M. le président. Monsieur Savoldelli…
M. Roger Karoutchi. C’est lamentable ! Ça suffit !
M. Pascal Savoldelli. N’utilisez pas des comparaisons fallacieuses.
Si j’étais à la place de Roger Karoutchi, je sortirais mon amendement de cette discussion commune où il voisine avec des amendements de l’extrême droite !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas moi qui fais le dérouleur de séance !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Savoldelli, vous le savez sans doute, comme tout un chacun dans cet hémicycle : tous les titres de séjour donnent lieu à la perception d’une somme d’argent.
M. Pascal Savoldelli. Certes !
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il y a toujours de l’argent en jeu quand on veut entrer sur le territoire français.
Nous avons parfois le sentiment que nous ne parlons pas de la même chose. Toujours est-il que les étrangers n’ont aucun droit acquis à entrer sur le territoire français, de quelque façon que ce soit.
Il nous appartient de fixer les conditions auxquelles les étrangers sont admis sur notre sol. La caution existe ; elle est appliquée dans d’autres pays. Et, en toute hypothèse, on n’entre pas en France sans débourser une quelconque somme d’argent, même s’il s’agit d’une taxe. C’est indispensable pour se voir délivrer un titre de séjour sur le territoire français.
M. Pascal Savoldelli. Bref, c’est la taxe plus la caution !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Un tel dispositif n’a donc rien de choquant.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 535 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 245 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er F.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 1er G (nouveau)
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le 8° de l’article L. 411-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « réserve », sont insérés les mots : « qu’il justifie annuellement » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les modalités de justification du caractère réel et sérieux des études sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 432-9 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la référence : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “étudiant” peut être retirée à l’étranger qui ne respecte pas l’obligation annuelle de justification du caractère réel et sérieux des études prévue au 8° de l’article L. 411-4. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 151 est présenté par Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 428 rectifié bis est présenté par Mme O. Richard, MM. Cadic, Canévet, Hingray et Levi et Mmes Perrot et Sollogoub.
L’amendement n° 451 est présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 570 rectifié est présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 151.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à supprimer le présent article, qui impose aux étudiants ayant obtenu une carte de séjour pluriannuelle de confirmer annuellement la validité de leur titre en transmettant à l’administration des documents attestant du caractère réel et sérieux de leurs études.
Mes chers collègues, je tiens avant tout à vous rassurer : cette carte de séjour n’est pas offerte aux étudiants. Elle leur est délivrée au terme d’une procédure de contrôle stricte, exigeante et sélective menée par nos postes consulaires en amont de leur départ en France. Ces démarches sont si complexes qu’elles s’apparentent souvent à un parcours du combattant.
Madame la rapporteure, je vous rappelle également que Campus France vérifie les pièces du dossier afin de détecter d’éventuelles fraudes, tout en vérifiant la qualité du projet d’études et le niveau linguistique des candidats.
De leur côté, nos services consulaires prennent une décision fondée sur les ressources financières et les conditions d’hébergement des intéressés. Ils éliminent ainsi le risque de détournement de procédure à des fins migratoires.
Vous proposez de durcir ce dispositif en instaurant un contrôle supplémentaire, une fois les étudiants arrivés en France.
Je puis vous certifier que cette mesure à la fois vexatoire et stigmatisante nuira à nos propres intérêts. Elle va tout simplement à l’encontre de la tendance mondiale et ne fera qu’accélérer le déclassement de la France sur le marché international de l’enseignement, face à des pays qui déploient des stratégies offensives pour attirer davantage d’étudiants étrangers.
Nos concurrents l’ont parfaitement compris : de retour dans leur pays d’origine, ces étudiants sont leurs meilleurs ambassadeurs. Ils misent sur la constitution de ces réseaux d’influence, sur lesquels ils peuvent ensuite se reposer.
En résumé, ne nous trompons pas de débat. Ne nous enfermons pas dans cette logique d’affichage et de suspicion qui reviendrait à considérer les étudiants étrangers comme une population « à risque migratoire » sans répondre aux réels enjeux des flux migratoires illégaux que vous entendez endiguer.
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour présenter l’amendement n° 428 rectifié bis.
Mme Olivia Richard. Je rejoins totalement Mme Conway-Mouret : l’enjeu, c’est la place de la France dans le monde et son influence à l’international. Évidemment, ce prisme n’est pas celui du présent texte.
