Sommaire
Secrétaires :
M. Joël Guerriau, Mme Marie-Pierre Richer.
2. Hommage à un professeur assassiné
3. Décès de deux anciens sénateurs
4. Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. – Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 11 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 12 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 33 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 34 de M. Pascal Savoldelli. – Adoption.
Amendement n° 15 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’ensemble de l’article et du rapport annexé, modifié.
Amendement n° 17 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 58 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 18 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 59 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 19 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 60 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 36 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 37 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 61 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 de M. Thomas Dossus. – Adoption.
Amendement n° 21 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 62 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 39 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 4 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 63 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 24 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 27 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 53 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.
Amendement n° 52 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 29 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 64 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 51 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Amendement n° 65 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 48 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 49 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Amendement n° 66 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption, par scrutin public n° 4, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à un professeur assassiné
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, presque trois ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty, dont nous célébrons aujourd’hui le triste anniversaire, la République a de nouveau été prise pour cible. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, se lèvent.)
Une fois de plus, une fois de trop, à Arras, le terrorisme islamiste s’en est pris à plusieurs enseignants et personnels éducatifs. Dominique Bernard, dont le seul crime était d’être professeur de lettres, a été lâchement assassiné.
Une fois de plus, une fois de trop, ce sont nos valeurs qui sont attaquées, notre vivre ensemble qui est menacé, notre capacité à rester unis qui est testée.
Je tiens, au nom du Sénat, particulièrement en celui de nos collègues sénatrices et sénateurs du Pas-de-Calais, à exprimer notre compassion et notre soutien à la famille de Dominique Bernard, à ses proches, et aux autres victimes qui restent actuellement hospitalisées, ainsi qu’à la communauté éducative et aux élèves du lycée Gambetta d’Arras.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à observer un moment de recueillement en la mémoire de Dominique Bernard. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, observent une minute de silence.)
3
Décès de deux anciens sénateurs
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues, Yannick Bodin, qui fut sénateur de la Seine-et-Marne de 2004 à 2011, et René Garrec, qui fut sénateur du Calvados de 1998 à 2014. Il présida la commission des lois de notre assemblée avant d’en devenir le questeur.
4
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (projet n° 2, texte de la commission n° 24, rapport n° 23).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite naturellement m’associer à l’hommage qui vient d’être rendu à Dominique Bernard, ainsi qu’à Samuel Paty, lâchement assassinés parce qu’ils défendaient les valeurs de la République.
Pour en revenir à l’ordre du jour, je suis très heureux d’être devant vous ce soir pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP).
Le projet de LPFP est bien plus qu’un texte de méthode pour la gestion de nos finances publiques. Le Gouvernement a fait des choix clairs pour vous proposer une trajectoire qui concilie rétablissement de nos comptes publics et investissement dans l’avenir, à la fois pour nos services publics et pour la transition écologique.
La série d’amendements que le Gouvernement vous propose vise à mettre le texte en cohérence avec la vision que nous avons aujourd’hui de notre trajectoire économique et financière. Nous souhaitons ainsi rétablir le texte dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité le 27 septembre dernier.
Nous nous fixons un objectif de déficit plus ambitieux que dans le texte qui a été discuté l’an passé : le projet de loi initial prévoyait une réduction du déficit public à 2,9 % du PIB en 2027 ; nous visons désormais un objectif de 2,7 %. En cela, le Sénat a été écouté.
J’en ai bien conscience, la majorité sénatoriale souhaite que nous allions plus loin en matière de maîtrise des dépenses de l’État. Mais la trajectoire adoptée par la commission des finances du Sénat en nouvelle lecture ne nous paraît ni réaliste ni souhaitable. Je pense notamment à la réduction d’au moins 5 % du nombre d’agents publics de l’État et de ses opérateurs, qui n’est pas compatible avec le réarmement des services publics de première ligne ni avec l’investissement que les Français attendent pour la transition écologique.
Cette loi de programmation est un élément central de notre crédibilité. J’observe qu’une question préalable a été déposée par le groupe CRCE-Kanaky. Je formule le souhait qu’elle ne soit pas adoptée, dans la mesure où nous avons besoin de ce cadre pour les années à venir. C’est un enjeu de crédibilité pour notre pays.
Nous devons d’abord nous montrer crédibles vis-à-vis des Français, qui ont besoin et de connaître le chemin que nous allons emprunter, à savoir celui d’un retour à la normale après des années de crise, et de savoir comment nous allons financer, dans les années qui viennent, les services publics et l’investissement dans les priorités d’avenir.
Il s’agit également d’assurer notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens. À cette fin, nous traduisons les objectifs fixés dans le programme de stabilité. Parallèlement, il est essentiel que la France démontre sa capacité à se donner un cap, une trajectoire et un véritable cadre pour le redressement de ses finances publiques. Pouvons-nous nous permettre de ne pas avoir de loi de programmation des finances publiques ?
Deux versements du plan de relance européen sont en jeu : un premier de 10 milliards d’euros, qui doit intervenir cette année, et un second de 8 milliards d’euros l’année prochaine. Sans loi de programmation pluriannuelle, ces fonds ne nous seraient pas versés.
Il convient, enfin, d’asseoir notre crédibilité vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt.
En quelques mois, nos taux d’emprunt sont passés d’une valeur proche de zéro à des niveaux supérieurs à 3 % sur nos obligations à dix ans.
En ce qui concerne notre crédibilité, permettez-moi de faire une remarque sur nos hypothèses de croissance, régulièrement qualifiées d’« optimistes ».
À court terme, nous prévoyons une croissance de 1,4 %, après 1 % en 2023. C’est certes davantage que la prévision de la Banque de France à 0,9 %, mais nous sommes en ligne avec les grands organismes internationaux : la Commission européenne et l’OCDE prévoient une croissance de 1,2 %, tandis que le FMI l’estimait la semaine dernière à 1,3 %.
Par ailleurs, notre estimation d’une croissance potentielle de 1,35 % par an jusqu’en 2027 est également proche des prévisions établies par les instituts qui tiennent compte de nos réformes, comme le FMI ou l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Cette prévision de croissance potentielle s’appuie de fait sur les réformes structurelles que nous conduisons et allons poursuivre : la réforme des retraites, celle de l’assurance chômage, la réforme du lycée professionnel, le succès de l’apprentissage, l’application des plans d’investissement et la baisse des impôts de production, qui se poursuivra en 2024.
Je souhaite enfin revenir sur le rythme de rétablissement de nos finances publiques pour justifier devant vous la trajectoire que nous avons fixée.
La France a besoin de définir un cap pour ses finances publiques. La trajectoire que nous vous proposons d’intégrer à ce texte doit nous permettre de tenir nos comptes, aujourd’hui comme demain. Y parvenir suppose non seulement de partager un même sentiment de responsabilité, mais également de répartir l’effort entre l’ensemble des administrations publiques : l’État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Nous le savons, une consolidation trop rapide casserait la croissance et engendrerait plus de dépenses et moins de recettes qu’elle ne permettrait d’économies.
C’est pourquoi nous assumons une stratégie de réduction progressive du déficit, laquelle permet de poursuivre l’investissement dans les services publics et dans la transition écologique et de faire baisser les impôts.
Par rapport au texte qui vous a été présenté voilà un an, nous proposons une trajectoire légèrement plus rapide de retour sous les 3 % de déficit public : nous visons 2,7 % en 2027, au lieu de 2,9 % initialement. Pour y parvenir, nous comptons réduire fortement la part des dépenses publiques dans le PIB, même si elles continueront à croître en euros, et nous stabilisons à 44,4 % la part des prélèvements obligatoires.
Cela implique de réaliser plus de 12 milliards d’euros d’économies à partir de 2025, réparties à parts égales entre l’État et ses opérateurs, d’une part, et la sécurité sociale, d’autre part.
Nous assumons le fait que ces économies doivent être documentées. Et nous souhaitons associer les parlementaires pour identifier les dispositifs de politique publique, qui, au vu des travaux parlementaires, mériteraient de faire l’objet d’une mission de revue de dépenses.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Que fait le Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le thème des économies a été abordé par plusieurs groupes parlementaires au cours des réunions des dialogues de Bercy. Nous souhaitons poursuivre ces échanges, dans un esprit constructif et d’écoute.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Merveilleux !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cela implique aussi que les collectivités territoriales, tout en continuant d’investir, maîtrisent leurs dépenses.
Mme Nathalie Goulet et M. Vincent Delahaye. Elles le font déjà !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mais nous ne reviendrons pas à l’idée d’un mécanisme contraignant tel qu’il figurait dans la première version de ce projet de loi. Je vous le redis, il n’y aura pas de contrats de Cahors bis !
Nous faisons le pari de la confiance avec les collectivités territoriales. Nous travaillons à une nouvelle méthode avec les élus locaux, notamment dans le cadre du Haut Conseil des finances publiques locales, le HCFPL.
Ces efforts partagés sur les dépenses publiques ne doivent pas se faire au détriment du défi de la transition écologique, qui est devant nous, ni de la croissance.
La trajectoire de finances publiques que nous vous proposons tire aussi les conclusions d’une année de travail, sous l’égide de la Première ministre, sur la planification écologique.
Nous sommes confrontés à une double dette, publique et écologique. La LPFP offre une vision actualisée des crédits de l’État consacrés à la transition écologique, en cohérence avec l’investissement supplémentaire de 10 milliards d’euros annoncé par le Président de la République et la Première ministre, qui se traduira par une hausse des crédits de paiement de 7 milliards d’euros en 2024. La loi consacre l’obligation de baisser le poids des dépenses néfastes à l’environnement.
Enfin, notre trajectoire vise à rendre le travail plus attractif. Cela passe par la poursuite des baisses d’impôts que nous avons engagées depuis plusieurs années, qui se sont traduites notamment par la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance sur l’audiovisuel public, et par la baisse de l’impôt sur le revenu, à hauteur de 5 milliards d’euros, à la sortie de la crise des « gilets jaunes ».
M. Daniel Fargeot. Erreur !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il nous faut poursuivre cette dynamique dans les années à venir. C’est pourquoi nous engagerons une baisse de l’impôt pour les ménages de 2 milliards d’euros dès 2025. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Pour conclure, ce projet de LPFP est un texte fondamental pour la crédibilité budgétaire de la nation française. Ce projet de loi fixe des objectifs clairs pour 2027 : le retour sous les 3 % de déficit public, précisément à 2,7 %, et la réduction de notre dette publique pour revenir à 108,1 %, contre 111,8 % en 2022.
Ce projet de loi repose sur des choix politiques simples et forts : plus de moyens pour s’attaquer à notre dette écologique, plus de croissance pour engager le désendettement, plus de réformes pour réduire les dépenses, plus de travail pour offrir plus de prospérité à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui à examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Ce texte a eu un parcours peu commun : l’Assemblée nationale l’a rejeté en première lecture il y a un an, puis le Sénat l’a adopté au mois de novembre dernier, en prévoyant une trajectoire de rétablissement des finances publiques plus ambitieuse que celle qui était proposée par le Gouvernement. La commission mixte paritaire a échoué à parvenir à un accord le 15 décembre dernier.
Le texte est ensuite entré dans une sorte de sommeil. Le Gouvernement, qui nous expliquait et nous explique toujours que ce texte est essentiel, n’a en réalité rien fait pour tenter de trouver un compromis, malgré de nombreuses déclarations d’intention. En effet, c’est seulement à la fin du mois de septembre, soit neuf mois après l’échec de la commission mixte paritaire, que le Gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de se prononcer en nouvelle lecture. Elle n’a pas eu véritablement le temps de le faire, puisque le Gouvernement a mis un terme aux débats en engageant sa responsabilité pour faire adopter le texte sans vote, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
En court-circuitant ainsi les débats à l’Assemblée nationale, vous imposez, monsieur le ministre, un texte qui ne me paraît pas plus satisfaisant qu’en première lecture.
Je commencerai par ce qui est le fondement même d’une telle loi de programmation, à savoir les hypothèses macroéconomiques et la trajectoire affichée des finances publiques.
Les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est assise la trajectoire du Gouvernement paraissent toujours trop optimistes. Pour la seule année 2024, je rappelle que la prévision de croissance du Gouvernement est de 1,4 %, contre 0,9 % du côté de la Banque de France et 0,8 % pour le consensus des économistes. Vos prévisions jusqu’en 2027, monsieur le ministre, reposent sur une combinaison d’hypothèses toutes favorables, les planètes s’alignant comme par enchantement : investissement élevé des entreprises, contribution positive du commerce extérieur, retour du taux d’épargne à son niveau d’avant-crise, etc.
Toutefois, monsieur le ministre, l’actualité internationale récente nous indique, encore une fois, à quel point, en matière de prévisions économiques, la prudence est de mise.
Au-delà même du manque de crédibilité de ce scénario, les objectifs de déficit de votre texte paraissaient en deçà de ce qui est nécessaire pour rétablir nos comptes.
Certes, la cible est légèrement plus ambitieuse que l’an dernier, avec un déficit de 2,7 points du PIB prévu pour 2027, contre 2,9 dans le texte initial, mais le seuil des 3 % ne serait pas atteint avant 2027. Nous serions ainsi le plus mauvais élève de l’Europe et nous exposerions à une procédure de déficit excessif.
Le texte du Gouvernement, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, n’a donc tenu aucun compte du vote du Sénat en première lecture. Il n’a pas non plus repris le vote de notre assemblée visant à aligner l’effort de redressement de l’État sur celui des collectivités territoriales, hors mesures exceptionnelles.
À l’exception de la suppression bienvenue des nouveaux contrats de Cahors, dont nous nous réjouissons, le texte résultant du 49.3 est, en substance, un retour à la version initiale du Gouvernement, ce que je déplore.
Par ailleurs, le texte qui nous a été transmis en nouvelle lecture porte la marque d’une certaine improvisation. Ainsi, aux articles 12 et 17, qui fixent des plafonds de dépenses pour le budget de l’État et des objectifs pour les administrations de sécurité sociale, le Gouvernement a ajouté, en nouvelle lecture, deux alinéas qui nous posent question.
Outre les dispositions classiques contenues dans ces articles et prévues par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), ces deux sortes de « verrues » semblent dire : « Ne tenez pas compte des chiffres qui précèdent, nous ferons 6 milliards d’euros d’économies de plus en 2025, 2026 et 2027 sur chacune des deux catégories de l’administration publique. »
Après tout, pourquoi pas ? Mais rien n’est dit sur l’origine de ces économies. Il est en particulier douteux qu’elles puissent découler des « revues de dépenses », qui n’ont été que très peu productives cette année, malgré l’importante communication faite à leur sujet. Il est également douteux qu’elles soient conformes aux dispositions de la Lolf. En tout état de cause, elles nuisent fortement à la clarté de notre débat.
Par ailleurs, le Gouvernement inscrit ces économies théoriques en loi de programmation, tout en déposant des textes financiers pour 2024 qui voient la dépense publique progresser encore de 2,2 % hors mesures de crise. Où sont donc les économies ?
De même, votre version du projet de loi de programmation propose la stabilité des emplois de l’État et de ses opérateurs, alors que le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 8 200 postes supplémentaires, qui viennent s’ajouter aux 11 200 postes supplémentaires déjà prévus en projet de loi de finances pour 2023. Très clairement, le Gouvernement ne tient pas les engagements qu’il se donne à lui-même. Allez comprendre !
Monsieur le ministre, à force de ne pas faire ce que vous dites et de ne pas dire ce que vous faites, non seulement les comptes de la France ne sont pas tenus, mais les Français ne s’y retrouvent pas. Vous ne priorisez rien, en annonçant vouloir financer tout ou presque. À chaque jour une annonce nouvelle, dont l’unité de valeur est souvent le milliard d’euros !
Vous parlez de sérieux budgétaire, tout en faisant exploser la dette de la France et en renvoyant aux parlementaires – ce que vous avez encore fait à l’instant – la responsabilité de faire des économies. C’est le monde à l’envers !
Tout cela est très nuisible à notre société, à l’heure où nos concitoyens attendent des choix clairs, avec un cadre cohérent définissant les efforts à réaliser et les perspectives d’amélioration attendues, pour notre pays et pour les Français eux-mêmes.
C’est pourquoi la commission des finances n’a pas simplement rejeté votre texte ; elle l’a aussi modifié, en nouvelle lecture, en toute responsabilité. Elle propose au Sénat d’adopter une position claire et ambitieuse, dans le droit fil de son vote en première lecture l’année dernière.
Le texte qui vous est proposé prévoit ainsi une diminution annuelle en volume de 0,5 % des dépenses des administrations centrales, hors charge de la dette et hors coût des dépenses engagées pour faire face aux crises. Ainsi, l’effort de redressement de l’État serait réel et non essentiellement porté par la disparition progressive et inéluctable des mesures de crise. Surtout, cet effort serait équivalent à celui qui est demandé aux administrations locales par le texte qui nous a été soumis. Il permettrait, enfin, de franchir le seuil d’un déficit inférieur à 3 % du PIB dès 2025 et non en 2027.
Outre cette trajectoire, nous avons, sur plusieurs points, quand c’était opportun, conservé les avancées intervenues à l’Assemblée nationale, mais repris aussi plusieurs modifications adoptées en première lecture au Sénat et qui ne figuraient plus dans le texte. C’est le cas notamment pour l’évolution de l’emploi public, à l’article 10, l’encadrement des dispositifs d’aide aux entreprises, à l’article 15, la mise en réserve de l’Ondam, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, à l’article 19, et l’évaluation de l’action publique, à l’article 21.
Vous insistez, monsieur le ministre, sur la nécessité d’adopter ce projet de loi de programmation pour bénéficier des versements européens du plan de relance, comme si le contenu de ce texte n’avait guère d’importance, mais que seule comptait son adoption formelle.
Je crois, pour ma part, à la veille de la cinquantième année consécutive de déficit budgétaire de l’État français, qu’il faut surtout adopter un texte qui trace une véritable perspective pour le rétablissement des finances publiques et qui préserve les marges de manœuvre dont nous aurons besoin pour financer la transition écologique, les mutations économiques, la préservation de notre modèle social et pour faire face à toutes les crises que notre pays ne manquera pas de rencontrer à l’avenir.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous écoutiez la voix du Sénat et les choix qu’il propose de faire. Après le rejet de votre texte par l’Assemblée nationale, puis un 49.3, le texte que nous vous soumettons aujourd’hui est le seul qui a été voté par la représentation nationale.
Ne pas en tenir compte serait une faute politique. Ne pas en tenir compte et repasser en force, avec le même texte, par le biais du 49.3 à l’Assemblée nationale, serait une erreur coupable. Ne pas en tenir compte confinerait l’attitude du Gouvernement à une forme d’entêtement aveugle, puisqu’il refuserait d’entendre la voix de la raison s’exprimant au Sénat. Ne pas en tenir compte consacrerait une réalité, celle d’un gouvernement qui ne veut pas rétablir les comptes publics de la France.
Monsieur le ministre, écoutez le Sénat. C’est à la fois une invitation et un conseil amical. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a un côté un peu lunaire !
Voilà un an s’est en effet tenue une commission mixte paritaire non conclusive. Hier, la deuxième lecture à l’Assemblée nationale a été interrompue par un 49.3. Aujourd’hui, la deuxième lecture du Sénat devrait ressembler à s’y méprendre à sa première lecture. Sans doute aurons-nous ensuite un nouveau 49.3 à l’Assemblée nationale, où l’on pourra mesurer les apports du Sénat. Tout cela me laisse dubitatif…
Passons rapidement sur le fait que le décaissement des crédits du plan de relance européen serait lié à l’adoption d’un projet de loi de programmation. Même en admettant qu’elle soit impérative, ce dont il est permis de douter, cette condition découle du seul engagement pris volontairement par le Gouvernement auprès de la Commission européenne, ce qu’aucun autre pays européen n’a fait.
Cela étant dit, nul doute que l’adoption d’une loi de programmation reste un outil utile. Elle permet de définir une trajectoire budgétaire et, théoriquement, les moyens de la tenir. Comme disent les marins, « il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». Et c’est justement la question, monsieur le ministre : savez-vous où vous allez ? La trajectoire que vous proposez est-elle crédible ? Par courtoisie, je n’évoquerai pas ici celle de la majorité sénatoriale… (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’histoire nous l’a appris, proposer de réduire le déficit des finances publiques avec une faible croissance, qui plus est très largement incertaine, est une gageure. Quant à la réalisation d’un important montant d’économies, le Haut Conseil des finances publiques indique sobrement que celles-ci sont « toujours peu documentées à ce jour ».
Et pour cause ! En 2024, les économies reposent presque intégralement sur la diminution des boucliers tarifaires et autres indemnités carburant. À partir de 2025, il faudrait trouver, vous l’avez dit, monsieur le ministre, environ 12 milliards d’euros d’économies nouvelles pendant trois ans. Rien n’est dit sur le sujet.
Par ailleurs, il est assez pittoresque d’observer que vous vous tournez vers les parlementaires pour, finalement, donner corps à la promesse gouvernementale !
Je considère cependant que mon rôle est de vous y aider. Depuis 2020 et la crise du covid, je vous mets régulièrement en garde sur une poursuite de la baisse des impôts, incompréhensible en période de difficultés budgétaires.
Le président de la Cour des comptes et le gouverneur de la Banque de France ont dressé des constats identiques, demandant a minima que ces baisses soient gagées par des diminutions de dépenses de même nature, ce qui n’a pas été le cas.
Du coup, voyez l’enchaînement : baisse annuelle des impôts de 38 milliards d’euros – hors baisse de l’impôt sur les sociétés, dont je partage le bien-fondé –, augmentation parallèle de la dette, augmentation du coût de la dette, donc diminution en valeur des dépenses budgétaires pour arriver à l’équilibre.
Les ménages, du moins ceux qui la payaient, ont vu leur taxe d’habitation disparaître, ce qui revient à une prime pour les hauts revenus. En effet, je rappelle que les 20 % des ménages les plus aisés se répartiront 10 milliards d’euros sur les 26 milliards d’euros.
Aujourd’hui, ce manque à gagner pour l’État est pris en charge par tous, notamment par les plus fragiles : retraites, indemnités chômage, aides au logement, santé, etc.
Vous l’avez décidé avant les crises ; celles-ci devraient vous décider à revenir en arrière. Il est encore temps.
J’en viens aux entreprises : après une baisse de leur taux d’imposition, de mon point de vue peu contestable, vous supprimez 8 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et étalez finalement cette suppression sur cinq ans au total. Qu’en dit le Medef (Mouvement des entreprises de France) ? « Pas d’intérêt, car pas d’effet de choc. » Écoutez les entrepreneurs et écoutez le Parlement, qui n’en voulait pas ! Ne vaut-il pas mieux garder ces ressources pour soutenir les entreprises en cas de crise, comme vous l’avez fait utilement – prêts garantis par l’État (PGE), chômage partiel, plans de relance ?
Enfin – je ne suis pas le seul à y penser dans cet hémicycle –, le moment n’est-il pas venu pour certains de contribuer davantage, le temps que nous retrouvions un chemin plus vertueux pour nos finances publiques ? Je pense aux hauts patrimoines, aux entreprises qui ont bénéficié des crises, à celles qui préfèrent racheter leurs actions au bénéfice de leurs actionnaires plutôt que d’investir dans leur développement.
Je le redis, la plupart de vos décisions ont été prises avant les crises… Il est donc temps de se reprendre. Comme l’écrivait saint Augustin dans les Sermons, « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». (M. le rapporteur et Mme Nathalie Goulet acquiescent. – Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 24, 2023-2024).
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky proposent le rejet de ce projet de loi de programmation des finances publiques. Nous vous invitons à faire le même choix que nous, pour quatre raisons.
Ce projet de loi de programmation, que le Gouvernement a imposé par 49.3 à l’Assemblée nationale, puis que la droite sénatoriale a « ajusté » en nouvelle lecture, est en décalage complet avec ce que vivent les habitants de notre pays ; en décalage, aussi, avec ce qu’ils s’apprêtent à vivre dans les prochaines années. En ce sens, il est injuste.
Que ceux qui nous écoutent le sachent : nous débattons d’un texte qui est censé structurer les finances publiques, donc l’action publique, pour les années à venir. Or pas une seule fois ne sont mentionnés les mots « inégalités » et « pauvreté ». Personne n’en parle, ni le Gouvernement ni la droite sénatoriale !
M. Éric Bocquet. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Comment peut-on être crédible avec un tel manquement ?
Ce qui structure la vie de notre pays, ce sont bien les inégalités sociales, territoriales, environnementales ; c’est bien la vie chère ; c’est bien le coût de l’électricité et du gaz.
Ce projet de loi est donc en décalage avec la réalité. Et pour cause : il découle de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dont les grands principes, publiés en 2011, n’ont pas été amendés depuis lors, nonobstant le principe de réalité.
Les règles budgétaires d’alors ont volé en éclat sous les effets conjugués de la crise sanitaire, de la guerre en Ukraine et de l’aggravation de la crise climatique. On nous demande donc d’appliquer des règles budgétaires qui ont fait et refait la démonstration de leur inefficacité.
J’en viens à la deuxième raison qui motive le rejet de ce texte : ce projet de loi est caduc et inapplicable. Cela, mes chers collègues, nous le savons tous très bien.
En effet, même l’initiateur de cet outil budgétaire, Nicolas Sarkozy, n’a pas réussi à respecter ses propres prévisions. J’en veux pour preuve que, depuis 2009, cinq lois de programmation ont été promulguées. Sur l’ensemble de cette période, soit quatorze années, la prévision de déficit n’a été respectée qu’à deux reprises !
De plus, les écarts de prévision de croissance en volume ont été en moyenne de 3,2 points de pourcentage. Pour ce qui est de la croissance potentielle, l’écart a été de 1 point en moyenne – c’est inquiétant quand on sait que la prévision inscrite dans le présent projet de loi de programmation est de 1,35 %…
Cette trajectoire financière ne fera pas exception : frappée d’obsolescence programmée, elle est inapplicable et restera inappliquée.
Permettez-moi aussi un mot sur les prévisions macroéconomiques retenues pour établir cette programmation.
Même le Haut Conseil des finances publiques les a qualifiées de « très optimistes » ; le Gouvernement n’a pas tenu compte de cette appréciation. Elles sont pourtant bien trop optimistes pour être prises au sérieux. Le Gouvernement prévoit en effet une évolution des dépenses en volume qui serait la plus « dure » du XXIe siècle, puisqu’elle serait de 0,1 %, taux historiquement faible, quand, antérieurement, un taux de 0,7 % justifiait le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
Ce chiffre témoigne des excès de rigueur du projet de l’exécutif, qui emporteront un affaiblissement durable de nos services publics.
« Inapplicable et inappliquée », disais-je, et ce qualificatif vaut tant pour la version du Gouvernement que pour celle qui est issue des travaux de la commission des finances. Selon les prévisions, le déficit structurel se maintiendrait autour de 3,6 % du PIB, ce qui ferait bondir à 74 milliards d’euros par an la charge d’intérêts de la dette.
Mais pourquoi toujours brandir l’épouvantail de la dette ? Si j’osais, je demanderais à qui profite le crime.
Il faut savoir que la détention directe par les épargnants est devenue marginale. L’intermédiation du système financier – banques, assurances, gestionnaires d’actifs – s’est largement imposée. Par ailleurs, les non-résidents détiennent 54 % de notre dette…
M. Éric Bocquet. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. … et les trois pays qui en détiennent les plus grandes parts sont le Royaume-Uni, paradis de la finance, et deux paradis fiscaux, le Luxembourg et les îles Caïmans.
Mme Nathalie Goulet. Tout est dit !
M. Pascal Savoldelli. Nous nous soumettons donc aux intérêts des seuls marchés financiers, au détriment de l’intérêt général de la Nation.
Cette soumission se fait sous la forme d’un chantage de l’Union européenne – c’est la troisième raison d’être de cette motion.
Ce chantage a été exprimé à maintes reprises par le Gouvernement : « Si vous ne votez pas ce projet de loi de programmation, vous priverez la France des crédits européens. »
Mais, monsieur le ministre, qui a fait le choix délibéré d’inscrire dans le plan national de relance et de résilience envoyé à la Commission européenne le vote d’une loi de programmation ? Ce ne sont pas les oppositions parlementaires, c’est vous.
Ne vous en déplaise, vous n’avez pas de majorité sur ce texte, ni à l’Assemblée nationale, que vous avez privée de vote, ni, à ma connaissance, au Sénat…
Les propos que vous tenez dans un courrier adressé au rapporteur général, que le président de la commission des finances, mon collègue et ami Claude Raynal, nous a transmis – je l’en remercie –, témoignent de l’ambiguïté de la situation.
Je cite ce courrier : « La non-adoption de la loi de programmation des finances publiques pourrait non seulement bloquer les versements de l’Union européenne attendus en 2023 et 2024, soit 17,8 milliards d’euros, mais risquerait de bloquer aussi la suite de l’exécution du plan français et les versements associés, soit 28 milliards d’euros. »
Ce chantage est d’autant plus inacceptable que, sur les 40,3 milliards d’euros que recevrait la France, elle en rembourserait 66 milliards d’euros, faute de nouvelles ressources propres et faute de mise à contribution du capital. Le Gouvernement s’est engagé sur une trajectoire austéritaire, et ce sans soutien parlementaire.
J’en viens à la quatrième raison de cette motion, à savoir la surenchère austéritaire qui préside à la version modifiée par la commission des finances du Sénat en deuxième lecture.
Bien loin de se différencier des choix politiques du Gouvernement, les modifications apportées au texte par nos collègues de la majorité sénatoriale les entérinent et les aggravent.
Votre différence avec le Gouvernement relève – et vous me pardonnerez cette formule, monsieur le rapporteur général – d’une concurrence qui se trouve certes être libre, mais aussi – et c’est là que le bât blesse – faussée.
Le projet de la droite sénatoriale est clair : 40 milliards d’euros d’économies d’ici à 2027, le tout reposant sur l’État avec une brutalité sans nom. La baisse serait de 3 milliards d’euros en volume de 2024 à 2025, soit beaucoup plus en prenant en compte l’inflation.
Ce plan met particulièrement à contribution les collectivités territoriales, via la proposition de réduction de leurs dépenses réelles de fonctionnement de 0,5 % par an en volume. Comment allez-vous l’expliquer aux maires, quand les factures de gaz et d’électricité des collectivités ont augmenté dans des proportions qui peuvent aller de 30 % à 300 % ? S’il faut que j’en donne des exemples, je le ferai…
Mme Nathalie Goulet. Nous aussi !
M. Pascal Savoldelli. Le président du groupe Les Républicains du Sénat, M. Retailleau, dit vouloir « mettre l’État au pain sec » ; en vérité, il mettra les Français au pain rassis !
En commission, le rapporteur général nous a expliqué vouloir réduire le poids des agences de l’État en réalisant des économies sur les dépenses de personnel. Il propose de réduire de 5 % les effectifs des fonctionnaires de l’État et de ses opérateurs.
Il nous a été dit qu’une telle baisse de 5 % correspondait à 100 000 emplois publics de moins : on est là bel et bien dans le droit fil du programme d’un candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2017 – il s’appelait François Fillon.
Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Y a-t-il trop d’agents à la Banque de France pour aider les particuliers en situation de surendettement ? Y a-t-il trop d’agents à Pôle emploi pour lutter contre le chômage ou prendre en charge une formation ? Y a-t-il trop d’agents à l’Office national des forêts pour lutter contre les feux et le réchauffement climatique ?
Quoi qu’il en soit des beaux discours tenus aux élus locaux, la vérité est que la majorité sénatoriale aurait pu voter la version de ce projet de loi présentée par le Gouvernement, comme elle a d’ailleurs voté l’essentiel de ses budgets.
Cette motion a donc bien quatre raisons d’être : rejeter un projet de loi de programmation des finances publiques injuste, car le décalage est total entre ce que propose le Gouvernement et ce que vivent bon nombre d’habitants de notre pays ; rejeter un texte déjà caduc et rendu inapplicable ; rejeter un chantage qui est imposé au peuple français et aux parlementaires que nous sommes ; rejeter la réécriture ici faite en deuxième lecture.
La France mérite mieux : elle mérite le progrès économique ; elle mérite le progrès social ; elle mérite le progrès démocratique d’une nouvelle autonomie financière et fiscale des collectivités, propice à un nouveau développement des services publics locaux ; elle mérite le progrès écologique et non la régression permanente, au gré des bouleversements du monde.
En somme, cette motion est profondément progressiste et responsable. Et la responsabilité, c’est aussi le travail d’amendement dans l’hypothèse de la non-adoption de cette motion.
À la lecture des amendements déposés par les différents groupes, j’observe que notre motion s’inscrit bien sûr dans la philosophie de ceux du groupe CRCE-K, mais aussi, je le crois, dans celle des amendements déposés par les sénateurs socialistes et écologistes.
Donner de la force à cette motion, c’est donner de la force à une perspective de progrès pour les années à venir. C’est aussi donner une voix à toutes celles et à tous ceux, élus ou non, qui, à travers le pays, appellent à un nouveau souffle de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission a fait un autre choix, celui de se pencher de nouveau sur le texte et de proposer une trajectoire de redressement des finances publiques.
Le temps du progrès, j’en entends la nécessité ; mais il faut aussi le temps de la vérité. On peut continuer de cacher la vérité, mais, plus longtemps on la cache, plus tard on s’attelle à redresser les comptes, et plus grandes seront les plaies, les douleurs et, peut-être, les colères. Avoir le courage d’affronter la vérité et la dureté des chiffres est pour nous une obligation morale.
Il s’agit aussi de faire malgré tout confiance à l’Europe.
L’Europe, qui serait aujourd’hui la cause de tous les maux, s’est faite sur l’initiative de la France, membre fondateur de l’Union européenne. Faut-il rappeler l’histoire, au début des années 1950, de la réconciliation franco-allemande, de la Communauté européenne du charbon et de l’acier et de la politique agricole commune ? Nous devons en être fiers ! Certes, depuis, l’Europe a grandi, jusqu’à connaître ce qu’il faut peut-être appeler une crise de croissance ; mais il nous appartient de continuer d’être un élément fort au sein de l’Europe.
Or, si l’on veut peser, être un leader, être un exemple, mieux vaut avoir des comptes bien tenus. Il est en effet préférable d’être en tête de classe pour donner la bonne direction. C’est précisément là, d’ailleurs, que réside la difficulté inhérente au projet de loi de programmation initial du Gouvernement : la France resterait le bonnet d’âne de la classe européenne. Nous ne pouvons attendre 2027 !
Et c’est parce qu’elle a fait le choix de la responsabilité que la commission est défavorable à cette motion. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je souhaite que le débat ait lieu : j’émets donc un avis défavorable sur votre motion tendant à opposer la question préalable.
Je profite néanmoins de cette intervention pour préciser quelques points.
