Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai trouvé très étrange que rien n’ait été dessiné de l’éventuel accord qui était, semble-t-il, envisagé.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ces informations, dois-je le préciser, je les dois à ma lecture de la presse et non à ma présence en commission…
Sur ces entrefaites, nous avons vu arriver vingt-huit amendements du Gouvernement, puis, aujourd’hui même, trente-deux amendements des rapporteurs. Je ne suis pas la seule à trouver que la commission n’a pas totalement fait aboutir ses travaux, puisque le ministre de l’intérieur a estimé devoir organiser une réunion délocalisée de la commission dans la salle à manger de Beauvau ! Bruno Retailleau et moi-même étions d’accord, à cette occasion – ce n’est pas coutumier –, pour dire que les travaux parlementaires se tiennent au Parlement et non dans ladite salle à manger, quoique le déjeuner, m’a-t-on dit, y fût excellent. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous l’étiez sans doute, monsieur le ministre, puisque je n’étais pas là… (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Troisième raison de voter cette motion de renvoi : le Sénat lui-même n’est pas prêt.
Nous avons noté que le groupe Les Républicains avait déposé une proposition de loi constitutionnelle qui, de mon point de vue, fait système avec le texte dont nous débattons aujourd’hui. Pour ma part, j’aurais trouvé logique que ledit projet de loi soit examiné après cette proposition de loi constitutionnelle, qui porte en grande partie sur les sujets d’immigration. Si le groupe Les Républicains, qui est ici très important, souhaitait un travail cohérent, il me semble qu’il demanderait l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi après l’examen de sa proposition de loi constitutionnelle.
M. François Bonhomme. Trop aimable !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On note par ailleurs une certaine instabilité. Au Sénat, nous avons l’habitude des choses bien faites : nous arrivons en séance, les deux groupes, tout aussi essentiels l’un que l’autre – je ne veux vexer personne –,…
M. Roger Karoutchi. Oui, essentiels !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … qui composent la majorité sénatoriale travaillent ensemble, l’opposition s’oppose, le plus efficacement possible ; mais je dois dire que le résultat de notre opposition est souvent assez relatif…
M. André Reichardt. Ah, ça !… C’était en sens inverse voilà quelques années.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Or, dans le cas présent, les articles 3 et 4, ainsi que l’AME, suscitent, semble-t-il, de grandes difficultés entre vous, au point qu’à l’heure où nous parlons nous ne savons absolument rien de l’issue de vos délibérations (M. Roger Karoutchi s’exclame.), au point aussi que l’on me dit – cela restera entre nous, monsieur Karoutchi – que vous pourriez demander la réserve des articles 3 et 4 afin de pouvoir en débattre vendredi. Voilà une excellente idée pour nos collègues ! Personnellement, j’ai prévu d’être présente toute la semaine, mais certains parmi nous seraient avisés de réserver leur vendredi, car c’est ce jour-là que le débat – peut-être ! – aura lieu.
Nous le voyons, tout cela n’est pas très sérieux.
Je me suis demandé pourquoi le Gouvernement et le ministre de l’intérieur s’obstinaient à vouloir présenter ce projet de loi.
Est arrivé le drame d’Arras. Alors nous avons entendu le ministre de l’intérieur s’appuyer sur ce fait terrible pour expliquer combien son projet de loi était indispensable et pour estimer, de manière quelque peu excessive, que, si la loi avait été en vigueur, ce drame, peut-être, aurait pu être évité.
Je regrette ces propos. Le ministre aurait dû en effet soutenir ses services, car, dans le drame d’Arras, les services de police ont bel et bien fonctionné. Il se trouve que la sécurité totale n’existe pas. Lorsque vous indiquez que, si ce projet de loi avait été voté, Arras ne se serait pas produit, vous dites quelque chose qui n’est pas exact, monsieur le ministre. Ainsi vous utilisez et instrumentalisez, en quelque sorte, ce terrible meurtre…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet attentat terroriste !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … pour expliquer qu’il faut voter ce texte. Il y a là comme une sorte d’assurance que vous voulez construire pour éviter d’être mis en cause ultérieurement, peut-être, si un drame analogue devait se produire.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces constats d’impréparation, de manquements et de difficulté à déterminer une position stable sur un sujet sérieux, nous souhaitons que la commission puisse retravailler ce projet de loi afin que, dans les jours qui viennent, nous puissions proposer un texte à la hauteur des ambitions affichées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Je remercie Mme de La Gontrie d’avoir entamé son intervention par un éloge du sérieux du travail sénatorial, mais nous savons tous que lorsqu’un propos commence par des félicitations, la suite n’est pas de même nature, ce qui a bien sûr été ici le cas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quant au fait de savoir si M. le ministre de l’intérieur est suffisamment prêt, ce sera à lui d’y répondre. Quoi qu’il en soit, la commission ne saurait reprocher au Gouvernement ses vingt-huit amendements, car elle en a déposé elle-même trente-deux.
