M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 903, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, il y a quelques mois, quand certaines parties de nos territoires s’embrasaient, nos communes étaient de nouveau confrontées à un problème qui prend de l’ampleur : leur difficulté à s’assurer. Elles sont de plus en plus nombreuses dans cette situation.
La résiliation anticipée de leur contrat d’assurance, que permet le code des assurances, est perçue par nos communes comme un véritable couperet, une épée de Damoclès. Malheur à celles qui refusent la hausse des cotisations !
À l’augmentation des cotisations et des franchises s’ajoute le refus de certains assureurs, ce qui laisse nos communes démunies.
Alors que la sinistralité augmente, des assureurs se retirent du marché, un marché pas toujours concurrentiel, ce qui entraîne un phénomène de monopole défavorable aux communes.
Pourtant, le recours aux assurances est une nécessité en raison des activités multiples de nos communes : pour la flotte automobile, la garantie des biens, la lutte contre les incendies, la protection des personnes, des musées et de leurs collections… Nous ne pouvons donc pas laisser les communes seules, car les activités qu’elles organisent ont un coût supplémentaire. Leurs budgets sont affectés, limitant leur choix et les conduisant malheureusement à des arbitrages douloureux.
Dans mon département des Ardennes, les exemples sont nombreux, tant dans les petites communes que dans les grandes agglomérations. Ardenne Métropole a constaté une augmentation de sa cotisation de 50 %, la commune de Bogny-sur-Meuse a subi une augmentation de 15 % pour l’assurance de sa flotte automobile.
Nombreuses sont les communes à dénoncer ces comportements unilatéraux et soudains, qui les placent devant le fait accompli.
Toutes nos communes rurales sont ainsi exposées à ces difficultés. Cela contredit le principe du mécanisme assurantiel qui est d’aider tout le monde face aux aléas et aux risques de la vie.
Monsieur le ministre, sans assurances, la libre administration des collectivités locales est compromise.
Qu’envisagez-vous pour que nos communes puissent s’assurer dans des conditions sereines et non exorbitantes ? Comment les aider à faire face aux pratiques de certains assureurs, aux cotisations élevées ? Que comptez-vous faire face aux résiliations anticipées qui sont une source de déséquilibre dans les relations entre les communes et leurs assureurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, vous vous faites la porte-parole légitime de toutes ces communes qui souffrent déjà des effets du dérèglement climatique et de ceux des émeutes du mois de juillet dernier et qui se retrouvent confrontées à deux types de phénomènes : ou bien elles n’ont pas d’offre ou bien elles reçoivent des offres polies, mais avec des niveaux de prime tels que cela revient à leur dire qu’elles feraient mieux d’aller voir ailleurs ou de s’auto-assurer.
Pas plus tard que ce matin, le journal Ouest-France a fait sa une sur ces communes de plus en plus nombreuses qui peinent à s’assurer. La coïncidence de cette question orale et de ce titre de la presse locale ne manque d’ailleurs pas d’interroger et il me semble qu’une enquête serait nécessaire en dehors de cet hémicycle ! (Sourires.)
Je formulerai trois remarques.
Premièrement, cette problématique ne date pas de l’année dernière. Pour déterminer comment accompagner ces communes, une mission a été confiée au maire de Vesoul, Alain Chrétien – il me semble que c’est une bonne idée d’avoir confié ce travail à une personnalité locale et non nationale –, l’objectif étant de disposer au plus tard avant l’été d’un diagnostic complet de la situation.
Deuxièmement, le médiateur de l’assurance a été sollicité pour définir comment accompagner les communes dans un certain nombre de cas.
Troisièmement, des réflexions ont déjà été conduites. En effet, nous sommes convaincus qu’en valorisant des actions de prévention nous devrions être capables de revenir à des niveaux de prime raisonnables. Telle est ma conviction. À cet égard, j’attends avec beaucoup d’impatience les conclusions du rapport Chrétien.
Je me suis également mis à regarder comment faisaient nos voisins européens. Spontanément, nous avons la tentation de regarder ce que nous faisions dans le passé ; nous devons nous habituer à nous tourner vers les autres pays qui sont confrontés exactement aux mêmes difficultés. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à des sociétés d’assurance internationales de nous présenter les dispositifs existant ailleurs.
Le problème de l’assurance est devant nous, comme l’a montré la question de Mme Ventalon concernant la commune de Vernon. Le problème est double, il est lié au changement climatique, mais aussi aux comportements. Nous devons examiner toutes les pistes et nous inspirer des exemples pertinents qui se trouvent autour de nous.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Il faut impérativement rassurer les collectivités territoriales, qui sont en plein désarroi aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 820, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Hervé Maurey. Nous le savons, les secrétaires de mairie jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de nos communes, tout particulièrement dans celui des communes rurales. Aux côtés des maires, elles doivent faire preuve de disponibilité, de rigueur et de polyvalence, entre autres qualités.
