M. le président. En conséquence, l’amendement n° 31 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 21.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme Mélanie Vogel. Je retire le sous-amendement n° 34, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 34 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 20.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1, deuxième phrase
Après le mot :
Nouvelle-Calédonie
insérer les mots :
en vue d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie un destin commun
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’accord mentionné à l’article 2 du projet de loi constitutionnelle doit avoir pour objet « d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie un destin commun ». Cette notion est très importante en Nouvelle-Calédonie ; en témoigne sa présence dès la première phrase de l’accord de Nouméa. Il faut montrer que la nouvelle page qu’ouvrirait cet accord doit embrasser l’ensemble des questions intéressant l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce serait une façon de préempter l’accord ! Si les parties prenantes se mettaient d’accord sur l’absence de destin commun, que ce soit par l’indépendance, l’indépendance-association, une forme de commonwealth, sur le modèle des îles Fidji, ou encore la partition de la Nouvelle-Calédonie, comme cela a pu être imaginé jadis pour d’autres territoires de la République, que se produirait-il ? Avec cet amendement, vous enfermez l’accord. Personnellement, je suis pour que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France, mais je trouve étonnant de vouloir ainsi préciser, au détour d’un amendement, ce que doit être l’objet de l’accord. Ce n’est pas ainsi que nous allons encourager les négociations avec l’ensemble des parties.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé l’examen des articles du projet de loi constitutionnelle.
Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 2 avril prochain, à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à cette séance.
10
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, Mme Maryse Carrère, présidente du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, demande à inverser l’ordre d’examen des deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de l’espace réservé de son groupe le jeudi 11 avril prochain.
Nous examinerions ainsi d’abord la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, puis celle tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales.
Acte est donné de cette demande.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
11
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif visant à sécuriser et réguler l’espace numérique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
12
Aide publique au développement
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 (proposition n° 264, texte de la commission n° 449, rapport n° 448).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Rachid Temal et Louis Vogel applaudissent également.)
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le niveau inédit de nos efforts en matière de solidarité internationale nous oblige, plus que jamais, à rendre compte de notre action en matière d’aide publique au développement et à l’évaluer.
Après plusieurs années de baisse de notre aide publique au développement (APD), la France a engagé en 2017 un processus de refondation de sa politique de développement, afin de renforcer la crédibilité de notre action diplomatique, de répondre aux grands enjeux mondiaux et de maximiser l’impact de nos actions.
Les chiffres de l’APD pour 2022 sont désormais officiels : ils sont historiques, car ils attestent d’une augmentation de près de 50 % en cinq ans. La France est devenue le quatrième bailleur mondial. Avec près de 15,2 milliards d’euros en 2022, nous avons ainsi légèrement dépassé l’objectif intermédiaire, fixé par la loi du 4 août 2021, de 0,55 % du revenu national brut en 2022.
Nous avons ainsi tenu un engagement pris de longue date par le Président de la République.
Les récentes annonces budgétaires ont toutefois une incidence sur la mission « Aide publique au développement », qui est mise à contribution comme toutes les politiques publiques.
Dans un contexte qui impose la maîtrise des finances publiques, il est plus crucial encore que d’ordinaire de nous assurer que les projets financés permettront de servir nos priorités et, surtout, auront une incidence concrète.
La secrétaire d’État chargée du développement et des partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, est engagée au quotidien pour renforcer l’efficacité de l’aide sur le terrain et assurer le pilotage politique de nos investissements.
Si les moyens que nous déployons sont inédits, ils ne permettent pas, à eux seuls, de répondre aux besoins et aux crises. Tel était le constat de départ du sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, qui a permis de mobiliser la communauté internationale face au défi du financement de la lutte contre la pauvreté et de la préservation de la planète.
Nous continuons de porter cette ambition au sein des enceintes multilatérales et auprès de nos partenaires, grâce au pacte de Paris pour les peuples et la planète, aujourd’hui soutenu par cinquante-quatre pays.
