M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a un objet extrêmement technique. Le plus important, monsieur le ministre, c’est qu’à l’occasion du prochain projet de loi de finances vous mettiez enfin de l’ordre dans le FGAO. Ce sera salutaire.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Article 2
I. – Le 9° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 28,48 % » est remplacé par les mots : « 28,50 %, minorée d’un montant de 2 milliards d’euros en 2023, » ;
2° Au a, le nombre : « 23,30 » est remplacé par le nombre : « 23,32 » ;
3° Le b est complété par les mots « , le montant correspondant étant minoré de 2 milliards d’euros en 2023 ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er février 2023.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement est sous-tendu par un principe clair : les moyens de l’assurance chômage doivent revenir aux travailleurs et ne pas être au service des politiques gouvernementales.
Monsieur le ministre, comment expliquer que l’intégralité du surplus ne serve pas a minima à résorber la dette du régime de l’Unédic, qui s’élève aujourd’hui à 55 milliards d’euros ?
Vous préférez défendre le nombre aberrant de 1 million d’apprentis, soutenus par du travail totalement subventionné, que le patronat n’aurait même pas imaginé demander. La part des contributions de l’Unédic à France Travail devrait passer de 11 % à 13 %. Les cotisations des travailleurs et des employeurs serviront d’impôts déguisés pour financer les politiques de votre gouvernement. La lettre de cadrage envoyée aux partenaires sociaux par la Première ministre prévoyait une ponction de 12 milliards d’euros sur la période 2023-2026.
Les alinéas 2 et 4 de cet article, que nous proposons de supprimer, rayent d’un trait de plume 2 milliards d’euros d’excédents de l’Unédic.
Les contre-réformes de l’assurance chômage ne peuvent être discutées. L’accord conclu par certaines organisations salariales et patronales arrête des orientations qui ne sont rien d’autre que de la régression sociale. Ainsi, les assurés sociaux ne seront plus assurés que sur trente jours, ce qui leur fera perdre cinq à six jours d’assurance chômage par an ; les cotisations patronales pour l’assurance chômage diminueront de 0,05 %, pour stagner à 4 %, soit une baisse de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans.
Les récentes déclarations de Bruno Le Maire sur France Info stigmatisent une nouvelle fois les travailleurs privés d’emploi en appelant à une poursuite de la casse du modèle social.
Rappelons que, depuis le mois de février dernier, les assurés sociaux ont perdu 25 % de durée d’indemnisation, alors que le taux de chômage remonte en flèche. Nous sommes loin des effets d’annonce sur le plein emploi !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 9 est présenté par M. Dossus, Mme Senée, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
minorée d’un montant de 2 milliards d’euros en 2023
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Thierry Cozic. Dans le droit fil de ce que vient d’expliquer Fabien Gay, nous proposons la suppression de la ponction de 2 milliards d’euros sur les excédents de l’Unédic, qui ne nous paraît pas justifiée.
Qui plus est, cette ponction s’ajoute à celle de 2,5 milliards d’euros qui figure dans le projet de loi de finances pour 2024, ce qui aboutit à un total de près de 5 milliards d’euros.
La dette de l’Unédic s’élèvera à 55,5 milliards à la fin de l’exercice 2023 ; or je rappelle qu’il s’agit d’une dette covid.
Cette ponction me paraît un contresens à la fois budgétaire et comptable. En effet, pour payer cette dette, on propose à l’Unédic d’emprunter à un taux supérieur à celui auquel l’État emprunte.
Voilà qui me paraît un mauvais signal politique.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un amendement de coordination avec ce qui a été voté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous considérons que cette ponction est injuste et injustifiée.
Elle est injuste, parce que le chômage est avant tout une assurance, c’est-à-dire du salaire socialisé. Il est issu des cotisations et n’appartient donc pas à l’État ; c’est d’ailleurs pour cela que la gestion de l’Unédic est paritaire.
Elle est injustifiée, puisque l’argument du Gouvernement ne tient pas. En effet, selon lui, l’excédent généré par l’Unédic est la conséquence directe de sa politique en faveur de l’emploi. Comme tout va pour le mieux dans notre économie, l’Unédic a moins de dépenses et engrange plus d’argent, il est donc logique de la ponctionner.
