Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui compte pour les Français, c’est l’augmentation de 9 % des tarifs de l’électricité au 1er février 2024,…
M. Rachid Temal. Voilà !
M. Christian Bilhac. … après la hausse de 10 % en août dernier et ce alors qu’ils n’entrevoient pas la fin de l’inflation. Peut-être nos débats leur semblent-ils futiles, mais c’est EDF qui assure l’indépendance énergétique de la France.
Après avoir débattu du fonctionnement du marché de l’électricité la semaine dernière, sans que cela nous ait permis d’avoir des perspectives plus claires, la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement nous est aujourd’hui soumise en deuxième lecture.
La liste explicite d’activités appartenant à EDF, inscrite dans la loi, se heurte à la position de la commission, laquelle invoque la non-conformité du texte au droit de la concurrence de l’Union européenne.
Ces controverses juridiques n’ont plus lieu d’être, car l’article 1er du texte initial n’a pas été conservé. Ce dernier prévoyait de nationaliser EDF plutôt que de conserver le statut de société anonyme de l’entreprise, nonobstant son caractère d’intérêt national.
Depuis un an, les intentions de l’exécutif sur l’avenir d’EDF ne sont pas plus claires, malgré l’abandon du projet Hercule. Mais nous devons rester vigilants. Il ne faudrait pas que le pauvre Hercule, abandonné sur le bord de la route, soit recueilli demain par un gouvernement compatissant.
Le texte, examiné en deuxième lecture au Sénat, a de nouveau été largement modifié par la commission des finances.
La vente par appartement, si je puis dire, des branches les plus rentables du premier opérateur européen d’électricité n’est pas totalement exclue à mon sens. Selon la formule consacrée, il ne faudrait pas socialiser les pertes et privatiser les profits.
Cela étant dit, la mise en place d’une convention décennale renouvelable entre EDF et l’État va dans le bon sens. Elle devrait améliorer la transparence sur la gestion de l’entreprise publique.
La demande d’électricité va continuer d’augmenter, sous l’effet du développement d’activités très énergivores, qu’elles soient liées au secteur numérique, avec sa cohorte de serveurs informatiques, ou qu’elles résultent du choix du tout électrique pour les véhicules automobiles et pour le chauffage.
Dans un contexte marqué par des crises internationales, l’État doit garder la maîtrise des infrastructures stratégiques sensibles de production, de transport et de distribution d’électricité, afin de garantir l’indépendance énergétique du pays, ainsi que la sécurité et la sûreté des centrales nucléaires, qu’il ne faut pas oublier.
L’interaction entre les métiers de la filière doit aussi être garantie par la puissance publique, notamment pour assurer la coordination entre la gestion des barrages hydroélectriques et le refroidissement des centrales nucléaires, en lien avec les énergies renouvelables. Nous avons eu des problèmes.
Il faut avoir à l’esprit que lorsque les rivières sont au plus bas, la production photovoltaïque est au plus haut.
La version finale de la proposition de loi risque de se limiter à régler certains sujets moins stratégiques, comme la part de l’actionnariat salarié, malgré les déconvenues subies par les petits actionnaires depuis l’ouverture du capital.
Mon groupe se contentera de proposer quelques amendements, puisque la règle de l’entonnoir interdit de revenir sur les dispositions supprimées en première lecture.
Concernant l’accès aux tarifs réglementés, le groupe du RDSE proposera le rétablissement de mesures en faveur des très petites entreprises et des collectivités.
En première lecture, le groupe du RDSE avait majoritairement voté contre le texte issu des travaux du Sénat. Pour cette deuxième lecture, nous nous positionnerons en fonction du sort qui sera réservé aux différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-François Husson. Ça progresse ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une navette parlementaire aussi électrique que longue, nous voilà de nouveau réunis pour examiner cette proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.
Fondé en 1946, EDF est en réalité bien plus qu’un simple groupe. Il s’agit d’un véritable fleuron de notre économie, d’un maillon essentiel de la mise en œuvre de la politique énergétique de la France, notamment de la relance du nucléaire engagée par le Président de la République et votée par le Parlement en 2023.
