M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 2021, selon l’Insee, 9,1 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté.
Les différentes associations nous alertent sur l’augmentation très importante du nombre de bénéficiaires potentiels de l’aide alimentaire, les femmes et les plus jeunes en première ligne.
Avec un budget en augmentation, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est donc marquée par un contexte inédit qui nous oblige à intensifier nos efforts auprès des plus fragiles. En effet, au-delà des nécessaires mesures de solidarité nationale, c’est bien la dignité humaine, dans toutes ses dimensions, qui est en jeu.
Nous nous félicitons tout d’abord de la mise en œuvre, cette année, de la déconjugalisation de l’AAH, que le groupe du RDSE avait soutenue et pour laquelle 500 millions d’euros sont prévus en année pleine. Cette réforme concerne 160 000 personnes, dont 80 000 nouveaux bénéficiaires, pour un gain moyen de 300 euros par mois, ce qui n’est pas rien.
Nous soutenons pleinement la hausse de 16,26 % des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », mais, là aussi, nous serons attentifs à ce que le financement de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, prévue par la loi du 28 février 2023, dite loi Létard, soit suffisant.
Je souhaite lancer deux alertes sur des sujets relatifs à nos collectivités locales.
La première concerne nos départements, qui se voient confier par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants la mission d’accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans sortant de l’aide sociale à l’enfance. Il conviendra d’évaluer les effets réels de cette disposition pour les départements, qui indiquent déjà que la dotation prévue, de 50 millions d’euros, ne suffira pas.
Ma deuxième alerte concerne le coût de la restauration scolaire supporté par nos communes. L’alimentation des plus jeunes fait partie des priorités que le Gouvernement a mises en avant lors de la présentation du pacte des solidarités pour les années 2024 à 2027. Or l’inflation a touché de plein fouet les tarifs des cantines scolaires et les communes peinent de plus en plus à fournir un prix du repas qui soit acceptable. Le plan prévu il y a un an pour soutenir l’investissement dans les petites communes est-il vraiment adapté aux besoins actuels des plus petites collectivités ? Sans doute, madame la ministre, pourrez-vous nous éclairer sur son niveau d’exécution budgétaire.
Ma dernière remarque concerne les violences faites aux enfants. En France, toutes les trois minutes, un enfant est victime de violences sexuelles. Cette situation est d’autant plus inacceptable et intolérable que sept cents contenus pédocriminels sont signalés chaque jour. En outre, les enfants atteints de déficience ou de maladie mentales présentent un risque 4,6 fois plus élevé de subir des violences sexuelles.
Au-delà de l’effroi que provoquent ces chiffres, nous savons que nous retrouverons un trop grand nombre de ces enfants marqués par la vie parmi les personnes les plus fragiles et les plus précaires.
L’Office mineurs (Ofmin), qui vise à lutter contre les violences faites aux mineurs, vient d’être créé au sein de la police judiciaire, ce dont il faut se féliciter. Sa présidente, Gabrielle Hazan, rappelle combien ces violences sont spécifiques et appellent un traitement particulier.
Or le niveau de prévention et d’accompagnement spécifique n’est pas à la hauteur de notre indignation collective dans tous les territoires. C’est un problème auquel cette mission budgétaire pourrait prochainement répondre.
Aussi, mes chers collègues, dans le droit fil des travaux du rapporteur pour avis Laurent Burgoa, je plaide pour qu’une ligne budgétaire dédiée soit consacrée à ce fléau, à l’instar de notre engagement contre les violences faites aux femmes.
Le groupe du RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de ce PLF 2024 se dote de moyens sans précédent pour la mise en œuvre de plusieurs chantiers prioritaires.
Ces efforts s’inscrivent dans la continuité de ce qui a été entrepris dans les précédentes lois de finances en matière de politique sociale. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Cette mission couvre de nombreux sujets d’importance.
