M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Avec cet article 7, qui permet de réquisitionner des personnels en grève si les non-grévistes ne sont pas assez nombreux, la boucle est bouclée ! C’est le point final, la voiture-balai !
Comme les articles précédents auront probablement pour effet d’augmenter le nombre de grévistes, il faut bien prévoir une mesure de contrainte, en l’occurrence la réquisition.
Cet article, c’est un peu le miroir de l’article 3, où l’on compte surtout sur les pressions individuelles. Là, on prévoit des mesures complémentaires dans l’hypothèse où le mouvement de grève ne faiblirait pas. Visiblement, mieux vaut s’accommoder d’un service dégradé que de chercher à reprendre le dialogue !
Cela a été dit, les voyageurs et les touristes qui seraient « importunés » sont un prétexte. Ils ont vraiment bon dos quand aucune disposition n’est prévue pour augmenter les moyens de transport, corriger le problème de manque de main-d’œuvre, renforcer l’attractivité des métiers en crise ou renouveler le matériel !
Il faut avoir peu l’habitude d’emprunter le RER pour croire que les dysfonctionnements dans les transports sont principalement dus aux grèves.
En 2021, cela a été rappelé, sur le RER B, on a dénombré 151 heures de perturbation pour panne de signalisation, presque autant pour panne de matériel, 70 heures pour panne électrique, 22 heures pour incidents techniques et 38 heures pour panne de caténaire. Au total, ce sont 600 heures perdues, bien plus qu’en cas de grèves ! Ce ne sont donc pas ces dernières qui posent problème aux voyageurs.
Comme cet article final le démontre, l’objet du texte est d’empêcher les mouvements de grève, pas de résoudre les problèmes des usagers – je ne dis pas clients !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Olivier Jacquin. L’article 7, c’est le bouquet ! Désormais, il est question de réquisitionner le personnel.
Ce nouvel article prévoit, en cas de grève, de mettre en place un service minimum garanti en permettant aux entreprises de transports concernées, à la suite de l’injonction de l’autorité organisatrice de transports, de réquisitionner le personnel gréviste nécessaire pour assurer ce niveau de service minimal.
Nous tenons à rappeler qu’il existe déjà un cadre de prévisibilité des conflits sociaux, décliné sous la forme de nombreux dispositifs. Ce cadre de prévention des conflits et de dialogue social permet, en cas de grève dans les transports, de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.
À nos yeux, une telle réquisition de salariés, qui réduit fortement le droit de grève, ne se traduira pas par une amélioration vraiment significative du trafic en cas de grève. Au contraire, agiter ce chiffon rouge pourrait avoir pour conséquences d’attiser des tensions et de développer les grèves en amont, avant même l’éventuelle entrée en vigueur de ce texte.
De plus, nous doutons fortement de l’opérationnalité de ces dispositions supplémentaires, la durée et l’ampleur de la grève étant généralement conditionnées à la qualité du dialogue social.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Jacques Fernique. L’article 7, introduit en commission, dépasse largement l’ambition initiale du texte et les amendements du rapporteur. En effet, il permet à l’autorité organisatrice d’enjoindre à l’entreprise de transports de réquisitionner les personnels indispensables à l’atteinte du niveau minimal de service dès lors que ce niveau n’a pas été atteint durant trois jours consécutifs en raison d’un mouvement de grève.
Comme je l’ai déjà souligné, vous ajoutez dans le texte même ce que les employeurs ne demandent pas ! La direction de la SNCF nous a indiqué que, selon elle, une telle mesure serait perçue comme une « déclaration de guerre » – ce sont ses propres termes – et qu’il serait contraire aux exigences de sécurité de faire conduire des agents contraints qui ne seraient pas dans de bonnes conditions psychologiques.
Dans notre pays, la réquisition pour les transports collectifs terrestres n’existe pas !
En plus, il est problématique de faire des autorités organisatrices des acteurs directs du rapport de force qui s’établit dans le cadre d’un mouvement social. Est-on prêt à accepter que la situation varie selon les territoires et les choix des exécutifs des AOT ?
Sans doute cet article est-il destiné à sauter lors d’une hypothétique future étape parlementaire pour donner des gages de souci d’équilibre. Pour autant…
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Pierre Barros. Les six premiers articles de la proposition de loi étaient déjà très fragiles d’un point de vue constitutionnel. L’article 7 enfonce le clou, avec un principe de réquisition et de service minimum.
