M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Selon le dossier de presse du Gouvernement, le projet de loi de finances pour 2024 répond aux défis de demain. Il met l’accent sur la lutte contre l’inflation, la protection du pouvoir d’achat des Français, la baisse du déficit public et les investissements pour préparer l’avenir, tout particulièrement la transition écologique.
Or c’est bien connu, monsieur le ministre : qui trop embrasse, mal étreint.
M. Bruno Belin. Bien !
Mme Christine Lavarde. Non, ce PLF ne permet pas de faire face à l’urgence écologique.
La forte baisse des dépenses défavorables en 2024 s’explique uniquement par l’extinction progressive des dispositifs de soutien aux consommateurs. Moins de 7 % des dépenses de ce projet de budget soutiennent la transition écologique de notre pays.
Les trois quarts des dépenses sont considérées comme neutres, ce qui, au regard du poids des transferts sociaux et des charges de personnel dans le budget de l’État, est tout à fait logique. Si l’État était moins omnipotent dans la vie des Français, la part des dépenses « évaluables » serait nécessairement plus élevée.
Une part aussi faible de dépenses « notables » suscite des interrogations sur la portée opérationnelle du rapport sur l’impact gouvernemental du budget de l’État, dit budget vert. D’ailleurs personne, ni l’administration ni les parlementaires, ne se réfère jamais à ce document.
Surtout, le Gouvernement oublie de l’actualiser dans le cadre de la loi de règlement. En 2021 comme en 2022, et bientôt en 2023, les dépenses vertes exécutées sont nettement inférieures à celles qui ont été votées.
Je n’en donnerai qu’un exemple : MaPrimeRénov’. Le projet de loi de fin de gestion pour 2023, qui a été définitivement adopté hier, a annulé 0,4 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1 milliard d’euros de crédits de paiement alloués à ce dispositif. (M. Christian Bilhac acquiesce.)
Ce budget vert cache l’absence d’un cadre de financement pluriannuel qui permettrait de faire converger la trajectoire environnementale et la trajectoire des finances publiques. Les investissements que l’État, les ménages et les entreprises devront financer étant considérables, ils doivent être anticipés.
Les cinquante sites industriels les plus émetteurs de CO2 nécessiteront par exemple des investissements dont le montant s’établit entre 50 milliards et 70 milliards d’euros. Les collectivités devront pour leur part débourser 80 milliards d’euros en 2030, contre 55 milliards d’euros aujourd’hui.
Nous ne pouvons donc que saluer l’introduction, au cours de la navette parlementaire, d’un article dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) obligeant le Gouvernement à transmettre chaque année une stratégie pluriannuelle fixant les financements de la transition écologique et de la politique énergétique.
Il importe qu’une telle réflexion soit menée, car la transition énergétique aura des conséquences significatives sur nos équilibres financiers.
Prenons l’exemple du financement de la politique de l’eau. La sobriété a entraîné une baisse de 10 % de la consommation sur une année, mais, dans le même temps, les recettes ont reculé dans la même proportion. Or le besoin d’investissements pour adapter nos réseaux au changement climatique est estimé à près de 3 milliards d’euros pendant cinq ans.
Ce projet de loi de finances n’apporte, hélas ! aucune réponse.
Pour reprendre les mots du rapporteur général, l’article 49 undecies s’apparente – pardon de le dire, monsieur le ministre – à un simple coup de peinture.
La possibilité désormais offerte aux collectivités de joindre un « état des engagements financiers concourant à la transition écologique » à leur budget primitif ne changera rien ni au coût ni au poids de la dette sur leurs finances. Du reste, rien aujourd’hui n’interdit que les rapports budgétaires contiennent des graphiques permettant d’illustrer l’endettement des collectivités.
L’action des collectivités est d’autant plus difficile que le Gouvernement continue d’allouer des financements par à-coups. La communication sur la flexibilité du fonds vert et son adaptation aux réalités locales se heurte aux faits : les crédits pour 2024 sont en effet massivement réorientés, à hauteur de 500 millions d’euros, vers la rénovation du bâti scolaire, les dossiers devant de plus être déposés dans un délai très bref.
