Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5 quinquies A, modifié.
(L’article 5 quinquies A est adopté.)
Après l’article 5 quinquies A
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5 quinquies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les soutiens qu’il compte mettre en œuvre en faveur du développement des mobilités durables dans les espaces peu denses situé dans les aires d’attraction des métropoles en capacité d’instituer un service express régional métropolitain, afin de favoriser le développement de modes de déplacements bas carbone et alternatifs aux mobilités traditionnelles, encore largement dominées dans ces espaces par la voiture individuelle.
Ce rapport étudie notamment la possibilité de financer les services de mobilités dans ces territoires peu denses en attribuant annuellement aux communautés de communes qui ont institué un versement mobilité et qui organisent un ou plusieurs services de mobilité, une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
Ce rapport comporte également une étude comparative sur les intercommunalités en capacité de lever du versement mobilité et celles qui ne le peuvent pas parce que dépourvues des bases fiscales nécessaires. Il s’agit ainsi de pouvoir mesurer le nombre d’intercommunalités qui seront en capacité ou non de développer des services de mobilités qui seront autant de rabattements vers les services express régionaux métropolitains pour les intercommunalités présentes dans les aires d’attractions des métropoles concernées.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. C’est le rapport de trop ! (Sourires.) Mon avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. La sagesse de M. le rapporteur m’oblige : j’émets également un avis défavorable.
M. Olivier Jacquin. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Article 5 quinquies
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les évolutions qui pourraient être envisagées en matière de tarification des infrastructures ferroviaires pour rendre celle-ci plus incitative au développement de l’offre ainsi qu’au niveau de la répartition des capacités d’infrastructure en vue d’optimiser l’utilisation du réseau ferré national, au regard du développement des services express régionaux métropolitains.
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par MM. Jacquin, Uzenat et Gillé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Ouizille, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Après avoir analysé les pratiques en vigueur dans d’autres pays, ce rapport établit plusieurs scénarios prenant en compte les effets de volume attendus des hypothèses de baisse de la tarification ainsi que les compensations nécessaires en termes de subventions publiques, afin d’assurer une croissance des ressources affectées au système ferroviaire indispensable à la transition écologique.
Ces scénarios tiennent compte non seulement des incidences sur les recettes de péages mais aussi de l’impact sur la part de dividende versée par la société publique SNCF au fonds de concours affecté aux investissements sur le réseau.
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Il s’agit de demander non pas un nouveau rapport, mais des précisions.
Depuis le début de nos débats, nous avons discuté à plusieurs reprises de l’adaptation du tarif des péages, des ressources nécessaires aux gestionnaires d’infrastructures et des contributions de l’État. On le voit bien, ces questions sont étroitement liées.
Comme vous l’avez souligné voilà quelques instants, monsieur le ministre, au travers de l’exemple italien, une baisse des péages peut avoir un effet positif sur la fréquentation, mais la subvention qui est alors supportée par l’État devient très importante – en l’espèce, de l’ordre de 60 % du coût de fonctionnement.
Toutes les données doivent donc être prises en compte, non seulement celles qui concernent la tarification des péages, mais aussi celles qui concernent la hausse de la fréquentation et son incidence, par exemple, sur le résultat de SNCF Voyageurs.
Ces informations sont essentielles pour disposer de l’évaluation la plus fine des meilleures ressources disponibles pour le financement de projets que nous appelons tous de nos vœux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. La demande de rapport prévue à cet article est très opportune.
Pour autant, n’allons pas en préciser le contenu jusque dans ses menus détails : une étude des pratiques en vigueur dans les autres pays et une modélisation des effets financiers d’une éventuelle baisse des tarifs et de ses effets sur la circulation me semblent déjà pouvoir être induites de la rédaction initiale.
Laissons au Gouvernement – pour une fois ! (Sourires.) – une certaine marge de manœuvre.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je vous remercie de cette marque de confiance, monsieur le rapporteur. (Sourires.)
Dans la lettre de mission à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale du développement durable que j’ai évoquée, et que je puis transmettre aux parlementaires, j’ai explicitement demandé à ces administrations un parangonnage européen et international.
Néanmoins, je ne voudrais pas laisser croire que l’exemple italien est un idéal type : après avoir longtemps sous-investi dans son réseau ferroviaire, l’Italie a réinvesti à la faveur de deux plans de relance. Notre réseau, qui connaît bien des difficultés, n’a pas beaucoup à envier au réseau italien.
