M. Philippe Paul. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour présenter l’amendement n° II-202.
M. Akli Mellouli. Cet amendement vise à mieux indemniser les membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun, qui ont été exclus du bénéfice de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés.
Certes, une décision du Conseil constitutionnel a déclaré cette exclusion contraire au principe d’égalité, mais l’article 52 de la loi du 18 décembre 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a de nouveau mis en terme, pour ces supplétifs, à la possibilité de demander une allocation de reconnaissance. Cet article a, à son tour, été déclaré inconstitutionnel le 19 février 2016 par le Conseil constitutionnel… Le dispositif est cependant forclos depuis le 20 décembre 2014.
Or 25 membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun avaient déposé un dossier pour bénéficier de l’allocation de reconnaissance aux rapatriés lors de la fenêtre d’éligibilité, entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, éligibilité confirmée par le Conseil d’État dans sa décision du 20 mars 2013.
Cependant, l’administration a gardé le silence après le dépôt de ces demandes, avant de les refuser à la suite de la promulgation de la loi du 18 décembre 2013.
Cette position de l’administration repose sur une disposition législative qui a, depuis lors, été déclarée inconstitutionnelle.
Il convient donc de réparer le préjudice subi par ces personnes et de réviser cette position dans les meilleurs délais, afin de permettre à ces 22 personnes, dont 3 sont déjà décédées, de percevoir l’indemnité à laquelle ils ont droit.
Par cet amendement, je souhaite donc répondre à une demande des associations de rapatriés, en allouant 92 920 euros à l’ONACVG, opérateur du programme 169, pour indemniser ces 22 supplétifs rapatriés à hauteur de 4 195 euros par bénéficiaire.
Il est plus qu’urgent que ces personnes, mobilisées sous le drapeau français, touchent enfin l’indemnisation à laquelle ils ont droit, plus de soixante ans après leur rapatriement !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° II-1218 rectifié.
Mme Émilienne Poumirol. Je voudrais insister sur l’imbroglio que constitue la situation des 22 supplétifs survivants évoqués par M. Mellouli : leur droit à indemnisation a été reconnu, puis aboli ; ils ne comprennent toujours pas pourquoi ils sont écartés de cette mesure.
Le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, que nous avons adoptée cet été, a reconnu la nécessité de réparations. Il semble nécessaire que la loi de finances pour 2024 confirme le financement de cette indemnisation. Seules 22 personnes sont concernées, je le répète.
Dès lors, pour une dépense modeste – autour de 92 000 euros –, on apportera une marque de reconnaissance extrêmement importante pour ces supplétifs.
M. le président. Mes chers collègues, dès lors que ces amendements sont identiques, je vous invite à la plus grande concision.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° II-1229.
Mme Michelle Gréaume. Il est prévu, au sein de la présente mission, une augmentation de 11 % des crédits alloués aux harkis et aux rapatriés, dont l’enveloppe s’élève à 112 millions d’euros. Il s’agit essentiellement de financer la réparation du préjudice subi par les harkis et les membres des autres forces supplétives du fait de l’indignité des conditions d’accueil qui leur ont été réservées par la France.
Les membres du groupe CRCE-K avaient voté en faveur de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers ces personnes. Nous sommes par conséquent satisfaits de constater cette augmentation des crédits inscrits dans ce projet de loi de finances.
Toutefois, les associations nous ont interpellés sur le risque de voir, une fois encore, non tenue la promesse de réparer le préjudice subi par les 22 membres des forces supplétives de statut civil de droit commun survivants.
Nous proposons par conséquent d’augmenter de 92 920 euros les crédits de l’ONACVG, de manière à permettre l’indemnisation de ces 22 personnes à hauteur de 4 195 euros par bénéficiaire, comme le Gouvernement s’y était engagé.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° II-1283 rectifié.
M. Henri Cabanel. Il a été très bien défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Notre assemblée avait adopté, l’an dernier, une disposition similaire.