Vu les difficultés financières du groupe et la situation inquiétante de la disponibilité du parc nucléaire, l’État a pris une décision historique pour protéger l’entreprise tricolore : nationaliser de nouveau EDF.
Monsieur le ministre, le 23 mai 2023, vous avez annoncé la finalisation de ce processus, marquée par la prise de contrôle, le 8 juin, de 100 % du capital du groupe par l’État, une opération dont le coût total avoisine les 9,7 milliards d’euros.
Depuis le 8 juin 2023, l’État est donc redevenu le seul actionnaire du producteur d’électricité EDF.
Mes chers collègues, nous sommes toutes et tous inquiets de l’avenir de ce groupe, mais le Gouvernement a pris des engagements à de nombreuses reprises et vous l’avez fait une nouvelle fois aujourd’hui, monsieur le ministre : l’État préservera le groupe EDF. Nous sommes donc à des années-lumière d’un hypothétique démantèlement.
Dès lors, pourquoi devrions-nous voter cette proposition de loi ? Le ferions-nous pour adopter un texte vidé de sa substance, juridiquement bancal, et sûrement coûteux pour nos finances publiques ?
Mes chers collègues, vous l’avez compris, notre groupe votera contre ce texte, …
M. Jean-François Husson. Dommage !
M. Didier Rambaud. … tout d’abord parce que cette proposition de loi avait initialement pour objet de nationaliser EDF ; or c’est chose faite, comme nous l’avons rappelé ; ensuite, parce que ce texte introduit un dispositif coûteux pour nos finances publiques.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Le Gouvernement est d’accord, il l’a dit à plusieurs reprises !
M. Didier Rambaud. Nous sommes bien sûr tous favorables à l’extension des bénéficies liés aux tarifs réglementés de vente de l’électricité, mais quel serait le coût d’une telle mesure ?
M. Jean-François Husson. Près de 7 milliards d’euros d’économies !
M. Didier Rambaud. Nous sommes ici au Sénat très vigilants sur l’évolution des finances publiques.
D’ailleurs, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, M. le rapporteur général a lui-même interrogé M. Le Maire à ce sujet, en lui faisant même un peu la leçon !
Par ailleurs, il faut admettre que la version finale de ce texte est défigurée au regard de sa première version : sur les quatre articles initiaux, trois ont été supprimés. Deux nouveaux ont été ajoutés.
En cohérence avec notre position en première lecture, notre groupe votera donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà en train d’examiner un texte puissant, si j’ose dire, bientôt arrivé – en un temps record – au terme de la navette parlementaire.
Manifestement, le contexte a évolué depuis la première lecture, en avril dernier, à la suite de la finalisation de l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF, de l’accord européen pour réformer le marché communautaire de l’électricité, de la constitution de la commission d’enquête, présidée par Franck Montaugé, portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.
Pour autant, notre détermination à protéger EDF de tout démantèlement et à préserver le pouvoir d’achat des Français reste strictement la même, en dépit des engagements pris par M. le ministre.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a tenu à inscrire de nouveau à l’ordre du jour du Sénat le texte proposé par notre collègue député Philippe Brun.
Sanctuariser le fleuron EDF, reprendre le contrôle de notre souveraineté énergétique et protéger les Français face à la précarité énergétique qui les accable, tous ces enjeux d’intérêt supérieur commandent aux parlementaires de dialoguer et de s’entendre, si j’ose dire, pour que le texte aboutisse.
À l’issue de la navette parlementaire, j’ose espérer que nous parviendrons, avec sagesse, à un compromis.
Même si je ne peux avaliser l’ensemble des modifications apportées par notre rapporteure en commission des finances, je tiens tout de même à saluer le précieux travail légistique qu’elle a mené. À mon sens, celui-ci est toutefois trop prudent, trop précautionneux s’agissant de l’interprétation du droit européen et des obligations du droit communautaire.