Tout d’abord, concernant les prévisions macroéconomiques, la semaine dernière, le FMI a envisagé une croissance de 1,3 % pour la France en 2024, la prévision du Gouvernement s’élevant quant à elle à 1,4 %. Nous sommes donc proches des prévisions de croissance les plus récentes réalisées par des organismes extérieurs.
Je rappelle en outre que, pour l’année 2023, personne ne croyait à notre prévision de 1 % de croissance,…
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. J’y croyais, moi !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … à part peut-être le président Claude Raynal. (Sourires.)
Regardez les prévisions qui avaient été faites par la Banque de France pour 2023…
Nous maintenons donc notre prévision. M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, évoque certes des objectifs « optimistes », mais non inatteignables, et la dernière estimation du FMI plaide en ce sens.
Vous parlez ensuite, monsieur le sénateur, de « cure austéritaire » ; mais ce n’est pas une cure d’austérité que nous proposons : c’est un ralentissement de la croissance de la dépense publique, laquelle progresserait moins vite que l’inflation. C’est probablement ce qui sépare notre orientation de la version issue des travaux de la commission des finances du Sénat : nous considérons que l’ajustement qu’elle propose est trop brutal.
Nous préférons emprunter des marches raisonnables, progressives et tenables de réduction de notre déficit public plutôt que d’annoncer des dizaines de milliards d’euros d’économies sans expliquer concrètement comment y parvenir. Nous tenons cet équilibre entre l’investissement dans les services publics et la réduction progressive de notre déficit public.
M. Pascal Savoldelli. Tout va bien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le débat ait lieu.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, j’intervenais déjà sur ce texte au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il nous revient aujourd’hui à peine remanié, si ce n’est pour intégrer quelques nouvelles données tenant compte de l’année écoulée et, surtout, pour essayer d’envoyer des signes à la majorité sénatoriale, comme en témoigne votre intervention liminaire, monsieur le ministre.
Nous voilà donc de nouveau réunis pour débattre de ce projet de loi, parce qu’il faut bien une loi de programmation des finances publiques, parce que le calendrier de l’Assemblée nationale était favorable à l’utilisation d’un 49.3, mais aussi parce que le Gouvernement a lui-même fait du vote de son texte une condition du versement des aides européennes du plan de relance.
L’adoption de la loi de programmation des finances publiques figure en effet parmi les engagements qui ont été pris par votre gouvernement, monsieur le ministre, dans le cadre des deuxième et troisième demandes de paiement du plan national de relance et de résilience. Le ministre de l’économie l’a lui-même écrit dans un courrier dont nous avons tous reçu copie voilà quelques jours.
Ces versements du plan de relance européen sont conditionnés, mais chaque gouvernement a proposé ses propres conditions à la Commission européenne : dans le même temps où l’Allemagne s’engage à investir 1,5 milliard d’euros dans des projets liés à l’hydrogène et où l’Espagne propose un plan de 1,6 milliard d’euros pour favoriser l’attractivité de son réseau ferroviaire public, songez que le gouvernement français, quant à lui, s’engage à adopter une loi de programmation des finances publiques… L’adoption d’un texte de loi comme garantie donnée par le Gouvernement : voilà une nouvelle marque de votre manque de considération pour le rôle du Parlement.
De surcroît, ce projet de loi, sans lequel nous devrions donc faire une croix sur 18 milliards d’euros d’aides nécessaires à nos finances publiques, n’a été qu’à peine remanié depuis un an : un an de perdu pour rien ou pour presque rien.
Son orientation politique n’enregistre aucun changement significatif : il se caractérise toujours par son cap libéral, qui se traduit par l’approfondissement d’une démarche de désarmement fiscal et de contraction de la dépense publique.
La trajectoire proposée dans ce texte n’est pas pour autant crédible : elle repose sur des hypothèses extrêmement optimistes, bien qu’elles ne soient pas inatteignables ; les réductions prévues pour le déficit n’ont jamais été réalisées ces dernières années et ne pourront d’ailleurs être atteintes qu’au prix d’une véritable austérité, donc au risque de la récession économique.
Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : baisse des impôts de production, réforme des retraites, réforme de l’assurance chômage et autres mesures de régression sociale permettent seules de crédibiliser la trajectoire de cette loi de programmation. En réalité, cela ne suffira même pas.
Pour atteindre vos objectifs, dont vous dites qu’ils sont non pas une baisse des dépenses publiques, mais une augmentation inférieure à l’inflation, c’est-à-dire, pour les Français, une baisse réelle des dépenses publiques, il faudra mener une politique très dure.
Ce texte atteste donc une nouvelle fois de votre obstination à poursuivre la même politique, bien qu’il s’agisse d’une impasse, à tenir le même cap, alors que la situation internationale et les incertitudes géopolitiques auxquelles nous faisons face nous obligent à mieux anticiper un éventuel renchérissement du coût de la dette, en commençant par annuler un certain nombre de baisses d’impôts prévues.
« Moins d’impôts, moins de dépenses, moins de déficit et une dette maîtrisée » : cette vision répétée inlassablement depuis 2017 a été largement démentie par les faits. Les 500 milliards d’euros de recettes perdus en dix ans n’auront pas relancé la croissance et auront aggravé les problèmes du pays.
Appauvrissement de l’État, financement de la planification écologique dans l’impasse, services publics en crise, inégalités en hausse dans un contexte d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat : voilà les défis que nous aurions ensemble à relever.
S’ajoute à ce tableau le manque de soutien et de considération dont pâtissent les collectivités territoriales, auxquelles vous demandez de ralentir leurs dépenses. Vous avez renoncé à graver dans le marbre le pacte de confiance, c’est vrai, mais sans renoncer à l’idée.
La réalité est qu’il n’y aura, avec cette perspective budgétaire, ni pacte ni confiance, ce qui est contraire à l’esprit de la décentralisation et au principe d’équité dans la répartition des efforts entre les administrations locales et l’État.
Toutes les associations d’élus témoignent déjà des relations dégradées entre État et collectivités territoriales ; de fait, la situation ne pourra qu’empirer.
Je conclus en soulevant la seule question que devraient se poser les auteurs d’un tel texte : comment maîtriser les finances publiques et garantir la souveraineté de notre pays en se montrant réaliste, équilibré dans l’effort, socialement juste, écologiquement responsable et sans faire chavirer le navire ?
Avec ce texte, vous ne répondez pas à cette question. Pis encore, vous vous attaquez au nombre de fonctionnaires. Chers collègues de la majorité sénatoriale, trouvez-vous bien raisonnable de surenchérir en proposant la suppression d’un poste de fonctionnaire sur vingt d’ici à 2027 ?
Nous présenterons une quinzaine d’amendements, notamment des amendements de suppression des articles, pour exprimer notre rejet de ce texte ni très réaliste ni très raisonnable et dont je suis convaincu qu’il apparaîtra dépassé dès la prochaine crise sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, j’ai relu les propos que j’avais tenus dans cet hémicycle l’année dernière à l’occasion du même exercice. Gagnons du temps : je ne vais pas les répéter. J’ai en effet le sentiment que rien n’a changé, même si Rémi Féraud, lui, a vu des signes que, malheureusement, la majorité n’arrive pas à décrypter…
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est du morse ! (Sourires.)
Mme Christine Lavarde. Le monde change, mais en France, rien ne change !
La dernière édition du Moniteur des finances publiques du FMI – je vois que vous lisez vous aussi les productions de cette institution, monsieur le ministre – indique pourtant clairement que l’action climatique va contraindre les décideurs à des arbitrages difficiles.
D’un côté, recourir principalement et de manière croissante à des mesures de dépenses pour atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique va se révéler de plus en plus coûteux. Un endettement élevé, la hausse des taux d’intérêt et la dégradation des perspectives de croissance rendront les finances publiques de plus en plus difficiles à équilibrer.
D’un autre côté, opter pour le statu quo rendrait le monde plus vulnérable face aux effets du réchauffement climatique.
Dit autrement, les pouvoirs publics sont confrontés à un trilemme : ils doivent mettre en œuvre des mesures faisables politiquement, atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés et assurer la viabilité des finances publiques.
Je n’ai pas le sentiment, malheureusement, que ce projet de loi de programmation prenne la mesure de ce trilemme. Selon la trajectoire de solde structurel présentée dans le texte, qui est assise, comme l’a rappelé le rapporteur général, sur des hypothèses très optimistes, le déficit serait de 2,7 points de PIB en 2027. Le Haut Conseil des finances publiques souligne d’ailleurs le poids croissant des charges d’intérêts de la dette.
Par ailleurs, l’objectif fixé pour 2027 suppose, du côté des dépenses, d’importantes économies structurelles qui ne sont absolument pas documentées. Le Gouvernement indique qu’elles pourront être précisées à l’issue d’un exercice de revue de la dépense… Parlons-en, de cette revue et de l’évaluation de la qualité de la dépense publique !
Le projet de loi de programmation prévoit un dispositif d’évaluation fondé sur des évaluations annuelles thématiques. Un premier exercice s’est déroulé au premier semestre 2023 et a fait l’objet d’un rapport au Parlement.
Disons-le, les douze premières missions étudiées sont de natures et d’enjeux très variés : y voisinent notamment, pêle-mêle, la politique du logement et les dépenses de nuitées hôtelières de l’hébergement d’urgence. Permettez-moi d’observer que l’assiette de dépenses n’est pas exactement la même dans un cas et dans l’autre…
La Cour des comptes a choisi de se saisir de ce sujet et a complété les travaux engagés par le Gouvernement en publiant au mois de juillet dernier neuf notes thématiques. Là encore, la politique du logement a été étudiée. Cet effort s’inscrit dans la droite ligne des propos du Premier président, M. Pierre Moscovici, qui a préconisé, devant les sénateurs, de « lever le capot » de la dépense publique.
Quels sont les effets de ces premiers rapports ? Je vous le donne en mille : il n’y en a pas !
J’en donne un seul exemple : le Fonds national d’action sociale de la branche famille. La conclusion des travaux réalisés à ce sujet a déclenché l’ire des élus locaux. Ainsi, le 30 septembre dernier, voici ce que tweetait le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) : « Après l’alerte de l’AMF sur la décision de diminuer, en 2023, puis de supprimer à la rentrée 2024 le fonds de soutien aux activités périscolaires, Élisabeth Borne m’a fait savoir que les crédits pour 2023/24 seraient rétablis. Pour la rentrée 2024, l’AMF fera des propositions. » Traduction : six mois de travail pour rien…
Ces travaux pourraient être utilement complétés par ceux du Conseil d’État, qui, dans son étude annuelle publiée au début du mois de septembre, nous invite à étudier les politiques publiques en chaussant non pas seulement les lunettes de celui qui les fait, mais aussi celles de l’usager, ce qui revient à les aborder en donnant la priorité à l’impératif de proximité et au pragmatisme.
Un deuxième champ doit faire l’objet d’une évaluation si nous voulons diminuer la dépense publique, celui des dépenses fiscales.
Pour une meilleure information du Parlement, l’exécutif devra remettre annuellement une liste des niches fiscales arrivant à échéance ainsi qu’une évaluation des niches non bornées dans le temps. Tout cela sera très certainement pour le projet de loi de finances pour 2025, car je n’ai toujours pas trouvé de document en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2024 – ce n’est pas faute d’avoir cherché de nouveau il y a encore quelques instants…
Il conviendrait avant toute chose de définir ce qu’est une dépense fiscale : dans le tome II du document d’évaluation des voies et moyens annexé au PLF pour 2024, pas moins de cinq pages sont nécessaires pour nous expliquer de quoi il retourne. La norme actuelle est très floue : comment expliquer que le taux de TVA à 10 % sur la cantine d’entreprise soit considéré comme une dépense fiscale quand le taux de TVA à 5,5 % sur la cantine scolaire ne l’est pas ?
Par ailleurs, les dépenses fiscales n’ont pas de « responsable » au sens des « responsables de programme » de la Lolf : ce sont des dépenses de guichet.
La dernière revue systématique des dépenses fiscales remonte à 2011. Elle faisait suite à une inscription dans la loi de programmation des finances publiques de 2009. À l’époque, 315 dépenses avaient été analysées. Dans son rapport sur le budget de l’État en 2022, la Cour des comptes relève que les multiples évaluations annoncées depuis dix ans sont restées lettre morte. Et le PLF relatif au prochain exercice ne fait pas exception : sur les 467 dépenses inscrites dans le document d’évaluation que j’ai cité, 403 seulement sont chiffrées, dont 129 avec un ordre de grandeur. Dit autrement, 41 % des dépenses fiscales sont mal connues ! La présente loi de programmation limitant leur durée à trois ans, il va falloir dès maintenant commencer le travail d’évaluation…
Au prochain épisode, je vous parlerai de l’évaluation du budget climatique : là aussi, il y aura beaucoup à dire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il n’emporte aucune contrainte normative ni pour le Gouvernement ni pour le Parlement, ce projet de loi de programmation permet d’apprécier, ou non, les choix qui s’imposeront aux Français pour les années à venir.
Ce qui nous est proposé aujourd’hui ne témoigne d’aucune remise en cause du modèle politique actuel : nous sommes ici dans la continuité de ce qui ne marche pas et, de nouveau, dans le refus des évidences.
Tel était déjà le sens de ce qu’a imposé le Gouvernement par le biais du 49.3 à l’Assemblée nationale ; tel n’est pas beaucoup moins le sens de ce que contient la version sénatoriale de ce texte.
Mes chers collègues, nous ne pouvons nous soumettre en permanence aux injonctions de Bruxelles.
Nous ne pouvons faire nos économies sur le financement des collectivités territoriales et de leurs projets ni sur le droit de nos compatriotes à profiter de leur retraite après une vie de travail.
Nous ne pouvons non plus faire ces économies sur des bouts de chandelle pour l’État qui sont des coups de poignard dans le dos de nos compatriotes, comme l’est la fin des avantages fiscaux pour le gazole non routier (GNR), véritable trahison à l’égard de nos agriculteurs et d’un grand nombre d’entreprises.
Monsieur le rapporteur général, vous disiez voilà quelque temps, à juste titre, que le Gouvernement n’opérait aucun virage structurel ; je regrette que la majorité sénatoriale préserve certains totems.
Les parlementaires du Rassemblement national défendent d’autres priorités.
Nous défendons la baisse de la contribution nette que verse la France à l’Union européenne. Nous défendons la lutte contre la fraude sociale, la vraie, celle, par exemple, des 3 millions de fausses cartes Vitale en circulation. Nous défendons la priorité nationale et la lutte contre l’immigration, légale comme illégale, pour des raisons économiques et sociales, mais aussi, fatalement et de plus en plus, pour des raisons sécuritaires, que l’actualité nous a tristement rappelées. Nous défendons la taxation des superprofits, mesure de justice fiscale et sociale. Nous défendons la suppression d’agences d’État parmi celles qui ont le plus prouvé leur inutilité. Nous défendons un rééquilibrage territorial et une réorientation des moyens alloués à certains territoires confisqués de la République vers nos communes, notre ruralité et nos agriculteurs qui, eux, ne sauraient faire l’objet d’aucune cure d’austérité, loin de l’aumône annoncée dans le PLF 2024 d’une augmentation de 220 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement.
Loin de seulement pointer du doigt une mauvaise gestion des deniers publics par le Gouvernement, nous dénonçons des aberrations politiques, économiques et sociales qui n’ont que trop duré et qui confirment avant tout que l’exécutif est incapable de changer de logiciel, par conformisme et par manque de courage.
Le Sénat peut jouer un autre rôle que celui de limiter les pots cassés des mauvaises politiques présidentielles, il peut proposer une voie alternative complète.
Pour ces raisons, nous nous opposons à ce projet de loi de programmation des finances publiques.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes bientôt en 2024 : plus le temps passe, moins ce texte est d’actualité. Pourtant, son adoption demeure nécessaire.
L’instauration des lois de programmation pour les finances publiques est une avancée positive, qui date du quinquennat de François Hollande. C’est suffisamment rare pour être souligné. (Sourires.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Ce n’est pas la seule !
M. Emmanuel Capus. Cet objet vise à dessiner une trajectoire, sur cinq ans, pour nos finances publiques. Il s’agit d’une prévision, qui ne contraindra pas les futurs débats budgétaires. Nous serons chaque année libres de nous y tenir ou de nous en écarter. Cela vaut pour le Gouvernement autant que pour le Parlement.
Ce caractère non contraignant rend-il cet objet sans valeur ? Je ne le crois pas. Je vois, pour ma part, trois bonnes raisons de l’adopter.
La première est une raison de temporalité : l’objectif d’une loi de programmation est de fixer, dès le début du quinquennat, une trajectoire pour nos finances publiques. Comme je le soulignais, plus le temps passe, moins la prévision est engageante et moins le texte est d’actualité. C’est pourquoi je me réjouis que son examen soit de nouveau à l’ordre du jour, en vue d’une adoption prochaine par le Parlement.
La deuxième raison tient à une question de principe : adopter cette loi de programmation, c’est bien sûr trouver un point d’équilibre politique, mais c’est aussi envoyer un message à nos partenaires européens et aux institutions financières.
Sauf à ce que quelqu’un trouve, d’ici à la fin de l’année, une solution pour effacer, d’un coup, d’un seul, la dette publique de la France, il est important de veiller à notre crédibilité sur la scène internationale. Pour ce faire, il est indispensable de trouver un accord politique sur cette loi de programmation.
La troisième et dernière raison vaut 18 milliards d’euros, soit le montant des deuxième et troisième paiements que la France attend encore du plan de relance européen. Leur versement est conditionné à l’adoption de cette loi de programmation.
Le plan de relance européen a permis à tous les États membres de limiter l’impact de la crise sanitaire. Il a impulsé une forte dynamique dans les domaines économique et politique. Nous contenter d’une lecture comptable reviendrait à l’ignorer. Il serait irresponsable de laisser des querelles politiciennes nous priver de ressources aussi considérables.
Toutes ces raisons justifient donc, sur la forme, l’adoption de ce texte.
Reste le fond, mes chers collègues. Je le dis sans ambiguïté, monsieur le ministre, notre groupe soutient ce texte. Sur certains points, nous proposons d’en relever l’ambition, par exemple sur la réduction des effectifs de l’État. Nous avions déjà fait adopter cette mesure en première lecture, monsieur le rapporteur général, et je me réjouis qu’elle figure dans le texte en nouvelle lecture.
En tout état de cause, je remercie le rapporteur général et le président de notre commission d’œuvrer à l’adoption de ce texte. Au-delà des divergences politiques, c’est important pour le fonctionnement de notre démocratie et pour préparer l’avenir de notre pays. Le Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, est au rendez-vous du débat.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. J’espère que vous resterez plus longtemps que votre prédécesseur (Sourires.) : quatorze mois, c’est trop court !
Ce départ prématuré démontre que le redressement des finances publiques n’est malheureusement pas une priorité pour le Gouvernement.
Je me permets, comme à vos prédécesseurs, de vous offrir mon livre, Les vertus de l’équilibre, publié en 2020. Cet ouvrage reste malheureusement d’actualité et risque de le rester longtemps. J’espère que vous prendrez le temps de le lire…
Si je devais le résumer en deux idées, je dirais, premièrement, que les pays qui sont à l’équilibre budgétaire ou en excédent – cela existe, il y en a même un certain nombre – sont en meilleure santé économique que nous.
Je dirais, deuxièmement, que la rigueur est une qualité indispensable pour bien gérer l’argent public et qu’elle n’est pas impopulaire, contrairement à une idée largement répandue. Cette rigueur n’est pas incompatible avec le cœur. C’est l’alliance de la rigueur et du cœur qui fait une bonne politique.
Je voudrais profiter de mon intervention pour dénoncer les âneries entendues sur les finances publiques, qui n’aident pas nos compatriotes à y comprendre quelque chose.
D’un côté, à gauche, on n’arrête pas de dénoncer le retour de l’austérité : cela fait peur et on aime bien se faire peur !
Mais ce retour à l’austérité, on le dénonce sans définir ce qu’est l’austérité et sans nous dire quand elle a été appliquée en cinquante ans. Mes chers collègues, je vais vous faire gagner du temps, ne cherchez pas : elle n’a jamais été mise en œuvre en France au cours des cinquante dernières années !
De l’autre côté, le ministre de l’économie présente un budget prétendument « à l’euro près », après avoir emprunté 800 milliards d’euros en six ans ! (M. le rapporteur s’esclaffe.)
Autre ânerie incompréhensible, le même ministre déclare qu’il faut accélérer le désendettement ; mais, pour accélérer, encore faudrait-il avoir démarré ! Dois-je rappeler qu’il prévoit même de battre le record des emprunts en 2024 ?
Le groupe UC, au nom duquel je m’exprime, votera cette loi de programmation pour deux raisons.
Tout d’abord, il la votera pour garantir – cela a été rappelé à maintes reprises – que la France puisse bénéficier des fonds du plan de relance européen à la mise en œuvre duquel elle a grandement contribué.
L’absence de loi de programmation risquerait, à en croire ce qu’écrit le ministre de l’économie, de faire peser un doute sur deux versements européens, d’un montant de 18 milliards d’euros. Pourtant, en matière budgétaire, il est rare que les règles européennes soient appliquées…
Nous n’avons jamais respecté les critères de Maastricht et nous avons empilé les « déficits excessifs » sans que Bruxelles ose recourir au panel de sanctions prévues à cet effet… Mais, dans le doute, le groupe Union Centriste préfère assurer.
Le groupe UC votera ensuite cette loi de programmation, car la version que le Sénat devrait adopter sera plus volontariste, avec deux orientations fortes concernant la trajectoire des finances publiques que notre groupe approuve : le retour à un déficit public en deçà du seuil des 3 % du PIB dès 2025, au lieu de 2027 dans la copie du Gouvernement ; la nécessité d’efforts de redressement budgétaire identiques pour les collectivités locales et pour l’État, hors mesures exceptionnelles de crise.
Si mon groupe votera ce texte, je tiens à préciser qu’à titre personnel je voterai contre, malgré les améliorations indéniables du Sénat, et ce pour trois raisons principales.
Premièrement, les prévisions de croissance sont, comme toujours, beaucoup trop optimistes. (M. le ministre délégué se montre dubitatif.) En matière de prévisions budgétaires, non seulement il fera beau demain, mais aussi pendant les cinq prochaines années. Ainsi, au seul titre de l’année 2024, le Gouvernement prévoit une croissance presque deux fois plus élevée que le consensus des économistes. J’ai bien entendu ce qu’en pense le FMI, attendons de voir ce qu’il en sera. Les économistes tablent sur une progression de 0,8 %, contre 1,4 % pour le Gouvernement.
Deuxièmement, les efforts indispensables pour redresser nos finances publiques soit n’existent pas, soit sont reportés en fin de période, soit ne pèsent que sur les collectivités, soit les trois à la fois. Tout cela n’est pour moi pas crédible !
Troisièmement, les budgets pour 2024 présentés récemment prouvent que les engagements du Gouvernement dans le présent projet de loi ne sont, dans la pratique, pas tenus.
La dépense publique n’est pas maîtrisée, mais elle augmente encore de 47 milliards d’euros en 2024. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues : 47 milliards d’euros !
L’emploi de l’État et de ses opérateurs augmentera de plus de 8 200 équivalents temps plein en 2024, alors même que l’article 10 du présent projet de loi vise à engager l’État à la stabilité de ses effectifs.
Monsieur le ministre, faire des économies ne consiste pas à ne pas reconduire des dépenses exceptionnelles d’une année sur l’autre. Si j’achète une voiture une année, ne pas acheter de voiture l’année suivante, ce n’est pas faire des économies ! Or, de vraies économies, il y en a plein à faire. Je vous renvoie à nos travaux et à mon livre, vous y trouverez de nombreuses pistes.
En matière de gestion de l’argent public, il serait utile de respecter deux règles intangibles : la prudence dans la prévision et la rigueur dans l’exécution. Je regrette que l’on n’ait aujourd’hui ni l’une ni l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’inscrirai dans les propos de mon collègue Daniel Breuiller, qui s’était exprimé en première lecture, tant le texte a peu évolué.
Prévoir et construire les trajectoires budgétaires de notre pays pour les années qui viennent est un exercice démocratique important. Pourtant, la lecture de ce texte nous donne assez peu d’espoir sur l’avenir de notre pays.
Que ce soit pour le Gouvernement ou pour la majorité sénatoriale, ce projet de loi est l’illustration d’un double déni qui fragilise notre destin commun.
Sur les questions écologiques, le compte n’y est pas. Il y a dans ce texte un affaiblissement profond de la parole de notre pays. La France, qui a su montrer la voie avec les accords de Paris, renie sa parole quand il faut la mettre en actes.
Alors qu’elle a pris de nouveaux engagements climatiques européens, avec l’ambition de réduire d’ici à 2030 de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre, elle oublie ici qu’elle doit provisionner les investissements publics nécessaires.
La marche est haute : le mur d’investissements publics et privés pour atteindre nos objectifs est colossal. Et plus nous attendons pour agir, plus ce montant grimpera. Or s’il est une dette qu’on ne rembourse pas, c’est bien la dette climatique.
Nous aurions dû voir apparaître ici la trajectoire financière qui en découle ; ce n’est pas le cas. Nous sommes largement en dessous des besoins. C’est symptomatique de la dissonance française sur la question : d’un côté, un secrétariat général à la planification qui pourrait construire un scénario de décarbonation secteur par secteur ; de l’autre, une programmation des finances publiques qui regarde l’avenir avec les seules lunettes comptables et ignore la globalité des besoins.
D’un côté, un ministre de l’écologie qui plaide pour l’adaptation de la France à une trajectoire à +4 degrés Celsius ; de l’autre, un ministre des comptes publics qui n’intègre pas cette impérieuse nécessité d’adaptation dans sa trajectoire budgétaire de long terme.
En refusant d’agir et de nous montrer à la hauteur, ce sont les générations futures que nous condamnons par notre inaction.
Nous avons besoin d’une programmation pluriannuelle des financements de la transition écologique afin de réellement planifier, de sécuriser les moyens nécessaires aux transformations profondes de notre société et d’offrir des perspectives claires à notre économie.
Si l’on parle d’écologie, alors il faut aussi parler des acteurs majeurs de sa mise en œuvre : les collectivités territoriales. L’attitude de l’État à leur égard les inquiète. Si la crise, notamment énergétique, les frappe durement, il en est de même de la suppression de leurs leviers fiscaux comme la CVAE ou du corsetage de leurs dépenses de fonctionnement.
Écologie, collectivités, mais aussi santé, avec une contrainte extrêmement forte sur l’Ondam : c’est tout le champ du bien public qui est contraint, limité, restreint par une vision idéologique des finances publiques partagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale.
À cela près que la majorité sénatoriale a ajouté un coup de rabot budgétaire supplémentaire à ce texte. Et pas des moindres : un objectif de réduction des emplois publics de 5 % en équivalents temps plein !
Oui, au moment où nous avons tant besoin d’une République en acte, au moment où les agents publics qui la font vivre doivent se sentir soutenus, la droite sénatoriale propose un plan social d’ampleur. Dans le contexte actuel, c’est assurément un désarmement de notre République auquel nous ne pouvons adhérer.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Absolument pas !
M. Thomas Dossus. Pour autant, la situation n’est pas inextricable. Les ressources potentielles sont là, elles existent. Nous pourrions mettre en œuvre de nouvelles contributions sur le patrimoine des plus riches ou sur les profits énormes des grandes entreprises – souvent polluantes – qui ont honteusement profité de la crise.
Nous pourrions aussi prévoir une extinction des niches fiscales anti-écologiques fléchée vers des mesures de soutien pour les actifs, pour les ménages et pour les plus fragiles. Voilà quelques pistes concrètes.
Les besoins, mais aussi les leviers, comme les sources de financement, sont connus de tous. Pourtant, texte après texte, budget après budget, la même déception, le même constat d’échec se font jour : la transition n’est toujours pas au rendez-vous et le service public est de plus en plus affaibli. Le double déni est toujours présent.
C’est pourquoi, comme en première lecture, nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, André Comte-Sponville, lors d’un débat au 93e congrès des maires, trouvait les mots justes : « Je suis convaincu qu’il y a un bonheur d’être maire, au moins un bonheur attendu, un bonheur espéré. Attention, cela ne veut pas dire que vous êtes heureux, mais cela veut dire que vous êtes maire pour être heureux. »
À la lecture de ce projet de loi de programmation des finances publiques, les élus locaux s’éloignent considérablement du bonheur. La raison est à la fois simple et énoncée clairement : « Les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique. » C’est inscrit en toutes lettres dans ce projet de programmation. Les collectivités territoriales sont mises au pain sec, pour paraphraser la très inquiétante formule du président Retailleau. Pourtant, la majorité sénatoriale apporte son soutien aux articles 13 et 16.
Le premier, l’article 13, ne prévoit ni plus ni moins qu’une baisse de 2,55 milliards d’euros constants des concours financiers de l’État, qui représentent 50 % des transferts financiers que perçoivent nos collectivités, soit 5,8 % de moins en volume, une bouchée de pain !
Peu importe que, dès la première année de programmation entre le texte initial et la nouvelle version, 1,8 milliard d’euros supplémentaires soient prévus, attestant de l’obsolescence programmée de cette loi de programmation. Vous me direz que c’est moins que les 4,5 milliards d’euros de rabot du texte initial, mais je ne connais aucun maire dans mon département du Nord qui avoue pouvoir se passer du moindre euro.
Vous disiez dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vouloir faire confiance aux élus locaux : commencez donc par les écouter.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Éric Bocquet. Nous leur dirons, partout dans nos départements, que vous leur faites rembourser la dette publique au mépris des réalités financières locales.
Le second, l’article 16, inscrit une baisse de 0,5 % des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités en volume par année. La majorité sénatoriale, là non plus, ne dit rien, acquiesce, prend acte et vote. Elle allège légèrement le fardeau des départements en excluant quelques-unes des dépenses contraintes.
Non sans une certaine ambiguïté, elle se félicite que cet objectif ne soit plus contraignant. Nous nous sommes battus pour la suppression du retour des contrats de Cahors, véritables pactes de défiance envers les collectivités locales qui avaient déjà frappé 322 communes lors du précédent quinquennat.
Le côté droit de l’hémicycle se borne à demander que l’effort de l’État soit au moins aussi important que celui des collectivités. La position politique que vous adoptez est une fois de plus très simple : l’austérité – n’en déplaise à Vincent Delahaye – pour toutes les administrations publiques, l’État, les collectivités et la sécurité sociale.
N’y a-t-il pas un renchérissement des taux d’intérêt dû au resserrement de la politique de la Banque centrale européenne ? N’y a-t-il pas une augmentation des financements de la Banque des territoires du fait de l’indexation des prêts sur le taux du livret A, insuffisamment majoré ? Les collectivités, qui souffrent dans leur capacité de financement, devraient réduire encore leurs dépenses de fonctionnement et se débrouiller seules, une fois de plus.
Pourtant, les témoignages que j’ai entendus dans le Nord pendant les élections sénatoriales et que je lis également dans le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) sont incompatibles avec ces restrictions à venir. Les achats et charges externes ont bondi de 8,8 %, après une hausse de 5,6 % en 2021. En 2022, la situation arrêtée et connue est grave : l’énergie-électricité a augmenté de 22 % pour les communes de plus de 500 habitants, les combustibles et carburants sont en hausse de 29 %, l’alimentation de 10 % après une augmentation de 24,7 %, les transports de 28 % après une hausse de 19 % en 2021. Voilà qui justifierait pleinement l’adoption des amendements de suppression qui vous seront soumis.
L’évolution obligatoire du point d’indice, pour protéger les agents de la fonction publique, en particulier territoriale, grèvera une nouvelle fois les budgets locaux.
Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’opposera à ce texte, qui valide l’impasse financière des collectivités et empêche le bonheur des élus locaux ainsi que celui de leurs administrés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons bientôt commémorer le cinquantième budget de la France en déficit. (M. Éric Bocquet opine.) Nous pourrions célébrer l’événement en nous gargarisant de notre expertise en la matière et en la faisant partager aux autres pays de l’Union européenne, voire au-delà. Ne soyons pas modestes ! (Sourires.)
Plus sérieusement, année après année, les déficits se creusent. Nous avons dépassé le seuil des 250 milliards d’euros d’emprunt pour le budget de l’État. À ce rythme, nous passerons bientôt le cap des 300 milliards d’euros.
En témoignent les dispositions de ce projet de loi, le remboursement de la dette sera le premier poste budgétaire des dépenses de l’État, devant la défense et l’éducation nationale, pour les années 2023 à 2027.
Ce texte a l’ambition de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB, chiffre que je continue de considérer comme absurde, pour ne pas dire ridicule, car c’est a minima vers l’équilibre budgétaire qu’il nous faut tendre le plus rapidement possible.
À l’examen de ce texte, je note tout d’abord un manque d’ambition en matière de réduction des déficits de notre pays.
Je relève ensuite que les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont considérées comme optimistes par tous les analystes.
J’observe enfin un effort insuffisant du principal responsable de la situation actuelle, à savoir l’État, qui fait porter sur les organismes de sécurité sociale et sur les collectivités territoriales l’essentiel de l’effort budgétaire.
Certains pointent du doigt le taux des prélèvements obligatoires. Ce n’est pas l’aspect le plus critiqué par les Français, car nos concitoyens adhèrent tous à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, dans son article XIII, dispose que, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Mais l’article XIV de cette même Déclaration ajoute que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
C’est bien là que le bât blesse : nos citoyens sont tout à fait disposés à payer des impôts ou à verser des cotisations sociales si leur participation financière est utilisée à bon escient et avec efficacité.
Supprimer des effectifs de la fonction publique ne veut, selon moi, rien dire, car les Français sont attachés à la fonction publique et demandent à juste raison plus de fonctionnaires pour la santé, en particulier dans les hôpitaux, pour l’éducation, pour les tribunaux, mais aussi au sein des forces de police et de gendarmerie.
Or ils constatent que, parallèlement à l’augmentation de leurs contributions, les effectifs des fonctionnaires de proximité diminuent, alors qu’ils ne cessent d’augmenter dans les administrations centrales et chez les opérateurs. C’est là que nous devons agir, selon deux axes essentiels.
D’une part, en fixant un taux maximal de crédits pour les dépenses de l’administration afin que, comme chez nos voisins européens, un maximum de contributions soient affectées aux services opérationnels.
D’autre part, en supprimant chaque année 10 % des opérateurs, agences, hauts conseils, comités Théodule dont l’efficacité n’est pas démontrée.
Je m’abstiendrai sur ce texte pour deux raisons.
En premier lieu, parce que la non-adoption d’une loi de programmation des finances publiques semble compromettre le versement d’aides européennes.
En second lieu, parce que la réduction des déficits, à laquelle je suis favorable, me paraît trop modérée et trop timorée en l’absence de réforme du mille-feuille. Celui-ci, même s’il est composé des strates territoriales, est surtout coiffé par la croûte administrative !
