Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est épouvantable !

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le même débat !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Certes, monsieur le président de la commission. Mais je tenais à vous dire à ce stade ce que j’en pense. Pour ma part, je considère qu’il est utile d’augmenter la fiscalité d’un certain nombre de produits qui sont consommés avec excès. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, GEST et RDSE. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 462 rectifié bis et 1355.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 10 decies - Amendements n° 462 rectifié bis et n° 1355
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Article additionnel après l'article 10 decies - Amendements n° 1040 rectifié, n° 80 rectifié ter, n° 516 rectifié et n° 1004 rectifié (début)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 448 rectifié bis est présenté par Mmes Guillotin et M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 1015 rectifié ter est présenté par MM. Henno et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Delahaye, Mme Jacquemet, M. Kern, Mmes Morin-Desailly, Perrot et O. Richard et MM. Bleunven et Delcros.

L’amendement n° 1101 rectifié bis est présenté par Mme Canalès, M. Jomier, Mme Le Houerou, MM. Féraud, Ouizille et Tissot et Mme Féret.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 10 decies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La troisième phrase du dernier alinéa de l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale est supprimée.

II – Le deuxième alinéa de l’article L. 313-19 du code des impositions sur les biens et services est ainsi rédigé :

« Toutefois, l’évolution annuelle ne peut être négative. »

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 448 rectifié bis.

Mme Véronique Guillotin. Il s’agit une nouvelle fois d’instaurer une taxe comportementale, en déplafonnant le relèvement annuel de 1,75 %. Je rappelle que les taxes sur les boissons sucrées et le tabac sont indexées sur l’inflation, contrairement à celles sur l’alcool.

Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à mon amendement…

Pour ma part, j’ai vraiment l’impression que deux discours s’affrontent : l’un sur la santé publique, l’autre sur la filière viticole. Il serait bon qu’un dialogue s’instaure.

On aurait pu avoir le même raisonnement concernant le tabac et s’en tenir au prix en vigueur pour épargner les buralistes et ne pas les plonger dans la difficulté.

La taxe comportementale fonctionne pour le tabac. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’alcool ? À mes yeux, le débat est pipé.

Je reste persuadée que la taxe comportementale fonctionne. C’est évident, puisque cela a une incidence sur le pouvoir d’achat ! Il n’est qu’à voir ce qui vient de se passer avec les tickets-restaurant : on comprend bien que ceux-ci doivent pouvoir servir à acheter des pâtes et du riz.

Les consommateurs les plus importants, ceux que l’on veut cibler, seront les plus réceptifs à une augmentation du prix de l’alcool par l’instauration d’une taxe.

Je continuerai de défendre cette conviction, que j’ai chevillée au corps depuis plusieurs années, même si cela ne passe pas dans cette assemblée.

J’entends vos réserves, monsieur le ministre. Bien évidemment que la seule instauration d’une taxe ne suffira pas.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Eh oui !

Mme Véronique Guillotin. Mais tout miser sur la prévention ne suffira pas non plus. La lutte contre une addiction ou une consommation excessive est complexe et nécessite une mobilisation de tous les moyens, dont la taxation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 1015 rectifié ter.

M. Olivier Henno. Cet amendement est défendu !

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 1101 rectifié bis.

Mme Marion Canalès. Le coût sanitaire et social pour les familles est important : 1,3 million de personnes sont concernées par les troubles causés par l’alcoolisation fœtale. C’est la première cause de handicap mental non génétique et la première cause évitable de troubles du neurodéveloppement.

Je tiens à rassurer mes collègues : en matière de fiscalité comportementale appliquée aux boissons, le rapport d’information de l’Assemblée nationale en conclusion des travaux du Printemps social de l’évaluation de 2023 précise que la baisse de consommation des boissons alcooliques en France « n’est que marginalement le fait de la fiscalité ». Une fiscalité supplémentaire n’entraînera donc pas nécessairement une baisse de la consommation.

Je souhaite éclairer le débat qui nous anime, car l’on ne peut pas s’exonérer d’un constat : tous les viticulteurs ne sont pas égaux devant les difficultés. On assiste aujourd’hui à une véritable financiarisation de la viticulture. Les grands groupes qui achètent des vignobles, comme LVMH, le font dans un objectif purement capitalistique, et non pour faire du bon vin, pour préserver l’emploi et nos paysages ou pour accompagner la transition écologique de nos départements. Il s’agit pour eux d’un investissement immobilier et, je le répète, capitalistique. D’ailleurs, ils achètent en même temps des vignes en Californie !