Certes, le système de réforme des péages est allé de pair avec l’ouverture à la concurrence, ce qui a permis de multiplier les offres. Il faut le dire : l’Italie a été beaucoup plus précoce dans l’ouverture de ses lignes nationales et de ses lignes à grande vitesse.
Tout sera examiné. J’ai même mentionné explicitement nos voisins allemands et italiens, pour ne prendre que ces deux exemples, dans la lettre de mission que j’ai cosignée avec Bruno Le Maire.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je n’ai peut-être pas été clair : je ne considère pas que l’exemple italien soit un idéal, compte tenu de l’importance de la subvention publique.
Nous pouvons soutenir les dépenses publiques, quand elles sont nécessaires. Cet amendement ne vise qu’à souligner combien il est important de tenir compte de l’ensemble des variables ; vous vous y êtes engagé, raison pour laquelle je vais retirer cet amendement.
Sachez que nous serons attentifs aux déclinaisons concrètes des engagements pris.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 39 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5 quinquies.
(L’article 5 quinquies est adopté.)
Article 5 sexies
(Supprimé)
Article 6
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Nos débats sur ce texte ont été constructifs, en dépit d’un support inadapté : nous aurions préféré un projet de loi accompagné d’une étude d’impact et d’un vrai volet sur le financement. Ce dernier fait défaut, monsieur le ministre, en ce que vous ne proposez que des financements d’amorçage.
La stratégie du groupe socialiste a consisté à soutenir ce texte encourageant. Nous avons voulu faire mieux en couvrant plus de territoires ; vous nous avez trouvés trop ambitieux à cet égard, ce qui marque notre différence.
Nous voterons avec plaisir ce texte, auquel nous avons apporté un certain nombre de modifications et qui permettra de développer l’offre de transport public dans les territoires les plus denses, ce qui est plutôt satisfaisant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. La feuille de route de l’État pour atteindre la neutralité carbone en 2050 s’appuie sur une augmentation du trafic ferroviaire de 27 % d’ici à 2030 et de 79 % d’ici à 2050.
Nous sommes tous convaincus que les investissements doivent être à la hauteur pour atteindre ces objectifs. Après des efforts particulièrement importants dans la grande vitesse, il est temps d’investir dans l’entretien des réseaux et dans les trains du quotidien, notamment dans le cadre des Serm – je pense notamment aux fameux contrats de performance, que certains sénateurs avaient renommés « contrats de contre-performance »…
Nous sommes d’accord sur la nécessité de désenclaver les territoires urbains et périurbains.
Toutefois, ce projet repose essentiellement sur les collectivités territoriales. Or les réseaux de transport ferroviaire ne pourront être améliorés en comptant seulement sur l’effort des collectivités, sur l’endettement et sur les taxes locales affectées : toutes les régions n’ont pas la base fiscale de l’Île-de-France !
Nous craignons une fois de plus que les moyens financiers ne restent concentrés sur les métropoles, au détriment des petites lignes de TER de notre ruralité.
Les financements des métropoles devraient « ruisseler » vers les territoires ruraux et périurbains ; espérons qu’il en ira bien ainsi, car cela participerait de la décarbonation de nos transports…
Enfin, je tiens à remercier la commission d’avoir su répondre à certaines de nos attentes, notamment en ce qui concerne la conférence nationale de financement. Le travail qui a été mené nous permet de voter ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Je voudrais souligner que le travail de notre excellent rapporteur Philippe Tabarot a permis de prendre en compte un certain nombre d’approches complémentaires et d’améliorer ce texte.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Ce texte est positif : il crée une boîte à outils utile pour faciliter le développement des Serm, pour leur donner de la cohérence et pour amplifier ces projets essentiels.
Nous constatons le caractère transpartisan et quasi unanime de cette ambition. Cela montre que, ensemble, nous pouvons peser pour marquer des points sur les péages ferroviaires, sur le versement mobilité et sur la mise à contribution des autoroutes et de l’aérien, notamment dans le cadre de la nécessaire loi de programmation des investissements pour les transports, que nous attendons et qui donnera corps aux scénarios de transition écologique du Conseil d’orientation des infrastructures.