Toutes celles et tous ceux qui ont eu à mettre en place un service minimum dans les collectivités – j’imagine que nombre d’entre nous doivent être dans ce cas – ont pu mesurer la difficulté d’affecter des personnes sur des postes dont les titulaires sont grévistes et d’organiser les choses de manière rationnelle sans casser la grève, ce qui est au demeurant, si j’ai bien compris, l’objectif de la proposition de loi… Je serais d’ailleurs très intéressé de savoir comment nos collègues sont parvenus à résoudre cette quadrature du cercle !
Au regard de nos principes constitutionnels, avec cette idée de réquisitionner des grévistes, on atteint vraiment des sommets ! Cela confirme aussi notre appréciation sur ce texte. En réalité, votre objectif est tout simplement de remettre les grévistes au boulot !
Avec l’article 7, les intentions des auteurs du texte se dévoilent – malheureusement, serais-je tenté d’ajouter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. L’idée centrale de l’article 7 est de parer aux situations les plus critiques et de recourir à la réquisition uniquement – j’y insiste – lorsque le niveau minimal de service correspondant à la seule couverture des besoins essentiels de la population n’a pas été atteint durant trois jours consécutifs. Cette condition me semble encadrer suffisamment le dispositif.
Je rappelle que le niveau minimal de service est loin de correspondre à un service normal. C’est pourquoi ce mécanisme de réquisition est pensé comme le dernier levier à activer sous certaines conditions strictes. Il devrait être rarement utilisé compte tenu des autres dispositions prévues par la proposition de loi, que vous avez bien voulu soutenir, mes chers collègues, et qui répondent déjà à un certain nombre de difficultés.
En outre, monsieur Fernique, seuls les personnels indispensables, mentionnés par l’accord collectif de prévisibilité, seraient concernés pour assurer ce niveau minimal de service.
Je rappelle d’ailleurs qu’une telle possibilité existe d’ores et déjà dans le secteur de la navigation aérienne : certaines des missions des contrôleurs aériens, notamment le maintien des liaisons destinées à éviter l’isolement de la Corse et des collectivités ultramarines, devraient être assurées même en cas de grève.
Un service minimum avec pouvoir de réquisition existe également pour des services ou personnels de sociétés nationales, de programmes ou de filiales répondant à des missions de service public chargés de la création, de la transmission et de l’émission des signaux de radio et de télévision.
Dans ce contexte, il ne me semble pas aberrant de prévoir une disposition analogue pour les services de transports publics, comme l’a proposé en commission Daniel Gueret.
Certes, un tel dispositif met les autorités organisatrices de la mobilité au cœur du système. Cette responsabilité est susceptible de conduire à des adaptations locales qui me semblent tout à fait opportunes. Les besoins à Paris et à Mulhouse, par exemple, ne sont pas les mêmes. Il est donc pertinent de laisser les AOM apprécier la situation et les réponses à apporter.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sagesse.
Il a beaucoup été fait référence aux jeux Olympiques et Paralympiques. Je tiens à rappeler que le Gouvernement souhaite faire confiance aux directions et aux syndicats pour défendre l’image de la France lors de cet événement sportif. J’irai plus loin : nous aimerions que ce soit l’occasion de valoriser le savoir-faire des agents du secteur des transports, des cheminots, afin de pouvoir mettre en valeur ce travail, qui fait aussi gagner la France !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 17, 19 rectifié et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. J’évoque régulièrement ici le dynamisme économique et industriel de ma ville, Saint-Nazaire, dans laquelle les Chantiers de l’Atlantique et Airbus, pour ne citer qu’eux, occupent une place essentielle et participent au rayonnement de la France et à sa balance commerciale.
Si nous pouvons aujourd’hui nous enorgueillir d’avoir le dernier grand chantier naval civil en France, qui invente le transport maritime de demain en construisant les premiers grands navires à voiles, qui inscrit notre pays dans la transition énergétique en fabriquant les plus importantes sous-stations électriques pour les parcs éoliens offshore et qui produira prochainement le futur porte-avions pour garantir notre défense et nos intérêts dans le monde, nous le devons évidemment à notre génie, à notre capacité à innover, mais aussi à notre histoire sociale, ainsi qu’aux innovations sociales et sociétales nées des conflits sociaux.
En 1967, le petit garçon de 9 ans que j’étais a vu son père tenir avec l’ensemble des ouvriers de toutes les entreprises de la ville une grève de soixante-deux jours consécutifs. Faut-il préciser qu’à cette époque le salaire d’un ouvrier était quasi exclusivement destiné à nourrir sa famille ? Imaginez l’effort consenti par ces femmes et ces hommes, au détriment parfois de leur propre famille. En réalité, ils l’ont fait pour l’intérêt général et l’avenir de leur propre entreprise. Aujourd’hui, ces entreprises sont florissantes.
