M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a l’ambition de s’engager, en 2024, dans une stratégie permettant à l’État de sortir le plus vite possible de la période inflationniste et de la logique du « quoi qu’il en coûte » : cette stratégie est celle du rétablissement des finances publiques, du retour du déficit public à 3 %, de la réduction de la dette et du retour au plein emploi, c’est-à-dire à un taux de chômage qui s’élèverait à 5 %, et non plus à 7 %.
La majorité sénatoriale est déterminée à encourager l’exécutif dans cette voie, principalement celle de la réduction de la dépense publique, pour donner de la force à notre économie et encourager l’emploi, ainsi que le travail.
Un effort de sincérité budgétaire de 22,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement – en hausse de 12,7 % par rapport à l’an dernier – et de 22,6 milliards d’euros en crédits de paiement – en augmentation de 8,1 % par rapport à 2023 – est à noter.
Nous devons nous en réjouir, tout comme nous devons saluer la baisse d’un milliard d’euros des impôts de production, que le ministre de l’économie a qualifiée de « seule baisse d’impôt majeure en 2024 à destination des petites et moyennes entreprises (PME), du monde industriel et des entreprises ».
Malgré les revendications du Gouvernement, l’objectif d’un taux de chômage à 5 % ne sera pas atteint, parce que, dans notre pays, la dépense publique reste trop forte.
La surprenante affectation de 300 ETP supplémentaires à Pôle emploi, après une très forte hausse des effectifs – 700 ETP – entre 2019 et 2021, durant la crise sanitaire, en est un bon exemple. Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, ma collègue Frédérique Puissat, que je salue, s’est longuement interrogée à ce sujet. Nous attendons du Gouvernement des réponses plus précises concernant la réorganisation de Pôle emploi.
Plus largement, on observe une hausse de 10 000 ETP dans la fonction publique, un alourdissement qui sera principalement financé par le travail, les entreprises et les impôts.
Si nous n’arrivons pas à atteindre le plein emploi, nous pouvons tout de même nous féliciter de la baisse du chômage, à ceci près que l’absence de hausse du nombre des chômeurs mérite tout de même que l’on y regarde de plus près.
Certaines études réalisées dans les pays de l’OCDE nous rappellent ce qu’il faut en tirer comme conclusion : en réalité, les chefs d’entreprise refusent de licencier une partie de leurs salariés malgré la baisse de leur activité, car ils craignent de ne pouvoir embaucher au moment de la reprise ; ils préfèrent donc rogner sur leurs marges. Aussi, le ralentissement de la croissance ne provoque pas de destruction massive des emplois, mais réduit le nombre des emplois vacants.
Si la situation de l’emploi dans les pays de l’OCDE est celle que nous connaissons, c’est surtout parce que les populations vieillissent et que les départs à la retraite s’accélèrent et libèrent des places. Notre pays a une marge de manœuvre en matière d’emploi des seniors. Le groupe Union Centriste a beaucoup insisté sur cette problématique durant l’examen du projet de loi portant réforme des retraites ; nous devons aller plus loin dans ce domaine.
La France est pour la quatrième fois consécutive la championne d’Europe des investissements étrangers, lesquels résultent de l’amélioration de la compétitivité de notre pays.
Cette réussite est toutefois à nuancer, car l’emploi reste l’un des talons d’Achille de l’attractivité de la France. En moyenne, notre pays crée 33 emplois par projet, quand l’Allemagne et le Royaume-Uni en créent respectivement 58 et 59. Cela signifie que la France a peine à associer investissements étrangers et création d’emplois, faute de nouveaux projets à forte capacité d’embauches.
De plus, par rapport à ses concurrents, la France est confrontée à un déficit de productivité, qui s’explique par divers facteurs : tertiarisation de l’économie, faible niveau de compétences des salariés ou de formation, pénurie de main-d’œuvre, faiblesse de la recherche et développement (R&D). Malgré une forte intensité du travail des 25-55 ans, une baisse globale de la productivité est à déplorer.
La création de valeur doit être la boussole de notre économie.