Cet argument nous paraît fallacieux à plusieurs titres.
Tout d’abord, c’est non pas la politique de l’emploi qui a généré des excédents, mais une moindre indemnisation des chômeurs. Ensuite, si le déficit de l’Unédic est résorbé, la dette s’élève toujours à près de 56 milliards d’euros ; enlever des ressources nécessaires au redressement de ses comptes est donc un non-sens économique. Enfin, réduire les droits des chômeurs pour ensuite venir ponctionner dans leur caisse au motif de la solidarité revient à leur faire payer deux fois le prix de la politique inacceptable de ce gouvernement.
Pour toutes ces raisons, en cohérence avec la position que nous avons exprimée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous demandons la suppression de cette ponction de l’Unédic.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 14.
Je partage un certain nombre des préoccupations de nos collègues. En effet, 2 milliards d’euros provenant de l’Unédic serviront à financer la politique de l’emploi, notamment France Compétences, d’après le Gouvernement. Il me semble que ce n’est pas tout à fait l’esprit qui devrait prévaloir, mais, comme l’ont confirmé le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes, France Compétences se trouve dans une impasse financière.
Comme cette création a eu lieu lors du premier mandat du Président de la République, nous devons regarder ce déficit abyssal en face.
Les partenaires sociaux ont trouvé un accord. Si j’ai bien compris, celui-ci prévoit une baisse de 0,1 point des cotisations salariales ou patronales, compensée par une augmentation de 0,1 point du versement à l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Le niveau de prélèvement serait donc constant.
Je prends acte de cet accord et je respecte la décision des partenaires sociaux, car leurs discussions aboutissent souvent à une impasse. Pour autant, nous resterons vigilants, monsieur le ministre, et nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet lors du débat sur le PLF : la situation de France Compétences est très grave.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’Unédic a estimé l’impact des réformes sur sa situation financière à 2 milliards d’euros en 2023 et près de 3 milliards d’euros en 2024. De quoi s’agit-il ? J’ai entendu dire qu’il s’agissait de prendre l’argent des demandeurs d’emploi pour abonder le budget de l’État : ce n’est pas du tout le cas !
Ce que nous demandons à l’Unédic, c’est de participer au financement des politiques de l’emploi qui bénéficient directement aux demandeurs d’emploi. Pour accélérer le retour à l’emploi, il est nécessaire que ces derniers aient accès à des offres de formation adaptées et qu’un organisme comme Pôle emploi, demain France Travail, dispose des moyens nécessaires pour agir. C’est ainsi que nous permettrons aux demandeurs d’emploi de sortir plus rapidement de leur situation.
Il est donc pertinent d’assurer un retour plus rapide de l’Unédic à une situation financière saine ; mais il est normal que cet organisme participe au financement des politiques actives de l’emploi. Je tiens également à vous rassurer sur le fait que cette contribution des partenaires sociaux au financement de la politique de l’emploi ne compromet pas la stratégie de désendettement de l’Unédic. Elle représente en effet moins d’un tiers de son excédent.
Ainsi, nous parvenons à concilier deux objectifs : la majeure partie de l’excédent de l’Unédic reste consacrée à sa politique de désendettement, mais cet organisme contribue, de manière légitime, au financement des politiques actives de l’emploi – et cette contribution profite directement aux demandeurs d’emploi.
Pour ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 9.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
À la fin de la seconde phrase du 2° du 1 du VI de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, le montant : « 3 815 713 610 euros » est remplacé par le montant : « 3 796 849 552 euros ».
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet, Ouzoulias, Bacchi, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet article revient à ponctionner 22 millions d’euros sur l’audiovisuel public, en particulier sur Arte, avec une reprise financière de 18,8 millions en 2023, après une réduction de 7,9 millions en 2022 – pour un total, en réalité, de 25,2 millions. Le sujet est technique, certes, mais des incertitudes persistent.
L’assujettissement à la TVA a ouvert la voie à une possible déductibilité, ouvrant ainsi à Arte France un budget supplémentaire… que le Gouvernement se propose de reprendre ! Dans sa grande bonté, il a déposé un amendement visant à minorer de 1,5 million d’euros cette reprise financière, afin de permettre à Arte de poursuivre ses investissements. Nous en prenons acte.