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, Monsieur le ministre, mes chers collègues, après le dépôt de ce texte au mois de septembre 2022, nous voilà de nouveau réunis, presque un an plus tard, pour examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Créée en 2008 par la réforme constitutionnelle, la loi de programmation des finances publiques est un instrument qui prévoit des outils de planification et d’évaluation pour le Parlement.
Elle permet également de limiter les dépenses fiscales et sociales, mais aussi de s’assurer de la stabilité des schémas d’emplois.
Derrière ces objectifs financiers, économiques et sociaux, il s’agit également d’un enjeu de crédibilité à l’échelle européenne.
Si nos avis divergent bien souvent sur les trajectoires de désendettement, accordons-nous cependant sur une chose : nous devons doter la France d’une loi de programmation des finances publiques.
Loin d’être un détail, c’est une nécessité, surtout si notre pays souhaite bénéficier du plan national de relance et de résilience. Je rappelle que la France pourra encore recevoir près de 18 milliards d’euros de subventions dans le cadre de ce plan, au titre de la facilité pour la reprise et de la résilience, adopté en réponse à la crise de la covid, sans oublier les 2,8 milliards d’euros dans le cadre de l’instrument REPowerEU, adopté en réponse à la crise énergétique.
Par conséquent, je considère qu’il est capital d’adopter une loi de programmation. Ne prenons pas de risques inutiles avec la Commission européenne, qui pourrait bloquer les versements financiers que j’évoquais à l’instant, car ces milliards d’euros sont bel et bien conditionnés au respect de nos engagements.
J’ai bien écouté vos arguments en commission, monsieur le président Raynal : si les menaces que nous voyons se profiler sont au conditionnel, je vous suggère, mes chers collègues, de ne pas jouer avec le feu. (M. le ministre délégué acquiesce.) Prendre le risque de ne pas adopter une loi de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques constituerait une menace réelle pour la crédibilité de notre pays.
Comme l’a récemment indiqué le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, le Parlement a adopté des lois de programmation dans des domaines régaliens comme l’armée ou la justice. Il n’y a donc aucune raison de ne pas adopter une loi de programmation en matière de finances publiques.
Si les débats existent en matière de trajectoires budgétaires à propos de la méthode, je tiens à rappeler que le Gouvernement agit pour réduire la dépense publique et diminuer l’endettement de la France comme son déficit.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il agit timidement !
M. Didier Rambaud. Monsieur le rapporteur général, j’ai lu attentivement votre excellent rapport, mais je ne peux m’empêcher de relever que vous y déplorez « l’absence de prise en compte par le Gouvernement du vote du Sénat en première lecture ». Je tiens simplement à rappeler que l’article 23 relatif aux finances des collectivités a été supprimé grâce à la mobilisation des sénateurs de tous bords.
Le Gouvernement et les députés s’y sont ralliés en nouvelle lecture.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je l’ai dit !
M. Didier Rambaud. On ne peut pas dire, d’un côté, que nous ne sommes pas écoutés et, de l’autre, que nous avons obtenu gain de cause.
Car s’il est bien une priorité qui n’a pas varié, c’est la vôtre. En dépit des nouvelles prévisions macroéconomiques, vous avez rétabli à l’identique la trajectoire que vous avez votée en première lecture sans prise en compte, pour reprendre votre formule, des arguments du Gouvernement et de nos collègues députés.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Ils n’ont pas débattu !
M. Didier Rambaud. J’ajoute enfin que nos débats, depuis un an, auraient pu nous ouvrir les yeux sur la nécessité d’être un peu plus cohérents dans nos votes.
Vous ne pouvez, comme l’a rappelé indirectement Claude Raynal, nous donner des leçons de maîtrise budgétaire tout en fixant des trajectoires que vous n’êtes pas en mesure de respecter vous-même. La majorité sénatoriale l’a démontré l’an dernier lors de la période budgétaire en supprimant des recettes ainsi que 33 milliards d’euros de crédits budgétaires.
Le ministre Gabriel Attal avait alors très justement souligné que, sans ce trompe-l’œil,…
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il s’est carapaté !
M. Didier Rambaud. … qui vous a conduit à supprimer l’ensemble des crédits de l’agriculture ou de la cohésion des territoires, nous nous serions retrouvés avec un déficit aggravé, un déficit qui ne respectait pas la trajectoire que vous aviez vous-même défendue en loi de programmation des finances publiques.
Cette année, le projet de loi de finances nous offre un nouvel exemple de cette incohérence : à ce stade, en commission, un seul amendement du groupe Les Républicains permet véritablement de réduire la dépense publique, un seul sur des centaines, qui se chiffrent à près de 100 milliards d’euros !
Comme je le souligne souvent en commission, chez Les Républicains, on veut bien parler d’économies, mais on est nettement moins enthousiaste quand il s’agit de préciser lesquelles et, surtout, de les faire.
Soyons collectivement responsables pour maîtriser nos trajectoires budgétaires et ainsi transmettre des signaux positifs aux institutions européennes, en respectant nos engagements.
Cela étant, compte tenu de la dénaturation du texte en commission qui, selon nous, crée des difficultés et des incohérences, le groupe RDPI s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la loi de programmation des finances publiques constitue une nécessité à plusieurs égards, l’exercice s’apparente de plus en plus à une interminable contrainte formelle pour le Gouvernement, qui doit rendre sa copie à Bruxelles pour débloquer les fonds européens du plan de relance, sans qu’il semble vraiment se préoccuper de son contenu.
Pour le Parlement, disposer d’une LPFP constitue un moyen de contrôle de l’exécutif, dont on voit combien il est nécessaire au regard des dérives qu’ont connues nos finances publiques depuis sept ans, mais qui est aussi malheureusement très peu suivi.
Cette nouvelle copie, malgré quelques progrès, reste peu satisfaisante. L’ambition et les efforts demeurent limités, le volontarisme est insuffisant et, surtout, monsieur le ministre, vous semblez bien optimiste dans vos hypothèses, qu’il s’agisse de la croissance, de la contribution du commerce extérieur ou encore du recul du taux d’épargne.
En outre, il faut noter que nos prélèvements obligatoires resteraient à un niveau très élevé, à 44,4 %, qui plus est sans que l’efficacité de nos dépenses publiques le justifie. Cela confirme qu’il faut d’abord réduire la dépense avant d’envisager de baisser cette pression fiscale, que l’on ne peut en aucun cas imaginer alourdir.
En revanche, nous devrons impérieusement réformer la fiscalité locale, que l’État s’est employé à détruire, sans vision territoriale, depuis 2017.
La France sera le dernier élève de la classe Europe à passer sous la barre des 3 % de déficit public, et encore le fera-t-elle sur le fil, puisque cela ne doit advenir qu’en 2027. Ce n’est pas satisfaisant, raison pour laquelle nous vous proposons d’accélérer ce redressement dès 2025.
Plus encore, à cette même échéance, notre dette publique restera fixée à plus de 108 % du PIB. Cela n’est ni soutenable ni acceptable au regard de la situation de nos grands voisins européens.
En effet, d’une part, dès 2024, la charge de la dette va devenir le premier poste de dépense ; d’autre part, la dette de l’Allemagne s’établit déjà à moins de 70 %, et celle de la zone euro à 90 %. Nous savons que le chemin sera long, mais nous proposons de ramener ce ratio à 105 points.
L’État ne s’impose guère d’efforts, alors qu’il contraint les collectivités dans la trajectoire de la dépense publique.
Cette situation va exiger des efforts tout à fait considérables et fort peu documentés, hors loi de programmation sectorielle : on a du mal à les voir dans le projet de loi de finances pour 2024, puisque celui-ci se résume à 2 milliards d’euros d’économies seulement, hors dépenses exceptionnelles.
Nous vous proposerons de modifier cette trajectoire et de la rendre plus exigeante.
La réduction de l’emploi public en particulier n’est pas au rendez-vous, avec 8 000 emplois supplémentaires dans le PLF 2024. Là aussi, nous réintroduirons la baisse de 5 % que nous avions proposée en première lecture.
J’en viens à l’effort demandé aux collectivités territoriales dans votre projet de loi de programmation. La raison a prévalu, avec le maintien de la suppression de l’article 23, dont on ne sait comment il avait pu être imaginé à l’origine.
Le solde des administrations locales dans le solde global se détériore. Surtout, le montant maximal des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales reste à un niveau qui ne semble pas répondre aux enjeux d’un pays décentralisé et au respect de l’histoire. L’effort de réduction de 0,5 % par an des dépenses est bien différent de ce qui est demandé à l’État ; il est surtout bien risqué quand on sait que ce sont les collectivités qui assurent, dans notre pays, la cohésion nationale.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Eh oui !
M. Stéphane Sautarel. Nos collectivités connaissent un effet ciseaux, que les efforts de gestion qu’elles consentent – contrairement à d’autres… – masquent encore dans les ratios. Elles ne représentent que 8,4 % de la dette publique et ne sont en rien responsables de notre déficit public excessif. Elles subissent, avec notamment une hausse substantielle de leurs charges, un tassement de leur autofinancement, qui va considérablement limiter l’investissement public dans notre pays. C’est une faute de condamner le seul moteur public qui fonctionne encore.
En conséquence, notre groupe, comme il l’avait déjà fait en 2022, en responsabilité, propose l’adoption du texte modifié, lequel doit insuffler une exigence nouvelle et tenue et offrir une sage voie démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
TITRE Ier
ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES
Article 1er et rapport annexé
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, prévu à l’article 1er E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
RAPPORT ANNEXÉ
I. – Après avoir résisté aux crises, l’économie française retrouverait de l’élan
A. – Les perspectives à court terme (2023-2024)
L’année 2022 a vu la poursuite du rebond post-covid se heurter aux conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine. La croissance en moyenne annuelle est restée élevée (+2,5 %) malgré le rebond des tensions d’approvisionnement, le climat d’incertitude et la hausse des prix des matières premières qui ont engendré une dynamique heurtée de l’activité et une inflation élevée pesant sur la consommation des ménages.
L’économie française n’a cependant jamais cessé de croître et les effets négatifs de ces chocs se dissipent progressivement. Les prix des matières premières se sont largement détendus, l’inflation a amorcé son reflux et l’activité a retrouvé de l’élan au deuxième trimestre 2023 (+0,5 %). Les parts de marchés à l’exportation, qui avaient été affectées par les conséquences de la crise sanitaire, rebondissent. Le marché de l’emploi reste également bien orienté, avec un taux de chômage à 7,2 % au deuxième trimestre 2023, un niveau historiquement bas. Pour la seconde moitié de l’année 2023, les derniers indicateurs conjoncturels, pris globalement, indiquent une activité toujours bien orientée. Le principal facteur freinant l’activité serait désormais la hausse des taux d’intérêts. Elle affecterait en particulier l’investissement des ménages, qui se replierait après deux années de forte croissance. L’investissement des entreprises ralentirait à partir du second semestre, mais resterait très dynamique en moyenne en 2023. En moyenne annuelle, la croissance du PIB serait de +1,0 %, une prévision inchangée par rapport au programme de stabilité.
L’inflation (au sens de l’indice des prix à la consommation [IPC]) baisserait légèrement en 2023, à +4,9 % en moyenne annuelle (après +5,2 % en 2022). Elle est toujours atténuée par les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les Français face à la hausse des prix. Le bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés permettrait ainsi de réduire le niveau général des prix d’environ 2 points en 2023. La composition de l’inflation évoluerait toutefois sensiblement : après une première phase d’inflation énergétique, suivie par la hausse des prix alimentaires et manufacturés, l’inflation des services prendrait progressivement le relais, dans le sillage des salaires mais sans risque d’emballement.
En 2024, la croissance serait de +1,4 %, un rythme proche de la tendance de long terme de l’économie française. Le principal soutien à l’activité serait le rebond progressif de la consommation des ménages, grâce à la décrue de l’inflation. Les exportations seraient également bien orientées, profitant d’un rebond du commerce mondial et d’une poursuite du rattrapage des pertes de performances, en particulier dans l’aéronautique. La contribution du commerce extérieur serait ainsi légèrement positive, les importations étant elles aussi plus dynamiques du fait du rebond de la consommation. En revanche, l’investissement pâtirait progressivement de la hausse des taux d’intérêts réels. Si celui des ménages continuerait de reculer, celui des entreprises ralentirait sans baisser, notamment grâce aux baisses des impôts de production et aux besoins toujours importants associés à la double transition écologique et numérique.
L’inflation (au sens de l’IPC) diminuerait sensiblement en 2024, à +2,6 %. La normalisation de l’inflation reposerait largement sur le ralentissement des prix alimentaires et manufacturés, déjà entamé à l’été 2023. La contribution énergétique resterait quant à elle limitée. Les services deviendraient ainsi les principaux contributeurs à l’inflation, en particulier ceux réagissant le plus aux dynamiques salariales (hôtellerie-restauration, services aux ménages, etc.), sans toutefois remettre en cause la normalisation progressive de l’inflation.
Les aléas autour de ce scénario demeurent élevés mais sont équilibrés et l’incertitude s’est fortement réduite par rapport à la fin de l’année 2022 ou au début de l’année 2023. En particulier, l’incertitude entourant la prévision d’inflation s’est nettement réduite, les chiffres des derniers mois étant globalement en ligne avec la prévision du programme de stabilité. Par ailleurs, les risques sur l’approvisionnement énergétique pour l’hiver 2023-2024 ont fortement diminué, grâce à la reconstitution rapide des stocks de gaz, des économies d’énergie qui semblent durables et du fort rebond de la production électrique. Enfin, les turbulences dans le secteur bancaire aux États-Unis et en Suisse en mars et avril n’ont pas pesé sur le fonctionnement des marchés financiers et sur le financement de l’économie.
Le principal aléa concerne désormais le rythme et l’ampleur de la transmission du resserrement monétaire à l’activité. Le scénario du Gouvernement repose sur des taux qui atteindraient leur pic début 2024 avant de baisser progressivement.
L’évolution de l’activité en Chine est aussi un aléa pour la croissance et le commerce mondial. Le scénario intègre un ralentissement économique, qui pourrait être plus ou moins marqué en fonction de l’ampleur et de la contagion des difficultés du secteur immobilier et de la réponse des autorités chinoises.
B. – Les perspectives à moyen terme (2025-2027)
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
PIB (*) |
1,0 |
1,4 |
1,7 |
1,7 |
1,8 |
Déflateur de PIB |
5,7 |
2,5 |
1,8 |
1,6 |
1,6 |
Indice des prix à la consommation hors tabac |
4,8 |
2,5 |
2,0 |
1,75 |
1,75 |
Masse salariale privée (**) |
6,5 |
3,6 |
3,4 |
3,4 |
3,4 |
Croissance potentielle |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
Écart de production (en % du PIB) |
-1,2 |
-1,1 |
-0,8 |
-0,4 |
0,0 |
Note : Données exprimées en taux d’évolution annuelle, sauf précision contraire. |
|||||
(*) Données corrigées des jours ouvrables. |
|||||
(**) Branches marchandes non-agricoles. |
Le scénario potentiel est peu modifié par rapport à celui présenté en première lecture en septembre 2022. La perte pérenne de PIB potentiel en 2020-2022 est revue légèrement à la hausse. Cela reflète une perte de productivité globale des facteurs un peu plus forte qu’estimé en septembre dernier et un rebond un peu plus tardif, en lien avec l’enchaînement de la crise de la covid et des conséquences de l’invasion de l’Ukraine (modification des comportements des ménages et des entreprises en raison de la hausse de l’incertitude et de la hausse des prix de l’énergie). Au total, la perte pérenne liée à la succession des crises sanitaire et énergétique, précédemment estimée à un peu moins d’un point, serait révisée à la hausse à un peu plus d’un point (révision de -0,5 point, à -1,25 point de PIB au lieu de -0,75 point précédemment).
À partir de 2023, la croissance potentielle s’établirait à 1,35 %, la capacité productive de l’économie étant soutenue par les réformes du Gouvernement. Ces dernières contribueraient notamment à accroître l’offre de travail et à parvenir au plein emploi à l’horizon 2027 : il s’agit en particulier de la réforme des retraites, de la réforme de l’assurance chômage, de l’amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi (transformation de Pôle Emploi en France Travail), de la réforme du revenu de solidarité active, de la réforme du lycée professionnel, du succès de l’apprentissage et de la mise en place d’un service public de la petite enfance. La contribution du capital à la croissance serait également soutenue par les mesures du Gouvernement, passées (baisse de l’impôts sur les sociétés, plan France relance) et futures (France 2030, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises [CVAE]).
Cette évaluation de la croissance potentielle est en ligne avec celle du Fonds monétaire international et de l’Observatoire français de conjoncture économique (1,3 %). L’estimation de la Commission européenne est proche sur le court terme (1,1 % en moyenne 2022-2024). L’estimation de l’Organisation de coopération et de développement économique est elle aussi proche, à 1,1 % sur la période 2022-2024 (l’OCDE ne publiant pas au-delà). Au-delà de différences méthodologiques, les prévisions externes n’intègrent pas la majorité des réformes prévues par le Gouvernement qui viendraient souvenir la croissance potentielle, notamment celle des retraites, ce qui peut expliquer une partie importante des écarts.
La croissance effective sur la période 2025-2027 serait supérieure à son rythme potentiel de 1,35 % et l’écart de production, encore de 1,2 % en 2023, serait refermé en 2027. La croissance s’établirait ainsi à 1,7 % en moyenne sur la période 2024-2027, avec un rythme un peu plus important en 2027 (1,8 %), reflétant la dissipation progressive des contraintes liées à la crise sanitaire et au conflit en Ukraine. Du point de vue de la demande, la croissance serait d’abord tirée par la normalisation progressive du taux d’épargne, qui tendrait vers son niveau d’avant crise en 2027. Elle profiterait aussi du rattrapage d’environ un tiers des pertes de performances à l’export observées entre 2020 et 2022 (contre un peu plus de la moitié dans les deux années ayant suivi la crise de 2009, alors que les pertes constatées étaient sensiblement moins importantes). Du point de vue de l’offre, l’activité bénéficierait des mesures de soutien prises par le Gouvernement (France 2030, baisse de la fiscalité sur la production, réformes du marché du travail), ainsi que de la dissipation des contraintes d’approvisionnement persistantes (notamment dans l’automobile et l’aéronautique). Le taux d’investissement des entreprises, qui continuerait d’être soutenu par la transition numérique et écologique et les mesures du Gouvernement (baisse de la fiscalité, notamment), serait quasi-stable après une décennie de hausse rapide.
L’inflation refluerait progressivement vers son niveau de long terme, estimé à 1,75 %, ce qui refléterait la fin de la transmission aux prix à la consommation des hausses passées de prix de matières premières et le ralentissement des salaires (dans le sillage de celui, déjà entamé, de l’inflation). Elle reviendrait en 2026 à +1,75 % au sens de l’IPC, un niveau cohérent avec la cible de la BCE de 2 % pour la zone euro au sens de l’indice des prix à la consommation harmonisé.
Comparaison de l’estimation de croissance potentielle du Gouvernement avec celle de la Commission européenne
|
LPFP 2023 - 2027 |
Commission 2023 - 2027 |
Croissance potentielle (en %) |
1,35 |
0,8 |
– dont contribution du facteur travail (en points) |
0,3 / 0,4 |
0,3 |
– dont contribution du facteur capital (en points) |
0,5 / 0,6 |
0,5 |
– dont contribution de la productivité globale des facteurs (en points) |
0,4 / 0,5 |
0,1 |
Le scénario retenu pour 2023 et 2024 est un peu supérieur à celui de la Commission européenne, qui prévoit une croissance potentielle de +1,1 % par an en moyenne sur cette période dans ses prévisions de printemps 2023. En moyenne sur l’horizon de prévision, la prévision de croissance potentielle de la Commission est plus nettement inférieure à celle du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, à +0,8 % par an en moyenne. Les écarts entre ces deux prévisions tiennent principalement à la prévision de productivité globale des facteurs (PGF) potentielle, qui est plus basse pour la Commission (cf. détail par composantes infra). La baisse marquée de la croissance potentielle entre 2023-2024 et 2025-2027 dans la méthodologie de la Commission contraste avec les projections des autres organismes et souligne l’incertitude qui entoure les estimations potentielles, faisant souvent l’objet de révisions ex post (1).
Concernant la contribution du facteur travail, les différences apparaissent limitées en moyenne sur l’horizon mais ceci masque des hypothèses divergentes. De façon générale, la méthodologie de la Commission ne permettait pas encore de capter l’effet des réformes du Gouvernement sur le marché du travail au-delà de 2024.
De même, le chômage structurel (estimé comme un NAWRU, c’est-à-dire le taux de chômage au niveau duquel il n’y a pas d’accélération des coûts salariaux unitaires réels) diffère de celui de la Commission : le Gouvernement prend en compte une transmission plus rapide de la nette baisse observée du chômage effectif au chômage structurel, alors que la Commission considère que la baisse du chômage observée ces dernières années est largement conjoncturelle. Ainsi, alors que le taux de chômage effectif en France s’établit au deuxième trimestre 2023 à 7,2 %, plus de 3 points sous le point haut atteint en 2015, le chômage structurel estimé par la Commission ne baisse que de moins d’un point sur la même période et se stabiliserait à partir de 2025. La prévision de chômage structurel sous-jacente au PLPFP intègre une montée en charge progressive des réformes prévues par le Gouvernement pour parvenir au plein emploi à l’horizon 2027 (cf. supra).
Les prévisions relatives au facteur capital des scénarios du Gouvernement et de la Commission sont proches, avec une contribution de +0,5 point en moyenne à partir de 2023. Le scénario de capital retenu par le Gouvernement repose sur une quasi-stabilisation du taux d’investissement après deux années, 2021 et 2022, particulièrement dynamiques. Sur la période de prévision, la contribution du capital serait soutenue par les mesures du Gouvernement.
La Commission retient une progression de la productivité globale des facteurs (PGF) potentielle bien plus lente que le Gouvernement (à +0,1 % par an en moyenne contre +0,4 % à +0,5 %). Cela s’explique notamment par la façon dont est analysé et évalué le choc économique lié aux conséquences successives de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. Du fait de la nature exogène et temporaire de ces crises, le Gouvernement a retenu un choc en niveau sur la PGF potentielle, qui se matérialise sur la période 2020-2022. En particulier, il est supposé que ces chocs n’ont pas révélé de déséquilibre préexistant et ne justifient pas de révision de la croissance potentielle sur le passé. Cette absence de déséquilibre et le fort rebond de l’économie dès 2021 suggèrent également de ne pas retenir de baisse de la croissance potentielle en prévision. La Commission a traité la crise de manière différente : elle ne retient pas de choc en niveau, mais un effet lissé sur la productivité tendancielle et donc sur la croissance potentielle sur une période longue. Ainsi, dans ses dernières prévisions pré-crise, la Commission estimait la croissance moyenne de la PGF potentielle à +0,4 % par an sur la période 2011-2019. Elle estime aujourd’hui la croissance moyenne de la PGF potentielle à +0,15 % par an sur cette même période et prolonge cet effet de la crise en prévision sur l’horizon 2022-2027. Sur la PGF, le Gouvernement retient une hypothèse légèrement inférieure à celle de la LPFP 2018-2022 du fait de l’enrichissement de la croissance en emploi, qui se traduirait par l’entrée sur le marché du travail de personnes moins qualifiées, ce qui réduit mécaniquement la progression de la PGF par un effet de composition.
[1] Voir par exemple le retour d’expérience dans Mc Morrow K. et al., « An assessment of the relative quality of the Output Gap estimates produced by the EU’s Production Function Methodology », Commission Européenne, European Economy Discussion Papers, n° 020, déc. 2015.
II. – Dès 2023, le Gouvernement donnera la priorité au renforcement de la qualité des dépenses, notamment des investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, favoriser la compétitivité de nos entreprises et atteindre le plein emploi, tout en respectant nos engagements de finances publiques
A. – Conformément à nos engagements européens, la politique du Gouvernement vise un retour vers l’équilibre structurel et une réduction du ratio de dette publique
La trajectoire retenue dans la présente loi de programmation marque la volonté du Gouvernement d’un retour à des comptes publics normalisés, une fois les crises sanitaire et énergétique passées. La présente loi prévoit ainsi un retour du déficit public sous le seuil des 3,0 % du PIB en 2027, grâce à un redressement du solde structurel de 1,5 point entre 2023 et 2027. Cet ajustement progressif permettra à la France de s’engager, dès 2025, sur le chemin d’une réduction du ratio de dette publique rapporté au PIB : ce dernier, après s’être établi à 112,9 % en 2021, atteindrait 109,6 % en 2025. Il baisserait ensuite, pour atteindre 108,1 % en 2027.
La présente loi de programmation se fonde donc sur une dynamique d’amélioration du solde structurel jusqu’en 2027, en vue de converger vers l’objectif à moyen terme d’équilibre structurel des finances publiques (OMT). Comme prévu dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), l’OMT est fixé de manière spécifique par chaque État, avec une limite inférieure de -0,5 % de PIB potentiel pour la France. Conformément à l’article 1er A de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (modifiée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques), il revient à la loi de programmation des finances publiques de fixer l’OMT visé par le Gouvernement. L’article 2 de la présente loi de programmation fixe l’OMT à -0,4 % du PIB potentiel. L’OMT est inchangé par rapport à la précédente LPFP.
Cette trajectoire de consolidation progressive des finances publiques doit s’accompagner d’un renforcement de la qualité des dépenses, notamment des investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, atteindre le plein emploi et s’assurer de la compétitivité de nos entreprises. Ainsi, la poursuite du déploiement du plan « France 2030 » permettra de stimuler l’économie et de soutenir la croissance potentielle en accélérant la transition écologique, en favorisant l’investissement, l’innovation, la cohésion sociale et territoriale et en assurant la souveraineté numérique et industrielle. Ces différentes mesures pourront être mises en œuvre tout en garantissant la soutenabilité de nos finances publiques via une maîtrise de la dépense publique dans tous les sous-secteurs.
À court terme, la trajectoire des finances publiques est cependant affectée par les conséquences de la guerre en Ukraine et les tensions inflationnistes ainsi que par la volonté du Gouvernement de prendre, face à ce contexte dégradé, des mesures pour protéger le pouvoir d’achat des Français et soutenir les entreprises. Ces mesures ont été mises en œuvre depuis l’automne 2021 et en particulier depuis le début de la nouvelle législature, avec le vote de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 et de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Enfin, cette trajectoire se caractérise par la sortie des dispositifs de soutien d’urgence mis en place pour faire face à la crise sanitaire : encore très soutenues en 2021 pour tenir compte du contexte sanitaire et économique, ces mesures décroissent fortement en 2022 et 2023.
La conformité de cette trajectoire aux règles budgétaires européennes sera évaluée chaque année sur la base des données notifiées, dans le cadre d’une analyse d’ensemble de la Commission européenne, qui tient compte de la situation économique de chaque pays. En ce qui concerne les premières années de la trajectoire, la Commission européenne a estimé en mai 2022 que les conditions d’un maintien de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (activée en 2020 à la suite de la crise sanitaire) en 2023 et de sa désactivation en 2024 étaient remplies, en raison du niveau d’incertitudes et des risques importants afférents au contexte de la guerre en Ukraine. Le maintien de cette clause en 2023 permet de laisser aux politiques budgétaires nationales la marge nécessaire pour réagir rapidement en cas de besoin, tout en assurant une transition sans heurt entre le soutien généralisé apporté à l’économie pendant la pandémie et un recentrage sur des mesures temporaires et ciblées pour garantir la viabilité à moyen terme des finances publiques. Ainsi, en 2023, l’ajustement structurel serait de 0,1 point de PIB, dans un cadre macroéconomique dégradé. L’ajustement structurel serait ensuite de 0,5 point de PIB en 2024, de 0,4 point de PIB en 2025, de 0,3 point de PIB en 2026 et de 0,2 point de PIB en 2027.
Comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne |
Selon les programmes de stabilité et de convergence 2023, le seuil de déficit public de 3 % du PIB serait respecté par onze États membres en 2023 (Chypre, Croatie, Danemark, Grèce, Finlande, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède). L’ensemble des partenaires européens de la France respecterait le seuil de déficit public à l’horizon 2026, à l’exception de la Bulgarie et l’Estonie. Entre 2022 et 2026, le ratio de dette publique sur PIB diminuerait dans la plupart des États membres, notamment dans les pays les plus endettés (à hauteur de -36 points de PIB en Grèce, -18 points au Portugal, -6 points en Espagne et -4 points en Italie). |
B. – Le Gouvernement poursuivra la baisse des impôts amorcée lors du quinquennat précédent, pour favoriser le pouvoir d’achat des Français, la compétitivité de nos entreprises et l’emploi
Sur l’ensemble du dernier quinquennat (2017-2022), le Gouvernement a réduit de manière pérenne les prélèvements obligatoires (plus de 50 milliards d’euros la moitié en faveur des ménages et la moitié en faveur des entreprises), afin de favoriser la croissance et l’emploi. Côté ménages, d’importantes réformes ont été menées afin d’alléger la fiscalité sur le capital productif (instauration du prélèvement forfaitaire unique, transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière) et le travail (bascule contribution sociale généralisée-cotisations), accompagnées de mesures de simplification du système fiscal (instauration du prélèvement à la source) et en faveur du pouvoir d’achat (réforme du barème de l’impôt sur le revenu, suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale). Côté entreprises, les principales mesures fiscales adoptées ont permis de stimuler leur compétitivité, via une réduction des coûts des facteurs de production (capital, travail). Il s’agit notamment de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations, de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés ou encore de la réduction des impôts de production dans le cadre du plan de relance.
Depuis le début du nouveau quinquennat, le Gouvernement poursuit la baisse des prélèvements obligatoires, pour les ménages comme pour les entreprises : suppression de la redevance audiovisuelle, réduction des cotisations sociales des travailleurs indépendants, poursuite de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Déjà réduite en 2023, la CVAE est amenée à disparaître complètement d’ici la fin du quinquennat. Dès 2024, la cotisation minimale à la CVAE sera supprimée ; environ 300 000 entreprises sortiraient donc dès l’année prochaine de l’imposition à la CVAE. Après la réduction pérenne des impôts de production dans le cadre de « France Relance », le Gouvernement continue ainsi d’alléger et de simplifier la fiscalité des entreprises.
En outre, le Gouvernement continuera de soutenir ménages et entreprises en prolongeant la composante fiscale du bouclier tarifaire sur l’électricité (mise au plancher de la taxe sur la consommation d’électricité en 2024), dans le cadre d’une sortie progressive des boucliers sur l’énergie.
Cette stratégie de baisse généralisée des impôts pour les ménages et les entreprises sera financée par un effort de maîtrise des dépenses publiques et de lutte contre la fraude.
Principales mesures nouvelles en prélèvements obligatoires en 2023
|
2023 |
Ménages |
-4,5 |
Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales |
-2,8 |
Bouclier tarifaire sur la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité |
-1,0 |
Barème kilométrique |
-0,3 |
Harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac |
0,2 |
Fiscalisation de la prime de partage de la valeur – effet sur l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux |
0,1 |
Baisse de cotisations des travailleurs indépendants |
-0,6 |
Entreprises |
-5,1 |
Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % |
-0,4 |
CICE – montée en charge et hausse de taux de 6 % à 7 % |
0,1 |
Baisse des impôts de production |
-0,5 |
Bouclier tarifaire sur la TICFE (part entreprises) |
-0,7 |
Suppression de moitié de la CVAE |
-3,7 |
Total des principales mesures nouvelles |
-9,6 |
Traitement en recettes des gains sur charges de service public de l’énergie |
-1,5 |
Contribution sur les rentes infra marginales |
1,9 |
Effet temporaire de la bascule CICE cotisations * |
5,6 |
Autres mesures |
-0,4 |
Total y compris autres mesures |
-4,0 |
* Effet sur les prélèvements obligatoires et non sur le solde public |
|
C. – Une maîtrise de la croissance de la dépense publique à horizon 2027
Le retour à l’équilibre des comptes publics se fondera sur la maîtrise de la dépense. Ainsi, sur la période 2022-2027, la croissance moyenne en volume hors effet de l’extinction des mesures d’urgence et de relance de la dépense publique (hors crédits d’impôt) est prévue à +0,6 %, ce qui constitue un effort significatif en comparaison des évolutions lors des précédents quinquennats : en effet, cette dernière a atteint +2,1 % en moyenne entre 2003 et 2007, +1,4 % entre 2008 et 2012, +1,0 % entre 2013 et 2017 puis +1,2 % entre 2018 et 2022 (hors mesures de soutien d’urgence et de relance et retraitée de l’effet de la création de France Compétences en 2019). Cette maîtrise de la dépense sera partagée par l’ensemble des administrations publiques.
S’agissant de la dépense primaire (c’est-à-dire hors charges d’intérêt) des administrations centrales en comptabilité nationale, le taux d’évolution en volume (hors crédits d’impôts et hors transferts, à champ constant) s’élèvera à -0,9 % en moyenne sur la période 2022-2027. La charge de la dette augmentera de l’ordre de 0,7 point de PIB entre 2022 et 2027. Cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses, qui permettront de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République et les priorités fixées par le Gouvernement en termes de politique publique. La maîtrise des finances publiques s’accompagne d’un renforcement de la qualité des dépenses, notamment des investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, atteindre le plein emploi et s’assurer de la compétitivité de nos entreprises. Dans ce contexte, les dépenses des plans « France Relance » et « France 2030 » se poursuivront, permettant de soutenir l’activité et le potentiel de croissance, en accélérant la transition écologique, en favorisant l’investissement, l’innovation, la cohésion sociale et territoriale et en assurant la souveraineté numérique et industrielle.
La tenue de l’objectif en dépenses implique également la poursuite par les collectivités territoriales de la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. En comptabilité nationale, l’objectif est une baisse de leurs dépenses de fonctionnement de -0,5 % en volume par an sur le quinquennat.
Enfin, les administrations de sécurité sociale, qui représentent plus de la moitié de la dépense publique, participeront également à la maîtrise de l’évolution des dépenses. Cette participation sera rendue possible grâce à la réforme des retraites, à la réforme de l’assurance chômage, à la poursuite de la transformation du système de santé, engagée avec le « Ségur de la santé », ainsi qu’au développement de la politique de prévention. Ainsi, après une hausse de 4,8 % en 2023 (hors covid), la progression de l’ONDAM serait de 3,2 % en 2024, 3,0 % en 2025, puis de 2,9 % en 2026 et 2027.