Les efforts accomplis dans le cadre des plans de relance et de restructuration de l’économie portent leurs fruits, avec, pour la première fois depuis de nombreuses années, un phénomène de réindustrialisation, des reconversions professionnelles, la reconquête de certains territoires et des mutations économiques, comme dans mon département, où les industries de Meyreuil, Gardanne ou Fos-sur-Mer sont en train de réinventer la France de demain, de redessiner le paysage bucco-rhodanien et de bâtir l’industrie verte d’aujourd’hui et de demain.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur pour avis applaudit également.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cette après-midi les crédits de la mission « Travail et emploi », quelques semaines après l’adoption par le Parlement du projet de loi pour le plein emploi, qui entraînera de profondes évolutions des politiques de l’emploi dans les mois à venir.
Dès 2024, le nouveau réseau pour l’emploi réunira l’État, les collectivités locales et l’ensemble des opérateurs de l’insertion dans l’emploi. J’ouvre ici une parenthèse pour vous demander, monsieur le ministre, de veiller à ce que l’on parle bien de réseau pour l’emploi, et non de France Travail, comme on l’entend encore trop souvent dans les médias ou dans la bouche de certains responsables politiques, y compris au sommet de l’État. (M. le ministre acquiesce.)
En 2025, tous les demandeurs d’emploi seront accompagnés par un contrat d’engagement unifié, contrat pour lequel les sénateurs du groupe Les Républicains ont défini une durée d’activité obligatoire d’au moins quinze heures par semaine.
Si nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait modifié le texte du Gouvernement pour le rendre plus concret et plus adapté aux besoins locaux, nous avions à l’époque regretté que le coût des dispositifs prévus ne fasse pas l’objet d’une évaluation. Sans engagement de l’État, il risque de peser lourdement sur les collectivités locales. Le projet de loi de finances pour 2024 ne dissipe malheureusement pas nos craintes.
Le présent projet de loi a été élaboré sur la base d’un taux de chômage d’environ 7 %, un niveau censé permettre de réduire les dépenses d’indemnisation des chômeurs qui bénéficient d’allocations de solidarité.
Gardons-nous cependant de crier victoire trop vite ! Les évolutions récentes ne sont guère réjouissantes, entre un record de faillites annoncé pour 2023, une baisse des investissements des entreprises, et un chômage qui repart à la hausse – certes légèrement, mais suffisamment pour que l’OFCE et la Banque de France estiment que le chômage devrait avoisiner les 8 % en 2024, bien loin des 5 % du plein emploi espéré par le Gouvernement.
Si l’on ajoute à cela que l’amélioration des chiffres du chômage s’explique d’abord par l’essor de l’apprentissage et par des phénomènes démographiques, voilà de quoi nuancer sérieusement les discours un peu trop optimistes concernant la présente mission budgétaire.
Les moyens alloués aux missions locales sont stables par rapport à 2023. Notons cependant que leur rôle évoluera en 2025 en raison de l’accompagnement renforcé et unifié de tous les demandeurs d’emploi dans le cadre du réseau pour l’emploi. Auront-elles les moyens d’assumer leurs nouvelles missions ? Nous suivrons ce dossier de près.
Pour 2024, le plafond d’emplois de Pôle emploi sera rehaussé de 300 postes supplémentaires, afin d’accompagner sa transformation en « France Travail » à compter du 1er janvier 2024. Cette augmentation des effectifs permettra à l’opérateur de réduire le nombre de demandeurs d’emploi suivis par conseiller, favorisant ainsi l’insertion professionnelle des chômeurs.
Il sera néanmoins nécessaire d’évaluer d’ici à quelques mois la légitimité de maintenir les effectifs de Pôle emploi à un niveau aussi élevé. En effet, les effectifs ont progressé de 9,1 % entre 2019 et 2021, pour des résultats décevants au vu des efforts consentis.
J’en viens maintenant au financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.
Je reste toujours aussi réservée sur France Compétences. Je considère que, depuis sa création, le système fonctionne moins bien qu’auparavant. Les entreprises bénéficient d’un nombre moins important de formations accompagnées, perçoivent moins de financements et trouvent moins facilement les moyens de couvrir leurs besoins en matière de maintien dans l’emploi et d’accompagnement des transitions professionnelles de leurs salariés.
Sur le plan financier, dès 2020, l’inspection générale des finances alertait sur le puits sans fond que constitue le financement de cette autorité.
Année après année, l’État verse des milliards d’euros, tandis que le trou n’en finit plus de se creuser. Malgré les emprunts et les 5 millions d’euros d’intérêts qui vont avec, auxquels s’ajoutent des subventions et des mesures de régulation, France Compétences ne parviendra pas à assurer le financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle sans soutien de l’État en 2024.