Fidèles à la position qui a été la leur en première lecture, et en parfaite congruence avec la volonté exprimée par nos collègues députés, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendront plusieurs amendements afin de tenter d’améliorer encore cette proposition de loi.
Nous défendrons, tout d’abord, un retour des actionnaires salariés d’EDF et, ensuite, l’incessibilité d’Enedis et de RTE – contrairement à ce que j’ai pu entendre, tout risque n’est pas écarté. En outre, nous proposerons l’extension du périmètre de l’éligibilité aux TRVE.
Nous le savons tous ici : la discussion entamée l’an dernier ne nous permettra jamais de trancher le débat idéologique et philosophique qui peut nous opposer. Cela étant, cette proposition de loi nous offre l’occasion rare de retrouver l’esprit qui, un temps, nous a rassemblés autour de choix stratégiques pour la souveraineté et l’indépendance de notre pays, pour faire d’EDF le moteur de notre résistance.
Mes chers collègues, je suis de nature optimiste et je nous crois capables de faire émerger des convergences pour nous accorder sur l’essentiel : la sauvegarde de notre service public collectif de l’énergie et l’impérieuse nécessité de protéger nos concitoyens face à la flambée des prix de l’électricité.
Nous aviserons selon la tournure que prendra ce débat : si l’équilibre est atteint, nous voterons ce texte. Je crois en notre sagesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe EDF est l’un des fleurons de l’économie française et cette proposition de loi démontre plus que jamais son importance pour notre pays.
À sa création, Électricité de France répondait au besoin d’une production massive et centralisée d’électricité afin d’alimenter un pays exsangue, qui sortait à peine de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, le groupe a activement participé à toutes les transformations de la France et a largement contribué à son redressement.
Néanmoins, les temps ont changé. EDF est désormais un acteur mondial, le deuxième plus gros fournisseur d’électricité au monde et le premier en Europe. Fondée sur la capacité de production énergétique de notre parc nucléaire, sa puissance économique n’est plus à prouver. Nos exportations d’électricité ont d’ailleurs battu un nouveau record en 2023.
L’intérêt national que représente cette entreprise est donc plus que jamais caractérisé. L’État l’a récemment confirmé en engageant une offre publique d’achat simplifiée, qui a abouti à la détention de 100 % du capital d’EDF par l’État.
Or, en seconde lecture, nos collègues députés ont décidé de rigidifier le cadre d’action du groupe EDF : il s’agit à mes yeux d’une erreur. Plus que jamais, l’entreprise doit conserver une marge de manœuvre à l’égard du marché, pour y saisir les occasions qui s’y présentent, et se départir des filiales les moins rentables. Elle doit, en toute circonstance, pouvoir continuer à remplir sa mission de service public : fournir à tous une électricité bon marché et décarbonée.
Afin de prévenir certaines dérives, Mme le rapporteur, Christine Lavarde, propose néanmoins par le biais d’un amendement de fixer une limite : Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité par EDF, ne pourra en aucun cas être cédé. Conformément au préambule de 1946, dont cette proposition de loi est conforme à l’esprit, Enedis demeurera, de fait, propriété de la collectivité.
Ainsi bâti, ce texte redonne une forte dimension symbolique à EDF et reste fidèle à son histoire, tout en préservant les marges de manœuvre nécessaires à son développement et à son évolution.
Toutefois, cette proposition de loi ne saurait être seulement symbolique. La commission des finances du Sénat n’a pas oublié ceux qui sont les premiers à souffrir de l’augmentation des tarifs de l’électricité : les TPE et les petites communes.
Dans mon département de la Moselle, je ne compte plus les communes qui ont subi l’augmentation incontrôlée des prix de l’électricité, lesquels ont bondi de 50 %, 60 %, voire 80 % dans certains cas. Nos TPE sont placées dans une situation comparable.
Dans un territoire majoritairement rural comme le mien, les boulangers et les petits restaurateurs jouent un rôle essentiel. Principaux vecteurs du lien social, ils assurent parfois à eux seuls la survie d’un territoire déjà dépouillé de services publics et de commerces de proximité.