Dans ce contexte, pourquoi ne pas mettre en place, à l’instar de ce qui existe pour la politique du tourisme, une fiscalité affectée avec une obligation de budget dédié ? Comme chaque année, le Sénat vous fera des propositions en ce sens, monsieur le ministre.
Plus généralement, notre système de financement marche sur la tête. Près de 2 milliards d’euros d’aides de l’État visant à titre principal la transition écologique des entreprises ont été versées par cinq opérateurs au travers de 340 dispositifs différents. Ces aides ont été créées par stratification progressive, sans réelle réflexion sur la cohérence d’ensemble.
Alors que l’inspection générale des finances appelle dans son rapport en tout premier lieu à une discipline d’évaluation, demain, deux ministres dévoileront une plateforme dédiée à un accès simplifié des entreprises à ces aides, avant toute réflexion sur le fond.
Il est pourtant urgent d’agir pour la décarbonation de notre économie. À défaut, notre système financier pourrait en pâtir demain.
En effet, comme le souligne la Banque de France dans une note, les fonds d’investissement et, par là même les compagnies d’assurances, sont fortement exposés au risque associé au changement climatique, en particulier aux risques climatiques de transition.
Pour notre groupe, l’écologie ne doit pas rimer avec la décroissance. Nous estimons que l’écologie doit coïncider avec une meilleure croissance et une véritable souveraineté industrielle. Or non, ce PLF ne garantit pas la souveraineté de la France dans tous les domaines.
En la matière, nous commençons à peine à réagir. Les modalités d’attribution du bonus automobile évoluent certes en 2024 – je regrette que le ministre Bruno Le Maire ne soit plus présent pour m’entendre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) –, mais alors que les premiers véhicules électriques abordables des constructeurs français produits dans l’Union européenne arriveront prochainement sur les chaînes de production, les crédits accordés au bonus et à la prime à la conversion en 2024 seront inférieurs aux crédits exécutés en 2023.
Cette année, une part très significative des 1,9 milliard d’euros consacrés à ce bonus a contribué à soutenir l’industrie chinoise. (MM. André Reichardt et Stéphane Sautarel acquiescent.) C’est d’autant plus scandaleux que nous vous avions prévenu, monsieur le ministre, et que, pour réduire leurs coûts de fabrication, Tesla et les marques chinoises conçoivent des batteries non recyclables.
Je pourrais poursuivre avec d’autres exemples. Entre 2015 et 2020, les importations de pompes à chaleur chinoises ont augmenté de 17 % par an dans l’Union européenne. Quant aux pompes à chaleur assemblées en France, elles sont produites avec des composants électroniques et des matières premières très largement importées d’Asie. MaPrimeRenov’ et les certificats d’économies d’énergie (C2E) ont financé en 2022 près de 1,4 milliard d’euros d’équipements et de matériaux de rénovation énergétique importés.
Comme certains, monsieur le ministre, j’estime que la communication gouvernementale sur le Black Friday aurait dû inciter les consommateurs à acheter français et à acheter durable plutôt qu’à ne pas acheter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.) Malheureusement, on ne peut ni consommer ni exporter ce que l’on ne produit pas.
La part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée totale a baissé de près d’un tiers en vingt ans.
Mais la réindustrialisation ne doit pas se faire à tout prix. Les observations de la Cour des comptes sur le volet relatif à la relocalisation de l’industrie du plan France Relance sont sévères. La juridiction relève en effet que les objectifs pluriannuels de l’instrument ont nui à la qualité du ciblage des subventions, sur lesquelles repose pourtant l’efficacité de la politique de réindustrialisation.
Si la souveraineté est industrielle, elle est aussi financière. À cet égard, de grands défis nous attendent. À la fin de l’année 2022, 47 % de la dette publique française était détenue par des étrangers, contre 39 % pour l’ensemble des principaux pays émetteurs de la zone euro et contre 23 % aux États-Unis. Comment cette part évoluera-t-elle à la suite du désengagement progressif de la Banque de France, qui détient aujourd’hui 709 milliards d’euros d’encours de dette ?
Au cours des prochaines années, la France va entrer dans un cycle infernal : il lui faudra refinancer à hauteur de plus de 200 milliards d’euros par an, en 2025 et en 2026, des dettes arrivant à échéance.