Le présent projet de loi de finances prévoit en effet de lui consacrer 2,5 milliards d’euros, un montant en nette augmentation par rapport à l’année dernière.
Nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances présenteront un amendement visant à réserver le bénéfice de l’aide à l’embauche d’apprentis aux jeunes jusqu’au niveau bac+5 dans les entreprises de moins de 250 salariés, et aux jeunes jusqu’au niveau bac+2 dans celles de 250 salariés et plus. Si je comprends cette initiative, qui permettrait d’économiser 600 millions d’euros en 2024, je considère, comme notre collègue Frédérique Puissat, qu’elle est prématurée.
Une concertation avec les partenaires sociaux permettrait en effet d’évaluer l’opportunité d’ajuster les aides aux employeurs d’apprentis, afin d’en maîtriser le coût pour les finances publiques, sans fragiliser le développement de l’apprentissage.
N’oublions jamais – je l’entends trop rarement – que les grandes entreprises forment beaucoup plus facilement les apprentis, un vivier dans lequel les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) peuvent trouver leurs collaborateurs de demain, lorsqu’elles ne disposent pas de la structure pour les former elles-mêmes.
Il est en outre indispensable que France Compétences continue de soutenir les centres de formation partout sur le territoire, en n’oubliant pas les petits centres de proximité dont le rôle est si important dans les départements ruraux, comme le mien, où les freins à l’emploi sont beaucoup plus nombreux, à commencer par les problèmes de mobilité.
Pour conclure, mes chers collègues, malgré toutes les réserves que je viens d’évoquer, nous sommes favorables à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être dans cet hémicycle pour vous présenter le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2024.
Permettez-moi en préambule de saluer la décision de la commission des finances et de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a choisi d’émettre un avis favorable sur ces crédits.
Comme vous le savez, ce budget a été conçu pour répondre à un objectif central, qui guide l’action du Gouvernement, et plus singulièrement mon ministère : le plein emploi pour tous et sur tous les territoires.
Nous sommes parvenus à atteindre un taux d’emploi inédit dans notre pays. Le taux de chômage a considérablement baissé, malgré un reflux au trimestre dernier du fait du ralentissement économique. Cette légère augmentation du chômage ne doit pas masquer que notre économie, au cours de ce même trimestre, a créé 36 000 emplois net, dont 12 000 dans le secteur industriel.
Cependant, cette situation nous oblige à redoubler d’efforts et à nous assurer que la baisse du chômage se confirmera dans la durée, en dépit des fluctuations conjoncturelles que nous pouvons constater.
La situation de l’emploi, telle que nous la connaissons aujourd’hui, se construit pas à pas grâce aux réformes que le Gouvernement a défendues et que le Sénat a permis d’enrichir à l’occasion de chaque débat parlementaire.
Je pense à la réforme de l’assurance chômage dans le cadre de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui contribue à faciliter le retour à l’emploi et à lutter contre les tensions en matière de recrutement.
Je pense également à l’insertion des jeunes dans l’emploi, que ce soit au travers de l’augmentation sans précédent du nombre d’apprentis, de la réforme du lycée professionnel ou du développement du contrat d’engagement jeune (CEJ).
Je pense évidemment à la réforme des retraites, qui doit permettre de travailler davantage à l’échelle d’une vie et de rattraper notre retard en matière d’emploi des seniors.
Je pense à la mise en place, dans le cadre de la future loi pour le plein emploi, du nouvel opérateur France Travail et des réseaux pour l’emploi et la formation, destinés à améliorer la coordination des acteurs et à rendre plus efficace le service public de l’emploi.
Je pense enfin au dernier texte que vous avez adopté dans ce domaine, le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, qui vise à soutenir le pouvoir d’achat et à renforcer l’attractivité de l’emploi.
L’ensemble de ces réformes vont désormais se déployer et devront, pour produire des résultats rapides et tangibles, s’appuyer sur un budget à la hauteur de notre ambition. Pour poursuivre la mise en œuvre de ces réformes, notre objectif de plein emploi appelle des moyens renforcés.
L’année 2024 sera celle du déploiement de France Travail et de sa nouvelle offre de services, ainsi que de la coordination des acteurs au sein du réseau pour l’emploi. Elle sera aussi l’année de la poursuite des mesures pour la formation et l’emploi des jeunes.
