M. André Reichardt. Très bien !
M. Mickaël Vallet. Et inversement !
M. Marc-Philippe Daubresse. En commission, nous avons veillé, pour toute une série d’articles, à préciser les critères de dangerosité, afin de garantir leur conformité à la Constitution.
Nous avons circonscrit la rétention de sûreté aux seuls condamnés pour des crimes terroristes à des peines supérieures à quinze ans de prison.
Nous avons également réécrit l’infraction réprimant la détention de contenus d’apologie du terrorisme, qui ne peut être constituée qu’en présence de contenus particulièrement graves et à la condition que l’adhésion idéologique soit manifeste.
Enfin, nous avons pris en compte les nouveaux modes de diffusion de l’idéologie terroriste en intégrant la diffusion de contenus sur les réseaux privés de communication lorsque son ampleur permet de l’assimiler à de l’apologie publique.
Enfin, nous avons apporté plusieurs correctifs aux failles de la législation antiterroriste, notamment à propos du régime de changement de nom ou de l’information des autorités académiques compétentes en cas de radicalisation d’un élève.
Ce travail collectif nous a permis d’aboutir à un texte à la fois plus équilibré et plus complet. S’agissant de lutte antiterroriste, nous avons refusé toute concession, et nous avons pris en compte les libertés publiques, j’y insiste.
Monsieur le ministre, il appartient désormais au Gouvernement d’inscrire au plus vite – on l’espère ! – ce texte à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Il y va de la sécurité de tous. (M. Patrick Kanner tape du poing sur son pupitre pour signaler que l’orateur a dépassé son temps de parole.)
Ne nourrissons pas le regret de l’inaction. Compte tenu de l’intensité de la menace terroriste et de la nécessité de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, ce texte est indispensable. (M. Claude Raynal manifeste son impatience.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc-Philippe Daubresse. Je vous appelle à vous unir pour relever ce défi, mes chers collègues. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Le meilleur pour la fin ! (Exclamations.) Si je ne m’envoie pas de fleurs, qui le fera ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. C’est le ministre à la fin ! (Sourires.)
M. Stéphane Ravier. Oui, mais je suis le dernier des sénateurs à m’exprimer !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un symbole de plus de l’état d’affaiblissement de notre démocratie. Toutes ses dispositions pour lutter contre le terrorisme sont des demi-mesures, calibrées pour passer les fourches caudines des juges du Conseil constitutionnel ; les mêmes qui ont déjà censuré une loi similaire au mois d’août 2020 !
Dans de telles conditions, la démocratie représentative est bâillonnée, tandis que la menace terroriste prospère.
Comment s’en étonner alors que certains refusent encore de nommer le mal, à savoir l’islamisme ?
L’islamisme endogène, cité dans le rapport législatif de cette proposition de loi, n’est que la conséquence de l’islamisme importé par quarante ans d’immigration massive.
Selon l’Institut français d’opinion publique (Ifop), aujourd’hui, en France, 37 % des musulmans ont de la sympathie pour les Frères musulmans, qui sont pourtant considérés comme une organisation terroriste par de nombreux pays. L’attaque du 7 octobre dernier est considérée comme un acte de résistance par 54 % des jeunes musulmans. Près de 31 % des élèves musulmans ne condamnent pas tout à fait l’assassinat du professeur Dominique Bernard.
Voilà la réalité de votre fumeux vivre-ensemble ! Ne pas la voir, faire preuve de naïveté, c’est se condamner à la subir plus douloureusement chaque jour.
Ce texte m’apparaît donc comme un arsenal de soins palliatifs pour traiter les échecs du ministre de l’intérieur, qui refuse de traiter les flux migratoires en amont et semble incapable de faire exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF) et les expulsions en aval.
Par ce texte, vous ne faites que tenter de contenir les conséquences de choix politiques.
En plus du rapatriement de djihadistes issus des rangs de l’État islamique, depuis 2018, 486 détenus pour actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste sont sortis des prisons françaises. Près de 400 d’entre eux sont encore incarcérés et 462 détenus de droit commun sont notifiés comme radicalisés : autant de bombes à retardement. Il faut donc assécher – et de toute urgence ! – l’immense réservoir de candidats potentiels au djihad.