En contrepartie de leurs responsabilités et de leurs tâches importantes, elles bénéficient d’un traitement et d’une évolution de carrière tout à fait insuffisants.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les élus aient de plus en plus de difficultés à recruter. Il manque aujourd’hui 2 000 secrétaires de mairie, phénomène appelé à s’accentuer dans les années à venir. Il faut donc renforcer au plus vite l’attractivité de cette profession.
C’est pourquoi, sur l’initiative du Sénat, la loi du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie a pour objet d’améliorer la formation initiale des secrétaires de mairie, ainsi que d’assurer leur promotion interne. De toute évidence, des mesures plus ambitieuses doivent encore être prises.
Les communes ne peuvent plus supporter seules le nécessaire effort financier en faveur des secrétaires de mairie, comme cela a été le cas pour les revalorisations du point d’indice.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement compte-t-il participer à cet effort, et, si oui, qu’envisage-t-il ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, à bien des égards, votre question ne me surprend pas. Ceux qui vous connaissent savent à quel point vous êtes attaché à accompagner les maires de votre territoire et à quel point les binômes maire-secrétaire de mairie sont absolument indissociables.
La plupart du temps dans l’ombre, ces couples font en sorte de régler les problèmes de la vie quotidienne, accompagnent les détresses et les désarrois parfois intimes des familles de la commune, s’échinent à essayer de comprendre les règlements administratifs, montent les stratégies qui permettent de défendre un dossier à l’échelon intercommunal, par exemple un dossier de demande de subvention intercommunale pour un projet d’école. J’ai en tête ce qui se faisait sur mon territoire quand le sénateur Emmanuel Capus était le vice-président chargé de ces dossiers.
M. Emmanuel Capus. Excellent sénateur ! (Sourires.)
M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez pris toute votre part à l’élaboration de la loi du 30 décembre 2023, qui a permis de revaloriser le métier de secrétaire de mairie et, bien plus, de rendre justice aux héros du quotidien qui assurent ces fonctions.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2028, l’accès aux fonctions de secrétaire général de mairie – conformément à la nouvelle appellation qui a été retenue – sera ouvert aux agents de catégorie A et B, ce qui témoigne de l’importance accordée par tous à cette fonction.
Le législateur, parfaitement conscient de la nécessité de tenir compte des moyens financiers de chaque collectivité, a maintenu la liberté de recruter des secrétaires de mairie parmi les trois catégories hiérarchiques de la fonction publique jusqu’à cette date.
J’en viens à la traduction réglementaire de cette loi. Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé les travaux de mise en œuvre, qui devront se faire avec toutes les parties prenantes. Je pense au plan de requalification pour permettre aux secrétaires de mérite de catégorie C d’être promus en catégorie B d’ici au 31 décembre 2027, dans le cadre d’une voie de promotion interne exonérée de tout contingentement. Je pense aussi à la création d’une nouvelle voie de promotion interne pour faire en sorte que les secrétaires de mairie de catégorie B puissent exercer ce métier sur la base d’une formation qualifiante.
Monsieur le sénateur, je ne doute pas que, d’ici au 1er janvier 2028, vous serez le premier à repérer les domaines dans lesquels il faut des ajustements d’ordre réglementaire ou législatif. Je me réjouis de toutes ces occasions qui seront autant de prétextes pour passer du temps avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse aimable et sympathique, qui confirme que vous connaissez le terrain, la réalité du fonctionnement des communes rurales, ce qui n’est pas toujours le cas des ministres qui sont au banc du Gouvernement.
Néanmoins, c’était le sens de ma question : il faut aller au-delà de la loi que l’on a votée, car elle reste insuffisante. Pour cela, il faut un accompagnement financier de l’État. En effet, les communes ne peuvent pas seules supporter financièrement la nécessaire revalorisation des secrétaires de mairie. Et c’est à cela que j’appelle le Gouvernement.
situation de l’hôpital de redon-carentoir
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 937, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, ma question porte sur la situation de l’hôpital de Redon-Carentoir.
Ce centre hospitalier intercommunal est en effet un équipement vieillissant, ce qui entraîne de très fortes contraintes de remise aux normes. Sa vétusté a des incidences importantes sur les conditions de travail des soignants et l’accueil des patients. Par ailleurs, le fait qu’il ne réponde pas aux normes de sécurité a pour conséquence un surcoût de fonctionnement de plus de 2 millions d’euros par an.
