semble utile de nous arrêter sur l’état de notre réseau officinal et sur les difficultés rencontrées dans certains territoires.
Celles-ci n’ont rien d’évident : la qualité du maillage officinal a longtemps été vantée. La France bénéficiait, ces dernières années encore, d’une densité d’officines supérieure à la moyenne des pays développés : trente-deux officines pour 100 000 habitants en 2019 contre vingt-huit, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.
Du fait d’une régulation ancienne du secteur, les pharmaciens sont plus équitablement répartis sur le territoire que la plupart des autres professionnels de santé. En effet, l’ouverture d’une officine doit être autorisée par le directeur général de l’ARS et ne peut l’être, en l’absence de cessation d’activité récente, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.
Il résulte de l’application de ces règles un maillage territorial performant : en 2016, 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d’une officine. Les 35 % d’officines situées dans des communes de moins de 5 000 habitants y contribuent largement.
Pourtant, le réseau officinal s’est beaucoup affaibli ces dernières années. Depuis dix ans, le nombre de pharmacies d’officine diminue de manière constante : la France a perdu, entre 2012 et 2022, plus de 8 % de ses officines, alors qu’elle gagnait 3,7 % d’habitants.
Il faut ajouter à cela le vieillissement de la population et l’augmentation de ses besoins de santé : sur la même période, la prévalence des maladies chroniques s’est accrue de deux points.
Il convient également d’apporter une précision : si le réseau officinal est moins déséquilibré que d’autres, des inégalités territoriales n’en sont pas moins constatées dans l’implantation des officines.
Certains territoires sont particulièrement pénalisés. En 2022, près d’un tiers des départements dénombraient moins de trente officines pour 100 000 habitants ; les départements les mieux dotés en comptaient, eux, plus de trente-cinq pour 100 000 habitants.
Les fermetures d’officine ne font bien sûr qu’aggraver les difficultés constatées. Dans les territoires les moins bien pourvus, il arrive désormais que les habitants se trouvent sans solution de proximité : la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, comme le village de Cozzano, en Corse, en sont des exemples médiatisés.
Monsieur le ministre, face à ce constat, le législateur a entendu agir. Au cours des dernières années, deux initiatives ont visé à maintenir l’accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés : l’expérimentation des antennes d’officine et la création du dispositif Territoires fragiles. Mais, pour l’heure, ces mesures n’ont connu aucune application effective.
Pour maintenir l’accès aux médicaments dans les communes isolées, la loi Asap a autorisé à titre expérimental la création d’une antenne d’officine par le pharmacien titulaire d’une commune limitrophe, lorsque la dernière officine de la commune d’accueil a cessé son activité et lorsque l’approvisionnement en médicaments y est compromis.
Quant à la récente loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé, elle a cherché à résoudre les difficultés juridiques qui ont, jusqu’à présent, empêché le lancement effectif de l’expérimentation.
Par ailleurs, une ordonnance de janvier 2018 a permis l’identification de territoires dits fragiles, où l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante.
Les directeurs généraux des agences régionales de santé doivent dresser la liste de ces territoires. Mené dans des conditions définies par décret, ce travail doit notamment tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l’offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.
Dans les territoires fragiles ainsi identifiés, l’assurance maladie ou l’ARS peuvent accorder des aides spécifiques aux officines, pour favoriser leur ouverture et leur maintien.
En outre, la création d’une pharmacie est facilitée dans les communes de moins de 2 500 habitants. L’ouverture peut être autorisée si la commune d’implantation est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, lorsque l’une d’elles recense au moins 2 000 habitants et lorsque toutes totalisent au moins 2 500 habitants.
Nous sommes plus de trois ans après l’autorisation de l’expérimentation des antennes d’officine et plus de six ans après l’adoption du dispositif Territoires fragiles ; or – j’y insiste – ni l’un ni l’autre de ces outils n’est encore déployé.
D’après les parties prenantes auditionnées, les premières antennes d’officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya et le village de Cozzano. En revanche, le dispositif Territoires fragiles demeure inapplicable, faute de décret.
Cette situation est particulièrement préjudiciable dans le contexte actuel, marqué par l’accélération du rythme de fermeture des officines.
Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. La tendance, désormais nette, pourrait se poursuivre et s’aggraver : d’après le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d’officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans. Le manque d’attractivité des études de pharmacie, dont témoignent les places laissées vacantes, est de surcroît manifeste depuis quelques années.
Cette situation est d’autant plus dommageable que les pharmaciens se sont récemment vu confier de nouvelles missions destinées à améliorer l’accès aux soins. Leur rôle a été renforcé, qu’il s’agisse de la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), de la prescription de vaccins ou encore de la délivrance de médicaments sans ordonnance.
Ces nouvelles compétences ont conforté les pharmaciens comme acteurs essentiels de proximité, particulièrement lorsque les médecins manquent. Toutefois, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent d’annuler localement les effets de cette politique.
Dans nos territoires ruraux, ces tensions ne font qu’aggraver les diverses difficultés d’accès aux soins, décrites depuis longtemps. D’après une étude conduite par l’Association des maires ruraux de France, dont j’ai auditionné les représentants, l’écart d’espérance de vie entre départements ruraux et urbains s’aggrave : il atteint désormais près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.
Parce qu’il est urgent d’agir pour faciliter l’installation d’officines dans nos campagnes, le texte déposé par notre collègue Maryse Carrère visait à assouplir les conditions d’ouverture des pharmacies d’officine par voie de transfert, de regroupement ou de création.
Cette proposition de loi autorisait ainsi les ouvertures dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu’elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine qui totalisent, ensemble, une population dépassant ce seuil.
Mes chers collègues, les auditions que j’ai conduites ont toutefois révélé qu’une révision des critères de droit commun d’ouverture des officines, applicables à l’ensemble du territoire national, inquiète les pharmaciens. Ces derniers redoutent la déstabilisation du réseau officinal existant et la création d’officines non rentables.
Entendant ces inquiétudes, la commission a choisi de recentrer le présent texte sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus en officines et, en leur sein, les communes faiblement peuplées, qui, selon les critères actuels, ne peuvent accueillir une officine.
Elle a donc réécrit l’article unique de la proposition de loi pour contraindre le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret attendu depuis six ans, permettant l’application du dispositif Territoires fragiles. En l’absence de décret, ce dispositif serait automatiquement applicable à l’issue du délai fixé : il appartiendrait alors aux directeurs généraux des ARS d’identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères légaux et d’y appliquer les conditions d’ouverture assouplies prévues par la loi.
Nous vous proposerons par ailleurs un amendement visant à compléter le dispositif, pour permettre aux directeurs généraux d’ARS de prolonger la durée maximale de remplacement des titulaires d’officine ou encore de renouveler une fois le délai de caducité des licences en cas de cessation d’activité.
Ces nouvelles prérogatives seront autant d’outils permettant de réguler, dans les territoires, les opérations de restructuration et de mieux tenir compte des tensions constatées dans l’accès à une officine.
Cette proposition de loi nous offre l’occasion d’agir enfin pour l’accès aux pharmacies d’officine dans nos territoires.
Il est incompréhensible que le dispositif Territoires fragiles reste inappliqué depuis plus de six ans. Il est urgent de donner aux acteurs de terrain les moyens d’agir pour préserver le maillage officinal : c’est l’objectif de ce texte, que la commission vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Solanges Nadille, M. Marc Laménie et M. le président de la commission applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, madame la présidente Maryse Carrère, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales.
Historiquement performant, le maillage des officines pharmaceutiques reste un atout majeur de notre système de santé. Néanmoins, les signaux d’alerte se multiplient dans ce domaine, et la France est désormais passée sous la barre des 20 000 officines.
On le sait : l’officine de pharmacie est un lieu privilégié d’accès à la santé, dans tous les territoires. Forts de leurs compétences et de leur répartition homogène à travers le pays, les pharmaciens assurent au quotidien une prise en charge de premier recours. C’est d’autant plus vrai là où l’accès à une prise en charge médicale est plus difficile.
Ce maillage resserré a notamment été une force durant la pandémie de covid-19. Les pharmaciens ont alors joué un rôle clé : présents en première ligne, ils ont fourni des services essentiels à nos concitoyens, dans des conditions souvent difficiles et toujours exigeantes.
Les pharmaciens d’officine jouent ainsi un rôle essentiel, qu’il s’agisse d’orienter les patients dans le système de santé, de participer à la gestion des soins non programmés ou de concourir au suivi des patients chroniques. D’ailleurs, la profession évolue et la prévention occupe une place croissante dans les missions quotidiennes qui lui sont confiées.
Les Français ont pleinement confiance en leurs pharmaciens ; nous devons, résolument, continuer à nous appuyer sur ces professionnels pour mener la refondation de notre système de santé. C’est l’ambition du Gouvernement.
Néanmoins – je le disais –, les signaux d’alerte se multiplient.
Depuis plusieurs années, des tensions se font jour dans certaines zones, corrélées à la diminution constante du nombre d’officines. Un exemple frappant souligne ces difficultés : aujourd’hui, en France, près d’une dizaine de pharmacies sont mises en vente à 1 euro sans pour autant trouver de repreneur.
Les zones rurales sont particulièrement touchées, et pour cause : elles sont gravement pénalisées par la règle actuelle d’installation des officines, qui fixe un seuil de 2 500 habitants dans la commune d’implantation.
Il est donc de notre devoir de prendre des mesures adaptées pour préserver ce maillage essentiel de notre système de santé. C’est le sens de l’ordonnance de 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.
