M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Au moins, c’est clair…
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Nous avons tout de même créé le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) – la réserve parlementaire s’élevait à 90 millions d’euros – et, si, pour chaque département, au moins un député et un sénateur siègent dans la commission d’attribution de ce fonds, c’est en partie grâce à votre serviteur, car il est de ceux qui, à l’époque, ont déposé des amendements en ce sens.
M. Olivier Paccaud. J’y siège !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez ainsi accès à l’ensemble des dossiers…
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Nous sommes deux par département !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Tout à fait : un sénateur est nommé par le président du Sénat et un député par la présidente de l’Assemblée nationale. De plus, nous avons prévu un système de tourniquet grâce auquel chaque parlementaire peut assumer cette fonction au cours de son mandat. Cela permet aux parlementaires de suivre les dossiers.
M. Olivier Paccaud. Ces commissions fonctionnent très mal…
M. Philippe Vigier, ministre délégué. J’ai la faiblesse de penser que l’objectivité est ainsi au rendez-vous pour le financement des associations. Les sénateurs sont, par définition, élus de tout un département ; quant aux députés, au-delà de leur circonscription, ils prêtent un regard attentif à l’ensemble du département dont ils sont élus.
Bref, les parlementaires sont bel et bien associés à l’attribution du FDVA, qui, loin des soupçons d’opacité que j’ai pu entendre, fonctionne…
M. Olivier Paccaud. Dysfonctionne !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. … dans la plus grande transparence. (Non ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) On ne peut pas le contester.
Mme Laurence Rossignol. Il n’en croit pas un mot…
M. Philippe Vigier, ministre délégué. En tant que député, j’ai vu fonctionner la réserve parlementaire, puis le FDVA, pendant six années ; on peut évidemment avoir des désaccords sur tel ou tel point, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas tous la même expérience, mais je dispose en tout cas d’un certain recul.
Par ailleurs, la réserve ministérielle – vous vous souvenez sans doute du chapitre 67-51 – a été également supprimée. On ne va pas se raconter d’histoires : cette réserve était très largement discrétionnaire et son montant était bien plus élevé que celui de la réserve parlementaire.
Un certain nombre de chantiers sont en cours, à commencer par celui du statut de l’élu. À cet égard, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté le 7 juillet dernier, a toute son importance. L’évolution de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est également à l’étude ; elle est souvent demandée par l’Assemblée nationale comme par cette chambre des territoires qu’est le Sénat.
Pour ce qui concerne la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), je peux m’appuyer sur l’exemple de mon département ; les dispositifs que l’on y a mis en place se retrouvent d’ailleurs sans doute un peu partout.
Pour les projets d’un montant inférieur à 150 000 euros, nous avons retenu un certain nombre de critères, d’accord avec les parlementaires présents autour de la table, encadrant la décision d’attribution du préfet. Nous parvenons ainsi à répondre aux besoins de la manière la plus objective. Au-delà de ce seuil, les dossiers sont examinés par la commission des élus, qui regroupe des parlementaires, des maires et des présidents d’intercommunalité.
En résumé, la réflexion va se poursuivre entre le Parlement et le Gouvernement, mais, à ce stade, le retour de la réserve parlementaire n’est pas à l’ordre du jour. La préparation d’une telle mesure mériterait à tout le moins d’être approfondie. Plus largement, il faut étudier les moyens de mieux associer le Parlement à un certain nombre de politiques publiques. Nous œuvrons précisément en ce sens : la présence de parlementaires au sein des conseils d’administration d’hôpital a été conquise en 2019, non sans mal. Jusqu’alors, sénateurs et députés étaient exclus de ces instances.
Enfin, j’observe que ces différentes questions sont manifestement liées à la fin du cumul des mandats. On nous avait promis le grand soir ; aujourd’hui, je vois les regrets percer un peu partout. Qui n’a jamais failli, en préférant telle direction à telle autre ?
Je n’en suis pas moins persuadé que l’intelligence collective nous permettra de trouver des solutions conduisant peut-être, un jour, à la création d’un dispositif ressemblant à la réserve parlementaire. (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, respectant la promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, la majorité présidentielle a supprimé la réserve parlementaire en 2017, en vertu des lois de moralisation de la vie publique.