Cet hôpital est indispensable dans ce territoire de 150 000 personnes réparties sur les trois départements d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de la Loire-Atlantique. Il est par ailleurs situé à une heure de route des principaux hôpitaux de recours qui sont à Nantes, Rennes et Vannes. De plus, le diagnostic de santé de ce territoire est connu pour ses indicateurs très défavorables : surmortalité importante, part des patients en affection longue durée supérieure aux moyennes régionale et nationale.
Un audit réalisé il y a plus de deux ans préconisait la construction d’un nouvel équipement plutôt qu’une réhabilitation qui ne permettrait pas de répondre aux besoins.
Alors qu’il était initialement prévu sur 22 000 mètres carrés pour un budget de 105 millions d’euros, puis revu à 16 000 mètres carrés pour 70 millions d’euros, le Conseil national de l’investissement en santé (Cnis) a préconisé un redimensionnement de ce nouvel établissement à 5 900 mètres carrés pour 40 millions d’euros. Ce projet revu à la baisse, avec moins de surfaces, moins de services et de lits, a été extrêmement mal reçu par les élus et les usagers, qui ont le sentiment de se voir proposer un projet d’hôpital au rabais.
Après tant d’atermoiements et de mépris envers le travail collectif des élus du territoire, je souhaite savoir à quelle hauteur l’État compte s’engager pour un établissement qui n’a pas bénéficié d’investissements publics depuis une vingtaine d’années et qui ne pourra pas assurer un niveau d’autofinancement suffisant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, il n’y a évidemment pas de santé au rabais, quel que soit le territoire où l’on se trouve !
L’engagement de l’État en faveur de ce projet est très fort, comme en témoignent les éléments que je peux vous communiquer aujourd’hui.
Ce projet bénéficiera d’un soutien financier de 20 millions d’euros, dans le cadre du Ségur de la santé, en reconnaissance du rôle majeur de l’hôpital en question dans l’accès aux soins dans le bassin de vie de Redon. Ce soutien permettra non seulement de disposer d’un nouvel hôpital qui répondra aux exigences de qualité et de sécurité dans la prise en charge des patients, mais aussi d’améliorer les conditions d’accueil de ces derniers, ainsi que les conditions de travail des professionnels de santé.
Au printemps 2023, les dernières études techniques ont mis en évidence que l’option de reconstruction de l’ensemble du bloc central sur le terrain de Bellevue, qui était jusqu’alors privilégiée, posait des difficultés techniques, financières et environnementales.
C’est pourquoi, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, le ministère a souhaité solliciter l’expertise du conseil scientifique du Conseil national de l’investissement en santé, qui accompagne nombre de projets majeurs dans notre pays. Les conclusions de ses travaux ont été présentées le 5 décembre dernier au conseil de surveillance de l’établissement, qui a accueilli favorablement la proposition alternative qui lui a été présentée. Un travail technique est nécessaire, pour lequel le centre hospitalier de Redon bénéficiera d’une assistance à maîtrise d’ouvrage. Enfin, des consultations des instances internes du centre hospitalier devaient être conclues au mois de janvier.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas du tout : 20 millions d’euros, c’est absolument insuffisant ! Aujourd’hui, le Gouvernement va de crise en crise et n’anticipe rien. On constate des mobilisations très fortes dans ce territoire : 1 000 personnes se sont rassemblées le 27 janvier ; il y en aura beaucoup plus lors de la prochaine manifestation, qui est déjà prévue.
La santé devient la variable d’ajustement de vos budgets d’austérité ; ce n’est pas tolérable ! Vous savez parfaitement que cet hôpital n’a pas de capacité d’autofinancement. C’est pourquoi les 20 millions prévus ne suffiront pas du tout : il faut le triple !
contamination de l’eau potable en charente par le chlorothalonil-r471811
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 962, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, dans un rapport du 6 avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé une vaste contamination de l’eau par des résidus de pesticides ; le chlorothalonil-R471811 est notamment présent dans plus d’un prélèvement sur deux.
Ce métabolite est directement issu de la dégradation d’un fongicide qui, bien qu’il soit interdit en France depuis 2019, demeure présent dans les sols et dans l’eau. Au-dessus du seuil sanitaire de 3 microgrammes par litre défini par le Haut Conseil de la santé publique, l’eau ne peut plus être bue.
Cette valeur fait référence jusqu’à ce que l’Anses ait terminé sa réévaluation de la pertinence de cette molécule et statué, si nécessaire, sur une valeur sanitaire maximale. Où en est-on, madame la ministre ?