Ce texte assouplit les règles d’ouverture d’une officine dans certains territoires dits fragiles. Je sais que son décret d’application, précisant les critères de définition desdits territoires, est très attendu : c’est précisément sur ce décret que revient la proposition de loi dont nous débattons. J’ai moi-même été saisi de nombreux cas, notamment ceux des communes de Jossigny, en Seine-et-Marne, et de Sathonay-Village, dans le Rhône, lesquelles subissent les limites actuelles d’installation des officines.
Cette proposition de loi, telle qu’elle a été adoptée en commission des affaires sociales, fixe une échéance pour l’entrée en vigueur du décret d’application ; la date du 1er octobre 2024 a été retenue.
Je fais pleinement mienne cette volonté. Je proposerai d’ailleurs un texte à la concertation dans les prochains jours. Je crois en effet qu’il faut davantage laisser la main aux territoires et aller vers plus de simplification.
Les critères de définition des zones fragiles doivent prendre en compte les spécificités des territoires. Je le répète, il faut offrir une plus grande autonomie aux acteurs locaux.
La définition des territoires fragiles permettra deux actions : premièrement, l’ouverture de pharmacies par transfert ou regroupement dans des communes de moins de 2 500 habitants ; deuxièmement, l’attribution d’aides aux officines. En effet, dans les territoires où il y a peu de médecins et où la population est moins dense, l’équilibre économique peut être difficile à trouver.
Face à la disparité des situations géographiques et économiques dans lesquelles les officines sont placées, il faut rechercher un mécanisme à même de maintenir, à travers le pays, les pharmacies nécessaires pour préserver l’accès aux soins des patients.
Cette gestion au plus près du terrain doit permettre de trouver des solutions adaptées à la situation de chaque zone géographique et de chaque officine. L’assurance maladie et les syndicats de pharmaciens recherchent actuellement les modalités d’une telle aide, dans le cadre de la négociation d’un avenant à la convention des pharmaciens. Je souhaite bien sûr que ces travaux et discussions aboutissent rapidement.
Évidemment, il n’y a pas de solution unique. Nous devons donc actionner d’autres leviers, car il est de notre intérêt à tous que chaque Français, où qu’il se trouve, puisse accéder facilement à une officine. Je souhaite notamment accélérer le lancement de l’expérimentation des antennes pharmaceutiques d’ici à l’été prochain. Il s’agit d’innover pour maintenir l’accès à l’approvisionnement en produits de santé dans les zones isolées.
Enfin, je saisis cette occasion pour saluer les nouvelles missions confiées aux pharmaciens. Elles démontrent l’importance croissante de ces professionnels dans notre système de santé, qu’il s’agisse d’assurer des vaccinations ou de participer à l’effort de dépistage – je pense notamment au cancer colorectal. D’autres initiatives encore ont été prises récemment en ce sens.
Mesdames, messieurs, les sénateurs, je suis donc favorable à cette proposition de loi, dans la rédaction issue des travaux de votre commission des affaires sociales. Nous devons agir rapidement et de manière concertée pour assurer un accès équitable aux soins pharmaceutiques dans l’ensemble de notre territoire.
En parallèle, le Gouvernement continuera de soutenir et de valoriser le rôle essentiel des pharmaciens d’officine, partout en France, et en particulier en zone rurale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales.
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce texte est inscrit dans le cadre de l’espace réservé au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et qu’il nous reste une heure et vingt minutes pour l’étudier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte traite d’un enjeu essentiel : l’accès aux soins de proximité dans l’ensemble du territoire.
Nous débattons régulièrement des déserts médicaux, et pour cause : l’accès aux médecins est compliqué pour de nombreux Français. Mais nous ne sommes pas encore habitués à parler de déserts pharmaceutiques. Pourtant, depuis plusieurs années, on constate la disparition régulière des pharmacies dans les zones à faible densité géographique. La France est même passée sous le seuil des 20 000 pharmacies d’officine en 2023.
Ce phénomène, qui touche essentiellement la profession de pharmacien titulaire, s’explique notamment par la restructuration du maillage officinal, marqué par le regroupement croissant d’officines.
L’âge moyen du pharmacien d’officine est désormais de 46,7 ans, et il augmente petit à petit du fait de l’allongement des carrières. Quant à la baisse du nombre d’officines, elle s’inscrit dans une tendance générale. Chaque mois, vingt-cinq pharmacies ferment en France. Entre 2017 et 2023, le territoire national a perdu 4 000 officines.
Dans les grandes villes, dont beaucoup sont surdotées, la suppression de pharmacies par restructuration ne prête pas forcément à conséquence. En revanche, cette évolution est très préoccupante dans les petites communes, qui, bien souvent, ont déjà vu partir le médecin généraliste.
Faute de repreneur, des communes se retrouvent sans pharmacie, en particulier dans les campagnes. Parfois, les usagers doivent aller à des kilomètres de chez eux pour obtenir des médicaments.
Si nombre de pays européens continuent d’envier notre maillage pharmaceutique – les Français doivent parcourir en moyenne 3,8 kilomètres pour se rendre à la pharmacie la plus proche –, il nous faut agir pour contrecarrer cette dynamique inquiétante.
Les difficultés d’accès aux pharmacies sont d’autant plus problématiques que de nouvelles missions, destinées à améliorer l’accès aux soins des patients, ont été confiées aux pharmaciens d’officine au cours des dernières années. Je pense notamment à la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique, à la prescription de vaccins et aux missions d’accompagnement.
Les pharmaciens deviennent ainsi des acteurs essentiels de l’accès aux soins. C’est particulièrement vrai outre-mer, où les populations les plus vulnérables, en raison notamment d’une plus grande précarité, considèrent souvent le pharmacien comme un interlocuteur privilégié. Ce professionnel de santé remplit aussi une fonction sociale.
Force est de constater que les deux principaux dispositifs législatifs destinés à préserver l’approvisionnement en médicaments des territoires les moins bien dotés restent à ce jour inappliqués.
Il s’agit, premièrement, des antennes d’officine. À ce titre, la loi Asap de décembre 2020 n’a eu que peu d’effet. La profession a invoqué des difficultés juridiques, que la récente loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels devrait pouvoir résoudre.
Il s’agit, deuxièmement, du dispositif Territoires fragiles. Une ordonnance de janvier 2018 a prévu l’octroi d’aides et l’instauration de conditions d’ouverture assouplies dans lesdits territoires, où l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante. Mais, plus de six ans après sa publication, le décret nécessaire à son application n’a toujours pas été pris.
Pour nous, élus du groupe RDPI, la lutte contre l’apparition de déserts pharmaceutiques ne peut plus attendre. Néanmoins, nous ne sommes pas favorables à la modification des critères de droit commun d’ouverture des pharmacies d’officine : c’est le choix qu’opérait le texte initial, au risque de déstabiliser inutilement le réseau existant.
Nous saluons donc l’équilibre trouvé en commission des affaires sociales pour rendre les dispositions relatives aux territoires fragiles applicables, au plus tard, le 1er octobre 2024. D’ailleurs, je ne doute pas que le Gouvernement saura prendre ses responsabilités avant cette date.
Comme le dit l’adage, « en politique comme en pharmacie, il faut toujours agiter la solution avant de s’en servir ». (Sourires.)
Monsieur le ministre, le Gouvernement a longtemps agité la solution du dispositif Territoires fragiles : il est temps pour lui de s’en servir, en publiant enfin ce décret. Nous comptons sur vous ! (Mmes Corinne Bourcier et Corinne Imbert applaudissent, ainsi que M. Michel Masset et Mme la rapporteure.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les pharmacies de proximité sont des acteurs de santé essentiels. Elles assurent un maillage territorial de l’offre de soins. Chacun a pu le constater, si besoin était, au plus fort de la lutte contre la pandémie de covid-19 : les pharmaciens se sont alors mobilisés au service de la population.
Dans notre pays, le nombre de pharmacies d’officine diminue de manière constante et préoccupante depuis maintenant dix ans. En résulte une baisse significative de la densité des officines. Ces dernières sont, surtout, de moins en moins bien réparties. Les territoires les moins bien dotés – il s’agit des petites communes, notamment en zone rurale – voient leur accès à une pharmacie encore réduit par les fermetures constatées ; et ce mouvement, désormais bien installé, pourrait se poursuivre et s’aggraver. Il nous faut donc agir.
On peut déplorer que deux dispositifs législatifs destinés à préserver l’approvisionnement en médicaments des territoires les moins bien dotés demeurent à ce jour inappliqués.
Pour maintenir l’accès aux médicaments dans les communes à très faible population, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique de décembre 2020 a autorisé, à titre expérimental, la création d’une antenne d’officine par un ou plusieurs pharmaciens titulaires d’une commune limitrophe, lorsque la dernière officine de la commune d’accueil a cessé son activité et que l’approvisionnement en médicaments et produits pharmaceutiques de la population y est compromis.
Or, plus de trois ans après la promulgation de ladite loi, aucune antenne n’a été créée sur le fondement de cette expérimentation. La profession a mis en avant diverses difficultés juridiques : espérons que la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, adoptée à la fin de l’année dernière, soit à même de les résoudre.
J’en viens à un problème plus grave. Une ordonnance de janvier 2018 a prévu l’octroi d’aides et l’application de conditions d’ouverture assouplies dans les territoires dits fragiles, où l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante.
Au sein de ces territoires, l’ouverture d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants est possible lorsque celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, sous deux conditions démographiques : que l’une de ces communes recense au moins 2 000 habitants et qu’elles rassemblent au total au moins 2 500 habitants. Ce dispositif d’origine gouvernementale a été adopté il y a plus de six ans ; or le décret nécessaire à son application n’est toujours pas publié…
Partout en France, les habitants de petites communes pâtissent de cette situation. C’est notamment le cas dans mon département du Calvados.