Je saisis cette occasion pour saluer le travail mené par Campus France et par nos postes consulaires pour l’instruction des dossiers de candidature déposés par tous ceux qui veulent venir étudier en France. Ces derniers doivent en effet répondre à un grand nombre de critères ; leur sélection n’a rien d’aléatoire.
La France – je le confirme – est déjà en perte de vitesse pour ce qui concerne l’accueil des étudiants internationaux ; cette situation est tout à fait regrettable. Or, plus on durcira leurs conditions d’accueil tout au long de leur séjour, plus on en perdra demain.
Enfin, qui lira ces notes, qui consultera ces attestations d’assiduité que les étudiants étrangers devront fournir tous les ans ? La mise en œuvre d’une telle disposition exigera un travail considérable de la part des préfectures, qui n’auront sans doute pas les moyens de l’accomplir.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 451.
M. Ian Brossat. Introduit en commission, l’article 1er G alourdit le contrôle de l’immigration étudiante en exigeant la transmission annuelle de documents attestant d’une scolarité sérieuse et réelle, sous peine de retrait du titre de séjour.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, ce critère figure déjà expressément dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). En l’état actuel du droit, le caractère réel et sérieux des études accomplies peut déjà être contrôlé. De telles dispositions sont donc extrêmement redondantes, à ceci près que cet article rend automatique un contrôle qui, aujourd’hui, est une simple possibilité.
Vous passez beaucoup de temps à dénoncer les lourdeurs administratives et la bureaucratie ; une telle conversion me semble à tout le moins étonnante…
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 570 rectifié.
Mme Monique de Marco. L’article 1er G de ce projet de loi, introduit par la commission des lois du Sénat, durcit le droit au titre de séjour étudiant en imposant aux bénéficiaires de justifier annuellement du caractère « réel et sérieux » de leurs études sous peine de se voir retirer ce titre.
Il est important de noter que, contrairement à une idée reçue, le nombre de doctorants internationaux en France est en baisse depuis 2011 : il recule d’environ 8 % par an. À l’inverse, au cours de la même période, le nombre de doctorants inscrits à l’étranger a augmenté à l’échelle mondiale.
En instaurant un climat de suspicion, une telle mesure aurait pour conséquence directe d’envoyer un mauvais signal et de fragiliser la recherche française, qui s’enrichit des travaux des chercheurs de nationalité étrangère, surtout quand on sait que les objectifs fixés par la loi de programmation de la recherche ne sont pas atteints.
Le rayonnement de la France passe indéniablement par son système éducatif. En restreignant son ouverture aux étudiants étrangers, le législateur réduirait automatiquement son attrait. De même, on verrait s’amoindrir la richesse que toutes ces étudiantes et tous ces étudiants offrent à l’université en apportant en France leur culture et leur histoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit ici de l’immigration étudiante. Comment le dispositif actuel fonctionne-t-il ?
Lorsqu’un étranger veut étudier en France, il obtient, en justifiant du caractère réel et sérieux des études qu’il veut accomplir, une carte de séjour d’un an. À l’issue de ce délai, il peut obtenir une carte de séjour pluriannuelle pour la durée de ses études. Ce titre est généralement accordé pour quatre ans, afin que l’étudiant puisse poursuivre son cursus jusqu’à l’obtention d’un master 2.
Nous voulons tout simplement vérifier que le titre de séjour obtenu suit véritablement l’usage pour lequel il a été délivré, ce qui me semble tout à fait logique. (M. Roger Karoutchi opine.) Il s’agit, non pas d’imposer le renouvellement annuel de ce document, mais d’en permettre le retrait si son détenteur ne peut justifier chaque année, conformément à la périodicité des examens, du caractère réel et sérieux des études qu’il mène.
Une telle disposition peut-elle porter atteinte à l’image de la France dans le monde ou à son attractivité ?
De deux choses l’une. Soit le détenteur du titre de séjour étudiant n’a nullement l’intention d’étudier – c’est le cas de figure évoqué par M. Karoutchi. Dès lors, nos universités ou nos grandes écoles ne l’intéressaient pas particulièrement ; je ne pense pas qu’il les fera rayonner à travers le monde. Soit il s’agit d’un étudiant qui vient véritablement pour étudier : auquel cas, il n’aura aucune difficulté à justifier du caractère utile et sérieux de ses études.