Croissance de la dépense publique, hors crédits d’impôts |
||||||
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Taux de croissance en valeur |
3,4 |
3,0 |
2,8 |
2,2 |
2,3 |
|
Taux de croissance en volume |
-1,3 |
0,5 |
0,8 |
0,5 |
0,5 |
|
Inflation hors tabac |
4,8 |
2,5 |
2,0 |
1,75 |
1,75 |
Croissance de la dépense publique par sous-secteur, hors crédits d’impôts, à champ constant, hors transfert, en volume |
|||||
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Administrations publiques |
-1,3 |
0,5 |
0,8 |
0,5 |
0,5 |
Administrations publiques centrales |
-3,6 |
-1,4 |
1,9 |
1,5 |
1,2 |
Administrations publiques locales |
1,0 |
0,9 |
0,2 |
-1,9 |
-1,0 |
Administrations de sécurité sociale |
-0,5 |
1,7 |
0,3 |
0,7 |
0,6 |
D. – À l’horizon du quinquennat, l’effort structurel permettra la diminution du ratio de dette publique
Solde public (exprimé suivant les conventions de la comptabilité nationale) |
|||||
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Solde public |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Solde structurel (en points de PIB potentiel) |
-4,1 |
-3,7 |
-3,3 |
-2,9 |
-2,7 |
Ajustement structurel |
0,1 |
0,5 |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
Dépenses et recettes (exprimées suivant les conventions de la comptabilité nationale) |
||||||
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Ratio de dépenses publiques (*) |
57,7 |
55,9 |
55,3 |
55,0 |
54,4 |
53,8 |
Ratio de prélèvements obligatoires (y compris UE) |
45,4 |
44,0 |
44,1 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
Ratio de prélèvements obligatoires (y compris UE), corrigé des effets du bouclier tarifaire |
45,6 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
Ratio de recettes hors prélèvements obligatoires |
7,6 |
7,1 |
7,0 |
7,0 |
6,9 |
6,9 |
Clé de crédits d’impôts |
0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
(*) Hors crédits d’impôts |
|
|
|
|
|
|
1. L’effort structurel portera sur la dépense publique
L’écart de production, encore creusé à court terme dans un contexte macroéconomique dégradé au niveau mondial, se résorberait progressivement à l’horizon 2027 : à partir de 2024, la croissance effective du PIB serait supérieure à la croissance potentielle. Ainsi, la variation conjoncturelle du solde public contribuerait au redressement des finances publiques entre 2021 et 2027 (+1,2 point de PIB).
Cependant, la stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques s’appuiera avant tout sur une amélioration structurelle et donc pérenne : après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les tensions inflationnistes, la France doit retrouver des comptes publics normalisés. Ainsi, le solde structurel, qui s’établit à -5,2 % de PIB potentiel en 2021, se redressera à -2,7 % en 2027 : cela permettra de garantir la soutenabilité de la dette publique et de rapprocher le solde structurel de l’objectif européen de moyen terme (OMT), fixé à -0,4 % du PIB par la présente loi. L’ajustement structurel sera de +0,5 point de PIB potentiel en 2024, de +0,4 point de PIB potentiel en 2025, de +0,3 point de PIB potentiel en 2026 et de +0,2 point de PIB potentiel en 2027. Au total, il sera de +2,5 points de PIB potentiel entre 2021 et 2027.
Cet ajustement sera entièrement porté par un effort structurel en dépense : ce dernier sera de 3,3 points de PIB potentiel entre 2022 et 2027, grâce à une progression des dépenses publiques hors effet de l’extinction des mesures d’urgence et de relance en volume limitée à +0,6 % entre 2022 et 2027, nettement inférieure à la croissance potentielle de l’activité (1,35 %). Cette maîtrise de la dépense permettra au Gouvernement d’améliorer la position structurelle des finances publiques françaises tout en consolidant la baisse de la fiscalité engagée sous le mandat précédent et depuis le début du mandat actuel. Elle sera répartie entre tous les sous-secteurs des administrations publiques, l’État supportant de surcroît les effets de la hausse des taux sur la charge de la dette dans la mesure où il en concentre la majeure partie de la dette des administrations publiques. Au total, l’effort structurel, c’est-à-dire l’effet des mesures discrétionnaires, permettra d’améliorer le solde structurel de 3,3 points de PIB potentiel sur la période considérée, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ne contribuant quasiment pas à la variation de solde structurel sur l’ensemble de la trajectoire.
Enfin, les mesures exceptionnelles et temporaires prévisibles dans le cadre du présent rapport affecteront transitoirement la trajectoire de réduction du solde public. L’effet attendu de ces mesures identifiées en amont de la programmation est toutefois limité, contrairement à la précédente loi de programmation qui avait été marquée en particulier par la transformation du CICE en allègements de cotisations en 2019 (prévue en amont de la programmation) et par le coût des mesures de soutien d’urgence en 2020 en réponse à la crise sanitaire.
Mesures exceptionnelles et temporaires 2022-2027
(En milliards d’euros) |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Mesures en recettes |
-0,4 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,4 |
0,0 |
Dont : |
|||||
– Contentieux OPCVM |
-0,9 |
-0,8 |
-0,8 |
-0,6 |
0,0 |
– Crise sanitaire – primes (prêts garantis par l’État) |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,2 |
0,0 |
Mesures en dépense |
2,5 |
1,9 |
1,3 |
0,8 |
0,3 |
Dont : |
|||||
– Intérêts des contentieux |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
0,2 |
0,0 |
– Sinistralité PGE |
2,1 |
1,6 |
1,1 |
0,6 |
0,3 |
– Sinistralité BEI |
0,3 |
0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Variation du solde structurel 2022-2027
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Variation du solde structurel (ajustement structurel) |
1,0 |
0,1 |
0,5 |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
Effort structurel |
-0,4 |
1,7 |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
– Contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires |
-0,4 |
-0,3 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,0 |
– Effort en dépense (y compris crédits d’impôt) |
0,0 |
2,1 |
0,5 |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
Composante non discrétionnaire |
1,4 |
-1,7 |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
-0,1 |
Élasticité des prélèvements obligatoires 2022-2027
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Élasticité des prélèvements obligatoires (hors UE) |
1,6 |
0,6 |
1,1 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
Décomposition structurelle par sous-secteur 2022-2027
|
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
APU |
Solde effectif |
-4,8 |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Solde conjoncturel |
-0,5 |
-0,7 |
-0,6 |
-0,4 |
-0,2 |
0,0 |
|
Solde structurel |
-4,2 |
-4,1 |
-3,7 |
-3,3 |
-2,9 |
-2,7 |
|
Solde des one-offs |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
|
APUC |
Solde effectif |
-5,2 |
-5,4 |
-4,7 |
-4,3 |
-4,2 |
-4,1 |
Solde conjoncturel |
-0,3 |
-0,4 |
-0,3 |
-0,2 |
-0,1 |
0,0 |
|
Solde structurel |
-4,9 |
-4,9 |
-4,3 |
-4,0 |
-4,0 |
-4,1 |
|
Solde des one-offs |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
|
APUL |
Solde effectif |
0,0 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
0,2 |
0,4 |
Solde conjoncturel |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
Solde structurel |
0,1 |
-0,2 |
-0,2 |
-0,1 |
0,2 |
0,4 |
|
Solde des one-offs |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
ASSO |
Solde effectif |
0,4 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
Solde conjoncturel |
-0,2 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
-0,1 |
0,0 |
|
Solde structurel |
0,6 |
1,0 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
1,0 |
|
Solde des one-offs |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Effort structurel par sous-secteur 2022-2027
|
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
APU |
Variation du solde structurel |
1,0 |
0,1 |
0,5 |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
Dont effort structurel |
-0,4 |
1,7 |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
|
Effort en recettes |
-0,4 |
-0,3 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,0 |
|
Effort en dépense |
0,0 |
2,1 |
0,5 |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
|
APUC |
Variation du solde structurel |
0,2 |
-0,1 |
0,6 |
0,3 |
0,0 |
-0,1 |
Dont effort structurel |
-0,5 |
0,9 |
0,4 |
0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
|
Effort en recettes |
-0,4 |
-0,3 |
-0,1 |
0,2 |
0,0 |
-0,1 |
|
Effort en dépense |
-0,2 |
1,2 |
0,5 |
-0,2 |
-0,1 |
0,0 |
|
APUL |
Variation du solde structurel |
0,0 |
-0,3 |
0,0 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
Dont effort structurel |
-0,1 |
0,2 |
0,1 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
|
Effort en recettes |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
Effort en dépense |
-0,1 |
0,1 |
0,0 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
|
ASSO |
Variation du solde structurel |
0,8 |
0,4 |
-0,2 |
0,1 |
0,0 |
0,1 |
Dont effort structurel |
0,3 |
0,7 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,1 |
|
Effort en recettes |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
Effort en dépense |
0,3 |
0,7 |
-0,1 |
0,2 |
0,1 |
0,1 |
2. Le ratio de dette des administrations publiques amorcera sa décrue en 2025
L’effort de maîtrise des dépenses publiques, objectif nécessaire une fois la crise sanitaire passée et le contexte macro-économique stabilisé, permettra la réduction du ratio de dette publique à partir de 2025, tout en laissant au Gouvernement des marges de manœuvre pour consolider la baisse de fiscalité engagée sous le mandat précédent et depuis le début du mandat actuel.
En 2021, le ratio d’endettement s’inscrirait à 112,9 % selon les chiffres publiés par l’Insee le 31 août 2023. Il connaîtrait une première baisse en 2022 et 2023 (respectivement à 111,8 % puis 109,7 %), en raison notamment de la vigueur de la croissance nominale en 2022 et 2023.
Il serait stable en 2024, puis poursuivrait sa décrue dès 2025 pour s’établir à 108,1 % en 2027. Cette trajectoire s’explique principalement par l’écart du solde public à son niveau stabilisant le ratio de dette. En effet, compte tenu du scénario de croissance de moyen terme, le solde stabilisant le ratio de dette se situerait à compter de 2025 entre -3,8 % et -3,6 % du PIB. Ainsi, à partir de 2025, le solde public dépasserait le niveau stabilisant le ratio de dette chaque année et ce dernier commencerait donc à refluer. Les flux de créances contribueraient marginalement à la baisse de la dette à moyen terme, en raison notamment du décalage comptable sur les recettes issues du financement européen du plan relance.
Dette par sous-secteur 2021-2027
(En points de PIB) |
|||||||
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Dette publique |
111,8 |
109,7 |
109,7 |
109,6 |
109,1 |
108,1 |
|
– contribution des APUC |
92,2 |
91,6 |
92,4 |
93,5 |
94,5 |
95,4 |
|
– contribution des APUL |
9,3 |
9,0 |
8,9 |
8,8 |
8,3 |
7,6 |
|
– contribution des ASSO |
10,2 |
9,1 |
8,4 |
7,4 |
6,3 |
5,1 |
Écart au solde stabilisant, flux de créances et variation du ratio d’endettement
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Variation du ratio d’endettement (1 + 2) |
-1,1 |
-2,1 |
0,1 |
-0,1 |
-0,6 |
-1,0 |
Écart au solde stabilisant (1 = a - b) |
-1,1 |
-2,2 |
0,2 |
0,0 |
-0,4 |
-0,9 |
– Solde stabilisant la dette (a) |
-5,9 |
-7,1 |
-4,2 |
-3,8 |
-3,5 |
-3,6 |
– Pm. croissance nominale |
5,5 |
6,8 |
4,0 |
3,6 |
3,3 |
3,4 |
Solde public au sens de Maastricht (b) |
-4,8 |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Flux de créances (2) |
0,0 |
0,1 |
-0,1 |
0,0 |
-0,2 |
-0,1 |
Charge d’intérêts et solde primaire 2022-2027
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Solde public |
-4,8 |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Charge d’intérêt |
1,9 |
1,7 |
1,9 |
2,2 |
2,4 |
2,6 |
Solde primaire |
-2,9 |
-3,3 |
-2,4 |
-1,6 |
-0,8 |
-0,1 |
Engagements contingents
(En % du PIB) |
||
|
2021 |
2022 |
Dette garantie par l’État |
12,8 |
11,4 |
Scénario de taux et choc de taux
Le choc d’inflation observé en 2022 a provoqué une normalisation accélérée de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), entraînant une rapide remontée des taux.
Le profil de taux sous-jacent à la prévision de charge de la dette repose, d’une part, sur l’hypothèse, correspondant aux anticipations de marché actuelles, d’une légère détente des taux directeurs de la BCE courant 2024, puis d’une stabilisation à un niveau cohérent avec les autres hypothèses macroéconomiques retenues dans la LPFP.
Le scénario retenu pour la fin 2023 et pour 2024 retient l’hypothèse d’une stabilité globale des taux longs dans ce contexte, qui augmenteraient cependant légèrement sous l’effet de la politique de resserrement quantitatif (baisse des achats voire ventes de titres) de la BCE : le taux à 10 ans s’élèverait alors à 3,40 % fin 2023 et à 3,50 % fin 2024 puis à 3,60 % à partir de fin 2025. S’agissant des taux courts, le taux à 3 mois qui atteindrait 3,90 % fin 2023 baisserait à 3,50 % fin 2024, puis se maintiendrait à ce niveau.
Hypothèses de taux en fin d’année
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Taux courts (BTF 3 mois) |
3,90 % |
3,50 % |
3,50 % |
3,50 % |
3,50 % |
Taux longs (OAT à 10 ans) |
3,40 % |
3,50 % |
3,60 % |
3,60 % |
3,60 % |
Une remontée durable des taux d’intérêt au-dessus de ces hypothèses constituerait un facteur d’augmentation progressive de la charge de la dette par rapport à la prévision de la présente loi. Un choc pérenne de taux d’intérêt supplémentaire d’un point sur l’ensemble de la courbe par rapport au scénario de référence entraînerait une hausse de la charge de la dette en comptabilité maastrichtienne de 2,6 milliards d’euros supplémentaires la première année, 6,6 milliards d’euros supplémentaires la deuxième année, 10,3 milliards d’euros supplémentaires la troisième année et près de 13,9 milliards d’euros supplémentaires à l’horizon 2027. À l’inverse, si la trajectoire de remontée des taux était plus basse d’un point que le scénario central, cela entraînerait une baisse de la charge de la dette symétrique.
Évaluation minimaliste, moyenne et maximaliste de l’évolution des taux d’intérêt et de son impact sur les comptes de l’État
(En milliards d’euros, en comptabilité nationale) |
|||||
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Scénario minimaliste (- 2 points sur toute la trajectoire) |
- |
43,0 |
43,9 |
44,5 |
46,7 |
Scénario central |
38,6 |
48,1 |
57,1 |
65,2 |
74,4 |
Scénario maximaliste (+2 points sur toute la trajectoire) |
- |
53,2 |
70,2 |
85,8 |
102,1 |
NB : Ce tableau est établi en application du 4° de l’article 1er E de la loi organique relative aux lois de finances. Si rien ne peut garantir que la trajectoire future des taux s’inscrive entre ces bornes, les scénarios dits « minimaliste » et « maximaliste » reprennent l’amplitude retenue l’an passé et qui avait été dimensionnée pour correspondre à celle observée depuis le passage à l’euro. L’application dès l’an prochain d’un choc de 200 points de base à la baisse ou à la hausse par rapport au scénario de référence aboutit respectivement à un scénario « minimaliste » qui correspondrait à une inversion brutale de la politique monétaire par exemple pour faire face à une forte récession et à un scénario « maximaliste » où les taux longs atteindraient leurs niveaux extrêmes depuis la création de l’euro par exemple si s’installait un niveau élevé d’inflation dans la durée.
E. – Une gouvernance rénovée des finances publiques renforcera le pilotage de la dépense
1. Le nouveau cadre organique renforce la stratégie pluriannuelle des finances publiques.
À la suite des travaux de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté fin 2021 une loi modernisant le cadre organique des lois de finances. Ainsi la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques porte-t-elle plusieurs évolutions majeures.
Elle contribue d’abord au renforcement du pilotage pluriannuel des finances publiques, notamment par l’intégration dans la loi de finances, au niveau de l’article liminaire, d’un nouveau suivi de l’évolution de la dépense publique en volume et en milliards d’euros (pour l’année sur laquelle porte la loi de finances, l’année en cours et l’année écoulée), qui pourra être lue en écart à la trajectoire de référence définie par la présente loi de programmation des finances publiques. Cette trajectoire d’évolution est désormais déclinée par sous-secteur des administrations publiques pour en faire un réel outil de pilotage. Pour le budget de l’État, les projets annuels de performances doivent présenter chaque année des plafonds de dépenses pour trois ans au niveau du programme.
Les lois de programmation des finances publiques sont également renforcées par le nouveau cadre organique. Elles doivent désormais présenter une trajectoire en niveau et en évolution des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement. Les principales dépenses de cette trajectoire – compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme – doivent par ailleurs faire l’objet d’une présentation détaillée en annexe de ces lois.
Le nouveau cadre organique renforce par ailleurs le rôle du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dont le mandat est étendu. Le HCFP sera dorénavant compétent, au-delà de l’examen de la cohérence des textes financiers annuels au regard des objectifs de dépense prévus en LPFP, pour contrôler la cohérence des lois de programmation sectorielles ayant un impact sur les finances publiques avec les LPFP.
Dans le cadre de l’élaboration du budget, la loi organique vise à améliorer la qualité de l’information transmise au Parlement et son rôle dans l’examen de la dépense : les annexes au projet de loi de finances sont notamment enrichies en matière de dépenses fiscales. Par ailleurs, l’articulation du calendrier budgétaire avec le calendrier européen est améliorée : l’examen du programme de stabilité par le Parlement pourra être associé à la lecture des résultats de l’exercice précédent. Les débats parlementaires seront enrichis, notamment d’une capacité d’amendement et de vote sur le dispositif de performance. Ils pourront en outre s’appuyer sur une présentation budgétaire clarifiée distinguant l’investissement et le fonctionnement, permettant une appréhension de la dépense publique sous un prisme renouvelé. Cette présentation, conjuguée à l’aménagement d’un temps de débat spécifique consacré à la dette publique, vise à initier une réflexion sur les choix de long terme, en matière de dépenses comme en matière d’endettement.
La nouvelle loi organique permet également de réduire la fragmentation de la dépense et d’améliorer la lisibilité du budget de l’État. L’encadrement des recettes affectées à des personnes morales autres que l’État est renforcé : l’affectation de recettes relève dorénavant du domaine exclusif des lois de finances et obéit à des critères plus précis. De plus, la transparence du budget est renforcée par la présentation en annexe du projet de loi de finances, pour chaque mission, de l’ensemble des moyens de financement de la politique publique concernée : crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales.
2. L’évaluation de la qualité de la dépense publique permettra d’évaluer l’efficacité des politiques publiques et de documenter des économies.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit un nouveau dispositif d’évaluation de la qualité de la dépense publique, conformément aux engagements européens pris par la France dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR).
Il permettra au Gouvernement d’identifier les dépenses les moins efficaces et de prendre à la suite des mesures d’économies, sur la base d’un programme de travail annuel qui fait l’objet d’une présentation au Parlement. Le dispositif s’inspire des meilleures pratiques étrangères ayant démontré leur efficacité dans la maîtrise de la dépense publique et verra ses conclusions partagées avec le Parlement, afin d’alimenter la phase parlementaire dédiée à l’examen des résultats de la gestion et de la performance de la dépense, le « printemps de l’évaluation ».
L’association du Parlement constitue un des axes les plus importants de ce dispositif, qui sera pleinement articulé avec la procédure budgétaire, afin que les évaluations soient suivies de mesures concrètes le plus rapidement possible. L’évaluation deviendra ainsi une pratique régulière avec un calendrier précis et des objets d’évaluation ciblés en fonction des enjeux en termes d’amélioration de la qualité de la dépense et de redressement des comptes publics.
Un premier exercice de revues de dépenses pour la période 2023-2027 s’est déroulé au premier semestre 2023. Il s’est appuyé sur les travaux de douze missions. Un rapport sur l’évaluation de la qualité de l’action publique a été remis par le Gouvernement au Parlement en juillet 2023.
3. La LPFP met en place des outils de maîtrise des dépenses de l’État
a) La LPFP définit une nouvelle norme de pilotage des dépenses de l’État
La présente LPFP définit un système rénové d’agrégat unique des dépenses de l’État en remplacement de l’ancienne norme à deux niveaux (norme de dépenses pilotables [NDP] et l’objectif de dépenses totales de l’État [ODETE]).
Ces outils permettent d’assurer directement le suivi d’un périmètre plus exhaustif de la dépense du budget de l’État et indirectement celui de la dépense des opérateurs et établissements constituant le champ des organismes divers d’administration centrale. L’élargissement de cet agrégat vise à faire entrer la quasi-totalité des dépenses de l’État dans le champ des dépenses pour lesquelles le Gouvernement se fixe un objectif de maîtrise et de pilotage.
Le nouveau périmètre des dépenses de l’État inclut :
– l’ensemble des dépenses du budget général, c’est-à-dire la totalité des missions budgétaires, y compris les missions qui n’ont pas vocation à être pérennes telles que « Investir pour la France de 2030 » ou encore la mission « Plan de Relance », ainsi que des dotations qui visent à porter des investissements en capital, comme l’abondement du budget général au compte d’affectation spéciale (CAS) des participations financières de l’État (PFE) ;
– les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne. Il s’agit de prendre en compte la dynamique de ces contributions de l’État dans le pilotage d’ensemble de la dépense ;
– les budgets annexes, l’essentiel des comptes d’affectation spéciale et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ;
– les taxes affectées plafonnées à des tiers autres que les collectivités territoriales, leurs établissements et la sécurité sociale.
Le nouveau périmètre des dépenses de l’État n’inclut pas en revanche les dépenses dédiées au traitement de la dette (programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » mais aussi programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État » et programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 »). Cet agrégat n’est en effet pas pilotable à court terme et dépend dans une large mesure de la conjoncture. Son évolution est structurante pour l’évolution de la dépense totale de l’État, mais sa dynamique doit être appréciée de façon distincte. Les crédits de contribution aux pensions civiles et militaires positionnés sur le budget général alimentant en recettes le compte d’affectation spéciale « Pensions » sont également exclus.
Concernant les comptes d’affectation spéciale, les dépenses réalisées à partir du CAS « Participations financières de l’État » ne sont pas intégrées au périmètre des dépenses de l’État, ni celles du programme 755 « Désendettement de l’État » du CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », ni celles du programme 743 « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » du CAS « Pensions », ni celles du programme « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État » de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Les autres comptes spéciaux, de commerce, d’opérations monétaires et de concours financiers ne font pas partie du périmètre des dépenses de l’État, compte tenu de la nature spécifique des opérations qu’ils retracent.
Ce périmètre de dépenses élargi vise à faciliter la compréhension et le suivi de l’évolution des dépenses de l’État par le Parlement et les organismes de contrôle et prévenir le traitement dans un champ distinct de dépenses de l’État qualifiées d’exceptionnelles.
Sur la base de la loi de finances pour 2023, ce nouveau périmètre correspond à un montant de crédits de 496 milliards d’euros.
b) Une évaluation dans la durée des dépenses fiscales, sociale et des aides aux entreprises.
La loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027 prévoit des mécanismes pour mieux encadrer les dépenses fiscales et sociales ainsi que les aides aux entreprises afin d’évaluer dans la durée la qualité de ces dépenses. Ce suivi permettra de renforcer les dispositifs les plus efficaces et de revoir les mécanismes les moins efficients au regard des politiques publiques portées.
Les dépenses fiscales, les dépenses sociales et les aides aux entreprises font ainsi l’objet d’une limitation dans le temps. Les dépenses fiscales incitatives, les dépenses sociales et les aides aux entreprises ne peuvent être instaurées que pour une durée limitée allant jusqu’à cinq ans pour les aides aux entreprises. Cette limitation permet, à l’expiration de ce délai, qu’une évaluation de ces dépenses soit menée avant une éventuelle prorogation.
Par ailleurs, les dépenses sociales font l’objet d’un encadrement de leur part dans les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement afin d’inciter à la maîtrise des exonérations et à la régulation des niches sociales les moins efficientes.
c) Une gestion plus précise des emplois de l’État et de ses opérateurs
Jusqu’à l’exercice 2018, les plafonds d’emplois inscrits en loi de finances initiale (LFI) étaient construits chaque année en ajoutant au plafond de la LFI de l’année précédente l’effet des créations ou suppressions nettes d’emplois prévues ainsi que des éventuelles mesures d’ajustement (mesures de périmètre, de transfert et corrections techniques…), sans prendre en compte la consommation effective d’équivalents temps plein travaillé constatée dans la dernière loi de règlement. Cette modalité de calcul conduisait ainsi à reconduire d’année en année des plafonds d’emplois surestimés.
Afin de donner plus de sens à l’autorisation d’emplois votée par le Parlement et à son caractère limitatif, l’article 11 de la LPFP 2018-2022 a introduit, à compter du PLF 2019, un nouveau mode de calcul du plafond d’emplois qui permet de contenir la hausse du plafond à +1 % de la consommation d’emplois « constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ». Ainsi, par application de ce dispositif, le plafond d’emplois a baissé de 10 805 ETPT au PLF 2019, 7 178 ETPT au PLF 2020 et 427 ETPT au PLF 2021, diminuant mécaniquement et significativement la vacance sous plafond qui se limite à fin 2021 à 21 099 ETPT (contre 33 491 ETPT en 2017) ce qui représente 1,08 % du plafond d’emploi voté en LFI 2021.
Compte tenu de l’efficacité du dispositif, la présente LPFP étend ce mécanisme d’abattement automatique aux opérateurs au sein desquels est constatée une vacance sous plafond structurelle de plus de 5 % des plafonds votés en LFI en 2024, 4 % en 2025 et 2026, et 3 % en 2027, soit bien au-delà d’une vacance frictionnelle. Ainsi, comme pour l’État, la diminution progressive de cette vacance permettra une meilleure maîtrise de l’évolution des effectifs des opérateurs et un renforcement de la portée du vote parlementaire.
4. Les collectivités territoriales contribueront à l’effort de maîtrise de la dépense publique tout en étant soutenues dans leurs investissements
Les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique. Les modalités concrètes selon lesquelles les collectivités sont associées à cet effort sont en cours d’élaboration en concertation avec elles afin d’en partager pleinement les enjeux. La création d’un Haut Conseil des finances publiques locales permettra le suivi de la mise en œuvre annuelle des objectifs des lois de programmation des finances publiques (LPFP) et du programme de stabilité ainsi que de l’examen des initiatives visant au respect de ces objectifs en particulier la proposition de revues de dépenses dans le champ des administrations publiques locales.
La contribution à la maîtrise de la dépense publique qui est demandée aux collectivités ne repose pas sur une baisse programmée des concours de l’État sur la période – lesquels au contraire progresseront entre 2023 et 2027 afin de renforcer notamment leurs moyens pour qu’elles investissent et participent à la transition écologique – mais sur la maîtrise de la progression de leurs dépenses de fonctionnement.
La présente loi de programmation comporte ainsi une trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités ainsi que des objectifs relatifs à leurs dépenses réelles de fonctionnement. Ces derniers aideront les élus et les gestionnaires de collectivités à se positionner en apportant des éléments d’objectivation et de comparaison sur l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. La modération de celles-ci renforcera de surcroît la capacité d’autofinancement des collectivités, et par là même leurs investissements dans des priorités comme la transition écologique des territoires.
Ces objectifs s’inscrivent également dans les engagements budgétaires européens de la France et enrichissent le dialogue et la concertation entre l’État et les collectivités territoriales.
5. Les administrations de sécurité sociale font aussi l’objet d’un encadrement plus précis qui permet de financer l’évolution nécessaire du système social français
Le projet de loi de programmation reconduit le ratio de 14 % entre le montant annuel des exonérations, des abattements et des réductions de taux et les recettes du champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse. Ce mécanisme permet d’inciter à la maîtrise des exonérations et à la régulation des niches sociales les moins efficientes.
Les niches sociales font aussi l’objet dorénavant d’un plafonnement dans la durée (trois ans), à l’instar du mécanisme mis en place pour les niches fiscales et les aides aux entreprises ; ce délai permettra qu’une évaluation régulière de ces dépenses soit menée avant une éventuelle prorogation.
Conformément au cadre organique défini par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le projet de LPFP 2023-2027 détermine l’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement. Selon les modifications apportées à loi organique relative aux lois de finances par la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, la LPFP définit, en plus de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de l’ensemble de ses régimes, le taux d’évolution de ses sous-objectifs. La LPFP permet de cette manière de mieux suivre l’évolution des dépenses des sous-objectifs de l’ONDAM et donc d’orienter plus précisément les politiques publiques vers les sous-secteurs qui le nécessitent le plus. Par ailleurs, le dispositif de mise en réserve de l’ONDAM à 0,3 % est reconduit.
Selon les dispositions de la LPFP 2018-2022, les dépenses de gestion administrative exécutées dans le cadre des conventions d’objectifs et gestion (COG) signées à compter du 1er janvier 2018 entre l’État et les régimes obligatoires de sécurité sociale devaient diminuer globalement d’au moins 1,5 % en moyenne annuelle sur la période 2018-2022, à champ constant. Cette disposition, ayant montré son efficacité dans la maîtrise des dépenses de gestion administrative, est reconduite dans le projet de loi de programmation avec un objectif, au plus, de non-augmentation conformément à l’article 18. Ce mécanisme de stabilité s’applique aussi aux dépenses de gestion administrative exécutées par l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique.
F. – Une trajectoire pluriannuelle pour bâtir la France de demain
1. Les dépenses d’investissement des administrations publiques.
La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a inséré dans la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) une disposition prévoyant que la LPFP « détermine, pour l’ensemble de la période de programmation, une prévision d’évolution […] du montant des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement » (article 1er A de la LOLF).
La prévision retenue est construite sur l’agrégat et selon la méthodologie suivante : d’une part, les crédits budgétaires programmés sur la mission « Investir pour la France de 2030 », qui portent à la fois les mesures spécifiques de « France 2030 » et celles du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4), soit 6,1 milliards en loi de finances pour 2023 ; d’autre part, les crédits correspondant à titre prévisionnel à des « dépenses d’investissement » au sens de l’article 5 de la loi organique relative aux lois de finances, soit les crédits dits de « titre 5 » dans la nomenclature des charges budgétaires.
En effet, le plan « France 2030 » a vocation à contribuer à la croissance potentielle du produit intérieur brut et à accélérer la transformation structurelle du pays. Il fixe ainsi dix objectifs afin de répondre aux grands défis de notre temps, de faire émerger les futurs champions technologiques de demain et d’accompagner les transitions de nos secteurs d’excellence : énergie, automobile, aéronautique ou encore espace. La transition écologique est au cœur du plan « France 2030 », dont les crédits seront en grande partie consacrés à sa mise en œuvre.
France 2030 intègre les ambitions du PIA4, qui combine deux logiques d’intervention : des investissements stratégiques et prioritaires ; des financements pérennes pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Le PIA permet d’accélérer le développement de technologies d’avenir portant sur des marchés stratégiques et le développement de secteurs tels que les technologies vertes et numériques, la recherche médicale et les industries de la santé, les villes de demain, l’adaptation au changement climatique ou encore l’enseignement numérique. Les financements pérennes du PIA4 pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation ont pour ambition de pérenniser et d’amplifier l’efficacité des écosystèmes d’enseignement supérieur et de recherche créés par les précédents PIA mais aussi d’accompagner les entreprises innovantes.
Au-delà des investissements initiés dans le cadre du PIA4, près de 30 milliards d’euros seront investis sur la période 2024-2027 pour atteindre les trois premiers objectifs du plan France 2030 : l’émergence de réacteurs nucléaires de petite taille, l’hydrogène vert et la décarbonation de l’industrie française. Le plan « France 2030 » fixe également comme objectifs le développement des transports du futur, tels que la production du premier avion bas-carbone et l’accélération de la production de véhicules électriques et hybrides, l’investissement dans de nouveaux modes de production alimentaires plus sains, durables et traçables, la production de biomédicaments et la création de dispositifs médicaux d’avenir. Le plan France 2030 financera enfin les ambitions de la France en matière spatiale ainsi que dans la poursuite de l’exploration des fonds marins.
En dehors de l’effort exceptionnel d’investissement engagé dans la transformation du pays, l’ensemble des ministères portent des dépenses qu’il est proposé de retenir dans l’agrégat de dépenses retracées au titre des dépenses considérées comme des dépenses d’investissement. La prévision présentée dans le projet de loi de programmation est ainsi fondée sur la trajectoire prévisionnelle de dépenses d’investissement comptabilisées en titre 5, qui représente quant à elle plus de 19 milliards d’euros en loi de finances pour 2023 et qui fera l’objet d’un suivi renforcé aux termes de la nouvelle loi organique, avec une identification spécifique de ces crédits au sein même des lois de finances. Ces dépenses sont essentiellement portées par la dynamique d’investissement du ministère des armées, contribuant au soutien de l’industrie et de l’innovation, par les dépenses immobilières, avec une priorité à la rénovation des bâtiments dans le cadre de la transition écologique et énergétique, et par l’investissement dans les systèmes d’information.
2. Le « budget vert », un outil de maîtrise de l’impact environnemental du budget
En 2017, lors du One Planet Summit, organisé en collaboration avec l’OCDE, la France a fait le choix de mettre en place une « budgétisation verte », afin d’évaluer l’adéquation du budget de l’État avec ses engagements environnementaux, dont l’accord de Paris. La France est ainsi devenue, en 2020, le premier État à concrétiser cet exercice de cotation environnementale innovant, témoignant d’une volonté politique forte. Correspondant à la première partie du rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, le budget vert est publié chaque année en annexe du projet de loi de finances.
Depuis sa première édition annexée au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, le budget vert présente la cotation favorable, défavorable, mixte ou neutre de l’ensemble des dépenses de l’État. La méthode de classification établie par la France permet de rendre compte de l’impact multidimensionnel des dépenses sur l’environnement, établi en fonction de six objectifs – la lutte et l’adaptation au changement climatique, la gestion des ressources en eau, la gestion des déchets, la lutte contre les pollutions et la prévention de la biodiversité, eux-mêmes inspirés de la taxonomie des activités au niveau européen. Le périmètre d’analyse des dépenses de l’État est par ailleurs ambitieux, puisque le budget vert analyse l’ensemble des dépenses de l’État et toutes les dépenses fiscales.
Chaque édition du budget vert enrichit le périmètre des cotations et les informations disponibles dans le rapport. La troisième édition du budget vert, annexée au PLF pour 2023, a notamment intégré la cotation du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne ainsi que la cotation du plan France 2030 pour l’année 2023. Pour le PLF pour 2023, hors relance et hors dispositifs de soutien pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, les dépenses favorables à l’environnement ont ainsi été estimées à 33,9 milliards d’euros les dépenses défavorables à l’environnement à 10,7 milliards d’euros et les dépenses mixtes à 2,3 milliards d’euros. Pour le PLF pour 2024, l’ensemble des explications relatives aux cotations des dépenses favorables, mixtes et défavorables sera publié en annexe du budget vert.