Récemment encore, je m’entretenais avec le maire d’une commune nouvelle comptant près de 2 200 habitants. Cette collectivité territoriale dynamique souhaite se doter d’un nouveau centre-bourg, entre les deux communes originelles. Le projet élaboré doit permettre l’implantation de nouveaux commerces et de divers services de santé. Les besoins sont clairement constatés, les professionnels sont prêts à s’installer, mais absolument rien n’est possible en l’état. De telles situations ne devraient pas exister.
Plus globalement, on ne peut l’ignorer, les maisons de santé pluridisciplinaires et les Ehpad exigent une présence pharmaceutique de proximité, y compris quand ils se trouvent dans des communes de moins de 2 000 habitants. Les élus s’efforcent de soutenir ces structures, qui bénéficient chacune à tout un bassin de vie et assurent aux habitants un accès aux soins de qualité.
Les difficultés d’accès aux pharmacies sont d’autant plus problématiques que de nouvelles missions, précisément destinées à améliorer l’accès aux soins, ont été confiées aux pharmaciens d’officine depuis quelques années.
Les dernières annonces gouvernementales le confirment : la prescription de médicaments ne sera plus réservée aux médecins. Les pharmaciens pourront également assumer cette mission, dans des cas bien précis.
Parce qu’il est urgent d’agir pour faciliter l’installation d’officines dans nos campagnes, cette proposition de loi visait à assouplir leurs conditions d’ouverture, par voie de transfert, de regroupement ou de création. Toutefois, la révision des critères de droit commun d’ouverture des officines, applicables par définition à l’ensemble du territoire national, semble inquiéter la profession. Les pharmaciens redoutent une forte déstabilisation du réseau officinal existant et, localement, des effets d’éviction non souhaitables. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.
Selon nous, il faut surtout contraindre le Gouvernement à prendre avant octobre prochain le décret attendu depuis six ans. On assurera ainsi l’application du dispositif Territoires fragiles.
En l’absence de décret au 1er octobre 2024, ce dispositif serait d’application directe : il appartiendrait dès lors aux directeurs généraux des agences régionales de santé d’identifier les territoires fragiles de leur ressort, sur la base des seuls critères d’ores et déjà prévus par la loi. L’ouverture de pharmacies d’officine dans les communes rurales sera ainsi facilitée et des aides pourront être octroyées pour favoriser leur maintien.
Mes chers collègues, afin de débloquer une situation préjudiciable à nombre de nos concitoyens, en particulier aux Français des campagnes, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à souligner la qualité du travail accompli par Mme la rapporteure.
Selon moi, il n’y a pas de plus beau métier que celui de pharmacien en milieu rural, même si, compte tenu des difficultés de recrutement, des pénuries de médicaments et des risques d’incivilité, l’exercice de cette profession n’est pas toujours un long fleuve tranquille…
Monsieur le ministre, pourquoi cette proposition de loi a-t-elle été déposée ? Tout simplement parce que, dans ce domaine, un décret est attendu depuis plus de six ans : le fameux décret « territoires fragiles ».
Je sais que vous n’êtes pas responsable de sa non-parution – vous n’êtes en fonction que depuis neuf semaines –, mais je compte sur vous, qui plus est après vous avoir entendu à la tribune.
En la matière, les attentes des élus sont grandes : il faut faciliter la création et le transfert de pharmacies, notamment en abaissant le seuil démographique en vigueur. Cet assouplissement est prévu par l’ordonnance de 2018 : on comprend dès lors l’impatience qui s’exprime. Mais, bien sûr, ces réformes ne doivent pas être menées à n’importe quel prix.
On ne saurait s’attaquer aux trois piliers fondamentaux de l’offre pharmaceutique, telle qu’elle est structurée dans notre pays. On ne saurait fragiliser ce réseau, qui, paradoxalement, est souvent cité comme un exemple réussi d’aménagement du territoire et comme un gage d’accès aux soins : aujourd’hui, la plupart des Français ont encore une pharmacie à moins d’un quart d’heure de chez eux.
En parallèle, il faut éviter la concentration excessive des officines. Bien sûr, les regroupements ont leurs avantages – ils permettent aux pharmaciens d’assumer toutes les missions qui leur sont confiées –, mais ils risquent également d’aggraver la financiarisation non éthique.
Ces réformes ne doivent pas non plus être menées au prix de l’affaiblissement des pharmacies – ces dernières sont aussi des entreprises, qui subissent chaque année les économies votées au titre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) – ou d’une libéralisation de la vente en ligne des médicaments, petite idée qui trotte dans la tête de M. le Premier ministre…
Le réseau officinal est essentiel partout en France, tout particulièrement en milieu rural, où obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste est souvent difficile et où la croix verte constitue un repère.
Nous avons devant nous le risque de voir s’étendre les déserts pharmaceutiques. Pour votre information, 37 % des pharmacies ayant fermé en 2023 étaient installées dans des communes de moins de 2 000 habitants – cela représente 248 fermetures d’officines. Alors, ne rêvons pas !
Les enjeux concernant les pharmacies et les pharmaciens sont nombreux. J’en citerai deux.
En premier lieu, il faut des équipes complètes et bien formées. La profession est d’abord soucieuse d’assumer ses missions de santé publique, d’accompagner le mieux possible le bon usage des médicaments par les patients et d’exercer les missions de prévention et de dépistage qui lui sont confiées.
En second lieu, il faut comprendre les raisons de l’apparente désaffection des études de pharmacie. Depuis deux ans, des places en deuxième année de pharmacie restent non pourvues – c’est du jamais vu. Monsieur le ministre, vous devez en discuter avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons déjà évoqué le sujet avec elle, mais nous ne serons jamais de trop…
Pour autant, afin d’assurer un meilleur accès aux médicaments en milieu rural, l’expérimentation de la création de nouvelles antennes d’officine constitue un espoir. Le cahier des charges, déjà rédigé, devrait être approuvé prochainement. J’espère que cette expérimentation commencera le plus rapidement possible.
Enfin, un pouvoir dérogatoire a déjà été confié aux directeurs des agences régionales de santé entre 1985 et 1999. La voie dérogatoire avait alors souvent remplacé la voie normale, engendrant un risque d’inégalité dans le traitement des dossiers.
Je continue de penser que cette voie n’est pas la solution. En revanche, la publication du décret relatif aux territoires fragiles ainsi que la généralisation des projets d’antennes d’officine pourraient répondre aux préoccupations de l’auteure de la proposition de loi et des élus locaux, qui souhaitent améliorer l’accès aux médicaments en milieu rural et espèrent voir clignoter une croix verte dans leurs communes.
J’appelle également votre attention sur le fait que lorsqu’un pharmacien crée une officine en milieu rural, il se retrouve souvent seul titulaire dans une commune. Il ne peut alors pas fermer sa pharmacie, à moins de se faire impérativement remplacer. Ce mode d’exercice très exigeant du métier relève de la vocation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd’hui reflète bien le déclassement de notre pays.
Tout d’abord, l’année 2023 restera comme une année record où plus d’un pharmacien a été agressé chaque jour, pour une hausse insupportable des violences de 30 %.
Ensuite, et surtout, alors que l’on vantait le système de santé de la France, laquelle possédait la densité territoriale d’officines la plus importante des pays développés, la situation est désormais très inquiétante.
Depuis 2012, nous avons perdu 2 000 pharmacies, alors que notre population a augmenté de 4 % et que les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 20 % de nos concitoyens. En dix ans, nous avons perdu quatre officines pour 100 000 habitants, soit la plus forte baisse des pays de l’OCDE.
De plus, des inégalités territoriales subsistent dans la répartition des pharmacies, l’accès à ces dernières étant encore plus difficile dans les territoires les moins bien dotés, en raison des fermetures d’officines.
Monsieur le ministre, j’ai déjà alerté vos services au sujet des pénuries de médicaments rencontrées dans des pharmacies de Seine-et-Marne, département que vous connaissez bien, mais je n’ai reçu aucune réponse.
Le problème que nous traitons aujourd’hui constitue un exemple de la déliquescence de l’État, qui n’applique pas les dispositifs législatifs et réglementaires visant à préserver l’approvisionnement en médicaments dans les territoires les moins bien dotés.
Premier point : la loi Asap autorise, à titre expérimental, la création d’antennes d’officine selon certains critères. Plus de trois ans après la promulgation de ce texte, aucune antenne n’a été créée sur le fondement de cette expérimentation.
Second point : l’ordonnance du 3 janvier 2018 prévoyait d’octroyer des aides et d’assouplir les conditions d’ouverture des officines dans les territoires fragiles. Plus de six ans après avoir été prise sur l’initiative du Gouvernement – je tiens à le rappeler –, son décret d’application n’a toujours pas été publié.
Monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement agit de la sorte avec la santé des Français, on parle non plus seulement de dysfonctionnement, mais aussi de mépris.
Il est plus que jamais nécessaire que le Gouvernement se ressaisisse et répare ces deux points majeurs.
Il est également urgent qu’il se préoccupe de l’implantation d’un centre hospitalier universitaire (CHU) dans le nord de la Seine-et-Marne, véritable zone grise d’un secteur en forte croissance. C’était l’objet d’une seconde question que j’ai posée à vos services, là encore restée sans réponse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi va dans le bon sens. Il est nécessaire qu’elle fasse l’objet du plus fort consensus possible pour nos compatriotes, qui sont aujourd’hui victimes des erreurs d’hier : telle est la position du Rassemblement national.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les pharmaciens ne dispensent pas seulement des médicaments. Depuis toujours, ils conseillent, informent, se souviennent des traitements suivis par leurs patients et peuvent corriger des oublis ou des erreurs. Ce sont de vrais professionnels de santé, accessibles sans rendez-vous.