Dans le cadre de ce chantier de rénovation, la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a marqué une étape importante, en mettant notamment en évidence les besoins d’évaluation.
Cette loi a été suivie, en mai 2023, par la fixation, lors d’une réunion du conseil présidentiel du développement, de dix objectifs prioritaires afin d’orienter notre action. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet 2023 a ensuite permis de préciser les modalités de mise en œuvre de ces dix objectifs.
Ces deux échéances majeures ont permis d’acter un changement de paradigme : la politique d’aide publique au développement s’est transformée en stratégie d’investissement solidaire.
Ce choc de méthode doit permettre de rendre notre action plus efficace.
La mise en œuvre de cette stratégie passe par un pilotage politique renforcé de nos actions. Celui-ci n’est pas remis en cause par les récentes décisions budgétaires. Les priorités sont donc claires ; le cap est bien fixé.
Je l’ai dit, l’efficacité de notre politique dépendra de l’évaluation des effets de nos actions. Si le Cicid a décidé que les ministres des affaires étrangères et de l’économie assurent l’évaluation de la mise en œuvre de nos priorités politiques dans le cadre d’une réunion annuelle, la loi de 2021 prévoit pour sa part la mise en place d’une commission indépendante d’évaluation de l’aide publique au développement.
Je sais qu’un grand nombre d’élus s’intéressant aux questions relatives à l’APD ont fait part de leur lassitude quant au temps nécessaire à la mise en place de cette commission, tandis que d’autres regrettent qu’il faille passer par une loi pour en faire respecter une autre, plus de deux ans après la promulgation de la loi du 4 août 2021.
Mesdames, messieurs les sénateurs, n’ayez aucun doute quant à la volonté du Gouvernement de voir cette commission commencer rapidement ses travaux.
Je tiens également à rappeler que, sur ce dossier, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a rempli ses obligations et assumé son rôle de chef de file de l’action extérieure.
L’objectif de la proposition de loi que vous examinez est simple : d’une part, débloquer la mise en œuvre de cette mesure importante de la loi de 2021 ; d’autre part, confirmer les missions de cette commission. Je me permets d’insister : il est bien question d’évaluer les projets et les programmes, et non pas simplement de contrôler l’usage des fonds.
Dans cette perspective, nous acceptons volontiers que cette commission d’évaluation soit hébergée au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et, comme nous l’avons confirmé à votre rapporteur, que le secrétariat administratif de la commission soit rattaché à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.
Dans l’hypothèse de la confirmation de ce repositionnement, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères se porte garant de la préservation de l’indépendance de la commission.
D’une part, en aucun cas ledit ministère ne constituerait une autorité de tutelle : la commission définira ses méthodes et son programme de travail en toute indépendance.
D’autre part, des moyens humains et financiers supplémentaires seront affectés à cette commission, car sa tâche, d’ampleur – vous le concevez bien –, est à la mesure de l’effort inédit que je relevais en introduction de mon propos, de la richesse de nos coopérations et de la densité de nos échanges.
Enfin, l’évaluation doit être envisagée comme un outil au service de l’amélioration de notre action, ainsi qu’au service de la France et de nos partenaires diplomatiques partout dans le monde.
Les investissements réalisés aujourd’hui répondent à des besoins vitaux dans les pays bénéficiaires. Cependant, ils s’inscrivent aussi dans le temps long, car ils se concentrent sur des infrastructures stratégiques.
Grâce à ces investissements, les populations sont mieux armées pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique ; ainsi, l’accès à une source d’énergie décarbonée n’est pas réservé à quelques pays.
Il est crucial que nos concitoyens prennent conscience que nos actions en faveur du climat, de la santé et de l’agriculture, partout dans le monde, contribuent également à leur avenir et à celui de leurs enfants.