Le budget vert permet de répondre à la demande d’une plus grande transparence de l’information en matière environnementale, émanant à la fois du Parlement, de la société civile et des citoyens. Désormais utilisé pour éclairer les négociations gouvernementales pour préparer le budget de l’État et les négociations entre ministères lors des conférences de budgétisation, il sert de fondement à une règle de gouvernance budgétaire instaurée par la présente loi, instaurant un objectif de baisse de 20 % du ratio entre les dépenses brunes d’une part et les dépenses vertes et mixtes d’autre part, à l’horizon 2027 par rapport au niveau de la loi de finances initiale de 2022.
III. – L’effort sera équitablement réparti entre les sous-secteurs des administrations publiques
A. – La trajectoire de l’État
Dépenses, recettes et solde de l’État au sens de Maastricht
(En points de PIB) |
||||||
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Dépenses totales de l’État |
23,1 |
21,3 |
20,6 |
20,6 |
20,5 |
20,4 |
Recettes totales de l’État |
17,4 |
16,0 |
16,1 |
16,3 |
16,4 |
16,3 |
Solde de l’État au sens de Maastricht |
-5,7 |
-5,3 |
-4,6 |
-4,2 |
-4,1 |
-4,0 |
1. La trajectoire des dépenses et des recettes de l’État
Le périmètre des dépenses de l’État (PDE), défini à l’article 9 de la présente loi, évolue sur la période de programmation selon le tableau suivant.
(En milliards d’euros) |
|||||
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Périmètre des dépenses de l’État (PDE) |
496 |
491 |
505 |
512 |
519 |
2. Un budget permettant de financer les priorités du Gouvernement
Les budgets ministériels prévus pour 2024 s’inscrivent dans la trajectoire de rétablissement des comptes publics, dans un contexte de sortie des crises sanitaire, énergétique et de l’inflation. Les dépenses de l’État (hors CAS « Pensions ») baissent entre la loi de finances pour 2023 et le PLF pour 2024 afin d’engager une trajectoire résolue de désendettement et de réduction des déficits publics. Cette baisse marque un effort d’autant plus important que l’inflation devrait demeurer en 2024 à 2,6 %.
Ces projets de plafonds traduisent par ailleurs la priorité donnée à la planification écologique, avec un accroissement inédit de ses moyens. Ils permettent également de préparer l’avenir par l’accroissement des moyens alloués à l’enseignement ainsi qu’à l’investissement productif, notamment grâce au plan « France 2030 », dont le déploiement se poursuit.
Ils poursuivent le réarmement des fonctions régaliennes engagé dès 2017, dans le respect des lois de programmation. Le budget 2024 sera enfin celui du plein emploi grâce au lancement de France Travail et au renforcement des services publics pour tous les Français.
Financer la planification écologique et accroître l’investissement productif
La France s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de transition écologique, tant au niveau national qu’au niveau européen avec l’adoption du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », visant une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Pour l’atteinte de ces objectifs, conformément aux annonces de la Première ministre, les moyens alloués à la planification écologique progresseront de 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2024, correspondant à une hausse de 7 milliards d’euros des décaissements en 2024 par rapport à 2023, au titre par exemple du soutien à la rénovation des logements, dont les engagements seront augmentés de 1,6 milliard d’euros sur le budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), du « fonds vert » de soutien aux collectivités territoriales, qui sera reconduit et renforcé à hauteur de 2,5 milliards d’euros en capacité d’engagement, du « fonds chaleur », dont les engagements augmenteront de près de 60 %, ou encore de la rénovation énergétique de l’immobilier de l’État.
Les engagements dédiés aux mobilités, notamment à l’évolution des infrastructures de transport et au verdissement du parc automobile, augmenteront pour leur part de 1,6 milliard d’euros.
S’agissant de l’agriculture et de la forêt, ce sont 1,3 milliard d’euros d’engagements et 0,8 milliard d’euros de crédits additionnels qui sont ajoutés dans le cadre de la planification écologique. Cela permettra notamment de financer un fonds national de souveraineté alimentaire, un renforcement des moyens dédiés aux plans « haies » et « protéines », un soutien important au renouvellement forestier et à la dynamisation de la filière bois ainsi qu’un renforcement des moyens dédiés à la protection des forêts contre les incendies.
Le Gouvernement renforce également son soutien à l’investissement public et à l’innovation. Le plan France 2030, lancé en 2021, sera doté de 7,7 milliards d’euros en 2024 afin de faire face aux défis liés aux transitions écologique et numérique et de renforcer notre souveraineté pour une économie plus résiliente. Le budget 2024 permettra également de financer les mesures du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui a pour ambition de faire de la France son chef de file en Europe.
Préparer l’avenir, c’est aussi investir dans l’éducation et la recherche.
La mission « Enseignement scolaire » connaîtra une hausse historique sur deux ans, et la plus forte progression en 2024 avec une hausse de 3,9 milliards d’euros (après une hausse de 3,7 milliards d’euros en 2023). Dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant des filières générale et professionnelle conduira à poursuivre et à amplifier la revalorisation des rémunérations des professeurs grâce à la mise en œuvre du « Pacte pour les enseignants » à compter de la rentrée 2023. Seront par ailleurs financés la revalorisation des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) initiée par le Parlement en 2023, les gratifications des stagiaires de l’enseignement professionnel, le lancement des mesures de la conférence nationale du handicap et une première amélioration de la rémunération des personnels administratifs et techniques.
S’agissant de l’enseignement supérieur et de la recherche, une hausse d’un milliard d’euros de crédits est prévue, notamment au titre de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche et au titre du financement des mesures en faveur de la vie étudiante : la revalorisation des bourses sur critères sociaux (de 37 à 127 euros par mois), le ticket-repas universitaire à 1 euro ainsi que le gel des loyers et la réhabilitation des logements du CROUS.
Ces crédits consolident également les moyens permettant le financement de 150 000 missions de service civique, la montée en puissance du service national universel (SNU) en 2024 afin d’impliquer 80 000 jeunes dans la vie de la Nation, de promouvoir la notion d’engagement et de favoriser un sentiment d’unité nationale autour de valeurs communes.
Protéger les Français et poursuivre le renforcement de nos moyens de défense
Dans le respect des engagements de la loi de programmation militaire (LPM) récemment votée par le Parlement, les moyens de la mission « Défense » connaîtront une hausse de 3,3 milliards d’euros en 2024, ce qui permettra de financer le maintien en condition opérationnelle des équipements, de nouveaux programmes d’armement ainsi que l’investissement en faveur de la défense spatiale, du renseignement et de la cybersécurité. Cette hausse des moyens permettra également un renforcement des effectifs du ministère des armées.
Les forces de sécurité bénéficient d’un soutien renforcé. Un effort sera fait en 2024 sur les équipements, le numérique et le renforcement de la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique, conformément à la trajectoire prévue par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), à hauteur d’un milliard d’euros supplémentaires en 2024.
À la suite des états généraux de la justice, dans le respect du projet de loi de programmation du ministère de la justice, celui-ci bénéficiera d’une nouvelle augmentation de 0,5 milliard d’euros, soit 5 %, après trois années de hausse consécutive de 8 % de ses moyens. Ces nouveaux moyens permettront de renforcer les effectifs de magistrats et de personnels de justice, de revaloriser leurs rémunérations (surveillants pénitentiaires, magistrats, greffiers) et de poursuivre la mise en œuvre du plan pénitentiaire prévoyant la création de 18 000 places de prisons et la transformation numérique du ministère.
Poursuivre l’objectif de plein emploi
L’atteinte du plein emploi est un horizon important de ce mandat. La feuille de route du ministère du travail, qui allie incitation à la reprise d’emploi, investissement en matière d’accompagnement et de formation ainsi que logique de droits et devoirs, s’inscrit dans cette ambition.
Pour y parvenir, le budget du ministère du travail continuera de financer la montée en charge de l’apprentissage, dans le but d’atteindre un million d’entrées par an d’ici 2027.
Ce budget prévoit également des moyens pour mener à bien le déploiement progressif de la réforme France Travail, qui doit permettre aux personnes les plus fragiles, hors de l’emploi depuis longtemps, de trouver ou retrouver un emploi. C’est aussi une nouvelle réponse apportée aux difficultés de recrutement des entreprises.
Enfin, le budget pour 2024 prévoit la poursuite des investissements en matière de formation des salariés de manière à anticiper et à faciliter mutations économiques et reconversions professionnelles.
Adapter les services publics pour mieux accompagner tous les Français
Le budget 2024 permettra un meilleur accompagnement de tous les usagers par le service public avec le financement de la mise en œuvre des mesures de la conférence nationale du handicap, du pacte des solidarités, du plan France ruralités, mais également de la pérennisation du « pass’sport », de l’enrichissement de l’offre des maisons France services ou encore des mesures du comité interministériel des outre-mer.
La progression des moyens du ministère de la culture permettra notamment de soutenir la rénovation du patrimoine de proximité, l’activité des écoles de l’enseignement supérieur artistique ou encore les initiatives de soutien à la lecture.
Le ministère des sports et des jeux Olympiques et paralympiques bénéficiera de 100 milliards d’euros de crédits en 2024 pour le soutien aux équipements sportifs de proximité, dans le prolongement du plan d’équipements sportifs 2022-2023. Il disposera aussi de moyens exceptionnels pour porter des politiques exemplaires en cette année olympique et paralympique (insertion par le sport, sport santé, activité sportive des publics prioritaires) et préparer nos athlètes dans les meilleures conditions.
Des mesures importantes de revalorisation des salaires de la fonction publique sont financées pour 2,6 milliards d’euros afin de protéger le pouvoir d’achat des agents et de renforcer l’attractivité de ses métiers. Elles se traduisent par une augmentation de la valeur du point d’indice de 1,5 % depuis le 1er juillet 2023, l’attribution de 5 points d’indice à tous les agents, l’ajout de points ciblés pour les plus bas salaires dès le 1er janvier 2024 ou encore le versement d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2023. Des mesures complémentaires seront par ailleurs mises en œuvre pour faciliter le quotidien des agents, comme le remboursement accru par l’État du forfait de transport collectif à hauteur de 75 % (contre 50 % précédemment).
L’augmentation de 0,3 milliard d’euros des crédits de la mission « Gestion des finances publiques » permet à la direction générale des finances publiques (DGFIP) et à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) de renforcer leurs missions de recouvrement, d’accompagnement et de contrôle au service des ménages et des entreprises et de mettre en œuvre le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques annoncé par le Gouvernement.
Maîtriser les finances publiques dans la lignée du programme de stabilité et des Assises des finances publiques
La France s’est fixé un objectif de redressement progressif de ses finances publiques avec une réduction du déficit public à 2,7 % en 2027 et la réduction année après année de notre endettement en part de PIB. Dès l’année 2024, le déficit public sera réduit, passant de 4,9 % à 4,4 % du PIB.
Ces objectifs seront atteints grâce au strict respect des différentes lois de programmation, à la fin des dispositifs exceptionnels de relance et à la sortie des mesures de soutien face à la crise énergétique. Le budget 2024 respecte pleinement ces principes, et consacre ainsi la sortie progressive des boucliers tarifaires sur l’énergie, la fin des aides exceptionnelles aux entreprises et l’extinction progressive du plan de relance.
Ces objectifs seront également atteints par la mise en œuvre de mesures d’économies identifiées dans le cadre des revues de dépenses. Cet exercice, dont le Gouvernement rend compte en parallèle du présent rapport, vise une plus grande efficience de la dépense publique et permettra de générer des économies sur des dispositifs ciblés.
3. Trajectoire triennale 2024-2026
La programmation d’ensemble des finances publiques couvre cinq années (2023-2027). Au cours de cette période, l’État fait l’objet d’une programmation plus précise qui détaille, dans le cadre du budget triennal 2024-2026, les crédits alloués à chaque mission. Les plafonds de l’année 2024 coïncident avec ceux qui seront présentés dans le cadre du PLF. Par ailleurs, à partir de 2025, un effort d’économie additionnel de 6 milliards d’euros est intégré dans la trajectoire de dépenses de l’État sous-jacente au projet de loi de programmation des finances publiques. Il a vocation à être documenté notamment par le dispositif annuel de revue de dépenses prévu dans la loi de finances initiale pour 2023 et dans le projet de loi de programmation des finances publiques.
Évolution des plafonds de crédits de paiements par mission 2024-2026
(En milliards d’euros) |
||||||
Crédits de paiement |
Loi de finances pour 2023 (format 2023) |
Loi de finances pour 2023 (format 2024) |
2024 |
2025 |
2026 |
|
Action extérieure de l’État |
3,1 |
3,1 |
3,3 |
3,4 |
3,4 |
|
Administration générale et territoriale de l’État |
3,7 |
3,5 |
3,9 |
4,3 |
4,6 |
|
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
3,6 |
3,6 |
4,5 |
4,5 |
4,6 |
|
Aide publique au développement |
5,9 |
5,9 |
5,9 |
6,4 |
6,9 |
|
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1,9 |
1,9 |
1,9 |
1,8 |
1,7 |
|
Cohésion des territoires |
17,9 |
17,9 |
19,4 |
19,7 |
20,2 |
|
Conseil et contrôle de l’État |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
|
Crédits non répartis |
1,2 |
1,2 |
0,5 |
0,2 |
0,2 |
|
Culture |
3,5 |
3,5 |
3,7 |
3,8 |
3,8 |
|
Défense |
43,9 |
43,9 |
47,2 |
50,5 |
53,7 |
|
Direction de l’action du Gouvernement |
0,9 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
|
Écologie, développement et mobilité durables |
36,6 |
35,7 |
20,7 |
25,6 |
26,3 |
|
– dont programme 345 “Service public de l’énergie” et indemnité exceptionnelle carburant |
21,7 |
21,7 |
5,5 |
9,8 |
9,9 |
|
– hors programme 345 et indemnité exceptionnelle carburant |
14,9 |
14,0 |
15,2 |
15,8 |
16,4 |
|
Économie |
7,7 |
7,7 |
4,1 |
3,9 |
3,9 |
|
Engagements financiers de l’État* |
60,3 |
61,2 |
60,8 |
66,0 |
71,0 |
|
Enseignement scolaire |
60,3 |
60,3 |
64,2 |
65,1 |
65,4 |
|
Gestion des finances publiques |
8,0 |
8,0 |
8,3 |
8,4 |
8,3 |
|
Immigration, asile et intégration |
2,0 |
2,0 |
2,2 |
2,2 |
2,3 |
|
Investir pour la France de 2030 |
6,1 |
6,1 |
7,7 |
8,5 |
7,7 |
|
Justice |
9,6 |
9,6 |
10,1 |
10,7 |
10,7 |
|
Médias, livre et industries culturelles |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
|
Outre-mer |
2,5 |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
2,6 |
|
Plan de relance |
4,4 |
4,4 |
1,4 |
0,7 |
0,6 |
|
Pouvoirs publics |
1,1 |
1,1 |
1,1 |
1,1 |
1,2 |
|
Recherche et enseignement supérieur |
30,6 |
30,6 |
31,6 |
32,1 |
32,7 |
|
Régimes sociaux et de retraite |
6,1 |
6,2 |
6,2 |
6,4 |
6,4 |
|
Relations avec les collectivités territoriales |
4,5 |
4,5 |
4,3 |
4,2 |
4,2 |
|
– dont dispositifs exceptionnels |
0,4 |
0,4 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
|
– hors dispositifs exceptionnels |
4,1 |
4,1 |
4,2 |
4,2 |
4,2 |
|
Santé |
3,4 |
3,4 |
2,3 |
1,9 |
2,0 |
|
– dont programme 379 “Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience” |
1,9 |
1,9 |
0,9 |
0,4 |
0,5 |
|
– dont autres programmes |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,5 |
1,5 |
|
Sécurités |
15,8 |
16,1 |
16,5 |
17,0 |
17,5 |
|
Solidarité, insertion et égalité des chances |
29,4 |
29,4 |
30,7 |
31,8 |
32,9 |
|
Sport, jeunesse et vie associative |
1,8 |
1,8 |
1,8 |
1,6 |
1,6 |
|
Transformation et fonction publiques |
1,2 |
1,1 |
1,1 |
0,8 |
0,8 |
|
Travail et emploi |
20,7 |
20,7 |
22,4 |
22,4 |
21,6 |
|
*Le programme 355 est rattaché à compter du PLF 2024 à la mission « Engagements financiers de l’État ». |
B. – La trajectoire des organismes divers d’administration centrale
Dépenses, recettes et solde des ODAC au sens de Maastricht |
||||||
(En point de PIB) |
||||||
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Dépenses totales |
4,2 |
4,1 |
4,1 |
4,0 |
4,0 |
3,9 |
Recettes totales |
4,7 |
4,0 |
4,0 |
3,9 |
3,9 |
3,8 |
Solde au sens de Maastricht |
0,5 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
La règle posée à l’article 12 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 interdisant aux ODAC de s’endetter auprès d’un établissement de crédit pour une période allant au-delà d’une année a permis une plus grande maîtrise du solde des ODAC. Cette règle est reconduite à l’article 22 de la présente loi et sa bonne application est nécessaire afin de contrôler les montants des dépenses totales des ODAC sur la période couverte par la loi de programmation.
France 2030
Capitalisant sur les ambitions du programme d’investissements d’avenir (PIA), qu’il intègre et dont il prolonge la démarche, France 2030 est un plan d’investissements publics de 54 milliards destiné à accompagner la France dans sa transition écologique et numérique et lui permettre de relever les défis économiques, industriels et sociaux contemporains.
Deux partis pris importants structurent ce plan : d’une part, 50 % des crédits seront consacrés aux acteurs émergents, permettant ainsi d’accompagner la French Tech et l’écosystème français de start-ups et de petites et moyennes entreprises (PME) innovantes ; d’autre part, le plan soutiendra exclusivement des projets sans impact négatif sur l’environnement et mettra l’accent sur la décarbonation de nos modes de production et l’amélioration de la qualité de vie.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 confirme l’ambition du Gouvernement d’une mise en œuvre rapide de France 2030. La trajectoire suivante de crédits de paiement est prévue pour la mission budgétaire « Investir pour la France de 2030 », qui porte les crédits du PIA 4 et de France 2030, pour les années 2023 à 2025 :
(En milliards d’euros) |
|||
2024 |
2025 |
2026 |
|
Mission “Investir pour la France de 2030” |
7,7 |
8,5 |
7,7 |
C. – La trajectoire des administrations de sécurité sociale
Après une forte dégradation en 2020 et 2021 du fait de la crise économique et sanitaire, le solde des ASSO se redresserait, sous l’effet du rebond de l’activité économique et en raison de la diminution des dépenses de santé liées à la crise sanitaire en 2022 et 2023. À moyen terme, cette amélioration serait permise par la dynamique modérée des dépenses de la branche Vieillesse, avec la mise en place de la réforme des retraites en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 permettant des économies à l’horizon 2027 d’environ 0,1 point de PIB en versement de pensions sur l’ensemble des régimes de retraite obligatoire, et par la maîtrise des dépenses d’assurance maladie : la progression de l’ONDAM serait de 3,2 % en 2024, après 4,8 % en 2023 (hors covid), puis de 3,0 % en 2025, 2,9 % en 2026 et 2027.
L’assurance-chômage participerait également à l’amélioration du solde : en effet, la résorption des tensions de recrutement s’inscrit dans l’objectif de retour au plein emploi du Gouvernement, qui mobilisera plusieurs leviers sur le marché du travail, à commencer par la réforme « contracyclicité », entrée en vigueur au 1er février 2023. L’amélioration du solde serait aussi soutenue par les recettes, du fait d’une masse salariale dynamique. Enfin, les excédents de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) permettraient de continuer d’amortir la dette sociale. Par ailleurs, en sus des trajectoires des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, de l’Unédic et des régimes complémentaires de retraite présentées ci-après, une économie additionnelle de 6 milliards d’euros en niveau à partir de 2025 est intégrée dans la trajectoire de dépenses de l’État sous-jacente au présent projet de loi de programmation des finances publiques et prise en compte dans le tableau ci-dessous. Elle a vocation à être notamment documentée par le dispositif annuel de revue de dépenses prévu dans la loi de finances initiale pour 2023 et dans la présente loi de programmation des finances publiques.
Dépenses/recettes et solde des ASSO en points de PIB en comptabilité nationale (2)
(En points de PIB) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Dépenses |
26,7 |
25,9 |
26,0 |
25,7 |
25,4 |
25,2 |
Recettes |
27,1 |
26,6 |
26,6 |
26,4 |
26,3 |
26,2 |
Solde |
0,4 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
[2] Il est intégré à partir de 2025 une économie additionnelle en dépense de 6 milliards en niveau.
Les comptes présentés dans la loi de financement de la sécurité sociale et dans la présente loi de programmation des finances publiques relèvent de périmètres et de conventions comptables distinctes à double titre. D’une part, le champ des administrations de sécurité sociale couvert par la loi de programmation des finances publiques est plus étendu que celui des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse couverts par la loi de financement de la sécurité sociale car il inclut notamment le régime d’indemnisation du chômage, les régimes complémentaires de retraite des salariés et les organismes dépendant des assurances sociales (principalement les hôpitaux et Pôle Emploi). D’autre part, les conventions comptables utilisées par la comptabilité nationale diffèrent du plan comptable unique des organismes de sécurité sociale. Elles excluent en particulier les dotations nettes des reprises sur provisions, les dotations aux amortissements et les plus-values sur cessions d’immobilisations financières ou opérations de change.
1. Maîtriser dans un cadre pluriannuel les dépenses d’assurance maladie tout en garantissant la qualité des soins et la prise en compte de la dépendance
Les dépenses d’assurance maladie sous ONDAM ont été marquées par trois années de crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Malgré cela, la transformation de notre système de santé a été initiée, notamment par le « Ségur de la santé ». Les mesures mises en œuvre vont transformer les métiers et revaloriser les carrières des soignants, en impulsant également une nouvelle politique d’investissement.
Les dépenses sous ONDAM seraient encore dynamiques en 2023 et s’élèveraient à 4,8 %, une fois neutralisées les dépenses de santé directement liées à la crise sanitaire, prévues à environ un milliard en 2023. Elles intègrent notamment l’effet en année pleine de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique hospitalière ainsi que les nouvelles mesures de revalorisation salariales annoncées en juin 2023. À partir de 2024, la progression des dépenses sous ONDAM deviendrait plus modérée et intégrerait des mesures d’économies : l’ONDAM évoluerait de 3,2 % en 2024, de 3,0 % en 2025 puis de 2,9 % en 2026 et 2027. Cette modération sera permise notamment par la maîtrise de certaines typologies de dépenses de soins de ville et de produits de santé ainsi que par le développement de la politique de prévention. Renforcer la prévention constitue en effet un levier d’efficience de la dépense et d’amélioration de l’état de santé de la population.
Concernant les dépenses de la branche famille, le Gouvernement s’engage pour la création d’un service public de la petite enfance avec le développement de nouvelles places en crèches et pour l’augmentation de 50 % l’allocation de soutien familial permettant de répondre aux besoins des familles monoparentales. Le complément de libre de choix de mode de garde (CMG) sera étendu aux enfants jusqu’à 12 ans pour les familles monoparentales et le reste à charge sera aligné sur celui des crèches.
2. La réforme des retraites soutiendra l’emploi
Le taux d’emploi des seniors (55-64 ans) est en augmentation depuis 2010 mais reste faible en comparaison internationale : à 56 % en 2021 contre 61 % pour nos voisins européens, avec un écart encore plus marqué parmi les 60-64 ans (36 % contre 47 % selon l’OCDE). Cet écart reflète principalement des différences en termes d’âge de départ à la retraite. Selon la Commission européenne, en 2019, l’âge moyen de sortie du marché du travail était de 62,3 ans en France, contre 63,8 ans en moyenne dans l’UE (65,5 ans en Italie et 64,6 ans en Allemagne).
La réforme des retraites entrée en vigueur le 1er septembre 2023 permettra d’accroître la population active, l’emploi et donc la croissance. Elle s’inscrit dans l’objectif de plein emploi. En décalant l’âge de départ à la retraite, la réforme créerait environ 200 000 emplois en 2027, principalement parmi les 60-64 ans dont le taux d’emploi augmenterait de 6 points à partir de 2030. Ce renforcement de la capacité productive génèrerait un surcroît de PIB de 0,7 point en 2027 qui se traduirait par des recettes supplémentaires.
Dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale en évolution
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Prestations famille |
5,5 % |
3,8 % |
4,3 % |
2,7 % |
2,0 % |
Prestations retraite |
4,5 % |
6,7 % |
4,1 % |
3,3 % |
3,0 % |
ONDAM |
4,8 % |
3,2 % |
3,0 % |
2,9 % |
2,9 % |
3. Régimes complémentaires de retraite
Les régimes de retraite complémentaire resteraient excédentaires sur la période du fait du dynamisme de leurs recettes, qui s’appuient sur la masse salariale, et de la modération de leurs dépenses, en raison notamment des économies liées à la réforme des retraites.
(En points de PIB) |
|||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
||
Dépenses |
3,6 |
3,6 |
3,6 |
3,6 |
3,6 |
3,5 |
|
Recettes |
3,9 |
3,9 |
3,9 |
3,8 |
3,8 |
3,8 |
|
Solde |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
4. L’objectif de plein emploi contribuera au retour à l’équilibre des finances publiques
La dynamique du marché du travail et la montée en charge de la réforme de l’assurance chômage (2019-2021) ont permis au régime de dégager un excédent en 2022. Le solde du régime d’indemnisation du chômage continuerait de se redresser à horizon 2027 grâce à un emploi dynamique, sous l’effet des mesures soutenant l’offre de travail en vue du plein emploi. Ces mesures permettraient de diminuer progressivement les dépenses sur la période. Dans ce contexte, le solde excédentaire du régime d’assurance chômage permettrait au régime d’augmenter sa contribution au financement des politiques de l’emploi tout en poursuivant son désendettement.
Pour résorber les tensions de recrutement encore très élevées et atteindre l’objectif de plein emploi, l’incitation au travail a été renforcée en adaptant les règles de l’assurance chômage à la situation du marché du travail avec la réforme dite de la « contracyclicité » appliquée depuis le 1er février 2023. Cela s’inscrit dans une stratégie plus globale où plusieurs autres leviers sont également actionnés, notamment le déploiement de l’apprentissage, les réformes du lycée professionnel, du service public de la petite enfance, du service public de l’emploi (France Travail) ou encore des retraites.
La loi du 21 décembre 2022 prévoit que les règles actuelles d’assurance chômage ne s’appliquent plus à partir du 31 décembre 2023 (à l’exception du bonus-malus). Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier de nouvelles règles pour la période 2024-2026, sur la base d’un document de cadrage transmis par le Gouvernement. La préservation des économies et la résorption des tensions de recrutement permises par les précédentes réformes de l’assurance chômage fait partie des priorités fixées par le Gouvernement.
L’amélioration de la trajectoire financière de l’Unédic permettrait de résorber progressivement la dette du régime, fortement creusée par la crise sanitaire en 2020 et 2021, et d’assurer sa soutenabilité.
Dépenses, recettes et solde de l’Unédic en comptabilité nationale
(En points de PIB) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Dépenses |
1,5 |
1,5 |
1,4 |
1,3 |
1,2 |
1,1 |
Recettes |
1,6 |
1,6 |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
Solde |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
D. – La trajectoire des administrations publiques locales
Le redressement des finances publiques nécessite un effort collectif, notamment la poursuite par les administrations publiques locales de la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. Dans cette perspective, la présente loi de programmation prévoit que les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements continuent de progresser, à un rythme toutefois inférieur de 0,5 point au taux d’inflation.
À moyen terme, l’investissement suivrait un profil cohérent avec le cycle électoral, avec un pic en 2025 puis un fort ralentissement en 2026 et en 2027, l’année des élections municipales et l’année qui suit. Enfin, avec les perspectives d’avancées des travaux, les dépenses de la Société du Grand Paris (SGP) resteraient dynamiques à l’horizon 2027.
À moyen terme, le solde des administrations publiques locales deviendrait excédentaire, s’établissant à 0,2 % de PIB en 2026 et à 0,4 % en 2027, du fait de l’évolution des dépenses d’investissement et de la maitrise des dépenses de fonctionnement : ces dernières progresseraient en moyenne moins rapidement que les recettes. Ces dernières resteraient en effet dynamiques, tandis que les pertes de recettes de CVAE ont été compensées par l’État.
Dépenses, recettes et solde des APUL au sens de Maastricht
(En points de PIB) |
||||||
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Dépenses totales des APUL |
11,2 |
11,1 |
11,0 |
10,8 |
10,5 |
10,2 |
Recettes totales des APUL |
11,2 |
10,8 |
10,7 |
10,7 |
10,6 |
10,6 |
Solde des APUL au sens de Maastricht |
0,0 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
0,2 |
0,4 |
E. – À politique inchangée (c’est-à-dire si la législation et les politiques de finances publiques n’étaient pas réformées), le déficit public se résorberait plus lentement et le ratio d’endettement continuerait d’augmenter sur le quinquennat
La trajectoire de solde public à législation et pratique inchangées, présentée ici conformément à loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (modifiée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques) et à la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, s’appuie sur les résultats obtenus ces dernières années en termes de maîtrise de la dépense publique.
S’agissant des recettes, il est fait l’hypothèse de retenir uniquement dans cette trajectoire contrefactuelle l’effet des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires déjà votées, par exemple la dernière étape de baisse de la taxe d’habitation sur les résidences principales ou la mise en place de la contribution sur les rentes infra-marginales des producteurs d’électricité (CRI), alors que la trajectoire du projet de loi de programmation des finances publiques prend en compte la sortie des boucliers tarifaires. En ce qui concerne les hypothèses d’évolution spontanée des prélèvements obligatoires, elles sont identiques à celles de la prévision du projet de loi de programmation des finances publiques. De même, il n’y a pas de différence en ce qui concerne les recettes hors prélèvements obligatoires entre la trajectoire à politique inchangée et celle du projet de loi de programmation des finances publiques.
S’agissant de la dépense, la trajectoire contrefactuelle retient une hypothèse de croissance en volume de +1,2 % par an hors extinction des mesures d’urgence et de relance, soit le rythme observé sur la période 2008-2022, qui est significativement plus élevé que la maîtrise de l’augmentation de la dépense publique à l’horizon 2027 prévue par la présente loi de programmation des finances publiques (+0,6 % en volume hors urgence et relance en moyenne sur la période 2023-2027).
Dans le scénario à politique inchangée ainsi défini, le déficit serait dégradé tous les ans par rapport à la trajectoire du projet de loi de programmation des finances publiques et serait encore de l’ordre de 4,5 % du PIB à l’horizon 2027. Le ratio de dette baisserait un peu en 2023 du fait de la croissance nominale très dynamique mais recommencerait à croitre à compter de 2024 : il s’élèverait en 2027 à 114,0 % du PIB, retrouvant ainsi un niveau proche du maximum historique atteint en 2020.
(En points de PIB) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Solde public à législation et pratique inchangées |
-4,8 |
-5,6 |
-5,3 |
-5,0 |
-4,7 |
-4,5 |
Dette publique à législation et pratique inchangées |
111,8 |
110,4 |
111,3 |
112,5 |
113,4 |
114,0 |
Écart cumulé sur les dépenses hors crédits d’impôt |
0,0 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
1,2 |
1,6 |
Écart cumulé sur les principales mesures annoncées en recettes |
0,0 |
0,0 |
0,1 |
0,3 |
0,3 |
0,2 |
Solde public du PLPFP |
-4,8 |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Dette publique du PLPFP |
111,8 |
109,7 |
109,7 |
109,6 |
109,1 |
108,1 |
Indicateur de soutenabilité des finances publiques S2
(En points de PIB) |
||
|
Scénario inchangé entre 2022 et 2027 |
Scénario LPFP |
Écart de soutenabilité (indicateur S2) |
1,1 |
-1,1 |
Dont impact de la position budgétaire initiale |
2,6 |
0,4 |
Dont impact du vieillissement (à partir de 2027) |
-1,6 |
-1,5 |
(*) L’indicateur de soutenabilité (S2) à scénario inchangé est estimé sur la base d’un scénario contrefactuel dans lequel le solde structurel primaire est supposé constant à son niveau de 2021 sur la période de programmation, indépendamment de l’impact du vieillissement : il correspond à l’ajustement budgétaire pérenne qui devrait être réalisé en 2027 pour stabiliser le ratio d’endettement à très long terme (ici en 2070) compte tenu de l’impact du vieillissement à partir de 2027. |
||
Le S2 du scénario de cette loi de programmation est estimé sur la base du solde structurel primaire de 2027 prévu dans la présente loi de programmation. Il correspond à l’ajustement budgétaire pérenne qui devrait être réalisé en 2027 pour stabiliser le ratio d’endettement à très long terme compte tenu de l’impact du vieillissement à partir de 2027. |
||
Les chroniques de dépenses liées au vieillissement (retraites, santé, dépendance, éducation, chômage) sont celles du rapport de 2021 de la Commission européenne sur le vieillissement. |
Annexe 1. Principales définitions
La notion d’administrations publiques (APU) est celle définie à l’article 2 du protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités européens, c’est-à-dire « les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l’exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés ». La méthodologie en vigueur actuellement est celle du système européen des comptes 2010 (SEC 2010) publié dans le règlement n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.
La notion de prélèvements obligatoires (PO) a été initialement proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et repose sur trois critères : les flux doivent correspondre à des versements effectifs, les destinataires de ces flux doivent être les APU et, enfin, ces versements doivent avoir un caractère « non volontaire » (absence de choix du montant et des conditions de versement, inexistence de contreparties immédiates). Au sein de l’Union européenne, les notions d’impôts et de cotisations sociales sont définies selon des critères précis et contraignants pour les États membres. En France, c’est l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui est en charge du classement d’un prélèvement dans la catégorie des PO. La notion de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires s’entend comme les mesures sociales et fiscales nouvelles décidées ou mises en œuvre par les APU, votées par le Parlement ou prises par voie réglementaire, qui font évoluer les prélèvements obligatoires (y compris l’impact des crédits d’impôt).
Afin de se prémunir des effets du cycle économique et d’éviter les effets procycliques d’un pilotage par le solde public nominal (c’est-à-dire éviter une politique budgétaire expansionniste lorsque la conjoncture est favorable et que les recettes fiscales sont dynamiques et inversement une politique restrictive en bas de cycle), les États de l’Union signataires du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) ont mis en place des règles ancrées sur le solde structurel (c’est-à-dire le solde public corrigé des variations conjoncturelles et net des mesures ponctuelles et temporaires – cf. infra).