Dans mon département de la Charente, selon l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, le métabolite précité a été détecté dans 49 captages sur les 56 qui ont été testés à ce jour. Dès qu’on le cherche, on le trouve !
Ce métabolite est classé cancérogène probable. Aussi, madame la ministre, entendez-vous prendre des mesures d’urgence sanitaire, mais aussi soutenir les collectivités confrontées à la nécessaire dépollution de l’eau ?
En effet, il y a un réel risque de fracture territoriale de la qualité de l’eau, les territoires se trouvant plus ou moins bien dotés pour faire face à ces pollutions. Comment comptez-vous répondre à cette potentielle crise de l’eau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, vous avez évidemment raison d’évoquer ces enjeux de santé publique ; c’est bien pour les prendre en considération que l’ARS a agi, dans l’ensemble de la région de Nouvelle-Aquitaine et, en particulier, dans votre département de la Charente, de manière que des contrôles puissent être réalisés.
Ils l’ont été, et 89 captages ont été analysés : aucun ne présente de trace de la molécule mère du chlorothalonil ni une concentration de ses métabolites supérieure à 3 microgrammes par litre, soit la valeur sanitaire qui nécessiterait une intervention urgente, en particulier une restriction de la consommation. J’insiste sur ce point : les évaluations sont claires, et aucune restriction n’apparaît nécessaire au vu des résultats.
M. Daniel Salmon. Tout va bien…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, alors que l’ensemble des filières agricoles, à la faveur de la crise, demandent une levée massive des interdictions de pesticides, la question de l’eau doit ramener le Gouvernement à la raison et l’inciter à privilégier la santé humaine.
Par ailleurs, madame la ministre, il est impossible de laisser les collectivités seules face à ce problème environnemental et de santé publique !
fermetures répétées des services des urgences en gironde
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 913, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, depuis le mois d’avril 2023, les fermetures de services d’urgences hospitalières sont récurrentes en Gironde. L’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine estime que la situation « n’a jamais été aussi grave ».
Il manque en moyenne 30 % de médecins dans les 15 services d’urgences de Gironde, ce qui entrave la continuité du service public. Les conditions d’accueil des patients comme les conditions de travail des personnels de santé sont alarmantes.
Dans les territoires ruraux, qu’il s’agisse des hôpitaux d’Arès, de Blaye, de Langon, de Lesparre-Médoc ou de Sainte-Foy-la-Grande, les services d’urgence ferment régulièrement. À Sainte-Foy-la-Grande, la situation est gravissime : on a compté, au cours des mois d’avril et mai 2023, plus de 17 jours de fermeture !
Les patients de ces hôpitaux sont redirigés vers le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à plus d’une heure de route. Ce CHU lui-même est désormais contraint de réguler l’accès aux services d’urgence.
L’été, du fait de l’augmentation de la fréquentation des sites touristiques en Gironde et des indisponibilités accrues de personnel, faute de moyens complémentaires, l’ARS envisage de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Un « plan rose » est prévu à la maternité de Langon, ainsi que de nouvelles fermetures de services d’urgence. À Sainte-Foy-la-Grande, les urgences ont été fermées pendant plusieurs semaines de l’été 2023. Qu’en sera-t-il en 2024 ?
Alors, madame la ministre, comment comptez-vous remédier, à court terme, à cette situation dramatique des urgences en Gironde ? Quelles mesures concrètes seront mises en œuvre, à moyen terme, pour améliorer la situation du système hospitalier en France et, en particulier, en Gironde ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice, la situation que vous décrivez n’est malheureusement pas l’apanage de la Gironde : on fait face sur l’ensemble du territoire à des tensions extrêmement fortes, qui sont évidemment dues à des enjeux de démographie médicale, mais aussi à des situations dégradées au sein de l’hôpital public et, en particulier, de leurs services d’urgence.
La régulation dans les services d’urgence n’est pas pour autant une mauvaise réponse. Bien au contraire, elle répond à une attente très forte des praticiens eux-mêmes, qui souhaitent ainsi que les patients qu’ils prennent en charge relèvent bien de leurs services.
Par ailleurs, le Premier ministre s’est engagé devant vous, la semaine dernière, sur les services d’accès aux soins (SAS), qui doivent permettre d’assurer une orientation beaucoup plus efficace et effective des patients et ainsi de répondre à l’ensemble des enjeux d’accès aux soins.
Enfin, le Gouvernement a pris, à la fin de 2023, des décrets qui offrent des outils complémentaires pour une prise en charge spécifique des urgences à l’échelle de chaque territoire. Je pense par exemple à la possibilité de graduer les prises en charge dites extra-hospitalières, grâce à des équipes mobiles, afin de réserver strictement la mobilisation de médecins urgentistes aux situations qui le justifient médicalement.