Notre politique de partenariats et d’investissements solidaires est porteuse de solutions. Elle permet de consolider directement les coalitions que le Président de la République appelait de ses vœux pour répondre aux grands défis mondiaux qui s’imposent à nous.
La mise en place rapide de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement contribuera à l’efficacité de notre politique d’investissements solidaires. C’est pourquoi je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à mettre en place – enfin ! – la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, plus de deux ans et demi après sa création théorique par la loi de programmation du 4 août 2021.
La réforme de l’évaluation opérée par cette loi était une nécessité, voulue et soutenue par les deux assemblées.
Cette loi était nécessaire, parce que l’aide publique au développement avait connu une progression considérable au cours des années précédentes. En particulier, les engagements financiers de l’Agence française de développement (AFD), principal opérateur de cette politique, étaient passés de 6 milliards d’euros en 2009 à 14 milliards d’euros en 2020.
Une telle croissance a exigé de nombreux recrutements, mais aussi un élargissement de l’aide à un nombre considérable de pays. L’AFD a prospecté dans le monde entier pour placer ses prêts, souvent à des taux proches de ceux du marché, auprès de pays qui – il faut bien l’avouer – n’en avaient pas toujours un besoin évident.
Ce n’est que récemment que l’agence, forte de nouveaux moyens budgétaires, a pu augmenter ses dons et, par conséquent, s’adresser davantage aux pays les plus démunis ainsi qu’aux secteurs vitaux de la santé ou de l’éducation, priorités régulièrement rappelées par le Sénat.
De cette progression sans précédent des moyens et de cette expansion géographique permanente, il ne pouvait résulter qu’une demande accrue de contrôle et d’évaluation.
Il est par essence difficile d’appréhender l’efficacité d’une politique de solidarité internationale. Ses projets sont, par définition, mis en œuvre dans d’autres pays que le nôtre, font souvent appel à des acteurs locaux et bénéficient à des populations dont notre connaissance est nécessairement limitée.
À tort ou à raison, et malgré la qualité bien reconnue de nos opérateurs, ces projets soulèvent donc parfois des interrogations ou des doutes quant à leur efficacité, voire quant à leur bien-fondé.
Bien entendu, il serait tout à fait inexact d’affirmer qu’il n’y avait aucune évaluation de l’aide publique au développement avant la création de la commission qui nous intéresse ce soir.
Il existe actuellement trois organismes d’évaluation interne en matière d’aide au développement, respectivement au sein du ministère de l’économie et des finances, du Quai d’Orsay et de l’AFD elle-même.
Concrètement, les évaluations pilotées par ces services sont réalisées par des cabinets de conseil sélectionnés par appels d’offres, sous la direction d’une équipe de responsables administratifs des ministères concernés ou de l’AFD.
Outre ces dispositifs, des évaluations externes peuvent être réalisées par l’OCDE, des ONG, la Cour des comptes, ou encore l’Assemblée nationale et le Sénat.
Toutes ces évaluations sont sans doute intéressantes et pertinentes. Cependant, un consensus s’est établi sur le fait qu’elles ne suffisaient pas à rendre compte de notre politique de solidarité internationale.
D’abord, si les évaluations internes sont bien informées, elles aboutissent parfois à des conclusions stéréotypées et peu incisives, faute d’indépendance par rapport aux administrations ou aux opérateurs qui mettent en œuvre l’aide publique au développement.
En outre, elles ont du mal à surmonter l’éclatement du pilotage de cette politique entre deux ministères et un établissement public.
De plus, les évaluateurs externes ne disposent pas toujours des données ou des analyses nécessaires pour produire les évaluations les plus pertinentes. D’ailleurs, la France est encore en retard dans les classements internationaux relatifs à la transparence de l’aide. L’ONG Publish What You Fund ne classe ainsi l’AFD qu’au vingt-huitième rang sur cinquante en matière de transparence des donneurs.
