Mme la présidente. Je salue la délégation du charmant village yvelinois de Tessencourt-sur-Aubette, présente en tribune. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une chape de plomb s’est abattue sur Paris.
Quelque 500 tonnes de ce métal ont été déposées en plein cœur de la capitale, au sommet de Notre-Dame, pour reconstituer la croix de la flèche de l’édifice.
À la suite de l’incendie tragique de la cathédrale, le dépôt de ce matériau toxique sur les trottoirs, dans les jardins et dans les cours d’école a bouleversé la vie des riverains. Ma collègue Anne Souyris a fait de cette chape son combat.
Madame la ministre, avec elle, je souhaite vous faire part de notre inquiétude causée par la présence de ce matériau toxique au cœur de la capitale, qui plus est sur un site touristique. La destination du surplus de dons, issus de la collecte internationale, qui s’élève à plus de 144 millions d’euros, est encore incertaine. Pourquoi ne pas l’utiliser pour envisager une solution architecturale plus respectueuse de la santé publique ?
Le pape a été également saisi, ce qui m’inspire ces mots en latin : Ab assuetis non fit passio – on ne s’émeut pas de ce qui est fréquent. Ainsi, les enjeux environnementaux restent insuffisamment pris en compte dans le programme 175 « Patrimoines », notamment la rénovation énergétique des bâtiments anciens.
Je me réjouis que nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon aient été entendus par le Président de la République, qui a fait des annonces sur le sort du patrimoine religieux en péril, lors de son déplacement au mont Saint-Michel – nous n’avons pas tous l’oreille de Dieu, décidément.
Est socia mortis homini vita ingloria, pourrait dire le chef de l’État : la vie sans gloire est une mort anticipée.
Toutefois, je m’inquiète du sort des bâtiments profanes publics à vocation culturelle. Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, nous nous sommes opposés au financement de leur rénovation par l’installation de bâches publicitaires.
À quoi sert l’impôt s’il ne contribue pas à entretenir nos bâtiments publics ? Imagine-t-on couvrir de publicités les églises pour en financer la rénovation des toitures ?
Je m’inquiète également de la surreprésentation des projets parisiens dans les investissements du ministère. C’est le cas de la rénovation du centre Pompidou, comme l’a souligné notre collègue rapporteur Sabine Drexler, dont je salue le travail.
En cette période de forte inflation, cette surreprésentation contraint les collectivités territoriales à des choix budgétaires cornéliens. Or, madame la ministre, vous pourriez prévenir la fermeture des lieux culturels ou des bibliothèques en procédant à des rééquilibrages budgétaires.
Madame la ministre, mes chers collègues, une seconde chape de plomb pourrait s’abattre sur le monde culturel en 2024. Il s’agit de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Après deux années de crise sanitaire et de forte inflation, la vie festivalière sera totalement bouleversée, reprogrammée dans les « trous » laissés disponibles par les Jeux, parfois en dehors des vacances scolaires.
Dans ce contexte, la politique culturelle du pays se transforme en une gestion de crise et il est difficile de prendre de la hauteur pour adapter nos outils aux grandes transformations en cours.
C’est le cas du financement du Centre national de la musique, dont les missions ont été brouillées, dès ses premières d’année d’existence, pendant la période covid. Aussi nous paraît-il nécessaire de conserver la taxe sur le streaming votée par le Sénat.
Il en va de même des phénomènes de concentration à l’œuvre, comme le big-bang en cours dans le monde de l’édition ou la concentration observée dans le secteur des festivals, qui fragilise les plus petites programmations et qui favorise la hausse inexorable du prix des places. La concentration dans le secteur des plateformes de vidéo à la demande est, quant à elle, déjà bien établie.
Ce phénomène de concentration est un obstacle à la diversité et à l’accessibilité culturelles, auxquelles le groupe écologiste est très attaché.
Un soutien supplémentaire aux quatre-vingt-douze scènes de musiques actuelles en grande difficulté est aussi nécessaire.
Dans les cinémas, le retour du public bénéficie surtout aux grandes productions, et non pas aux films d’auteur, selon le bilan du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de 2023.