J’insiste donc de nouveau sur l’utilité de la régulation ; je sais qu’elle est parfois vécue comme une difficulté, mais ce sont souvent les urgentistes eux-mêmes qui nous demandent qu’elle soit mise en place pour garantir l’accueil effectif de celles et ceux qui ont réellement besoin des services d’urgence.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, à mon sens, réguler, offrir des outils complémentaires, graduer les prises en charge, tout cela ne suffira pas à résoudre les problèmes, que ce soit à moyen ou à long terme. Je pense qu’il faut des solutions beaucoup plus pérennes.
remise en cause du parcours de soins coordonnés dans les territoires touchés par la désertification médicale
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 997, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Fabien Genet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention, ce matin, sur la pertinence du maintien du parcours de soins coordonnés dans les territoires sévèrement touchés par la désertification médicale.
Dans de nombreux territoires de notre pays comme de mon département de Saône-et-Loire, de très importantes difficultés persistent pour les Français qui sont à la recherche d’un médecin traitant. Je peux témoigner du désespoir qui étreint les patients et leurs familles lorsqu’un médecin prend sa retraite sans remplaçant et que 2 000 patients partent à la recherche d’un nouveau médecin traitant sur un territoire déjà particulièrement sous tension. Cette situation conduit par conséquent à une saturation, voire à une obstruction de l’hôpital public voisin.
Certes, dans de telles situations, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) prévoit bien une neutralisation des pénalités de remboursement pour les patients dont le médecin part à la retraite ou ferme son cabinet. Mais les jeunes, les nouveaux arrivants sur le territoire, ou encore ceux de nos concitoyens qui n’ont jamais eu de médecin traitant se retrouvent dans une situation extrêmement pénalisante, puisque les remboursements de leurs consultations médicales considérées comme « hors parcours de soins coordonnés » restent minorés de 30 %.
Dans ce contexte de désertification médicale, le système du parcours de soins s’apparente aujourd’hui plus à une double peine qu’à un gage de bonne organisation des soins.
Pour toutes ces raisons, au regard de l’extrême tension du système médical dans notre pays et de l’égalité de traitement entre patients que nous devons à nos concitoyens, je vous demande, madame la ministre, si le Gouvernement compte affronter rapidement la problématique du parcours de soins coordonnés en désert médical, de manière à offrir a minima aux patients qui ne disposent pas d’un médecin traitant le remboursement complet par la CPAM des frais médicaux engagés, dans l’hypothèse, toutefois, où ils trouvent un spécialiste à consulter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, cette question a déjà été posée. Plusieurs propositions de loi examinées ces derniers mois ont d’ailleurs permis d’avancer sur la question de l’accès direct, en matière de prise en charge, mais aussi de remboursement.
La loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, permet ainsi l’accès direct aux podologues et aux kinésithérapeutes, spécialités où, on le sait bien, la nécessité de passer par le parcours de soins coordonnés entraînait parfois une perte de chances pour les Français, quand bien même ce parcours répondait en général à des enjeux de santé publique et de graduation des soins. Après la loi Rist, je ne doute pas que d’autres initiatives, y compris sénatoriales, se feront jour sur ce sujet.
Ensuite, on fait face à un problème de fond, celui de la démographie médicale. C’est la raison pour laquelle on forme aujourd’hui beaucoup plus de professionnels de santé et, en particulier, de médecins généralistes, qu’auparavant. C’est ainsi que 10 000 nouveaux généralistes sont désormais formés chaque année ; ce rythme ira même peut-être en s’intensifiant d’ici à 2025. Cela doit permettre de corriger certains des phénomènes qui ont été décrits.
Par ailleurs, le Premier ministre a pris des engagements devant vous, notamment sur la libération du temps médical. Les assistants médicaux vont augmenter en nombre. Cela peut sembler minime à première vue, mais quand vous libérez 10 % du temps médical de nos médecins généralistes, ce sont en fin de compte 500 000 patients supplémentaires qui peuvent être reçus ! Cela a un effet très direct sur la capacité de nos médecins à faire entrer plus de patients dans le parcours de soins coordonnés, c’est même l’une des réponses essentielles au problème.
Enfin, après avoir levé partiellement le tabou de l’accès direct à certains professionnels de santé, le Gouvernement entend s’attaquer à un autre tabou, celui des rendez-vous non honorés, fléau qui sévit dans nombre de nos départements. Il convient de responsabiliser ceux qui prennent rendez-vous afin que ceux qui attendent de pouvoir avoir accès à un médecin ne soient pas pénalisés.