Enfin, c’est la nature même des évaluations réalisées qui paraît insatisfaisante. Les instances d’évaluation actuelles concentrent souvent plus leur analyse sur les processus de gestion, l’organisation institutionnelle et les enjeux financiers ou budgétaires, que sur l’impact final et la pérennité des interventions françaises comme de l’influence de notre pays.
C’est pour remédier à toutes ces limites que nous avons créé la commission d’évaluation indépendante, compétente de manière transversale pour l’ensemble des projets et des programmes de développement. Cette commission s’inspire de la commission indépendante pour l’impact de l’aide, ou Independent Commission for Aid Impact (ICAI), mise en place au Royaume-Uni, qui est composée de spécialistes du sujet, capables d’évaluer l’impact final des projets.
Cette nouvelle commission sera ainsi séparée et indépendante de l’AFD, dont elle sera tout particulièrement appelée à examiner l’activité, eu égard à la place prédominante dans cette politique de ladite agence, forte de 12 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.
La présence au sein de cette commission d’un collège de parlementaires, disposition adoptée par le Sénat, sur l’initiative de notre commission, au sein de la loi du 4 août 2021, renforcera son indépendance par rapport à l’exécutif tout en assurant la prise en compte de nos préoccupations.
Certes, la solution mise en place par ladite loi n’était pas parfaite. Une autre solution aurait consisté à créer une véritable autorité administrative indépendante, avec un personnel plus nombreux et des moyens importants. Cela aurait cependant eu un coût considérable, et une nouvelle structure se serait ajoutée au millefeuille administratif. Dès lors, il fallait bien adosser la commission à une administration préexistante, apte à en assurer le secrétariat.
Aussi l’Assemblée nationale avait-elle pris l’initiative d’un rattachement à la Cour des comptes. Le décret d’application du 6 mai 2022 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement avait ensuite accentué le rôle de la Cour, en prévoyant la présence au sein de la commission de deux magistrats de l’institution, dont le Premier président, qui aurait logiquement présidé le nouvel organisme.
Cette solution nous éloignait un peu du projet initial, qui consistait à créer un organisme sui generis, plus tourné vers l’évaluation que vers le contrôle – vous venez de le rappeler, madame la ministre – et complètement spécialisé dans l’aide publique au développement.
C’est pourquoi, après des péripéties sur lesquelles il est inutile de revenir, M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, a déposé cette proposition de loi qui vise à rattacher la commission d’évaluation au Quai d’Orsay plutôt qu’à la Cour des comptes.
Cet adossement administratif au ministère chargé des affaires étrangères paraît finalement le plus simple à mettre en œuvre, donc le plus propre à permettre le lancement rapide des travaux de cette commission, que nous attendons tous depuis plus de deux ans.
Je rappelle que la loi dispose toujours que les experts de la commission sont indépendants et qu’ils déposent une déclaration d’intérêt. En outre, n’oublions pas la présence des parlementaires au sein de la commission, apport du Sénat qui offre une autre garantie d’indépendance par rapport à l’exécutif. Tout ceci est laissé intact par la présente proposition de loi.
Évidemment, on ne saurait, dans la loi, entrer dans un grand luxe de détails. De même que la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, nous avons donc demandé à être associés à l’élaboration des décrets qui préciseront la composition et le fonctionnement de la nouvelle commission.
M. Rachid Temal. Comme la dernière fois !
M. Christian Cambon, rapporteur. Du reste, nous avons déjà commencé nos échanges avec l’administration sur ce sujet.
De même, nous espérons qu’une personnalité indépendante, d’une expertise reconnue en matière d’aide publique au développement, sera élue à la tête de la commission ; nous estimons qu’il doit s’agir d’un emploi à temps plein.
M. Rachid Temal. On a un amendement pour ça !
M. Christian Cambon, rapporteur. Enfin, il nous semblerait pertinent qu’un représentant de la coopération décentralisée soit membre du collège d’experts, afin de mettre en avant les apports de ces acteurs si importants pour la mise en œuvre de la coopération.
Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous permet, enfin, de sortir de l’ornière. Ce texte reste en outre très proche de la loi de 2021 que nous avions votée, je le rappelle, à l’unanimité.
C’est pourquoi la commission l’a adopté sans modification. Nous espérons ainsi mettre le point final à un feuilleton qui n’aura que trop duré, pour doter enfin notre politique de solidarité internationale d’une instance d’évaluation digne de ce nom, dans laquelle le Parlement jouera, à l’évidence, un rôle très important. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Raphaël Daubet et Ludovic Haye applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons adopté en mai 2021 le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, devenu loi du 4 août 2021.
Ce texte ambitieux, qui avait fait l’unanimité, ou presque, au sein de notre Haute Assemblée, comportait plusieurs dispositions et outils innovants.
Il a permis de porter les crédits alloués à l’aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022, conformément à l’engagement du Président de la République, avec l’objectif d’atteindre 0,7 % en 2025.
Notre vision du développement est très différente de l’approche de la Chine, que j’ai pu observer en Afrique. Pour Pékin, le concept win-win signifie que la Chine gagne deux fois ! Ainsi, le pays « bénéficiaire » finance l’autoroute à construire, avant de devoir verser l’équivalent des péages que n’acquittent pas les automobilistes réticents à l’emprunter. Les nouvelles routes de la soie – je dirais plutôt « de la prétendue bonne affaire » ! – ont plongé ces pays dans l’enfer de la dette.
L’aide de la Russie, d’un tout autre ordre, relève plutôt de l’aide à la personne : M. Poutine donne 1 000 francs CFA à qui veut bien brandir des pancartes avec des slogans anti-français, afin de nous déloger de certains pays. Je l’en ai remercié à Bangui, car ces 1 000 francs CFA ont permis à certains des 5 000 Centrafricains présents d’acheter leur place pour le concert de la Saint-Valentin de l’Alliance française ! (Sourires.)
Autre exemple, un manège a été installé devant la maison de la Russie à Bangui. J’y ai vu une belle illustration du fait que le Kremlin cherche à faire tourner les Africains en rond !
La mission de notre aide publique au développement est plutôt de bâtir un monde à la fois plus juste et plus durable.
Climat, biodiversité, paix, éducation, urbanisme, santé, gouvernance : les équipes de l’AFD sont engagées dans plus de 4 000 projets dans 150 pays, contribuant ainsi à l’engagement de la France en faveur du développement durable et du respect de l’accord de Paris. Tel est l’objectif qui doit étayer notre politique de développement.
Lors de l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », plusieurs de nos collègues avaient insisté sur la nécessité de se doter de mécanismes susceptibles d’améliorer le contrôle et le suivi des aides accordées par notre pays.
C’est non seulement un enjeu d’efficacité, mais également une nécessité au regard du contrôle démocratique que doivent exercer les assemblées parlementaires en général et le Sénat en particulier.
La France a mis en œuvre de nombreux projets au travers de la politique de l’AFD. Souvent, j’ai pu juger sur place de leur réussite.
Ainsi, j’ai participé l’an dernier, à Antananarivo, à la cérémonie d’inauguration du parcours touristique de la Haute Ville, en présence du ministre malgache de l’aménagement du territoire, du maire de la capitale et de notre ambassadeur. Cette véritable réussite urbanistique avait pour but de désenclaver et d’assainir des quartiers prioritaires. Lors de la visite, revêtu de mon écharpe tricolore, j’ai observé les sourires des habitants qui profitaient de points d’eau et de lavoirs flambant neufs. Quelle fierté d’avoir été accompagné par une partie des habitants durant cette déambulation et de les avoir entendus crier : « Vive la France ! »
L’aide publique au développement constitue un outil efficace et essentiel au service de la stratégie d’influence de notre pays. Nous devons assumer cette ambition sans naïveté, comme de nombreux autres pays le font.