M. Hervé Maurey. Eh oui…
M. Bernard Buis. Nous nous sommes prononcés non pas de manière aveugle, mais sur le fondement des critiques que suscitait ladite réserve. Nous l’avons notamment supprimée à cause de son coût, de la faiblesse des contrôles auxquels son attribution donnait lieu et de son caractère inégalitaire.
De 2007 à 2017, le montant global de la réserve parlementaire atteignait, en loi de finances, 150 millions d’euros par an. En moyenne, ces crédits représentaient environ 162 000 euros par élu, mais en réalité – M. le ministre l’a rappelé –, la répartition entre les parlementaires était d’une inégalité manifeste.
M. Bernard Buis. Au-delà de l’aspect financier, le manque de transparence a été un argument de plus pour supprimer la réserve parlementaire.
Jusqu’en 2013, les élus des deux assemblées n’étaient pas tenus de déclarer les bénéficiaires de la réserve. Les risques de saupoudrage, le coût non négligeable de cette enveloppe et l’opacité dont son attribution se trouvait entourée étaient autant de raisons justifiant, à mon sens, sa suppression.
Mes chers collègues, le retour de la réserve parlementaire, que soutient l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), nous exposerait à des risques non négligeables.
Certes, le dispositif proposé aujourd’hui est sensiblement différent : il prévoit une plus grande transparence et plus de conditions d’octroi. Mais, en créant une nouvelle réserve parlementaire, nous pourrions revenir à une logique de clientélisme néfaste pour notre démocratie.
M. François Patriat. Tout à fait !
M. Olivier Paccaud. Parce que les préfets ne font pas de clientélisme ?
M. Bernard Buis. Vous voyez, comme moi, l’abstention progresser élection après élection. À l’heure où le divorce entre les citoyens et leurs élus est amorcé, nous devons faire preuve de la plus grande vigilance.
En laissant un élu de la République financer directement telle ou telle association, nous prenons le risque d’ouvrir une boîte de Pandore, de créer un système gravement inéquitable.
M. Olivier Paccaud. Et le maire qui subventionne ?
M. Bernard Buis. Par ailleurs, la question du coût pour nos finances publiques se poserait à nouveau : qui financerait cette nouvelle réserve parlementaire ? Les crédits du FDVA seraient-ils réduits, voire supprimés ?
Enfin, nous risquons de susciter l’hostilité de l’opinion publique,…
M. Olivier Paccaud. Un peu de courage !
M. Bernard Buis. … qui jugera sévèrement notre assemblée, estimant que nous, sénateurs, sommes animés par la volonté d’attribuer de nouveau des enveloppes financières à tire-larigot.
Mme Nathalie Goulet. C’est ridicule !
M. Bernard Buis. Mes chers collègues, si le retour de la réserve parlementaire m’inspire bien des critiques, sachez que les élus de notre groupe comprennent et font même leurs les intentions louables de votre proposition de loi organique.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Ah !
M. Olivier Paccaud. « En même temps » !
M. Bernard Buis. Comme vous, nous considérons qu’il est important d’aider financièrement les communes rurales et le tissu associatif de notre pays ; mais le Gouvernement les soutient déjà massivement.
M. Bernard Buis. Le projet de loi de finances pour 2024 attribue ainsi plus de 2 milliards d’euros aux dotations de soutien aux projets des communes, y compris la dotation d’équipement des territoires ruraux. Je rappelle au passage que les crédits cumulés de la DETR et de la réserve parlementaire en 2016 étaient inférieurs à la DETR actuelle.
N’oublions pas non plus que le fonds pour le développement de la vie associative est abondé chaque année par le Gouvernement et qu’il atteint des montants inédits. En 2023, le FDVA s’élevait à 50 millions d’euros ; en 2024, ses crédits dépasseront 70 millions d’euros. Il s’agit là d’une somme considérable, dont bénéficient une myriade d’acteurs ; le nombre d’associations soutenues par ce biais ne cesse d’augmenter depuis la suppression de la réserve parlementaire.