C’est pourquoi il faut faire confiance aux acteurs sociaux et donner la priorité au dialogue social sur la loi, qui encadre déjà largement ce droit constitutionnel.
La grève – nous l’avons dit – ne représente que l’ultime recours pour les salariés lorsque le dialogue social est rompu. Ne mettons pas de l’huile sur le feu ! Ne votons pas ce texte contraire à notre histoire et à nos intérêts ! Il aurait pour seules conséquences de provoquer les organisations syndicales et de plonger notre pays dans le désordre et le chaos desquels les auteurs de ce texte prétendent nous protéger ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous pourrions terminer l’examen de ce texte sur cette envolée, qui est tout à fait juste.
J’aimerais tout de même revenir sur la logique de la présente proposition de loi et sur son aboutissement, la réquisition.
Ce texte tend à empêcher les organisations syndicales et les salariés d’user de ce que tout le monde reconnaît comme le dernier recours en cas d’échec du dialogue social. Son article final revient à donner un dernier recours à la direction quand tout ce qui a été fait pour empêcher la grève n’a pas marché, car le mouvement est solide. Avec l’article 7, qui prévoit la réquisition dans les services publics, vous vous laissez entraîner par votre logique antigrève, empêchant donc le rapport de force de s’installer en cas d’échec du dialogue social, qui signe – je le rappelle – l’échec des deux parties.
Vous voulez préserver les jeux Olympiques ? Il existe une alarme sociale ! Pour ma part, j’attends l’article 8, celui qui exigera que la direction entre enfin de manière responsable dans la négociation, afin que les Jeux se passent correctement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Lorsque nos collègues de la gauche de l’hémicycle affirment que nul ne fait grève par plaisir, je peux les rejoindre. De même, le déficit d’investissement sur le réseau qu’ils dénoncent est évident.
Ne mélangeons pas tout pour autant. Aujourd’hui, nous parlons du droit de grève et de la liberté de circuler. Il est certain que les carences en termes d’infrastructures contribuent à perturber le fonctionnement normal des transports. Reste que ce n’est pas le sujet du jour.
L’immense majorité des Français estiment qu’il y a des abus du droit de grève, avec des répercussions directes sur leur quotidien. C’est la réalité de la vie de nos concitoyens. Vous ne trouverez pas un seul Français qui ne considère pas que certains syndicats font une utilisation détournée du droit de grève.
Le texte dont nous débattons n’est pas un texte contre la grève.
M. Pascal Savoldelli. Un petit peu tout de même !
M. Pierre Jean Rochette. Il s’agit simplement d’adapter le droit de grève pour garantir le respect des autres droits constitutionnels : la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté de commercer, etc. Rien de plus.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Aussi riches et intéressants qu’aient été les débats de cet après-midi, nous n’avons pas changé de position. Nous voterons contre cette proposition de loi, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il y a un problème de compatibilité du texte avec le droit constitutionnel. Je ne reviens pas sur le rapport Mandelkern de 2004 et sur les arguments qui ont été avancés lors de la discussion générale ou des débats sur les motions.
Deuxièmement, il y a un problème de cible. Les grèves sont les dernières causes des dysfonctionnements dans les transports ; même le ministre délégué chargé des transports en convient. Nous le constatons tous, depuis de nombreuses décennies, il y a un déficit chronique en matériel, sur le ferroviaire et en moyens techniques et structurants pour le pays. Beaucoup datent du milieu du XIXe siècle et ont peu évolué depuis. Il faudrait engager des centaines de millions d’euros, voire des milliards d’euros, pour remédier à ce sous-effectif.
De même, les politiques de privatisation ou d’ouverture à la concurrence ont également dégradé le service. Ne nous racontons pas d’histoires : ceux qui prennent le train depuis trente ans ou quarante ans ont bien vu cette dégradation. En Île-de-France, nous sommes passés de 8 millions d’habitants à 12 millions ; de fait, il est vrai que les transports publics fonctionnaient mieux voilà trente ans.
Troisièmement, ce qu’il aurait fallu traiter, c’est la manière dont on travaille ensemble en entreprise. Il est nécessaire d’avoir un dialogue social paritaire et équilibré entre les organisations syndicales et les dirigeants. À défaut, le système craque. L’absence de dialogue ne va dans le sens ni du progrès social ni du progrès de l’entreprise, qu’il s’agisse de ses résultats ou du service que celle-ci doit fournir.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat. J’ai trouvé nos échanges très riches et intéressants.