Cependant, connaissant l’excellence de la gestion et la qualité exemplaire des programmes de cette chaîne, qui servent l’émancipation culturelle des Français, des Allemands et du monde entier, nous regrettons ce choix.
Je rappelle que 22 % des vidéos visionnées sur la plateforme numérique d’Arte TV l’ont été par des personnes qui ne sont ni allemandes ni françaises. Cela représente 38 millions de vues. Ce chiffre illustre le caractère universel du partage des programmes de la chaîne.
Arte France investit massivement dans les documentaires, avec un budget de près de 48 millions d’euros pour 2024, et soutient la production de vingt-cinq films par an. L’ambition de la chaîne est menacée par cette reprise financière, qui vient s’ajouter au fait que la hausse de son budget, de 4 % en 2023, est restée inférieure à l’inflation, et le sera de nouveau en 2024, puisque ses crédits n’augmenteront que de 8 millions d’euros, ce qui est insuffisant.
Il serait judicieux de reconsidérer cette reprise, qui représente 10 % du budget annuel d’Arte, pour lui permettre de poursuivre ses investissements au service de toutes et tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet article ne consiste qu’en un simple ajustement technique par rapport aux prévisions fiscales. Si les dépenses ne sont pas à la hauteur des anticipations, il semble logique de revenir à la situation habituelle. Puis, en supprimant l’article 3, monsieur Savoldelli, vous annuleriez les crédits supplémentaires accordés à l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Vu la situation délicate de celui-ci, ce ne serait pas un cadeau : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit d’une mesure technique, qui repose essentiellement sur une bonne évaluation des effets fiscaux de la réforme.
Vous avez noté, monsieur le sénateur, que le Gouvernement a déposé un amendement visant à prévoir un soutien supplémentaire pour Arte. Et le rapporteur général a dit à juste titre que l’adoption de votre amendement compromettrait les efforts consentis pour l’INA.
D’une manière générale, l’audiovisuel public continue de bénéficier d’un soutien important de la part du Gouvernement. Nous le verrons lors des débats sur le PLF en examinant l’évolution des dotations dont il bénéficie : avis défavorable également.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Voilà quelques instants, j’ai évoqué une loi d’un nouveau genre. Peut-être devons-nous nous y adapter… Je retire donc mon amendement, pour ne pas pénaliser l’INA.
Mais cela nous fait déjà deux sujets pour le PLF : la solidarité nationale avec les populations et le tissu économique du Pas-de-Calais et la question de l’audiovisuel.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un échauffement ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Absolument, monsieur le rapporteur général ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. L’amendement n° 15 est retiré.
L’amendement n° 25, présenté par MM. Rambaud, Patient, Rohfritsch, Patriat, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, M. Omar Oili, Mmes Phinera-Horth et Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Remplacer le montant :
3 796 849 552
par le montant :
3 798 349 552
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement vise à soutenir, à hauteur de 1,5 million d’euros, le développement de l’offre numérique d’Arte, accessible à l’échelle européenne. C’est un axe majeur de la stratégie du groupe. Un tel soutien de la part de la France aura un effet d’entraînement du côté allemand – la trajectoire pluriannuelle d’ARTE Deutschland est en cours d’arbitrage.
Une partie de cette ambition a vocation à être financée dès 2023 par le biais de crédits sollicités dans le cadre de France 2030. L’adoption de cet amendement, qui ajouterait 1,5 million d’euros, permettra de poursuivre ces projets sans les retarder davantage. Cette allocation sera d’autant plus bienvenue qu’Arte France ne dispose pas de crédits dans le plan de transformation en 2024, contrairement aux autres entreprises de l’audiovisuel public, en raison du calendrier de son prochain contrat d’objectifs et de moyens, qui ne débute qu’en 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis surpris, monsieur le sénateur, que votre groupe ait déposé cet amendement, dont je comprends qu’il pourrait recevoir un avis favorable du Gouvernement.