Pourtant, bien souvent, la consommation électrique de ces entreprises est particulièrement élevée, à cause des contraintes inhérentes à leur activité. Or, jusqu’à présent, les tarifs réglementés de vente d’électricité ne bénéficient qu’aux TPE et petites communes disposant d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.
Le texte que le Sénat propose aujourd’hui étend le bénéfice des tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des TPE et des petites communes, sans considération de puissance. Cette extension, qui pourrait être effective dès le 1er février 2025, est sans aucun doute la disposition dont l’effet est le plus fort et le plus direct pour les Français.
Loin d’être inédite, une telle solution a été proposée dès l’automne 2022 par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : il est regrettable que les TPE et les communes durement touchées par l’inflation n’aient pu bénéficier d’une telle mesure plus tôt, faute d’action gouvernementale en ce sens.
Aujourd’hui, les élus du groupe Les Républicains du Sénat prennent leurs responsabilités en se prononçant pour ce texte, qui, s’il ne révolutionne pas le marché de l’électricité en France, permettra au moins de préserver nos TPE et nos petites communes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue député Philippe Brun ne manquait pas de mérite et constituait un acte de contrition qu’il faut saluer.
En effet, nous devons aux gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays l’effondrement de notre système énergétique. Auparavant, EDF, monopole national sous strict contrôle public, assurait aux ménages et aux entreprises l’accès à une énergie abondante et bon marché. Grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité, symboles de l’État stratège et du génie français, notre pays disposait de l’énergie la plus décarbonée d’Europe. Cette situation offrait à notre pays un avantage compétitif déterminant face à ses concurrents, particulièrement face à l’Allemagne.
En 1996 a été voté le principe de l’ouverture du marché de l’électricité. Cette ouverture insensée d’un monopole naturel à la concurrence allait être poursuivie et confirmée. Et la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome) de 2010 a enfoncé les derniers clous sur le cercueil de notre système énergétique souverain.
Loin de pousser l’investissement dans d’autres énergies renouvelables ou de soutenir le pouvoir d’achat de nos compatriotes, ces réformes ont enrichi des traders de l’énergie et endetté EDF, mettant à mal la stabilité de notre système électronucléaire tout en aggravant la facture énergétique des ménages et des entreprises.
La proposition de loi de notre collègue député était sans doute incomplète ; les chambres se seraient grandies de l’enrichir, de l’améliorer davantage, car son principe était le bon.
Le texte issu des travaux de notre commission des finances nous inspire quelques regrets : il supprime la mention explicite de la nationalisation d’EDF, qu’il ne protège pas assez, à notre sens, d’un saucissonnage futur, qui était d’ailleurs prévu par le projet Hercule du Gouvernement.
Certes, le présent texte conserve le principe d’une propriété publique complète du groupe EDF ; certes, il permet d’étendre les tarifs régulés à de nouvelles entreprises et collectivités territoriales ; mais ni les directives bruxelloises sur le marché de l’énergie ni cette proposition de loi ne suffiront à assurer à la France un renouveau énergétique.
Un tel effort repose sur notre capacité de production, donc sur le nucléaire, plus que jamais nécessaire pour relever les défis de l’avenir et protéger le pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Enfin, ce texte laisse au seul pouvoir réglementaire le soin de fixer la participation des salariés au capital de l’entreprise : on ne peut que regretter que les héritiers du gaullisme ne défendent plus le principe de la participation.
Mes chers collègues, notre assemblée s’apprête à adopter des amendements solides pour garantir une part déterminante, et non pas symbolique, des salariés dans le capital de l’entreprise.
Face à la crise du pouvoir de vivre que nous traversons, garantir un réel partage de la valeur et une implication de ceux qui font vivre nos secteurs industriels est un impératif, dont nous devrons assurer le respect au cours des débats à venir.