Selon des missions qui leur ont été confiées depuis plusieurs années ou parfois plus récemment, ils dépistent, vaccinent et peuvent même traiter certaines pathologies bénignes.
Dans tous les cas, ils entretiennent un lien humain avec leurs patients, pour lesquels ils sont de véritables interlocuteurs de confiance.
Ce point est peut-être encore plus vrai aujourd’hui dans certaines communes rurales, où il est parfois plus simple de s’adresser au pharmacien que de réussir à trouver un médecin.
Pendant longtemps, la densité des officines était telle qu’elle permettait d’offrir une bonne répartition des pharmacies sur le territoire national, notamment grâce à une régulation de leur création, de leur regroupement ou de leur transfert.
Toutefois, il est parfois de plus en plus difficile d’accéder facilement à une pharmacie, le nombre d’officines n’ayant cessé de diminuer depuis une dizaine d’années, à un rythme toujours plus soutenu.
Quelles en sont les raisons ? Les pharmaciens d’officine rencontrent des difficultés de plus en plus grandes, qu’elles soient d’ordre économique, liées au recrutement ou encore à l’approvisionnement, sujet à propos duquel notre groupe avait d’ailleurs lancé une mission d’information sur les pénuries de médicaments en 2018.
En outre, les étudiants désertent les études de pharmacie, préférant s’orienter vers l’hôpital ou la pharmacie industrielle, voire vers des cursus complètement différents. Même si la situation s’est améliorée en 2023, environ 1 000 places n’avaient pas été pourvues en 2022.
Aussi le nombre d’officines est-il en chute libre : vingt-cinq d’entre elles ferment chaque mois, et leur maillage se fragilise pour nos concitoyens, surtout dans les territoires les moins bien dotés.
Pourtant, des solutions ont été proposées et des lois ont même été promulguées. En 2020, la loi Asap a permis, à titre expérimental, aux pharmaciens titulaires d’officine de créer une antenne dans une commune limitrophe où la dernière pharmacie a fermé ou lorsque l’accès aux médicaments se trouve compromis.
Il a toutefois fallu attendre décembre 2023 et la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels pour lever les difficultés techniques et juridiques de ce dispositif et lancer véritablement l’expérimentation.
Plus tardif encore : l’ordonnance de 2018 devait autoriser, à l’aide du dispositif Territoires fragiles, le regroupement de petites communes pour y permettre l’ouverture d’une officine, mais ses décrets d’application n’ont jamais été publiés !
La présente proposition de loi vise justement à permettre l’application de ce dispositif dès le 1er octobre prochain.
La détérioration de l’offre officinale ne fait que s’accélérer et nous devons apporter rapidement des solutions aux territoires déjà fragilisés.
Face au manque de médecins, nous estimons que l’élargissement des missions des pharmaciens d’officine est plus que pertinent. Il serait dommageable que le manque d’officines empêche de les remplir.
Nous devons soutenir les acteurs de santé de proximité. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen vise à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales. Je tiens tout d’abord à remercier de leur travail nos collègues Maryse Carrère et Guylène Pantel, respectivement auteure et rapporteure de ce texte, qui démontre bien leur engagement et leur sens de l’écoute.
Il s’agit d’un enjeu de santé publique : il est nécessaire de maintenir l’égalité d’accès aux soins dans le respect des exigences de proximité.
À cela s’ajoute la question de l’attractivité des petites communes, sans oublier la place des pharmacies dans l’écosystème de la vie économique et leur importance dans le lien social. L’épidémie de covid-19 a d’ailleurs mis en évidence qu’il est important de disposer d’un maillage territorial d’officines suffisamment dense pour répondre aux situations de crise.
Néanmoins, force est de constater que, chaque mois, vingt-cinq pharmacies ferment en France. Entre 2007 et 2023, notre pays a perdu 4 000 officines. Cette situation reste préoccupante dans les petites communes, dont les habitants ont bien souvent déjà vu leur médecin généraliste partir.
En juillet 2019, j’avais alerté le Gouvernement au sujet des seuils « démo-géographiques » limitant la création de nouvelles officines, en déposant plusieurs amendements lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
De nombreux élus considèrent que le droit actuel fait véritablement obstacle à l’installation d’une nouvelle pharmacie, malgré l’importance des besoins de desserte en médicaments.
Dans plusieurs communes de l’Essonne, à Saint-Chéron par exemple, la population est en hausse, mais le seuil légal empêche l’implantation d’une officine supplémentaire, alors qu’une seule pharmacie est loin de suffire pour répondre aux besoins.
En 2019, j’avais signalé qu’il était nécessaire de fixer un seuil raisonnable pour l’ouverture d’une deuxième officine, car la tranche de 4 500 habitants reste trop contraignante.
Par ailleurs, les conditions démographiques sont appréciées sur une durée au moins égale à deux ans. Là encore, ce critère est trop contraignant, notamment lorsque l’évolution démographique est avérée ou prévisible.
J’avais aussi dénoncé certaines pratiques liées à l’acquisition d’officines. En effet, des pharmaciens profitent de la mise en vente d’une officine voisine concurrente pour l’acheter dans le seul but de faire cesser son activité.
Face à de telles pratiques, les élus locaux, principaux acteurs de la dynamique territoriale, demeurent désemparés, même si la population de leur commune augmente. Il conviendrait de mieux encadrer ces procédés.
En outre, il est essentiel de prendre en compte l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et des besoins de santé de nos concitoyens, qui souffrent à la fois du manque de professionnels de santé et de la pénurie de certains médicaments.
Il est aussi à noter que les tensions pourraient s’aggraver : d’après le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, la part des titulaires d’officine ayant plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans.
Par ailleurs, les études de pharmacie recrutent difficilement ces dernières années, et des places y sont laissées vacantes. Cela semble assez paradoxal au moment où l’on multiplie le rôle et les missions des pharmaciens au sein de la chaîne sanitaire : conseils, actes de dépistages, vaccinations, tests rapides d’orientation diagnostique, prise en charge de pathologies dites légères.
Nous remarquons également parfois des inégalités territoriales. Faute de repreneur, des communes rurales se retrouvent parfois du jour au lendemain sans pharmacie, les usagers étant alors contraints de réaliser des déplacements de plus de trente minutes pour se rendre dans l’officine la plus proche.
Nos efforts législatifs pour résoudre ce problème ont abouti à deux instruments : le dispositif Territoires fragiles, porté par l’ordonnance du 3 janvier 2018, et la création d’antennes d’officine par la loi Asap. Les deux mesures sont malheureusement restées inappliquées : plus de six ans après l’ordonnance de 2018, le Gouvernement n’a toujours pas publié le décret indispensable à sa mise en œuvre ; plus de trois ans après l’adoption de la loi Asap, des difficultés juridiques ont empêché le lancement effectif de l’expérimentation.
Heureusement, l’expérimentation a été simplifiée avec la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, et les premières antennes d’officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano.
Dans ce contexte, nous tenons à saluer cette proposition de loi visant à faciliter l’ouverture d’officines dans les territoires faiblement peuplés au moyen de transferts, de regroupements ou de créations.
Toutefois, l’assouplissement des règles d’installation ne saurait aucunement faire oublier ni les problèmes de recrutement que connaît la profession ni la pénurie de médicaments dont souffre la population.
Nous soutenons vivement l’amendement de la rapporteure, dont le dispositif relève du bon sens et répond parfaitement aux attentes de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Son adoption permettrait d’apaiser les inquiétudes de la profession. L’idée est simple : recentrer le dispositif sur sa cible prioritaire.
Cet amendement tend ainsi à contraindre le Gouvernement à publier, avant le 1er octobre 2024, le décret nécessaire à l’application du dispositif Territoires fragiles, qui prévoyait l’assouplissement des conditions d’ouverture des pharmacies d’officine dans les zones les moins bien dotées.
Dans le cas contraire, à compter de cette date, les directeurs généraux des agences régionales de santé pourront identifier lesdits territoires dans des conditions définies par décret, en tenant compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, ainsi que de l’offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.
Dans ces territoires fragiles, l’ouverture d’une officine est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants. Elle peut être autorisée si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, lorsque l’une d’elles recense au moins 2 000 habitants et lorsqu’elles totalisent ensemble au moins 2 500 habitants.
Enfin, des aides spécifiques peuvent être accordées par l’ARS ou l’assurance maladie aux officines situées dans ces territoires pour favoriser leur ouverture et leur maintien.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe RDSE et Mme la rapporteure de leur travail.
En à peine dix ans, notre pays a perdu 1 800 pharmacies. Certes, nous en comptons encore 20 000, mais la tendance devrait malheureusement rester à la baisse.
Depuis la réforme des études de santé conduite voilà trois ans, la chute des effectifs des facultés de pharmacie est inquiétante. Durant l’année scolaire passée, 1 100 places y sont restées vacantes, soit 27 % du total ouvert. Or l’âge moyen des pharmaciens augmente et nombre de départs à la retraite risquent de ne pas être remplacés.
Tandis que l’offre de pharmacie se réduit, les besoins s’amplifient : d’une part, en raison du vieillissement de la population ; d’autre part, à cause de l’accroissement régulier du nombre de missions confiées aux pharmaciens – tests médicaux, vaccinations, prescriptions médicales, télémédecine ou tout simplement conseils de santé délivrés à ceux qui ne peuvent aller chez un médecin.
Avec la multiplication des déserts médicaux, les pharmaciens sont de plus en plus sollicités pour compléter l’offre de santé.
Si cette évolution conforte les pharmaciens dans l’idée que leur travail a du sens, nous devons lutter contre le phénomène bien réel des déserts pharmaceutiques.