Certes, le dernier renouvellement sénatorial a modifié la composition de notre assemblée. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait qu’il existe non seulement une continuité de l’État, mais également une continuité du Parlement. (MM. Roger Karoutchi et André Reichardt renchérissent.) Notre assemblée est permanente !
Enfin, en ce qui concerne la référence au drame d’Arras, je ne crois pas que les dispositions que nous examinons aujourd’hui s’inscrivent dans ce que j’ai appelé tout à l’heure « l’air du temps ». Je récuse que le travail mené par la commission des lois, sous le contrôle du président Buffet, ait abouti à un texte d’émotion. Nous avons au contraire essayé de trouver des solutions de moyen et de long terme, d’où la demande de rejet de cette motion tendant au renvoi à la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, madame de La Gontrie, je regrette votre manque total de délicatesse. Vous attaquez M. Dupond-Moretti, qui ne peut se défendre aujourd’hui dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) N’hésitez pas la prochaine fois à être courageuse devant lui plutôt qu’en son absence !
M. André Reichardt. On ne peut pas lui faire ce reproche…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’y a pas de problème !
Mme Laurence Rossignol. Elle le fera !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous ai écoutée, j’en ai même souffert ; souffrez à présent que je vous réponde !
Mme Laurence Rossignol. On en souffre déjà !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je sais, mais ce n’est pas fini, nous en aurons au moins jusqu’à vendredi ! Personnellement, j’ai tout mon temps, je suis à la disposition du Parlement…
J’ai l’impression que vous exprimez aujourd’hui une forme de regret. Vous cherchez peut-être même à vous rattraper. Vous dites que ce texte est trop dur. Mais, madame de La Gontrie, vous appartenez à une majorité qui a souhaité la déchéance de nationalité. (Marques de contestation sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai dit que nous n’étions pas prêts !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’étais parlementaire à l’époque, nous étions dans l’hémicycle à Versailles et j’ai parfaitement entendu ce que disait le président Hollande, que je vous encourage à écouter. Ainsi, au début du mois de novembre, dans l’émission Quotidien, il affirmait que le texte proposé par le Gouvernement devait être discuté, voire adopté !
M. Rachid Temal. Vous l’avez applaudi !
Mme Audrey Linkenheld. Il ne siège pas au Sénat !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, il n’est pas sur ces travées, mais je constate que vous le rejetez à présent, après d’autres !
Quoi qu’il en soit, alors que les socialistes étaient favorables à la déchéance de nationalité, vous critiquez maintenant les propositions du Gouvernement en les jugeant trop dures ! (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
C’est pourtant bien un Président de la République socialiste qui a proposé cette mesure ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) M. Hollande n’était peut-être pas socialiste, mais vous ferez son procès plus tard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Voyez, vous arrivez même à faire rire la droite, madame de La Gontrie !
Vous dites qu’il y a trop de lois sur l’immigration. Mais vous en avez voté trois en cinq ans : la loi de décembre 2012, la loi de juillet 2015 et la loi de mars 2016 !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’ai pas parlé de cela !
Mme Corinne Narassiguin. Ce sont les reproches de Mme Cukierman !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je signale, d’ailleurs, que la loi de mars 2016 du ministre Cazeneuve – autre candidat putatif de la social-démocratie que vous soutenez – prévoyait, à la suite des attentats horribles qui ont touché la France, des mesures extrêmement fortes contre les étrangers responsables d’actes terroristes. À l’époque, vous n’aviez pas fait de procès au gouvernement en place : il était bien normal qu’il légifère après de telles attaques et que le Parlement réfléchisse à ce qui avait pu dysfonctionner !