Après les menaces pesant sur des lieux culturels locaux emblématiques comme Montévidéo à Marseille, on apprend que le prix des loyers chasse les cinémas des Champs-Élysées et des cœurs de ville. Il importe donc de les mettre à l’abri de la flambée immobilière, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945 relative aux spectacles.
À nous de nous saisir de la question transversale du partage de la valeur ajoutée dans le secteur culturel et de revaloriser la part des auteurs et des artistes. Les négociations sur les conséquences de l’intelligence artificielle qui ont lieu de l’autre côté de l’Atlantique devraient nous inciter à faire de même, sans plus attendre. Cette question concerne toutes les œuvres de l’esprit, y compris les scénographes.
Je pense aussi à notre amendement, qui a été adopté et qui vise à renforcer le droit d’exposition des artistes visuels, toujours oubliés.
Néanmoins, Tempus edax rerum – le temps dévore tout –, mes chers collègues, et j’arrive à la fin de mon temps de parole. (Sourires.) (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Patricia Schillinger et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon André Malraux, « la culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre ».
Comme les formes d’expression pour le dire sont multiples et diverses, qu’elles traversent les âges, les frontières, les ethnies et les religions, la culture est œuvre de communion universelle et intemporelle entre les êtres humains.
Par conséquent, l’œuvre des politiques publiques devrait être de permettre à chacune et à chacun de s’inviter à cette table de la communion universelle.
De ce point de vue, il est positif que les équipements d’enseignement supérieur d’art aient bénéficié d’une aide exceptionnelle de 2 millions d’euros en 2023 pour faire face à la crise et que cette dotation soit pérennisée pour 2024, mais on peut craindre que ce soit insuffisant. Bien entendu, nous soutenons tout ce qui peut les conforter !
La politique culturelle est essentiellement non pas une politique d’offre de biens culturels à consommer, mais une politique d’appropriation de ces biens par le plus grand nombre, afin de permettre à chacune et à chacun de s’instruire, avec plaisir, à partir de la diversité des créations et des productions et – pourquoi pas ? – d’en devenir soi-même un acteur.
Cela appelle à encourager et à garantir une diversification des politiques de sensibilisation en direction des jeunes.
Une approche éducative artistique et culturelle me paraît donc indispensable si nous ne voulons pas que le pass Culture, par exemple, se transforme en une plateforme de réservation et d’achat de places de spectacle, dont un des premiers écueils serait ce que l’on nomme en bon Français, le no show, à savoir réserver l’accès à un spectacle subventionné par de l’argent public pour, finalement, ne pas s’y rendre.
Bref, des progrès restent à accomplir pour que ce dispositif, qui demeure un simple outil de politique culturelle, puisse atteindre ses objectifs en matière de démocratisation culturelle.
Les crédits du ministère de la culture affichent une hausse de 6 %. Aux côtés de la transition écologique, la lecture, le patrimoine local et la diffusion artistique paraissent en constituer les priorités.
La crise sanitaire a durablement affaibli le secteur, que l’inflation fragilise encore davantage. Si la hausse de 6 % du budget est une tendance positive, il convient tout de même de la pondérer en y apportant deux nuances : premièrement, la compensation de l’inflation tend à conférer au présent budget une certaine stabilité par rapport à 2023 ; deuxièmement, il ne faut pas oublier de souligner l’importance de la contribution des collectivités.
En effet, ce sont elles qui fournissent la majeure partie des subventions et des fonds permettant le développement d’une offre de culture variée dans les territoires. Or, nous le savons, elles connaissent toutes une situation de tension budgétaire.
Nous le percevons au travers des difficultés que traversent les scènes de musiques actuelles (Smac). Depuis 2017, leur financement par l’État est ainsi fixé à 100 000 euros par lieu labellisé. Si ces lieux sont majoritairement financés par les collectivités territoriales – en moyenne quatre fois plus que par l’État –, leurs subventions stagnent ou baissent, soit parce que les collectivités sont elles-mêmes en difficulté, soit pour des raisons politiques.