Pour reprendre vos propres termes, monsieur le ministre, nous n’avons pas trouvé l’alpha et l’oméga, mais nous posons aujourd’hui une utile première brique. Les parlementaires s’impliqueront pour avancer !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout d’abord, je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à Philippe Tabarot, notre rapporteur, pour son implication dans la mise en place des Serm. (Applaudissements.)
Je remercie également l’ensemble des membres de la commission, qui ont beaucoup travaillé et formulé un certain nombre de propositions, lesquelles ont permis d’améliorer le texte. Comme vous avez pu le constater, mes chers collègues, M. le rapporteur a émis un avis favorable sur un grand nombre d’amendements.
Ce sujet porte plusieurs ambitions. Je pense au consensus qu’il permet de créer, mais aussi au cadre qu’il met en place pour que nous puissions avancer dans de bonnes conditions. Je me réjouis notamment que ce dossier consensuel permette l’intervention de la Société du Grand Paris, SGP, en bonne entente avec SNCF Réseau, gestionnaire du réseau ferré.
De même, je me réjouis de l’adoption de l’article 3 quater, qui permettra de mettre en lumière les véritables besoins en termes d’investissement et de fonctionnement. Pour terminer, je tiens à adresser mes vifs et sincères remerciements aux services de la commission, qui ont beaucoup travaillé dans des délais très courts. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je veux simplement adresser mes remerciements à M. le rapporteur, mais aussi à l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui se sont impliqués en commission ou en séance dans la discussion de cette proposition de loi, ainsi qu’aux services du Sénat. Leur travail a été extrêmement positif et constructif.
Ce texte va maintenant faire l’objet de la navette. Il a été fortement enrichi, dans des délais extrêmement courts, par les apports du Sénat. Sont présents ce soir dans cet hémicycle de nombreux experts, qui sont engagés sur la question des transports, par-delà les sensibilités politiques.
Malgré les réserves, les exigences et les points de vigilance pour la suite de la discussion et, surtout, la mise en œuvre de ces projets d’investissement et d’exploitation de transports publics, il existe une volonté partagée de renforcer nos transports publics, pour qu’ils soient accessibles à tous nos concitoyens.
En effet, les services express régionaux métropolitains sont destinés non pas à quelques personnes vivant en centre-ville, mais à nos nombreux concitoyens qui n’ont pas encore accès aux transports publics, parce qu’ils vivent à 30, 50 ou 80 kilomètres de nos centres-villes. Dans le cadre d’une stratégie de décarbonation ouverte à tous, ils constituent la cible prioritaire de nos politiques publiques.
Il s’agit aussi d’un texte innovant. Certes, il aurait pu prendre la forme d’un projet de loi. Pour ma part, je me félicite que ce soit une initiative parlementaire, qui repose aussi – personne ne le cache – sur une ambition portée par le Président de la République et le Gouvernement. Cela a permis des travaux approfondis, innovants et positifs.
Sur le fond, il n’était guère intuitif de vouloir faire travailler ensemble SNCF Réseau et la Société du Grand Paris, après avoir créé, voilà quelques années, un nouvel établissement public, sous l’impulsion d’un autre gouvernement et d’une autre majorité.
Nous ne faisons pas fi des compétences de la Société du Grand Paris, nous capitalisons sur l’expérience accumulée, en proposant un modèle adaptable à d’autres métropoles que la métropole francilienne, que l’on a parfois tendance à privilégier dans nos politiques publiques et nos systèmes de transport. Ainsi, selon moi, sur le fond comme sur la forme, la méthode de travail a été exemplaire.
Ce texte est un point de départ, et il faut désormais le finaliser avec l’Assemblée nationale. Il constitue néanmoins un signal très positif en faveur de la décarbonation et du transport du quotidien, grâce à une volonté partagée à la quasi-unanimité par le Sénat, comme par l’Assemblée nationale, où personne n’a voté contre, puisque seules des abstentions ont été recensées, je le rappelle, ce qui relève presque du miracle dans le climat que l’on connaît.
Ainsi, dans les deux assemblées et entre les deux assemblées, on observe une volonté d’avancer. Je l’ai bien compris, il ne s’agit pas de signer un blanc-seing au Gouvernement ! J’espère que cette proposition de loi aboutira rapidement, pour permettre à l’État et aux collectivités de mettre en place ces solutions de transport qui sont attendues partout sur le territoire. Nous aurons très certainement l’occasion d’en reparler dès le débat budgétaire.