Par ailleurs, madame de La Gontrie, je soutiens mes services de police. Lorsque vous étiez au pouvoir, cette famille tchétchène radicalisée avait été interpellée par la police aux frontières. Les policiers avaient donc fait leur travail. C’est le gouvernement socialiste de l’époque qui, sous la pression de vos amis, y compris des associations qui vous soutiennent, a fait libérer cette famille ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Michel Canévet. C’est vrai !
M. Yannick Jadot. Il était en CM2 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez fait pression sur les services du ministère de l’intérieur, vous n’avez pas respecté le travail du préfet de la région Bretagne, vous n’avez pas respecté de travail de la police aux frontières et, sur inquisition politique, vous avez demandé au droit français de reculer ! Vous avez fait libérer – vous et vos amis – cette famille !
Si vous devez faire un réquisitoire aujourd’hui, faites plutôt celui de la pression politique que la gauche a jadis exercée quand M. Valls était ministre de l’intérieur ! Ses services avaient en effet très bien travaillé. S’il y a un drame avec cette attaque d’Arras, madame de La Gontrie, c’est d’avoir soutenu la proposition de libération de ces personnes ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 53 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus de 2 millions d’étrangers sont entrés sur le territoire français sous la Macronie, soit l’équivalent de la ville de Paris.
Selon l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), entre 700 000 et 900 000 clandestins vivent sur notre sol. C’est l’équivalent de la population de Marseille.
Par ailleurs, 95 % des OQTF ne sont pas exécutées.
De plus, 423 000 clandestins bénéficient de l’aide médicale de l’État. C’est près de 20 000 bénéficiaires supplémentaires en seulement six mois ! Cela nous coûte 1,2 milliard d’euros par an.
Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), il y aurait plus de 40 000 prétendus mineurs non accompagnés pour un coût annuel moyen de 50 000 euros par mineur, soit 2 milliards d’euros par an à la charge du contribuable français !
Par ailleurs, selon l’Insee, sur les 2,6 millions d’Algériens vivant sur notre sol, 42 % sont chômeurs ou inactifs tout en bénéficiant de la panoplie des aides sociales dont ils ne sont pas contributeurs. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Ahmed Laouedj proteste également.)
Alors que la France n’est plus un eldorado, mais est un radeau, l’immigration coûte, selon l’OCDE, 35 milliards d’euros aux finances publiques françaises chaque année, soit l’équivalent du double des économies de la réforme des retraites réalisées jusqu’en 2027 !
Cette immigration a également un coût sécuritaire effarant : les étrangers représentent 10 % de la population totale de la France, mais 25 % de la population carcérale et sont responsables de 50 % de la délinquance et de la criminalité !
La réalité est encore plus scandaleuse, car ces chiffres ne prennent pas en compte les binationaux, tel Mohammed Merah, qui a assassiné des enfants juifs, parce que juifs, et des soldats français, parce que français !
Parmi le flot des faux réfugiés et vrais clandestins, on compte les terroristes du Bataclan, l’assassin de Laura et de Mauranne à Marseille, de Samuel Paty, de Nadine, de Vincent et de Simone dans la basilique de Nice, de Lola, de Dominique Bernard, de Fabienne, très récemment à Lille.
La natalité française s’effondre pendant que la natalité exogène explose chez nous ! Près d’un tiers des enfants nés en 2021 ont au moins un parent né à l’étranger. Cette réalité de la submersion migratoire et de la balance démographique a un nom : le grand remplacement ! (Ah ! sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
C’est un grand remplacement cultuel et civilisationnel : nous sommes passés de cent mosquées en 1970 à trois mille aujourd’hui, si bien que la vie de certains quartiers, de certaines villes de France, est rythmée par les heures de la prière et les us et coutumes islamiques, et que les manifestations de soutien au Hamas se multiplient à travers tout le pays aux cris de « Allah Akbar » motivées par la haine des Juifs et la détestation de la France.
Voilà le bilan suicidaire de votre politique d’immigration, mes chers collègues, car vous êtes tous responsables de ce désastre, de cette folie !
À gauche, pour être passé du parti de l’étranger au parti des étrangers et, bien sûr, on s’en félicite !
