M. Éric Kerrouche. Ah !
M. Olivier Cadic. Je remercie Olivier Becht, qui a budgété 1 million d’euros pour financer la mise en œuvre de cette idée, qu’il a confiée au Centre national d’enseignement à distance (CNED), ce qui est pertinent.
J’en viens au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». À la rentrée, les effectifs de l’AEFE avaient progressé de moins de 1 % ; ils s’établissaient à 392 000 élèves. L’effectif global s’est accru de plus de 40 000 enfants depuis 2018, soit une hausse de 10 % en cinq ans, très loin de l’objectif initial du Président de la République, qui est de doubler les effectifs d’ici à 2030.
À en croire les rapporteurs, il faudrait prévoir davantage de moyens pour y parvenir. Nous engloutissons pourtant déjà plus de 400 millions d’euros chaque année pour l’AEFE – 455 millions d’euros cette année –, alors que ce programme comporte tant d’autres priorités ! Nous entretenons un système de compétition déloyale absurde, qui favorise une poignée d’établissements en gestion directe (EGD) et une minorité d’élèves, au détriment des réseaux français privés.
L’enseignement anglo-saxon à l’étranger vient d’annoncer que, au cours de la dernière décennie, son effectif était passé de 4,4 millions à 6,7 millions d’élèves. Ses établissements se développent 30 fois plus vite que les nôtres – et sans argent public !
L’enseignement à l’étranger est un marché. Tant que cette évidence ne sera pas intégrée en France et que la gouvernance de l’AEFE ne sera pas revue, nous serons condamnés à reculer.
Je ne m’y résigne pas. L’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (Anefe), que je préside, a modifié hier ses statuts. Elle s’ouvre aux écoles françaises non homologuées, pour ne laisser personne à la porte, afin d’aider à atteindre l’objectif du Président de la République sans besoin d’argent public.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
M. Olivier Cadic. Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce jour les crédits alloués à la mission « Action extérieure de l’État », pour la première fois depuis la remise du rapport des États généraux de la diplomatie.
Nous nous réjouissons que les moyens humains et budgétaires soient revus à la hausse. Vous nous parlez d’un réarmement de la diplomatie française, madame la ministre. Pourquoi pas ? Il était temps, après trente ans de désarmement… Mais ce PLF répond-il aux besoins de nos compatriotes à l’étranger et de notre administration ? Non ! Services consulaires, bourses scolaires, aides sociales, CFE, réseau éducatif et culturel : tous les voyants sont au rouge.
En quinze ans, le programme 151 a perdu 500 ETP, alors même que le nombre d’inscrits au registre progressait de 13 % sur la même période, qu’il y a un nombre croissant de Françaises et Français non inscrits et que chaque année des millions de Français de passage à l’étranger ont eux aussi besoin, parfois, d’une assistance consulaire.
Au sein de notre administration centrale et de notre réseau, les services sont saturés. La création de 700 ETP sur quatre ans a été annoncée en grande pompe, mais certains projets accaparent déjà l’essentiel des créations, au détriment de services en sous-effectif chronique et notoire.
Vous nous parlez de réarmement. Dans le projet annuel de performance (PAP), il est question de la création de seulement 8 ETP dans le réseau. D’ailleurs, parmi eux, combien correspondent à des postes d’agents titulaires ? Deux ! C’est bien peu, pour réarmer…
Nous saluons la création d’un centre de soutien consulaire, qui permettra de disposer de renforts en plus grand nombre. Mais ce dont l’administration a besoin, c’est d’agents titulaires, affectés sur des postes de façon durable, et non de missions ponctuelles de quelques semaines d’un pays à l’autre.
Madame la ministre, qu’allez-vous dire à nos ressortissants les plus fragiles ? Cette année, les crédits alloués aux aides sociales sont exactement les mêmes qu’en 2023. La situation économique, encore dégradée, la persistance de l’inflation ou le nombre d’allocataires en hausse n’imposaient-ils pas une revalorisation ? Argentine, Égypte, Liban, Turquie : dans de nombreux pays, les besoins sont criants et, pour des économies de bouts de chandelle, des centaines de personnes sont laissées dans la précarité et la pauvreté.
J’en viens à l’AEFE et aux bourses scolaires. Cette année encore, vous allez demander aux parents qui ont des enfants boursiers inscrits dans le réseau d’enseignement français, de contribuer davantage, en relevant le taux de la CPS de 2 % à 7 %, pour compenser l’insuffisance de la dotation. Cette année encore, l’enveloppe des bourses ne permettra pas de répondre aux besoins.