J’ajoute que les conditions d’attribution du FDVA ont été modifiées depuis sa création en 2011. Initialement, ce fonds était réservé à la formation des bénévoles, mais, depuis 2017, son périmètre a été étendu : le FDVA permet désormais de soutenir le fonctionnement et l’innovation au sein des associations, en remplacement des fonds précédemment attribués au titre de la réserve parlementaire.
Plutôt que de recréer un outil qui fera de nombreux mécontents, parmi les élus locaux comme chez nos concitoyens, ne faut-il pas trouver d’autres solutions pour atteindre l’objectif qui nous anime tous, à savoir le soutien de nos plus petites communes ?
Par exemple, ne devrait-on pas réformer les règles relatives à la DETR, afin que députés et sénateurs puissent siéger de droit dans les commissions d’attribution au lieu d’y être simplement conviés – ce n’est d’ailleurs pas toujours le cas –, y compris dans les départements dénombrant plus de cinq parlementaires ? Ne faudrait-il pas insister pour que les préfets jouent le jeu (M. Jean-Marc Boyer manifeste sa circonspection.), en attribuant une plus grande part de la DETR aux projets de moins de 5 000 euros dans nos communes rurales ?
En résumé, pour aider nos communes, nous avons sans doute mieux à faire que de créer une nouvelle réserve parlementaire, au risque de semer la discorde et le mécontentement.
Au sein du groupe RDPI, tous les votes seront représentés. (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi organique souligne d’abord un échec : celui de la loi de 2017 qui a supprimé la réserve parlementaire.
Certes, cette réserve ne relevait d’aucun texte juridique. Certes, elle posait clairement question au regard de la séparation des pouvoirs. Certes, l’équité et la transparence de sa mise en œuvre suscitaient diverses interrogations. Mais quel dommage de l’avoir supprimée au lieu de la faire évoluer !
Des progrès considérables avaient été accomplis dans les années 2010.
M. Hervé Maurey. Oui !
M. Rémi Féraud. Disons-le : ils ont été emportés par la démagogie du « nouveau monde ».
Paradoxalement, c’est la transparence qui a nourri la contestation de la réserve parlementaire, quand il aurait fallu saluer ces efforts et s’appuyer sur eux pour faire évoluer le dispositif.
La réserve parlementaire était contestable, mais elle permettait « en même temps » de financer de petits projets locaux utiles et attendus,…
Mme Dominique Vérien. C’est vrai !
M. Rémi Féraud. … qu’ils soient communaux ou associatifs, et de renforcer concrètement le lien entre les parlementaires et leur circonscription.
Mme Sonia de La Provôté. Exactement !
M. Rémi Féraud. Avant tout, il convient d’acter l’échec de la transformation politique annoncée par Emmanuel Macron, qui, en 2017, claironnait sa volonté de tout changer, de tout rénover, de moraliser la vie publique et de rétablir la confiance pour réconcilier les Français avec la politique. Sans commentaire…
La réalité, c’est que les finances locales et les budgets associatifs sont aujourd’hui en crise, à l’instar du lien démocratique. Dans ce contexte, la réserve parlementaire apparaît comme le symbole d’un ancien âge d’or, non sans d’ailleurs une certaine exagération de la part de certains.
Au fil des années, les finances locales ont été sacrifiées. Sous l’effet d’incessants coups de rabot, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales a pour ainsi dire disparu. Les communes, petites ou grandes, sont en voie de paupérisation, et il est désormais impossible de financer des projets d’intérêt général au service de la population. En résulte un sentiment d’abandon, d’impuissance et même, pour beaucoup de territoires ruraux, de relégation.
On a également sacrifié les financements associatifs. En effet, le secteur subit de plein fouet la baisse de ses moyens. La suppression de la réserve parlementaire s’est accompagnée, en particulier, d’une baisse massive du nombre de contrats aidés, lesquels fournissaient une grande part de l’emploi associatif.
M. Olivier Paccaud. Tout à fait !
M. Rémi Féraud. Enfin, on a sacrifié le rôle démocratique central exercé par le Parlement. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet. La réserve parlementaire a été remplacée par des subventions allouées de manière encore moins transparente qu’auparavant… (M. Jean-Marc Boyer acquiesce.)