En premier lieu, parlons des financements attribués au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Il est essentiel de renforcer les mesures d’aide destinées aux départements, qui font notamment face à une augmentation des dépenses liées à la prise en charge des MNA.
C’est dans cette optique que j’ai déposé, avec d’autres membres du groupe RDPI, deux amendements qui visent à abonder le financement destiné à protéger et accompagner les jeunes majeurs sortants de l’aide sociale à l’enfance de 22 millions d’euros pour revenir à l’existant, ou à le renforcer de 35 millions.
Je salue la décision du Gouvernement de proposer un amendement de rétablissement de 32 millions, portant cette aide à 100 millions d’euros au total. Nous nous réjouissons que ce financement soit rétabli ; cela assurera une mise en œuvre pérenne de notre politique d’accompagnement de ces mineurs en situation de précarité. Beaucoup reste à faire, mais par cet amendement, le Gouvernement se tient aux côtés des collectivités territoriales.
Nous attendons également des précisions de la part du Gouvernement dans les semaines à venir sur la réforme, annoncée par la Première ministre, du pécule versé aux enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, un dispositif créé par la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant.
Dans le cadre du pacte des solidarités annoncé le 18 septembre dernier par la Première ministre, les crédits sont mobilisés pour atteindre nos objectifs de sortie de la grande pauvreté. Ces mesures visent particulièrement la prévention de la pauvreté dès l’enfance et l’accompagnement adapté des plus vulnérables vers l’insertion sociale et professionnelle. Ce sont ainsi 190 millions d’euros qui sont alloués à ce pacte au sein du programme 304 de cette mission.
Les crédits de l’opération « Mieux manger pour tous », intégrée à ce pacte, sont renforcés de 10 millions d’euros.
Par ailleurs, nous avions déposé un amendement lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion qui visait à ouvrir 30 millions d’euros de crédits supplémentaires au profit des associations habilitées à l’aide alimentaire. Ce montant avait finalement été réduit à 20 millions.
Dans cette perspective, le Gouvernement réaffirme ses engagements en annonçant une hausse de 10 millions d’euros pour consolider les crédits de l’opération « Mieux manger pour tous », inclus dans ce pacte.
En deuxième lieu, la mission poursuit les ambitions du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, présenté en mars dernier par la Première ministre, en lui allouant des crédits spécifiques. Ceux-ci sont destinés à consolider la lutte contre les violences faites aux femmes et à réduire les inégalités sous toutes leurs formes.
Dans cette optique, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » prévoit un financement de 13 millions d’euros pour la nouvelle aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales, qui trouve son origine dans la proposition de loi de notre ancienne collègue Valérie Létard. Cela représente une augmentation de 20 % des crédits du programme par rapport à la précédente loi de finances. Cette mesure répond avec vigueur aux besoins urgents des victimes de violences conjugales, souvent dans une situation critique pour trouver refuge et rebondir.
En troisième lieu, la mission soutient la volonté d’une société plus inclusive, garante de l’émancipation individuelle des personnes handicapées. Je tiens à souligner les efforts faits pour permettre à ces personnes, ainsi qu’aux personnes âgées en perte d’autonomie, de participer pleinement à la société et de choisir librement leur mode de vie.
Le développement de l’école inclusive a permis la scolarisation de 430 000 enfants en situation de handicap dans des établissements ordinaires.
Divers leviers ont été activés pour soutenir l’emploi des personnes en situation de handicap, faciliter l’accès aux droits et améliorer la compensation de tous les handicaps. Les crédits alloués au programme « Handicap et dépendance » confirment ces ambitions, en visant notamment à accompagner 21 000 personnes vers l’emploi via le dispositif de l’emploi accompagné.
À cette occasion, je salue l’augmentation de plus de 9 % des crédits alloués à l’action n° 12 « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées ». Cette hausse démontre la prise en compte de la réforme visant à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), une mesure dont nous nous félicitons.