En 2023, déjà, la sous-dotation de ce programme a obligé le Gouvernement à débloquer des moyens supplémentaires considérables. En 2024, l’AEFE sera pour la première fois dépourvue de la fameuse soulte, qui lui permettait de procéder aux ajustements nécessaires pour pallier le manque de crédits.
La dotation de 118 millions d’euros envisagée pour 2024 ne couvrira même pas les effets de l’inflation. Elle ne couvrira pas non plus les taux de change défavorables ou la hausse des frais d’écolage. Nous ne voyons pas comment il sera possible, dans ces conditions, de répondre aux demandes de bourses scolaires.
Parlons de la subvention pour charges de service public accordée à l’AEFE : elle est équivalente à celle qui était prévue dans la loi de finances de 2012 ! Quid de la chimère consistant à doubler le nombre d’élèves dans le réseau d’ici à 2030 ? Encore une fois, on observe des annonces répétées du Président de la République depuis 2019, mais cela ne se traduit pas dans les faits.
De plus, l’AEFE est toujours empêchée de procéder aux investissements immobiliers ou à la rénovation de ses bâtiments pour répondre aux engagements pris par l’État.
Le parc immobilier vieillissant, parfois vétuste, est déjà soumis dans de nombreux pays aux conséquences du changement climatique. Face à ces défis, la politique de rénovation thermique de notre parc immobilier manque d’ambition. Il y va de l’image de la France, de l’attractivité dans le réseau culturel et d’enseignement français, des conditions de travail des agents et de l’accueil de nos ressortissants.
Il est temps de mettre nos ambitions en adéquation avec nos moyens aussi dans notre réseau de coopération culturelle et nos opérateurs. Nous ne pouvons pas accepter que ce réseau devienne de plus en plus dépendant de ressources privées ou extérieures à la dotation de l’État pour couvrir ses besoins.
Les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous, écologistes, attendons une prévision pluriannuelle des moyens adaptée, pas des effets d’annonce, pas du saupoudrage – surtout lorsque les engagements ne sont pas tenus.
À moins d’engagements supplémentaires significatifs du Gouvernement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission. Nous invitons le Gouvernement à réexaminer les besoins, notamment ceux des Françaises et Français établis hors de France et de notre réseau consulaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une période où les guerres frappent dans l’est de l’Europe, au Caucase, au Soudan – sans oublier le conflit entre Israël et Palestine, qui cornait une escalade meurtrière dramatique depuis deux mois –, il me paraît évident d’affirmer avec gravité que la France doit disposer d’une action extérieure forte, d’une politique ambitieuse en matière de solidarité internationale et d’un réseau diplomatique à la hauteur de ses ambitions.
Naturellement, nous accueillions favorablement l’augmentation des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l’État », ainsi que la hausse des effectifs, avec 146 ETP supplémentaires.
Toutefois, nous n’oublions pas que cette hausse intervient après des années de coupes budgétaires particulièrement virulentes. D’ailleurs, en examinant ces crédits de plus près, nous nous rendons compte que l’augmentation des effectifs repose en grande partie sur l’utilisation de contrats locaux, et non de contrats français, aux salaires souvent très faibles. Il est urgent que le Quai d’Orsay garantisse aux agents en poste à l’étranger des conditions correctes de rémunération.
En outre, la priorité de ce PLF, indiquée à la page 8 du bleu budgétaire, est « la sécurité et la stabilité par la préservation de la paix et le règlement des crises à l’extérieur de nos frontières ». Or les 3,5 milliards d’euros consacrés à la diplomatie représentent 13,5 fois moins que les 47,2 milliards d’euros du budget des armées. Il est donc évident que les ambitions de l’exécutif sont tout autres…
Cette asymétrie budgétaire relève à nos yeux d’une lecture faussée des enjeux géostratégiques actuels. Dans un monde plein d’insécurités globales, alimentaires, sanitaires, migratoires, sociales et énergétiques, se contenter de préparer la guerre est une erreur grave et lourde de conséquences, face à l’impérieuse nécessité d’élaborer une stratégie de sécurité humaine globale, dont la diplomatie devrait être la pièce maîtresse. Cette stratégie diplomatique audacieuse, au service de la paix, notre pays s’en éloigne un peu plus chaque jour.