M. Mickaël Vallet. Je n’ai pas d’emprunts russes, moi !
M. Stéphane Ravier. À droite, après trente ans de naïveté, de déni, mais aussi de soutien et de petits calculs électoraux, on s’en inquiète enfin…
Plutôt que de vouloir sauver les apparences, je vous conjure de sauver la France : ce sont les Français eux-mêmes qui vous le demandent !
Mes chers collègues, j’en appelle à votre courage et à l’union.
Mme Laurence Rossignol. Au revoir !
M. Rachid Temal. Bonne nuit !
M. Stéphane Ravier. Ensemble, faisons de cette trentième loi sur l’immigration la première et unique loi sur la non-immigration, pour que vive la France française dans une Europe européenne ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a plus de trente ans, François Mitterrand estimait que les capacités maximales d’accueil des immigrés en France avaient été atteintes dès les années 1970.
Ne pas réussir à gérer la question migratoire depuis des décennies apparaît aux yeux de nos concitoyens comme la démonstration de l’impuissance de l’État.
En 2022, les franchissements illégaux de nos frontières extérieures ont bondi de 64 % par rapport à 2021. Ils sont encore en augmentation en 2023. Les États, y compris au sein de Frontex, ne déploient pas suffisamment de moyens pour faire face à cet afflux.
L’immigration légale connaît, elle aussi, une forte progression au sein des pays de l’OCDE : 300 000 immigrés permanents en France pour la seule année 2022. Ce chiffre bat le record des quinze dernières années.
Malgré cela, certains continuent d’appeler à ouvrir grand nos portes, prétendant ainsi défendre les droits de l’homme et la voix du peuple. C’est illusoire et même dangereux.
C’est illusoire, d’abord, car nous n’avons pas les moyens d’accueillir tout le monde dans des conditions décentes et dignes.
C’est dangereux, ensuite, parce que plus de 71 % de nos concitoyens considèrent qu’il y a trop d’immigrés en France : nos compatriotes ne souhaitent pas d’immigration massive.
M. Rachid Temal. Et donc ?
M. Dany Wattebled. Conscients de cela, nous devons aussi garder en mémoire les conséquences politiques des vagues migratoires depuis 2015 en Europe.
La Grèce aurait procédé à des refoulements illégaux, la Pologne a géré avec beaucoup de fermeté la crise provoquée par la Biélorussie, la Hongrie a construit un mur de barbelés, le Royaume-Uni et le Danemark ont envisagé de renvoyer leurs migrants vers le Rwanda. La France n’a jamais recouru à de tels procédés.
Les crises géopolitiques s’enchaînent : au Moyen-Orient, au Sahel, en Afrique subsaharienne et demain dans le golfe de Guinée. Il est à craindre que les flux migratoires vers l’Europe continuent de s’accroître.
Bien encadrée, l’immigration peut être une chance pour nous tous lorsqu’elle aboutit à l’intégration. En revanche, il est malhonnête de prétendre qu’une immigration insuffisamment maîtrisée n’est pas source de difficultés.
Notre nation fait face à un déficit de cohésion. L’accueil d’étrangers désireux de nous rejoindre ne peut pas se faire au prix de l’affaiblissement de nos valeurs. Nous devons absolument reprendre le contrôle. Le projet de loi que nous examinons y contribue.
Ce texte aggrave, d’abord, les sanctions contre les passeurs, contre tous ceux qui facilitent l’immigration illégale sur notre territoire. Les sanctions prévues sont lourdes et dissuasives. Elles devront être appliquées.
Il renforce ensuite les possibilités d’expulsion des étrangers dangereux. Aucun de nos compatriotes ne peut plus comprendre ni accepter que de tels individus se maintiennent sur notre territoire.
Ceux qui représentent une menace grave pour l’ordre public, ceux qui ont été condamnés pour des infractions à la loi pénale, ceux-là n’ont pas leur place en France. Ces mesures protégeront davantage nos concitoyens et permettront une meilleure intégration des étrangers respectueux de nos lois.
Dans le même esprit, nous nous félicitons que l’engagement républicain soit remis au centre de notre politique migratoire. L’égalité femme-homme, la laïcité, le respect de la liberté, des valeurs et des symboles de la République ne sont pas des éléments négociables. Il appartient à ceux qui veulent venir dans notre pays d’en embrasser la culture et les valeurs.
Le projet de loi renforce également les exigences relatives à la maîtrise de la langue française. C’est l’une des clés de l’intégration des immigrés à notre société. L’autre clé est bien entendu le travail.