Dans ces deux hypothèses, ni l’image de la France dans le monde ni son attractivité ne sont mises en cause. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, je dois vous avouer ma stupéfaction.
J’ai été étudiant boursier…
M. Michaël Weber. Il y a longtemps ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Il y a longtemps, en effet – je vous remercie de le souligner. (Nouveaux sourires.) Mais ces études m’ont tout de même permis d’être agrégé d’histoire ; j’ai été, je le souligne au passage, le plus jeune de France. (Applaudissements.)
Toujours est-il que, chaque année, pour obtenir le renouvellement de ma bourse, je devais remplir un certain nombre de documents…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. … attestant que je suivais les cours et que je passais mes examens. Bref, je devais prouver que j’étais un étudiant sérieux.
Je trouve tout de même curieux que l’on demande à des étudiants français, inscrits dans les universités françaises, de remplir des documents et de fournir un certain nombre de preuves s’ils veulent conserver leur bourse, et que des étudiants étrangers, titulaires d’un titre de séjour ad hoc, n’aient pas à prouver qu’ils suivent des cours et se présentent à leurs examens.
Madame Conway-Mouret, en quoi une telle disposition atteint-elle le prestige de la France ? Ceux qui sont vraiment étudiants prouveront aisément qu’ils sont inscrits et passent les examens. Loin d’en être affectés, leurs pays d’origine en tireront avantage : ils pourront dire qu’ils envoient en France des étudiants dignes de ce nom, qui concourent à la fois à leur prestige et à celui de la République française. Personnellement, je m’en réjouirai.
Je le répète, en quoi s’agirait-il d’une atteinte à l’image de notre pays ? Je vous le dis sincèrement, il y a quelque chose qui m’échappe…
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Monsieur le ministre, vous avez mentionné précédemment l’intérêt pour la diplomatie française d’accueillir dans nos hôpitaux les chefs d’État étrangers. Pourquoi pas ? Je suis assez d’accord avec cette idée.
La construction de notre pays, d’une société d’intelligences, qui va être la prospérité de demain, se fonde sur l’université, la recherche et notre rayonnement.
Hier, nous avons voté l’amendement de notre collègue Joyandet relatif à la francophonie. Tous ces arguments en faveur de la fermeture de nos frontières ne vont pas avec l’ambition de rayonnement de la France !
La première université française date du XIIe siècle ; voilà neuf siècles que notre université rayonne, que la France rayonne grâce à l’université !
À l’époque, notre université avait même été reconnue par un pape, Innocent III, l’un de ces papes que vous aimez bien, surtout lorsqu’ils parlent du « fanatisme de l’indifférence », qui s’est installé dans cette assemblée… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Si l’on pense être attractif en augmentant les frais de scolarité, en « fliquant » en permanence les étudiants étrangers, alors on donne raison aux universités canadiennes, qui font de la publicité comparative en disant, en substance : « Venez chez nous, on vous aime ! »
M. Roger Karoutchi. Demander aux étudiants de prouver qu’ils étudient, ce n’est pas insensé, tout de même !
M. Yannick Jadot. Au Canada, les étudiants étrangers ne sont pas comptés dans les statistiques de l’immigration. Il s’agit d’une autre conception des études, de l’université et de l’intelligence.
Soyons intelligents nous-mêmes ! Si l’on veut que les francophiles continuent à l’être et qu’ils n’en viennent pas à défiler en arborant le drapeau russe dans d’autres capitales, alors il nous faut les accueillir, reconnaissons-le !
Les francophiles contribuent à notre recherche, à notre prospérité et à celle de leur pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Stéphane Ravier proteste.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Il est demandé ici aux étudiants étrangers de justifier du caractère réel et sérieux de leurs études. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer de quoi il retourne concrètement : s’agit-il d’une attestation de réussite, d’un diplôme, des résultats d’examen ?
M. Rémi Cardon. J’adresse donc ma question à Mme la rapporteure, mais peut-être avez-vous un avis sur le sujet…
On ne peut pas simplement écrire les mots « caractère réel et sérieux » sans savoir quelle réalité ils recouvrent !
Ayant récemment obtenu des diplômes et des attestations de réussite, j’ai pu constater le temps qu’il fallait aux services de l’université pour délivrer de tels documents. Pour votre information, cela prend parfois jusqu’à six mois, mes chers collègues !