M. Olivier Paccaud. Bien sûr !
M. Rémi Féraud. … et, surtout, beaucoup plus rigide et bureaucratique. J’en suis témoin en tant qu’élu de Paris : dans la capitale, le FDVA est attribué par une commission où le Sénat, pour une raison que j’ignore, n’est même pas représenté.
Qu’il s’agisse de la DETR ou du FDVA, chacun fait part de son insatisfaction quant à la répartition des fonds, chacun souligne combien il est difficile de faire aboutir de petites subventions.
Je n’oublie pas non plus nos compatriotes établis hors de France et leurs élus, dont la réserve parlementaire a été remplacée par le fameux dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (Stafe). La procédure dont il s’agit inspire des critiques similaires, et pour cause : ses défauts sont exactement les mêmes. (M. Jean-Luc Ruelle applaudit.)
La suppression de la réserve devait être gage de transparence et d’équité : on constate qu’il n’en est rien et que le dispositif actuel ne satisfait personne. À cet égard, les lois de moralisation de la vie publique ont été un rendez-vous manqué. Bien des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Jean-Pierre Sueur notamment, avaient pourtant lancé l’alerte lors des débats de juillet 2017.
En outre, il faut le reconnaître, la réserve parlementaire a également servi de variable d’ajustement budgétaire : sa suppression a permis à l’État de faire des économies sur le dos des communes et des associations. Contrairement aux engagements pris, les crédits n’ont pas tous été redistribués.
M. François Patriat. Si !
M. Rémi Féraud. À l’évidence, nous sommes très loin des 140 millions d’euros de l’ancienne réserve parlementaire. Je doute que l’on ait fait reculer le clientélisme ; en revanche, je suis certain que les communes et les associations ont été victimes d’un marché de dupes.
Pour autant, les auteurs de cette proposition de loi organique se contentent d’envisager un retour au passé, ce qui ne correspond pas aux attentes majoritaires des élus du groupe SER. De plus, s’il est présenté comme transpartisan, ce texte est cosigné par un collègue qui, selon nous, n’appartient pas au champ républicain.
M. Rémi Féraud. Je tiens à le dire. Peut-être s’agit-il d’un simple manque de vigilance ; mais, à nos yeux, ce n’est pas acceptable.
Pour les raisons que je viens d’énumérer, la plupart des élus socialistes ne se prononceront pas sur le présent texte. Selon nous, mieux vaut travailler à une autre solution. Il convient de répondre aux besoins de financement des petits projets associatifs et communaux et d’instaurer des règles de transparence et d’équité, tout en ménageant une place et un rôle aux parlementaires dans les processus de décision. Mais gardons-nous de créer des illusions, qui seraient nécessairement déçues.
Il faut le reconnaître, le présent texte a été grandement amélioré sur le plan juridique par M. le rapporteur, et je l’en remercie.
Mme Dominique Vérien. Tout à fait !
M. Rémi Féraud. Grâce à lui, le dispositif prévu assure également une plus grande équité entre l’ensemble des territoires. Néanmoins, si nous dressons le même constat que les auteurs de cette proposition de loi organique, notre perspective diffère de la leur.
Nos territoires et leurs acteurs se sentiraient plus soutenus dans leurs projets, et la démocratie y gagnerait, si nous faisions véritablement évoluer les dispositifs actuels ; M. le ministre nous assure d’ailleurs que le Gouvernement y est prêt.
Voilà ce qui nous rassemble au sein du groupe SER. Nos votes différeront en partie, mais, pour la plupart d’entre nous, nous ne nous prononcerons pas sur le texte proposé aujourd’hui par nos collègues du groupe Union Centriste. Cela étant, nous sommes prêts à travailler à de nouveaux dispositifs. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « rétablir le lien »,…
M. François Patriat. Le lien financier ?
M. Jean-Marc Boyer. … tel pourrait être le titre de cette proposition de loi organique, dont je tiens à souligner l’importance. Le texte de notre collègue Hervé Maurey apporte un réel soutien aux collectivités territoriales, au premier rang desquelles nos communes. À cet égard, je salue le travail de concertation mené de manière très efficace par notre rapporteur, Vincent Capo-Canellas.