En dernier lieu, la mission s’attache à renforcer les crédits alloués au programme de conduite et de soutien des politiques sanitaires et sociales, avec une augmentation de 22 % des crédits alloués. Parallèlement, ce programme prévoit une hausse de son plafond d’emploi de 41 ETP, ce qui reflète une dynamique positive pour la quatrième année consécutive.
Dans ce contexte, le groupe RDPI s’opposera résolument à l’amendement n° II-122 des sénateurs du Rassemblement national visant à supprimer les financements de 630 millions d’euros destinés aux agences régionales de santé (ARS). Cette prise en charge est cruciale pour garantir le bon fonctionnement et la pérennité des emplois au sein de ces structures, qui sont essentielles à notre système de santé.
La mission illustre l’engagement du Gouvernement à garantir l’égalité des chances. Elle démontre l’ampleur des moyens déployés pour continuer les actions de solidarité entreprises ces dernières années. Elle vise enfin à protéger nos concitoyens, dès leur plus jeune âge, de la violence, de la précarité et de l’exclusion.
Face à ces enjeux majeurs, le groupe RDPI soutiendra pleinement les mesures et l’orientation de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le Président, mesdames les ministres, mes chers collègues, « je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues ». Tel était le vœu d’Emmanuel Macron en 2017.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Annie Le Houerou. En outre, le 25 novembre 2023, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Président de la République s’est engagé à mettre un terme à ces violences.
Ces engagements, qui nécessitent des actes et donc des moyens budgétaires, devraient trouver leur concrétisation dans cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du PLF 2024. Or les vœux du Président de la République semblent malheureusement se dissoudre dans une réalité bien plus sombre.
Les chiffres sont sans équivoque. D’après la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes sans domicile fixe a doublé en moins de dix ans, atteignant le seuil critique de 300 000.
Le nombre de victimes de violences conjugales augmente de manière alarmante, avec 244 000 cas recensés en 2022, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente.
Pauvreté, accès aux soins, inégalités économiques : tous les indicateurs sont au rouge.
Les rapports des associations de solidarité résonnent comme des alertes persistantes depuis de nombreux mois, confirmant une augmentation sans précédent de la pauvreté. Selon l’Observatoire des inégalités, 4,8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1 000 euros par mois.
« Nous sommes dans une période de régression sociale inquiétante », nous alerte la Défenseure des droits.
Les crédits alloués à cette mission devraient combler les besoins des personnes qui restent sur le bord du chemin et qui subissent les insuffisances des politiques de ce gouvernement.
Ces constats signent l’échec de la réforme du chômage, de la politique du plein emploi, de la réforme des retraites.
M. Xavier Iacovelli. L’inversion de la courbe !
Mme Annie Le Houerou. Vos politiques à destination des jeunes et des familles ne portent guère leurs fruits !
Le budget global de cette mission, qui s’élève à 30,8 milliards d’euros en crédits de paiement, est en augmentation de 4,64 % pour 2024. Il ne répond pas à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés.
Les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » sont ainsi reconduits en 2024. Ce programme couvre principalement la prime d’activité et le RSA recentralisé. Autant dire que cette stagnation du budget n’apportera pas de réponse pour lutter contre la pauvreté, particulièrement pour les travailleurs précaires, ceux qui bénéficient de la prime d’activité.
Alors que vous prétendez que 2024 marquera une étape importante pour lutter contre le non-recours grâce à la solidarité à la source pour la prime d’activité et le RSA, l’absence d’augmentation des crédits est incompréhensible, sauf à admettre que votre objectif ne sera pas atteint au détriment, encore une fois, des plus précaires. Je rappelle que le taux de non-recours est évalué à 30 %.
Ce budget ne suffit pas à compenser l’inflation pour revaloriser le RSA.
Les travailleurs et travailleuses précaires sont ceux et celles qui ont recours à l’aide alimentaire, action qui bénéficie justement d’une augmentation des crédits, à hauteur de 20 %. Cette hausse doit répondre à l’urgence de la situation, mais elle reste largement insuffisante pour les associations qui ne parviennent à faire face ni à l’augmentation du nombre de bénéficiaires – étudiants, retraités, familles monoparentales, etc. – ni aux effets de l’inflation – ils sont estimés à 40 millions d’euros.