Comme vous l’avez souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget se traduit par une augmentation concrète de 11 % des crédits par rapport à 2023 : la hausse atteint 2,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,7 milliard d’euros en crédits de paiement.
Cette progression s’explique principalement par les dépenses en faveur de l’apprentissage, de France Compétences et des dispositifs d’insertion que nous développons, ainsi que par la mise en œuvre de la future loi pour le plein emploi.
Ce budget, je le précise, doit être soutenable et responsable. Je connais l’attachement de nombre d’entre vous à la trajectoire de nos finances publiques, un attachement auquel l’ancien ministre chargé des comptes publics que je suis ne peut être que sensible.
C’est la raison pour laquelle l’ensemble de ces moyens supplémentaires en faveur du plein emploi ont été minutieusement préparés ; j’ajoute qu’ils ont été rendus possibles par les réformes que nous avons menées.
Je pense en particulier – je sais qu’il peut s’agir d’un sujet de débat ici – aux excédents de l’assurance chômage que le Gouvernement souhaite mobiliser en partie pour financer les politiques de l’emploi et des compétences, en parallèle du désendettement de l’Unédic.
Je pense également à la baisse du recours aux allocations de solidarité du programme 102, « Accès et retour à l’emploi », conséquence mécanique de la baisse du chômage.
En 2022, nous avions observé un phénomène similaire, avec une sous-exécution de 415 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, en raison de la sous-consommation de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Aussi, par cohérence, les dépenses liées à cette allocation diminuent de 1,7 milliard d’euros en 2024, soit une réduction mesurée de 120 millions d’euros par rapport à 2023 – tout cela résulte de la maîtrise du tendanciel dans le domaine de l’emploi.
De la même manière, la dynamique de l’activité autorise la diminution des dépenses pour l’activité partielle, soit une baisse de 200 millions d’euros en 2024.
Ces différents jalons étant posés, j’en viens aux cinq grandes priorités pour l’emploi, qui bénéficient chacune de moyens renforcés en 2024.
Premièrement, des moyens supplémentaires sont prévus pour la mise en œuvre de la future loi pour le plein emploi, qui doit permettre de favoriser le retour à l’emploi de ceux qui en sont éloignés.
Donner la priorité à ces publics, c’est mieux s’acquitter de notre devoir de solidarité nationale, mais c’est aussi créer un cercle vertueux pour nos finances publiques. En effet, l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi se révèle bien moins coûteux que le chômage ; en outre, l’activité de ces personnes renforce, en retour, les moyens de l’État. C’est pourquoi nous avons décidé d’augmenter les moyens dédiés à cet accompagnement.
Pour 2024, les effectifs de Pôle emploi sont renforcés de 300 ETP, en vue d’un accompagnement renforcé, notamment, des bénéficiaires du RSA, dans le cadre de la montée en charge de l’expérimentation, tandis que le financement de l’opérateur se stabilise.
À ce sujet, je partage les remarques formulées par les différents orateurs quant à la nécessaire évaluation des moyens mis à disposition de Pôle emploi et du futur opérateur France Travail.
Ces moyens ont augmenté de près de 5 000 ETP entre 2017 et 2023. Les mesures relatives à l’accompagnement des demandeurs d’emploi doivent susciter des gains de productivité et favoriser un certain nombre de réorganisations et de redéploiements : les effectifs ne devraient donc pas nécessairement progresser aussi rapidement que ce que nous pourrions imaginer.
En outre, dans le cadre du nouveau réseau pour l’emploi et du projet d’accompagnement des bénéficiaires du RSA, quelque 170 millions d’euros sont alloués au renforcement de la contractualisation avec les conseils départementaux, afin que les expérimentations se poursuivent avec les départements déjà engagés, que le nombre de territoires concernés par l’expérimentation progresse et que la transition vers le nouveau modèle de réseau soit facilitée.
Les efforts consentis par l’État seront complétés par les économies permises par la réforme de l’assurance chômage, dont une partie des gains sont réinvestis dans l’accompagnement vers l’emploi et la formation. Je le rappelle, la réforme de 2019 a mis fin à une décennie de déficits : les comptes de l’Unédic sont excédentaires à hauteur de 4,4 milliards d’euros en 2022, alors que, entre 2009 et 2019, le déficit de cet organisme s’élevait chaque année à 1,9 milliard d’euros en moyenne.