Je le répète, je vous remercie de votre confiance, de votre bienveillance – le mot a été prononcé au cours de nos débats –, ainsi que de votre exigence. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le plein emploi est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (proposition n° 943 [2022-2023], texte de la commission n° 47, rapport n° 46).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi.
M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est en très large partie le fruit du dialogue social mené par MM. Jean-Paul Bailly et Jean Grosset sur un sujet particulièrement sensible, à savoir l’ouverture à la concurrence des bus de la RATP à Paris et en première couronne.
Il s’agit d’un sujet difficile, qu’il nous faut aborder ici avec responsabilité. Même s’il apporte des précisions et des éléments complémentaires au droit existant, ce texte n’institue pas l’obligation de mise en concurrence. Il en corrige les modalités. Pour ce faire, il concilie la prise en compte des difficultés sociales et opérationnelles qui sont identifiées.
L’obligation de mise en concurrence existe dans les textes européens depuis plus de quinze ans. Elle existe également dans notre droit : la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 en a très clairement détaillé les modalités et le calendrier.
Le Sénat a beaucoup travaillé sur la loi LOM, qui a introduit des éléments particulièrement opportuns, tels que le « sac à dos social ». À l’époque, dans un texte vaste, il était difficile d’aller plus loin.
La loi LOM a également fixé un calendrier jusqu’à la fin de l’année 2024 pour l’ensemble de Paris et de la petite couronne. La présidente d’Île-de-France Mobilités, auditionnée par la commission, a rappelé que cela correspondait à treize fois la ville de Rennes.
Le rapport de notre excellent collègue Franck Dhersin nous l’indique, il s’agit de changer le quotidien de 19 000 salariés, de transférer 4 800 bus et 1 300 points d’arrêt. C’est important non seulement pour les salariés, mais aussi pour les voyageurs, qui attendent le maintien de la qualité du service rendu.
L’ampleur du sujet, mais aussi le fait que des transferts de patrimoine vers Île-de-France Mobilités soient engagés, justifie qu’il soit nécessaire d’apporter des précisions. Ce texte s’inscrit dans les principes édictés par la LOM, tout en les affinant.
Nous nous sommes interrogés pour savoir si un certain nombre de dispositions pouvaient relever du seul domaine réglementaire. La question a été juridiquement tranchée : il faut intervenir dans le cadre législatif comme dans le domaine réglementaire. Ainsi – c’est une bonne chose à mes yeux –, la représentation nationale peut s’exprimer et se saisir de ce sujet au moment où il s’apprête à se concrétiser.
Par ailleurs, graver dans la loi un certain nombre de dispositions nouvelles permettra de donner un cadre clair et stable, qui apportera des garanties à tous les acteurs, en particulier les salariés.
Une part importante, que l’on peut juger insuffisante, de ces dispositions va dans le sens des salariés. Je pense à la prise en compte de la notion de centre-bus, sur laquelle M. le rapporteur reviendra sans doute, à la place de celle de lignes. Une telle évolution offrira aux salariés une forme de stabilité par rapport à ce qu’aurait été l’application stricte de LOM.
Je pense également à la situation des salariés qui verront, demain, leur mission assurée directement par Île-de-France Mobilités, en tant qu’autorité concédante. Il s’agit notamment de fonctions de supervision du réseau. Ces salariés seront donc transférés, et il convenait de déterminer les conditions de cette opération.
Je pense encore aux dispositions relatives au volontariat, que M. le rapporteur évoquera sans doute.
Ces dispositions vont dans le sens de l’opérationnalité. Il faut bien sûr assurer la continuité du service public. C’est notre mission première. Pour ce faire, il convient de « détendre » le calendrier. En effet, la mise en œuvre simultanée de tous les lots serait extrêmement complexe et susciterait un trouble chez chacun des acteurs.
Les précisions introduites vont aussi dans le sens d’une plus grande sécurité, pour les salariés et pour la RATP, opérateur sortant et candidat, bien sûr, mais aussi pour les nouveaux entrants.
Je l’ai dit, l’échelon législatif était une nécessité, qui permettra de donner un cadre amélioré et plus clair. La commission, dont je salue la qualité du travail, a sécurisé, au-delà du texte initial, différents aspects. Je pense à la période de référence pour le calcul du nombre de salariés dans chacun des lots, des centres et des lignes. Je pense aussi au délai retenu pour l’information des salariés, qui passe de quatre mois à six mois. C’est un apport social qu’il faut saluer.