Il a beaucoup été question du droit de grève, mais on n’a pas du tout parlé des autres droits, comme celui de circuler ou celui d’entreprendre, qui sont pourtant d’un niveau égal. Tout se passe comme s’il n’y avait que ceux qui font grève, les autres n’existent pas…
Je souhaite soumettre quelques éléments à votre réflexion.
Si j’ai pris l’initiative, avec d’autres collègues, de déposer cette proposition de loi, c’est parce qu’il y a des abus. Certains se sont immédiatement emballés, invoquant les mânes de Léon Blum ou les congés payés. Les congés payés, encore faut-il pouvoir en profiter !
Nous le savons, ce qui énerve nos concitoyens, ce sont des événements comme ceux de décembre 2022 ou du mois de février dernier. Qui a lancé ces grèves ? Non pas les syndicats habituels, comme la CGT ou la CFDT, mais des coordinations, des comités politisés ! Il est vrai qu’ils ont ensuite été rejoints par les syndicats, mais c’est parce que ces derniers étaient eux-mêmes débordés. Ce sont ces excès-là qui agacent nos concitoyens.
Vous le savez comme moi, jadis, lorsque les syndicats habituels organisaient des grèves à la suite de l’échec du dialogue social, c’était pour faire profiter l’ensemble des salariés d’améliorations des conditions de travail, d’augmentations des salaires ou d’avancées sur les primes. Ce n’était pas une catégorie qui imposait ses vues aux autres. Il y avait un dialogue collectif global. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce sont ces excès que nous avons voulu dénoncer.
Monsieur le ministre, après d’autres, vous nous mettez en garde : attention, ils risquent de se mettre en colère ! Franchement, si le Parlement ne peut plus parler de la vie des Français et de l’organisation des pouvoirs publics, où va-t-on ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Vous avez indiqué que le Gouvernement n’était pas favorable à notre proposition de loi. Soit. Vous prônez un « dialogue social dynamique », mais je me permets de vous rappeler que le patron, c’est vous, ce n’est pas M. Farandou ! L’actionnaire, c’est l’État ; c’est lui qui paie et qui donne les instructions.
M. le président. Il faut conclure !
M. Hervé Marseille. Rendez-vous dans les semaines et les mois à venir, monsieur le ministre.
J’espère que nous ne serons pas confrontés à un dialogue social altéré et que nous n’aurons pas besoin d’y revenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je suis ravi d’intervenir après M. Marseille, qui vient de nous avouer que son exaspération était liée à ces collectifs nouveaux. La voilà, la véritable raison d’être de cette proposition de loi épidermique et caricaturale.
En réalité, les prétendues solutions que vous mettez en avant ne résoudront rien du tout. La clé, c’est le dialogue social !
Non, il n’y a pas eu, d’un côté, les trois groupes de gauche qui auraient fait de l’opposition systématique et, de l’autre, les raisonnables qui auraient soutenu ce texte ! J’ai entendu des expressions très diverses, ce que j’ai apprécié. Je salue notamment la position courageuse de M. le ministre. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Je regrette en revanche l’usage de formules très malheureuses, comme « preneurs d’otages », ou la stigmatisation cheminote, qui m’a rappelé le débat de 2018, lorsque la majorité parlementaire a eu le scalp du statut de cheminot.
Cette proposition de loi pourrait avoir l’effet inverse à l’objectif : en agitant un chiffon rouge, vous risquez d’attiser des tensions. Soyons lucides toutefois, elle n’ira pas jusqu’à l’Assemblée nationale.
Mme Sophie Primas. Pour ce qu’elle fait, l’Assemblée nationale…
M. Olivier Jacquin. En plus, elle est inconstitutionnelle. Ne faisons pas semblant de ne pas le savoir.
L’urgence ferroviaire n’est pas d’attenter au droit de grève. C’est d’investir dans le matériel, dans le réseau, dans le fret ou encore dans cet introuvable plan à 100 milliards d’euros.
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront évidemment contre ce texte. Nous nous en sommes déjà expliqués.
Qu’avons-nous fait durant ces quatre heures de débat ? Nous aurions pu aborder les problèmes du ferroviaire, des mobilités, des déplacements de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur les territoires, notamment les territoires ruraux. Nous aurions pu essayer d’y trouver des solutions. Nous aurions également pu réfléchir au financement des infrastructures, afin que nos concitoyennes et nos concitoyens ne soient plus assignés à résidence et empêchés de se déplacer.
Non, nous avons passé quatre heures à stigmatiser les grévistes, à créer de la tension sociale et à activer de futurs conflits. Je pense que tout cela n’est pas raisonnable.
De surcroît, on nous demande de voter sur un texte sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État qui s’assoit très clairement sur la Constitution et sur notre histoire. Tout cela n’est pas sérieux.
Pour ma part, j’aurais aimé que nous parlions des infrastructures. Regardons les chiffres. Au Luxembourg, les dépenses sur le ferroviaire, c’est 607 euros par habitant ; en Allemagne, c’est 124 euros ; en France, c’est 45 euros.
Dans les territoires ruraux, les citoyennes et les citoyens aimeraient avoir des TER à l’heure, des conducteurs et des contrôleurs. Dans mon territoire, récemment, le train n’est pas parti faute d’essuie-glaces ; une autre fois, c’était faute de contrôleurs.
Le problème du ferroviaire, ce sont les moyens. Franchement, ce n’est pas en nous attaquant au droit de grève que nous allons le résoudre. Aujourd’hui, je le crois, nous avons perdu beaucoup de temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je remercie le président Marseille d’avoir déposé cette proposition de loi et notre rapporteur, Philippe Tabarot, qui a réalisé un très bon travail et dont l’expertise en matière de transport a pu être mise à profit pour enrichir ce texte.
Cette proposition de loi respecte tous les équilibres de droit de notre pays : certes, faire la grève est un droit, mais circuler, entreprendre ou profiter de ses congés le sont aussi.
La majorité sénatoriale est parvenue à rédiger un très beau texte. Le groupe Les Républicains, fortement représenté ici, votera cette proposition de loi, enrichie par notre rapporteur Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 172 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 211 |
Contre | 112 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Je voudrais tout d’abord remercier le président Marseille d’avoir eu le courage de déposer cette proposition de loi.
Je remercie également le président Retailleau, qui a été d’un soutien sans faille sur ce sujet – comme sur tant d’autres.
Je remercie bien évidemment le président Longeot et les équipes de notre commission, qui m’ont accompagné tout au long des nombreuses auditions que nous avons menées.
Monsieur le ministre, je vous remercie également de votre écoute attentive sur ces sujets, comme sur ceux que nous avons évoqués ce soir et que nous aborderons dans les semaines et les mois à venir.
Je remercie enfin non seulement tous ceux de nos collègues qui ont soutenu ce texte, mais aussi tous ceux qui ne l’ont pas soutenu et avec lesquels nous avons eu aujourd’hui un dialogue apaisé et constructif. À cet égard, cher Hervé Gillé, je prends ma part de responsabilité si vous avez été navré du ton sur lequel ont pu se tenir les débats en commission : je ne souhaitais blesser personne, mais quand je crois en quelque chose, j’essaie de défendre mes idées avec la plus grande conviction possible. Vous le faites également, à votre manière.
Le plus important est que nous ayons pu échanger de manière républicaine et positive aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à remercier vivement notre collègue – qui est aussi mon président – Hervé Marseille d’avoir déposé cette proposition de loi relative à la poursuite du service public.
J’adresse également un grand merci au rapporteur Philippe Tabarot pour le travail réalisé, pour les nombreuses auditions menées et pour la justesse de ses propositions, qui allient à la fois le respect du droit de grève et celui de la continuité du service public.
Comme je l’ai dit en commission, je suis issu de la fonction publique territoriale. J’ai toujours défendu l’idée que le service public devait être au service du public. Lorsque tel n’est pas le cas, les agents publics sont caricaturés, moqués et montrés du doigt. Veut-on continuer d’entendre qu’ils coûtent cher et qu’ils ne remplissent pas leurs missions, en un mot qu’ils ne servent à rien ?
En ce qui me concerne, je ne veux plus l’entendre, car la notion de service public est essentielle à mes yeux.
Dans certains territoires – vous l’avez dit et répété –, les réseaux sont dans un très mauvais état ; il faut y remédier. La SNCF peut-elle se priver de recettes au risque de voir les usagers choisir un autre mode de transport ?
Nous défendons l’utilisation des transports en commun, qui protègent notre environnement et qui nous protègent. Si nous ne réglons pas le problème de la continuité du service, nous ferons l’inverse de ce que nous souhaitons.
Je vous remercie toutes et tous pour ces débats courtois et enrichissants, même si nous n’avons pas été d’accord sur un certain nombre de sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)