En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, une baisse de 7 millions d’euros était prévue, le Gouvernement misant sur son projet de loi sur l’immigration, qui pourtant n’est pas encore voté ! Le budget est finalement maintenu : nous pouvons nous en féliciter.
Les départements, qui ont la responsabilité de la prise en charge de ces mineurs, signalent qu’ils sont de plus en plus nombreux. Départements de France demande à l’État d’assumer la responsabilité de la prise en charge de ces jeunes, notamment pendant la période d’évaluation de leur minorité.
Par ailleurs, alors que près de 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté selon l’Insee, vous abandonnez la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au profit d’un pacte des solidarités, avec plusieurs lignes budgétaires en forte régression.
Alors que la situation de l’aide sociale à l’enfance est alarmante, des centaines de mesures éducatives ne sont pas mises en œuvre par manque de ressources des associations, de travailleurs sociaux et d’éducateurs.
Les associations assurant la protection des majeurs sont très préoccupées par leur incapacité à répondre aux sollicitations.
Dans ce contexte, pourquoi diminuer de 6 % la ligne budgétaire pour la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, alors que les besoins sont criants ?
S’agissant du programme 157 « Handicap et dépendance », si des avancées sont à saluer, notamment la déconjugalisation de l’AAH, le montant de cette allocation reste en deçà du seuil de pauvreté.
Le budget de la lutte contre les violences faites aux femmes, priorité du quinquennat, augmente. Cependant, vous maintenez le nombre de places en accueil d’urgence, alors qu’il est insuffisant pour répondre à la demande.
Je déplore qu’aucune mesure ne soit prévue pour lutter contre la prostitution, alors que cette réalité sera amplifiée par des événements majeurs tels que les jeux Olympiques et Paralympiques. L’aide financière à l’insertion sociale pour les personnes voulant sortir du système prostitutionnel de 343 euros mensuels est insuffisante pour être efficace. Nous avons déposé un amendement à ce sujet.
Nous accueillons favorablement l’aide universelle d’urgence destinée aux femmes pour quitter leur domicile, tout en constatant avec inquiétude que les ressources proposées ne garantissent pas l’efficacité de sa mise en œuvre.
En refusant de mobiliser les ressources nécessaires, ce budget ne répond pas à l’ampleur de la situation !
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre les crédits alloués à cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en cinq ans, les crédits de cette mission ont progressé de plus de 45 %. Ce n’est donc pas la première année où les politiques de solidarité seront mises à contribution pour répondre à l’urgence sociale.
Cependant, le maintien dans le temps long d’une inflation élevée doit nous conduire à une vigilance accrue envers les plus vulnérables, mais également envers ceux qui leur portent assistance. Je pense plus particulièrement aux associations, mais aussi aux départements et aux communes. Ces acteurs sont pris en tenaille entre les demandes d’aide et d’accompagnement qui ne font que s’accroître et l’augmentation de leurs coûts de fonctionnement du fait de l’inflation – plus de 4 % sur les douze derniers mois –, qui touche particulièrement les denrées alimentaires et l’énergie.
C’est le cas de l’aide alimentaire, au sujet de laquelle nous partageons la satisfaction du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Laurent Burgoa, quant au financement supplémentaire qui permettra de soutenir au plus vite la trésorerie des associations concernées.
Cependant, nous déplorons que les épiceries sociales et solidaires ne bénéficient que très marginalement de cet abondement. Aussi présenterons-nous un amendement de crédits visant à leur consacrer 2 millions d’euros supplémentaires.