Oui, monsieur le président de la commission des affaires sociales, comme vous l’avez évoqué tout à l’heure, il reste un travail à mener en la matière, et je souhaite m’y consacrer. Cela ne se réduit pas à une opposition entre la filière viticole et la prévention. Il faut dépasser ce clivage, travailler ensemble, trouver l’argent là où il se trouve et mettre à contribution celles et ceux qui n’ont pas d’effet positif sur nos territoires, c’est-à-dire les viticulteurs qui sont les plus capitalistiques et les plus internationalisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. Pour mesurer le progrès, il est toujours utile de regarder le passé. Pour ma part, j’ai l’impression de revenir trente-cinq ans en arrière ! (Sourires.)

Au tout début de mes engagements politiques, j’ai siégé aux côtés de Claude Évin, à Saint-Nazaire. Les plus jeunes ne le savent peut-être pas, mais, à l’époque, on consommait de l’alcool à l’usine, sur les bateaux de pêche, au risque de la sécurité et, parfois, de la survie de nos ouvriers et de nos pêcheurs. On en consommait même dans les centres de secours et dans les commissariats de police !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Philippe Grosvalet. C’était tout à fait courant. Nous fumions même au sein du conseil municipal de Saint-Nazaire ! Je vous renvoie aux débats de l’époque.

Monsieur le ministre, au mois de juillet dernier, vous avez déclaré dans le journal Le Monde que vous ne vouliez pas vous comparer à Claude Évin. Je vous y invite pourtant. En effet, nous avons régulièrement besoin de lois fortes et de courage politique pour faire avancer les choses.

On trouve aussi du muscadet en Loire-Atlantique. Nous discutons avec les producteurs sur la consommation d’alcool, les risques routiers et l’économie viticole de notre territoire.

Il faut avoir le courage d’engager ce débat avec les viticulteurs. C’est pourquoi je voterai ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Cela me gêne un peu que l’on présente les producteurs sous le seul volet capitalistique. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Jean Rochette. Peut-être, mais on a tendance à généraliser…

Les producteurs de vin de ma région ne sont pas très riches. Leur imposer une nouvelle taxe revient à les condamner.

Je suis contre une société où la bien-pensance voudrait que l’on taxe tout ce qui s’apparente à un plaisir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marion Canalès. On ne dit pas cela !

M. Pierre Jean Rochette. C’est exactement cela, pourtant !

Ce n’est pas en taxant que l’on règle toutes les dérives de notre société. Vous pouvez tripler les taxes : ceux qui ont envie de boire trouveront toujours un moyen de le faire. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je pense que vous faites fausse route et que vous défendez une idée qui peut conduire à la destruction d’une filière. Personnellement, je suis totalement opposé à ce que l’on nous propose.

M. Thomas Dossus. Vous aurez des morts sur la conscience ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Jean Rochette. Ces propos sont tout à fait déplacés ! Les gens savent ce qu’ils ont à faire.

Je suis contre une telle mesure. Nous sommes dans un pays de liberté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) À force d’imposer des taxes à tout-va, vous êtes en train de tuer des libertés. (Applaudissements sur les mêmes travées, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

M. Laurent Burgoa. Ça s’arrose ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je salue le courage de Mme la rapporteure générale, qui a exprimé sa position personnelle, différente de celle de la majorité des membres de la commission des affaires sociales.

Sur de tels sujets, nous n’avancerons qu’en sortant des caricatures.

D’une certaine façon, Laurent Burgoa pose la question dans les bons termes : existe-t-il un modèle économique de la filière viticole, pour ne prendre que cet exemple, qui soit compatible avec la santé publique ? Pour ma part, je crois que oui. Mais ce modèle économique doit être fondé sur les 80 % de Français dont la consommation ne pose pas de problème en termes de santé publique, et non sur les 20 % de gros buveurs de notre pays. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Or le modèle actuel est un modèle de volume. J’en veux pour preuve que les productions bas de gamme, qui ne représentent en rien un terroir, sont déversées dans des produits à 2,5 euros, voire 2 euros la bouteille, qu’il s’agisse – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle – du rouge-cola, du rosé Sex on the beach et d’autres joyeusetés.

Si l’on sort de ce modèle, on parviendra à conjuguer les deux enjeux que sont la sauvegarde de la filière et des actions de santé publique.

Évidemment, il ne faut pas accuser la filière viticole de tous les défauts et la rendre responsable des problèmes majeurs de santé publique.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Évidemment !