Vous proposez en effet, en fin de gestion, d’abonder de 1,5 million d’euros l’enveloppe destinée à financer la plateforme numérique d’Arte. Mais dans le PLF pour 2024, le Gouvernement réduit le financement d’Arte de 10 millions d’euros. Vous ajoutez 1,5 million d’euros à la petite cuillère quand le Gouvernement retire 10 millions d’euros à la louche…
Le ministre vous donnera des éléments de réponse, mais, de mon côté, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement a pour objet de soutenir Arte, qui doit développer son offre numérique, comme l’a souligné à l’instant le sénateur Savoldelli. Or, contrairement aux autres acteurs de l’audiovisuel public, en raison des négociations en cours avec nos partenaires allemands, Arte ne bénéficiera pas du plan de transformation, qui accorde des crédits supplémentaires aux autres chaînes. Cet amendement vise donc à soutenir la chaîne dans ses projets numériques, de manière raisonnable, avec une somme de 1,5 million d’euros.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En fin de gestion…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cela permettra de compenser le fait qu’Arte ne soit pas éligible au fonds de transformation pour l’année 2024. C’est pourquoi le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Le rapporteur général a parlé d’une petite cuillère : Arte ne tend pas la sébile…
Toutefois, le Gouvernement serait bien inspiré de donner à cette chaîne de réels moyens, nécessaires, dès le début de l’exercice budgétaire, afin de répondre à ses ambitions. Celle-ci est en effet une référence dans l’audiovisuel public et enregistre des résultats probants, notamment dans le numérique. Apporter ainsi une rallonge en fin de gestion, de manière tarabiscotée, est étrange – tout du moins, de n’est pas à la hauteur de l’enjeu que représente Arte.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Barros et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, M. Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Ouzoulias, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le III de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’acompte prévu au III versé aux communes et à leur groupement ne peut pas faire l’objet d’une reprise. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. En discussion générale, j’ai employé l’image d’un hold-up commis par l’État sur les collectivités territoriales. Je vais à présent utiliser une expression plus populaire : donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler. (M. Thierry Cozic s’en amuse.) Elle illustre précisément le sujet qui nous occupe.
Nous vous avions pourtant alertés… Et voilà qu’un an après le décret d’application du 13 octobre 2023, nous découvrons – sans surprise – le montant spectaculaire des reprises financières sur l’acompte versé aux collectivités. Le nombre de collectivités et de communes concernées est alarmant. Il y a plus de collectivités qui devront rembourser leur acompte que de communes qui le garderont. C’est presque un hold-up : 3 425 collectivités territoriales sont menacées financièrement, pour un montant global de 69 784 830 euros.
Monsieur le ministre, il faudrait reconnaître votre erreur et reconsidérer ce dispositif (M. le ministre délégué le conteste.), d’autant que vous nous aviez trompés. En effet, votre collègue Bruno Le Maire, répondant à Sylvie Vermeillet – pas même à notre groupe, donc – déclarait que la portée du dispositif n’était pas négligeable, puisque celui-ci ferait « passer le nombre de communes éligibles de 16 000 à 22 000 » et qu’ainsi « plus de moitié des communes françaises » y seraient éligibles.
Or, nous passons de 22 000 communes à 2 941. Si ce n’est pas un mensonge… Les comptes ne sont pas bons, monsieur le ministre ! Nos communes ont été prises dans un filet de sécurité qui ressemble davantage à une toile d’araignée, à un piège qui se referme sur elles.
Notre amendement est simple : il tend à ce que, par esprit de responsabilité, vous renonciez à récupérer l’acompte versé à ces 3 425 communes. Cette responsabilité vous incombe. Ce dispositif était trop restrictif et illisible, et ce n’est pas seulement notre groupe qui le souligne. Comment voulez-vous qu’une commune de 500 habitants dispose des moyens nécessaires ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, notamment en raison du principe d’égalité de traitement entre les communes : ce que vous proposez, monsieur Savoldelli, est inconstitutionnel.
Je me souviens que le ministre alors chargé des comptes publics nous vantait les avantages du dispositif, tout comme l’éternel ministre de l’économie et des finances… (Sourires.) Mais le premier avait exprimé certaines réserves, et recommandait à certaines communes de bien réfléchir avant de faire une demande, et même, parfois, de ne pas demander à bénéficier du dispositif pour éviter de mauvaises surprises.