Compte tenu de la lourdeur des tâches administratives que les préfectures vont devoir assumer et de la difficulté des universités à délivrer ces diplômes, je m’inquiète de leur capacité à gérer ces dossiers, qui résulteront des dispositifs prévus par cet article.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je regrette de ne pas avoir été suffisamment convaincante à propos des contrôles réalisés, en amont de l’arrivée des étudiants, par Campus France et par nos réseaux consulaires.
Nous pouvons, je crois, être rassurés quant au sérieux de ceux qui viennent étudier en France. Souvent, il s’agit de bacheliers qui sont passés par nos lycées français – ils détiennent donc un baccalauréat français avec mention –, qui ont investi beaucoup d’argent, leurs familles ayant consenti des sacrifices financiers importants, et qui souhaitent continuer à venir en France.
C’est leur envoyer un signal très négatif que de leur demander de démontrer le « caractère réel et sérieux » de leurs études, en première année, malgré tous les contrôles qui existent déjà.
Si nous devions regarder l’ensemble des notes des étudiants en première année et décider ensuite de la poursuite de leurs études, je ne sais pas si beaucoup d’entre eux resteraient dans les universités françaises. De plus, je pense que l’on n’est pas toujours très sérieux en première année…
L’un de ces étudiants pourrait-il être expulsé au seul motif qu’il est étranger ? (M. Roger Karoutchi proteste.) Se poserait alors un problème de rupture d’égalité entre les étudiants de première année.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Ce qui me gêne dans ces débats, c’est qu’ils donnent l’impression d’opposer les humanistes, ceux qui veulent donner tout à tout le monde, sans limite ni contrôle – open bar ! –, aux rétrogrades qui ne veulent rien lâcher. En réalité, le débat est beaucoup plus subtil.
Un paramètre important n’a pas été évoqué : l’état de nos finances.
M. André Reichardt. Plus de 3 000 milliards d’euros de dettes ! (Mme le rapporteur renchérit.)
M. Pierre Jean Rochette. Sommes-nous capables d’accueillir et de soigner tout le monde ? Nos concitoyens sont-ils d’accord pour que leurs impôts financent toutes ces mesures, sans qu’elles fassent l’objet d’un quelconque contrôle ? La réponse est évidente, c’est non ! (Protestations sur des travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. C’est faux !
M. Pierre Jean Rochette. Non, c’est vrai. En tout cas chez moi, dans la Loire, on n’est pas d’accord pour financer tous ces dispositifs sans aucun contrôle !
Vous le savez très bien, nous ne pouvons plus vivre comme il y a quarante ans : les caisses de l’État ne sont plus au même niveau ; elles ne sont pas pleines et ne débordent pas… Aujourd’hui, aucune mesure ne peut être acceptée sans contrôle ou vérification.
Il s’agit d’un texte d’équilibre. Il faut accepter qu’il y ait des mesures, des paramètres et des critères de contrôle à valider, surtout dans un projet de loi relatif à l’immigration.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. À vous écouter, notre pays serait tout petit, misérable, presque en voie de développement, et ne pourrait plus accueillir personne…
M. André Reichardt. Malheureusement, c’est le cas !
M. Ian Brossat. Monsieur Rochette, personne ici n’a dit que c’était open bar, en proposant d’ouvrir toutes les frontières ou d’accueillir tout le monde…
M. Ian Brossat. Personne n’a affirmé une chose pareille !
En réalité, nous sommes un grand pays, la septième puissance économique mondiale. (Mme Valérie Boyer proteste.)
M. Stéphane Ravier. Nous avons plus de 3 000 milliards d’euros de dettes !
M. Ian Brossat. Vous prétendez qu’avant nous pouvions mener une telle politique, car nous étions très riches, mais qu’aujourd’hui cela ne nous est plus possible. Or nous produisons deux, trois, voire quatre fois plus de richesses qu’il y a encore quelques décennies. Arrêtez de raisonner comme si la France était un pays misérable !
Être fiers de notre pays, c’est être fiers d’accueillir des étudiants étrangers et de l’assumer, sans dire en permanence que nous voulons moins d’étudiants étrangers ou des universités plus fermées !
D’ailleurs, qu’est-ce que ce raisonnement ? Il me paraît complètement absurde au regard de notre histoire et de ce que nous sommes aujourd’hui : une Nation qui doit être fière d’elle-même. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je vous le demande à la suite de mes collègues Yannick Jadot et Ian Brossat, monsieur Rochette, comment pouvez-vous tenir de tels propos ?