Nous aurons l’occasion d’aborder ces différents points, qui feront peut-être l’objet de discussions avec le Gouvernement. Toutefois, j’ai la conviction, monsieur le ministre, que nous sommes sur le point de trouver, sur ces deux sujets, une formulation commune à la majorité sénatoriale et au Gouvernement.
Je salue le travail de la commission et de M. le rapporteur. Je sais, monsieur le ministre, votre attention et votre écoute sur les questions de transports, de desserte des territoires, de prise en compte des attentes des salariés comme des voyageurs, mais aussi de développement d’une mobilité permettant le transfert modal.
Notre volonté commune, me semble-t-il, est de réussir cette étape, pour les voyageurs et avec les salariés, en veillant à ce que la mobilité collective ait toute sa place.
Au cœur de cette mobilité collective, la place du bus mérite d’être clairement réaffirmée. Ce mode de transport a une place à part : il remplit une fonction sociale de desserte de proximité, en banlieue, en zone rurale, mais aussi dans Paris. Par son accessibilité et son rôle d’irrigation des centres-villes, le bus possède une place singulière, qui est complémentaire, en tout cas en Île-de-France, de celle du métro et du RER.
À cet égard, le rôle des conducteurs, des machinistes comme on dit à la RATP, comme celui des spécialistes de la maintenance, est essentiel. Il faut saluer la chaîne qui fait vivre ce réseau. Le travail que nous menons, je le crois sincèrement, est une œuvre de précision. M. le rapporteur a même évoqué en commission un « travail d’orfèvre ».
Nous œuvrons avec humilité, dans le cadre des obligations issues de la LOM, en essayant de trouver les meilleurs compromis possible, en tout cas en affinant les choses autant que faire se peut. Nous avons écouté les recommandations du rapport de MM. Bailly et Grosset, discuté avec chaque opérateur et auditionné la présidente de la région, qui a affirmé sa volonté d’ajouter, dans le cadre des appels d’offres, des clauses sociales, afin de sécuriser l’opération.
Il s’agit d’un équilibre subtil, que l’on peut bien sûr critiquer. Toutefois, il est nécessaire en matière de délais et de garanties. Nous sommes loin des discussions de principe ou de doctrine, et nous nous efforçons d’être proches des réalités.
Je souhaite que nous apportions ensemble des réponses utiles et que la navette avec l’Assemblée nationale permette de retenir des délais raisonnables. En effet, nous le savons, dans ce processus, le temps est un élément majeur. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Philippe Tabarot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Dhersin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir dans cet hémicycle pour l’examen de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Comme vient de l’indiquer son auteur à l’instant, il ne s’agit pas d’un texte idéologique entérinant le principe de l’ouverture à la concurrence. Ce débat a déjà eu lieu, ici même, au sein de la Haute Assemblée, à l’occasion de l’examen de la LOM, la loi d’orientation des mobilités, en 2019, et, auparavant, en 2009.
Le législateur n’a fait que traduire les obligations qui découlaient du droit de l’Union européenne, fidèle en cela au respect des engagements européens de la France et à la hiérarchie des normes.
Le règlement européen, dit OSP, de 2007 a en effet tracé la trajectoire à suivre par les États membres en matière d’exploitation des services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, avec un choix laissé aux autorités nationales : soit un opérateur interne émanant de l’autorité organisatrice des mobilités, soit l’attribution de contrats de service public après mise en concurrence.
La loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, dite ORTF, de 2009 a tiré les conséquences de cet acte juridique européen, en fixant des échéances à quinze ans, vingt ans et trente ans : une ouverture effective à la concurrence le 31 décembre 2024 pour le transport routier, le 31 décembre 2029 pour le tramway et le 31 décembre 2039 pour le transport guidé, c’est-à-dire le métro et le RER.
Le processus de cette ouverture à la concurrence a été déterminé par la LOM en 2019, notamment en ce qui concerne les modalités pratiques de transfert des salariés aux nouveaux employeurs, tout en garantissant la portabilité de certains éléments du statut RATP et des acquis sociaux de haut niveau, avec le fameux « sac à dos social ».
Le cadre normatif de l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien découle de ces deux lois.