Pour ce qui concerne le patrimoine des petites communes rurales, le fonds incitatif et partenarial, destiné aux biens protégés des communes disposant de faibles ressources, atteindra 24 millions d’euros ; c’est une bonne chose. Néanmoins, la restauration du patrimoine de ces communes, notamment du patrimoine religieux, nécessitera un engagement budgétaire spécifique – nous le disons clairement –, en souhaitant, bien entendu, que les dispositions spécifiques annoncées par le Président de la République trouvent leur pleine efficience.
Enfin, je pointerai un léger regret, celui de l’absence de référence au nécessaire effort à produire pour défendre nos langues et cultures régionales ou minoritaires.
La mondialisation et l’uniformisation des standards culturels n’aident pas à la préservation de nos langues. Les locuteurs sont de moins en moins nombreux, aussi peut-on craindre une éradication de ces langues, qui participent pourtant de la diversité culturelle du pays.
Qu’il me soit permis d’avoir ici une pensée toute particulière pour Édouard Glissant et Eugène Guillevic : l’un, pour son engagement en faveur de la mise en relation de toutes les cultures du monde et l’autre, pour lequel « plus on est enraciné, plus on est universel » ; l’un Créole et l’autre Breton.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Gérard Lahellec. S’il fallait porter une appréciation sur ce budget de la culture, nous écririons : peut et doit mieux faire ! Tous les voyants sont au rouge : nous ne voterons pas en faveur des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le volontarisme des politiques culturelles, amorcé par André Malraux au début de la Ve République, s’est manifesté par une augmentation régulière des crédits alloués à la mission « Culture ».
Cette année ne fait pas exception et nous le saluons. Toutefois, ce budget présente quelques lacunes que nous souhaitons également souligner, car force est de constater que nombre d’acteurs du secteur sont inquiets.
La hausse constante des investissements pour la culture bénéficie en grande partie à l’élargissement de l’offre, sans augmentation de la demande.
Madame la ministre, bien que notre groupe salue l’augmentation substantielle des crédits, nous vous alertons sur la nécessité d’entreprendre une véritable réforme systémique, à même de rééquilibrer cet écart entre l’offre et la demande.
Ce rééquilibrage doit toucher plusieurs secteurs, en particulier ceux qui se remettent difficilement des années covid. Il appelle à une plus grande concertation entre les acteurs.
Ce développement de l’offre doit aussi s’accompagner d’un accès à la culture socialement plus équitable. L’égalité d’accès au savoir culturel est un impératif constitutionnel.
Il nous semble essentiel d’accompagner l’augmentation des crédits alloués au pass Culture par des initiatives culturelles tangibles, en garantissant des avantages à l’ensemble de la population, sans favoriser exclusivement les offres des grandes entités industrielles, ce que nous risquons de provoquer si nous n’adaptons pas les politiques dites du chéquier.
Les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales risquent de mettre en péril le spectacle vivant. En effet, leurs marges de manœuvre se réduisent sous l’effet du tassement des ressources et de l’augmentation des charges liées à l’inflation. En conséquence, 30 % de nos collectivités envisagent de réduire leur budget consacré aux projets culturels.
Dès lors, une question s’impose à tous : que prévoit le projet de loi de finances pour soutenir la représentation artistique ?
Nous saluons les 10 millions d’euros destinés au plan Mieux produire, mieux diffuser, mais nous souhaitons que ces nouveaux crédits puissent justement soutenir les équipements artistiques. Ainsi, les représentants du secteur estiment le besoin des Smac, a minima, à 4 millions d’euros. Que comptez-vous faire, madame la ministre ?
La situation économique actuelle ne devrait, en aucun cas, justifier des réductions budgétaires dans le domaine des subventions artistiques. Dans un tel contexte, cela reviendrait à réduire la lumière, alors que le ciel s’obscurcit.
À cet égard, un message clair doit être envoyé aux collectivités et aux acteurs du spectacle public. La hausse de la trajectoire des emplois, pour la période allant de 2024 à 2027, est un signal encourageant, afin de conduire une politique que nous espérons encore plus ambitieuse.