Aussi, l’opérateur France Travail bénéficiera en 2024 de ressources plus élevées, ce qui lui permettra d’affecter au total 300 millions d’euros au renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Cela ne met pas en péril le désendettement de l’Unédic, qui atteindra au moins 40 %, quand bien même le taux de chômage stagnerait autour de 7 %.
Deuxièmement, nous portons une ambition forte pour ce qui concerne l’insertion des publics rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi : les jeunes, les personnes en parcours d’insertion ou encore les personnes en situation de handicap.
Nous poursuivons la dynamique des contrats d’engagement jeune (CEJ) – 540 000 bénéficiaires aujourd’hui –, tandis que nous confirmons notre soutien à l’insertion par l’activité économique, avec une enveloppe de 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce montant, jamais atteint, permettra de relever de près de 2 000 ETP le nombre de postes dans les structures d’insertion par l’activité économique.
Les travaux parlementaires à l’Assemblée nationale ont par ailleurs conduit à l’adoption d’un amendement, dont je me réjouis, qui tend à prolonger de trois années l’expérimentation en faveur des structures de l’insertion par le travail indépendant. Après réflexion, nous avons compris combien cela pouvait être utile.
De même, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à prolonger de deux ans, jusqu’en 2025, l’expérimentation des contrats dits « passerelles ». Ces deux années supplémentaires permettront de mieux évaluer un dispositif, qui offre la possibilité à des salariés en contrat d’insertion d’être mis à la disposition d’une entreprise pendant leur parcours dans une structure de l’insertion par l’activité économique (SIAE).
S’agissant de l’emploi des personnes en situation de handicap, nous confirmons notre volonté de nous appuyer sur les entreprises adaptées. Le budget qui leur est consacré est, cette année encore, en augmentation : il atteindra 490 millions d’euros, montant qui inclut une participation de 50 millions d’euros de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Ces moyens permettront notamment le développement des CDD dits tremplins et la pérennisation des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) – la future loi pour le plein emploi fait entrer ces dispositifs dans le droit commun, ce qui est une bonne chose.
Nous souhaitons favoriser l’emploi en milieu ordinaire, chaque fois que c’est possible. Tel est aussi le sens des expérimentations qui seront lancées en 2024 dans plusieurs territoires pilotes : il s’agit de favoriser l’accompagnement de toutes les personnes handicapées par l’opérateur France Travail et les Cap emploi.
Troisièmement, nous voulons continuer à développer l’apprentissage, qui connaît un succès important chez les jeunes et dans les entreprises. Ainsi, le nombre d’entrées en apprentissage dans le secteur privé a plus que doublé, puisqu’il est passé de près de 360 000 à 840 000 entre 2019 et 2022.
À cet égard, le Gouvernement maintient un engagement majeur : il souhaite toujours atteindre un million de contrats d’apprentissage d’ici à 2027.
Pour cela, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement pour les aides à l’embauche d’alternants ; par ailleurs, le soutien à France Compétences se poursuit – plusieurs d’entre vous l’ont signalé –, avec une dotation budgétaire de 2,5 milliards d’euros en 2024.
Le Gouvernement a un point de divergence avec la commission des finances : nous ne souhaitons pas modifier les paramètres des primes à l’apprentissage. En 2024, nous voulons que le montant de la prime soit exactement le même qu’en 2023, soit 6 000 euros, quelle que soit la taille de l’entreprise et quel que soit le niveau de formation de l’apprenti.
Nous considérons que l’adoption de l’amendement de la commission, qui conduirait à mettre en cause les critères d’embauche des apprentis, reviendrait à adresser un signal négatif à l’ensemble du secteur. Cependant, nous veillons évidemment à la soutenabilité financière du système par la révision à la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage. Cette évolution permet de faire 840 millions d’euros d’économies, sans toutefois enrayer l’excellente dynamique de l’apprentissage.
Je partage certains des propos tenus par M. le rapporteur spécial et Mme la rapporteure pour avis. Il faut en effet élaborer une nouvelle méthode pour déterminer le juste niveau de prise en charge des coûts, en tenant compte de la situation des centres de formation d’apprentis (CFA), et pas seulement de la qualification concernée, ce qui permettra de mieux prendre en considération les coûts spécifiques à tel ou tel établissement.