Pourtant, quand je lis que le juge constitutionnel exige une « nécessaire proportionnalité des mesures entre menace et restriction de libertés », dois-je rappeler à celui-ci que l’application du principe de précaution durant le covid-19 a entraîné l’enfermement de 66 millions de Français ?
Et nous n’aurions le droit ni d’imaginer des mesures de restriction de liberté pour 1 000 à 1 500 détenus radicalisés sortis de prison ou en voie d’en sortir dans les prochaines années ni même d’entraver 5 300 fichés S qui menacent la sécurité de nos compatriotes ? Combien faudra-t-il d’enfants poignardés, de prêtres et de professeurs décapités, de jeunes, de policiers, de juifs « rafalés », pour que les juges daignent nous laisser protéger le peuple français ? (Marques d’indignation sur les travées du groupe SER.)
Au cours du procès des attentats islamistes de Trèbes et de Carcassonne, Nicolle, la mère d’Arnaud Beltrame, a rapporté que son fils faisait passer la patrie avant tout. Elle a indiqué en avoir « marre de ce laxisme » et a jugé qu’il fallait « se bouge[r] ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mettons fin au laxisme et bougeons-nous ! Soyons à la hauteur de ce héros qui a combattu les armes à la main pour que vive la France, une France française, forte et fière !
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 235 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDPI.)
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat, le président de la commission des lois, ainsi que le rapporteur Marc-Philippe Daubresse de ce texte important. Si le Gouvernement n’est pas favorable à absolument toutes les mesures, je suis certain que nous pouvons trouver un terrain d’entente, notamment pour ce qui concerne les réécritures qui ont été évoquées au cours de l’examen de ce texte avec M. le garde des sceaux, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, et qui ont été citées dans le discours de politique générale du Premier ministre.
Comme le président de la commission des lois et le rapporteur, je forme le vœu que ce texte soit le véhicule de dispositions qui pourront aider les services du ministère de l’intérieur, notamment en prévision des grands événements olympiques et dans le cadre de la cérémonie d’ouverture qui est dans toutes les têtes.
Comme il l’a été lors des débats sur de précédents textes, mon bureau est évidemment ouvert. Il l’est pour vous, monsieur le président de la commission des lois, comme pour le rapporteur et les groupes politiques, afin que nous puissions trouver – je l’espère en tout cas pour la partie de ce texte qui relève de mon ministère – les meilleurs moyens d’y parvenir le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande le retrait de l’ordre du jour du mardi 6 février de l’examen de la proposition de loi relative au contentieux du stationnement payant.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, la réunion de la commission des lois, prévue demain, mercredi 31 janvier, à quatorze heures, pour l’examen du rapport et du texte, est annulée.
5
Société du bien-vieillir en France
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (proposition n° 147, texte de la commission n° 253 rectifié, rapport n° 252, avis n° 240).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, bien vieillir est une préoccupation majeure pour l’ensemble de nos concitoyens. C’est aussi une priorité absolue pour le Gouvernement, une priorité qui se trouve au cœur des enjeux du ministère que j’ai l’honneur de diriger.
C’est en effet un enjeu de santé, mais également un enjeu de solidarité avec nos aînés, celles et ceux qui nous ont permis de devenir qui nous sommes. C’est un enjeu pour chacune des personnes devant affronter le défi de la perte d’autonomie.
Alors que, d’ici à 2030, notre pays pourrait compter plus de 4 millions de personnes en situation de perte d’autonomie, c’est l’ensemble de la société qui doit s’emparer du défi du vieillissement.
Je suis convaincue que nous mesurons la bonne santé d’une société à la manière dont elle traite et considère ses aînés.
Je conçois mon ministère comme celui du pouvoir de vivre. Au travers de nos politiques de santé, du médico-social et des solidarités, je veux offrir à chacune et à chacun les conditions d’une vie juste, meilleure et simplifiée, du premier au dernier souffle, du premier au dernier jour.