L’article 3 est sans doute le plus polémique du texte. Nous attendons des débats à venir qu’ils nous permettent de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, des situations d’ores et déjà existantes dans notre pays et, d’autre part, la nécessité de ne pas créer d’appel d’air.
M. Rachid Temal. Le mythe de l’appel d’air…
M. Dany Wattebled. L’histoire de notre pays et sa démographie nous conduisent à mener une politique d’accueil maîtrisée. Nous devons absolument veiller à l’exécution des lois que nous votons et à celle des décisions rendues par la justice et par nos tribunaux.
Nous appelons de nos vœux une politique d’immigration choisie. Nous souhaitons que les immigrés admis à vivre dans notre pays travaillent et qu’ils soient accueillis en fonction des besoins de notre économie, c’est-à-dire de notre société. C’est cela qui leur permettra la meilleure intégration.
Parmi les besoins de notre société se trouvent, bien sûr, les métiers en tension du médico-social. Le projet de loi prévoit plusieurs mesures à même de soulager le manque de personnel. Il n’y a pas que des patrons voyous : il y a aussi beaucoup de patrons qui veulent régulariser leur personnel. (M. le ministre acquiesce.) Certaines de ces personnes sont présentes sur notre territoire depuis plusieurs années et leurs employeurs ne savaient même pas qu’elles étaient en situation irrégulière !
La question migratoire concerne tant la France que ses partenaires européens. Seuls les grands ensembles peuvent répondre efficacement aux grands défis de notre temps.
Dans le cadre de la définition de sa politique migratoire, l’Union européenne doit travailler à soulager les États membres qui sont en première ligne. La France en fait partie. Avec nos partenaires, nous devons ensuite négocier avec plus de fermeté les accords de réadmission afin de renforcer nos capacités de reconduite vers les pays d’origine.
Si nous ne parvenons pas à garder efficacement nos frontières, si nous échouons à faire correspondre l’immigration aux besoins de nos sociétés, les Européens sont condamnés à la division et donc à l’impuissance.
Ce texte nécessaire et attendu constitue une première réponse aux attentes de nos concitoyens. Nous devrons, lors de l’examen prochain du budget, veiller à accroître nos moyens à la hauteur de nos ambitions.
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires soutient l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, Monsieur le ministre, Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ça y est ! Nous allons enfin examiner ce projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dont 98 % de son contenu a été approuvé au mois de mars dernier.
Cette attente nous aura permis de mesurer à quel point notre droit ne nous permet pas de faire face efficacement à l’un des principaux défis politiques qui sont devant nous.
En effet, pas un mois, malheureusement, sans que l’actualité fasse état de délits commis par une personne qui n’aurait pas dû être sur notre sol ou que l’on soit confronté à ces images de camps de migrants sur l’espace public.
Malgré les très nombreux textes législatifs qui se sont succédé depuis plus de trente ans, la politique migratoire laisse apparaître une forme d’impuissance, de fatalité, que l’État ne parviendrait pas à gérer.
Pourtant, on ne peut pas faire le reproche à votre gouvernement de ne rien faire en la matière, monsieur le ministre ! Mais la réalité quotidienne, notamment en matière d’immigration illégale, est souvent décourageante.
Si l’on en croit l’exposé des motifs, votre projet de loi n’est pas « une couche supplémentaire de sédimentation législative ». Nous espérons tous, en effet, que tel n’est pas le cas !
Une chose est sûre, sans refaire l’inventaire de la totalité des mesures, votre texte vise bel et bien l’ensemble des aspects de notre politique migratoire, en passant de l’immigration économique à l’asile et à la simplification de son contentieux, jusqu’aux mesures en faveur de l’intégration et de la lutte contre l’immigration illégale.
Malgré tout, cela a été rappelé par nos rapporteurs, votre texte manquait d’ambition sur certaines thématiques. Notre commission des lois, dont je salue la qualité du travail, a largement étoffé celui-ci s’agissant aussi bien du renforcement de la politique d’intégration que de la lutte contre l’immigration illégale.
Je reviendrai dans quelques instants sur plusieurs aspects du texte. Je formulerai tout d’abord une remarque d’ordre général.