Le cas du conflit colonial en Palestine est frappant et marque une singulière dérive française. Le décalage entre l’image de la position française qui persistait encore dans les pays arabes et la réaction présidentielle au conflit à Gaza a profondément choqué. Les improvisations du Président de la République ont eu le même effet, notamment sa proposition d’une coalition internationale visant à éradiquer le Hamas. Le journal Libération nous apprend que celle-ci lui aurait été soufflée par Bernard-Henri Lévy, le même qui a suggéré au président Sarkozy, il y a douze ans, de bombarder la Libye où, depuis lors, règnent la faim et le chaos !
Le malaise a gagné jusqu’aux rangs de notre appareil diplomatique, car une dizaine de diplomates vous ont exprimé leur incompréhension face aux positions du Président de la République sur la situation dramatique au Moyen-Orient.
Face à tant d’acharnement des promoteurs de guerre, la France se serait particulièrement singularisée en lançant une initiative diplomatique inédite pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et relancer un processus de paix. Seulement, notre diplomatie, à force d’user de deux poids et de deux mesures, a rendu la voix de notre pays inaudible au sein des instances internationales.
À cette même tribune, madame la ministre, vous demandiez il y a un peu plus d’un an – et vous aviez raison – le retrait des troupes russes d’Ukraine. Vous semblez beaucoup plus réservée aujourd’hui pour vous exprimer de la même façon, s’agissant du retrait des troupes israéliennes de Gaza ou des colons israéliens de Cisjordanie.
Or le droit international doit être respecté partout. Pourquoi ces hésitations ? Parce que, à cette faillite morale et à cet échec politique qui caractérisent la position française sur la situation au Moyen-Orient, s’ajoute le poids d’une culture coloniale dont notre politique étrangère a du mal à se défaire.
Cette même culture, en Afrique, à coups d’interventions militaires ou encore par notre domination monétaire, a conduit à un fiasco politique et diplomatique au Sahel. Il faut changer de logiciel, sans quoi nous ne parviendrons jamais à construire quoi que ce soit de sérieux en matière de sécurité collective.
Nous devons sortir du « deux poids, deux mesures » en matière de respect du droit international et nous détacher d’une logique binaire, fondée sur l’affrontement de blocs, dans notre vision du monde, afin de privilégier les solutions politiques aux conflits, mais aussi d’en éradiquer les racines.
Il nous faut aussi promouvoir un nouvel ordre économique et une transition climatique à la hauteur des enjeux, développer une aide publique au développement juste et ambitieuse, exiger le respect des droits des femmes et éradiquer la faim.
Nous nous abstiendrons sur ce budget, car nous jugeons que les crédits prévus sont bien trop faibles : ils auraient dû constituer la priorité stratégique de notre politique de sécurité mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. André Guiol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » requiert la plus grande solennité et une certaine gravité face aux crises diplomatiques et sécuritaires qui s’enchaînent.
Guerres de conquête, conflits gelés, guerre de défense : la liste des régions en proie à des tensions s’allonge au fil du temps. Près de nous, je pense à l’Ukraine, au Haut-Karabakh et au Proche-Orient. Cet accroissement des violences par les armes signifie-t-il un essoufflement de la diplomatie internationale ? Oui, bien sûr, car les instruments de règlements des conflits internationaux semblent perdre de l’efficacité. Pour autant, la diplomatie doit redevenir la première boussole du maintien de la paix.
C’est la volonté de la France, me semble-t-il, comme en témoigne, madame la ministre, votre appel conjoint avec le ministre des armées en faveur d’une paix durable entre Israël et le Hamas. Pour préserver l’importance de la voix de la France, il nous faut maintenir les moyens de l’action extérieure. Dans les luttes d’influences qui se jouent au sein de l’ordre international, notre pays doit maintenir son rang. C’est, en tout cas, ce qu’ont recommandé les États généraux de la diplomatie, qui plaident pour davantage de moyens matériels et humains.
Nos collègues rapporteurs l’ont souligné, l’évolution des crédits de la mission va dans le bon sens, puisque ce sont 390 millions d’euros supplémentaires qui seront mobilisés en 2024, soit une hausse de 6 % par rapport à 2023. C’est une première étape pour tenir la promesse d’augmentation de 20 % des moyens sur quatre ans. Ces crédits permettront d’accroître les effectifs, mais nous attendons des réponses quant à leur répartition.
Par ailleurs, la restauration de notre crédibilité internationale nécessite aussi la consolidation de nos contributions au profit des organisations internationales et européennes. La France tient ses engagements, notamment ceux qu’elle a pris au sommet de Madrid en 2022 à l’égard de l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, d’une part, et ceux qui facilitent la démarche européenne pour la paix, d’autre part. Nous nous en réjouissons.
Parce que le Quai d’Orsay ne doit pas être uniquement le ministère des crises, j’en viens à notre réseau d’influence. L’affaiblissement des institutions internationales, que j’évoquais au début de mon propos, nous oblige à repenser l’utilisation des canaux diplomatiques classiques, pour encourager une stratégie d’influence constructive.
Le renforcement de notre réseau culturel amorce cette mutation. La répartition des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » est rassurante, et leur hausse très significative profitera aux différents opérateurs ainsi qu’aux alliances françaises.
Le groupe du RDSE, attaché aux valeurs que porte la francophonie, se réjouit du soutien accru à l’enseignement du français à l’étranger. Nous saluons les ressources mises à disposition de I’AEFE.
Dans un contexte de compétition internationale accrue, il faut une politique d’attractivité ambitieuse. Toutefois, l’offre de moyens en matière d’enseignement du français à l’étranger n’étant pas suivie d’une progression importante des effectifs, de quel levier disposons-nous pour attirer davantage d’élèves ?
En revanche, la revalorisation à hauteur de 6 millions d’euros des crédits alloués aux bourses pour les étudiants étrangers va dans le bon sens.
Enfin, je dirai quelques mots sur certaines difficultés qui sont vécues par nos concitoyens à l’étranger – Olivier Cadic en a parlé – et auxquelles il faudra apporter une réponse. Je pense aux délais d’attente dans les services consulaires pour la délivrance des visas de court séjour, qui continuent de croître. La baisse des moyens humains octroyés au traitement des visas dans le programme concerné est inquiétante. Nous aurions aimé que le plafond des autorisations d’emploi de chaque poste soit revu à la hausse. Il y va du confort de nos administrés, mais aussi de la crédibilité de la France.
Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, nous voterons ce budget globalement volontariste du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Dans le droit fil des États généraux de la diplomatie, il marque la genèse d’un changement de paradigme, évolution que le groupe du RDSE accueille avec satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour évoquer les crédits alloués à l’action extérieure de la France.
Si les chiffres peuvent parfois nous diviser, une loi de finances étant un acte éminemment politique, celui par lequel la Nation affecte les ressources aux différentes politiques publiques, nul doute que la fierté et l’ambition que nous nourrissons pour la France dans le monde nous rassemblent, et c’est heureux.
En tant que parlementaires, notre rôle de vigie, madame la ministre, est donc de nous assurer que vous avez les moyens d’agir pour à la fois maintenir la singularité française parmi les grandes puissances dans le concert des nations, préserver et renforcer l’exceptionnel réseau diplomatique et consulaire qui est le nôtre, enfin, conforter le lien aussi fort qu’unique avec les Français établis hors de France, qui participent tant à notre rayonnement.
Bref, il s’agit de nous assurer que la « Maison France » a les moyens de faire face dans un contexte géopolitique marqué par la multiplication de régimes politiques qui se raidissent, mettent au défi le multilatéralisme et malmènent les institutions et normes juridiques internationales.
Dans ce contexte, nous devons continuellement réinterroger notre action et notre façon de procéder, pour l’adapter à cette nouvelle donne, faite de nouvelles polarisations, de nouveaux acteurs ayant émergé bruyamment sur la scène internationale et de coalitions plus mouvantes et volatiles que jamais.
Des conflits latents ou gelés sont réactivés, de l’Ukraine au Karabakh, du Yémen à Gaza et Israël, laissant craindre une contagion.
C’est dans ce contexte que le Président de la République a souhaité l’organisation des États généraux de la diplomatie, un exercice inédit dans l’histoire du Quai d’Orsay, afin de poser les fondements d’un réarmement de la diplomatie française – les précédents intervenants l’ont souvent souligné. Les objectifs sont très concrets : plus de moyens, mieux s’adapter, mieux valoriser les carrières, mieux sécuriser et mieux influencer.
À cet égard, je salue le travail réalisé par Jérôme Bonnafont, ainsi que les conclusions fortes qu’en a tirées le Président de la République lors de son discours du 16 mars 2023.
Six mois plus tard, madame la ministre, vous présentiez le budget pour l’année 2024, un jalon fort sur ce chemin qui mène jusqu’à 2027. Tous les rapporteurs, spéciaux et pour avis, ont salué ce réarmement à la fois budgétaire et humain. Les moyens alloués à l’action extérieure de l’État atteignent 3,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 6 % une fois corrigé l’effet de l’inflation.
Ce budget apporte une réponse au sentiment, diffus, mais bien réel, qui existait au Quai d’Orsay depuis plusieurs décennies, selon lequel il y avait une déprise. Déjà, en 2003, des agents du ministère manifestaient devant le Sénat. Un coup d’arrêt a été porté il y a deux ans à la baisse des effectifs. Et vingt ans après cette manifestation, l’augmentation des effectifs est significative : 700 ETP vont être créés, dont 165 dès l’année prochaine.
Le budget pour 2024 est davantage encore au service de nos compatriotes français de l’étranger. En effet, le programme 151 est marqué par une hausse significative de 17 %, soit une augmentation de 24 millions d’euros.
Ce budget permet d’étoffer l’offre de services destinés à faciliter la vie de nos compatriotes établis hors de France. Je pense ainsi à la poursuite du déploiement du service France Consulaire, cette plateforme d’appel si utile qui permet d’apporter une réponse immédiate aux Français de par le monde. En 2025, nous couvrirons 97 % des Français de l’étranger.
Je pense également à la mise en œuvre d’éléments du programme qu’avait présenté le Président de la République pour nos compatriotes établis hors de France – nous l’avons dit, nous le faisons.
Ainsi, le pass éducation langue française qu’a évoqué Olivier Cadic est mis en œuvre. La procédure de renouvellement dématérialisé des passeports au Canada et au Portugal va enfin être expérimentée – ce n’est pas une mince affaire, compte tenu des freins existant par ailleurs dans l’État –, avant, on l’espère, d’être généralisée.
Mes collègues Ronan Le Gleut, Guillaume Gontard, Valérie Boyer et moi-même avons déposé un amendement visant à abonder les crédits de la Caisse des Français de l’étranger au titre de la catégorie aidée, afin de doubler l’effort de l’État.
Si tous les ministres doivent veiller à ce que leur politique publique prenne en compte les Français de l’étranger, le ministère des affaires étrangères et la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) doivent être les pilotes interministériels et avoir une vision globale, au-delà du réseau consulaire, sur tous les sujets concernant les Français de l’étranger, afin que la vie de nos compatriotes puisse être prise en compte dans tous ses aspects. Il est souvent nécessaire de lever un certain nombre de freins dans les services de l’État.
Ce budget pour 2024 est aussi celui qui renforce notre diplomatie culturelle et d’influence. Les crédits du programme 185 sont en hausse de 162 millions d’euros. À cet égard, je me réjouis de l’instauration d’un fonds d’aide au réseau des alliances françaises. En la matière, le tissu, on le sait, est très dense, mais il repose souvent sur quelques personnes. Il a été affecté par la crise de la covid-19 et son modèle a été mis à mal. Ce fonds est donc bienvenu.
De la même façon, nous devons un appui renforcé au réseau de l’enseignement français à l’étranger, dans toutes ses composantes.
Nous sommes évidemment très satisfaits des établissements en gestion directe, mais je tiens à lancer un appel à cette tribune, afin que l’on vienne en aide aux partenaires. Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, vous a écrit il y a quelques jours, madame la ministre, afin de solliciter un soutien additionnel, de 3 millions d’euros au moins, pour la Mission laïque française (MLF).
La MLF représente un cinquième des établissements dans le monde. Il est nécessaire de renforcer ces acteurs, pour atteindre l’objectif d’un doublement de ses effectifs d’ici à 2030.
Enfin, la question immobilière demeure prégnante. Nous attendons que les arrêtés soient pris. S’il faut modifier la loi organique, mes chers collègues, prenons nos responsabilités, déposons une proposition de texte et réglons le problème si Bercy ne veut pas le faire !
En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera avec satisfaction, et même avec enthousiasme, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ceux de l’année 1 de la politique de réarmement de la diplomatie française, afin que la France conserve son statut de puissance à part et à part entière. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Olivia Richard et M. Olivier Cadic applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France possède une empreinte territoriale dans le monde entier, grâce à l’ensemble du réseau diplomatique, consulaire, éducatif, culturel et économique qu’elle a bâti au fil du temps, héritage que nous avons le devoir de consolider.
Ce maillage et cette expérience confèrent à notre pays un avantage, dont peu disposent : celui d’être en mesure de déployer une politique complète et coordonnée au service de nos intérêts.
Or, si nous nous réjouissons de la hausse des moyens humains et financiers pour 2024, de nombreuses interrogations subsistent sur la manière dont sera assuré le renforcement de la place de la France dans le concert des nations, ainsi que sa capacité à agir.
En revenant sur les différents programmes qui composent la mission, j’évoquerai les améliorations que notre groupe juge indispensables pour donner corps à cette ambition de transformation de notre action diplomatique.
Notre réseau consulaire est le premier axe de cette ambition. Il est pour nos ressortissants et tous les étrangers ayant un lien avec la France le premier moyen d’accès à nos services publics.
Après avoir été le parent pauvre du budget du ministère en 2023, le programme bénéficiera d’une hausse de 17 % cette année, ce qui permettra un premier rattrapage. Ces crédits permettront notamment d’approfondir la modernisation de l’administration consulaire et d’achever le déploiement du service France Consulaire.
Cette plateforme de réponse aux appels des usagers ne saurait néanmoins être considérée comme un substitut à l’accueil physique, seul contact possible pour nombre d’entre eux.
Bien que nous puissions nous réjouir que ces effectifs connaissent, enfin, une augmentation, la création de 20 ETP reste en deçà des besoins, notamment pour les services d’état civil et des visas.
En effet, le délai de traitement des dossiers ne cesse de s’allonger, du fait de la recrudescence des demandes post-pandémie et de la dimension réduite des équipes, mais aussi de la prolifération d’officines privées, qui bloquent les créneaux de rendez-vous disponibles pour les revendre à des usagers désespérés de ne pas réussir à obtenir de rendez-vous. Cette crise des visas suscite une détérioration des conditions de travail des agents et une insatisfaction grandissante des demandeurs qui portent atteinte à l’image de la France à l’étranger.
L’envoi d’agents de renforts pour absorber le surplus d’activité et pallier le manque d’effectifs a permis de réduire les délais d’attente, mais ne représente en aucun cas une solution pérenne. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera d’accélérer les créations de postes au sein du réseau consulaire.
Nous tenterons également de combler plusieurs lacunes de ce budget.
Tout d’abord, le montant alloué aux aides sociales est simplement reconduit, alors même que l’inflation mondiale et la dévalorisation du cours de l’euro, sur lequel reposent les allocations, perdurent dans de nombreux pays. Au regard des besoins observés sur le terrain, mon groupe proposera le rehaussement de cette enveloppe.
Ensuite, l’augmentation de 13,6 millions d’euros des crédits alloués aux bourses scolaires, présentée comme étant significative, n’est en fait qu’un trompe-l’œil. En effet, en tenant compte du dégel de la réserve de l’ordre de 5 %, l’enveloppe de 118 millions d’euros se révèle inférieure à celle de l’année dernière, qui était pourtant déjà insuffisante.
Par ailleurs, mon groupe fera plusieurs propositions pour permettre à toutes les familles françaises de continuer à scolariser leurs enfants, malgré la hausse des frais d’écolage.
En outre, des interrogations subsistent sur les modalités d’exécution du pass éducation, nouvellement doté d’un million d’euros. Qui seront, madame la ministre, les pays retenus pour l’expérimentation et les prestataires éligibles ?
Enfin, le soutien à la Caisse des Français de l’étranger, unique caisse de sécurité sociale pour les non-résidents, est un impensé de ce budget. Cet organisme se retrouve seul pour assurer la mission de service public que lui a confié l’État, puisque le concours de ce dernier au financement de la catégorie aidée est passé de 50 % à 10 %.
Compte tenu des difficultés financières que rencontre cet organisme essentiel pour des milliers de nos compatriotes, en particulier hors de l’Union européenne, mon groupe demandera un réengagement fort de la part de l’État en faveur de cette caisse.
Le deuxième axe de l’ambition de transformation de notre action diplomatique repose sur notre réseau diplomatique, dont l’augmentation du budget de 8,7 % et l’accroissement des effectifs de 110 ETP supplémentaires ont pour ambition de compenser les économies réalisées précédemment. Ces moyens serviront à la remise à niveau du réseau – c’est heureux –, que nous sollicitons chaque année lors du débat budgétaire.
Nous serons toutefois vigilants sur deux points.
Premièrement, si le centre de crise et de soutien du ministère voit son budget augmenter de 450 000 euros, ce qui lui permettra de recruter environ 5 ETP, nous observons une multiplication et une intensification des crises dans lesquelles son intervention est cruciale pour protéger nos ressortissants. Nous espérons donc que ces moyens seront suffisants pour faire face aux crises à venir.
Deuxièmement, la coopération en matière de sécurité et de défense, qui passe essentiellement par la formation grâce à l’envoi de coopérants issus des armées, de la gendarmerie, de la police et des douanes, semble sous-estimée. Pourtant, j’ai observé à Djibouti et en Mauritanie que la demande de coopération avec la France, qui dispose d’un réel savoir-faire, est toujours forte. Là encore, nous espérons que vos estimations permettront d’atteindre l’objectif d’accroître l’offre de formation de 40 %.
Pour finir, le troisième pilier repose sur la diplomatie culturelle et d’influence, qui détermine notre capacité à faire vivre le modèle français et européen que nous défendons, dans un monde où nos compétiteurs tentent d’imposer par tous les canaux, sinon par la force, leur propre vision du monde.
La France possède des atouts majeurs qu’elle doit entretenir. Elle dispose d’abord du premier réseau culturel au monde. Nos Alliances françaises et Instituts français bénéficieront d’un soutien dont je ne puis que me réjouir après l’avoir réclamé chaque année, au travers d’un amendement similaire, qui est satisfait cette fois.
Elle dispose aussi du premier réseau éducatif au monde, grâce à son maillage d’établissements d’enseignement du français. Toutefois, l’ambition de notre pays de doubler le nombre d’élèves à l’horizon de 2030 ne s’accompagne toujours pas des moyens à la hauteur de l’objectif, comme l’ont rappelé certains orateurs précédents.
L’augmentation de 8 millions d’euros de la subvention pour charges de service public de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ne se traduira pas en réalité par un accroissement de ses moyens.
Pour absorber les surcoûts liés à la réforme du statut des personnels détachés pour 15 millions d’euros, à la hausse du point d’indice pour 7 millions d’euros et aux conséquences de l’inflation pour 7,6 millions d’euros, l’Agence sera contrainte d’augmenter les contributions des établissements, ce qui se traduira mécaniquement par une hausse des droits de scolarité pour les familles.
Par ailleurs, la question du financement des projets immobiliers des établissements en gestion directe, estimés à près de 200 millions d’euros, n’est toujours pas résolue, ce qui entrave le développement du réseau et nuit fortement à l’attractivité de notre offre éducative.
Il devient donc urgent d’apporter une solution pérenne, telle que l’inscription d’une subvention pour charges d’investissement au sein du programme, dès le prochain projet de loi de finances.
Je tiens d’ailleurs à vous faire part de notre satisfaction, même si elle est relative, car nous ne souhaitons pas qu’on y trouve prétexte au rejet de certains de nos amendements, s’agissant du maintien de l’article 50 A, qui prévoit la remise d’un rapport gouvernemental sur les capacités d’emprunt de l’Agence.
La France jouit aussi d’une forte attractivité en matière d’enseignement supérieur, mise au défi par des pays qui ont parfaitement compris que les étudiants étrangers sont leurs meilleurs ambassadeurs lors de leur retour dans leur pays d’origine et qui développent des stratégies offensives pour les attirer, alors que la France décroche.
L’augmentation de 6 millions d’euros de l’enveloppe allouée aux bourses d’études est nécessaire, mais sera-t-elle suffisante pour atteindre l’objectif de doublement de ces bourses à l’horizon de 2030, fixé dans le cadre de la stratégie Bienvenue en France ?
Enfin, la situation financière de Campus France, en déficit de 1,7 million d’euros, représente un angle mort de ce budget, que mon groupe tentera de combler.
En conclusion, alors que nous pourrions nous réjouir que le PLF 2024 prévoie une augmentation importante des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », Mme la rapporteure spéciale de la mission défendra un amendement visant à réduire ses crédits de 30 millions d’euros.
Au regard de l’ensemble des considérations que je viens de développer devant vous, l’adoption de cet amendement par notre assemblée conduirait notre groupe à s’abstenir sur les crédits de cette mission. En revanche, nous les voterions s’il était rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mathilde Ollivier et M. Henri Cabanel applaudissent également.)