Depuis 2017, nous avons collectivement obtenu des avancées, telles que la création de la tant attendue cinquième branche de la sécurité sociale. Des mesures ont encore été prises ces derniers mois en matière de lutte contre l’isolement ou contre la maltraitance en établissement.
Je tiens tout particulièrement à saluer ces avancées, ainsi que votre travail, mesdames, monsieur les rapporteurs, car grâce à celui-ci, les dispositions prévues par cette proposition de loi Bien-vieillir nous permettront également de progresser.
Je pense notamment à la généralisation progressive du service public départemental de l’autonomie (SPDA). J’ai évoqué ce matin encore avec François Sauvadet, président de Départements de France, la place importante que doivent occuper les départements au regard de ces enjeux.
Je pense aux mesures visant à lutter contre l’isolement social ou encore au repérage précoce des fragilités dont nous avons parlé lors de mon audition par la commission des affaires sociales la semaine dernière.
Je pense aussi aux mesures visant à lutter contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité et, bien évidemment, à l’absolue nécessité de garantir leurs droits fondamentaux.
Je pense enfin aux mesures visant à garantir l’accès à des conditions d’habitat et à des prestations de qualité grâce à des professionnels qui soient à la fois accompagnés et soutenus dans leurs pratiques, notamment avec des mesures en matière d’aide à domicile, mais aussi pour les établissements.
Je tiens à souligner les progrès que permettra l’adoption de plusieurs amendements gouvernementaux que vous examinerez au cours de la discussion des articles, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je citerai les mesures de moralisation supplémentaires permises par la consolidation du champ des contrôles sur les pratiques des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des services d’aide à domicile privés. Mesdames, monsieur les rapporteurs, je tiens à saluer les nombreux échanges que mon cabinet, mais aussi, à l’échelon interministériel, celui du ministère de la justice, ont eus avec vos équipes tout au long de la semaine à ce sujet.
Nous vous proposerons également de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des employés des établissements en lien avec des publics vulnérables.
Je citerai enfin le lancement d’une expérimentation de deux ans sur la tarification forfaitaire des services autonomie à domicile (SAD), en lieu et place de la tarification horaire actuelle, qui permettra de mieux tenir compte de la particularité des publics pris en charge et des coûts de l’éloignement géographique, enjeu majeur dans nos territoires.
Au-delà de cette proposition de loi, comme je l’ai souligné devant la commission des affaires sociales, je veux prendre rendez-vous avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour une concertation approfondie sur les leviers de financement de la perte d’autonomie que nous devons envisager et les enjeux de gouvernance qui s’attachent à ce chantier, notamment pour ce qui concerne les relations avec les départements et l’organisation de notre pays.
Le virage domiciliaire suppose en effet une démarche structurelle. J’aurai à cœur de travailler avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre à la volonté exprimée par plus de 90 % de nos concitoyens de vieillir à domicile. Nous devons aborder ce virage domiciliaire avec détermination, en mesurant bien l’ensemble des conséquences qu’il emporte et des prérequis qui le rendront possible.
Nous nous devons d’apporter des réponses à la hauteur de l’engagement admirable des proches aidants et des nombreuses difficultés qu’ils rencontrent au quotidien.
J’aurai particulièrement à cœur d’œuvrer en faveur des professionnels du grand âge, dans les Ehpad comme dans les services à domicile, dans chacun de nos bassins de vie. Tous ces professionnels ont un point commun : ils ont fait le choix de l’humain. Je serai toujours à leurs côtés pour qu’ils obtiennent la reconnaissance et les conditions de travail qu’ils méritent.
Le Gouvernement souhaite d’ailleurs voir aboutir très rapidement les négociations de la toute nouvelle convention collective nationale unique pour les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Telle est la réponse que nous nous devons d’apporter au grand défi que constitue l’amélioration de l’attractivité des métiers. Quelque 50 000 personnes doivent être recrutées dans nos Ehpad et nos services d’aide et d’accompagnement à domicile d’ici à 2030, c’est-à-dire en six ans.
Je prendrai des initiatives – j’ai déjà commencé à le faire – pour travailler sur ce sujet et obtenir des accords de méthode sur les négociations en cours. L’enjeu est absolument majeur. Nous devons trouver les réponses ensemble.