Dans le droit fil du travail effectué par le Rassemblement Démocratique et Social Européen sur la citoyenneté, la culture doit être pleinement associée à la reconquête de l’esprit citoyen. À notre sens, la politique culturelle doit épouser les grandes dynamiques sociétales et servir de vecteur aux valeurs républicaines et citoyennes.
Par conséquent, il semble nécessaire de concentrer davantage les moyens de l’éducation artistique et culturelle sur les écoles primaires et maternelles. Il est indispensable que la jeunesse soit sensibilisée, très tôt, à la culture, dans toute sa diversité, qu’elle en soit plus largement à la fois l’actrice et la bénéficiaire, pour son propre épanouissement et dans l’intérêt de la cohésion sociale.
L’examen des crédits de cette mission me permet de souligner l’importance de mettre l’accent sur les conditions de circulation de l’information, sur son utilisation et sa véracité. En effet, pour nombre de jeunes, hélas !, la culture se concentre dans leur seul téléphone.
À l’heure où les plateformes de médias sociaux prennent le relais des médias traditionnels, il faut encore mieux protéger nos citoyens les plus exposés et les plus vulnérables, en particulier nos jeunes, de la propagande, du complotisme, de certaines faiblesses journalistiques et, bien sûr, de la désinformation.
Face à ce défi, il devient impératif de mettre en place un plan d’action pour éveiller l’esprit critique de nos jeunes. Cette initiative représente un investissement essentiel pour leur permettre de naviguer, de manière informée et résiliente, au sein d’un environnement complexe et parfois très trompeur.
Comme l’a souligné Amin Maalouf dans Le premier siècle après Béatrice, « les moyens d’information répandent l’inconscience aussi sûrement que la lumière répand l’ombre ; plus le projecteur est puissant, plus l’ombre est épaisse ».
Mes chers collègues, malgré ces observations, le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen est favorable à l’adoption des crédits de cette mission, essentielle aux citoyens et à la poursuite de l’excellence artistique, gage aussi du rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces crédits, d’un montant total de 4,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement, sont le reflet d’une politique culturelle ambitieuse, le reflet d’un engagement résolu du Gouvernement en faveur de ce secteur.
En effet, la mission « Culture » voit ses crédits augmenter de manière significative, avec une hausse de 11,88 % en autorisations d’engagement et de 4,9 % en crédits de paiement par rapport à l’exercice précédent.
Une part prépondérante de cette augmentation est destinée au programme 175 « Patrimoines », avec une progression impressionnante de 32,79 %.
Cette impulsion budgétaire s’inscrit dans une politique d’investissement soutenue, mettant en avant des actions cruciales comme la préservation du patrimoine des musées de France, en hausse de 69,06 %, et du patrimoine archivistique, en progression de 182,68 %.
Ces investissements incluent des projets majeurs, tels que le déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, la rénovation du centre Pompidou ou encore la création du futur musée mémorial du terrorisme.
La mission « Culture » est composée de quatre programmes, qui reflètent chacun une vision globale et cohérente de la politique culturelle du Gouvernement.
D’abord, je l’ai déjà évoqué, le programme 175 « Patrimoines », doté de 1,48 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,19 milliard d’euros en crédits de paiement, finance la préservation et l’enrichissement du patrimoine culturel français.
Le Gouvernement s’engage à valoriser les territoires au travers de leur patrimoine, à soutenir la politique d’archéologie préventive et à investir dans des projets structurants comme la rénovation du grand cloître de l’abbaye de Clairvaux, ancienne abbaye cistercienne et ancienne prison.
Puis, avec 1,03 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,04 milliard d’euros en crédits de paiement, le programme 131 « Création » promeut la diversité artistique et le renouvellement de l’offre culturelle.
Madame la ministre, votre engagement se traduit par le plan ambitieux Mieux produire, mieux diffuser, par un soutien à l’emploi artistique et par le renforcement des moyens des opérateurs culturels.
Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », quant à lui, est doté de 833,3 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 828,1 millions d’euros en crédits de paiement. Ce programme comprend des politiques transversales, allant de l’éducation artistique à la promotion de la langue française.