Nous voterons ce texte par pragmatisme. Les sénateurs issus du Rassemblement national défendront toujours le principe d’une énergie souveraine et durable, base, comme le disait le général de Gaulle, « d’un développement industriel nouveau et par conséquent du progrès ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », disait le général de Gaulle : cela peut paraître décevant, mais c’est fatidique. Le législateur doit agir sur le réel, c’est-à-dire sur ce qui existe déjà. Telle est notre condition. L’oublier, c’est faire preuve de vanité. L’ignorer, c’est verser dans l’hubris.
Une chose est certaine : les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture n’ont pas cédé à ces tentations, bien au contraire. Ils font preuve d’une grande humilité en se donnant pour projet d’écrire, et même de décrire, dans la loi ce qui existe déjà. (Mme le rapporteur acquiesce.)
En effet, l’essentiel du texte tient à son article 2, qui prévoit que le capital social d’EDF est détenu à 100 % par l’État. Il y a quelques mois, la puissance publique en détenait déjà 84 %, bien au-delà du seuil de 70 % prévu par la loi. L’État possédait déjà plus de capital que ce à quoi il était tenu. Il en détient désormais la totalité et la loi viendrait, par la suite, l’y obliger : dont acte. Mais restons modestes : il est toujours plus facile de modifier la loi que de construire un réacteur nucléaire. L’industrie ne se paie pas de mots.
À titre personnel, je ne vois pas d’un mauvais œil la reprise en main d’EDF par l’État. Je n’estime pas que la puissance publique soit la mieux indiquée pour décarboner notre mix énergétique : les acteurs privés y contribuent d’ores et déjà de façon massive, notamment grâce à leur capacité d’innovation, à leurs capitaux et à leur agilité. Mais la relance du nucléaire est nécessaire et c’est à l’État de s’en charger.
Grâce à l’atome, notre mix électrique est déjà l’un des moins carbonés au monde. Toutefois, au-delà de la production d’électricité, la France reste gravement dépendante du pétrole.
Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, renforcer notre souveraineté énergétique et stabiliser les coûts, il faudra augmenter la production nucléaire et opérer des transferts d’usage afin d’électrifier notre consommation finale. Il faudra aussi continuer d’investir pour innover dans ce domaine, en déployant des solutions de stockage, de régulation et de pilotage des réseaux et en développant les SMR (Small Modular Reactors), voire, plus tard, les réacteurs à fusion.
Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour vous rappeler que le site de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, qui a été conçu pour accueillir quatre réacteurs, n’en compte actuellement que deux. Les élus locaux, au premier rang desquels la maire de Nogent-sur-Seine, Mme Estelle Bomberger-Rivot, dont je tiens à saluer l’action, sont volontaires pour accueillir de nouveaux réacteurs, avec mon entier soutien.
Notre département, qui a tant souffert des délocalisations industrielles, sait tout ce que cette activité peut apporter. Nous irons plus loin, notamment avec des formations ad hoc de tous niveaux dans ce domaine.
À l’avenir, les problèmes d’acceptabilité sociale mettront sans doute encore en question la relance du nucléaire : il n’est pas inutile de pouvoir compter sur des collectivités territoriales volontaires.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, on peut rester sceptique quant à l’utilité de cette proposition de loi tout en étant attaché à l’actif industriel que consolide EDF.
Je tiens toutefois à saluer le travail de notre rapporteur, qui a considérablement amélioré le présent texte. Si les dispositions relatives au capital d’EDF paraissent redondantes, celles sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont de bonnes nouvelles – je le souligne à mon tour –, à la fois pour nos TPE et pour nos petites communes.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé dimanche ce que nous savions déjà : les tarifs de l’électricité vont augmenter de près de 10 %. La fin du « quoi qu’il en coûte » nous ramène brutalement à la réalité. Elle nous rappelle aussi qu’une énergie stable, décarbonée et compétitive est un atout stratégique pour notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Monsieur le ministre de l’économie, des finances, de la souveraineté industrielle, numérique et sans doute énergétique, ce texte n’est pas majeur, mais il nous donne l’occasion de vous recevoir au Sénat : j’espère que vous resterez parmi nous jusqu’à la fin de son examen ! (Sourires.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Michel Canévet. Nous avons en effet un certain nombre de messages à vous faire remonter du terrain – comme vous pouvez le constater, notre pays se trouve aujourd’hui placé dans une situation particulièrement difficile.