Un coup d’accélérateur doit également être donné à l’adaptation des logements. Il y a souvent loin entre le souhait de vieillir à domicile et le fait de disposer d’un domicile adapté. Nous devons aider nos concitoyens pour rendre cette volonté possible.
Conformément aux engagements du Président de la République, 680 000 logements seront adaptés au vieillissement et au handicap dans les dix prochaines années, notamment 250 000 d’ici à la fin du quinquennat.
Le déploiement de MaPrimeAdapt’ facilitera la mise en place d’une large gamme de travaux, dont l’installation de monte-escaliers, l’aménagement de salles de bains ou de cuisines et la mise en place de dispositifs de détection de mouvements pour l’éclairage. Le Gouvernement aura à inspirer du dispositif du tiers de confiance existant pour MaPrimeRénov’ et à l’adapter.
Le Premier ministre a fait différentes annonces relatives au logement cet après-midi. Les dispositifs MaPrimeRénov’ et MaPrimeAdapt’ proposent incontestablement des outils qui doivent être mis à la disposition de nos aînés.
Je tiens également à restaurer la confiance des Français dans leurs Ehpad, à rendre nos établissements plus humanisés, plus modernes et, surtout, plus ouverts vers l’extérieur.
Je tiens à redire dans cet hémicycle ce que j’ai eu l’occasion d’indiquer devant la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs : les leçons de la période du covid-19 doivent être tirées. Au nom des familles, je vous remercie des dispositions que vous avez prévues dans ce texte.
Les financements du Ségur doivent également produire des effets concrets sur ces différents éléments. J’en suivrai notamment de très près le plan d’action et je veillerai à ce que les éléments bloquants soient levés de manière à assurer que ces crédits deviennent réalité.
Telles sont, résumées en quelques minutes, mes orientations prioritaires sur les enjeux du vieillissement. Connaissant votre responsabilité, votre engagement et même votre détermination sur ces questions, j’aurai plaisir à y travailler avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. En tant que fille, en tant qu’élue locale et en tant que femme de terrain, je suis particulièrement attachée à ce dialogue qui doit toujours être guidé par notre volonté de préserver l’humain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les enjeux liés au vieillissement de la population sous l’effet de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’avancée en âge des générations nombreuses du baby-boom sont considérables, de même que les besoins d’inclusion encore non pourvus de nos concitoyens en situation de handicap.
Dans ce contexte, cette proposition de loi, qui prétend bâtir la société du bien-vieillir en France, a connu un cheminement chaotique. Au cours de son examen par l’Assemblée nationale, qui ne s’est achevé que le 23 novembre dernier, alors que la procédure accélérée a été engagée le 11 avril 2023, le texte est passé de 14 à 65 articles.
En réalité, le contenu de ces articles est d’une portée et d’une pertinence très inégales et globalement limitées, la proposition de loi constituant davantage un catalogue de mesures qu’une véritable réforme des politiques de soutien à l’autonomie.
La commission des affaires sociales a abordé ce texte hypertrophié avec la volonté de le recentrer sur son contenu utile, ce qui l’a conduite à supprimer ou à réécrire de nombreux articles.
En matière de gouvernance et de pilotage, la commission a supprimé, à l’article 1er, les dispositions prévoyant la création d’une conférence nationale de l’autonomie, considérant qu’une telle instance serait redondante et ne répondrait pas à un besoin réel.
À l’article 1er bis G, elle a recentré la mission nationale d’accompagnement, de conseil et d’audit confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en supprimant l’extension de son rôle d’évaluation aux services départementaux au nom des principes de décentralisation.
La commission a en revanche approuvé la création, à l’article 1er bis A, du service public départemental de l’autonomie, ou SPDA, dans un double objectif de décloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales et de rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
S’il ne supprime aucun dispositif ou guichet unique existant – il ajoute au contraire une couche supplémentaire de coordination –, le dispositif proposé présente l’avantage de la souplesse et de l’adaptabilité aux réalités locales. En effet, la réponse aux objectifs du SPDA pourra varier selon les territoires.