Avec cette dotation, le Gouvernement entend non seulement renforcer les moyens alloués aux écoles de l’enseignement supérieur, tant nationales que territoriales, notamment aux écoles nationales supérieures d’architecture, mais aussi soutenir le pass Culture et mettre en place une stratégie du livre et de la lecture dans les territoires.
Le pass Culture compte désormais plus de 3 millions de jeunes inscrits, âgés de 15 à 18 ans, seulement deux ans et demi après son lancement. Un tel succès a permis de redynamiser plusieurs secteurs, comme ceux de la librairie et du cinéma.
Enfin, le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » est doté de 846,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 844,3 millions en crédits de paiement. Ce programme soutient la politique internationale et contribue aux fonctions supports du ministère. Ainsi, nous intensifions l’action en matière de politique culturelle internationale, favorisons la transformation numérique et revalorisons les agents du ministère.
Examinés de manière approfondie par l’Assemblée nationale, ces budgets ont reçu l’avis favorable de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cela témoigne du consensus que suscite le budget de la mission « Culture » pour 2024.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces crédits sont plus que des moyens financiers ; ils représentent l’engagement fort et constant du Gouvernement en faveur de la culture, de l’éducation et du patrimoine.
En votant en faveur de ces budgets, nous contribuerons à façonner un avenir culturel riche, diversifié et accessible à tous les citoyens. Je vous invite à soutenir cette démarche ambitieuse en votant les crédits de la mission « Culture » pour l’exercice 2024. Il va de soi que notre groupe les votera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la culture est toujours l’un des premiers secteurs à pâtir des crises.
Si le plan de relance avait permis de préserver un grand nombre d’acteurs culturels des effets de la crise sanitaire, sa suppression a engendré, dès 2022, une précarisation des artistes, des compagnies et des institutions culturelles. En outre, ces difficultés ont été renforcées par l’inflation et par la crise énergétique.
Toutes ces crises ne sont pas encore derrière nous ; l’ensemble des acteurs culturels et de la création artistique en subissent toujours les conséquences.
Le budget qui nous est présenté aujourd’hui par le Gouvernement est certes en hausse, mais seulement de 4,9 %, soit un niveau à peine supérieur à celui de l’inflation. C’est pourquoi nous craignons que cette augmentation peine à financer, dans la durée, les nombreux projets annoncés par le Gouvernement.
Animés par la passion commune de la culture, véritable lien social fédérateur et émancipateur et secteur créateur d’emplois, les acteurs culturels ont besoin d’être soutenus et revalorisés.
Ils font – et sont – la fierté de nos territoires, ruraux et urbains, ont une importance vitale dans la vie culturelle et associative et concourent non seulement à rassembler les publics de tous âges, mais aussi à créer du « commun » dans un pays qui en a bien besoin et à faire émerger des talents.
Les sénateurs et les sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaitent pouvoir voter ce budget. Toutefois, je tiens à vous alerter sur plusieurs points de fragilité.
Je pense tout d’abord à la situation des acteurs de la création, qui sont en difficulté depuis la crise sanitaire.
Alors que le Gouvernement appelle le spectacle vivant à « mieux produire, mieux diffuser », il restreint son soutien avec un budget en infime hausse et des baisses de crédits annoncées pour les années 2025 et 2026. Les artistes, les compagnies et les structures culturelles devront encore faire face à la baisse du soutien de l’État.
Je pense, en particulier, aux scènes de musiques actuelles, qui doivent être aidées bien au-delà de ce que le Gouvernement prévoit, comme le soulignait Mme la rapporteure, si nous souhaitons qu’elles continuent à la fois d’entretenir le dynamisme culturel et de favoriser l’émergence de jeunes artistes.
Je pense également aux festivals, et notamment aux petits festivals. Déjà fragilisés par la hausse globale des coûts, ils pourraient avoir à supporter, en 2024, des frais supplémentaires de sécurité, liés à la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Madame la ministre, vous avez assuré que les festivals ne seraient pas annulés, mais les plus petits d’entre eux doivent être soutenus pour pouvoir se maintenir. Il y va de leur survie et, avec elle, de la richesse et de la diversité culturelles qu’ils représentent.