M. Bernard Jomier. Mais il faut regarder la réalité en face et reconnaître que la filière se trouve dans une impasse. D’ailleurs, vous le savez bien, mes chers collègues, puisque, chaque année, ces questions reviennent dans nos débats et que vous réclamez des dispositifs supplémentaires.

Pour ma part, je soutiens l’idée, qu’Anne Souyris a effleurée, d’un prix minimum. Cela a deux avantages. D’une part, c’est plus favorable aux petits producteurs ; évidemment, tous les industriels, qui y voient une attaque et en sortiraient perdants, lancent des campagnes pour s’y opposer. D’autre part, l’effet sur la santé publique est positif. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Nous avons tous en tête qu’il ne faut pas fragiliser la filière viticole ; encore que celle-ci semble déjà grandement fragilisée, à entendre mes collègues élus des territoires viticoles, et ce alors même qu’il n’y a aucune politique de prévention de la consommation d’alcool dans notre pays. J’invite donc mes collègues à aborder autrement les questions liées à l’avenir de cette filière.

Par ailleurs, on ne peut pas admettre l’idée que l’avenir de la filière viticole repose sur une consommation maximale d’alcool par tous les Français, voire sur toute la planète, car je ne tiens pas à exporter l’alcoolisme dans les autres pays… Ou alors, il faudrait substituer les bons vins que notre pays peut proposer aux alcools qui sont bus ailleurs ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, si, chaque année, nous revenons avec tant d’insistance sur les questions relatives à la prévention de l’alcoolisme et sommes si mobilisés, ce n’est pas tant pour évoquer les taxes ou le droit d’accise que pour souligner l’absence totale de politique de prévention depuis 2017 par les gouvernements successifs et le président Macron.

Mme Laurence Rossignol. Et je dis bien le président Macron, car tout le monde sait que Mme Buzyn a dû laisser dans ses tiroirs les campagnes de prévention qu’elle avait prévues en tant que médecin.

Tout le monde connaît le coût sanitaire d’une telle inaction. Notre collègue Guillotin a rappelé que l’alcool était la deuxième cause de cancer et la première cause de l’ensemble des pathologies graves : accidents vasculaires cérébraux (AVC), maladies cardiovasculaires…

Hier, monsieur le ministre, vous nous avez appelés à ne pas faire d’idéologie. Pourtant, sur l’alcoolisme, vous ne faites que cela : de l’idéologie et du clientélisme mal placé ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Oh !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 448 rectifié bis, 1015 rectifié ter et 1101 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 10 decies - Amendements n° 448 rectifié bis, n° 1015 rectifié ter et n° 1101 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 10 decies - Amendements n° 1040 rectifié, n° 80 rectifié ter, n° 516 rectifié et n° 1004 rectifié (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1040 rectifié, présenté par MM. Iacovelli et Patriat, Mme Nadille, MM. Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’article 10 decies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le tableau constituant le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« 

QUANTITE DE SUCRE (en kg de sucre ajoutés par hl de boisson)

TARIF APPLICABLE (en euros par hl de boisson)

Inférieur 5

0

Entre 5 et 8

21,00

Au-delà de 8

28,00

 » ;

2° Le troisième alinéa est supprimé ;

3° La deuxième phrase du quatrième alinéa est supprimée.

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. En France, le surpoids et l’obésité sont en hausse, notamment chez les jeunes. Près d’un Français sur deux est en situation de surpoids, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). La contribution sur les boissons alcooliques comprenant des sucres ajoutés, également appelée « taxe soda », a été mise en place en 2012, dans l’objectif d’inciter les consommateurs à réduire leur consommation de sodas.

D’après une étude de l’Inserm de 2019, cette consommation, qui a fortement augmenté depuis les années 1960, s’élèverait à 50,9 litres de soda par an et par personne, induisant pour les consommateurs des risques accrus pour leur santé.

L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs considéré la taxe soda comme un outil efficace de lutte contre l’obésité, mais l’outil fiscal est encore peu et mal utilisé en France. Les résultats sont très limités en raison des nombreux paliers de taxation. À l’inverse, la taxe britannique, qui a des droits d’accise plus élevés et seulement trois paliers, a permis de faire chuter la proportion de boissons au-dessus du premier seuil de 40 %, soit un effet quatre fois supérieur à la taxe française.

Cet amendement vise donc à réformer la taxe soda en passant à trois tranches et en augmentant les taux d’accise, sur – une fois n’est pas coutume… – le modèle britannique.