Néanmoins, eu égard aux explications que Mme la secrétaire d’État nous a fournies, la commission demande le retrait de ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. L’examen de ces amendements identiques renvoie à une question récurrente.
La Fédération nationale des rapatriés s’engage dans une brèche sémantique en assimilant ces supplétifs de droit commun aux supplétifs de droit local, c’est-à-dire aux harkis. Or les supplétifs de droit commun n’ont pas eu à subir les mêmes conditions de vie que les harkis à leur retour en métropole. Ils ne peuvent donc pas bénéficier d’un dispositif qui a été conçu pour ces derniers.
Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-82 rectifié, II-202, II-1218 rectifié, II-1229 et II-1283 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen de l’amendement portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état G.
ÉTAT G
179 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
180 |
Liquider les dossiers avec la meilleure efficacité et la meilleure qualité possibles (169) |
181 |
Délai moyen de traitement du flux des dossiers de pension militaire d’invalidité (169) |
182 |
Sensibiliser chaque classe d’âge à l’esprit de défense par une JDC de qualité et pour un coût maîtrisé (169) |
183 |
Taux de satisfaction des jeunes au regard de la JDC (169) |
184 |
158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale |
185 |
Améliorer le délai de paiement des dossiers d’indemnisation des victimes de spoliations après l’émission des recommandations favorables |
186 |
Délai moyen de paiement des dossiers d’indemnisation des victimes de spoliations (résidents français et non-résidents) après émission de la recommandation |
187 |
169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
188 |
Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes éloignés de l’emploi |
189 |
Taux d’insertion professionnelle des volontaires du SMV (service militaire volontaire) |
190 |
Fournir les prestations de l’ONAC-VG avec la meilleure efficacité possible |
191 |
Délai moyen de traitement des dossiers |
192 |
Nombre de titres/cartes anciens combattants traités et délai moyen des dossiers |
193 |
Fournir les prestations médicales, paramédicales et hôtelières aux pensionnaires de l’Institution nationale des Invalides au meilleur rapport qualité-coût |
194 |
Coût de la journée d’un pensionnaire de l’INI |
195 |
Liquider les dossiers avec la meilleure efficacité et la meilleure qualité possibles [Stratégique] |
196 |
Délai moyen de traitement du flux des dossiers de pension militaire d’invalidité [Stratégique] |
197 |
Régler les prestations de soins médicaux gratuits avec la meilleure efficience possible |
198 |
Coût moyen de gestion d’un dossier de soins |
199 |
Sensibiliser chaque classe d’âge à l’esprit de défense par une JDC de qualité et pour un coût maîtrisé [Stratégique] |
200 |
Coût moyen par participant |
201 |
Intérêt des jeunes pour les métiers de la défense |
202 |
Taux de satisfaction des jeunes au regard de la JDC [Stratégique] |
M. le président. L’amendement n° II-38, présenté par M. Laménie, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 189
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés
Taux des volontaires du SMV ayant achevé le parcours de leur contrat d’engagement
Taux d’insertion professionnelle des volontaires du SMV (service militaire volontaire)
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet le service militaire volontaire. Il vise à nous permettre de disposer d’indicateurs plus précis sur ce dispositif qui est très important, notamment pour la formation des jeunes.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. J’appelle en discussion les articles 50 B et 50 C, ainsi que les amendements portant articles additionnels, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Article 50 B (nouveau)
Le titre III du livre Ier du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par un article L. 12 quater ainsi rédigé :
« Art. L. 12 quater. – Les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires du ministère de la défense et de l’Institution nationale des invalides occupant ou ayant occupé un emploi qui relève de la catégorie active et réunissant les conditions prévues au deuxième alinéa du 1° du I de l’article L. 24 bénéficient d’une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres par période de dix années de services effectifs. » ;
2° Au dernier alinéa du I de l’article L. 14, les mots : « à la majoration de durée d’assurance mentionnée » sont remplacés par les mots : « aux majorations de durée d’assurance mentionnées à l’article L. 12 quater du présent code et ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 50 B.
(L’article 50 B est adopté.)
Article 50 C (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 523-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les mots : « , à défaut de ces parents, » sont supprimés. – (Adopté.)
Après l’article 50 C
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1275 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° II-1281 est présenté par Mme Schillinger, MM. Patriat, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 50 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Pour les personnes mentionnées au 1° du I, la perception de l’allocation de reconnaissance peut prendre la forme :
« 1° D’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 8 976 € à compter du 1er janvier 2024 ;
« 2° D’un capital de 20 000 € et d’un complément de capital sous la forme d’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 6 526 € à compter du 1er janvier 2024 ;
« 3° D’un capital de 30 000 € et, à compter du 1er janvier 2024, d’un complément de capital attribué sur demande de l’intéressé recevable sans condition de délai.
« Ce complément de capital est versé sous la forme d’une rente viagère dont le montant annuel est égal, au 1er janvier 2024, à celui de la rente viagère mentionnée au 2° du II.
« L’entrée en jouissance de ce complément est fixée à la date du dépôt de la demande.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés des rapatriés et du budget fixe les montants annuels de la rente viagère et du complément de capital, indexés sur le taux d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages, hors tabac, prévus au II du présent article. »
2° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour les personnes mentionnées au 2° du I, et quelles que soient les modalités de versement de l’allocation de reconnaissance précédemment choisies au titre de la présente loi, celles-ci ne bénéficient à compter du 1er janvier 2024 que de l’allocation viagère servie au titre de l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 et dont le montant annuel ne peut être inférieur à 8 976 € au 1er janvier 2024. »
II. – Au premier alinéa du I de l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, les mots : « 4 109 € à compter du 1er janvier 2019 » sont remplacés par les mots : « 8 976 € à compter du 1er janvier 2024, indexé sur le taux d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° II-1275.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° II-1281.
Mme Patricia Schillinger. Il a été si bien défendu par Mme la secrétaire d’État que je n’ai rien à ajouter ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Il est favorable, monsieur le président.
Je profite de cette occasion pour remercier tous les orateurs ayant participé à ce débat, les services de notre assemblée et Mme la secrétaire d’État, ainsi que ses collaborateurs, du travail conjoint et efficace que nous avons pu accomplir sur cette mission. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Je vous remercie à mon tour, monsieur le rapporteur spécial, car c’est un beau travail que nous avons mené ensemble.
On m’a reproché d’avoir déposé un amendement un peu tard ; mais c’est la conséquence inévitable du long travail que nous avons mené avec les associations concernées. Je n’étais pas d’accord avec leurs propositions, qui me paraissaient manquer d’équité.
Enfin, je veux revenir sur la question que M. Longeot m’a posée tout à l’heure : quand j’ai parlé d’une cinquantaine de personnes concernées, cela n’englobait que les harkis ; il faut y ajouter toutes les veuves.
Je continuerai à réfléchir sur les pupilles de la Nation ; un groupe de travail a été mis en place, mais je serai aussi très heureuse d’étudier cette longue et douloureuse histoire avec le Sénat. Nous devons à notre jeunesse de confronter cette mémoire sans réinventer l’histoire, qu’il faut regarder en face !
Je veux enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier tous de votre participation à ce débat et, par anticipation, de votre vote sur les présents amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Au vu des précisions que nous a apportées Mme la secrétaire d’État au cours de la discussion, au vu de son engagement à avancer plus loin et mieux encore, au vu, enfin, de l’adoption de l’amendement n° II-38 de la commission, sur lequel le Gouvernement a bien voulu émettre un avis de sagesse, nous nous abstiendrons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1275 et II-1281.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 50 C.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Action extérieure de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 50 A).
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant siégé au sein de la commission des affaires étrangères durant une dizaine d’années, je suis très honorée d’être le rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l’État ».
Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Mon intervention se concentrera sur deux points principaux.
Il s’agit, dans un premier temps, de vous présenter les crédits de la mission pour 2024.
Force est de constater que le budget de la mission a été très largement orienté par les conclusions des États généraux de la diplomatie, qui se sont tenus d’octobre 2022 à mars 2023. Ce travail de réflexion s’inscrivait en réponse au mouvement social qui a traversé le ministère en juin 2022, en réaction à la réforme des corps diplomatiques. La conclusion de ces États généraux a été l’occasion pour le Gouvernement d’annoncer une augmentation de 700 équivalents temps plein (ETP) et de 20 % du budget du ministère d’ici à 2027.
Cette ambition s’est traduite dans le budget 2024 par une hausse des crédits de 3,5 milliards d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Par rapport à l’exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d’euros, soit une augmentation de 6 % sur l’ensemble de la mission. Cette hausse des crédits s’accompagne de l’ouverture de 165 ETP sur l’ensemble des programmes de la mission.
Cette augmentation généralisée soulève toutefois trois points de vigilance.
Premièrement, nous devons être attentifs à éviter toute forme de saupoudrage des crédits. Les choix de répartition du budget doivent s’inscrire en cohérence avec nos priorités stratégiques et géographiques. À cet égard, il est nécessaire de mieux mesurer l’effet de levier des dépenses de l’action extérieure.
Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra rapidement être précisée par les responsables des programmes. La ventilation de certains crédits et des emplois m’est apparue imprécise au cours des auditions. Plusieurs lignes budgétaires sont renseignées de manière sibylline, à l’image de celle qui est dédiée aux dépenses d’intervention des ambassades. De même, l’allocation des 165 nouveaux équivalents temps plein n’est pas encore déterminée pour au moins un programme de la mission.
Troisièmement, nous devons veiller à la bonne exécution de certaines dépenses. Je pense notamment aux dépenses d’immobilier, qui ont pu faire l’objet d’une sous-consommation lors d’exercices précédents.
Pour prendre en compte ces points de vigilance, et afin d’assurer une contribution de la mission à l’effort de redressement des comptes publics, la commission des finances a adopté un amendement visant à diminuer de 30 millions d’euros les crédits de la mission. Nous en discuterons tout à l’heure.
D’une part, cet amendement a pour objet une diminution de 5 millions d’euros des dépenses de protocole, dont l’augmentation semble excessivement élevée au regard des conférences internationales qui seront organisées en France en 2024. Il tend également à réduire de 5 millions d’euros les dépenses d’immobilier, dont la programmation semble insuffisante et qui font régulièrement l’objet d’une sous-exécution.
D’autre part, cet amendement a pour objet de réduire de 20 millions d’euros des crédits d’intervention à disposition des ambassades et des services centraux en matière culturelle, universitaire et scientifique. Je considère que la doctrine d’engagement de ces dépenses n’est pas suffisamment précisée.
Au regard de la hausse des crédits de la mission en 2024, cette mesure d’économie reste limitée et n’obère pas les capacités du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à répondre aux objectifs de la politique étrangère de la France.
Dans un second temps, j’en viens à la présentation plus détaillée des crédits du programme 105. Celui-ci regroupe les contributions internationales et les dépenses liées à l’administration centrale et au réseau diplomatique à l’étranger.
En premier lieu, concernant les contributions internationales et européennes, ces dépenses sont pour partie dépendantes d’engagements internationaux de la France pour financer des organisations multilatérales. Au total, les contributions internationales, hors contributions européennes, s’élèveront à 729 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023.
Une partie de nos contributions internationales est versée en devises, donc exposée à un risque de change. Compte tenu des incertitudes sur l’évolution des taux de change à moyen terme, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change, qui est une procédure efficace.
Une partie de la hausse des contributions pour 2024 s’explique par le doublement du financement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cette dernière a été largement sollicitée – à juste titre – pour financer l’aide apportée à l’Ukraine dans sa résistance à l’agression russe.
En second lieu, s’agissant du budget de l’administration centrale et du réseau diplomatique, la hausse des crédits entend traduire le « réarmement complet de notre diplomatie », pour reprendre les termes du Président de la République.
Le ministère portera une attention particulière à certaines dépenses présentées comme stratégiques. Je pense notamment aux dépenses improprement dites de communication, qui regroupent en réalité les activités de veille et de riposte à la désinformation. Le terme de communication semble en effet ne pas correspondre à l’action couverte par ces crédits : il conviendrait de trouver une appellation plus pertinente, madame la ministre.
Le contexte international dégradé explique le renforcement des dépenses de sécurité, en France comme à l’étranger. Les crédits de la sécurité à l’étranger devraient atteindre 67 millions d’euros en crédits de paiement. La dotation du centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d’Orsay, mobilisé dans les évacuations de nos ressortissants, est par ailleurs confortée, ce qui est tout à fait légitime. Il s’agit en particulier de protéger nos ambassades par des mesures de sécurité passive. Au regard des récents événements au Sahel, j’estime que ces précautions sont nécessaires.
Aussi, mes chers collègues, sous réserve de l’adoption de l’amendement de la commission et de l’avis éclairé que s’apprête à vous adresser notre excellent collègue Rémi Féraud, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ainsi que l’article 50 A, rattaché à la mission. (M. le rapporteur spécial de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué ma collègue Nathalie Goulet, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » connaissent une hausse substantielle dans le projet de loi de finances pour 2024.
J’évoquerai pour ma part le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés aux Français de l’étranger et au réseau consulaire.
En 2024, l’administration consulaire devrait poursuivre sa démarche de modernisation. Il s’agit notamment de finaliser la rénovation des outils numériques de nos administrations consulaires. La dématérialisation de l’état civil des Français nés à l’étranger ou concernés par un événement d’état civil à l’étranger, engagée en 2019, en est un bon exemple. Le ministère espère pouvoir engager en 2024 la dernière étape de ce projet, à savoir l’ouverture en ligne du registre électronique.
Le déploiement de la plateforme France Consulaire devrait également se poursuivre l’année prochaine. Ce centre d’appels vise à soulager les services consulaires des demandes téléphoniques. Il est pour l’instant limité à l’Europe, mais il devrait être étendu courant 2024 à l’Afrique, puis au reste du monde. Assurons-nous néanmoins que cette évolution représente une amélioration pour nos postes consulaires et ne se fasse pas au détriment de l’accueil physique.
Ensuite, l’année 2024 est, comme vous le savez, une année d’élections. Les services consulaires seront particulièrement sollicités à cette occasion. Le programme reçoit un abondement exceptionnel de 1,1 million d’euros, en plus d’un transfert du ministère de l’intérieur.
Enfin, les bourses scolaires constituent les principales dépenses d’intervention du programme 151. Je sais que les élus représentant les Français établis hors de France sont très attentifs à ce sujet. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir l’accès des familles les plus modestes à l’enseignement français à l’étranger.
En 2023, l’ensemble des crédits avaient été consommés, permettant de liquider la soulte de l’Agence française pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Pour 2024, le montant de l’enveloppe des bourses sera de 118 millions d’euros. Nous devrons être attentifs à la consommation de cette enveloppe, pour éviter la reconstitution d’une soulte, tout en nous assurant que le montant soit suffisant dans un contexte de difficultés sociales et de forte inflation.
Concernant le programme 185, le budget 2024 consolide les moyens de la diplomatie d’influence, puisque les crédits du programme progressent de 5,7 %.
Premièrement, cette hausse des moyens vise à renforcer l’attractivité de la France dans les domaines culturel, scientifique et universitaire. Même si cela reste modeste par rapport à la politique d’influence d’autres pays, je veux saluer l’effort qui est enfin mené en faveur du développement de notre rayonnement.
L’enveloppe des bourses pour les étudiants étrangers est ainsi renforcée de 6 millions d’euros, pour atteindre 65 millions d’euros. L’objectif du ministère et de son opérateur, Campus France, est d’attirer en priorité davantage d’étudiants d’Afrique et d’Indo-Pacifique. Pour ma part, je considère que cet effort est positif, d’autant que chaque étudiant étranger accueilli en France est un potentiel futur ambassadeur de notre pays, ce qui représente un atout majeur dans la mondialisation.
Cependant, comme je l’avais rappelé dans mon intervention l’année passée, nous devrons rester vigilants, car ces crédits sont régulièrement sous-exécutés. Certes, ce phénomène permet une certaine marge de manœuvre budgétaire, y compris pour encaisser les effets de l’inflation. Néanmoins, on peut regretter le manque de volontarisme politique en la matière.
De plus, le projet de loi de finances augmente les crédits d’intervention pilotés par les services de coopération et d’action culturelle.
Toutefois, leur emploi me paraît trop peu détaillé et interroge sur la doctrine de consommation de ces crédits. Certes, la logique de gestion au plus près du terrain est utile, mais elle ne peut se faire au prix de la redevabilité des comptes. Nous pouvons considérer qu’il est nécessaire de modérer la hausse de cette enveloppe ou bien – comme je le fais – conclure que l’exécution de ces crédits devra faire l’objet de travaux de contrôle.
Deuxièmement, il s’agit également de soutenir le développement de l’enseignement français à l’étranger. À cet égard, je voudrais souligner deux points d’attention.
D’une part, l’objectif de doublement du nombre d’élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l’étranger d’ici à 2030 paraît inatteignable. Même si plusieurs initiatives intéressantes sont abondées par ce projet de loi de finances, la réalisation de cet objectif supposerait une croissance des effectifs de 5 % par an, contre 0,5 % cette année.
D’autre part, il faut être vigilant quant à l’évolution de la subvention pour charges de service public versée à l’AEFE. Si elle est maintenue cette année à un niveau important, de l’ordre de 454,9 millions d’euros, l’inflation reste encore élevée dans de nombreux pays et pourrait peser sur les frais de scolarité des établissements. Il apparaît indispensable que l’enseignement demeure pour les Français résidant à l’étranger un véritable service public, c’est-à-dire que la part de contribution des familles reste stable. Nous devrons y être attentifs cette année.
La question de la capacité de financement de ses projets de long terme par l’Agence reste ouverte, alors que ses capacités d’endettement sont limitées par le cadre budgétaire.
L’entretien lourd des établissements du réseau et la rénovation énergétique, en particulier, conduisent à des besoins d’investissement croissants. En ce sens, le rapport demandé par l’article 50 A du présent projet de loi devrait nous permettre d’envisager une évolution du mode de financement de l’AEFE.
Pour conclure, je veux exposer la position de la commission sur l’ensemble des crédits de la mission. La hausse des moyens qui est accordée à la diplomatie française est nécessaire et bienvenue. Les consultations menées dans le cadre des États généraux de la diplomatie ont eu pour premier effet de souligner la volonté des agents du ministère de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique.
Ces dernières années, les mesures d’économies ont affaibli les capacités du Quai d’Orsay à mettre en œuvre la politique étrangère de la France et à assurer une présence consulaire et culturelle efficace, pour un gain budgétaire en faveur des finances de l’État extrêmement limité.
Or, dans le contexte géopolitique actuel, nous devons être en mesure de déployer une véritable diplomatie d’influence et d’apporter un réel soutien à nos concitoyens résidant à l’étranger.
La commission des finances vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » et à adopter l’article 50 A rattaché à la mission. (Mme le rapporteur spécial applaudit.)