Selon les estimations de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), la part du coût de la dette dans le déficit budgétaire, qui s’établissait à 13 % en 2019, s’élèvera à 50 % en 2027.
Compte tenu de cette estimation de la charge de la dette en 2027, l’urgence devrait être de parvenir à l’équilibre primaire des comptes le plus vite possible en agissant prioritairement sur les dépenses.
Alors que le Gouvernement a peiné à trouver des économies pour 2024, appelant les parlementaires à proposer 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires, il faudra trouver 12 milliards d’euros en 2025 pour tenir la trajectoire de réduction du déficit public.
J’ai cru comprendre que le Gouvernement plaçait beaucoup d’espoir dans les revues de dépenses publiques. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le ministre, que j’ai réalisé un bref état des lieux de la première version de ce document et de ses résultats très mitigés lors de la discussion générale de la LPFP.
Au regard des échos que j’ai eus de la réunion qui s’est tenue mardi matin sur le sujet, je crains que la deuxième version ne soit pas meilleure.
Avec votre collègue Bruno Le Maire, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué avoir trouvé une recette miracle, la vente des bijoux de famille. C’est, hélas ! un fusil à un coup.
Le levier des recettes fiscales ne pouvant pas être actionné sans détruire notre compétitivité, il ne reste qu’un seul levier, celui des économies. Tout au long de la discussion de ce PLF, nous aurons l’occasion de vous démontrer que la trajectoire des finances publiques votée par le Sénat dans la LPFP n’était pas irréaliste et qu’il est possible de réaliser plus de 5 milliards d’euros d’économies dès 2024.
À la clarté des enjeux, la communication budgétaire préfère souvent, hélas ! l’obscurité des mesures relatives.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lavarde. Vous parlez en points de PIB. Cette grandeur permet certes d’entretenir le flou, mais elle n’est pas pratiquée par les Français, qui lui préfèrent le mètre, le kilo et l’euro.
C’est du reste une grandeur absurde, comme Vincent Delahaye le rappelait en début de semaine : 30 % du PIB n’est rien d’autre que de la dépense publique.
Il faut toutefois reconnaître que tout passe mieux en points de PIB. Le déficit s’améliore, passant de 4,9 % à 4,4 %, alors qu’il est stable en euros – de 150 milliards d’euros à 150 milliards d’euros…
Le taux de prélèvements obligatoires passe de 44 % en 2023 à 44,4 % en 2027. Ce petit chiffre après la virgule cache pourtant une hausse de 10 %, soit des milliards d’euros supplémentaires !
La charge de la dette passera de 1,3 % du PIB en 2023 à 2,6 % en 2027. Cette hausse en apparence minime dissimule pourtant une multiplication par plus de deux de cette charge, portant son coût de 37 à 84 milliards d’euros.
Quand les ménages parlent en euros, monsieur le ministre, le Gouvernement, lui, parle en points de PIB, ce qui lui permet de ne pas dire que ses dépenses seront de 30 % supérieures à ses recettes.
Cette fragilité de nos finances nous rend moins forts pour discuter sur la scène européenne de la réforme du pacte de stabilité et de croissance.
Les critères, pourtant plus souples, proposés par la Commission européenne feraient très certainement consensus parmi les États membres, s’il n’y avait pas les cancres que sont l’Italie et la France.
Notre souveraineté repose aussi sur notre image auprès de nos partenaires européens.
Si ce projet de loi de finances comprend des mesures immédiates de soutien des Français face à l’inflation, nous remarquons que celles-ci sont encore empreintes de la philosophie du « quoi qu’il en coûte ».
L’objectif de souveraineté nous impose pourtant d’adopter sans faillir le mantra du « combien ça coûte ». Telle est la raison de la révision du dispositif de soutien des particuliers face au niveau des prix de l’électricité, visant à cibler celui-ci pour partie sur les ménages les plus modestes. C’est beaucoup moins populaire que l’arrosage tous azimuts, mais c’est beaucoup plus respectueux des générations futures.
Non, ce PLF ne soutient pas les Français, monsieur le ministre.