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié ter, présenté par MM. Bonhomme et Klinger, Mmes Micouleau, Canayer et Drexler, MM. de Nicolaÿ, Sautarel et Genet et Mmes Belrhiti et Aeschlimann, est ainsi libellé :

Après l’article 10 decies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le tableau constituant le deuxième alinéa du II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 

QUANTITÉ DE SUCRE (en kg de sucres ajoutés par hl de boisson)

TARIF APPLICABLE (en euros par hl de boisson)

 Inférieure à 5

0

Entre 5 et 8 

20,7

 Supérieure à 8 

27,6

 ».

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même veine que le précédent, vise à renforcer la modulation de la taxe soda en fonction du taux de sucres contenu dans les boissons concernées, comme cela a été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Nous connaissons tous les effets de la surconsommation de sucres ajoutés sur un certain nombre de pathologies sévères, dont le coût social est terrible, de l’ordre de 12 milliards d’euros : cancer du pancréas, diabète de type 2 – il y a 4,2 millions de personnes touchées en France, sans compter ceux qui s’ignorent diabétiques –, maladies cardiovasculaires, AVC… Il faut aussi prendre en compte les pathologies associées, les complications, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), etc. La liste est longue des méfaits liés à la surconsommation de sucres.

La taxation renforcée que nous proposons s’inscrit dans une politique de prévention, même si vous le contestez, monsieur le ministre. À l’inverse, je considère que cette taxe nutritionnelle, qui fait partie des taxes comportementales, participe totalement des politiques de prévention.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a évalué notre taxation et l’a comparée aux autres pays européens. Comme l’a souligné Xavier Iacovelli, le cas britannique est significatif : la taxation qui a été mise en place a entraîné une baisse du taux de sucres dans les sodas et une baisse de la consommation, conformément à son objectif.

On le sait bien, sur les publics visés, l’effet prix est manifeste.

Cet amendement a donc pour objet une augmentation significative de la taxe soda en fonction du taux de sucres contenus dans les boissons concernées.

M. Xavier Iacovelli. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 516 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 10 decies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le tableau constituant le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« 

QUANTITÉ DE SUCRE (en kg de sucres ajoutés par hl de boisson)

TARIF APPLICABLE (en euros par hl de boisson)

Inférieure ou égale à 1

3,49

2

4,07

3

4,64

4

5,21

5

6,38

6

7,55

7

8,70

8

11,02

9

13,34

10

15,65

11

17,98

12

20,30

13

22,61

14

24,94

15

27,26

» ;

2° Au troisième alinéa, le montant : « 2,10 € » est remplacé par le montant : « 2,31 € ».

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Cet amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° 1004 rectifié, présenté par M. Dossus, Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 10 decies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde colonne du tableau du second alinéa du II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi rédigée :

TARIF APPLICABLE (en euros par hl de boisson)

6,34

7,4

8,44

9,48

11,6

13,72

15,82

20,04

24,26

28,46

32,68

36,9

41,12

45,34

49,56

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement a le même objet que les précédents. Nous voyons qu’il y a un consensus transpartisan !

Je souhaite revenir sur ce que M. le ministre a indiqué sur le facteur prix et la fiscalité comportementale. Pour le tabac, l’État a assumé ses responsabilités en mettant en place une taxation dissuasive, réévaluée à intervalles réguliers, et en imposant des images et slogans dissuasifs sur les emballages. Actuellement, 80 % du prix final du tabac se compose de taxes et d’accises. Résultat : le volume des ventes a été divisé par deux depuis les années 1990, et la mortalité liée au cancer du poumon a diminué.

Nous proposons la même approche pour les boissons sucrées. Notre amendement vise à doubler la taxe qui les frappe et dont le montant n’atteint pas 15 centimes par litre. Nous espérons ainsi modifier les comportements, et nous prévoyons une réévaluation régulière de cette taxe. Il s’agit d’une mesure relativement simple, qui permettra en outre de financer les campagnes de prévention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces amendements concernent un véritable fléau : la consommation excessive de sucre. Il est évident qu’il faut la réduire pour diminuer les risques. En effet, les maladies associées deviennent chroniques et constituent des pathologies majeures, souvent mal vécues socialement. Par exemple, l’obésité a des conséquences sur la santé mentale, tant chez les jeunes que chez les moins jeunes, qui suivent des régimes les faisant maigrir, puis regrossir, avec un effet yo-yo, ce qui est très néfaste pour la santé. Nous en connaissons tous des exemples autour de nous. Et l’on doit bien parler de santé quand on examine un PLFSS.