Nous considérons que la logique de parcours doit être un pilier du SPDA, lequel doit s’inscrire dans la perspective du virage domiciliaire et favoriser un continuum des modes d’accompagnement et de soins.
Afin de renforcer l’inscription territoriale du SPDA, la commission a adopté un amendement ouvrant la possibilité de définir des « territoires de l’autonomie » à l’échelon infradépartemental et de mettre en place la conférence territoriale de l’autonomie (CTA) à cette échelle.
Le texte apporte également quelques avancées en matière d’organisation de l’offre médico-sociale.
Ainsi l’article 1er bis F vise-t-il à remédier à l’insuffisante coopération entre les ESMS et à l’atomisation du parc d’Ehpad publics en contraignant les établissements et services publics pour personnes âgées à se regrouper.
En matière de prévention de la perte d’autonomie, la généralisation du programme Icope (Integrated Care for Older People, ou soins intégrés pour les personnes âgées), proposée à l’article 2 bis A, constitue à nos yeux une avancée. La commission a souhaité clarifier son articulation avec le dispositif des rendez-vous de prévention, en précisant que les consultations qui seront bientôt proposées aux 60-65 ans et aux 70-75 ans contribueront à ce programme.
La commission a également adopté l’article 2, qui étend l’utilisation des registres canicule tenus par les maires afin de lutter contre l’isolement social et enrichit ces registres de données concernant les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
En matière de contrôle et d’évaluation des établissements, nous avons approuvé l’article 12, qui sécurise la procédure d’évaluation de la qualité des ESMS. Pour assurer l’effectivité de cette obligation, essentielle pour assurer la qualité de la prise en charge des résidents, il convient dorénavant d’allouer les moyens suffisants pour réaliser l’évaluation de près de 40 000 ESMS tous les cinq ans.
Pour ce qui est du contrôle, les obligations et les sanctions ont été largement renforcées à la suite de l’affaire Orpea. Il nous a donc semblé que ce cadre déjà très robuste ne devait être complété qu’à la marge.
Nous avons ainsi modifié l’article 12 quater de sorte que les autorités de tutelle soient informées des changements dans les modalités de contrôle d’un ESMS. Il nous semble toutefois que, là encore, il convient surtout d’appliquer la loi déjà en vigueur et d’assurer par des moyens suffisants le contrôle régulier et pérenne de l’ensemble des établissements du champ social et médico-social.
En ce qui concerne le volet du texte relatif aux conditions d’accueil et de prise en charge des résidents en Ehpad, nous n’avons retenu que les dispositions qui apportaient effectivement une amélioration pour les résidents. Aussi avons-nous supprimé l’article 11 bis D, qui prévoyait d’imposer aux Ehpad privés à but lucratif de réserver jusqu’à 10 % de leurs bénéfices au financement d’actions en faveur des résidents, sans qu’aucun élément permette d’indiquer qu’en la matière ces Ehpad investissent moins que d’autres.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Sol, rapporteur. Nous avons également été soucieux de préciser la portée de l’article 11 bis E, afin de concilier l’accueil des animaux domestiques des résidents d’Ehpad avec les contraintes propres aux établissements et à leurs personnels.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à adopter le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné le titre II de la proposition de loi, intitulé « Promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux », avec le même souci, exprimé par le rapporteur Jean Sol, de recentrer le texte sur les dispositifs véritablement utiles pour les personnes âgées ou en situation de handicap.
Elle a ainsi reconnu un droit de visite dans les ESMS et les établissements de santé en introduisant les dispositions de la proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements, déposée par Bruno Retailleau, apportant par là même une meilleure garantie au résident ou au patient quant à son droit d’accueillir dans les murs de l’établissement tout visiteur qu’il consent à recevoir.
L’article 4 du texte que nous examinons aujourd’hui prévoit ainsi que « toute personne ayant connaissance de faits constitutifs d’une maltraitance […] envers une personne majeure en situation de vulnérabilité du fait de son âge ou de son handicap » doit signaler cette situation à une instance.