Les récentes discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale illustrent à quel point les générations futures sont les grandes oubliées de la politique, peut-être parce que ce ne sont pas celles qui seront appelées aux urnes dans quelques mois.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lavarde. Ce sont pourtant ces générations qui devront financer la charge de la dette. Ce sont elles aussi qui auront à porter le vieillissement de la population. Selon l’iFRAP, le seul coût des allocations versées pour soutenir financièrement les personnes âgées qui perdront en autonomie pourrait dépasser 10 milliards d’euros à l’horizon 2040, soit une hausse de 80 % par rapport à 2020. Les finances des départements n’y suffiront pas.
Par les enjeux financiers qu’elle emporte, la loi de programmation relative au grand âge est une urgence, au même titre qu’une loi de financement de la transition écologique. Je n’ose rappeler qu’il s’agissait d’une promesse de campagne du président Macron en 2017.
Six ans ont passé, et la situation est désormais catastrophique. Les deux plus grandes entreprises cotées du secteur de la dépendance ont eu besoin d’un plan de sauvetage. La majorité des 2 000 établissements privés membres du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) finiront l’année en perte. Et quelque 100 millions d’euros ont dû être débloqués en urgence cet été.
La ministre Aurore Berger reconnaît elle-même qu’il faut se poser des questions sur le financement à plus long terme de la branche autonomie.
La part de la contribution sociale généralisée (CSG) désormais attribuée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à hauteur de 0,15 point, servait jusqu’à présent au remboursement de la dette de la sécurité sociale via la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Celle-ci, je le reconnais, est censée disparaître en 2033, mais la persistance des déficits conduit à s’interroger sur sa prolongation et donc, sur son financement.
Selon le FMI, le coût de la lutte contre le réchauffement climatique, de l’effort supplémentaire de défense, rendu nécessaire par l’accroissement des tensions géopolitiques et du vieillissement démographique, pourrait atteindre 7,5 % du PIB pour les pays de l’OCDE.
Ces enjeux qui sont devant nous appellent à davantage de rigueur dans la gestion des deniers publics.
Pour conclure, je citerai Napoléon, qui fait actuellement la une de nombreux journaux : « Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non pas les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. […] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, méditons ces paroles à l’aune de notre dette. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que l’intervention de M. le ministre Bruno Le Maire, qui a depuis déserté cet hémicycle, ressemblait au discours de campagne d’un candidat qui aurait oublié qu’il était au pouvoir depuis six ans.
« Parfois, les gens ne veulent pas entendre la vérité parce qu’ils ne veulent pas que leurs illusions soient détruites », disait Nietzsche. C’est bien un budget d’illusion que vous présentez au Sénat, monsieur le ministre.
Bilan de votre politique et de celle de vos prédécesseurs, qui siègent largement sur ces travées, la France affiche un triste bilan, la dette dépassant les 3 000 milliards d’euros.
Pour faire passer la pilule, vous fondez votre projet sur une croissance illusoire, reconnue unanimement comme optimiste, pour ne pas dire fantaisiste, par les plus hautes instances macroéconomiques du pays.
Notre pays a atteint un taux record de prélèvements obligatoires et d’impôts qui, selon Eurostat, représentent 47 % du produit intérieur brut. La France détient le triste record du pays européen le plus imposé, après le Danemark.
Les Français consentent encore à l’impôt et souhaitent participer à l’effort national, mais peuvent-ils espérer un retour sur investissement ? Malheureusement, la réponse est non.
Les Français assistent chaque jour au délitement du service public et subissent la pression délirante d’une administration – la vôtre, monsieur le ministre –, tatillonne et procédurière : toujours moins de services publics et une complexité administrative croissante pour faire avancer le moindre projet.
L’hôpital et les soignants sont à bout de souffle. Plus d’un tiers des Français, qui refusent d’ailleurs de plus en plus souvent de se soigner, vivent dans des déserts médicaux.
Nos territoires d’outre-mer sont abandonnés, particulièrement Mayotte, où l’accès à l’eau est une difficulté de tous les jours et la sécurité de nos concitoyens mahorais une préoccupation de chaque instant.
Des enseignants, notre école républicaine, pilier de notre État, ou encore le pacte républicain, qui représente nos valeurs intemporelles de liberté, d’égalité et de fraternité, sont remis en cause par un fondamentalisme islamique qui gangrène notre vivre ensemble.
L’immigration non contrôlée met à rude épreuve nos ressources et notre capacité d’assimilation. Nous devons lier nos valeurs d’humanité à l’harmonie de notre Nation.