Avec la multiplication de leurs missions, les pharmaciens ont en effet tendance à se regrouper dans de grandes officines, naturellement concentrées dans les communes les plus peuplées. Les zones rurales risquent de se retrouver sans pharmacie de proximité.
En Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, l’union régionale des professionnels de santé a sonné l’alarme. Sur les cinquante-trois pharmacies isolées recensées, situées à plus de quinze minutes de transport d’une autre, la moitié d’entre elles pourraient fermer prochainement.
Faudra-t-il bientôt faire une demi-heure de route pour récupérer ses médicaments ? Hélas, nombre de nos concitoyens y sont déjà contraints. Comment espérer renforcer l’attractivité des communes rurales si des services aussi essentiels disparaissent ?
Face à cette menace, la proposition de loi comporte une mesure intéressante : autoriser l’ouverture de pharmacies dans des communes de moins de 2 500 habitants, si ce seuil de population est atteint par un regroupement de plusieurs communes limitrophes ne disposant d’aucune pharmacie. C’est une première réponse à la désertification pharmaceutique.
Aussi, nous saluons cette proposition de loi de Mme Maryse Carrère et de ses collègues du groupe RDSE.
Cependant, de manière assez incompréhensible, l’examen du texte en commission a conduit à supprimer la condition selon laquelle une commune de la zone concernée devait compter au moins 2 000 habitants. Nous regrettons sans nuance cette manœuvre, qui limite malheureusement la portée essentielle de ce texte.
Nous saluons toutefois l’application de cette mesure dès le 1er octobre prochain, qui permet de remédier à l’éventuelle absence de publication du décret d’application par le Gouvernement, si souvent observée par le passé.
Cette proposition de loi répond aussi à la problématique des propharmacies, c’est-à-dire des officines tenues par des médecins dans des zones rurales, comme à Clelles-en-Trièves, dans ma région. Ce type de structure est indispensable pour pallier le manque de services, mais peut poser des problèmes de conflit d’intérêts et souvent de pérennité, auxquels il est utile de remédier.
Ainsi, cette proposition de loi est positive pour nos concitoyens ruraux, qui ont droit à des services de santé de qualité et de proximité.
Ce débat illustre la nécessité de réglementer l’installation des professionnels de santé sur les territoires. Si les critères d’installation doivent parfois évoluer, l’encadrement par la loi de la répartition territoriale des pharmaciens permet d’éviter la formation de vastes déserts médicaux.
J’invite donc mes collègues réticents vis-à-vis de cet encadrement à reconsidérer leur position, afin de permettre l’installation de médecins à proximité de tous les Français.
Enfin, après les pénuries de médecins et de pharmaciens, il est urgent de nous pencher sur les difficultés d’approvisionnement en médicaments. Ces situations ont explosé ces dernières années, y compris pour des produits d’usage aussi courant que le paracétamol.
Nous ne pouvons plus nous contenter de distribuer des subventions aux entreprises pharmaceutiques en espérant que celles-ci relocalisent leurs usines. Nous devons avoir des garanties concrètes d’emploi et de production.
Dans cette optique, nous avions soutenu la création d’un pôle public du médicament et des produits de santé, sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE-K.
Nous soutenons cette proposition de loi et vous appelons, mes chers collègues, à adopter les amendements visant à conforter la nécessaire portée de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe RDSE nous fournit l’occasion de débattre d’une profession de santé dont la régulation, comme l’a souligné Mme la rapporteure, permet un maillage performant : celle des pharmaciens.
Dans le contexte de la désertification médicale et du recul des services publics hospitaliers ou de maternité, la présence d’une pharmacie est devenue indispensable pour nos concitoyens, qui peinent à accéder aux soins.
Toutefois, alors que les pharmaciens sont amenés à accomplir toujours plus d’actes médicaux – vaccinations, dépistages rapides, conseils aux patients et même téléconsultations –, le nombre de pharmacies diminue chaque année. En conséquence, le temps de trajet pour accéder à une officine s’allonge et les inégalités territoriales s’accroissent.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. L’évolution des attentes des pharmaciens, tout d’abord : ceux-ci ne souhaitent plus travailler seuls soixante-dix heures par semaine. Les nouvelles générations aspirent en effet à mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle, ainsi qu’à travailler de manière moins isolée, en s’associant à d’autres pharmaciens.
En outre, des groupes privés ont bien compris qu’il était dans leur intérêt d’accompagner les pharmaciens en leur proposant des partenariats allant du marketing jusqu’au recrutement.
Aujourd’hui, quatre grands groupes participent au regroupement de ces officines et accélèrent la financiarisation du système de santé, à un point tel que cela devient extrêmement inquiétant.
Le rachat d’officines par certains pharmaciens qui les ferment ensuite pour garantir l’augmentation de leur chiffre d’affaires pose également question. Il s’agit parfois d’assurer la viabilité économique de certaines pharmacies, mais il est aussi courant qu’il s’agisse simplement de rechercher la profitabilité maximale.
Le phénomène de désertification pharmaceutique risque de s’accélérer. L’an passé, plus de 1 000 places étaient vacantes dans les filières de formation et encore 500 places cette année. La réforme des études de santé et Parcoursup n’y sont pas étrangers. Monsieur le ministre, il est indispensable de se pencher sur la lisibilité et la visibilité de la filière si nous ne voulons pas que la pénurie s’accroisse.
Face à ce constat, les auteurs de ce texte proposaient d’assouplir les conditions d’installation des pharmacies dans les petites communes en modifiant le seuil à partir duquel il est possible d’ouvrir une officine.
La réglementation actuelle pénalise les communes de moins de 2 500 habitants, qui ne peuvent ouvrir une officine de pharmacie sans se regrouper avec une autre commune comptant au moins 2 000 habitants.
La commission des affaires sociales a préféré appliquer le dispositif Territoires fragiles, créé par une ordonnance de janvier 2018, qui prévoit d’assouplir les conditions d’installation des pharmacies dans les zones les moins dotées.
D’autres orateurs l’ont souligné, nous attendons la publication des décrets d’application de cette ordonnance depuis six ans. Monsieur le ministre, je me demande s’il ne faudrait pas créer une « taxe lapin » pour sanctionner le Gouvernement à chaque fois qu’il n’honore pas son obligation de publier des décrets d’application ! (Sourires.)
Certains amendements visent à rétablir la version originale du texte. Nous y souscrivons complètement et nous les soutiendrons.
Face à la pénurie de médicaments, il est nécessaire de soutenir les réseaux d’officines pharmaceutiques de proximité, plutôt que de déréglementer la vente en ligne de médicaments, ainsi que le Premier ministre l’a annoncé dans son discours de politique générale, ce qui est là aussi particulièrement inquiétant.
Mes chers collègues, nous sommes absolument convaincus du rôle central joué par les officines pharmaceutiques dans nos communes et nous voulons absolument remédier à la désertification, qui risque de s’accroître dans ce secteur. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que troisième oratrice du groupe RDSE, je ne reviendrai pas sur les chiffres inquiétants et sur la nécessité de préserver un maillage dense de pharmacies dans nos territoires, que tous nos collègues ont excellemment présentés.
Je salue l’initiative de notre présidente Maryse Carrère, ainsi que le travail de notre rapporteure Guylène Pantel, qui a su trouver un chemin malgré les oppositions à la version initiale du texte.
La désertification médicale est bien présente dans l’esprit et le quotidien de nos concitoyens et des élus. Aujourd’hui, il n’est pas une seule collectivité qui ne s’empare de ce sujet, les initiatives et les innovations redoublant d’intensité pour tenter de freiner la déprise médicale. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder le nombre de propositions et de projets de loi consacrés à cette question.
Pendant ce temps, insidieusement, alors que nous louons tous l’importance du maillage territorial des officines, celles-ci éprouvent des difficultés à se maintenir, et pas seulement dans les territoires ruraux.
Dans la même logique que celle que je défends pour l’installation des médecins, à rebours des tentations coercitives, le grand défi auquel nous faisons face est celui de l’attractivité des métiers de la santé – en l’espèce, celle du métier de pharmacien d’officine.
Nous devons aller plus vite et plus loin pour donner envie aux jeunes de s’engager dans les études de pharmacie, comme Corinne Imbert l’a très bien exposé, et leur donner envie d’embrasser la profession de pharmacien d’officine. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous devons être conscients que les aspirations des nouvelles générations ont changé.
La crise du covid-19 a eu un impact positif sur l’image de la profession, qui se traduit par un léger regain d’intérêt des jeunes pharmaciens pour le travail en officine, ces lieux étant identifiés comme des espaces essentiels pour la santé de proximité.
Une étape importante a également été franchie avec la montée en compétences des pharmaciens, qui leur permet d’effectuer plus de tâches, en complémentarité avec les médecins et les professions paramédicales.
Les pharmaciens jouaient déjà un rôle majeur comme maillon essentiel de proximité. Ils jouent désormais un rôle important dans la prévention – dépistages, vaccinations – et bientôt dans la prescription pour certaines maladies – je pense à l’angine et à la cystite.
L’élargissement de ses missions est bien perçu par la profession, qui considère tout de même que la valorisation de ces plus grandes responsabilités est insuffisante et que leur mise en place est parfois difficile. Restons attentifs aux demandes des pharmaciens d’officine, selon l’objectif que nous nous fixons tous à travers cette proposition de loi, c’est-à-dire leur donner envie de s’installer.
Le défaut d’attractivité doit être pris à bras-le-corps dès les études de pharmacie. En effet, si l’on constate une baisse du nombre de primo-inscrits au tableau de l’ordre des pharmaciens, on note aussi que 1 027 places ont été perdues en deuxième année de cursus en 2022-2023.