En outre, il convient de mener à bien le chantier de la réforme de ce que l’on appelle parfois le ticket modérateur : Mme la Première ministre et moi-même sommes convenus que cette réforme, prévue par la loi de finances pour 2023, pourrait être mise en œuvre au printemps 2024, après la signature, que nous souhaitons, d’un accord national interprofessionnel (ANI) avec les partenaires sociaux sur les parcours, les carrières et les reconversions.
Quatrièmement, nous voulons investir massivement dans les compétences.
Nous sommes convaincus que la formation constitue le meilleur levier pour assurer le retour à l’emploi. Le succès du plan d’investissement dans les compétences (PIC) nous conduit à le reconduire sous la forme de 1,4 milliard d’euros de nouveaux engagements de l’État, ainsi que d’une contribution de 800 millions d’euros de France Compétences.
C’est le second sujet de désaccord entre le Gouvernement et la commission, un désaccord qui s’était déjà manifesté l’an dernier, mais qui n’empêche pas le débat.
Pour les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric), 1,1 milliard d’euros sont prévus, alors que les négociations sont encore en cours avec les régions pour 2024-2025. À ce titre, monsieur Mouiller, sachez que le Gouvernement, lui aussi, est attentif à l’évaluation du suivi des objectifs fixés dans chacun des pactes régionaux : elle est justement au cœur de nos discussions avec les régions dans le cadre du nouveau système d’information que nous avons mis en place.
La formation doit mieux répondre aux besoins des entreprises. C’est pourquoi nous avons réorienté l’aide à la formation du fonds national pour l’emploi, dite FNE-formation, qui n’est plus réservée aux entreprises en difficulté, en activité partielle ou en mutation, mais qui bénéficie désormais également aux formations liées aux transitions écologique, alimentaire, et numérique. Près de 275 millions d’euros seront consacrés à cette ambition.
Cinquièmement, et enfin, il faut un soutien renforcé à l’amélioration des conditions de travail. Vous le savez, nous avons lancé une grande campagne de sensibilisation et de prévention des accidents du travail graves et mortels. Pour aller plus loin, nous accentuerons la diffusion de ces outils de prévention dans l’ensemble des réseaux.
Nous rehaussons par ailleurs de 1,5 million d’euros la subvention de l’État à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Enfin, nous prévoyons une augmentation de 2,17 millions d’euros de la contribution annuelle de l’État au fonds paritaire national, qui finance les organisations syndicales et patronales, notamment dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles dans les TPE.
Notre ambition implique des moyens humains dans l’ensemble des services du ministère du travail. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité qu’en 2024 ce budget puisse concilier stabilité des effectifs et renforcement de l’attractivité.
Les crédits du programme 155, « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », support du ministère, augmenteront de 18 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 2,6 %. Et pour la seconde année consécutive, le projet de loi de finances prévoit la stabilité des effectifs du ministère dans les services centraux comme dans les services déconcentrés, alors que ces effectifs étaient en baisse constante depuis 2010 et que le ministère avait perdu 14 % de ses effectifs entre 2017 et 2022.
Cet effort se traduit par le maintien des emplois pour le recrutement de délégués à l’accompagnement aux reconversions professionnelles et par la création de trente nouveaux postes dans les régions et les départements pour accompagner le déploiement du nouveau réseau.
Il se matérialise également par la fin des transferts d’effectifs opérés dans le cadre de la réforme territoriale de l’État, soit 120 agents dans les services déconcentrés.
Nous prévoyons de nouvelles mesures indemnitaires : 4 millions d’euros seront fléchés vers les services de l’inspection du travail, organisme utile pour « resocler » – pardonnez-moi ce terme – un certain nombre d’indemnités de fonction.
Cette mobilisation en faveur de l’attractivité du ministère, entamée l’an dernier, commence à porter ses fruits. Ainsi, le nombre de candidats inscrits au concours de l’inspection du travail a augmenté de 24 % en 2023. En outre, le nombre d’admis – 175 – constitue un nouveau record. La tendance à la baisse des effectifs de l’inspection du travail prend fin, avec, cette année, la première hausse enregistrée depuis cinq ans.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux éléments sur lesquels je souhaitais appeler votre attention, avant que nous n’abordions la discussion des amendements sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)