Je me dois de souligner, monsieur le ministre, que vos services sont pris en défaut, la main dans le sac. (M. le ministre délégué se récrie.) En effet, 82 % des acomptes versés au titre du filet de sécurité ont été attribués à des collectivités territoriales qui n’avaient aucun droit à ces fonds. Dans certains départements, 100 % des acomptes ont été distribués de la sorte. En tête de liste figurent la Savoie, la Haute-Saône, la Haute-Marne et la Haute-Savoie – à croire qu’il ne fait pas bon être un département de « haute » quelque chose… (Sourires.)
Alors que s’ouvre cette semaine le Congrès des maires, alors que vous appelez à la responsabilité des élus, que vous expliquez en permanence que les collectivités territoriales ont des réserves et de l’épargne, vos propres services sont défaillants. Vos personnels ont pourtant la compétence et la formation nécessaires et doivent s’acquitter de leur devoir de conseil. Cela irrite profondément les élus, vous devez l’entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, vous avez employé des mots qui ne me conviennent pas du tout : je ne peux vous laisser dire que les agents du ministère des finances sont « pris la main dans le sac » ! Les agents des directions départementales des finances publiques (DDFiP), partout sur le territoire, accomplissent des missions régaliennes difficiles et méritent notre soutien sans faille – y compris dans leur activité de conseil aux élus locaux. S’il y a une responsabilité à chercher, ce n’est sûrement pas la leur.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un peu court…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vais vous répondre sur le fond, monsieur le rapporteur général. Le filet de sécurité a été proposé par les socialistes à l’Assemblée nationale, menés par Mme Christine Pires Beaune, et voté à l’unanimité. Que je sache, le dispositif n’a pas été corrigé au Sénat…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Et si vous nous aviez écoutés, il y aurait eu moins d’erreurs.
M. Vincent Delahaye. On travaille, ici !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est sans doute que vous n’avez pas été entendus.
Les critères ont été approuvés à une large majorité à l’Assemblée. On prévoyait, au moment de l’élaboration du filet de sécurité, une augmentation des dépenses énergétiques d’environ 50 %, mais celles-ci n’ont progressé que de 15 %. Ce que les services de la DGFiP ont observé, c’est que la situation des collectivités territoriales, en particulier du bloc communal, s’est révélée bien meilleure que prévu.
Il ne s’agissait que d’un acompte : les critères n’ont pas été modifiés. Si l’augmentation des prix de l’énergie avait été conforme à ce qui était anticipé, davantage de communes auraient été éligibles. Nous allons tout de même dépenser entre 412 et 413 millions d’euros au titre du filet de sécurité et un peu plus de 2 446 communes y ont droit. Pour les autres, il s’agit simplement de communes qui se trouvent dans une situation financière meilleure que prévu.
Commencer à annuler des acomptes poserait un problème majeur de gestion fiscale. Annuler des acomptes simplement parce que la situation s’avère différente pose une question sérieuse sur l’égalité devant l’impôt : je tiens à votre disposition une note de la direction juridique de Bercy sans ambiguïté sur ce point. Il est clair que cela créerait une rupture d’égalité avec les collectivités territoriales qui n’auraient pas demandé d’acompte.
J’ai donné des instructions fermes aux DDFiP pour qu’elles octroient tout le temps nécessaire à ces remboursements, même s’il faut plusieurs mois. Nous avons reçu quelques demandes d’étalement dans le temps, de la part de 374 collectivités. Une dizaine de communes souhaitent déborder sur 2024. Nous ferons preuve d’une grande souplesse, mais c’est une question de principe.
Il ne s’agit pas d’une défaillance de nos services, mais d’une amélioration de la situation financière des collectivités territoriales, liée à une hausse plus faible que prévu du prix de l’énergie. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.) Annuler un acompte créerait une rupture d’égalité, susceptible d’être censurée par le Conseil constitutionnel, et cela irait à l’encontre de nos principes de bonne gestion et du respect de l’égalité entre communes et entre citoyens face à l’impôt. C’est pour ces raisons que le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.