Alors que la situation financière de la France est sensiblement dégradée, ce qui suscite des interrogations sur sa soutenabilité à moyen terme, vous camouflez à coups de 49.3 la gravité de l’état de nos comptes publics. Vous êtes dans l’autosatisfaction permanente, monsieur le ministre.
Vous voulez jouer les bons élèves de l’Union européenne, Union à laquelle les Français ont donné en 2023 plus de 24 milliards d’euros. Sur ce montant sans cesse croissant, vous présentez – quel hasard ! – une baisse de 3 milliards d’euros de cette dîme bruxelloise, écran de fumée électoraliste de la Macronie pour éviter un désastre électoral le 9 juin prochain. C’est pourtant peine perdue.
Les Français ne sont pas dupes. Ils ont l’espoir, avec Marine Le Pen, d’une alternance prochaine.
M. Laurent Burgoa. Cela faisait longtemps !
M. Joshua Hochart. Il faudra vous y habituer !
D’année en année et de déficit en déficit, celle-ci s’impose comme une nécessité toujours plus urgente.
Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances, les sénateurs du Rassemblement national proposeront et soutiendront tous les amendements de bon sens visant à faire payer ceux qui le doivent, et surtout, à rendre leur argent aux Français.
Nous proposerons notamment la baisse urgente de la TVA sur l’énergie et sur les produits de première nécessité, pour enfin desserrer l’étau qui pèse sur nos compatriotes les plus modestes.
Nous agirons aussi pour augmenter le pouvoir d’achat, en proposant notamment la mesure vitale qu’est le gel des cotisations patronales, en échange d’une augmentation de 10 % des salaires.
Enfin, la natalité, pilier central de toute prospérité, sera défendue et encouragée par le rétablissement de l’universalité des allocations familiales, honteusement spoliées par la gauche aux familles françaises. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Conscient de la situation dégradée de nos finances publiques, le Rassemblement national vous proposera également des mesures pour faire rentrer dans nos caisses cet argent qui manque tant.
Nous défendrons ainsi la taxation du patrimoine immatériel et des superprofits. Le capital, qui a toutes les faveurs du Gouvernement, doit aussi contribuer à l’effort national, monsieur le ministre.
Nous demanderons en outre que la honteuse contribution financière au profit de l’Union européenne soit diminuée.
Monsieur le ministre, la chambre haute ne peut pas être muselée comme l’a été l’Assemblée nationale par le 49.3, seul nombre qui semble avoir grâce à vos yeux ! Dans cette chambre, cet article ne peut pas être « dégainé ».
Nous appelons tous les sénateurs à entendre nos propositions et à soutenir celles qui vont dans le bon sens. L’intérêt national doit transcender les petits intérêts électoraux comme les calculs d’écuries politiques discréditées.
M. Jean-Michel Arnaud. Et les vôtres ?
M. Joshua Hochart. Redonnons espoir et espérance au peuple de France en dépassant nos divergences partisanes, mes chers collègues. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre qui reste (Sourires.), mes chers collègues, « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Sylvain Tesson, et je crois qu’il a raison.
M. Thomas Dossus. Ah !
M. Emmanuel Capus. Il est effectivement difficile de convaincre les Français, singulièrement certains sénateurs, qu’ils ne vivent pas en enfer.
Qu’est-ce que l’enfer d’un point de vue budgétaire, mes chers collègues ?
L’enfer, c’est quand les prélèvements obligatoires atteignent des niveaux confiscatoires. C’est quand la dette explose. C’est quand l’inflation s’emballe. C’est quand les services publics ne fonctionnent plus, alors même qu’ils n’ont jamais bénéficié de moyens financiers aussi importants. C’est quand le pays semble au bord de l’implosion. C’est ça, l’enfer. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Nous y sommes !
M. Emmanuel Capus. Au contraire, qu’est-ce que le paradis d’un point de vue budgétaire ?
Le paradis, c’est quand les impôts sont suffisamment bas pour permettre aux gens de vivre dignement de leur travail et aux entreprises d’être compétitives et innovantes. C’est quand les services publics se modernisent. C’est quand les comptes sont maîtrisés et que la signature de l’État inspire confiance.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est donc pas la France !