La Cour des comptes est en train d’évaluer les effets de la réforme des modalités d’entrée dans les études de santé, dont l’application très variable selon les universités crée une grande complexité pour les jeunes.
À cela s’ajoutent, depuis la réforme du baccalauréat, des lacunes dans les matières scientifiques, ainsi qu’un manque d’information sur l’éventail des métiers exercés par les pharmaciens. Ce point est pourtant essentiel, parce que le métier de pharmacien reste flou, même parmi les lycéens qui se destinent à suivre des études de santé.
À ce sujet, l’article 24 de la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, à laquelle on donne parfois votre nom, monsieur le ministre, permet d’expérimenter l’ouverture d’une option santé dans les lycées.
Il peut s’agir d’un merveilleux outil pour lutter contre le déterminisme social et géographique des études en santé et pour aider des jeunes à s’installer. Il serait bon que vous vous rapprochiez de votre homologue du ministère de l’éducation nationale, car il est parfois difficile de faire prospérer ce dispositif dans les territoires.
Même si beaucoup de travail reste à faire pour sortir le secteur des clichés et mieux le faire connaître, tout n’est pas complètement noir. Au-delà du vote de cette excellente proposition de loi, qui devrait permettre d’accélérer l’implantation des pharmacies dans certains territoires, je suis persuadée que les défis de la formation et de l’attractivité demeurent essentiels. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui vise à maintenir l’accès à une pharmacie dans les communes les plus rurales, révèle parfaitement un grand mal français : les textes inappliqués.
En effet, le dispositif Territoires fragiles, créé par l’ordonnance du 3 janvier 2018, prévoit déjà l’application de conditions d’ouverture assouplies dans les zones les moins bien dotées. Toutefois, il demeure inappliqué.
Rendez-vous compte : plus de six ans après la publication de l’ordonnance, le Gouvernement n’a toujours pas publié le décret nécessaire !
Ainsi, on peut toujours, autant qu’on le souhaite, se réjouir de l’adoption d’une nouvelle loi ou, en l’occurrence, de la publication d’une ordonnance, mais s’il manque le décret d’application, elle reste une coquille vide, un coup d’épée dans l’eau, un effet de manche, une vulgaire opération de communication.
Nous sommes nombreux à parcourir nos départements ; or, mes chers collègues, du fait de ces textes inappliqués, vous percevez comme moi le découragement d’un grand nombre d’élus. De cette perte de confiance à l’égard de l’action publique découle une défiance à l’encontre du personnel politique.
Nous devons en prendre toute la mesure, afin de lutter contre l’abstention, certes, mais aussi contre ceux qui souhaitent instrumentaliser cette colère légitime à des fins bassement électoralistes.
Face à ce constat, le Parlement, je le conçois parfaitement, peut être tenté de se substituer au pouvoir exécutif. Ce faisant, il contribuerait à alourdir encore un peu plus notre droit, qui est, rappelons-le, parfois bien difficile à rendre lisible.
Pour lutter contre ces textes inappliqués, car inapplicables, nous devons plutôt choisir de nous investir pleinement dans notre rôle de contrôle de l’action du Gouvernement.
En la matière, permettez-moi de souligner ici l’important travail réalisé au sein de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont j’ai le plaisir d’être membre.
Ainsi, s’agissant de cette proposition de loi, en commission des affaires sociales, nous avons adopté le texte réécrit sur l’initiative de Mme la rapporteure, dont je salue le travail de synthèse et d’équilibre. Désormais, le texte contraint le Gouvernement à publier, avant le 1er octobre 2024, le décret nécessaire à l’application du dispositif déjà prévu.
Dans le cas contraire, il appartiendra aux directeurs des ARS, à compter de cette date, d’identifier les territoires fragiles de leur ressort, sur la base des seuls critères légaux, et d’appliquer en leur sein les conditions d’ouverture assouplies devant favoriser, vous l’aurez compris, l’installation de pharmacies d’officine.
Si la France a perdu plus de 1 800 pharmacies entre 2012 et 2022, alors que sa population augmentait de 3,7 %, il revient aujourd’hui au Gouvernement de prendre ses responsabilités afin de protéger ce maillage territorial.
Dans un contexte accru de désertification médicale, il est primordial de veiller à assurer l’accès à une pharmacie dans les communes rurales. Je pense notamment, bien sûr, à mes Cévennes gardoises.
Monsieur le ministre, soyez assuré que le Sénat y veillera !
Au sein de mon groupe, Les Républicains, nous voterons très majoritairement pour ce texte ainsi modifié en commission grâce au travail de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales
Avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié quinquies, présenté par MM. C. Vial, Pellevat, Houpert, Savin, J.B. Blanc, H. Leroy, Brisson, Panunzi, Perrin, Rietmann, Lefèvre et Allizard, Mmes Bellurot, Demas et Di Folco, MM. Bas et Reynaud, Mmes Lopez, Noël et L. Darcos, MM. Sautarel et J.P. Vogel, Mmes Ventalon et Joseph, MM. Courtial et Darnaud, Mmes Goy-Chavent et Borchio Fontimp, M. P. Martin, Mme Dumont, MM. Paul et Tabarot, Mme Micouleau, M. Bruyen, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Meignen, Chaize et Paccaud, Mme Malet et MM. Wattebled, Genet et Cuypers, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 5125-3, la référence : « L. 5125-6-1 » est remplacée par la référence : « L. 5125-4 » ;
2° Le I de l’article L. 5125-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ou dans les communes mentionnées à l’article L. 5125-6-1 du présent code » sont supprimés ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « , dans la commune nouvelle ou dans les communes mentionnées à l’article L. 5125-6-1 » sont remplacés par les mots : « ou dans la commune nouvelle » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’ouverture d’une officine par voie de transfert ou de regroupement peut être autorisée dans une commune de moins de 2 500 habitants si elle se trouve dans une zone géographique constituée d’un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine dont le nombre d’habitants est conforme au seuil prévu au premier alinéa du présent I. » ;
3° L’article L. 5125-6-1 est abrogé ;
4° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5125-18, les mots : « les organisations professionnelles mentionnées à l’article L. 5125-6-1 » sont remplacés par les mots : « le conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent et le représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l’article L. 162-33 du code de la sécurité sociale » ;
5° Au deuxième alinéa de l’article L. 5125-20, les mots : « ou de communes mentionnées à l’article L. 5125-6-1 » sont supprimés.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Cet amendement vise à rendre à ce texte ce qui fait habituellement d’un texte de loi un texte de loi, à savoir un article avec du contenu. En effet, sans cet article additionnel, on ne fait dans cette proposition de loi que demander au Gouvernement de publier un décret qu’il aurait déjà dû faire paraître il y a six ans et qu’il nous promet depuis lors, tous les trimestres, de publier le trimestre prochain. Je ne pense pas qu’il relève du domaine de la loi de formuler de telles demandes ; en tout cas, nous ne pouvons pas nous en contenter.
Dans cet amendement, je reprends la proposition initiale du groupe du RDSE, qui reprenait elle-même une proposition que j’avais faite en 2022, dans une autre proposition de loi : il s’agit d’assouplir légèrement – non pas de libéraliser ni d’ouvrir complètement – la capacité d’installation, par voie de transfert ou de regroupement, d’une pharmacie en milieu rural.
En effet, le critère d’une population municipale de 2 500 habitants est souvent perçu comme injuste, car c’est le bassin de vie qui compte, plus que la population municipale.
Je propose donc qu’un regroupement de communes contiguës comptant 2 500 habitants et ne possédant pas d’offre pharmaceutique puisse déroger au cadre prévu, donc qu’une pharmacie puisse s’y installer quand c’est jugé souhaitable et nécessaire.
Monsieur le ministre, les exemples sont nombreux en la matière, puisque 29 000 communes comptent moins de 2 000 habitants. Le décret qui est attendu permettra de régler la situation du petit millier de communes comptant entre 2 000 et 2 500 habitants. Reste que 30 000 de nos 35 000 communes ont besoin d’un peu d’assouplissement. Tel est l’objet de cet amendement, pour lequel nous espérons le soutien le plus large possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. La commission a fait le choix de substituer au dispositif du texte initial de nouvelles dispositions contraignant le Gouvernement à appliquer le dispositif Territoires fragiles ou, à défaut, le rendant directement applicable à compter du 1er octobre prochain.
Elle a ainsi souhaité entendre les inquiétudes des pharmaciens, qui craignent qu’une révision des critères de droit commun d’ouverture des pharmacies d’officine applicables à l’ensemble du territoire national ne déstabilise profondément le réseau existant. Le dispositif Territoires fragiles apportera une première réponse dans les zones qui connaissent le plus de difficultés. Il est assorti de critères d’ouverture assouplis, proches de ceux qui figuraient dans le texte initial et sont repris dans cet amendement.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Pour les raisons évoquées à l’instant par Mme la rapporteure, l’avis du Gouvernement sera également défavorable.
Cet amendement tend à effacer la notion de territoire fragile, qui fait l’objet de la proposition de loi et du dispositif dont elle vise à permettre l’application. Les dispositions en question seraient en effet applicables à l’intégralité du territoire national. Dans la mesure où cet amendement rompt avec la politique de ciblage des zones les plus fragiles, le Gouvernement ne peut lui être que défavorable.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je veux remercier notre collègue Cédric Vial, qui exprime, dans cet amendement, la volonté de l’auteure de cette proposition de loi. Il est ici question de territoires ruraux. Il n’est pas proposé de déroger complètement à la règle actuelle ; simplement, on supprimerait le critère selon lequel la commune centre doit avoir au moins 2 000 habitants ; le bassin de vie, lui, devrait toujours réunir 2 500 habitants. Je ne vois pas en quoi une telle modification introduirait un biais, puisqu’un critère fondé sur la population demeurerait. Avec mes collègues du RDSE, je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous soutiendrons bien évidemment cet amendement, qui va dans le bon sens.