Au sujet du programme « Handicap et dépendance », nous saluons l’engagement en faveur de l’autonomie des personnes handicapées. Cet engagement se matérialise par l’entrée en vigueur au 1er octobre 2023 de la mesure de déconjugalisation de l’AAH, longtemps soutenue par le Sénat contre l’avis du Gouvernement. Cette avancée pose néanmoins des questions pour l’avenir, notamment lorsque certains des bénéficiaires de l’AAH basculeront vers l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui demeure conjugalisée, comme les autres minima sociaux.
J’aimerais également souligner les évolutions intervenues concernant les établissements et services d’aide par le travail (Ésat). La mission finance en effet la garantie de rémunération de 120 000 travailleurs en situation de handicap. Les Ésat ont fait l’objet d’un plan de transformation, et plus récemment de mesures dans le cadre du projet de loi pour le plein emploi.
Ces évolutions ont permis de renforcer les droits sociaux des travailleurs en Ésat et de les faire converger vers ceux du milieu ordinaire, en leur donnant accès à la prise en charge des frais de transport, à la complémentaire santé, aux titres-restaurants et aux chèques-vacances.
Nous nous réjouissons de cet alignement des droits des travailleurs handicapés sur les dispositions du code du travail, qui contribue également à les déstigmatiser.
Cependant, ce rapprochement rend urgente l’évolution du modèle financier des Ésat. Laurent Burgoa a souligné dans ses travaux que la mise en place de la seule complémentaire santé représente pour eux une charge de 36 millions d’euros. Or 27 % d’entre eux sont déjà déficitaires.
Si rien n’est fait pour leur assurer un financement soutenable et pérenne, ces établissements seront obligés de sélectionner les travailleurs handicapés selon leur niveau de productivité, ce qui conduirait mécaniquement à exclure de cet accompagnement des personnes pour lesquelles ce lien avec le monde du travail est pourtant essentiel. Nous appelons donc vivement l’attention du Gouvernement sur ce point et serons vigilants quant aux développements qu’il connaîtra.
En somme, nous partageons la conviction d’un besoin de soutien des plus vulnérables face à l’inflation. Cependant, son poids dans les finances publiques doit nous conduire à suivre avec attention les chantiers qui s’ouvrent en la matière, notamment le déploiement effectif des politiques publiques dans l’ensemble des territoires, y compris dans la ruralité.
Dès lors, nous voterons pour les crédits de la mission, sous réserve de l’adoption des amendements du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » recueillent notre assentiment, avec une augmentation – notable, quoique insuffisante – de 4,6 % par rapport à 2023. Nous saluons cette trajectoire, fruit, principalement, de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, que nous appelions de nos vœux depuis de nombreuses années.
Quand on connaît le retard à rattraper en matière d’égalité des chances et d’inclusion de nos compatriotes en situation de handicap, cette évolution apparaît particulièrement bienvenue. Elle est la réparation d’une injustice qui a trop longtemps eu cours.
Cette croissance soutenue des crédits de la mission répond – de manière trop timide, encore une fois – aux profondes difficultés dans lesquelles sont plongés nos compatriotes. À ce titre, les fonds alloués à l’aide alimentaire augmentent, à l’heure où les banques alimentaires et les associations caritatives font face dans nos départements à une explosion du nombre de leurs bénéficiaires, parmi lesquelles on compte des personnes qui se sont longtemps crues à l’abri de la précarité.
Vous avez pourtant refusé la semaine dernière la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, alors que cette mesure, déjà appliquée au Portugal, y a démontré son efficacité. Vous persistez ainsi dans cette politique d’aides ponctuelles, loin de vous approcher d’un changement réel de modèle économique et social et de l’instauration de nouveaux cercles vertueux.
Cette politique des chèques, représentant 4,4 milliards d’euros pour la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat accordée après le mouvement des « gilets jaunes », ne permet pas une augmentation pérenne et sans dommage pour les finances publiques des salaires des travailleurs français.
À l’inverse, nous proposons une exonération des cotisations salariales pour les augmentations de salaire de 10 % : une telle mesure serait pérenne pour nos finances et permettrait d’augmenter directement la rémunération des travailleurs français.