Il est plus que nécessaire de témoigner notre considération aux collectivités territoriales ; de leur dire à quel point nous nous préoccupons du développement local, qu’elles assurent au quotidien, et de l’ensemble des acteurs animant la vie locale. Depuis plusieurs années, je ne cesse de plaider pour un renforcement du soutien aux collectivités territoriales. En ce sens, j’insiste pour que nous revenions sur cette décision injuste que fut la suppression de la réserve parlementaire.
Monsieur le ministre, nous sommes très nombreux, parmi les représentants de la Nation, à demander un soutien financier et de proximité pour les communes. Il y a une semaine, 107 sénateurs ont voté mon amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à rétablir la réserve parlementaire. Il y a un peu plus d’un mois, nous étions presque 200 parlementaires, députés et sénateurs confondus, à demander le rétablissement de cette dotation ; depuis sa suppression, nous sommes nombreux à formuler cette requête, chaque année, pour nos territoires.
Pourquoi souhaitons-nous cette dotation pour l’action locale ? Pourquoi persistons-nous dans notre démarche ? Pourquoi la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd’hui me paraît-elle essentielle ? Ce n’est certainement pas par esprit clientéliste ou populiste, comme j’ai pu l’entendre, mais pour trois raisons majeures : premièrement, pour affirmer notre soutien aux territoires ; deuxièmement, pour rétablir le lien entre le maire et le parlementaire, entre le local et le national – nos territoires se sentent de plus en plus éloignés du pouvoir central, et il est grand temps de rompre avec cette tendance – ; troisièmement, pour renforcer la proximité.
Nos territoires ont besoin de leurs élus de terrain pour se développer. Étant quotidiennement à leur écoute, nous, parlementaires, sommes les mieux à même de les soutenir. Nous avons besoin de retrouver ces moyens de soutien au tissu local, qui ont été victimes d’une logique centralisatrice.
La dotation d’action parlementaire a été supprimée en 2017, officiellement pour renforcer la confiance dans la vie politique. Depuis lors, pour financer de petits travaux ou mener les opérations d’investissement dont elles ont besoin, les communes et intercommunalités rurales ne disposent plus que de la DETR, dont l’attribution dépend du seul préfet de département. Les parlementaires qui siègent dans les commissions DETR ne disposent, pour leur part, que d’un pouvoir consultatif et non décisionnel. Il en est de même pour le FDVA : nous siégeons dans les instances chargées de l’attribution de ce fonds, mais nous ne prenons aucune décision.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Exact !
M. Jean-Marc Boyer. Pourtant, les sénateurs et députés sont au contact permanent des élus locaux. Ils ont, de ce fait, une connaissance beaucoup plus fine des besoins du terrain…
M. François Patriat. Ils achètent surtout des voix…
M. Jean-Marc Boyer. … que le représentant de l’État, et c’est normal. Le préfet, qui ne possède pas ce lien de proximité, ne peut avoir une connaissance approfondie des besoins financiers qui, s’ils sont souvent modestes, peuvent revêtir une grande importance pour une petite commune dont le budget est très limité.
La dotation pour projets d’intérêt local, dont nous discutons aujourd’hui, permettrait de soutenir de nouveau ces initiatives. Elle faciliterait, ce faisant, le développement de nos territoires. À l’origine, je proposais de réserver à ces actions un pourcentage de la DETR ; mais une telle mesure pouvait effectivement sembler trop restrictive. Rétablir une dotation pour toutes les communes, leurs groupements, leurs établissements publics et les associations locales permettra de soutenir l’ensemble des acteurs locaux.
Enfin, deux éléments me paraissent essentiels pour assurer l’acceptabilité de cette dotation : d’une part, la transparence des subventions attribuées, qu’il s’agisse de leur destinataire ou de leur montant ; d’autre part, l’encadrement des crédits dont il s’agit. Les subventions versées ne pourront dépasser 20 000 euros et la moitié du coût du projet, ce qui induit une exclusivité de la subvention pour un sujet bien identifié. Nous garantirons ainsi un système vertueux, en prévenant les dérives que l’on a pu connaître par le passé.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour soutenir nos territoires, adoptons cette dotation pour projets d’intérêt local ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a été élu sur une promesse de dépassement des clivages et de renouvellement des pratiques. La réserve parlementaire symbolisait alors la prétendue rupture entre l’ancien monde, accablé de tous les défauts, et le nouveau, paré de toutes les vertus.
Je ne crois pas utile de rejouer les débats de 2017. Mieux vaut regarder vers l’avant et préparer notre pays aux défis qui l’attendent, dont deux sont, à mon sens, majeurs : le défi démocratique et le défi climatique.
Le premier, c’est le défi démocratique. L’état d’anxiété dans lequel se trouve notre pays menace la cohésion nationale. Les Français sentent qu’ils perdent le contact avec leurs représentants et le sentiment d’abandon est encore plus fort chez les élus locaux. Ces derniers ont l’impression qu’on leur en demande toujours plus, alors que leurs moyens sont de plus en plus limités. C’est d’autant plus vrai pour les petites communes, qui croulent sous les obligations techniques, légales et administratives sans avoir l’ingénierie nécessaire.
Or, pour les élus de ces communes, la réserve parlementaire constituait un lien fort avec la représentation nationale. Pour de nombreux maires ruraux, elle permettait un dialogue avec les parlementaires de la circonscription. Grâce à elle, on parlait projets et développement territorial ; bref, on faisait de la politique locale. De même, la réserve parlementaire créait du lien avec les citoyens en montrant que le parlementaire œuvrait à des réalisations concrètes et de proximité.
La fin du cumul des mandats est venue éloigner le parlementaire de nos concitoyens au moment même où la réserve parlementaire a été supprimée. Élu d’un département rural, mon collègue Daniel Chasseing le répète inlassablement : il plaide depuis longtemps pour rétablir une forme de réserve parlementaire et je tiens à saluer son action.
Aujourd’hui, ce lien manque, et ce manque nourrit le sentiment d’abandon qu’éprouvent les élus locaux. Bien sûr, la DETR permet encore de financer des projets d’intérêt local, mais elle ne tisse pas de lien entre les élus du territoire et la représentation nationale.
M. Cédric Chevalier. Cette dotation n’est pas la solution miracle ; d’ailleurs, nombre de critiques adressées à la réserve parlementaire pourraient également s’appliquer à elle.
J’en viens au second défi, à savoir le défi climatique.
Nous savons que, dans ce domaine, il est urgent d’accélérer, et d’accélérer très fort. D’ici à 2030, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990. Nous devons donc faire en moins de dix ans ce que nous n’avons pas réussi à faire en trente ans. Le travail qui nous attend est massif, colossal, mais surtout essentiel.
La transition écologique ne peut pas être orchestrée depuis Paris, sur un mode centralisé et descendant. Le Gouvernement compte du reste sur les élus locaux pour déployer la planification écologique dans les territoires, afin que cette dernière soit en harmonie avec les réalités locales.
Mes chers collègues, il me semble possible de relever à la fois le défi démocratique et le défi climatique.
Donner aux parlementaires les moyens d’accompagner les projets de développement territorial élaborés par les maires au titre de la transition écologique, c’est faire d’une pierre deux coups : c’est recréer du lien et soutenir la transition écologique.
Faut-il appeler ce dispositif « réserve parlementaire » ? Peut-être pas. En tout cas, trois éléments me semblent essentiels : il doit être à la main des parlementaires, être calibré aux besoins des petites communes et servir la transition écologique. Je présenterai plusieurs amendements en ce sens.
La commission des finances a largement réécrit le dispositif proposé. Toutefois, l’élargissement à l’ensemble du bloc communal ne nous semble pas opportun : plus grands seront les projets soutenus, moins la contribution de la réserve paraîtra pertinente. Si nous voulons convaincre les Français que le rétablissement de la réserve parlementaire est dans notre intérêt à tous, mieux vaut concentrer ses crédits sur les collectivités territoriales qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)