La règle d’équilibre est considérée comme respectée si le solde structurel annuel correspond à l’objectif à moyen terme (OMT). Chaque État membre fixe dans son programme de stabilité cet OMT, qui doit respecter une limite supérieure de déficit structurel de 0,5 %, ou de 1 % pour les États dont le ratio d’endettement est sensiblement inférieur à la valeur de référence de 60 % du produit intérieur brut (PIB) et dont les risques sur la soutenabilité des finances publiques sont faibles. En droit interne français, l’OMT est fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Le Conseil examine l’OMT dans le cadre de l’examen du programme de stabilité ainsi que la trajectoire d’ajustement vers cet objectif. Par ailleurs, conformément à l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, l’OMT est fixé à un niveau de solde structurel qui garantit « la soutenabilité des finances publiques ou une progression rapide vers leur soutenabilité, tout en autorisant une marge de manœuvre budgétaire, en tenant compte notamment des besoins en investissements publics ». Le code de conduite pour l’application du pacte de stabilité et de croissance précise que l’objectif de moyen terme est différencié selon les États membres pour prendre en compte la diversité des situations économiques et de finances publiques et les risques liés à la soutenabilité (en particulier le niveau de la dette et l’évolution des dépenses futures liées au vieillissement). L’OMT fixé par la France dans la présente loi de programmation est défini à l’article 2 de cette même loi.
Le solde structurel vise à séparer la partie du solde public qui dépend directement de la conjoncture de celle qui en est indépendante. Ainsi, le calcul du solde structurel repose sur la définition du cycle économique et donc de l’écart du PIB effectif au PIB potentiel, qui, rapporté au PIB potentiel, est appelé écart de production. Chaque année, le solde public peut se décomposer en : (1) une composante conjoncturelle qui reflète donc l’impact de la position dans le cycle sur les postes de recettes et de dépenses qui en sont affectés ; (2) des mesures ponctuelles et temporaires (one-offs), qui, parce qu’elles n’affectent pas le déficit durablement, sont exclues de l’évaluation du solde structurel (cf. annexe 3) ; et (3) de la composante structurelle.
Les évaluations du solde structurel et des efforts structurels nécessitent l’estimation de l’« activité potentielle » (ou PIB potentiel) de l’économie française : il s’agit du niveau d’activité qui serait observé en l’absence de tension sur l’utilisation des capacités de production et qui correspond par conséquent à une croissance tendancielle qui n’est pas sujette aux fluctuations du cycle économique. Elle est estimée à partir d’une projection des gains tendanciels de productivité et de l’offre potentielle de travail, cette dernière dépendant de la démographie, des taux d’activité et du chômage structurel. Le terme « croissance potentielle » désigne l’évolution de l’activité potentielle.
L’ajustement structurel (défini comme la variation du solde structurel) n’est cependant pas entièrement de nature discrétionnaire. Certains éléments échappent en effet au contrôle direct du Gouvernement et du Parlement, comme les surréactions des recettes à l’évolution du PIB ainsi que l’évolution des recettes non fiscales (comme les dividendes). Dans le détail, l’ajustement structurel se décompose en un effort en recettes, un effort en dépense et une composante non discrétionnaire.
L’effort en recettes est défini comme le montant des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (brut des crédits d’impôt, hors mesures ponctuelles et temporaires).
L’effort en dépense est défini comme la contribution de l’écart entre la croissance de la dépense publique réelle (y compris crédits d’impôt, hors mesures ponctuelles et temporaires et effets de la conjoncture sur les dépenses chômage) et la croissance potentielle de l’économie.
L’effort structurel est défini comme la somme de l’effort en recettes et l’effort en dépense.
La composante non discrétionnaire, hors de contrôle du Gouvernement, retrace l’effet du décalage observé entre les élasticités spontanées des recettes et les élasticités usuelles, auquel s’ajoute un terme lié aux fluctuations du ratio des recettes hors prélèvements obligatoires.
Les crédits d’impôt réduisent les prélèvements obligatoires du montant de leur impact sur les recettes fiscales (c’est-à-dire des imputations et restitutions effectivement consenties aux entreprises et aux ménages), mais contribuent au solde public au niveau de la créance acquise par les contribuables, suivant une logique de « droits constatés ».
À cet égard, la méthodologie est révisée dans la présente loi de programmation des finances publiques, afin de permettre une simplification de la lecture économique de l’ajustement structurel, sans changer le fond de l’analyse, et en cohérence avec le système européen des comptes en vigueur (SEC 2010). La définition de l’ajustement structurel n’est pas modifiée mais, contrairement à la programmation précédente, la clé en crédits d’impôt (c’est-à-dire l’écart entre le coût budgétaire et le coût en comptabilité nationale des crédits d’impôt restituables et reportables) n’apparaît pas de manière isolée dans sa décomposition. Parallèlement, l’effort en recettes est mesuré en retenant les mesures sur les prélèvements obligatoires bruts des crédits d’impôt, et non plus nets, et l’effort en dépense en retenant la dépense y compris les créances acquises de crédits d’impôt. La composante non discrétionnaire de l’ajustement structurel est également légèrement modifiée car les effets d’élasticité sont appréciés sur les prélèvements obligatoires bruts et non plus nets.
Annexe 2. Mode de calcul du solde structurel.
Le PIB potentiel correspond à la trajectoire d’activité durablement soutenable sans tension dans l’économie. L’écart entre le niveau effectif de production (PIB effectif) et le niveau potentiel, rapporté à ce niveau potentiel, est appelé « écart de production ». Celui-ci indique la position de l’économie dans le cycle.
Le solde structurel en points de PIB potentiel est le ratio de solde public qui serait observé une fois le PIB revenu à son potentiel et après disparition des effets des mesures ponctuelles et temporaires. Ces concepts proviennent notamment des règles budgétaires européennes, du pacte de stabilité et de croissance ainsi que du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dont la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a fait application en droit interne.
Le solde effectif (S) est donc décomposé en trois composantes : le solde structurel (SS), le solde des mesures ponctuelles et temporaires (Smpt) et le solde conjoncturel. Le solde effectif est exprimé en points de PIB effectif et le solde structurel et des mesures exceptionnelles et temporaires sont exprimés en points de PIB potentiel. Les écarts entre PIB effectif et potentiel (effet dénominateur) jouent au sein de la composante conjoncturelle, ce qui est légitime car l’écart entre ces deux grandeurs est de nature conjoncturelle.
On définit ε comme la semi-élasticité apparente du solde, exprimé en pourcentage du PIB, à l’écart de production, de sorte que la composante conjoncturelle soit simplement son produit avec l’écart de production. Ainsi :
S/Y = (Ss/Y*)+(Smpt/Y*)+εOG
Dans cette équation, numérateurs et dénominateurs sont exprimés en milliards d’euros, Y* désigne le PIB potentiel en valeur, Y le PIB effectif en valeur, OG l’écart de production (OG=(Y/Y*)-1) et ε est la semi-élasticité du solde à l’écart de production.
La méthodologie retenue pour calculer la décomposition du solde en ses composantes conjoncturelle et structurelle dans la présente loi de programmation se fonde sur la méthode employée par la Commission européenne : la composante conjoncturelle est égale au produit de l’écart de production par une semi-élasticité apparente à l’écart de production fixée sur toute la période couverte par la présente loi de programmation. La valeur retenue est de 0,57 et repose sur :
1° Les élasticités estimées par l’OCDE (3) :
a) Côté recettes, on suppose que tous les prélèvements obligatoires (bruts du CICE) dépendent de la conjoncture tandis que le reste des recettes est supposé être indépendant de la position de l’économie dans le cycle ;
b) Côté dépenses, seules les dépenses de chômage sont supposées cycliques. Les autres dépenses sont supposées être structurelles, soit parce qu’elles sont de nature discrétionnaire, soit parce que leur lien avec la conjoncture est difficile à mesurer ;
2° Le poids moyen sur 2008-2017 des impôts dans les recettes totales et celui des dépenses de chômage dans la dépense totale ainsi que les poids moyens sur la même période des recettes totales et de la dépense totale dans le PIB.
Le calcul de la semi-élasticité apparente de la composante conjoncturelle à l’écart de production est détaillé dans le tableau infra. La semi-élasticité peut se décomposer en deux termes :
– la contribution des prélèvements obligatoires et des dépenses de chômage à travers leur élasticité respective et leur poids moyen dans le PIB ;
– un effet dénominateur issu de l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Ce terme est égal au solde public moyen sur la période d’estimation.
Semi-élasticité apparente de la composante conjoncturelle à l’écart de production |
|||
Élasticités à l’écart de production (a) |
Poids moyen dans le PIB (b) |
Contributions à la semi-élasticité (a*b) |
|
Contribution des prélèvements obligatoires et des dépenses de chômage (1) |
0,52 |
||
Impôt sur le revenu, CSG et CRDS |
1,86 |
7,5 % |
0,14 |
Impôt sur les sociétés |
2,76 |
1,9 % |
0,05 |
Cotisations sociales |
0,63 |
16,2 % |
0,10 |
Autres prélèvements obligatoires (dont TVA) |
1,00 |
18,0 % |
0,18 |
Dépenses de chômage |
-3,23 |
-1,4 % |
0,05 |
Effet dénominateur (2) |
-0,05 |
||
Total (1 - 2) = 0,57 |
|||
Source : calculs réalisés à partir des estimations de l’OCDE, période de calibrage 2008-2017. |
Par rapport à la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le calcul du solde structurel a été simplifié pour se rapprocher de la méthode de la Commission européenne. Alors que la méthode retenue pour la précédente loi de programmation conduisait pour chaque année à un nouveau calcul de la semi-élasticité apparente du solde conjoncturel à l’écart de production, la méthode adoptée dans la présente loi de programmation fixe cette semi-élasticité à une valeur moyenne, sans perdre en précision compte tenu des incertitudes entourant la mesure de l’écart de production.
La valeur de la semi-élasticité apparente retenue sera fixe sur la période de programmation et sera actualisée dans la prochaine loi de programmation pour tenir compte de l’évolution des poids relatifs des différents impôts et, le cas échéant, d’une révision des élasticités estimées par impôt.
[3] OCDE, New tax and expenditures elasticity estimates for EU budget surveillance, R. Price, T. Dang, Y. Guillemette, 2014.
Annexe 3. Périmètre des mesures ponctuelles et temporaires à exclure de la mesure du solde structurel
Afin de traiter des mesures ponctuelles qui modifient de manière temporaire les soldes publics, le pacte de stabilité et de croissance a introduit, dès sa révision de 2005, la notion de mesures « ponctuelles et temporaires » (one-off en anglais) qui n’ont pas d’impact pérenne sur le déficit public. Ce concept vise à couvrir des événements exceptionnels de très grande ampleur qui brouillent le pilotage des finances publiques. Le solde structurel est ainsi défini comme le solde public corrigé des effets du cycle économique et de ces mesures ponctuelles et temporaires.
I. – La définition générale des mesures ponctuelles et temporaires doit être complétée par une analyse au cas par cas
L’évolution des finances publiques résulte d’une multitude d’évènements temporaires et exceptionnels. Il est donc malaisé de distinguer ce qui peut être considéré comme un élément exceptionnel et ce qui relève du domaine de l’ordinaire. Par exemple, beaucoup d’investissements publics sont par nature des dépenses « uniques » : la construction d’une route, d’une école ou d’une ligne à grande vitesse. Pour autant, il ne serait pas envisageable d’exclure les investissements du solde structurel. Cette problématique est générale en termes de finances publiques : les coûts des opérations extérieures (guerre, opération à l’étranger), les dépenses en cas de catastrophes naturelles et le déclenchement de garanties peuvent représenter des montants importants, parfois temporaires, qu’il est difficile de caractériser.
La Commission européenne a développé dans le rapport « Public Finance in the EMU 2015 » une doctrine concernant la classification de mesures en mesures ponctuelles et temporaires, reprise ensuite dans le « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact » (édition 2019). La Commission européenne donne cinq principes pour exclure une mesure du solde structurel (mesure dite one-off) :
1. La mesure est intrinsèquement non récurrente ;
2. Le caractère de one-off ne peut pas être décrété par la loi ou par une décision du Gouvernement ;
3. Les composantes volatiles des recettes ou des dépenses ne doivent pas être considérées comme one-offs ;
4. Les mesures discrétionnaires conduisant à creuser le déficit public ne sont pas, sauf exception, des one-offs ;
5. Seules les mesures ayant un impact significatif sur le solde public (c’est-à-dire supérieur ou égal à 0,1 % du PIB) peuvent être traitées en one-off.
Le principe n° 4 introduit une asymétrie dans l’appréciation de la Commission sur les mesures one-off. En effet, la Commission présume que les mesures qui creusent le solde public ont plus souvent un caractère permanent que celles qui l’améliorent et donc ne peuvent, sauf exception, être exclues de la mesure du solde structurel, sans apporter de justification de fond à cette différence. À partir de ces principes, la Commission dresse une liste non-exhaustive de mesures pouvant être classées en one-off, parmi lesquelles :
– des recettes fiscales exceptionnelles liées à une mesure temporaire d’amnistie fiscale ;
– des décisions consistant à décaler de manière permanente le calendrier d’encaissement de recettes fiscales ou de manière temporaire certaines dépenses ;
– des cessions importantes d’actifs non financiers (immobilier par exemple) ;
– des coûts temporaires associés à la réponse à des désastres naturels majeurs ou d’autres événements exceptionnels. En tout état de cause, la Commission adopte cependant une approche au cas par cas et se réserve la décision de classer ou non une mesure donnée comme « ponctuelle et temporaire ».
II. – La doctrine proposée par le Gouvernement pour la LPFP 2023-2027
Tout en reconnaissant que le caractère ponctuel et temporaire des mesures doit être apprécié au cas par cas, le Gouvernement propose un ensemble de critères permettant de mieux appréhender la notion de one-offs, regroupés en trois ensembles.
A. – Premier ensemble : les mesures définies comme one-off en amont de la programmation, au regard de leur effet ponctuel et temporaire sur les finances publiques. Ces mesures sont sélectionnées à la lumière de quatre principes
1. L’événement concerné ne doit pas être récurrent
Aucune catégorie d’événements récurrents ne peut être exclue par principe de la mesure du solde structurel. Par exemple, les remises de dette aux États étrangers sont fréquentes en France, notamment dans le cadre du Club de Paris et de sa politique d’aide au développement. Exclure systématiquement de telles opérations viendrait biaiser la mesure du déficit. De même, les dépenses liées aux catastrophes naturelles ou aux opérations militaires extérieures, bien qu’irrégulières, sont récurrentes. Enfin, des opérations qui relèvent de la gestion habituelle du patrimoine non financier de l’État (investissement public, cessions d’immeubles, gestion du patrimoine immatériel comme les fréquences hertziennes) n’ont pas non plus vocation à être systématiquement corrigées en one-off. Seule une analyse ex post au cas par cas permettrait de retirer celles dont l’ampleur complique la lecture du déficit public.
2. Une année donnée, le nombre de one-offs doit être limité pour éviter de biaiser la mesure du déficit public
Ce principe pose un garde-fou face au grand nombre de mesures ponctuelles qui rythment en pratique l’évolution du solde des administrations publiques (investissements exceptionnels par exemple), pour éviter un recours trop systématique à la classification en one-off qui biaiserait le calcul du solde structurel.
3. L’événement concerné doit entraîner un impact budgétaire significatif
Il convient ainsi de n’envisager que des facteurs qui peuvent potentiellement représenter un impact budgétaire positif ou négatif important.
4. Toute mesure qui améliore le solde public aujourd’hui pour le dégrader systématiquement dans le futur doit être considérée comme un one-off
Suivant les règles du système européen des comptes 1995 (SEC 95), c’était le cas des soultes liées à la reprise des obligations futures de paiement de retraite (les administrations récupèrent en une fois une compensation correspondant à la valeur actualisée des déséquilibres futurs). Néanmoins, depuis la publication des comptes suivant les règles du SEC 2010, les soultes reçues en contrepartie d’engagement de retraites n’améliorent plus le déficit en une seule fois mais sur de nombreuses années, ce qui supprime la nécessité de les classer en one-off.
Ensemble 1 : Mesures considérées comme one-off en amont de la programmation au regard de leur impact ponctuel et temporaire
LPFP 2014-2017 (SEC 2010) : aucune.
LPFP 2018-2022 : réforme du CICE.
LPFP 2023-2027 : aucune.
B. – Deuxième ensemble : les événements dont l’impact budgétaire est substantiel mais dont la temporalité est incertaine
Au moment de la programmation pluriannuelle, il convient de traiter de manière spécifique les éléments connus ex ante, pour lesquels l’incertitude entourant les montants concernés ou les dates d’occurrence ou d’imputation est importante. Cette logique prévaut dans le traitement en one-off des contentieux fiscaux de série (ou « de masse ») dont l’instruction est en cours ou de la sinistralité sur les garanties accordées dans le cadre de la crise de la Covid-19. Cette incertitude ne vient pas biaiser la mesure du solde structurel, puisque les montants sont déjà provisionnés dans la trajectoire initiale.
Ensemble 2 : Événements importants financièrement mais incertains en termes de temporalité, considérés comme one-off en amont des lois de programmation
LPFP 2014-2017 : contentieux fiscaux de masse.
LPFP 2018-2022 : contentieux fiscaux de masse.
LPFP 2023-2027 : contentieux fiscaux de masse significatifs et sinistralité sur les garanties accordées dans le cadre de la crise de la covid-19.
C. – Troisième ensemble : dans le cadre du contrôle ex post, des événements imprévus ayant un impact unique sur le solde public peuvent être traités en one-off
Le traitement des événements imprévus dans le cadre du contrôle ex post doit être apprécié au regard des règles organiques relatives au mécanisme de correction des écarts.
Si, en cours de mise en œuvre de la programmation, des événements d’impact très important sur les données prévues ou exécutées apparaissent, qui n’avaient pu être anticipés ex ante et qui ne modifient pas la trajectoire de moyen terme, il serait inutile de prendre des mesures pour corriger la déviation compte tenu de leur caractère temporaire. Du point de vue des règles organiques, il est alors pragmatique de les traiter en one-off pour éviter de déclencher inutilement le mécanisme de correction. Les critères de taille et de non-pérennité sont essentiels pour juger des mesures à inclure dans cette catégorie. Cette dernière peut également recouvrir le cas de révisions statistiques majeures entraînant un impact rétroactif exceptionnel sur le solde public, pour lesquelles le traitement en one-off permettrait d’éviter de brouiller la relecture structurelle.
Ensemble 3 : Événements imprévus à intégrer en tant que one-offs ex post :
LPFP 2014-2017 : changement de temporalité dans l’enregistrement en comptabilité nationale des budgets rectificatifs de l’Union européenne fin 2014.
LPFP 2018-2022 : impact sur 2020 des mesures de soutien prises face à la crise de la covid-19 en 2020 (4), changement de temporalité de l’enregistrement des cessions de licence hertziennes et conventions judiciaires d’intérêt public.
LPFP 2023-2027 : aucune information à ce stade. Exceptionnel et non anticipé par nature.
[4] À noter que cette classification n’a pas eu de conséquence sur le mécanisme de correction dans la mesure où, conformément à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques, l’existence de circonstances exceptionnelles a été relevée dans l’avis 2020-1 du 17 mars 2020 du Haut Conseil des finances publiques sur le PLFR I pour 2020, comme prévu à l’article 23 de la loi organique de 2012.
Annexe 4. Précisions méthodologiques concernant le budget quinquennal
I. – Définition du nouvel agrégat de suivi et de pilotage des dépenses de l’État
A. – La nécessité de rénover les instruments de maîtrise des dépenses de l’État
La présente loi de programmation définit un nouveau périmètre de dépenses appelé périmètre des dépenses de l’État (PDE), qui constitue l’outil de référence dans la construction du budget de l’État et le pilotage de l’exécution des dépenses.
La LPFP 2018-2022 avait consacré l’existence de deux normes relatives aux dépenses de l’État :
– la norme de dépenses pilotables (NDP) visait à recentrer le périmètre de la norme sur les dépenses les plus pilotables de l’État. La NDP était composée des dépenses du budget général, des budgets annexes, hors remboursements, dégrèvements et investissements d’avenir, hors charge de la dette et hors contributions au compte d’affectation spéciale des pensions, ainsi que des plafonds de taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, la sécurité sociale et l’Union européenne et des dépenses des budgets annexes, de certains comptes d’affectation spéciale et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ;
– l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) visait, quant à lui, à se rapprocher des dépenses totales des administrations publiques centrales, en intégrant également des dépenses moins pilotables. Outre la NDP, l’ODETE comprenait donc la charge de la dette, les pensions et les prélèvements sur recettes, les dépenses d’urgence, de relance et d’investissement d’avenir ainsi que les dépenses des comptes d’affectation spéciale non compris au sein de la NDP.
Ces deux normes ont un bilan contrasté. En 2018 et 2019, les objectifs de NDP et d’ODETE fixés en LPFP ont été respectés. Mais la survenance de la crise sanitaire a par la suite rendu caduques les cibles fixées à l’article 8. Surtout, la mise en place de diverses mesures d’urgence et de vecteurs ad hoc de réponse à la crise a contribué à fragiliser la capacité réelle de pilotage des dépenses sous NDP, tout en menant à des retraitements qui ont progressivement brouillé la frontière entre les deux normes. Leur utilité en tant qu’outils de suivi et de pilotage en a été fortement réduite, la plus grande sophistication de cette norme à deux niveaux se faisant au détriment de sa lisibilité et de son appropriation. De surcroît, il est apparu que le périmètre le plus réduit de la NDP présentait des points de fuite sur des dépenses dont la dynamique doit être pleinement considérée pour construire une trajectoire de dépenses de l’État pleinement cohérente avec les cibles de dépenses globales et l’objectif de maîtrise et de redressement des comptes publics.
Plusieurs ajustements sont donc apparus souhaitables pour renforcer l’effectivité du pilotage de la dépense de l’État et indirectement celui de la dépense des opérateurs et établissements constituant le champ des ODAC : la simplification et l’élargissement de l’agrégat de suivi des dépenses de l’État constituent les deux principes centraux des évolutions portées par la LPFP.
B. – Le périmètre des dépenses de l’État, un agrégat unique et élargi
Le nouveau périmètre des dépenses de l’État (PDE) inclut :
– l’ensemble des crédits du budget général, hors dépenses de contribution aux pensions civiles et militaires, traitement de la dette et remboursements et dégrèvements ;
– les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne ;
– les budgets annexes, l’essentiel des comptes d’affectation spéciale et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ;
– les taxes affectées plafonnées à des tiers autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Le nouveau périmètre des dépenses de l’État n’inclut ni les charges liées à la dette de l’État (programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » et programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État »), ni les crédits résultant du mécanisme de cantonnement de la dette covid (programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 »), dont la dynamique, liée directement à l’évolution pluriannuelle des recettes et à la conjoncture, ainsi que les circuits particuliers justifient l’exclusion. Les nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances permettront par ailleurs un suivi renforcé de la trajectoire d’endettement et de la charge de la dette, avec un rapport dédié au Parlement remis chaque année.
Concernant les prélèvements sur recettes, leur réintégration se justifie par le caractère structurant de ces dépenses dans la trajectoire de dépenses de l’État. Si le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est peu pilotable en infra-annuel, sa trajectoire n’est pas exogène et résulte de négociations dont les conséquences doivent être tirées sur le pilotage d’ensemble des dépenses de l’État. Par ailleurs, sa dynamique est à considérer dans la définition du juste niveau des crédits budgétaires ministériels, dans un contexte où la croissance de la contribution au budget de l’Union européenne offre en retour des perspectives de financement des politiques publiques qui doivent être mobilisées. Concernant les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, leur exclusion du périmètre de la norme avait été justifiée par un mode de pilotage renouvelé des relations entre État et collectivités, ciblé sur la maîtrise des dépenses des collectivités plutôt que l’ajustement du soutien financier de l’État. Si ce mode de pilotage est reconduit et ajusté, la trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités doit néanmoins être prise en compte dans la construction d’une trajectoire soutenable de dépenses de l’État.
Compte tenu du poids des dépenses de pensions dans le budget de l’État, de leur dynamique et de leur relative rigidité, il est enfin opportun d’intégrer ce poste au périmètre de référence pour la construction et le suivi des dépenses de l’État. Les dépenses finales du CAS « Pensions » sont ainsi intégrées au périmètre des dépenses de l’État, les dépenses intermédiaires intervenant en financement du CAS « Pensions » (contributions au CAS « Pensions ») étant retraitées pour éviter tout double compte.
Au total, ce périmètre de dépenses élargi et unique vise à faciliter l’appropriation et la compréhension de cet outil de mesure de la dynamique des dépenses de l’État et des choix d’allocation qui doivent être réalisés en son sein pour sécuriser la trajectoire de redressement des comptes sur la sphère de l’État. À titre indicatif, ces modifications conduisent, sur la base de la loi de finances pour 2023, à un périmètre de 496 milliards d’euros contre 350,9 milliards d’euros sur le périmètre de la NDP.
II. – Champ constant et charte de budgétisation
A. – Le principe du champ constant
La réalité de la dynamique de la dépense s’apprécie, entre deux lois de finances consécutives, à périmètre ou champ constant.
En effet, le périmètre des dépenses de l’État peut être amené à évoluer d’une année sur l’autre, des dépenses ou recettes étant nouvellement inscrites au budget de l’État, d’autres à l’inverse étant sorties du périmètre du budget de l’État.
Pour apprécier la dynamique réelle de la dépense de l’État sur un champ identique, c’est-à-dire un champ « constant » entre deux exercices, le budget doit donc être retraité de ces modifications de périmètre. À cette fin, seuls sont intégrés au calcul du périmètre des dépenses de l’État prévu à l’article 9 de la présente loi les mouvements de dépenses et les affectations de recettes ayant pour effet d’accroître ou de diminuer le niveau de la dépense publique.
A contrario, les mouvements constituant une simple réimputation au sein du périmètre des dépenses de l’État, par exemple entre le budget général et des comptes spéciaux inclus dans ce périmètre, ou les mouvements équilibrés en recettes et en dépenses, entre ce périmètre et une autre entité (par exemple, les collectivités territoriales), ne doivent pas être comptabilisés dans ce calcul.
Ces mouvements, équilibrés en recettes et en dépenses, sont appelés mesures de transfert quand ils ont lieu au sein du périmètre des dépenses de l’État et mesures de périmètre quand ils ont lieu entre ce même périmètre et une autre entité. Leur prise en compte permet de passer du champ constant au champ courant, sur lequel est présenté le projet de loi de finances de l’année, mais ils doivent être neutralisés pour apprécier la dynamique réelle du budget.
B. – La charte de budgétisation
L’ensemble des règles qui suivent constituent la charte de budgétisation de l’État, qui permet, en précisant les modalités de prise en compte des modifications de champ dans le calcul du périmètre des dépenses de l’État, de déterminer l’évolution de la dépense à champ constant.
1. Les mesures de périmètre donnent lieu à des inscriptions ou, à l’inverse, à des suppressions de crédits qui n’ont pas à être intégrées dans l’évolution des dépenses à champ constant.
Les mesures de périmètre ont deux caractéristiques : elles sont équilibrées en ressources et en dépenses ; elles sont pérennes et non temporaires.
Elles recouvrent les trois cas de figure dans lesquels l’État :
– transfère à une autre entité une dépense qu’il assumait auparavant, en transférant parallèlement les ressources d’un même montant permettant de la financer ;
– inscrit à son budget, au sein du périmètre des dépenses de l’État, une dépense nouvelle auparavant financée par une autre entité ainsi que des recettes d’un même montant ;
– prend en charge une dépense financée auparavant par dotations en capital ou par une entité supprimée.
Les mouvements liés à des transferts de compétence entre État et collectivités territoriales illustrent le premier cas de figure.
Le deuxième correspond à des mesures de rebudgétisation, par exemple la réintégration concomitante et équilibrée au sein du budget général d’une recette affectée non plafonnée à un opérateur et des dépenses qu’elle finance, ou à la création d’un compte spécial avec intégration au sein du périmètre des dépenses de l’État d’une recette et de la dépense qu’elle finance via le compte spécial.
Le troisième cas de figure, enfin, n’accroît ni la dépense publique ni le déficit public, puisque la dépense existait déjà auparavant et était financée par une recette non prise en compte dans le solde public selon les règles de la comptabilité nationale.
Enfin, des mesures de périmètre spécifiques aux modifications des taxes et autres recettes affectées existent également. Ces cas particuliers sont détaillés ci-dessous.
2. Les mesures de transfert concernent des mouvements de crédits à l’intérieur du périmètre des dépenses de l’État.
Les mouvements de transferts les plus fréquents sont réalisés entre missions du budget général ; néanmoins, ils peuvent également être effectués entre crédits du budget général ou comptes spéciaux intégrés dans le périmètre des dépenses de l’État par exemple.
De même, la baisse du plafond d’une taxe affectée à un organisme accompagnée de la création ou d’une hausse à due concurrence d’une subvention à ce même organisme constitue une mesure de transfert.
3. Les modifications du plafonnement des taxes et autres recettes affectées peuvent recouvrir quatre situations différentes :
a) Modification du plafond d’une taxe ou autre recette existante et déjà plafonnée en loi de finances
La modification du plafond se traduit par une variation des ressources allouées par l’État à l’entité. La modification de plafond dans la loi de finances a le même effet que l’évolution à la baisse ou à la hausse d’une subvention pour charges de service public inscrite en dépense. Elle est donc prise en compte dans le périmètre des dépenses de l’État. Il existe trois situations :
– le plafond est relevé : une mesure nouvelle est comptabilisée au sein du périmètre des dépenses de l’État ;
– le plafond est abaissé : une économie est comptabilisée dans la mesure où le niveau du plafond est inférieur ou égal au rendement prévisionnel de la taxe présenté dans l’annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances (PLF), pour un montant correspondant à la baisse effective des ressources de l’organisme ; de la même façon, la suppression d’une taxe affectée, qui peut être assimilée à la suppression de tout ou partie des ressources allouées par l’État à l’entité, si elle n’est pas remplacée par une dotation budgétaire équivalente, est comptabilisée comme une économie au sein du périmètre des dépenses de l’État.
Si le plafond est abaissé mais qu’il demeure supérieur au rendement prévisionnel de la taxe, une mesure de périmètre est comptabilisée.
b) Plafonnement d’une taxe ou autre recette déjà existante mais qui n’était pas jusqu’alors plafonnée
La mesure de plafonnement est traitée comme une mesure de périmètre pour le montant correspondant au plafond qui est décompté dans l’évolution du périmètre des dépenses de l’État. Au cas où le plafond serait fixé à un niveau inférieur à celui de l’évaluation de la recette, une mesure d’économie est décomptée à hauteur de l’écart séparant le niveau prévisionnel de la recette et le niveau du plafond introduit.
c) Nouvelle affectation de recette
Toute nouvelle affectation de recette à un organisme public autre que les administrations de sécurité sociale, les collectivités territoriales, et les établissements publics de coopération intercommunale est prise en compte intégralement en mesure nouvelle au sein du périmètre des dépenses de l’État, pour un montant égal au niveau du plafonnement. Cette mesure est en effet assimilable à l’attribution d’une subvention à un organisme.
d) Rebudgétisation d’une recette affectée plafonnée
La rebudgétisation de la recette affectée à un organisme fait l’objet d’un plafonnement en loi de finances et figure à ce titre au sein du périmètre des dépenses de l’État.
Si le rendement prévisionnel de la recette est supérieur ou égal au plafond de celle-ci, la rebudgétisation constitue une mesure de transfert à hauteur du plafond. L’écart entre la subvention versée et le plafond constitue une mesure d’économie dans le cas où la subvention serait inférieure à l’ancien plafond. Il constitue une mesure nouvelle dans le cas où la subvention serait supérieure à l’ancien plafond.
Si le rendement prévisionnel de la recette est inférieur au plafond de celle-ci, la rebudgétisation constitue une mesure de transfert à hauteur du rendement prévisionnel. De plus, la rebudgétisation donne également lieu à une mesure de périmètre diminuant le niveau du périmètre de dépenses pour un total égal à l’écart entre le plafond et le rendement prévisionnel. En cas d’écart entre le rendement prévisionnel de la recette ou de la taxe affectée et la subvention, il est comptabilisé au sein du périmètre des dépenses de l’État :
– une économie, si la subvention est inférieure aux prévisions d’affectation préexistant à la rebudgétisation ;
– une dépense nouvelle si la subvention y est supérieure.
III. – Nature et portée des autorisations du budget pluriannuel
La LPFP détermine des montants de crédits de paiement pour chaque année de la période de programmation.
1. Elle prévoit d’abord, pour les cinq premières années de la programmation, un plafond global de crédits de paiement pour le périmètre des dépenses de l’État, selon les termes de l’article 9 de la présente loi de programmation.
2. Elle définit ensuite un montant plafond pour les crédits alloués à chacune des missions du budget général pour les annuités 2023, 2024 et 2025 (article 12).
Pour l’année 2023, les plafonds de crédits établis au niveau des missions correspondent à ceux du PLF pour 2023.
Pour les années 2024 et 2025, les crédits par mission sont des plafonds limitatifs. Ils feront l’objet d’une déclinaison au niveau prévu par la loi organique (programmes, actions, titres et catégories) dans le cadre des projets de loi de finances associés.
Compte tenu des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances modifiée, chaque prochain PLF s’accompagnera d’une présentation à titre prévisionnel, dans les documents budgétaires, de la ventilation des crédits entre programmes à un horizon de trois ans. Si des ajustements devaient intervenir dans la répartition des crédits par mission prévue à l’article 12 de la présente loi de programmation, ils auraient vocation à se faire dans le respect du montant global de dépenses fixés sur le périmètre des dépenses de l’État à l’article 9.
Enfin, chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement une présentation précise et détaillée du périmètre des dépenses de l’État, contenue dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances, conformément au même article 9.
Annexe 5. Précisions méthodologiques concernant la mesure de la croissance des dépenses au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)
I. – Le principe du champ constant
La réalité de la dynamique de la dépense au sein de l’ONDAM s’apprécie entre deux lois de financement de la sécurité sociale consécutives, à périmètre (ou champ) constant. En effet, le périmètre de l’ONDAM peut être amené à évoluer d’une année sur l’autre, des dépenses ou recettes étant nouvellement intégrées dans le champ de l’objectif, d’autres à l’inverse en étant sorties. Pour apprécier la dynamique réelle de la dépense au sein de l’ONDAM sur un champ identique (champ constant) entre deux exercices, l’ONDAM doit en conséquence être retraité de ces modifications de périmètre, selon les règles décrites ci-après. Les mouvements constituant une simple réimputation entre les sous-objectifs de l’ONDAM, les mouvements d’intégration ou de sortie du périmètre de l’ONDAM de dépenses demeurant financées par les régimes d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès ou les mouvements qui traduisent une évolution entre le champ des dépenses de ces régimes d’assurance et celui d’autres entités (par exemple, l’État) équilibrée par un mouvement similaire en recettes ne doivent pas être comptabilisés dans ce calcul. Ces mouvements sont appelés mesures de transfert quand ils ont lieu entre sous-objectifs ou mesures de périmètre quand ils ont lieu entre le périmètre de l’ONDAM et une autre entité (qui peut être la sécurité sociale). Leur prise en compte permet de passer du champ constant au champ courant, sur lequel est présenté l’ONDAM de l’année, mais ils sont sans influence sur l’appréciation de la dynamique de ces dépenses.