À cet égard, je ne comprends pas très bien votre position, monsieur le ministre. Je comprends votre envie de cibler le dispositif, mais alors, pourquoi vous opposez-vous à cet amendement, qui permet justement de le faire ? En effet, dans les territoires dépourvus de communes de plus de 2 000 habitants, l’application de ces dispositions permettrait de remédier à une absence de pharmacie. Or, comme l’a indiqué M. Vial, plus de 29 000 communes sont concernées ! Ainsi, dans ma communauté de communes de plus de 10 000 habitants, la plus grande commune en compte seulement 1 300. C’est une réalité qu’on retrouve partout. Ces territoires ont besoin de pharmacies !
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Certes, quelque 30 000 communes comptent moins de 2 000 habitants, mais cela ne signifie pas qu’elles sont toutes dépourvues d’une pharmacie. Je connais des pharmacies installées depuis longtemps dans des communes de 1 300 ou 1 400 habitants, mais elles rencontrent des difficultés, en particulier si aucun médecin n’exerce aux alentours. Nous manquons de pharmaciens ; dès lors, déshabiller Pierre pour habiller Paul ne servira pas à grand-chose. Par ailleurs, les banques sont très frileuses en la matière. Vous allez donc ouvrir la porte à d’autres types de financement. Nous travaillons en ce moment sur la financiarisation de la santé ; de telles mesures ne peuvent que la renforcer. Je vous invite donc à faire attention. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Il ne faut pas se mentir ; surtout, il ne faut mentir ni aux élus ni à la population. Si l’on considère les chiffres, on constate que 18 % des officines sont installées en milieu rural. Ce taux reste stable ; certes, le contexte est celui d’une diminution générale du nombre d’officines, mais leur répartition sur le territoire national reste équilibrée.
Une autre question se pose : l’accès aux médicaments est-il plus difficile en milieu rural ? On affirme qu’il faudrait une demi-heure de trajet pour rejoindre une pharmacie. Peut-être est-ce parfois le cas, mais ne brandissons pas des chiffres ou des délais qui ne correspondent pas à la réalité !
J’ai bien entendu les explications de vote précédentes, je devine donc l’issue du vote sur cet amendement, mais des problèmes demeurent. Ainsi, il existe un problème d’attractivité des métiers. Certes, 30 000 communes possèdent moins de 2 500 habitants. Toutefois, historiquement, des pharmacies y sont implantées. Il n’en reste pas moins que ce sont d’abord ces officines qui ferment, soit par la volonté du titulaire, soit parce qu’il n’y a pas de repreneur. Cela a été dit tout à l’heure, un certain nombre d’officines sont en vente pour un euro. Si leur situation est si merveilleuse, pourquoi personne ne se présente-t-il pour reprendre la licence ? Veillons donc à ne pas caricaturer ce sujet et à ne pas faire de démagogie en dépeignant un doux rêve ! La réalité est beaucoup plus complexe.
J’évoquais tout à l’heure les difficiles conditions d’exercice des pharmaciens, qui exercent pourtant un fabuleux métier, dont l’image a été redorée, notamment au moment du covid-19. Les pharmaciens sont des professionnels de santé qui exercent un certain nombre de missions, au premier chef une mission de santé publique. Ne mentons pas aux gens ! On a le droit de rêver, mais en respectant la réalité des faits. (M. Laurent Burgoa applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.
Mme Marianne Margaté. Notre groupe votera cet amendement, dont le dispositif a le grand mérite de prendre en compte la réalité des territoires et des bassins de vie.
Monsieur le ministre, puisque nous sommes du même département, la Seine-et-Marne, permettez-moi d’évoquer la commune de Jossigny, qui compte 650 habitants, mais dans laquelle est implanté le Grand Hôpital de l’Est francilien, qui délivre plus de 250 000 actes de soins par an. Installer une pharmacie à proximité d’un tel établissement relève d’une recherche de cohérence. J’évoquerai également la commune de Saint-Cyr-sur-Morin, où l’on recense moins de 2 000 habitants. Toutefois, dans la mesure où elle dessert, avec sept professionnels de santé, un territoire de plus de 4 000 habitants, elle a besoin d’une pharmacie.
L’adoption de cet amendement permettrait de prendre en compte les bassins de vie. C’est ce qui est attendu par le secteur rural et les maires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cet amendement, dont l’adoption permettra d’assouplir les règles d’installation des pharmacies en milieu rural.
Les associations d’élus, qu’il s’agisse de l’Association des maires de France (AMF), ou de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), nous ont interpellés en ce sens. Les élus vivent au quotidien cette problématique dans bon nombre de territoires. Prendre en considération l’échelle du bassin de vie est essentiel. J’évoquais tout à l’heure le maire d’une petite commune nouvelle, qui se donne beaucoup de mal pour développer son territoire. Si cet amendement n’était pas adopté, il verrait une bonne partie de son projet réduite à néant. En effet, la pharmacie tant attendue non seulement par les habitants de sa commune, mais aussi dans tout son bassin de vie ne pourrait pas voir le jour.
Par cet amendement, nous répondons à une grande partie des inquiétudes et des attentes de nos concitoyens.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié quinquies.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 211 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique.
Mes chers collègues, il nous reste vingt minutes pour achever l’examen de ce texte dans le cadre du temps réservé au groupe du RDSE au sein de notre ordre du jour.
J’invite donc chacun à la plus grande concision – certains d’entre nous ont déjà fait des efforts en ce sens – pour que nous puissions, si vous le souhaitez, mener à son terme l’examen de ce texte.
L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par M. C. Vial, Mme Garnier, MM. Pellevat, Sol, Houpert, Savin, J.B. Blanc, H. Leroy, Brisson, Panunzi, Perrin, Rietmann, Lefèvre et Allizard, Mmes Bellurot, Demas et Di Folco, MM. Bas et Reynaud, Mmes Lopez, Noël et L. Darcos, MM. Sautarel et J.P. Vogel, Mmes Ventalon et Joseph, MM. Courtial et Darnaud, Mme Goy-Chavent, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. P. Martin, Mme Dumont, MM. Paul et Tabarot, Mme Micouleau, MM. Klinger et Bruyen, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Meignen, Chaize et Paccaud, Mmes Malet et de La Provôté et MM. Wattebled, Genet, Chasseing et Cuypers, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5125-4 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I à III du présent article et sans préjudice des dispositions de la section 3 du présent chapitre, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser l’ouverture d’une officine supplémentaire dans une commune dont le nombre d’habitants est inférieur à 2 500 lorsque l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. »
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Je remercie tous les membres de notre assemblée qui ont permis l’adoption de l’amendement précédent, et plus particulièrement le groupe du RDSE et Maryse Carrère, qui sont à l’origine de ces dispositions. Je pense que nous avons fait avancer le sujet.
L’amendement n° 6 rectifié quater va un peu dans le même sens. À cet égard, je rejoins ce qu’a dit ma collègue Corinne Imbert. Jusqu’en 1999, le système dérogatoire était quasiment devenu la règle. À présent, par cet amendement, il s’agit de créer non pas un nouveau système dérogatoire, mais un droit de dérogation accordé au directeur de l’ARS. Même après la suppression du système dérogatoire, entre 1999 et 2007, le préfet continuait d’avoir à sa main cette possibilité de juger de situations particulières et d’obtenir dans certains cas une dérogation. Aujourd’hui, en revanche, c’est impossible : ainsi, en Loire-Atlantique, pour une commune comptant officiellement 2 487 habitants – 2 700 habitants selon le dernier recensement, mais il n’aura d’effet légal que dans trois ans –, personne ne peut accorder une dérogation. Par ailleurs, le décret prévu ne permettra pas de régler cette situation, car cette commune ne répondra peut-être pas à tous les critères des zones fragiles.
Nous avons besoin de pouvoir apprécier la situation dans des communes touristiques comme la mienne, qui peuvent passer de 1 000 à 15 000 résidents d’une saison à l’autre. Parfois, il convient d’adapter les critères avec bon sens, en donnant la main au directeur de l’ARS. Ce pouvoir de dérogation, qui appartenait au préfet jusqu’en 2007, a été supprimé. Nous proposons donc simplement de redonner un peu de souplesse quand le bon sens l’exige.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. Le présent amendement vise à confier au directeur général de chaque ARS un pouvoir général de dérogation au seuil démographique encadrant l’ouverture de pharmacies d’officines.
De telles dérogations, lorsqu’elles étaient permises dans les années 1980 et 1990, ont donné lieu à l’ouverture d’officines aujourd’hui peu rentables et souvent amenées à fermer. Tous les représentants de la profession que j’ai rencontrés lors des auditions ont jugé une telle prérogative dangereuse pour le réseau.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. On entend de partout, dans tous les groupes, depuis plusieurs mois, demander moins d’État. Or, avec cet amendement, on aurait plus d’État. Soyons un peu cohérents ! Je voterai donc contre cet amendement. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?… Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 159 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article unique
I. – Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
2° bis (nouveau) Le deuxième alinéa du I de l’article L. 5125-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « en raison des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales de leur population, de l’offre pharmaceutique et de son évolution prévisible, ou, le cas échéant, des particularités géographiques de la zone » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
3° à 5° (Supprimés)
II (nouveau). – Le 2° bis du I entre en vigueur à une date déterminée par décret, et au plus tard le 1er octobre 2024.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Folliot, Menonville et Courtial, Mme Devésa, MM. Cambier, J.M. Arnaud et Chauvet, Mme Tetuanui, MM. Duffourg, Hingray et L. Hervé, Mme Romagny, M. Canévet, Mme Saint-Pé et M. Pillefer, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1er
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 4211-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « selon une liste établie par le ministre chargé de la santé, après avis du Conseil national de l’ordre des médecins et du Conseil national de l’ordre des pharmaciens » sont remplacés par les mots : « nécessaires à leurs soins » ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les médecins bénéficiant de cette autorisation sont autorisés à avoir chez eux un dépôt de médicaments et à délivrer les médicaments inscrits sur les prescriptions médicales de tous les professionnels médicaux exerçant leur activité au sein d’une maison de santé au sens de l’article L. 6323-3 du présent code.