Nous aussi, nous payons des impôts – j’en paie vraisemblablement autant que vous – et nous avons le droit de choisir ce que financent nos impôts !
On croirait, à vous entendre, que jusqu’à présent tout le monde pouvait venir en France sans faire l’objet d’aucun contrôle…
Sommes-nous dans une situation telle qu’il serait dangereux et hautement préjudiciable pour notre pays que les étudiants étrangers continuent à venir étudier en France ?
L’étude d’impact a-t-elle démontré que nous n’aurons plus les moyens financiers de vivre de la même façon si nous continuons à soigner un certain nombre de personnes ?
Sans ces articles 1er E, 1er F et 1er G, qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial, mais que la commission des lois a introduits, serions-nous véritablement dans une situation financière catastrophique ?
Le déficit de la France, dont vous faites souvent état, est-il uniquement lié à ces immigrés, à ces étrangers qui viennent en France, notamment pour étudier ?
Cela signifierait alors que toutes les lois adoptées par les différents gouvernements, de droite comme de gauche, sont de mauvaises lois puisqu’elles ont organisé la faillite de notre État, lequel aurait accueilli trop d’étrangers…
Si tel est votre avis, dites-le, et changez l’objet du projet de loi en proposant un texte visant à fermer les frontières,…
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. … si tant est qu’une telle fermeture puisse résoudre le problème des flux migratoires dans le monde !
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Mon propos s’inscrit dans le prolongement de celui de mes collègues, mais j’avancerai deux arguments supplémentaires.
Monsieur le ministre, vous voyez l’immigration comme un coût pour la Nation ; ce n’est pas notre vision. Vous avez dit que nous étions désormais trop pauvres pour accueillir des étudiants étrangers ; nous ne le croyons pas.
En voyant s’empiler les amendements bureaucratiques de la droite, je me pose une question.
C’est déjà l’incurie dans toutes les préfectures de France, où il y a des ruptures de situation puisque des personnes, en situation régulière un jour, ne le sont plus le lendemain… De récépissé en titre de séjour, elles ne savent pas comment faire, alors même qu’elles n’ont ni réponse à leurs questions ni rendez-vous pour leur dossier. Vous connaissez tout cela, monsieur le ministre.
Et malgré cela, vous voulez ajouter une couche de contrôles supplémentaire ! Mais qui allez-vous envoyer pour contrôler ces gens ? Comment allez-vous procéder ?
Au-delà des arguments, justes, fondés sur notre histoire, sur la francophonie et sur le rayonnement de la France grâce à ses universités et à ses talents, se pose donc une question administrative.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vous vous êtes tiré d’affaire sur cette question en admettant, au début de nos débats, que certains services rencontraient de telles difficultés. Mais c’est le nœud du sujet ! Dans toutes les préfectures de France, rien ne fonctionne dans la gestion des dossiers des étrangers. Voilà la question à laquelle il faut répondre.
Les amendements de la commission n’ont aucun sens, car leurs dispositifs n’ont aucune chance d’être appliqués tels quels dans le pays. Vous vous faites plaisir, mais dans le fond, rien ne change.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Stéphane Ravier. Je voudrais essayer de convaincre M. Brossat de regarder la réalité de notre pays en face.
Nous l’avons entendu dire que la France était un grand pays, une grande Nation, la septième puissance économique mondiale. Justement, il n’y a pas longtemps, c’était la sixième puissance, et encore avant la cinquième… Nous ne cessons de dégringoler !
Il ne suffit pas de se draper dans sa vertu. Nous cumulons 3 000 milliards d’euros de dettes. Nous payons chaque année près de 60 milliards d’euros de charges d’intérêts de la dette. Nous sommes à l’os !
Les Français, qui n’ont jamais été autant rackettés sur le plan fiscal, obtiennent de moins en moins de retours en matière d’équipements, qu’ils concernent la sécurité, l’hôpital, etc.
Il faudrait voir la réalité de notre pays en face, plutôt que de vous bercer de mots, camarade ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Je dirais même « camarade syndiqué », puisque la CGT manifeste devant le Sénat pour faire régulariser des clandestins,…
Mme Audrey Linkenheld. Des travailleurs !
M. Stéphane Ravier. … ce qui crée une concurrence déloyale avec les travailleurs français.