La loi de programmation du 4 août 2021 avait mis en place une commission d’évaluation des politiques d’aide publique au développement, ce qui répondait à une demande que le Parlement, particulièrement le Sénat, formulait depuis de nombreuses années.
Deux ans après la promulgation de cette loi, la commission d’évaluation de l’aide publique au développement n’est toujours pas constituée, les modalités de son rattachement à la Cour des comptes et de la désignation de son président étant encore en suspens.
Cette commission est nécessaire, car l’évaluation de la politique d’aide publique au développement est perfectible. Malgré l’ensemble des évaluations, internes et externes, de ces aides, la France n’est pas classée parmi les meilleurs pays en matière de transparence, comme l’a rappelé à juste titre notre rapporteur.
La nécessité de bien évaluer l’aide paraît plus prégnante que jamais, compte tenu de l’augmentation des moyens de cette politique, passés de 9,5 milliards d’euros à près de 15 milliards d’euros entre 2016 et 2023.
Dans son rapport au Premier ministre d’août 2018 sur la modernisation de la politique partenariale de développement, M. Hervé Berville, rapporteur de la loi du 4 août 2021 à l’Assemblée nationale, plaidait pour que l’évaluation devienne un axe central de notre politique de partenariats et de solidarité internationale.
Nous souscrivons à cette analyse. Un cadre d’évaluation adéquat et une diffusion de la pensée évaluative sont de nature à améliorer l’efficacité de l’action publique et à renforcer les partenariats avec les pays concernés. Ils offrent aussi l’occasion d’un dialogue approfondi sur les objectifs stratégiques et la définition d’attentes communes, ainsi que la recherche d’un consensus.
Dans cette optique, l’indépendance de la commission est absolument capitale.
À l’issue des modifications effectuées lors de l’examen par les deux assemblées du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la nouvelle commission devait être composée de deux collèges : un collège de parlementaires, composé de deux députés et de deux sénateurs, et un collège d’experts indépendants, composé de dix personnalités qualifiées.
La loi disposait également que la commission élirait son président parmi ses membres, qu’elle arrêterait son programme de travail de manière indépendante et qu’elle pourrait être saisie de demandes d’évaluation par le Parlement.
Enfin, sur l’initiative de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, la loi disposait que la nouvelle commission serait placée auprès de la Cour des comptes, qui assurerait son secrétariat.
L’article 2 du décret n° 2022-787 du 6 mai 2022 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission d’évaluation de l’APD précise la composition du collège d’experts. Le décret précise également que la commission élit son président à l’unanimité parmi ses membres, ce qui, en pratique, aurait conduit à l’élection du Premier président de la Cour des comptes.
Toutefois, cette composition ne répond pas à la volonté du législateur de créer un instrument nouveau chargé d’évaluer les projets de développement et non de contrôler leur régularité financière. Clairement, les résultats de l’APD ne peuvent se mesurer seulement, ou même principalement, sous un angle financier.
J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’apprécier la qualité de l’engagement de la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou pour la mise en œuvre de l’action de coopération de notre pays. Nous aussi, parlementaires, devons mouiller l’écharpe tricolore en inaugurant les projets financés par l’AFD !
Les investissements de la France auprès de nos partenaires se mesurent également à l’aune de leur effet sur les populations, ainsi que du rayonnement et de l’influence de notre pays.
La proposition de loi que nous examinons permet de rattacher la commission d’évaluation au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour ce qui a trait à son fonctionnement. Le texte précise aussi les missions assignées à cette commission.
Le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. Nous nous associons au souhait du rapporteur d’adopter le texte sans modification, afin que la procédure ne soit pas inutilement alourdie et que la mise en œuvre de cette commission ne soit pas plus longtemps retardée.
Nous resterons cependant attentifs au décret qui précisera la composition de cette commission.