« Ils sont autorisés à délivrer aux patients dont ils sont le médecin traitant les médicaments remboursables auxquels s’applique l’article L. 5121-8, qui bénéficient d’une autorisation d’importation parallèle ou qui font l’objet d’une distribution parallèle à condition que lesdits médicaments aient été prescrits par des médecins spécialistes. » ;
3° Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou l’infirmier pratiquant des soins à domicile pour ses patients dépendants » ;
4° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins bénéficiant de cette autorisation sont inscrits sur les listes des pharmacies établies par les agences régionales de santé. » ;
5° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « médecins » est remplacé par les mots : « professionnels de santé » ;
6° Le dernier alinéa est complété par les mots : « , ou bien par les médecins et spécialistes qui exercent avec eux dans le cadre d’une maison de santé » ;
7° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’assuré acquitte une participation forfaitaire, en sus de la franchise laissée à la charge de l’assuré en application du III de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, lorsque le médecin lui délivre des médicaments remboursables en application des dispositions du présent article. Son montant est fixé, dans des limites et conditions prévues par un décret en Conseil d’État, par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. »
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Allier, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Ardèche, Ardennes, Aude, Cantal, Côte-d’Or, Côtes-d’Armor, Drôme, Eure-et-Loir, Finistère, Gard, Indre, Indre-et-Loire, Isère, Jura, Loir-et-Cher, Lot, Lozère, Marne, Haute-Marne, Morbihan, Orne, Pas-de-Calais, Pyrénées-Atlantiques, Sarthe, Haute-Savoie, Var et Tarn : voilà la liste des départements ayant un ou plusieurs médecins propharmaciens. Ceux-ci sont installés en milieu très rural ou en secteur insulaire. Ils concourent à l’objectif même de cette proposition de loi, à savoir un meilleur accès aux médicaments en milieu rural. À cet égard, je remercie la présidente Maryse Carrère et l’ensemble des membres du groupe du RDSE d’avoir déposé et mis à notre ordre du jour cette proposition de loi.
Les médecins propharmaciens ne sont pas une survivance du passé. Ils sont l’une des solutions dont nous disposons pour faire en sorte que nos concitoyens puissent avoir un accès aux médicaments dans de bonnes conditions.
Monsieur le ministre, les médecins propharmaciens ne prescrivent pas plus, au vu des statistiques, que les autres médecins. Par rapport à eux, ils ont même tendance à prescrire plus de médicaments génériques.
Par cet amendement, nous souhaitons faire en sorte qu’ils aient accès à certains médicaments. Par exemple, durant la crise du covid-19, les vaccins leur étaient inaccessibles. Ils étaient obligés d’aller dans les pharmacies d’une ville ou d’un village voisins pour se les procurer. L’adoption de cet amendement permettrait de replacer les médecins propharmaciens dans un cadre équilibré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. Si la présence de médecins propharmaciens est souhaitable dans certains territoires dépourvus d’officines, cet amendement tend toutefois à supprimer plusieurs garanties inscrites dans le code de la santé publique, dont l’encadrement des produits de santé concernés et la saisine des ordres. Ces garanties sont pourtant indispensables pour assurer la maîtrise du dispositif et la sécurité des soins.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous souhaitez élargir les prérogatives des médecins propharmaciens, mais ces derniers peuvent déjà délivrer tous les médicaments qu’ils prescrivent.
En outre, leur vocation est de traiter les patients dans leur environnement et non de délivrer des médicaments prescrits par d’autres professionnels de santé.
Il n’est pas non plus souhaitable d’autoriser les infirmiers à délivrer des médicaments prescrits par les médecins propharmaciens : cela reviendrait à créer un nouveau circuit de délivrance des produits de santé difficile à mettre en œuvre.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote. (Marques d’impatience sur les travées du groupe RDSE.)
M. Philippe Folliot. Je ne comprends pas très bien les arguments de Mme la rapporteure et de M. le ministre. Actuellement, un médecin propharmacien ne peut pas délivrer de médicament pour la bronchiolite, par exemple. Cet amendement vise simplement à remédier à ce type de situations. Il est tout à fait regrettable que la commission et le Gouvernement ne soient pas plus à l’écoute, alors qu’il s’agit d’une demande juste et légitime.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. C. Vial, Mme Garnier, MM. Pellevat, Sol, Houpert, Savin, J.B. Blanc, H. Leroy, Brisson, Panunzi, Perrin, Rietmann, Lefèvre et Allizard, Mmes Bellurot, Demas et Di Folco, MM. Bas et Reynaud, Mmes Lopez, Noël et L. Darcos, MM. Sautarel et J.P. Vogel, Mmes Ventalon et Joseph, MM. Courtial et Darnaud, Mmes Goy-Chavent, Billon et Borchio Fontimp, M. P. Martin, Mme Dumont, MM. Paul et Tabarot, Mme Micouleau, MM. Klinger et Bruyen, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Meignen, Chaize et Paccaud, Mmes Malet et de La Provôté et MM. Wattebled et Genet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer la date :
1er octobre 2024
par la date :
1er juillet 2024
La parole est à M. Cédric Vial.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article unique.
(L’article unique est adopté.)
Après l’article unique
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et Pantel, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Laouedj, Masset, Roux et Menonville, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 5125-16, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « afin de ne pas compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente ou » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 5125-22 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sur demande du titulaire de l’officine, ce délai peut être renouvelé une fois par décision du directeur général de l’agence régionale de santé. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Grand, Chevalier et Rochette, Mme L. Darcos, MM. L. Vogel et A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret, Capus et Brault, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. Wattebled et V. Louault, Mme Vermeillet, MM. H. Leroy, Menonville, Haye, Chatillon et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. Lefèvre et Lemoyne, Mme Demas, MM. Nougein, Longeot et Lévrier, Mme Jacquemet, MM. Favreau, Milon, Laménie et Reynaud et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du n du 2° du II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où aucune antenne n’est créée dans les conditions prévues précédemment, l’autorisation peut être élargie à un pharmacien titulaire d’une officine d’une commune non limitrophe ou plus éloignée. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je félicite le groupe du RDSE de ces deux propositions de loi extrêmement pragmatiques : celle que nous avons examinée ce matin, visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, et celle-ci, tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales.
Les pharmaciens sont très importants, notamment dans les territoires ruraux, d’autant qu’ils peuvent désormais vacciner et réaliser des tests rapides d’orientation diagnostique, en particulier pour les cystites. Ce sont par ailleurs souvent les seuls professionnels de santé disponibles le samedi, alors que beaucoup de médecins ne travaillent pas en milieu rural. Les pharmaciens conseillent également les patients. La perte d’une pharmacie dans une commune rurale dégrade l’accès aux soins, mais a aussi une incidence sur les autres commerces et sur l’attractivité du territoire.
Il est donc nécessaire de favoriser la reprise d’une telle pharmacie ou, du moins, la création d’une antenne d’une pharmacie située dans une commune proche. Pour autant – c’est tout l’objet de cet amendement –, il convient de ne pas négliger non plus les pharmaciens titulaires d’une officine située dans une commune un peu plus éloignée, qui peuvent être plus jeunes et plus motivés pour la création d’une antenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. L’idée est intéressante ; toutefois, l’expérimentation des antennes d’officine n’a pas encore eu lieu. Les premières créations d’antennes devraient intervenir bientôt. Il semble précipité de réviser dès à présent les conditions de création.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. L’expérimentation sur les antennes de pharmacie, autorisée par la loi du 27 décembre 2023, démarrera l’été prochain. Ne modifions pas le droit alors que nous sommes encore dans une phase de mise en œuvre de ce dispositif. L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je félicite Mme la rapporteure de la qualité de ses travaux, ainsi que de son engagement.
Je suis bien évidemment déçu, en tant que président de la commission, de voir le texte que nous avions adopté largement modifié. Je peux comprendre vos remarques et vos réactions, mes chers collègues, au regard de ce que vous vivez sur vos territoires. Mais en voulant bien faire, on risque d’obtenir le contraire de ce que l’on souhaite. Nous avions obtenu l’accord du Gouvernement pour la publication du décret dans les délais attendus : n’était-ce pas l’objectif ?
M. Cédric Vial. Il y a six ans qu’on l’attend !
M. Philippe Mouiller, président de la commission. Souffrez que je termine mon propos, mon cher collègue !
Avec le texte finalement adopté, un certain nombre de pharmacies auront certes la possibilité d’ouvrir en zone rurale, mais cela fragilisera celles qui y sont déjà implantées et ont du mal à équilibrer leur activité. Au moment du bilan, il faudra faire la balance entre les gains et les pertes.
Quoi qu’il en soit, je crains que cette proposition de loi n’ait pas d’avenir en dehors du Sénat et que nous n’atteignions nullement, en fin de compte, l’objectif initial.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 avril 2024 :
À quatorze heures :
Débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques ;
Débat sur le thème « Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? ».
À l’issue du débat :
Examen d’une proposition de création d’une commission spéciale en vue de l’examen du projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt ;
Sous réserve de la décision de sa création, désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt.
À dix-sept heures quinze :
Questions d’actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER