Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, donné en sursis l’année dernière, le cinéma a réalisé en 2023 un comeback – vous me pardonnez l’anglicisme – qui n’est pas sans évoquer un scénario à rebondissements avec une fin heureuse.
C’est en effet la bonne nouvelle de l’année : avec 175 millions de spectateurs, peut-être même 185 millions d’ici la fin de l’année, le septième art a retrouvé un public que le déferlement du streaming n’aura pas détourné des salles.
La fin des restrictions liées à la pandémie a ainsi eu raison de la morosité ambiante de l’année dernière, avec l’aide d’une programmation, notamment de films français, fortement attractive pour tous les publics.
C’est avec une grande joie que je constate donc que les aides publiques consenties au secteur ont permis à notre cinéma de relever très rapidement la tête, même s’il faut bien entendu se garder de relâcher nos efforts.
Avec mes collègues Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, nous avons mené cette année un travail intense d’écoute et d’analyse du secteur, qui a donné lieu à la publication, en mai dernier, d’un rapport au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Nous y montrons que la France, bien plus que ses voisins européens, entretient de longue date un lien très fort avec son cinéma. Que ce lien particulier en soit la cause ou la conséquence, il reste que depuis soixante-quinze ans, notre pays a mis en place un cadre unique de régulation et de protection du secteur qui s’appuie à la fois sur la protection des artistes et sur le respect de l’équilibre économique de toute la filière.
Le cinéma fait partie de notre histoire, et il fait aussi notre histoire.
Il nous faut toutefois demeurer vigilants et adapter sans cesse nos outils aux évolutions technologiques. En transposant la directive SMA – Services de médias audiovisuels – de manière volontariste, la France a déjà œuvré en ce sens au niveau européen.
Dans quelques semaines, avec Sonia de La Provôté, nous vous proposerons d’examiner une proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, notamment en facilitant le quotidien des exploitants de salles qui font vivre le cinéma dans nos territoires. J’espère pouvoir compter sur votre soutien et sur celui du Gouvernement, d’autant que ce texte constituera l’une des trop rares occasions qui nous sont données de légiférer sur le cinéma.
Avant de conclure, je tiens à indiquer que je déplore fortement, dans ce paysage enfin apaisé, l’adoption d’un amendement de suppression de l’article 5 duovicies et, partant, de la prorogation du crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques (CIPP).
Les crédits d’impôt dont bénéficie le secteur du cinéma font l’objet d’évaluations très régulières, qui toutes font état de bilans très positifs sur la production comme en termes de retombées économiques. L’absence de visibilité à moyen terme quant à l’avenir de ce dispositif pourrait avoir de très fâcheuses conséquences sur toutes les industries artistiques, mais aussi techniques, qui, dans un marché désormais internationalisé, s’efforcent d’accueillir de grands tournages internationaux entraînant de fortes retombées économiques pour nos territoires.
Je puis en témoigner personnellement, car la société Provence Studios, installée dans notre département et sur le site de laquelle nous nous sommes rendus à l’occasion de notre rapport, a pu développer – comme d’autres, du reste – une infrastructure mondialement reconnue à Martigues. Cette société serait toutefois fragilisée si les conditions économiques d’accueil des tournages venaient à être dégradées.
Je souhaite donc vivement que le crédit d’impôt soit prorogé dans le présent projet de loi de finances.
Sous cette réserve, qu’il me paraissait important de mentionner, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les industries culturelles se seront sorties avec brio d’une crise pandémique qui les menaçait pourtant directement.
Grâce au fort soutien des pouvoirs publics, l’édition, la vidéo et le jeu vidéo sont finalement sortis et renforcés de la crise dès 2022. Avec un chiffre d’affaires global de 14,2 milliards d’euros, en progression de 3,6 %, ces industries ont montré leur résilience et leur capacité d’adaptation à notre époque.
Le budget que nous examinons comprend également, pour plus des deux tiers, les crédits alloués à la Bibliothèque nationale de France (BNF), navire amiral de notre politique culturelle et patrimoniale.
La BNF poursuit sa gestion rigoureuse, même si elle est, comme beaucoup d’établissements publics, mise en danger par les conséquences de l’inflation, notamment de l’énergie, et par les mesures catégorielles dans la fonction publique.
Cela ne l’empêche pas d’afficher ses ambitions, avec le nouveau site de stockage et le centre de conservation de la presse devant voir le jour à Amiens à l’horizon 2029.
Je dois également mentionner les suites plus que positives du combat mené depuis 2015 par notre collègue Sylvie Robert en faveur de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques. Grâce à elle, entre 2016 et 2024, près de 80 millions d’euros auront été consacrés à cette question. Quelque 589 établissements ont pu en profiter pour étendre leurs horaires, à raison d’une ouverture supplémentaire moyenne de neuf heures trente par semaine, au-delà de la cible initialement fixée.
Il convient de saluer le succès d’une politique publique menée avec constance dont nos concitoyens bénéficient directement et concrètement.
Le grand dossier de cette année est celui du financement du CNM.
Créé en 2019, puis auréolé de son excellente gestion des aides durant la crise, le CNM n’a pourtant toujours pas de budget pour 2024, ce qui menace directement ses programmes d’aide à la création et, partant, le renouvellement des talents dans notre pays.
Le Gouvernement a cherché un accord avec les plateformes pour des contributions volontaires d’un montant suffisant, mais il semble que nous soyons encore loin du compte.
Je me félicite donc du volontarisme de tous les groupes du Sénat, qui ont très largement adopté, lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, l’article 5 vicies A créant une taxe dite streaming. Cette taxe, dont le produit sera affecté au CNM, est assise de manière équilibrée sur les écoutes en ligne financées par un abonnement ou par la publicité.
Par ce vote, mes chers collègues, nous prolongeons de manière cohérente le vote qui, en 2019 et sur l’initiative de Jean-Raymond Hugonet, avait permis la création du centre.
Je souhaite maintenant que le Gouvernement aille au bout de la démarche et retienne cet article dans le texte final de la loi de finances pour 2024.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis. Cela permettra de mettre un terme aux débats sans fin qui agitent la filière et génèrent beaucoup d’incompréhension depuis cinq ans maintenant.
Mme la présidente. Concluez !
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis. Au bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les médias audiovisuels sont en pleine transformation et connaissent une véritable révolution de leurs usages.
Avec la multiplication des écrans et le succès des plateformes internationales, particulièrement auprès des jeunes, le temps des programmes de télévision linéaires partagés en famille ou entre amis est quasiment révolu.
La massification des fausses informations et les progrès de l’intelligence artificielle amplifieront encore demain le phénomène des bulles numériques, déjà à l’œuvre.
Ces réalités alternatives progressent au détriment de notre culture commune. Ces bouleversements sont autant de défis pour notre secteur audiovisuel public.
Comme ce fut le cas historiquement après-guerre ou encore dans les années 1980, un tournant stratégique est aujourd’hui nécessaire.
Notre pays a la chance de disposer d’un audiovisuel public fort qui reste présent dans le quotidien d’une grande majorité de Français. Son rôle est majeur pour résister à la vague que je viens d’évoquer. Des médias de services publics indépendants, modernisés et dotés d’une stratégie claire et d’un financement pérenne sont plus que jamais nécessaires.
Or que nous propose le Gouvernement dans ce projet de loi de finances ? Une trajectoire pluriannuelle d’augmentation des crédits adossée à une stratégie floue, voire hésitante, élaborée en dehors de tout débat démocratique.
Cette trajectoire financière s’inscrit sur la durée des prochains COM des entreprises de l’audiovisuel public, sur lesquelles les commissions parlementaires et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) seront consultées pour avis.
Ces COM auraient dû nous parvenir avant le projet de loi de finances, mes chers collègues. Nous n’en serons toutefois saisis que l’an prochain, alors qu’ils seront déjà engagés, comme si la consultation du Parlement n’était qu’une simple formalité.
Telle n’est pas notre conception du rôle du Parlement. Il aurait évidemment fallu discuter d’abord des objectifs, de la méthode et de l’évaluation des résultats pour que nous puissions nous prononcer en toute connaissance de cause sur la trajectoire financière proposée.
En nous demandant de voter les moyens avant de connaître et de discuter des objectifs, on nous demande d’« acheter un chat dans un sac », selon l’expression auvergnate consacrée.
C’est d’autant plus vrai et flagrant que ce projet de loi de finances comporte un nouveau programme, dit de transformation, dont les crédits sont alloués sous conditions et pourront être retirés aux opérateurs. Comment accepter dès lors que les objectifs ne soient pas clarifiés et que la méthode d’évaluation des résultats ne soit pas explicitée devant la représentation nationale ?
À cela s’ajoute une absence de perspective sur le mode de financement de l’audiovisuel public après 2025. Si la Lolf n’est pas rapidement modifiée, nous nous dirigeons vers une budgétisation de l’audiovisuel public. Ce choix par défaut serait regrettable. C’était le projet initial du Gouvernement, mais ce serait un contresens historique.
Vous nous avez indiqué votre position à titre personnel, madame la ministre. Pouvez-vous aujourd’hui nous donner la position du Gouvernement sur le sujet ? Et sinon, qui le peut ?
Le Sénat a formulé des propositions en matière de gouvernance. Il a notamment adopté, en juin dernier, la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, déposée par le président Laurent Lafon et rapportée par Jean-Raymond Hugonet. Ces propositions sont restées à ce jour sans suite.
En définitive, la méthode n’est donc pas satisfaisante.
En dépit des évolutions positives des différents acteurs de l’audiovisuel public, la commission de la culture déplore une absence de direction claire. Elle a donc émis un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les industries culturelles représentent un enjeu majeur de souveraineté. Qu’il s’agisse de notre musique, de nos films, de nos livres ou de nos jeux vidéo, toutes ces œuvres sont exportées dans le monde entier, où elles contribuent à diffuser notre histoire, notre culture, nos modes de vie, nos valeurs et nos paysages. Il importe donc de les conforter.
Le projet de loi de finances pour 2024, qui apporte un soutien renouvelé à ces différents secteurs et leur alloue des crédits en progression de 7,6 % par rapport à 2023, traduit parfaitement cette ambition d’universalité.
Concernant le livre, la politique de l’État consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion la plus large possible des pratiques de lecture. Il s’agit, bien entendu, d’un motif de satisfaction, mais nous savons combien l’industrie du livre est fragile.
La recomposition en cours des groupes d’édition les plus importants, les coûts actuels du papier, l’émergence de l’intelligence artificielle, les tensions sur le partage de la valeur entre les auteurs et les éditeurs ou encore les difficultés de trésorerie des librairies le démontrent tous les jours.
En matière de lecture, l’effort de l’État repose sur la dotation générale de décentralisation (DGD). Il permet à un certain nombre de collectivités territoriales volontaires d’adapter et d’étendre les horaires d’ouverture de leurs bibliothèques.
Ce soutien, prévu pour une durée de cinq ans, arrive toutefois à son terme. L’échéance prochaine du dispositif fait peser de lourdes incertitudes sur la poursuite de cette ambitieuse politique publique. Il s’agit d’un point de vigilance.
Je souhaite par ailleurs saluer le soutien constant de l’État à la Bibliothèque nationale de France, qui porte un projet essentiel pour l’avenir d’un certain nombre de ses collections, celui du pôle de conservation d’Amiens.
De son côté, le jeu vidéo reste le premier loisir des Français et s’impose en tête de podium des industries culturelles. La France est à l’avant-garde, mais elle fait face à des géants. Nos studios représentent un levier d’influence fort, que nous devons protéger des appétits croissants des grandes puissances étrangères. La prorogation du crédit d’impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo jusqu’au 31 décembre 2026 répond à cet objectif.
En matière de musique, la question du financement du Centre national de la musique est un sujet complexe, évoqué à maintes reprises au sein de la commission de la culture. Le modèle économique du centre n’est toujours pas stabilisé, et il ne dispose pas des fonds nécessaires pour mener à bien ses missions.
Je prends acte de la création, décidée par le Sénat dans le cadre de ce PLF, d’une taxe affectée qui sera acquittée par les plateformes de streaming.
J’avais pour ma part formulé une proposition médiane, qui n’a malheureusement pas prospéré, consistant à aménager la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, dite taxe YouTube, afin de ne prendre en compte que la part des revenus publicitaires monétisant des contenus musicaux.
Faire contribuer indistinctement l’ensemble des acteurs, y compris les plateformes européennes sur abonnement comme Spotify et Deezer, qui reversent 70 % de leurs revenus aux auteurs, artistes, éditeurs et producteurs, ne me paraît pas être la solution la plus pertinente.
Il me semble vraiment préférable d’approfondir la question d’une contribution volontaire des grandes plateformes de musique enregistrée. J’espère que les négociations en cours permettront de parvenir à cette solution équitable pour le financement du CNM avant le retour du texte à l’Assemblée nationale.
En matière de médias et d’audiovisuel public, notre groupe souhaite insister sur l’importance de la diversité de la presse, générale et spécialisée, et de l’indépendance des médias.
Il est également essentiel de s’assurer de l’accès de tous à une information de qualité. Les temps instables que nous traversons nous engagent à garantir à nos concitoyens des médias fiables. Nous devons collectivement nous protéger de la désinformation qui se répand malheureusement de manière fulgurante. Il y va de notre cohésion nationale. La future réforme des aides directes à la presse devra tenir compte de ces enjeux majeurs.
Je tiens à saluer tout particulièrement le travail mené par la chaîne Arte, dont la plateforme numérique donne désormais accès gratuitement à des contenus de grande qualité.
Je souhaite enfin évoquer en quelques mots la situation du cinéma, qui suscite bien des débats, pour ne pas dire une forme de cinéma-bashing.
Je regrette profondément la suppression de l’article 5 duovicies du PLF, qui prorogeait pour une durée supplémentaire de deux ans le bénéfice du crédit d’impôt pour les dépenses de production d’œuvres phonographiques.
Comme notre rapporteur pour avis l’a indiqué, ce crédit d’impôt permet d’attirer sur notre territoire de grosses productions cinématographiques, des séries télévisuelles et des œuvres d’animation étrangères.
Il s’agit donc d’un très mauvais signal adressé aux producteurs, qui vont rapidement se tourner vers les pays les plus attractifs, comme le Royaume-Uni.
C’est également un mauvais signal pour l’industrie du cinéma français, largement mise à contribution par ces productions étrangères.
Nous avons par ailleurs été nombreux à soutenir le maintien du dispositif fiscal dont bénéficient les contribuables souscrivant au capital des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica). Cet instrument financier est important, car il permet d’orienter l’investissement vers la production indépendante.
Je me réjouis du retour à meilleure fortune du cinéma français après une période post-covid très incertaine et une grève de longue durée des acteurs américains, qui vient de prendre fin et s’est conclue par la ratification d’un accord avec les studios.
La politique menée par l’État en faveur des médias, du livre et des industries culturelles est ambitieuse et équilibrée. Le groupe Les Indépendants s’en réjouit, et il votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen de deux programmes du projet de loi de finances pour 2024 qui, loin d’être anodins, sont essentiels pour la vitalité de notre paysage médiatique, la prospérité de nos industries culturelles et la préservation de notre patrimoine intellectuel et artistique.
Le programme 180 « Presse et médias » illustre l’importance vitale d’une presse libre et variée.
Comme l’a souligné notre collègue Michel Laugier, la presse est un pilier fondamental d’une démocratie saine et éclairée. Aujourd’hui, la liberté de la presse est plus vitale que jamais.
Ce secteur est toutefois confronté à des défis majeurs, notamment une diminution substantielle de ses revenus et une perte de confiance du public exacerbée par la montée de la désinformation.
Dans ce contexte, la réforme des aides à la presse se révèle essentielle. Il est impératif de réviser et d’adapter ces aides pour qu’elles correspondent aux réalités contemporaines du secteur.
Cette réforme devrait viser à accroître la transparence, à encourager l’innovation et à favoriser un modèle économique viable pour la presse numérique tout en soutenant la presse écrite. Elle devra assurer une répartition équitable des ressources et stimuler un journalisme de qualité indispensable dans notre société.
Au cœur de notre paysage médiatique, l’Agence France-Presse (AFP) est emblématique de ces enjeux. Malgré les controverses récentes, elle reste un pilier de l’information fiable et objective, en particulier dans un monde où la désinformation est omniprésente. L’augmentation de son budget pour 2024 témoigne de l’engagement envers une presse indépendante et de qualité.
Le programme 334 « Livre et industries culturelles », qui couvre un éventail d’activités allant de l’édition aux jeux vidéo, joue un rôle clé dans la préservation de notre héritage culturel et intellectuel.
La crise pandémique a révélé la résilience et l’importance stratégique de ces industries. Le soutien de l’État est primordial pour assurer leur pérennité et leur développement.
Les investissements dans la Bibliothèque nationale de France, comme la réouverture du site Richelieu ou la création d’un centre de conservation à Amiens, sont des initiatives louables qui démontrent notre engagement à préserver et à valoriser notre patrimoine littéraire.
Le soutien étendu à la lecture publique et au développement des bibliothèques sur l’ensemble du territoire national illustre l’engagement à rendre la culture accessible à tous.
Le Centre national du livre joue, lui aussi, un rôle essentiel de soutien à la diversité et à la qualité de la création littéraire française.
L’intervention de Jérémy Bacchi apporte un éclairage optimiste sur l’industrie cinématographique française. Face aux défis technologiques et à la crise sanitaire, cette dernière montre des signes de reprise et de dynamisme. Il est crucial de continuer à soutenir cette industrie en mettant l’accent sur la qualité des productions et l’innovation.
La proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France et la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer sont des étapes importantes pour assurer une accessibilité plus large du cinéma français, en particulier dans les territoires moins desservis.
En conclusion, conscient des enjeux et des opportunités que ces secteurs emportent pour notre société, et convaincu que ces mesures axées sur la qualité, l’innovation et l’accessibilité joueront un rôle crucial dans la pérennité et le développement de notre patrimoine médiatique, littéraire et culturel, le groupe Union Centriste soutiendra ces crédits.
En votant en faveur de ces programmes tout en étant exigeants, nous réaffirmons notre engagement envers une presse diversifiée et dynamique, une culture riche et un secteur culturel vivant et accessible à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. « Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’un, c’est attenter à l’autre. » Ces mots empruntés à Victor Hugo sauront rappeler, je l’espère, l’importance des crédits de la mission examinée à présent.
Sans presse libre, point de débat d’idées, point de démocratie. On mesure aujourd’hui toutes les conséquences sur le débat public des financements de la presse d’information politique et générale par le déclin des abonnements. Celui-ci s’est accéléré depuis l’avènement d’internet. Les rédactions françaises ont tardé à prendre conscience de la nécessité du tournant numérique. L’augmentation du nombre de journalistes en freelance et la dégradation des conditions d’exercice de la profession en sont aussi la conséquence.
Désormais, les rédactions sont devenues plus dépendantes des sources de financement alternatif, c’est-à-dire de la publicité et des aides à la presse, financées par les pouvoirs publics.
En 2022, la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias en France a montré l’impact de ces changements sur la confiance des citoyens dans l’information journalistique, en forte baisse ; je rappelle le chiffre de 62 %. En parallèle de ce déclin d’influence de la presse de qualité, la diffusion d’informations non vérifiées sur les réseaux sociaux n’a cessé d’augmenter, au détriment du débat public, donc de la démocratie.
Je crains que la diffusion de fausses informations ne soit une guerre perdue d’avance. La priorité est désormais au rétablissement de la confiance dans l’information produite par les journalistes.
C’est le sens des propositions de loi que nous avons déposées en juin dernier, dont l’une portait sur le financement de l’audiovisuel public, l’autre sur le renforcement des exigences en matière d’information et d’indépendance des médias.
Le rapporteur pour avis Michel Laugier a rappelé le consensus qui s’est formé pour renforcer la conditionnalité des aides à la presse. Une décision du Conseil d’État sur la part de journalistes professionnels dans les rédactions nous obligera de toute façon à le faire.
Malheureusement, madame la ministre, le sujet paraît secondaire pour votre gouvernement. La réduction d’impôt pour la souscription d’un abonnement à la presse d’information politique et générale (IPG) a été supprimée quelques années après sa création. Il aurait été peut-être plus pertinent de la renforcer et de l’étendre.
Que deviendront aussi les états généraux de l’information, qui ont commencé dans le désordre plus d’un an après leur annonce lors de la campagne présidentielle de 2022, en réaction à la mobilisation des journalistes du Journal du dimanche ? S’agit-il d’une énième opération de communication, destinée à subir la même trajectoire que la Convention citoyenne pour le climat ? En réalité, madame la ministre, des propositions législatives sont déjà sur la table. Il vous appartient de vous en saisir.
En septembre dernier, on apprenait la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux. En octobre, on découvrait la volonté et la demande simultanée du Gouvernement français de prévoir des dérogations au secret des sources lors de l’examen du Media Freedom Act européen, qui se tient en ce moment. Ce sont deux signaux inquiétants.
Madame la ministre, on ne peut pas prendre le nom de « Renaissance », qui renvoie directement à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et à la diffusion des idées des Lumières, et contribuer activement à affaiblir la presse.
Vous avez fait preuve de plus de diligence pour la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, à l’été 2022. L’information de qualité a un coût. Il en va de même pour l’audiovisuel public.
Il est irresponsable de laisser planer le doute sur le financement de ces grands services publics de l’information. Le Conseil constitutionnel a rappelé que des normes fondamentales les protègent. À quoi sert le programme 848, si ce n’est à préparer la fusion à laquelle vous vous opposiez, ici même, aux mois de mai et juin derniers ?
Quant à nos collègues de la majorité sénatoriale, qui proposent de réduire le budget de l’audiovisuel public de 209 millions d’euros, je regrette qu’ils s’éloignent de l’esprit de la Résistance et du combat de Jean-Louis Crémieux-Brilhac pour l’information de citoyens éclairés.
Madame la ministre, vous dites que le combat contre l’extrême droite est au cœur de votre engagement politique. Il y a urgence. Pour revenir à la citation de Victor Hugo, notre démocratie ne marche plus que sur une jambe. Le populisme se nourrit des espaces laissés vides par la fragilisation de la pensée critique. Historiquement, populisme et suffrage universel n’ont jamais fait bon ménage.