Je le répète, ce texte n’est pas majeur, mais le sujet l’est. C’est précisément pourquoi les élus du groupe Union Centriste, particulièrement attentifs à ces questions, ont demandé la formation d’une commission d’enquête sénatoriale.
Placée sous la houlette de notre collègue Vincent Delahaye, cette commission d’enquête doit non seulement examiner les perspectives d’évolution du marché de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, mais aussi analyser le prix de cette énergie.
En la matière, la France dispose, de longue date, d’un atout considérable. On le sait : notre énergie a joué un rôle majeur dans la compétitivité de nos entreprises. Elle était à la fois décarbonée et peu chère. Il faut qu’elle le demeure.
Or nos concitoyens expriment, à cet égard, des inquiétudes de plus en plus fortes. L’an passé, ils ont subi une augmentation de 25 % du coût de l’électricité. À présent, on leur annonce une hausse, très significative, de 10 %, alors même que l’on s’efforce de juguler l’inflation dans notre pays. C’est dire l’ampleur du défi qui nous attend ! Nos concitoyens doivent pouvoir continuer à régler leurs factures – c’est, je le répète, une grande source d’inquiétude de leur part.
Monsieur le ministre, au début de cette semaine, je me suis penché sur le dossier d’extension d’un méthaniseur destiné, précisément, à produire de l’énergie ; mais dans notre pays tout n’est pas simple, loin de là… Ce dossier a été déposé le 13 octobre dernier, c’est-à-dire il y a plus de trois mois, et il n’a encore fait l’objet d’aucun retour de la part de l’administration.
Malgré les textes adoptés pour assurer une accélération de la production énergétique, sur le terrain, les choses ont encore beaucoup de mal à se concrétiser. Il est urgent d’avancer.
Il en est de même sur un autre sujet, que je connais bien : la décarbonation de la production énergétique dans les îles.
Ces espaces naturels d’une qualité tout à fait remarquable sont une richesse pour notre pays. Or, à titre d’exemple, l’île d’Ouessant, au large du Finistère, doit aujourd’hui faire face au dépôt de bilan de la société Sabella, laquelle était chargée de l’exploitation d’une hydrolienne.
Cette installation permet d’alimenter l’île en énergie et, ce faisant, évite la consommation de carburants fossiles : sinon, il faut recourir à des générateurs fonctionnant au gazole. Je forme le vœu qu’EDF reprenne cette exploitation et, ainsi, poursuive la démarche de décarbonation de l’île d’Ouessant.
En tout cas, j’appelle le Gouvernement à se pencher sur le sujet : nous avons là des terrains d’expérimentation non seulement utiles, mais nécessaires. Ils nous permettent de travailler avant, le cas échéant, d’appliquer les démarches engagées à des échelles beaucoup plus larges.
Si ce texte demeure d’une portée assez modeste, il comporte un certain nombre de dispositions importantes, auxquelles les élus du groupe Union Centriste sont particulièrement attachés.
Je pense notamment aux TRVE, au sujet desquels nous devons éviter à la fois le défaut de transposition et la surtransposition, en allant jusqu’où les autorités européennes nous le permettent.
Lorsque les montants des factures d’électricité ont commencé à s’envoler, un certain nombre de corporations sont venues devant nous pour nous expliquer qu’elles ne pouvaient plus assumer cette charge.
Monsieur le ministre, saisissons les possibilités que nous offre la réglementation européenne : c’est ainsi que les membres du groupe Union Centriste conçoivent les TRVE, tout en appelant très clairement à la modération tarifaire pour les particuliers. Les rémunérations – vous le savez bien – ne progressent pas aussi vite que les prix de l’électricité.
Enfin, la participation des salariés a toute son importance.
Au travers de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), adoptée sur votre initiative en 2019, vous entendiez poursuivre cette ambition du général de Gaulle : accroître la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises…