compte rendu intégral

Présidence de M. Mathieu Darnaud

vice-président

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat ainsi que sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou du respect du temps de parole.

annonces budgétaires relatives aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, après un projet de loi de finances imposé par 49.3, après l’annonce d’une économie de 10 milliards sur la sphère étatique, sans passage devant le Parlement, le Président de la République, puis votre ministre de l’économie ont dans le viseur les collectivités locales. Certains murmurent même déjà l’arrivée de contrats de Cahors de nouvelle génération !

À l’heure où les maires soumettent au vote leur budget pour 2024, ces annonces inquiètent et sèment le trouble : l’avenir de nos collectivités territoriales semble de plus en plus incertain.

Depuis deux ans, ces dernières ont supporté les hausses du prix de l’énergie, que le filet de sécurité n’a jamais compensées ; la hausse de coût des matériaux, qui a fait s’envoler de plus de 20 % leurs projets initiaux, conçus au service des habitants ; la flambée des taux d’intérêt ; la hausse du point d’indice de leurs agents. Elles ont dû s’y adapter malgré des budgets contraints, aux marges de manœuvre plus que restreintes quant aux recettes, à la différence de l’État.

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de considérer les collectivités territoriales comme des supplétifs, face aux difficultés financières de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la présidente Cécile Cukierman, je suis moi-même élu local depuis dix ans, dans ma commune (Murmures sur les travées du groupe SER.), et pour ma part j’ai toujours refusé d’opposer l’État aux collectivités territoriales.

J’ai toujours refusé de pointer du doigt l’État, en tant qu’élu local, ou les collectivités et les élus locaux, en tant que représentant de l’État, pour au moins deux raisons : tout d’abord, parce que je connais le très grand esprit de responsabilité des élus locaux et, ensuite, parce que nous sommes tous dans le même bateau.

Quand on parle de la dépense publique, c’est bien la dépense de toutes les administrations publiques que l’on regarde. Si l’on veut prévenir une hausse supplémentaire des taux d’intérêt, c’est pour éviter que la charge de la dette ne s’aggrave encore pour l’État ; mais c’est aussi parce que l’on veut protéger les collectivités locales en préservant leurs capacités d’investissement. Si les taux d’intérêt devaient augmenter fortement, leurs projets d’investissement s’en trouveraient évidemment entravés. Nous avons donc collectivement intérêt à faire preuve de sérieux dans nos décisions budgétaires.

Pour ce qui concerne plus précisément l’exécution budgétaire de 2023, il faut regarder factuellement ce que nous dit l’Insee. Le ralentissement économique actuel est aujourd’hui d’ampleur européenne et, fort heureusement, la France est moins touchée que ses voisins. Je vous le rappelle, la prévision de croissance actualisée est revue à la baisse beaucoup plus fortement en Allemagne qu’en France, parce que l’économie française résiste mieux.

Toujours est-il que nous assistons à un ralentissement européen, qui se traduit par une diminution des recettes.

Ce que nous dit l’Insee, c’est que les collectivités territoriales ont connu un fort besoin de financement en 2023, parce que leurs recettes ont chuté, parce que des dépenses ont augmenté plus vite que l’inflation et parce que le point d’indice a été revalorisé.

Je le répète, je crois très profondément à l’esprit de responsabilité collective.

J’ai demandé à mon gouvernement de réunir les associations d’élus pour échanger et travailler avec elles, pour que nous avancions tous ensemble dans un esprit de responsabilité. Le 9 avril prochain, Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, Christophe Béchu et Dominique Faure recevront ainsi leurs représentants.

Je ne crois pas qu’il soit judicieux d’agiter des épouvantails…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qui les agite ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Il n’est pas question de refaire les contrats de Cahors. L’enjeu, c’est de prendre acte collectivement d’une dégradation économique qui a entraîné des difficultés budgétaires au cours de l’année 2023 et d’y répondre collectivement. J’y insiste, je crois à l’esprit de responsabilité de tous.

Madame la présidente Cukierman, à vous entendre, nous considérons les collectivités territoriales comme des « supplétifs ». Je tiens, en réponse, à vous rappeler rapidement quelques faits.

Sur l’initiative du Président de la République, nous avons inversé la courbe de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Depuis deux ans, et pour la première fois depuis treize ans, cette dotation augmente de nouveau. (Murmures sur les travées du groupe SER.  M. Pascal Savoldelli sexclame.)

M. Hervé Gillé. Et l’inflation ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. On peut évidemment en débattre ; certains feront valoir qu’elle aurait dû augmenter davantage. Il n’empêche, je le répète, qu’elle n’avait pas progressé depuis treize ans et que c’est bien sur l’initiative du Président de la République qu’elle a augmenté.

Je vous rappelle aussi que nous avons compensé à l’euro près nos réformes des finances locales. Je vous renvoie aux travaux réalisés, non par le Gouvernement, mais par la Cour des comptes : on a même compensé plus que prévu…

M. Jean-François Husson. On en reparlera !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Au total, à la fin de 2022, quelque 6 milliards d’euros supplémentaires avaient été accordés aux collectivités territoriales.

Enfin, je tiens à vous rappeler les dispositifs mis en œuvre face aux différentes crises survenues : 10 milliards d’euros de soutien ont été déployés lors de la crise sanitaire ; plus de 2 milliards d’euros ont été accordés face à la hausse des factures d’énergie. Nous en avons beaucoup parlé ici et nous y avons travaillé ensemble.

En 2024, l’accompagnement de l’État ne faiblira pas. Ce dernier versera 60 milliards d’euros aux collectivités locales : c’est le deuxième poste de dépenses de l’État après l’éducation nationale.

Évidemment, nous sommes au rendez-vous et nous resterons à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, il ne s’agit pas d’opposer l’État et les collectivités territoriales, mais de reconnaître, factuellement, que le premier et les secondes suivent des logiques comptables totalement différentes.

Je le répète : l’État peut choisir le montant de ses recettes à sa guise. Aujourd’hui, vous procédez à des coupes dans les dépenses de tous vos ministères, vous décidez de rogner sur telle ou telle politique publique, aux dépens de celles et de ceux qui en ont le plus besoin : c’est un choix politique. Mais les collectivités territoriales, qui, en ce moment même, doivent boucler leur budget, sont tenues de répondre aux besoins de leur population en palliant les défaillances de l’État dans ses plus grandes missions régaliennes. C’est bien pourquoi, depuis sept ans, nous assistons à l’explosion des budgets locaux en matière de santé et de sécurité.

Les collectivités territoriales n’ont pas ce choix-là ; aujourd’hui, vous décidez bel et bien d’en faire des supplétifs pour compenser vos difficultés financières ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et Les Républicains.)

dérapage des comptes publics

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

L’Insee a dévoilé hier l’ampleur du déficit des finances publiques pour l’année 2023 : 5,5 % du PIB – c’est, selon les dires du Premier président de la Cour des comptes, un dérapage important et vraiment très rare.

M. Olivier Paccaud. Historique !

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le ministre, quand avez-vous été alerté de ce dérapage du déficit ? Pourquoi ne pas avoir annoncé et pris des mesures correctives ?

En outre, quelle est l’ampleur du correctif à apporter, cette fois, en 2024 ? Vous avez annoncé 10 milliards d’euros de réduction de dépenses par voie réglementaire : nous aurions préféré que le Parlement puisse s’en saisir et les documenter.

Nous entendons maintenant le chiffre de 20 milliards ; et, ce matin, en commission des finances, après un contrôle sur pièces et sur place largement médiatisé par la presse, M. le rapporteur général nous a fait savoir que, selon une note de vos services, il fallait même tabler sur 30 milliards d’euros de réduction des dépenses pour rester dans les clous en 2024. Quel est le bon chiffre ? Quelle est votre appréciation ? Surtout, quels sont les remèdes, selon vous ?

À l’évidence, la croissance ne sera pas suffisante : on peut le regretter, mais c’est ainsi. L’augmentation du taux d’emploi est un objectif que nous approuvons, mais c’est un remède de moyen terme. De même, la réforme de l’assurance chômage, qui semble-t-il est dans les tuyaux – on le verra sans doute ce soir à vingt heures : il serait peut-être bon que des annonces soient aussi faites devant le Parlement… –, n’aura pas d’effet financier à court terme.

Dès lors, que reste-t-il ? L’augmentation des impôts. Selon nous, il existe des marges de manœuvre au titre de la rente inframarginale. On peut aussi envisager des contributions ciblées sur certains secteurs de l’économie qui, d’une certaine manière, ont profité de la crise.

En parallèle, la question du rythme de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) peut encore être posée. Sur l’ensemble de ces points, nous sommes ouverts à la discussion, mais encore faut-il que le Parlement y soit associé : comment comptez-vous tenir l’objectif d’un déficit à 3 % du PIB en 2027 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations.)

Mme Françoise Gatel. Quel succès ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je vois que l’accueil est toujours aussi chaleureux au Sénat ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le sénateur Capo-Canellas, vous m’interrogez sur les prévisions de recettes qui sont l’explication d’un déficit de 5,5 % en 2023. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nos prévisions n’étaient sans doute pas bonnes. (Exclamations sur les mêmes travées.) Mais – je tiens tout de même à le rappeler – personne ne les a contestées quand elles ont été formulées. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et Les Républicains. – M. Franck Montaugé lève les bras au ciel.)

Mme Céline Brulin. Si, bien sûr que si !

M. Olivier Paccaud. Vos services ! Vos services !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons établi nos prévisions de croissance ainsi que notre projet de budget en août et en septembre 2023 et, lorsque nous avons présenté nos prévisions de recettes, le Premier président de la Cour des comptes, comme c’est l’usage, a présenté la conclusion du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). On pouvait lire dans l’avis du 22 septembre 2023 : « Pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires du Gouvernement sont plausibles. »

À mon sens, plutôt que de s’invectiver sur le sujet, mieux vaut comprendre…

M. Bruno Le Maire, ministre. … comment l’inflation, que nous n’avions pas connue depuis les années 1970, a eu un impact sur les prévisions de recettes…

M. Jean-François Husson. Ah, ça y est !

M. Bruno Le Maire, ministre. … pour aboutir au résultat d’aujourd’hui.

Ensuite, le plus important me semble être de regarder comment tenir les comptes publics dans les années qui viennent.

Je confirme ma détermination totale à revenir sous les 3 % de déficit public… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Encore heureux !

M. Bruno Le Maire, ministre. … à l’horizon de 2027.

Je confirme que, pour parvenir à 3 %, au-delà des 10 milliards d’euros d’économies que nous avons déjà dégagés en 2024, lesquels s’ajoutent aux 8 milliards d’euros que nous avons immédiatement faits à la fin du mois de décembre dernier – le total est donc de 18 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’État –, des économies complémentaires seront nécessaires. Il faudra que nous les regardions ensemble. Je ne peux pas les chiffrer aujourd’hui, car nous n’avons pas tous les éléments dont nous avons besoin.

Mme Céline Brulin. Et les recettes ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous devons, dès 2024, nous engager vers les 3 % de déficit en 2027. Il faudra des économies ; il faudra des réformes de structure ; et il faut avant tout savoir quelle société nous voulons.

Pour notre part, nous voulons une société du travail, ce qui suppose de réformer l’indemnisation du chômage ; une société de la responsabilité – c’est précisément dans cet esprit que nous avons doublé la franchise sur les médicaments – ; et une société de l’innovation et de l’investissement…

M. le président. Il faut conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre. … pour maintenir la croissance de notre pays. C’est à cette vision de la société que doivent répondre nos objectifs de finances publiques. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

violences sexistes et sexuelles au sein des armées

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Il y a quelques jours, à Versailles, le Gouvernement nous parlait de droit des femmes. Il y a quelques jours, Le Courrier de lOuest puis Le Monde relataient l’histoire de Manon Dubois, Angevine de 23 ans, victime d’une soixantaine de faits d’agressions sexuelles reconnus par son agresseur comme par sa hiérarchie. Pourtant condamné par la justice, lui est toujours dans l’armée ; elle, elle n’y est plus, poussée à la démission par ses supérieurs.

Selon votre ministère, la moitié des femmes militaires quittent nos armées avant la fin de leur carrière, alors même que la « grande muette » peine à recruter.

Les problèmes d’agressions sexuelles ou racistes ne sont pas isolés, mais bien systémiques, comme le souligne la capitaine Saint-Paul.

Madame la secrétaire d’État, mes questions sont précises.

Premièrement, la cellule Thémis ne compte que 4 agents pour 270 000 personnels : comptez-vous la faire évoluer ?

Deuxièmement, l’inscription au casier judiciaire n’empêche pas la poursuite de la carrière. Selon vous, est-il possible qu’un agresseur reconnu demeure dans l’armée de la République ?

Troisièmement et enfin, la Défenseure des droits a adressé plusieurs demandes au ministère des armées : pourquoi restent-elles sans réponse ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Grégory Blanc, avant tout, je vous prie d’excuser l’absence de M. le ministre des armées, qui m’a chargée de répondre à votre question.

Sachez que nous nous tenons aux côtés des victimes de violences sexuelles et sexistes. Il ne doit pas y avoir de tabou sur ce sujet, ni dans les armées ni ailleurs.

M. le ministre l’a rappelé : porter l’uniforme de nos armées donne plus de devoirs que de droits. Néanmoins, dans les armées comme ailleurs, des dérives individuelles existent. Elles sont absolument inacceptables et il faut les traiter avec exemplarité.

C’est pourquoi M. le ministre des armées a signé hier une instruction sur la conduite à tenir en cas de signalement. Ce document rappelle les responsabilités de chacun et les outils dont dispose le commandement.

Premièrement, il faut écouter et protéger la victime, en l’informant sans délai des mesures d’accompagnement dont elle peut bénéficier et en s’assurant qu’elle ne soit plus mise en contact avec son agresseur présumé. À ce titre – vous en avez parlé –, il existe une cellule de signalement : la cellule Thémis, qui garantit l’anonymat de ceux qui font appel à elle. J’invite toutes les victimes et tous les témoins à se rapprocher de cette structure.

MM. Hussein Bourgi et Akli Mellouli. Elle ne compte que quatre agents !

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat. Deuxièmement, sur les plans disciplinaire et judiciaire, le commandement doit être irréprochable. En cas de suspicion de viol ou d’agression sexuelle, des mesures de suspension conservatoire du mis en cause seront systématiquement prises lorsque les faits ont un caractère suffisant de vraisemblance. Aussi, une enquête disciplinaire doit systématiquement avoir lieu afin d’établir la matérialité des faits. Elle doit déboucher sur des sanctions disciplinaires de la plus grande sévérité.

Troisièmement, que la victime présumée ait porté plainte ou non, le commandement doit systématiquement saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. En effet, l’autorité judiciaire est seule habilitée à établir les faits et à prendre les sanctions pénales qui s’imposent.

Monsieur le sénateur, vous l’aurez compris : pour M. le ministre des armées et pour nous tous, la règle, c’est la tolérance zéro. L’ensemble du Gouvernement est déterminé à agir pour lutter contre les violences faites aux femmes. Nous en faisons une priorité.

M. Hussein Bourgi. Virez les coupables !

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.

M. Grégory Blanc. Madame la secrétaire d’État, depuis dix ans, le ministère prend un certain nombre de mesures, mais dans les faits, entre les orientations et leur infusion sur le terrain, il y a un océan.

Jallal Hami et la dénonciation du « racisme systémique » ; désormais, un #MeToo des armées : aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une armée forte, à l’avant-garde de la République et non logée en son arrière-train.

Dites-le à nos généraux. Dites-leur bien d’être rapidement dans le sens de l’Histoire s’ils veulent protéger l’institution : sinon, de toute évidence, le mouvement qui se lève les dépassera, comme il a dépassé les responsables de tant d’autres secteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRC-K, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme Laurence Rossignol. Bravo !

narcotrafic

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous me confirmer que, mardi dernier à Marseille, vous avez convoqué des magistrats du siège et du parquet que nous avions entendus dans le cadre de la commission d’enquête sur le narcotrafic, placée sous la présidence de notre collègue Jérôme Durain ?

Pouvez-vous confirmer que vous leur avez reproché d’avoir tenu le propos suivant : « À Marseille, nous sommes en train de perdre la guerre contre le narcotrafic » ? Pouvez-vous confirmer que vous leur avez reproché d’avoir, en tenant ces propos, fait prospérer le Rassemblement national ?

Monsieur le garde des sceaux, pourquoi cette convocation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Étienne Blanc, vous avez d’ores et déjà affirmé sur Europe 1 que j’aurais violé la séparation des pouvoirs, alors même que je dois être prochainement entendu devant votre commission d’enquête. De toute évidence, vous avez une vision assez particulière du contradictoire…

Je vous rappelle que cette réunion entre les magistrats marseillais et moi-même s’est tenue à huis clos. Sauf erreur de ma part, vous n’étiez pas présent. On vous a rapporté des propos…

Mme Marie-Arlette Carlotti. Donc, ils sont faux ?

M. Étienne Blanc. Il fallait m’inviter !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je n’avais aucune raison de vous inviter, monsieur le sénateur !

En outre, vous oubliez un certain nombre de propos, qui conduisent à jeter la suspicion sur des policiers, des agents pénitentiaires, des greffiers, des cabinets d’instruction ou encore des avocats.

Pour ce qui concerne les greffiers et les juges d’instruction, je précise qu’il n’existe aucune procédure. J’ai d’ailleurs dit au magistrat qui a tenu ces propos qu’il avait bien de la chance que les greffiers ne se soient pas mis en grève.

Pour ce qui concerne les avocats, j’ai indiqué à la magistrate qui s’est exprimée que, si elle avait un reproche à formuler à l’un d’entre eux, il lui suffisait de saisir le procureur de la République, puisque c’est, au fond, son travail, pour qu’il en informe l’ordre des avocats. L’ordre des avocats ferait alors le sien.

Les magistrats sont libres de leur parole ; je l’ai d’ailleurs rappelé à mes interlocuteurs.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais le ministre l’est aussi ! Je suis chargé du bon fonctionnement de la justice et je ne retire rien des propos que j’ai tenus.

Dès le lendemain de cette réunion, certains ont parlé d’une véritable « boucherie ». Je ne suis ni boucher ni charcutier, monsieur le sénateur. (Sourires sur les travées du groupe RDPI.) J’ai tenu les propos qu’un garde des sceaux responsable est en droit de tenir (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.), qui plus est après avoir déployé à Marseille des moyens si considérables. Sachez que les renforts que nous avons envoyés dans cette ville équivalent à l’effectif total des magistrats, des greffiers et des contractuels que compte le tribunal de Rouen : ce n’est pas rien !

Oui, j’ai fait valoir que, en affirmant qu’une guerre était perdue, on la perdait : c’est une réalité. J’assume totalement ces propos. (Marques dimpatiences sur les travées du groupe Les Républicains.  M. Michel Savin frappe son pupitre.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vais vous dire un dernier mot… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure, monsieur le garde des sceaux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Quand on respecte les magistrats, on ne taille pas dans la fonction publique comme vous l’avez fait, réduisant ainsi leur nombre ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, quand le Gouvernement convoque des magistrats du siège, il viole délibérément le principe de séparation des pouvoirs…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pas du tout !

M. Étienne Blanc. … protégé par notre Constitution.

Vous avez convoqué des personnes que nous avons entendues dans le cadre d’une commission d’enquête, sous serment, pour leur demander quoi ? De se rétracter ? De se parjurer ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous dites n’importe quoi !

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, cela s’appelle de la subornation de témoins,… (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est lunaire…

M. Étienne Blanc. … car notre commission d’enquête poursuit actuellement ses travaux.

Que nous ont dit ces magistrats ? Qu’à Marseille ils font face à d’énormes difficultés pour juger les trafiquants sévissant dans le cadre des réseaux…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai renforcé les équipes de magistrats !

M. Étienne Blanc. … et que la ville subit une vague sans précédent, à laquelle ils ne peuvent faire face. (Lorateur appuie son propos dun geste de la main.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ne me pointez pas du doigt, monsieur le sénateur !

M. Albéric de Montgolfier. C’est lui qui a la parole !

M. Étienne Blanc. Mon propos vous déplaît, mais je vous apostrophe et, dois-je vous le rappeler, vous êtes là pour me répondre, comme vous serez là pour répondre à la commission d’enquête !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est lunaire…

M. Étienne Blanc. Pis encore, dans les prisons, dont vous avez la responsabilité, les délinquants poursuivent leurs trafics. Depuis leur cellule, ils peuvent même commanditer des crimes.

Voilà ce qui inquiète les Français. Voilà pourquoi le Sénat a créé cette commission d’enquête, qui vous déplaît profondément.

M. le président. Il faut conclure !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je n’ai pas encore été entendu !

M. Étienne Blanc. Vous avez voulu instrumentaliser les témoins, alors que la commission d’enquête est en cours.

M. Xavier Iacovelli. Vous êtes partial !