Ces crédits représentent ainsi l’écueil principal du Gouvernement : face à la baisse du niveau de vie des Français, il accumule les mesures provisoires et transitoires, cherchant dans des dispositifs conjoncturels des pis-aller à la baisse structurelle et constante des revenus, du pouvoir d’achat et de la qualité de vie de nos compatriotes.
Néanmoins, dans la démarche de pragmatisme et de poursuite du bien commun qui nous anime, nous saluons l’augmentation des crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes, reposant particulièrement sur une initiative sénatoriale : l’aide exceptionnelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.
Cette aide financière sera rapidement versée et donnera droit à des prestations annexes ainsi qu’à un accompagnement social. Son remboursement pourra, le cas échéant, être acquitté par le conjoint violent à l’issue de la procédure judiciaire.
Ainsi, si nous demeurons critiques sur ce budget, sa faiblesse générale et ses péchés originels, nous nous abstiendrons pour ne pas pénaliser les aspects positifs que nous lui reconnaissons.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, pour 2024, les crédits demandés pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élèvent à 30,85 milliards d’euros, soit 4,64 % de plus par rapport à 2023.
Cette hausse est essentiellement due à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d’activité, qui représentent à elles seules 78,5 % des crédits de la mission.
Parmi les nouveaux apports de crédits, 13 millions d’euros sont attribués à l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Issue d’une proposition de loi du Sénat, cette mesure permettra aux victimes de bénéficier d’une petite aide financière.
Je souhaite néanmoins souligner que les associations qui viennent en aide aux victimes de violences conjugales manquent cruellement de moyens et que la permanence qu’elles assurent est menacée, notamment en milieu rural.
La déconjugalisation de l’AAH, entrée en vigueur le 1er octobre dernier, permettra à 40 000 personnes de bénéficier d’une augmentation de leur allocation et étendra le dispositif à 80 000 autres personnes. Le coût de cette mesure représentera 500 millions d’euros en 2024.
Autre évolution très significative, les crédits consacrés à l’aide alimentaire augmenteront de 20,6 %, pour un total de 142 millions d’euros. Cette augmentation, qui a le mérite d’être importante, risque toutefois d’être insuffisante.
Les banques alimentaires font en effet part de leurs inquiétudes depuis plusieurs mois sur les difficultés auxquelles elles font face en matière d’approvisionnement de denrées, notamment de la part de la grande distribution.
À cela s’ajoute l’explosion du nombre de demandeurs. Dans mon territoire par exemple, le Maine-et-Loire, les Restos du Cœur distribuaient au début des années 2000 environ 800 000 repas par an. Aujourd’hui, c’est un million de plus ! Et cette évolution s’illustre bien plus largement sur tout le territoire national.
La véritable solution est de permettre à chacun de nourrir sa famille, en vivant dignement de son travail. C’est la raison pour laquelle notre groupe avait unanimement soutenu le projet de loi pour le plein emploi. Il permettra un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA, à condition de donner à France Travail et aux départements les moyens de la mise en place de cette réforme.
Le programme « Handicap et dépendance » prévoit 1,61 milliard d’euros afin de garantir la rémunération des travailleurs en Ésat. Nous soutenons cette mesure.
Néanmoins, comme le rapporteur pour avis, nous nous inquiétons du financement du rapprochement des droits des travailleurs en Ésat de ceux des salariés du milieu ordinaire, alors que 27 % de ces établissements sont déjà en déficit.
Enfin, comme d’autres sénateurs, je me suis étonnée de la baisse des crédits alloués aux départements et consacrés aux MNA. Cette baisse était d’autant plus étonnante qu’elle est en rapport avec les effets attendus d’un projet de loi sur l’immigration qui n’est pas encore adopté et alors que les départements sont déjà pris à la gorge d’un point de vue financier. L’amendement du Gouvernement relevant le niveau de ces crédits est donc bienvenu.
Pour conclure, le groupe Les Indépendants est favorable à la hausse globale des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)