Le produit de cette taxe serait de 453 millions d’euros en 2024. C’est peu, mais important, car il est nécessaire d’agir, sur le plan de la communication, mais surtout sur celui de l’éducation. Il est primordial d’aborder les questions d’alimentation très tôt à l’école. Que met-on dans l’assiette ? Le produit de cette taxe pourrait financer des campagnes éducatives et de communication.

À mon sens, une telle fiscalité n’est pas punitive. Au contraire, il s’agit de prolonger la vie des individus à travers les campagnes éducatives et de communication. C’est surtout une manière de flécher des ressources en faveur de la santé mentale dans les familles.

La commission a sollicité l’avis du Gouvernement sur ces amendements. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous savez que notre majorité a révisé significativement le barème de la taxe en 2018, avec un large soutien parlementaire. Cependant, nous devons veiller aux effets des mesures que nous adoptons sur le pouvoir d’achat. (Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) La solution n’est pas simple. Sinon, elle ferait consensus. Il faut trouver un équilibre, et ne pas rendre la fiscalité punitive.

Le rapport d’un consortium sur les effets de la taxation des produits sucrés depuis la réforme de 2018 doit nous être remis. Il s’agit du projet soda-tax.

M. François Bonhomme. Qu’est-ce que vous attendez ? Cela fait quatre ans !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne rédige pas moi-même ce rapport, comme vous pouvez l’imaginer. Il s’agit d’une évaluation, qui nécessite du recul et le travail d’universitaires. Je veux bien leur transmettre votre incitation à aller plus vite, mais soyons sérieux : l’évaluation des politiques publiques demande du temps.

Nous devons d’abord prendre connaissance de ce rapport, afin de comprendre les conséquences des réformes que nous avons votées en 2018, et éventuellement d’ajuster le barème.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable à leur adoption.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je maintiens mon amendement. Monsieur le ministre, je suis entièrement d’accord avec vous et avec le président de la commission des affaires sociales sur la nécessité de soutenir le pouvoir d’achat dans la période de crise économique que nous traversons. Les propositions de loi déposées pour prolonger l’usage des tickets-restaurant montrent que cette question dépasse les clivages politiques.

Mais là, nous parlons des sodas, pas de produits de première nécessité comme les pâtes, le riz ou d’autres aliments. Les préoccupations de pouvoir d’achat doivent se concentrer avant tout sur ce qui nous nourrit, pas sur ce qui nous fait grossir. Or le taux de sucre dans les sodas est catastrophique, et il est souvent plus élevé dans les produits les moins chers, car les industriels augmentent ce taux et diminuent celui des autres ingrédients (M. François Bonhomme acquiesce.).

L’exemple britannique a été évoqué, mais, en France, nous taxons également les édulcorants, ce qui n’est pas le cas outre-Manche.

Si je suis d’accord pour ne pas dégrader le pouvoir d’achat des Français, comme le montreront d’autres amendements que j’ai déposés, je suis convaincu que la taxe sur les sodas n’affecte pas réellement le pouvoir d’achat des Français. Si nous pouvons, par le biais de taxes comportementales, réduire l’achat de produits qui nous empoisonnent, faisons-le, car cela ira dans le bon sens !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Pourquoi cette question du sucre est-elle cruciale ? Parce que la consommation de sucre est en constante augmentation dans notre pays, et ce n’est pas spécifique à la France.

Cette hausse est constante, car l’industrie agroalimentaire ajoute du sucre dans pratiquement tous les produits, y compris dans les petits pots salés pour bébé, afin de créer une addiction. Les Antillais connaissent bien le problème : ils ont dû subir une industrie agroalimentaire qui ajoutait davantage de sucre dans tous les produits, prétendument parce que les Antillais l’appréciaient plus que les autres, ce qui était faux. Ils se sont battus, et les taux de sucre sont revenus à des niveaux similaires à ceux de la métropole. Mais le taux de diabète aux Antilles est bien plus élevé qu’en métropole.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dépolitiser ainsi le sujet. L’excellent rapport de Cyrille Isaac-Sibille – c’est un député de votre majorité –, auquel Xavier Iacovelli a contribué, montre bien ce qu’il en est. Pourquoi refusez-vous de prendre quelque mesure que ce soit ?

Ces quatre amendements visent à instaurer des taux différents. Nous voterons le premier amendement qui sera mis aux voix, et je regrette que la commission des affaires sociales ne prenne pas position sur la question, sous prétexte qu’il ne faudrait pas toucher à la fiscalité. Je pense que c’est regrettable, monsieur le président de la commission : dans ce cas, autant dire que nous ne sommes plus en commission des affaires sociales !