M. Pascal Savoldelli. Peut mieux faire !
M. André Reichardt. Vous ne croyez pas au paradis…
M. Emmanuel Capus. Sylvain Tesson a-t-il raison, mes chers collègues ? À mon avis, c’est fort probable.
Il n’est bien sûr pas difficile de trouver des éléments prouvant que la France est effectivement un enfer budgétaire – notre collègue Lavarde en a cité abondamment. C’est du reste peut-être l’opinion qui domine chez nos concitoyens et chez certains d’entre vous, mes chers collègues.
Avec plus de 3 000 milliards d’euros de dette publique, un déficit chronique, une balance commerciale structurellement déficitaire, un taux d’inflation supérieur au taux de croissance, une dépense publique représentant 55 % du PIB, un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde, des services publics sous tension, un taux de chômage qui pourrait repartir à la hausse, il y a de quoi dresser un tableau alarmant.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est la dèche !
M. Emmanuel Capus. Mais la France semble aussi, sur le plan budgétaire, un paradis sur terre. Pour s’en convaincre, le plus simple est sans doute de s’intéresser à ce que les étrangers pensent de notre pays.
Selon le prix Nobel d’économie Paul Krugman, la France est le pays qui a le mieux géré la crise. Alors que l’économie peine à redémarrer outre-Rhin, Der Spiegel estime que la France, c’est l’Allemagne en mieux.
La France, c’est le pays qui attire en Europe le plus d’investissements étrangers. Les notations restent excellentes. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis un demi-siècle. L’inflation reflue, doucement certes, mais elle reflue, en passant de 4,9 % cette année à 2,6 % l’an prochain.
Mes chers collègues, je n’irai pas plus loin dans l’exégèse de Sylvain Tesson. L’important n’est pas là, me semble-t-il. Au-delà du tableau que chacun pourra dresser aujourd’hui, il importe de déterminer le cap que nous souhaitons fixer pour la suite.
L’exercice est difficile, car les nuages s’amoncellent au-dessus de notre avenir. J’identifie au moins trois types de menaces.
La première, qui est aussi la plus évidente, est la menace sécuritaire. Elle s’affirme à l’extérieur de nos frontières, mais aussi à l’intérieur.
Partout dans le monde, les attaques contre les démocraties redoublent. En France, l’explosion de la délinquance inquiète jusque dans nos campagnes.
Nous faisons aussi face à la menace du déclassement économique et à celle du délitement social.
Ces trois menaces, sécuritaire, économique et sociale, sont bien évidemment liées. C’est pourquoi nous devons y apporter une réponse claire et cohérente.
À mon sens, la solution tient en trois mots : un État, non pas omnipotent, chère Christine Lavarde, mais fort. Notre objectif doit donc être de renforcer l’État. Je crois, mes chers collègues, que le budget pour 2024 y contribue.
Un État fort est d’abord et surtout un État puissant dans l’exercice de ses missions régaliennes : justice, forces de l’ordre, forces armées. Sur ces trois volets, les moyens mobilisés augmentent considérablement. C’est une excellente nouvelle.
Ces augmentations s’inscrivent dans les trajectoires définies par les trois lois de programmation que nous avons votées, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Au-delà de ces trois fonctions régaliennes clés, le PLF contient plusieurs mesures de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont bienvenues.
L’État doit être fort, fort avec tous les citoyens et pas seulement avec les faibles, ou alors il n’y a plus de justice.
Notre groupe vous proposera d’ailleurs d’affermir ces mesures, par exemple en rendant automatique l’application de la peine complémentaire en cas de fraude fiscale aggravée.
Tout ce qui renforce l’État dans ses missions régaliennes est bienvenu. A contrario, mes chers collègues, tout ce qui l’empêche est malvenu.
C’est pourquoi notre groupe reste fidèle à sa ligne budgétaire. Il faut continuer à mettre de l’ordre dans nos comptes. Un État en déficit chronique, dont les recettes représentent à peine plus de la moitié des dépenses, ne peut pas être l’État fort que nous appelons de nos vœux.
Le rapporteur général a annoncé plusieurs milliards d’euros d’économies. C’est ambitieux. Le groupe Les Indépendants partage cet objectif et y prendra toute sa part.