II. – La charte relative à la détermination de l’évolution de l’ONDAM
L’ensemble des règles qui suivent constituent la charte relative à la détermination de l’évolution de l’ONDAM, qui permet, en précisant les modalités de prise en compte des modifications de champ dans le calcul de la norme, de déterminer l’évolution de la dépense au sein de l’ONDAM à champ constant.
1. Les mesures de périmètre, qui intègrent au sein de l’ONDAM, ou à l’inverse sortent de son champ, des dépenses, qui n’ont pas à être prises en compte dans le calcul du taux d’évolution de l’ONDAM à champ constant, recouvrent les situations dans lesquelles :
– la sécurité sociale transfère à une autre entité une dépense qu’elle assumait auparavant au sein de l’ONDAM, en transférant parallèlement des recettes d’un même montant permettant de la financer ;
– la sécurité sociale prend en charge au sein de l’ONDAM une dépense auparavant financée par une autre entité et reçoit des recettes d’un même montant permettant de la financer ;
– est intégrée dans le périmètre de l’ONDAM, ou à l’inverse sortie de son champ, une dépense déjà prise en charge par la sécurité sociale dès lors que cette opération n’a pas d’impact sur son solde ;
– est intégrée dans le périmètre de l’ONDAM une nouvelle dépense de la sécurité sociale qui reçoit en contrepartie une recette nouvelle d’un même montant.
Les deux premiers cas de figure correspondent essentiellement à des transferts de dépenses entre l’État et la sécurité sociale, compensés par des transferts de recettes équivalents, visant à rationaliser les financements compte tenu de la nature des dépenses. L’élargissement du champ de l’ONDAM pour y intégrer des dépenses d’assurance maladie que l’on souhaite soumettre à la norme illustre le troisième cas de figure. Enfin le quatrième cas de figure comprend la création de prestations financées par un prélèvement entièrement nouveau (et non un transfert).
Ces opérations sont intégralement neutralisées dans le calcul de l’évolution de l’ONDAM à périmètre constant. Dans le cas où le montant de la dépense diffère de celui de la recette perçue ou transférée en contrepartie, la différence est prise en compte dans l’ONDAM en tant qu’économie dans le cas d’une diminution des dépenses nettes de la sécurité sociale (recette perçue supérieure à la dépense intégrée à l’ONDAM, ou recette rendue inférieure à la dépense transférée à une autre entité) ou en tant que dépense supplémentaire dans le cas d’une augmentation.
2. Les mesures de transfert, parce qu’elles concernent des réimputations de dépense entre sous-objectifs de l’ONDAM, n’ont pas d’impact sur le niveau de celle-ci. Les mouvements de transferts les plus fréquents concernent les opérations de fongibilité entre les crédits hospitaliers et les crédits médico-sociaux.
3. Dès lors que l’évolution de l’ONDAM est présentée en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les éventuelles mesures d’annulation de crédits décidées au sein des enveloppes fermées listées ci-après et intervenant en fin de gestion (après le vote de la loi de financement de la sécurité sociale) ne sont pas prises en compte dans le calcul du taux d’évolution des dépenses de l’ONDAM, dans la limite du montant de la sous-consommation de l’ONDAM constatée, le cas échéant.
Les crédits concernés portent sur les missions d’intérêt général, les aides à la contractualisation, la dotation annuelle de financement, les mises en réserve au titre du coefficient prudentiel et la dotation au fonds d’intervention régional.
Annexe 6. Table de passage entre les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et le présent rapport annexé
Loi organique relative aux lois de finances |
Parties correspondantes du rapport annexé |
1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation |
Ensemble du rapport, notamment la partie I |
2° Une présentation, pour l’ensemble de la période de la programmation, des principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A, compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme. Cette présentation retrace notamment leur nature, leur montant et leurs effets attendus ; |
Partie II F : Les dépenses d’investissement des administrations publiques |
3° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs, exprimées en valeur et selon les conventions de la comptabilité nationale ; |
Parties II et III : La trajectoire de finances publiques et analyse par sous-secteur |
4° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, une évaluation minimaliste, moyenne et maximaliste de l’évolution des taux d’intérêt et de son impact sur les comptes de l’État ; |
Partie II D : Huit derniers alinéas du 2 |
5° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l’estimation des dépenses d’assurance vieillesse et des dépenses d’allocations familiales ; |
Parties III C : Dépenses d’assurance vieillesse et allocations familiales |
6° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage, exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ; |
Partie III C : Dépenses, recettes et solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage |
7° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ; |
Parties II et III : La trajectoire de finances publiques et analyse par sous-secteur |
8° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l’article 1er B, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année ; |
Partie III : La trajectoire des finances publiques par sous-secteur |
9° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/ UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l’objectif à moyen terme au regard de ces projections ; |
Partie III E : Trajectoire des finances publiques à politique et législation inchangées |
10° Le montant et la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel ; |
Partie II D : Tableau “Mesures exceptionnelles et temporaires” |
11° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er A de la loi organique, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ; |
Annexe 2 (Mode de calcul du solde structurel), annexe 3 et partie II D (Effort structurel par sous-secteur des administrations publiques) |
12° Les hypothèses de produit intérieur brut et de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ; |
Partie I |
13° Les hypothèses ayant permis l’estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, notamment les hypothèses d’élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ; |
Annexe 2 |
14° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné à l’article 1er A. |
Annexes 2 et 3 |
Ce rapport présente également la situation de la France, par rapport aux États membres de l’Union européenne, au regard des objectifs stratégiques européens. |
Partie II A : deux derniers alinéas (“Comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne”) |
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à la suppression de l’article 1er qui, selon nous, n’a pas de portée juridique, fait se succéder les déclarations d’intentions plus ou moins étayées et présente des données du projet de loi de programmation des finances publiques.
Ce document est un autosatisfecit, monsieur le ministre. Vous vous félicitez des politiques conduites par le Gouvernement, jusqu’à celles qui sont menées contre nos concitoyens – je fais référence ici au recul de l’âge de la retraite.
Voici un florilège de vos formules : « Après avoir résisté aux crises, l’économie française retrouverait de l’élan » ; « À partir de 2023, la croissance potentielle s’établirait à 1,35 %, la capacité productive de l’économie étant soutenue par les réformes du Gouvernement. » – j’aimerais d’ailleurs que vous nous disiez à quel moment la France a respecté la croissance potentielle fixée dans les précédentes lois de programmation … – ; « Le budget 2024 permettra également de financer les mesures du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui a pour ambition de faire de la France son chef de file en Europe. », etc. Je vous fais grâce de l’exégèse du rapport annexé…
Cet article est en fait le premier moment de vérité de la rentrée budgétaire, que la majorité sénatoriale ne peut balayer d’un revers de main.
Ne pas voter sa suppression, c’est signifier son accord avec les prévisions macroéconomiques qu’il contient. Ne pas voter sa suppression, c’est soutenir son contenu. Ne pas voter sa suppression, c’est approuver le programme de réformes passées et à venir du Gouvernement. Enfin, ne pas voter sa suppression, c’est finalement affirmer – je devrais dire « réaffirmer » – l’union sacrée entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle dans la constitution d’un grand bloc libéral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne céderai évidemment pas au raccourci opéré par mon collègue Éric Bocquet dans la défense de son amendement au sujet de la position de la majorité sénatoriale.
Comme plusieurs de nos voix l’ont affirmé, nous ne partageons pas l’optimisme des prévisions du Gouvernement. J’ai bien compris qu’il en allait de même pour vous, mon cher collègue.
Cependant, votre contre-proposition est fort modeste. Pour notre part, dès lors que nous avons choisi de proposer un projet alternatif sans remettre en cause toutes les hypothèses – je répète que nous aurons l’occasion, sur d’autres amendements, de dénoncer le flou artistique du projet, ainsi que je l’ai fait dans ma déclaration liminaire –, nous considérons qu’il faut bien travailler sur ces hypothèses.
Nous prenons acte de celles que le Gouvernement a données, qui nous semblent trop optimistes. Nous relèverons les compteurs un peu plus tard et nous verrons bien alors qui était le plus proche de la réalité.
Pour l’heure, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, en supprimant cet article, vous rendez de facto ce projet de loi de programmation inconstitutionnel, la loi organique prévoyant précisément la rédaction de ce rapport annexé.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 4, quatrième phrase
Supprimer les mots :
, un niveau historiquement bas
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 4.
Nous parlions d’autosatisfecit ; en voici un autre : « Le marché de l’emploi reste également bien orienté, avec un taux de chômage à 7,2 % au deuxième trimestre 2023, un niveau historiquement bas. »
Monsieur le ministre, nous vous demandons de supprimer cette mention trompeuse.
Doit-on vous rappeler que le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), est, selon l’Insee, au niveau du premier trimestre 2008 ?
Il y avait alors, avant que la crise financière des subprimes et les effets du traité de Lisbonne ne s’abattent sur notre économie, 94 000 chômeurs de moins.
Plus encore, il faut se rappeler, lorsque l’on invoque un niveau historiquement bas, que le chômage a plafonné à 2 % de l’après-guerre à 1967, et en deçà de 5 % jusqu’en 1978.
Pour aborder sérieusement ce qui vous amène à revendiquer ces chiffres du chômage, tout comme votre discours sur la fable du plein emploi, il faut s’intéresser à la structure et à la nature de l’offre de travail.
Quelle est la valeur ajoutée économique de ces emplois ? En Île-de-France, le chiffre d’affaires trimestriel moyen des autoentrepreneurs au troisième trimestre 2020 atteignait péniblement 3 298 euros, soit 1 099 euros par mois de chiffre d’affaires hors impôt.
Surtout, quelle est la valeur ajoutée sociale de ces emplois dans les conditions matérielles d’existence de ces travailleuses et travailleurs, et quelle est leur utilité sociale ?
Nous n’obtenons pas le plein emploi à marche forcée en précarisant, en subventionnant le mal emploi et en créant la fiction du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Si l’on se situe dans l’histoire longue, madame la sénatrice, votre observation est justifiée.
Toutefois, quel que soit le mode de calcul – il faut tenir compte des nombreuses formations professionnelles –, la situation actuelle est la plus favorable depuis quinze ans, soit depuis 2008, ce qui nous rappelle de bons moments, puisque le Gouvernement était alors issu de la majorité qui soutenait le président Sarkozy.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous tenons à la mention que l’amendement tend à supprimer.
Ce n’est pas nous qui calculons le taux de chômage au sens du BIT : c’est l’Insee.
Ce taux atteint 7,2 %. Nous avons pu observer ponctuellement un tel niveau en 2008, mais il faut remonter à 1982 pour observer de manière plus durable une baisse du taux de chômage d’une ampleur comparable.
Nous maintenons donc notre affirmation et émettons un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, vous avez fait allusion au président Sarkozy, mais vous auriez dû y associer son ministre Hervé Novelli, qui avait inventé un beau principe avec le statut d’auto-entrepreneur. Le Président de la République proposait alors à tous les Français de devenir patrons !
Ce que vient de dire Marianne Margaté sur les revenus est explicite. Elle a évoqué l’Île-de-France, mais on pourrait citer toutes les régions de France.
Il faut tout de même raison garder dans l’argumentation que l’on utilise, par égard pour les femmes et les hommes qui ont une vie de labeur et qui n’ont pas les revenus qu’ils devraient avoir.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7, qui concerne l’inflation, et qui est ainsi rédigé : « La normalisation de l’inflation reposerait largement sur le ralentissement des prix alimentaires et manufacturés, déjà entamé à l’été 2023. »
J’invite le Sénat à voter unanimement cette suppression, parce que nous savons tous que cette affirmation est fausse. Nous ne sommes pas là dans le débat idéologique ou la confrontation des analyses : toutes les Françaises et tous les Français le savent.
Au mois de mars 2023, les prix de produits de grande consommation vendus dans la grande distribution ont augmenté de 15 % sur un an, et l’inflation des prêts à la consommation augmentait pour le seizième mois consécutif. Il faudrait, dans ces conditions, se réjouir ici d’un ralentissement à l’été ? Mais de quel ralentissement parle-t-on ?
L’association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir a calculé que l’envolée des produits alimentaires a dépassé 19 % et que celle des produits d’hygiène s’est établie à 9 % sur un mois.
Le ralentissement déjà entamé à l’été n’a pas été perçu par le quotidien Le Monde, dont un article avait pour titre : « Les prix alimentaires restent au plus haut en août en France. » Et pour cause, les prix alimentaires ont bondi de 21,3 % sur l’année : un record ! Un de ceux que l’on aurait aimé ne pas battre…
Nous le disons avec sérieux et solennité : il faut enlever ce paragraphe de l’annexe, que, du reste, personne ne lira. Il est le signe d’une déconnexion flagrante, en sus d’être un mensonge éhonté.
Le peuple est pris à la gorge. Alors que 42 % des plus précaires affirment, dans une étude réalisée par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), se priver d’un repas chaque jour, nous, les parlementaires, nous regardons ailleurs, comme si nous étions au-dessus de tout cela !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. J’appelle la commission à émettre un avis favorable sur notre amendement : supprimer cette phrase serait digne politiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il faut resituer le texte dans le temps.
Ce qui est vrai – du moins lorsque l’on s’en remet aux données de l’Insee –, c’est que l’inflation a été assez forte et qu’elle est actuellement en phase de ralentissement.
En tout état de cause, elle est davantage contenue, que ce soit pour la moyenne des prix alimentaires analysés ou pour les produits manufacturés : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je confirme que le pic de l’inflation alimentaire date de mars 2023, à +15,9 %.
On peut convenir aujourd’hui que l’inflation alimentaire est encore trop élevée, mais elle n’a cessé de ralentir. En septembre, elle s’établissait à +9,7 %. On est donc bel et bien dans une phase de ralentissement.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’inflation est toujours élevée, mais, factuellement, la phrase que vous voulez supprimer est juste, puisque le pic est derrière nous.
Par conséquent, avis défavorable également.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je pense qu’à défaut d’émettre un avis de sagesse sur notre amendement vous auriez au moins dû faire preuve de sagesse dans vos propos.
Vous rendez-vous compte que parler d’un ralentissement de l’inflation, qui serait passée de 15 % à 9,6 %, cela ne passe pas auprès des plus précaires et des plus modestes de nos concitoyens ? Vous avez pourtant entendu ce que j’ai dit sur les produits d’hygiène !
À votre place, monsieur le ministre, j’en aurais au moins appelé à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont souligné en discussion générale, le texte est inchangé par rapport à celui dont nous avions discuté l’an dernier.
Monsieur le ministre, vous aviez une année pour rectifier les prévisions de « croissance potentielle », la plus haute de toutes les institutions économiques, expression un peu technique permettant d’estimer la croissance sans écart de production dans une situation optimale.
Vos réformes conduiraient, en 2027, à un écart de production nul. Autrement dit, tous les facteurs permettraient d’atteindre le niveau de croissance optimal.
Or le Haut Conseil des finances publiques est clair, qui réitère qu’une croissance potentielle inchangée à 1,35 % en moyenne annuelle sur la période, supérieure aux autres prévisions disponibles, suppose notamment de prêter aux réformes du marché du travail des effets trop importants et rapides à ses yeux.
En vérité, c’est sur la contribution du capital que vous misez, alors même que les conditions de financement se durcissent. Les subventions au capital via le plan de relance et le plan d’investissement France 2030 ne suffiront pas.
Les baisses du taux de l’impôt sur les sociétés ne sont que proportionnelles à l’accroissement des dividendes. Contrairement à ce que vous affirmez, la suppression de la CVAE – à supposer qu’elle ait une quelconque incidence sur l’investissement des entreprises – ne produira pas d’effets avant 2027.
Le « facteur travail » – pour reprendre le jargon que l’on emploie aujourd’hui – n’est pas plus à la fête, car les prévisions du Gouvernement se fondent sur 150 000 emplois créés à moyen terme grâce à la réforme de l’assurance chômage, autrement dit à la restriction de l’accès aux droits des allocataires eux-mêmes cotisants. Privés de droits, des chômeurs ne créent pas d’emploi.
Dans le même temps est créée la nécessité vitale d’accepter un emploi à n’importe quelles conditions.
Le Haut Conseil explique que « l’impact de la réforme de l’assurance chômage sur la croissance potentielle est surestimé ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de dire que les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement me semblaient trop optimistes, mais de là à les supprimer… Sans aller jusqu’au bénéfice du doute, car nous ne doutons pas vraiment, il faut bien que le texte comporte les données qui doivent y figurer.
Pour cette raison, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux estimations de l’OFCE et du FMI, qui évaluent notre croissance potentielle à 1,3 %.
Pour ce faire, tous deux intègrent les effets de nos réformes structurelles, qui vont continuer : la réforme du revenu de solidarité active (RSA), la réforme de France Travail, celle du lycée professionnel, celle de l’apprentissage…
Ce sont donc deux instituts très différents qui confirment les hypothèses retenues par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 38 et 39
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Les principales mesures en matière de prélèvements obligatoires pour 2023 représentent une diminution des recettes fiscales et sociales d’un montant de 13,6 milliards d’euros.
Ce solde est d’autant plus substantiel lorsqu’on le rapporte aux 16 milliards d’euros d’économies escomptées par le ministre Bruno Le Maire dans le budget de l’année prochaine.
Pour signifier notre opposition à l’affaiblissement des recettes fiscales, nous aurions pu demander la suppression de ce tableau, mais ce qui nous dérange dans la présentation de ces données tient d’abord à leur sincérité.
Monsieur le ministre, expliquez-nous comment la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 8 points, de 33 % à 25 %, n’aurait coûté aux finances publiques que 400 millions d’euros ? Je vous avoue que nous avons du mal à comprendre ce montant. Votre éclairage nous permettra sans doute de recueillir les informations nécessaires.
Ce n’est pas l’écart entre les recettes exécutées réellement perçues en 2022 et les estimations pour 2023 qui l’explique. Ce n’est pas non plus la baisse des recettes liée à la baisse des bénéfices, qui explosent de 15 % sur un an pour le seul CAC 40.
Pour s’en convaincre, dans une société qui n’aurait pas de possibilité de contourner l’impôt, les 81 milliards d’euros engrangés pour le seul premier semestre 2023 généreraient une imposition de 20,25 milliards d’euros au taux de 25 %. Avec un taux de 33 %, on aurait bien 6,5 milliards d’euros de plus sur un semestre pour financer les besoins des administrations.
En appliquant le même raisonnement – à vos yeux peut-être un peu simpliste, mais qui a le mérite de poser les ordres de grandeur – aux 61,3 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés en 2023, la baisse d’un quart du taux d’imposition des bénéfices de 33 % à 25 % représenterait une perte de recettes de 20 milliards d’euros.
Peut-on avoir une explication de ce décalage entre deux dizaines de milliards d’euros et 400 millions d’euros ? Il doit y avoir une erreur…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cher collègue, j’entends que vous souhaitez que les données concernant les prélèvements obligatoires soient rectifiées. Or l’amendement que vous proposez consiste à les supprimer purement et simplement. Si tel était le cas, nous manquerions de données et il nous serait difficile de construire une trajectoire.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons aussi besoin de ce tableau par souci de transparence.
La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés a eu pour effet d’augmenter les recettes collectées. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRCE-K.) C’est l’effet de la politique de l’offre : en baissant l’impôt sur les sociétés des entreprises, on encourage la création d’activités et le développement des entreprises, donc on perçoit plus de recettes.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 42, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Vous connaissez ma personnalité : si je suis toujours respectueux, je suis parfois un peu taquin, voire insolent.
Le taux passe de 33 % à 25 %. À écouter le raisonnement du ministre, avec un taux à 0 %, la flambée économique serait assurée, il n’y aurait plus de problèmes, tout le monde se sentirait utile, aurait du travail et serait heureux.
M. Pascal Savoldelli. Je reviens à cette mesure fiscale de 2023. Le signal que vous donnez nous semble dangereux : plus le taux facial serait haut, plus l’évitement de l’impôt serait légitime.
Monsieur le ministre, nous sommes ici pour faire la loi, l’écrire et en débattre. Nous ne sommes pas en train de distribuer des tracts.
Cependant, nous voulons vous poser une question : que ferez-vous des économies que vous inscrivez dans le projet de loi jusqu’en 2027 ? Il serait bon que nous le sachions : cela nous aiderait à préparer le projet de loi de finances, compte tenu de la trajectoire que vous définissez ici.
Pouvons-nous collégialement avoir un certain nombre d’informations sur les économies que vous envisagez de faire d’ici à 2027, au-delà du seul projet de loi de finances pour 2024 ? Autant que nous y voyions clair sur le cap vers lequel vous vous dirigez !
Vous nous expliquez que la charge des intérêts de la dette va augmenter, passant à 74 milliards d’euros d’ici à 2027, soit 21,5 milliards d’euros de plus que vos projections pour 2024. Cela devrait inquiéter tout le monde !
Pourrions-nous avoir des éléments sur le coût de la dette ? Celui-ci va dépasser le budget de l’éducation nationale, ce qui est tout de même assez extraordinaire. Il n’y a pas de quoi en tirer gloriole.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cette phrase, qui figurait certes dans les documents et les programmes électoraux, mais qui relève plus de la propagande que de la réalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, votre phrase magique vaut le détour. Elle est le copier-coller de mauvais aloi d’une réponse que vous avez faite à une question que j’avais moi-même posée.
Je vous le dis tout de suite : je partage, à son sujet, l’avis du sénateur Pascal Savoldelli et des membres de son groupe.
Cette phrase vaut son pesant de cacahuètes : « Cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses, qui permettront de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République et les priorités fixées par le Gouvernement en termes de politique publique. »
Formidable ! Vous avez quatre heures… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous répondrai en mois de quatre heures. (Nouveaux sourires.)
Que veut dire cette phrase ? Que nous avons besoin de poursuivre les réformes structurelles pour améliorer la situation des finances publiques. Si nous disposons de marges de manœuvre aujourd’hui, c’est parce que nous avons engagé la réforme des retraites, engagé et réalisé la réforme de l’assurance chômage.
Pour redresser les finances publiques, nous devons poursuivre les réformes structurelles, grâce à la revue des missions.
D’ailleurs, nous souhaitons associer les parlementaires à cet exercice.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Un jour, peut-être…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’accueillerai très favorablement les propositions concrètes de tous les parlementaires.
Trouvant notre phrase très claire, j’émets un avis défavorable sur l’amendement de M. Savoldelli.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Excusez-moi, monsieur le ministre, je vais relire la phrase que nous voulons supprimer, même si je vois que cela vous fait sourire.
M. Pascal Savoldelli. Vous aurez pourtant constaté comme moi que notre position à son sujet est partagée.
« Cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses, qui permettront de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République et les priorités fixées par le Gouvernement en termes de politique publique. »
Je ne vous demande pas de faire un long discours – la loi de programmation couvre la période qui va jusqu’en 2027 ; la date est sûrement choisie au hasard… – ni de modifier la phrase que je viens de citer et dont vous venez de justifier la rédaction. Je vous demande simplement de nous répondre. Quelles sont les marges de manœuvre d’ici à 2027 ? En quoi les dépenses vont-elles être de meilleure qualité ?
Or, et c’est ce qui a motivé le dépôt de notre motion tendant à opposer la question préalable, nous n’avons pas obtenu de réponse. Et nous savons que ce que vous indiquez ne sera pas appliqué. Il y a un vrai problème de sincérité.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 111 à 115
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Tout d’abord, mes chers collègues, je vous remercie pour le vote précédent : il y a une petite lueur d’espoir. Je m’en réjouis. (Sourires.)
Tout le monde le sait ici, le groupe CRCE-Kanaky s’oppose aux mesures de contrition des dépenses ou des recettes des collectivités.
Dans le rapport annexé – et le texte du Gouvernement n’est pas modifié par la droite sur ce point –, il est indiqué que « les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique ». Traduction : l’État va faire payer sa politique aux collectivités territoriales ! Voilà qui a le mérite d’être clair !
Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont été multipliées par dix depuis 1981 ; vous pourriez tout de même le dire ! Il faut bien trouver les moyens alloués à la décentralisation. Celle-ci est tellement inaboutie qu’en 2020, la part des dépenses locales dans les dépenses publiques représente en France 17,9 % du PIB, contre 33 % dans l’Union européenne. Ceux qui prétendent que nous serions les « mauvais élèves » de l’Europe manquent quelque peu de rigueur.
Un tel acharnement du Gouvernement est à nos yeux disproportionné, monsieur le ministre. À la fin 2022, en effet, la dette des administrations publiques locales plafonnait à 245 milliards d’euros, soit 8,7 % de la dette publique totale : même pas 10 % !
Nous ne réduirons pas l’endettement en rognant sur les collectivités. Elles dégagent d’ailleurs, tant bien que mal, une capacité de financement qui oscille en 0,1 et 0,2 point de PIB. La méthode n’est donc pas bonne, et la cible est mauvaise.
Nous nous sommes penchés sur l’alinéa 114 du rapport annexé, au ton quelque peu professoral. Les élus qui nous écoutent doivent y être attentifs, car cela vaut le coup ! C’est un appel à la modération.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Le ministre y écrit que les objectifs relatifs aux dépenses réelles de fonctionnement des collectivités « aideront les élus et les gestionnaires de collectivités à se positionner en apportant des éléments d’objectivation et de comparaison sur l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable, dans le droit-fil de la position de la majorité sénatoriale. Au regard du niveau et du volume des déficits, nous pensons que chacun doit faire un effort.
En revanche, nous ne suivons pas du tout le Gouvernement lorsqu’il demande aux collectivités locales un effort beaucoup plus important qu’à l’État, ce qui est totalement inadmissible. Nous souhaitons simplement que ces dernières prennent leur part, évidemment raisonnable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Encore une fois, il est légitime que les efforts soient partagés. En 2018, nous avions 2,3 % de déficit public. C’est l’État qui a pris à sa charge les crises successives, permettant de protéger les salariés, les commerçants, les collectivités territoriales et les associations.
Aujourd’hui, nous devons redresser nos finances publiques. Nous demandons donc un effort à l’État, aux collectivités territoriales, à la sécurité sociale. Cela me semble d’autant plus légitime – nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce sujet lors du débat sur la taxe foncière – que la Cour des comptes, ayant examiné à la fin de l’année 2022 la situation financière des collectivités territoriales, avait estimé que celles-ci ne s’étaient jamais aussi bien comportées, même par rapport à l’avant-crise. Je ne nie pas qu’il puisse exister des situations hétérogènes et qu’il faille tout examiner dans le détail…
De quel effort parle-t-on ? Il s’agit non pas de diminuer les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, mais de faire en sorte qu’elles évoluent un peu moins vite que l’inflation. Au final, une fois enlevée la charge de la dette, cet effort des collectivités est beaucoup moins important que celui qui est demandé à l’État. Par ailleurs, il porte bien – j’y insiste – sur les dépenses de fonctionnement, et pas sur les dépenses d’investissement.
Lorsque nous avons réuni le Haut Conseil des finances publiques locales, nous nous sommes mis d’accord sur une méthode. Il ne s’agit pas d’une approche unilatérale avec un contrat de Cahors et des sanctions. Il s’agit de regarder ensemble comment faire des économies.
Les élus locaux savent très bien où faire des économies. Ils demandent par exemple, à cette fin, que la loi, les règlements ou l’organisation de l’État évoluent. On s’accorde alors – et c’est une nouvelle méthode – sur des revues de missions conjointes.
Considérer que le cas des collectivités territoriales et le redressement des finances publiques sont deux sujets complètement différents, c’est tomber dans la caricature !
Nous dialoguons en responsabilité avec les collectivités pour trouver des accords. C’est la méthode que le Gouvernement a retenue.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, je pense que vous devez d’emblée changer de posture.
Vous ne pouvez pas dire devant le Sénat qu’en 2022 la situation des collectivités était satisfaisante : c’est inentendable et inacceptable !
M. Bruno Belin. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Vous parlez d’une période durant laquelle les collectivités n’ont pas pu faire d’investissements en raison de l’augmentation des coûts, de l’allongement des délais nécessaires aux travaux et de la crise sanitaire.
Vous avez ensuite évoqué le Haut Conseil des finances publiques locales. Cela suffit ! Il existe un Parlement, constitué de l’Assemblée nationale et du Sénat : faites travailler nos assemblées et les collectivités, sans ajouter de commissions, de hauts conseils, sans oublier France Travail, France Ruralités, etc. Stop ! Vous avez des circuits courts qui permettent d’être efficaces ; utilisez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Sans vouloir prolonger exagérément le débat, certains propos méritent réaction.
Tout d’abord, l’inflation ne correspond pas à l’augmentation des dépenses des collectivités. La structure de ces dépenses est en effet particulière, et ne saurait être comparée à l’inflation que subit, par exemple, un ménage français moyen. On le sait, l’augmentation de certaines dépenses, en particulier les prix de l’énergie, pèse bien davantage sur les collectivités que sur les ménages ; nous avons payé pour le savoir…
Ensuite, nous comprenons que le Gouvernement et l’État entendent faire la leçon aux collectivités, en leur expliquant comment maîtriser leurs dépenses. C’est un peu gros !
Vous dites, monsieur le ministre, que l’État a fait face à la crise sanitaire et à la crise de l’énergie, raison pour laquelle la modération des dépenses est désormais nécessaire, et que les collectivités doivent y prendre leur part. Vous semblez oublier que, dès 2019, hors période de pandémie et hors crise de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine, un dérapage considérable des dépenses publiques avait déjà eu lieu : plus de 80 milliards d’euros !
Il faut ne pas oublier ces faits et éviter de faire la leçon aux collectivités, qui, étant tenues de respecter la règle d’or, sont les bons élèves de la France ! (Bravo et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Au vu des réactions que notre amendement suscite, et notre groupe les partage en partie, je me dis qu’il est pertinent !
Monsieur le ministre, vous indiquez qu’il faut ralentir le fonctionnement des collectivités territoriales au vu de l’inflation, mais vous refusez d’indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ! Faites attention à ne pas se prendre les pieds dans le tapis… Vous invoquez l’inflation d’un côté, mais pas de l’autre.
Avec les membres de mon groupe, nous sommes très contents que le point d’indice des fonctionnaires ait été relevé. C’est une bonne mesure, que nous avons votée, mais qui a des conséquences pour les collectivités territoriales.
Si je suis votre raisonnement, vous allez donc aider « les élus et les gestionnaires de collectivités à se positionner en apportant des éléments d’objectivation et de comparaison sur l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement ». Que doivent faire ces élus et gestionnaires pour appliquer le relèvement de l’indice ? Ne pas remplacer les postes vacants ? Ne plus créer aucun emploi ?
Je veux bien que l’on nous dise que tout va bien, mais votre raisonnement est réversible… Il faudrait peut-être faire preuve de modestie et d’humilité s’agissant des résultats que l’on affiche !
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 147
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les moyens pour la rénovation énergétique devront progressivement être augmentés en vue d’atteindre un engagement de l’État de 14 milliards d’euros d’ici 2030.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un amendement d’appel, ou d’illustration de notre propos liminaire.
Selon nous, il est urgent d’adopter une loi de planification des investissements liés à la transition écologique. Nous pensons en effet que l’on ne se rend pas compte, collectivement, des ordres de grandeur des besoins en la matière.
Notre amendement vise à inscrire dans le rapport annexé, dont nous connaissons la portée peu normative, un engagement de l’État en faveur de la rénovation énergétique à hauteur de 14 milliards d’euros.
Le chiffre de 14 milliards d’euros ne sort pas du chapeau : il figure dans plusieurs rapports, notamment dans celui de nos collègues députées Julie Laernoes, du groupe Écologiste, et Marjolaine Meynier-Millefert, du groupe Renaissance. Nous proposons d’inscrire ce montant en toutes lettres dans le rapport annexé afin d’indiquer l’ordre de grandeur des moyens que nous devons consacrer d’ici à 2030 à la rénovation énergétique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Comme M. Dossus l’a indiqué lui-même, l’engagement proposé excède la durée du présent projet de loi de programmation.
Et le chiffre est tout de même sorti d’un chapeau « vert »… Il faudra traiter du sujet des dépenses de transition écologique le moment venu, dans le cadre d’une loi de programmation ambitieuse et des budgets que nous allons examiner prochainement.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Un tel ordre de grandeur n’est pas atteignable ; il faut considérer le tissu d’entreprises de BTP et la formation nécessaire pour conduire de tels travaux de rénovation énergétique.
Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits du secteur ont été portés à 5 milliards d’euros : nous avons dédié 1,6 milliard d’euros de crédits de l’État à la rénovation énergétique, auxquels s’ajoutent des crédits de collectivités territoriales, lorsqu’il s’agit de la rénovation de bâtiments publics locaux, voire des fonds de particuliers cofinançant une partie de ces travaux. Ces 5 milliards d’euros n’épuisent donc pas l’ensemble des financements qui participent à ce grand chantier.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 199
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 199, relatif aux effets de la réforme des retraites sur l’emploi.
Le Gouvernement se targue du fait que la réforme des retraites est entrée en vigueur le 1er septembre 2023, après – rappelons-le – quatorze journées de mobilisation, plusieurs recours à l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, les coups de force de la droite sénatoriale, le refus du Conseil constitutionnel de permettre aux citoyennes et citoyens du pays de s’exprimer sur le texte et des manœuvres grossières pour éviter l’abrogation de la réforme.
Monsieur le ministre, pouvez-vous expliquer les raisons vous conduisant à croire que 200 000 emplois seront créés grâce à la réforme des retraites, notamment parmi nos concitoyens les plus âgés ? Selon vous, les entreprises créeront spontanément des emplois spécifiques pour les travailleurs seniors… On peut toujours rêver !
Les études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui paraissent autrement plus sérieuses, rappellent que le taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans était au quatrième trimestre 2021 l’un des plus bas de l’Union européenne : 56,1 %. Seules l’Espagne, l’Italie et la Roumanie étaient plus mal placées. Et chez les travailleurs âgés de plus de 60 ans, ce taux d’emploi s’effondre à 35,5 %.
Les inégalités sociales n’épargnent pas les plus laborieux d’entre nous. Quand 61 % des cadres sont en activité, à peine plus d’un quart des ouvrières et des ouvriers travaillent encore.
Tout le monde sait désormais que la réforme des retraites n’a pas permis d’ouvrir les questions du travail, de la sécurité au travail et de la pénibilité.