Les arts visuels, enfin, demeurent le parent pauvre du budget de la création. Ils sont dotés d’une part toujours plus faible de crédits : 10 % cette année, ce qui est insuffisant pour élargir le soutien à d’autres artistes, petites structures ou projets variés.
Nous nourrissons des inquiétudes quant au soutien, dans la durée, à la création artistique. Il y va pourtant de la préservation de la diversité culturelle.
De la même façon, le budget en faveur de la transmission des savoirs, ô combien essentielle pour favoriser l’accès à la culture de tous, pour lutter contre les inégalités, mais aussi pour assurer le renouvellement artistique, nous inquiète.
Madame la ministre, vous érigez l’éducation artistique et culturelle en « priorité absolue ». Or, à l’exception du pass Culture, qui bénéficie d’une augmentation de 2 millions d’euros – seulement – pour assurer sa généralisation à tous les élèves de sixième et de cinquième, le budget peine à traduire cette priorité.
Rien de plus n’est prévu en faveur des pratiques artistiques et culturelles que suivent les élèves, à la fois, pendant le temps scolaire et en dehors.
Rien de plus n’est prévu, non plus, en faveur des actions des conservatoires, de la lecture ou encore de l’éducation aux médias, qui est une priorité impérative à l’heure où se propagent les fake news.
Le pass Culture, sévèrement évalué par la Cour des comptes, est seulement un outil au service d’une politique globale de démocratisation culturelle. Il ne peut, à lui seul, en constituer le fondement.
Madame la ministre, vous lancez la Cité internationale de la langue française. Néanmoins, au-delà de ce projet, le budget de l’action « Langue française et langues de France » stagne.
Après de nombreuses alertes et une forte mobilisation des étudiants et des personnels, vous avez enfin débloqué une aide pour les écoles supérieures d’art territoriales, qui jouent un rôle essentiel, comme l’ont souligné mes collègues.
Toutefois, cet engagement est ponctuel et ne règle en rien les questions de fond, qu’elles soient de gouvernance, de statut, d’égalité de traitement des enseignants ou qu’elles concernent les élèves boursiers.
Ces questions, que nous avons encore abordées cette semaine avec les commissaires à la culture, trouveront réponse non pas dans le statu quo, mais dans des modifications législatives et réglementaires.
Enfin, comment ne pas évoquer la place des collectivités territoriales en matière de politiques culturelles ? Or les baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales fragilisent les politiques de proximité, ainsi que le maillage incroyable qui fait notre force collective.
Alors que les censures et les entraves à nos libertés fondamentales de création, d’expression et de diffusion ne cessent de croître, nous devons plus que jamais défendre la culture et réaffirmer sa place centrale dans notre société.
Depuis plusieurs années, nos libertés fondamentales sont attaquées par l’extrême droite et les extrémismes religieux.
En avril, un concert de Bilal Hassani, qui devait se dérouler dans une église désacralisée de Metz, a été annulé à la suite de menaces. À Nantes, un spectacle, intitulé Fille ou Garçon ?, a été saboté. En mai, une pièce de théâtre évoquant un Jean Moulin homosexuel a été déprogrammée par le maire de Béziers. Récemment, le livre Triste tigre, de Neige Sinno, a été retiré du centre de documentation et d’information (CDI) d’un lycée privé sous contrat de Ploërmel dans le Morbihan… Et les exemples sont légion.
Nous devons continuer de défendre la culture comme force émancipatrice, défendre ces actrices et ces acteurs essentiels à notre société. Ce budget doit nous le permettre, très concrètement.
Les sénateurs et les sénatrices socialistes voteront ce budget et les amendements présentés par notre collègue Karine Daniel, afin de protéger et de soutenir la vitalité, la diversité et le dynamisme créatif de l’exception culturelle artistique française. Ce vote, vous l’aurez compris, est également un appel à la vigilance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)