Le défi migratoire ne concerne pas que notre pays, comme vous l’avez rappelé. Il concerne l’ensemble de nos voisins européens et nous ne sommes pas dans la situation la plus compliquée. L’Italie ou la Grèce, pour ne citer que ces deux pays, sont quotidiennement bien plus exposées que nous.
Par facilité, certains sont tentés de dire : « Ah oui, mais vous comprenez, c’est surtout un problème européen, il est vain de modifier sans fin notre législation nationale ! »
Bien sûr que le problème est européen, mais ce n’est certainement pas une raison pour attendre que la solution vienne exclusivement de l’Union européenne ! Nous devons à la fois introduire des évolutions efficaces dans notre droit interne et convaincre nos voisins d’adopter des solutions à l’échelle européenne. Mais l’un ne va pas sans l’autre. Nous avons besoin de règles européennes.
Sommes-nous parvenus, avec les mesures que nous examinons aujourd’hui, à un « plafond de verre » de ce que nous pouvons faire à droit constitutionnel constant ? Sur plusieurs aspects, il me semble que c’est le cas.
Je ne doute pas que la discussion des amendements conduira nos rapporteurs à rappeler ce cadre et à signaler que plusieurs propositions pouvant paraître intéressantes sont contraires à la Constitution.
Nous sommes conscients de ces limites constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle, depuis les travaux de la commission, en mars dernier, notre groupe a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à aménager la norme suprême en matière d’asile.
Le texte que nous avons déposé prévoit que les demandes d’asile soient présentées non plus à l’arrivée sur le territoire national, mais auprès de nos ambassades et consulats.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Isabelle Florennes. Nous pensons qu’il faut donc radicalement faire évoluer notre système pour pouvoir continuer à protéger vite ceux qui sont réellement en danger. Sur ce sujet, il y va de l’honneur de la France.
C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés, par principe, à faire évoluer notre Constitution sur ces questions, mais nous voulons agir dans le respect des exigences conventionnelles.
En effet, peut-on accepter, demain, de déroger à la hiérarchie des normes, principe cardinal de notre état de droit ? Faut-il envisager des cas dans lesquels l’autorité des traités serait remise en cause par rapport à celle de la loi interne ? Nous y sommes défavorables.
Si certains aspects d’un traité nous semblent inadaptés, négocions leur modification. Si des dispositions communautaires sont devenues inopportunes, travaillons avec nos voisins pour les changer !
Puisque nos collègues du groupe Les Républicains nous y invitent, nous aurons ce débat dans cet hémicycle au mois de décembre.
Pour l’heure, notre commission des lois a apporté de nombreuses améliorations au texte. Je me concentrerai sur certaines d’entre elles.
L’article 1er A – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – introduit une innovation majeure. Il prévoit la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles en matière migratoire. Mais, surtout, à l’issue du débat, le Parlement déterminera le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France pour chacune des catégories de séjour, à l’exception de l’asile.
Au travers de cette disposition, la représentation nationale va pouvoir, chaque année, orienter la politique migratoire de notre pays : c’est une excellente mesure qui permettra d’associer députés, sénateurs et Gouvernement dans un débat public. Pour une fois, nous ne subirons pas l’actualité, nous la ferons.
La commission s’est également attachée à renforcer la lutte contre l’immigration illégale.
Deux articles du texte sont sortis malheureusement de l’anonymat après l’assassinat ignoble de Dominique Bernard, enseignant à la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras, à savoir les articles 9 et 10.
Nos rapporteurs avaient déjà profondément modifié ces articles relatifs aux protections permettant d’empêcher des mesures d’expulsion ou le prononcé d’une interdiction du territoire français.
Nous avons tous été heurtés par le profil de l’agresseur du professeur assassiné et de celui d’une partie de sa famille, totalement radicalisée. Il nous faut aller plus loin et faciliter encore la levée des protections absolues et relatives pour des individus qui constituent une menace importante pour la sécurité publique.
Néanmoins, sur ce sujet comme sur d’autres, ne cédons pas à la tentation d’adopter des dispositifs dont nous savons qu’ils seront censurés par le Conseil constitutionnel. Nous n’avons rien à y gagner.
Impossible de faire l’impasse sur l’article le plus célèbre de ce texte : le fameux article 3.
Nous tenons au préalable à rappeler que nous ne comprenons pas du tout l’effervescence suscitée par cette disposition sur les métiers en tension.