La commission a souhaité que cette instance ne soit pas placée auprès de l’agence régionale de santé (ARS) et prenne la forme d’une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance, sous l’autorité conjointe du président du conseil départemental et de l’ARS. Cette cellule regroupera également les centres départementaux Alma de recueil des cas de maltraitance envers des personnes majeures vulnérables, notamment grâce au numéro 3977. Une telle organisation permettra un traitement plus efficace et mieux coordonné des signalements de maltraitance.
L’article 5 bis A étend l’interdiction d’exercer une activité à domicile d’assistance de majeurs vulnérables ou de garde d’enfants en cas d’antécédents judiciaires. Il permet également la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) pour les personnes majeures vulnérables, ce qui permettra de rendre applicables les interdictions prévues par la loi.
Cet article confère une base légale à un système d’information qui permettra l’application efficace de la loi. La commission a soutenu ces dispositions en clarifiant leur rédaction.
Elle a par ailleurs supprimé l’article 3 bis A, qui consacrait dans un dispositif qui n’était pas opérant le droit à une vie affective et sexuelle pour les usagers des établissements médico-sociaux. Cet article a toutefois le mérite de mettre en lumière le sujet, encore largement tabou, de la vie affective et sexuelle des personnes âgées hébergées.
De réelles et nombreuses difficultés se font jour dans les établissements. Comment s’assurer du respect de la vie sexuelle et affective des personnes accueillies dans des situations de vie collective, de séparation avec le conjoint, d’incapacité physique ou de troubles psychiques des résidents ?
La Haute Autorité de santé (HAS) doit publier prochainement un guide de recommandations à l’usage des professionnels des établissements.
La commission a par ailleurs adopté les articles de la proposition de loi qui tentent d’apporter des réponses, certes partielles, à la crise que traverse le secteur du domicile.
Elle a ainsi approuvé la création, à l’article 6, d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile, même si cette forme de reconnaissance aurait essentiellement une portée symbolique. La majorité de ces professionnels ne disposant d’aucun titre ou diplôme, la commission a prévu d’en ouvrir le bénéfice aux personnes justifiant de deux années d’exercice professionnel.
Les déplacements d’un lieu d’intervention à un autre et les frais qu’ils occasionnent représentant une contrainte majeure des métiers de l’aide à domicile, l’article 7 crée une nouvelle aide financière de la CNSA aux départements, afin de soutenir la mobilité des professionnels.
Compte tenu des contraintes de mobilité, qui imposent l’usage d’une voiture personnelle dans certaines zones, la nécessité d’être détenteur du permis de conduire peut souvent constituer un obstacle au recrutement des professionnels. La commission a donc proposé que puissent être prises en compte, au titre de cette aide de la CNSA, les actions des départements visant à aider les professionnels intervenant à domicile à obtenir le permis.
En matière de financement des Ehpad, la commission a approuvé la suppression de l’obligation alimentaire des petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement. Elle a également adopté l’article 11, qui prévoit la prise en charge d’actions de prévention de la perte d’autonomie par la dotation soins.
Pour ce qui concerne le volet du texte relatif à la protection juridique des majeurs, la commission des affaires sociales a choisi, en accord avec la commission des lois, de ne retenir que les dispositions apportant une réponse aux difficultés rencontrées par les personnes protégées et les professionnels du secteur. En effet, si une réforme est nécessaire et attendue, elle ne doit pas être réalisée dans ces conditions.
Nous avons ainsi modifié l’article 5, qui propose de préciser les missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), en renvoyant au code civil pour ce qui est du respect de l’autonomie des majeurs protégés.
Pour terminer, huit articles du texte transmis portaient diverses mesures relatives à l’habitat inclusif et aux résidences autonomie.
Je ne mentionnerai que l’article 13 bis B, qui supprimait les plafonds de personnes âgées dépendantes ainsi que de personnes en situation de handicap, d’étudiants et de jeunes travailleurs applicables aux résidences autonomie.
C’est dans le souci d’assurer la sécurité des résidents que nous avons réécrit cet article, pour substituer l’assouplissement de ces plafonds à leur suppression pure et simple. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)