J’ai souhaité insister sur la genèse de l’ouverture à la concurrence et les jalons législatifs qui ont précédé le texte nous occupant ce soir, pour une raison assez simple : aujourd’hui, nous ne débattons pas du principe de l’ouverture à la concurrence. Ce débat est tranché, et le rouvrir serait malhonnête et irresponsable. Ce processus est en effet déjà engagé, tous les acteurs s’y préparent : Île-de-France Mobilités, la RATP, mais également les entreprises de transport susceptibles de candidater pour l’attribution des 13 lots.
Faire comme si nous pouvions remettre en cause la trajectoire que nous nous sommes collectivement fixée nous exposerait non seulement à un recours en manquement auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, mais aussi à des protestations légitimes de la part des entreprises qui préparent leurs offres et qui ont engagé pour ce faire d’importantes ressources.
Il s’agit donc d’un processus engagé depuis une quinzaine d’années, sur une temporalité longue, afin de laisser le temps aux acteurs de s’y préparer dans les meilleures conditions possible.
Valérie Pécresse l’a affirmé en réunion plénière de la commission, et Jean Castex me l’a confirmé dans le cadre des auditions que j’ai conduites : l’autorité organisatrice des mobilités et le monopole historique ne contestent ni les échéances ni le bien-fondé de l’ouverture à la concurrence. Donner à croire aux syndicats et aux salariés qu’un moratoire est souhaitable, et même possible, n’est pas une position responsable.
Ce texte est animé par une intention aussi simple que louable : faire en sorte que le processus d’ouverture à la concurrence soit équitable, socialement juste et améliore la qualité du service, dans l’intérêt des usagers du quotidien, en veillant à la continuité du service public, mais aussi des salariés, afin que l’ouverture à la concurrence profite à tous et ne crée pas de perdants.
J’ai tout lieu de croire que le texte permet d’atteindre cet objectif. En effet, les acteurs que j’ai entendus estiment que nous avons trouvé un point d’équilibre à même de fluidifier le processus et de rassurer les salariés, avec un aménagement du calendrier raisonnable et respectueux du cadre réglementaire européen.
J’ai notamment entendu MM. Bailly et Grosset, chargés par Île-de-France Mobilités d’une mission de préfiguration sociale pour faciliter l’ouverture effective à la concurrence. Ils retrouveront dans ce texte l’ensemble de leurs recommandations et les solutions qu’ils ont préconisées pour faciliter le transfert des salariés, dans le respect de l’équité concurrentielle et en assurant la meilleure qualité de service possible dans un cadre social exigeant.
Les syndicats que j’ai entendus, s’ils sont effectivement opposés à l’ouverture à la concurrence et me l’ont fait savoir au cours d’un échange franc et courtois, ont reconnu que ce texte élargissait le socle des bénéficiaires du « sac à dos social ». Le désaccord avec les syndicats est donc principiel. Il ne porte pas sur les modalités du texte que nous examinerons ce soir, car les évolutions proposées sont en réalité socialement mieux-disantes par rapport au droit actuel.
Le texte tend à combler les angles morts de la LOM et à allonger les délais d’information pour permettre aux salariés de mieux se préparer à un changement professionnel, dont je conçois qu’il suscite des inquiétudes. Il surmonte le problème de l’impossible transfert de 19 000 salariés, 308 lignes de bus et 4 500 bus en une seule nuit !
Nous examinons un texte de progrès qui permet à un plus grand nombre de salariés de bénéficier de garanties sociales de haut niveau issues du statut RATP, qui évite la pagaille le 1er janvier 2025 et permet d’assurer une meilleure équité concurrentielle : voilà trois bonnes raisons de le défendre devant vous.
Néanmoins, ce ne sont pas les seuls motifs d’intérêt du texte. Celui-ci contribue également à limiter les cas de mobilités géographiques imposées aux salariés, du fait de la réorganisation menée par Île-de-France Mobilités, avec le rattachement des lignes aux centres-bus, pour garantir une meilleure cohérence des lots mis en concurrence.
Ce texte opère ainsi une transformation importante des modalités du transfert : il ne s’effectue plus ligne par ligne, mais par centre-bus. Sans cette disposition, plus de 3 000 salariés auraient risqué de changer de lieu de prise de poste et, ainsi, de subir un allongement significatif de leurs trajets domicile-travail.
Pour limiter les phénomènes de sureffectif ou de sous-effectif qui pourraient découler de ce changement d’unité de transfert, ce texte met en œuvre une procédure de volontariat, confiée à Île-de-France Mobilités.
Il prévoit des dispositions spécifiques pour les conducteurs de bus de nuit, sans lesquelles ces conducteurs attachés aux horaires nocturnes et atypiques seraient reversés sur des lignes de jour.
Il permet également que les salariés des entités mutualisées ou filialisées ne soient pas moins bien lotis que les salariés transférés de la RATP aux nouveaux employeurs.
Ce texte se caractérise par un soin constant apporté aux garanties sociales et à la situation de chaque salarié. Il veille également à ce que le dialogue social puisse se poursuivre sans discontinuité à une période charnière pour l’ensemble du personnel de la RATP, l’article 6 visant à proroger le mandat des représentants du personnel de l’établissement public industriel et commercial RATP jusqu’à l’affectation du dernier lot par Île-de-France Mobilités.
Une autre disposition phare du texte, de nature à éviter un « big-bang organisationnel », est celle qui laisse à Île-de-France Mobilités la latitude d’échelonner le calendrier d’ouverture effective à la concurrence pendant une durée maximale de deux ans par rapport à la date initialement fixée par le législateur, c’est-à-dire entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026.
Cet aménagement, prévu à l’article 4, contribuera à fluidifier le processus d’attribution des lots, avec un séquençage qui évite une désorganisation des services de transport public, laisse le temps aux candidats de préparer des offres mieux calibrées et desserre pour Île-de-France Mobilités la contrainte d’avoir à superviser, en une seule nuit, un impossible transfert.
Ce nécessaire aménagement de calendrier s’explique aussi par la perspective désormais proche – l’été 2024 –, des jeux Olympiques et Paralympiques, qui solliciteront de manière inédite les pleines capacités de transport public de la capitale.
Le texte prévoit également le report, pour une période transitoire de quinze mois, de l’entrée en vigueur du cadre social territorialisé, le CST. Celui-ci prévoit notamment une ampleur journalière de travail maximale de onze heures, alors que cette amplitude est de treize heures à la RATP, en vertu d’un accord collectif d’entreprise.
L’entrée en vigueur du CST lors du changement d’employeur entraînerait un besoin immédiat d’environ 500 à 700 conducteurs supplémentaires, pour compenser la baisse de l’amplitude horaire maximale journalière de deux heures. Ce n’est évidemment pas souhaitable, en raison de la distorsion concurrentielle induite par une telle mesure.
Pour lever cette difficulté, je présenterai, au nom de la commission, un amendement tendant à ouvrir la possibilité de maintenir cette amplitude maximale à treize heures au sein des entreprises attributaires, dès lors qu’un accord d’entreprise le prévoit, c’est-à-dire au terme d’un dialogue social avec les salariés et les syndicats, pour écarter le risque d’une décision unilatérale non voulue par les salariés.
Parmi les autres dispositions significatives de la proposition de loi, je signalerai celle qui précise la mission de règlement des différends confiée à l’Autorité de régulation des transports, l’ART, en cas de litige entre Île-de-France Mobilités et la RATP sur le nombre de salariés à transférer par centre-bus ou encore les modalités concernant les biens de retour et les biens de reprise.
Ce texte prévoit enfin une meilleure représentation des entreprises au sein du conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités, qui me semble justifiée par le rôle contributif déterminant des employeurs : ces acteurs assurent en effet près de la moitié du financement des transports publics en Île-de-France, au travers du versement mobilité et du remboursement des frais de transport aux salariés.
En définitive, il s’agit d’un texte nécessaire pour accompagner l’immense défi technique, opérationnel et social de l’ouverture à la concurrence de l’un des réseaux les plus denses d’Europe, tout en répondant aux attentes des salariés et en élargissant le socle des bénéficiaires du « sac à dos social ».
La commission s’est attachée à sécuriser juridiquement le texte, en respectant l’esprit qui a animé son auteur, notre collègue Vincent Capo-Canellas, afin de garantir la qualité et la fluidité du processus d’ouverture à la concurrence.
Elle a permis d’améliorer l’équité concurrentielle du processus, en s’assurant que les candidats soient à même de présenter leur offre avec le meilleur niveau d’information possible et le temps nécessaire pour soumissionner, dans l’intérêt des voyageurs et de la qualité du service public.