Combien d’emplois d’ouvriers seront-ils créés parmi les 200 000 emplois que vous prévoyez ? Quel rôle jouera votre contre-réforme des retraites pour les 28 % de travailleurs âgés de 60 ans et plus qui ne sont ni en emploi ni à la retraite, une proportion en augmentation de 11 % entre 2014 et 2021 ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Ma chère collègue, je profite de l’occasion pour m’exprimer sur les amendements de suppression déposés par votre groupe aux articles 2, 4 et 6.
Conformément à loi organique relative aux lois de finances (Lolf), modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les articles concernés prévoient la trajectoire du solde structurel, la trajectoire des finances publiques et la trajectoire d’effort structurel, autant d’éléments obligatoires des lois de programmation des finances publiques.
En l’absence de telles trajectoires, il y aurait une fragilité juridique et un risque d’inconstitutionnalité.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement, comme je le ferai sur les autres amendements de suppression déposés par votre groupe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’étude d’impact de la loi portant réforme des retraites détaille l’impact positif sur le taux d’emploi. Je vous renvoie également aux travaux de l’Insee portant sur l’impact de la réforme de 2010.
Souhaitant le maintien de la référence à cet impact positif, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et le rapport annexé, modifié.
(L’article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Chapitre Ier
Le cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques
Article 2
L’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné au b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, est fixé à -0,4 % du produit intérieur brut potentiel.
Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation sur la période 2023-2027, décrits dans le rapport mentionné à l’article 1er de la présente loi, l’objectif d’évolution du solde structurel des administrations publiques, défini au rapport annexé à la présente loi, s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Solde structurel |
-4,1 |
-3,6 |
-2,5 |
-1,9 |
-1,7 |
Ajustement structurel |
0,1 |
0,5 |
1,1 |
0,6 |
0,3 |
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous en arrivons à des articles importants, engageant les finances publiques dans une trajectoire que nous qualifions d’« austéritaire ».
Un solde structurel à 1,7 point de PIB potentiel, dans la perspective d’une croissance atteignant 1,35 %, c’est un mirage !
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse, monsieur le ministre : lorsque vous citez les avis du Fonds monétaire international, vous ne retenez que les points qui vous arrangent. Le FMI a notamment indiqué que l’enrichissement actuel de certains, à un niveau jamais atteint auparavant, était l’un des facteurs de l’inflation.
Revenons-en à l’article 2.
La présence d’un tel article dans le projet de loi de programmation des finances publiques est liée au pacte de stabilité et de croissance (PSC) et au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ratifié en 2012, qui a recueilli une grande majorité des suffrages au Sénat ; seul notre groupe avait voté à l’unanimité contre l’aggravation de cette perte de souveraineté budgétaire.
L’une des injonctions dudit traité est ainsi formulée : « …pour déterminer si des progrès suffisants ont été accomplis pour réaliser les objectifs à moyen terme, il y a lieu de procéder à une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes… »
Ce diktat est au fondement de l’une des quatre raisons nous ayant incités à déposer une motion tendant à poser la question préalable. Il y a là un véritable problème de souveraineté parlementaire.
Pourtant, en 2012, si je me souviens bien, il y avait, certes, un « non » de gauche, mais il y avait aussi un « non » de droite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Solde structurel |
-4,1 |
-3,7 |
-3,3 |
-2,9 |
-2,7 |
Ajustement structurel |
0,1 |
0,5 |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La commission des finances du Sénat n’a pas modifié l’objectif de solde structurel de moyen terme, mais elle a considéré que les efforts proposés par le Gouvernement pour parvenir à cet objectif étaient insuffisants, voire trop lents. Elle souhaite, comme en première lecture, un retour du déficit public sous le seuil de 3 % dès 2025, et non en 2027, comme nous le proposons.
Pour atteindre un tel objectif, elle a adopté un amendement visant à imposer une réduction significative de la dépense publique de l’État, qu’elle prévoit de réduire de 25 milliards d’euros en 2025 par rapport à la trajectoire du Gouvernement, et jusqu’à 33 milliards d’euros en 2027.
Trouver ces 25 milliards d’euros d’économies supplémentaires ne nous paraît ni crédible ni souhaitable.
Par ailleurs, la commission critique l’imprécision de la méthode du Gouvernement en vue de réaliser 12 milliards d’euros d’économies en 2025. Nous avons cependant expliqué que nous procéderions à des revues de missions.
Porter l’effort à 33 milliards d’euros en 2027 sans esquisser de pistes concrètes d’économies n’est, là encore, pas crédible.
Le présent amendement vise à rétablir la trajectoire de solde structurel telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, et sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en prévoyant un retour du déficit à 2,7 % d’ici à 2027.
Je tiens à le souligner, cette trajectoire est plus ambitieuse que celle qui figurait dans le texte initial : nous vous avons donc entendus.
Je le rappelle, les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de 1,8 % entre 2005 et 2008, et autour de 1 % entre 2010 et 2019. La trajectoire que nous construisons est donc très ambitieuse en termes de ralentissement de la croissance de la dépense publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Nous avons là un désaccord, monsieur le ministre : vous citez des chiffres qui vous arrangent, 2007-2010 et 2010-2019, et vous invoquez le niveau des dépenses publiques pour masquer le fait que vous demandez un effort moindre à l’État qu’aux collectivités locales. Or nous avons toujours rappelé ici que ce n’étaient pas les dépenses des collectivités locales qui contribuaient fortement à la dégradation de nos comptes publics.
Puisque vous proposez d’en revenir à votre trajectoire, permettez que le Sénat confirme son choix de première lecture ! Nous pouvons, certes, avoir des désaccords. Mais il faut mettre tous les éléments sur la table, sans recourir à certains raccourcis qui portent préjudice à la qualité du débat public et politique.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Ce débat entre le rapporteur et le ministre me semble relever de la mise en scène d’un faux désaccord portant non sur le fond de la mesure, mais sur son rythme : faut-il ramener le déficit à 2,7 % dès 2025 ou en 2027 ?
Vous faites beaucoup d’efforts en direction de la majorité sénatoriale, monsieur le ministre, mais ils ne seront visiblement pas récompensés par un vote favorable.
Pour notre part, nous trouvons la trajectoire proposée par le Gouvernement d’ores et déjà déraisonnable. Celle que prévoit la majorité sénatoriale l’est encore plus, et elle s’accompagne d’une diminution de 5 % du nombre de fonctionnaires d’ici à 2027.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Non ! De « l’emploi public » ; c’est différent !
M. Rémi Féraud. Nous ne voterons évidemment aucune de ces deux versions.
Attention aux faux-semblants : il n’y a pas de véritable désaccord de fond entre le Gouvernement et la commission. Ils sont d’accord, à la fois, sur le volet recettes et sur l’objectif de dépenses. Le rythme et le volume diffèrent, mais c’est le même cap !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation mentionnée à l’article 2, la trajectoire des finances publiques sur la période de programmation s’établit, au sens de la comptabilité nationale, comme suit :
(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire) |
|||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
||
Ensemble des administrations publiques |
|||||||
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
-4,2 |
-4,1 |
-3,6 |
-2,5 |
-1,9 |
-1,7 |
|
Solde conjoncturel (2) |
-0,5 |
-0,7 |
-0,6 |
-0,4 |
-0,2 |
0,0 |
|
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
|
Solde effectif (1+2+3) |
-4,8 |
-4,9 |
-4,3 |
-3,0 |
-2,1 |
-1,7 |
|
Dépense publique |
57,7 |
55,9 |
55,3 |
54,2 |
53,4 |
52,8 |
|
Dépense publique (en milliards d’euros) |
1 523 |
1 575 |
1 620 |
1 643 |
1 675 |
1 711 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (en %)* |
-1,1 |
-1,3 |
0,3 |
0,5 |
0,2 |
0,4 |
|
Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€) |
1 401 |
1 480 |
1 543 |
1 576 |
1 602 |
1 630 |
|
Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)* |
-0,8 |
0,8 |
1,8 |
0,1 |
-0,1 |
0,0 |
|
Agrégat des dépenses d’investissement** (en milliards d’euros) |
- |
25 |
30 |
34 |
35 |
36 |
|
Évolution de l’agrégat de dépenses d’investissement en volume (en %) |
- |
- |
15 |
10 |
1 |
1 |
|
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt) |
45,4 |
44,0 |
44,1 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
|
Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire |
45,6 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
|
Dette au sens de Maastricht |
111,8 |
109,7 |
109,6 |
109,0 |
107,5 |
105,7 |
|
État et organismes divers d’administration centrale |
|||||||
Solde effectif |
-5,2 |
-5,4 |
-4,6 |
-3,5 |
-3,2 |
-3,1 |
|
Dépense publique (en milliards d’euros) |
625 |
631 |
637 |
634 |
648 |
663 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (en %)* |
-0,1 |
-3,6 |
-1,8 |
-2,0 |
0,7 |
0,8 |
|
Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€) |
522 |
544 |
567 |
573 |
582 |
588 |
|
Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)* |
-3,4 |
-0,1 |
-0,3 |
-0,6 |
-0,5 |
-0,6 |
|
Administrations publiques locales |
|||||||
Solde effectif |
0,0 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
0,2 |
0,4 |
|
Dépense publique (en milliards d’euros) |
295 |
312 |
322 |
329 |
329 |
331 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (en %)* |
0,1 |
1,0 |
0,8 |
0,1 |
-1,9 |
-0,9 |
|
Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€) |
294 |
310 |
320 |
326 |
326 |
328 |
|
Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)* |
-2,2 |
0,7 |
0,8 |
-0,2 |
-1,9 |
-0,9 |
|
Administrations de sécurité sociale |
|||||||
Solde effectif |
0,4 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
|
Dépense publique (en milliards d’euros) |
704 |
730 |
761 |
779 |
798 |
817 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (en %)* |
-2,4 |
-0,5 |
1,7 |
0,3 |
0,7 |
0,6 |
|
Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€) |
687 |
723 |
757 |
775 |
795 |
814 |
|
Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)* |
-0,1 |
1,2 |
2,0 |
0,3 |
0,9 |
0,6 |
|
* Hors crédits d’impôt, hors transferts, à champ constant |
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. La droite sénatoriale a décidé de s’inscrire dans la surenchère et de surprogrammer l’austérité, ce qui nous conduit à proposer un amendement de suppression.
Le seul levier que vous proposiez est la dépense publique : vous ne touchez pas aux prélèvements obligatoires, ni pour les diminuer ni pour les augmenter.
Surtout, vous faites peser l’effort de réduction de la dépense publique en fin de trajectoire. Vous faites le choix de soustraire des dépenses publiques celles qui s’inscrivent dans le cadre de mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique, et hors charge des intérêts de la dette.
Vous essayez de nous faire croire qu’il y aurait des dépenses légitimes et d’autres qui ne le seraient pas. C’est, de notre point de vue, une classification tout à fait artificielle. Je prendrai l’exemple, concret, de l’investissement dans les six paires d’EPR (réacteur pressurisé européen) visant à garantir notre souveraineté énergétique. S’agit-il de dépenses ordinaires ? Ne protégeront-elles pas à l’avenir nos concitoyennes et nos concitoyens précisément face à la crise énergétique ?
Je note au passage que personne ne s’étonne du montant dérisoire des investissements dans notre pays. Les investissements sont définis dans la loi organique, compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays, à son développement social et environnemental à long terme.
Or, sur 25 milliards d’euros en 2023, seulement un tiers, soit 9 milliards d’euros, devraient servir à rénover 800 000 logements par an. Et 1,5 % des dépenses des administrations publiques correspondraient à de l’investissement : ce chiffre particulièrement faible m’étonne et m’inquiète.
Ce projet de loi de programmation – nous l’avons dit en défendant notre motion – est un projet de division et de mise en concurrence entre les différentes administrations publiques, qui perdront toutes leurs moyens d’agir. C’est précisément ce qui nous conduit à proposer cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Ensemble des administrations publiques |
||||||
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
-4,2 |
-4,1 |
-3,7 |
-3,3 |
-2,9 |
-2,7 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,5 |
-0,7 |
-0,6 |
-0,4 |
-0,2 |
0,0 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
Solde effectif (1+2+3) |
-4,8 |
-4,9 |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
Dépense publique |
57,7 |
55,9 |
55,3 |
55,0 |
54,4 |
53,8 |
Dépense publique (en Md€) |
1523 |
1575 |
1622 |
1668 |
1705 |
1744 |
Évolution de la dépense publique en volume (%)* |
-1,1 |
-1,3 |
0,5 |
0,8 |
0,5 |
0,5 |
Agrégat des dépenses d’investissement** (en Md€) |
- |
25 |
30 |
34 |
35 |
36 |
Évolution de l’agrégat de dépenses d’investissement en volume (%) |
- |
- |
15 |
10 |
1 |
1 |
Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE nets des CI) |
45,4 |
44,0 |
44,1 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire |
45,6 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
44,4 |
Dette au sens de Maastricht |
111,8 |
109,7 |
109,7 |
109,6 |
109,1 |
108,1 |
État et organismes divers d’administration centrale |
||||||
Solde effectif |
-5,2 |
-5,4 |
-4,7 |
-4,3 |
-4,2 |
-4,1 |
Dépense publique (en Md€) |
625 |
631 |
639 |
658 |
678 |
696 |
Évolution de la dépense publique en volume ( %)*. |
-0,1 |
-3,6 |
-1,4 |
1,9 |
1,5 |
1,2 |
Administrations publiques locales |
||||||
Solde effectif |
0,0 |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
0,2 |
0,4 |
Dépense publique (en Md€) |
295 |
312 |
322 |
329 |
329 |
331 |
Évolution de la dépense publique en volume ( %)*. |
0,1 |
1,0 |
0,9 |
0,2 |
-1,9 |
-1,0 |
Administrations de sécurité sociale |
||||||
Solde effectif |
0,4 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
Dépense publique (en Md€) |
704 |
730 |
761 |
779 |
798 |
817 |
Évolution de la dépense publique en volume ( %)*. |
-2,4 |
-0,5 |
1,7 |
0,3 |
0,7 |
0,6 |
* Hors crédits d’impôt, hors transferts, à champ constant |
||||||
** Dépenses considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1 A et au 2° de l’article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le présent amendement vise à rétablir la trajectoire adoptée par l’Assemblée nationale, à propos de laquelle nous réaffirmons nos prévisions macroéconomiques, qui – je le répète – ne sont pas trop optimistes.
Dans le cadre de la définition de la trajectoire de nos finances publiques, j’y insiste, l’effort fait par l’État est nettement supérieur à celui des collectivités territoriales lorsque l’on considère les dépenses hors charge d’intérêts de la dette publique : pour l’État, les dépenses baisseront de 0,9 % par an en volume d’ici à 2027, contre 0,3 % par an pour les collectivités territoriales sur la même période.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous oubliez les dépenses de crise, donc les dépenses d’urgence. Cet oubli me paraît fâcheux, voire regrettable.
Notre désaccord porte sur le rythme de l’effort. Je rappelle à l’ensemble des membres de cette assemblée que nous nous apprêtons à porter le bonnet d’âne de l’Union européenne ! Ne pas être le premier de la classe, pourquoi pas ? Mais, en l’occurrence, notre pays serait plutôt le dernier…
Au rythme où l’on va, la situation pourrait grandement se dégrader. Pour l’instant, les Français s’inquiètent de l’inflation et des difficultés sociales. Puis viendront les problèmes d’accès aux prêts, un niveau d’endettement qui fragilisera la France. À ce moment-là, le pays risquera, en plus, de dévisser.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’objectif d’effort structurel des administrations publiques s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Effort structurel |
1,7 |
0,5 |
1,3 |
0,5 |
0,4 |
- dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires |
-0,3 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,0 |
- dont effort en dépense (y compris crédits d’impôt) |
0,0 |
0,5 |
1,1 |
0,4 |
0,4 |
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. En présentant l’amendement précédent, Ian Brossat soulignait la difficulté à évoquer dans cette enceinte la question des recettes. On parle facilement de dépenses, qu’il faudrait absolument réduire comme si elles étaient par nature nuisibles et difficiles à assumer, mais aucun effort n’est demandé sur l’autre versant, malgré les mesures nouvelles proposées par les uns et par les autres.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut prendre en main notre destin budgétaire. À ce titre, nous sommes des militants de l’impôt, mais d’un impôt juste, bien plus progressif et, surtout, auquel personne n’échappe. C’est ainsi que se renforcera le consentement à l’impôt chez nos concitoyens. L’impôt permet de réduire les inégalités, d’orienter la masse monétaire en circulation vers des besoins pilotés et pilotables, de réduire les déficits et de financer les transitions.
D’ailleurs, on commence à entendre une nouvelle musique chez les économistes. La doxa libérale évolue un peu. En effet, d’aucuns s’inquiètent de cette obsession à diminuer l’impôt qui caractérise certains, à commencer par le Gouvernement, adepte d’une vraie idéologie antifiscale.
Les économistes disent qu’il faudra consacrer 10 à 15 points de PIB supplémentaires aux dépenses publiques dans les années à venir pour la transition écologique et face au vieillissement. Quand 1 % de la population de ce pays détient presque 30 % du patrimoine, on peut considérer qu’il existe quelques marges de manœuvre à exploiter pour rééquilibrer les comptes.
Je cite M. Philippe Martin, doyen de l’école d’affaires publiques de Sciences Po, qui a longtemps été un soutien du président Macron : « J’estime que la baisse d’impôt sur le revenu promise aux classes moyennes n’est pas opportune […]. Le Gouvernement aura du mal à tenir son dogme fiscal sur le refus de toute hausse d’impôt. » Dont acte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sans surprise, avis défavorable.
Je viens d’entendre une ode à plus d’impôts. C’est certainement ce besoin irrépressible de collecter toujours plus qui conduit une ville comme Paris à augmenter de plus de 50 % la taxe foncière. (MM. Éric Bocquet et Claude Raynal protestent.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. De 62 % !
M. Bruno Belin. Honteux !
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est un simple exemple…
En effet, comme je l’expliquais précédemment, nous souhaitons, nous, que l’État fasse le même effort que celui qu’il impose aux collectivités territoriales. Nous essayons simplement de mener une réflexion pour que ce qui est demandé puisse s’entendre.
J’entends que vous êtes toujours des adeptes de l’impôt à un moment où la dépense publique dépasse les 55 % du PIB. Visiblement, pour vous, c’est encore trop modeste.
M. Éric Bocquet. Supprimez l’impôt !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons baissé massivement les impôts des particuliers et des entreprises : plus de 50 milliards d’euros depuis 2017. Cette stratégie se révèle gagnante. Grâce à notre politique de l’offre, nous avons massivement créé des emplois en France et baissé le taux de chômage. Grâce à notre soutien à l’activité économique, notre croissance actuelle s’élève à 1 % quand nos partenaires européens entrent en récession. Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas changer de cap. Cette politique produit des résultats.
Monsieur le rapporteur, je m’inscris en faux contre ce que vous venez d’affirmer. Nous ne demandons pas plus d’efforts aux collectivités territoriales qu’à l’État.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Bien sûr que si !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous invite à examiner dans le détail ce projet de loi de programmation des finances publiques dans le texte du Gouvernement et dans celui issu des travaux de l’Assemblée : les efforts sont trois plus importants pour l’État que pour les collectivités territoriales quand on met de côté la charge d’intérêts de la dette.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, pour rester dans le droit-fil des propos de mes collègues Ian Brossat et Éric Bocquet, voici ce qui figure dans un rapport de l’Assemblée nationale à propos de votre projet : « Ce quantum supplémentaire repose intégralement sur les administrations publiques centrales, dont l’effort supplémentaire d’économies par rapport au texte déposé s’élèverait à presque 40 milliards d’euros en 2027. » C’est une citation ; je reste factuel.
Alors que sont visés ces 40 milliards d’euros d’économies supplémentaires, la charge des intérêts de la dette, écartée de vos prévisions de dépenses publiques, augmenterait en 2027 de plus de 20 milliards d’euros. Pourtant, vous nous assurez que tout va bien. C’est sûr que, pour certains, comme les marchés financiers, tout va bien ! (M. le ministre délégué sourit.) Vous pouvez sourire, monsieur le ministre, mais le constat n’en est pas moins vrai : qui remboursons-nous ?
En outre, à moins d’avoir mal suivi ou eu un moment d’absence, j’ai vu des collègues de l’autre côté de l’hémicycle convenir avec Éric Bocquet que la suppression de la taxe d’habitation n’était pas si formidable pour les collectivités territoriales ni en matière de citoyenneté. Et, à ma connaissance, elle n’a pas non plus amélioré les services publics locaux.
M. Bruno Belin. Je suis d’accord.
M. Pascal Savoldelli. Dans cet hémicycle, nous avions, sur nos travées jusqu’à celles du centre, posé la question du financement de l’audiovisuel public à la suite de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, sans obtenir de réponse…
Ne détournez la question posée par Éric Bocquet : oui, nous sommes des militants de l’impôt ! Il fallait réformer la taxe d’habitation, mais non la supprimer ; c’est différent ! De même, il y a besoin d’une assise fiscale pour financer l’audiovisuel public. Il ne faut pas déformer nos propos. Nous pouvons être en désaccord. Soit. Mais l’impôt et la démocratie s’agrègent : à force de tuer le premier, on porte un coup à la seconde.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Les réponses aux questions soulevées par les auteurs de l’amendement ne me paraissent pas tout à fait justes ; je serais même tenté de dire qu’elles sont fausses. (Sourires.)
D’abord, monsieur le ministre, vous avez fait un raccourci un peu rapide entre les mesures de baisse fiscale et les résultats. Certes, une partie de ces baisses revenaient à rendre de l’argent aux Français – pas à tous, mais à certains – au travers de la TVA. Et la baisse de l’impôt sur les sociétés était une bonne chose.
Toutefois, convenons-en, la bonne mesure a été non pas la réduction des impôts, qui a eu peu de conséquences – en tout cas, nous sommes bien incapables d’en quantifier les effets aujourd’hui –, mais la protection de notre économie quand il fallait le faire grâce à des dispositifs plutôt keynésiens, c’est-à-dire fondés sur la dépense publique. Ça, ça a été utile aux entreprises françaises, en leur permettant de redémarrer leur activité rapidement.
Je pense donc que vous vous trompez. Les résultats sont directement liés non pas à la baisse des impôts, mais à la politique gouvernementale qui a été menée et que je salue, c’est-à-dire une politique d’aides pour garder les emplois, les compétences et les entreprises. C’est une politique dont nous voyons les effets en termes de croissance.
Par ailleurs, M. le rapporteur nous a fait une démonstration à propos du taux de prélèvements obligatoires. Mais si l’on compare les États-Unis, que j’aime beaucoup – vous le savez – et la France, la différence tient quasi exclusivement à la politique sociale, sans laquelle les taux de prélèvements seraient à peu près similaires.
Vous avez le droit de préférer le système dans lequel les politiques sociales sont laissées au secteur privé : certes, il n’y a pas de prélèvement, mais toutes les prestations sont payantes. Pour ma part, je préfère la politique du prélèvement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Mercredi soir, nous avons eu un débat intéressant, organisé à la demande du groupe CRCE-K, sur l’augmentation de la taxe foncière et son lien avec la disparition de la taxe d’habitation, évoquée par Pascal Savoldelli.
Cela fait écho aux inquiétudes de nombreux élus locaux concernant l’autonomie non pas financière, mais fiscale des collectivités. La question des recettes est très sensible. Il est vrai que la taxe d’habitation est compensée à l’euro près par l’État, c’est-à-dire par toutes et par tous. Mais est-ce une bonne chose ? C’est une question qui reste d’actualité.
M. le président. L’amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Effort structurel |
1,7 |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
- dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires |
-0,3 |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,0 |
- dont effort en dépense (y compris crédits d’impôt) |
2,1 |
0,5 |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Vous constaterez que les efforts prévus en matière de dépenses publiques y avaient été – je l’affirme – renforcés par rapport au texte initial. En effet, ils s’élèvent à 3,3 points de PIB, contre 2,8 points dans la précédente version du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Nous ne portons pas l’effort à la hauteur retenue par la commission des finances du Sénat, à savoir 4,4 points de PIB. L’objectif ne nous semble pas atteignable ; cela impliquerait à réaliser plus de 25 milliards d’euros d’économies qui ne sont pas détaillées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 6
L’incidence des mesures afférentes aux prélèvements obligatoires adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1er juillet 2022 ne peut être inférieure aux montants suivants, exprimés en milliards d’euros courants :
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Incidence de l’ensemble des mesures |
-5,0 |
-2,0 |
-3,0 |
-2,0 |
-3,0 |
- dont incidence relative aux dépenses fiscales |
-0,5 |
-0,5 |
-0,5 |
-0,5 |
-1,0 |
- dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales |
-1,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
L’incidence mentionnée au premier alinéa est appréciée, pour une année donnée, au regard de la situation de l’année précédente.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 35 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Éric Bocquet. Malgré une réduction des recettes de 15 milliards d’euros, ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 efface d’un trait de plume toute mention des baisses d’impôts du précédent quinquennat. Ces dernières sont pourtant pérennes. Elles continuent à peser sur le niveau des dépenses qu’il s’agit de réduire afin d’ajuster les déficits aux desiderata et aux exigences du pacte de stabilité.
Ces baisses sont injustes au possible dès lors qu’elles ont contribué à accroître, selon l’OFCE – vous le citiez précédemment, monsieur le ministre –, le revenu disponible des 5 % les plus riches de notre pays de 1 720 euros contre 515 euros en moyenne pour la moitié de nos compatriotes. Ces 515 euros prennent en compte les effets favorables du chèque énergie, des allocations et des autres primes d’activité. Les riches ont donc bénéficié de réductions d’impôts de manière spectaculaire quand les autres ont survécu, bon an mal an, grâce aux revenus de transfert.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. Cet amendement de suppression vise à débattre des recettes. Votre tableau présente 15 milliards d’euros de pertes en la matière pour un cumul sur l’ensemble du quinquennat d’environ 50 milliards d’euros. Ce n’est pas rien par rapport aux investissements et dépenses qu’ici même, y compris dans la majorité sénatoriale, nous demandons à l’État sans passer par une augmentation du déficit.
Monsieur le ministre, j’ai entendu votre précédente argumentation selon laquelle la politique de l’offre fonctionne. D’une part, rien ne le prouve. D’autre part, même en acceptant votre postulat, quand s’arrêtera-t-elle ? Une telle politique vise la compétitivité, mais cette dernière n’est pas un objectif en soi : à un moment, il faut redistribuer aux Français. Ces baisses d’impôts sont donc un puits sans fond. Il est vraiment temps d’y mettre un terme.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 35 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau et Kerrouche, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Incidence de l’ensemble des mesures |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
- dont incidence relative aux dépenses fiscales |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
- dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. À défaut de supprimer l’article, cet amendement de repli vise à acter une stabilité des recettes sur l’ensemble du quinquennat. Je sais que cela ne recueillera l’approbation ni du Gouvernement ni de la majorité sénatoriale. Pourtant, cela pourrait concourir à l’apaisement et permettrait de retrouver une trajectoire correcte des finances publiques sans mettre en œuvre une politique d’austérité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
Les dépenses fiscales instituées par une loi promulguée après le 1er janvier 2024 sont applicables pour une durée qui est précisée par la loi les instituant et qui ne peut excéder trois ans. Les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans et à la condition d’avoir fait l’objet d’une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l’efficacité et le coût de celles-ci.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour chaque dépense fiscale en vigueur avant le 1er janvier 2023, le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre 2024 une évaluation intégrant une date d’extinction ne pouvant être postérieure au 31 décembre 2029.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à s’attaquer plus efficacement aux dépenses relevant des fameuses niches fiscales, dont nous parlons si souvent. Il faut que nous nous y attaquions sérieusement. Une loi de programmation est l’occasion de le faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je pense en effet que l’examen du présent projet de loi est une bonne occasion d’aborder la question des niches fiscales. Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, votre interpellation va me permettre de répondre également à Mme la sénatrice Lavarde, qui m’interrogeait au cours de la discussion générale sur l’évaluation des dépenses fiscales.
Je partage l’objectif de disposer d’évaluations plus nombreuses et systématiques. Mais ce qui est envisagé dans l’amendement tel qu’il est rédigé est parfaitement intenable d’un point de vue opérationnel et administratif.
Nous publions régulièrement des évaluations relatives aux niches fiscales qui permettent d’alimenter le débat parlementaire. Je pense au dernier rapport de l’inspection générale des finances sur les niches fiscales brunes ou à l’évaluation des aides fiscales à l’investissement outre-mer. Je vous renvoie également à la page 49 du tome II de l’annexe « Évaluations des voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2024 : nous y prévoyons un programme d’évaluation des niches fiscales.
La démarche est ordonnée. Nous ne pouvons pas réaliser toutes les évaluations de manière systématique, en un bloc. Mais, progressivement, nous faisons mieux connaître les dispositifs, notamment en vue du débat parlementaire. Je partage donc l’objectif de rendre plus accessibles les évaluations de nos niches fiscales et sociales.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
Monsieur le ministre, je partage le constat : il est difficile de produire de telles études dans un délai aussi court. Toutefois, il serait intéressant que vous nous indiquiez de quelle manière et sous quel délai vous souhaitez procéder.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Lors des dialogues de Bercy, dont la seconde réunion s’est tenue le 19 septembre dernier, les parlementaires présents ont demandé la transmission des quatre-vingt-neuf fiches relatives aux dépenses fiscales arrivant à échéance en 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Et vous ne les avez pas eues…
Mme Christine Lavarde. En effet : sauf erreur de ma part, nous ne les avons pas reçues. Il est donc difficile de travailler sur le projet de loi de finances pour 2024 si de telles informations ne sont pas partagées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Vous nous avez parlé plusieurs fois de la politique de l’offre.
Puisque nous avons tous ici de bonnes lectures, je vous citerai pour ma part un article du journal Les Échos. L’article s’intitule : Les Dividendes atteignent de nouveaux records. On peut y lire ceci : « Après une année 2022 historique, la tendance est encore à la hausse pour les dividendes mondiaux. En France, les entreprises du CAC 40 ménagent leurs investisseurs » – il n’est pas question d’emploi – « après leurs importants bénéfices. […] Au deuxième trimestre, les grandes entreprises ont versé l’équivalent de 568 milliards de dollars de dividendes à leurs actionnaires. »
Je tenais à ce petit moment de vérité et de clarification. Vous répétez « politique de l’offre » et « emploi ». Je vous réponds : Les Échos ! Le journal L’Humanité fera sans doute une bonne reprise de cet article. (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Les choses sont dites et pas seulement par les membres du Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ! Voilà les résultats de votre politique de l’offre, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je suppose que vous avez pris connaissance du rapport rendu au mois de juillet 2023 par la Cour des comptes sur les niches fiscales : ces dernières représentent 465 dispositifs pour un total de 94,2 milliards d’euros. Ce n’est pas rien ! Le travail d’investigation et d’analyse a donc été déjà fait.
Dans sa synthèse, la Cour des comptes est assez sévère à votre endroit et à l’égard de vos prédécesseurs : « Les programmes d’évaluation fixés par les dernières lois de programmation des finances publiques n’ont pas été respectés. Ainsi, aucune évaluation sur les onze prévues dans le programme de travail pour 2022 n’a été réalisée. Certains dispositifs, y compris à fort enjeu, n’ont en outre pas fait l’objet d’évaluation depuis dix ans. »
Monsieur le ministre, quelles suites comptez-vous donner à cet excellent rapport de la Cour des comptes du mois de juillet 2023 ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 55 est présenté par MM. Lurel et Féraud.
L’amendement n° 56 est présenté par Mme Bélim.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Patient.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Par dérogation, les dépenses fiscales mentionnées au premier alinéa et instituées au profit d’un investissement réalisé dans une collectivité mentionnée à l’article 72-3 de la Constitution, ne peuvent excéder cinq ans et ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de cinq ans.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Rémi Féraud. Cet amendement est défendu.
M. le président. Les amendements nos 56 et 57 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Demande de retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
Les impositions de toutes natures affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale font, sauf dérogation justifiée, l’objet d’un plafonnement dans les conditions prévues par les lois de finances initiales.
Le niveau du plafond, résultant de la loi de finances de l’année, d’une imposition de toutes natures affectée à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale ne peut excéder de plus de 5 % le rendement de l’imposition prévu à l’annexe mentionnée au 4° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour l’année considérée.
Chaque année, en vue d’éclairer la préparation du projet de loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er avril, la liste des impositions de toutes natures non plafonnées affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, ainsi que les motivations ayant présidé à l’absence de plafonnement.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
les lois de finances initiales
par les mots :
la loi de finances de l’année
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots
, au plus tard le 1er avril,
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de déposer avant le 1er avril de chaque année la liste des « impositions de toutes natures non plafonnées affectées à des tiers ».
En nouvelle lecture, la commission des finances de l’Assemblée nationale a complété l’article 8 en y inscrivant la remise annuelle au Parlement par le Gouvernement de la liste des « impositions de toutes natures non plafonnées », ainsi que des « motivations » ayant conduit à leur absence de plafonnement. Cela a été repris dans le texte adopté.
La commission des finances du Sénat a tenu à préciser que ce rapport annuel devait être remis « au plus tard le 1er avril ». Le Gouvernement ne disposerait pourtant pas d’informations nouvelles avant cette date par rapport à ce qu’il aurait pu présenter dans le dernier projet de loi de finances. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette obligation calendaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Dans ce cas, monsieur le ministre, je suis prêt à vous faire une autre proposition. Quelle date vous conviendrait ? Le 1er mai ? (Sourires.) Puisque vous êtes d’accord sur le principe, mais pas sur l’échéance, je n’ai aucun problème à toper pour le 1er mai ! Si vous consentiez à un sous-amendement en ce sens, l’avis serait favorable ; à défaut, il serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je loue l’ouverture du rapporteur. Mais notre rendez-vous pour fournir de telles informations et éclairer à échéance le Parlement est le projet de loi de finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Non !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Toute date antérieure ne nous permettrait pas de vous informer à hauteur du besoin. Je ne suis donc pas favorable au dépôt d’un sous-amendement tendant à décaler la date de remise du rapport au 1er mai.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. En l’absence de bonne volonté du Gouvernement, je maintiens l’avis défavorable de la commission.
Nous serons très vigilants quand vous nous donnerez les chiffres ; à mon avis, nous ne les aurons pas.
M. le président. L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau et Kerrouche, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ne peut excéder de plus de 5 % le rendement de l’imposition prévu à l’annexe mentionnée au 4° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour l’année considérée
par les mots :
est indexé sur l’inflation, au sens de l’article L. 132-2 du code des impositions sur les biens et services
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Notre amendement tend à faire en sorte que le montant des taxes affectées à des organismes tiers soit indexé sur l’inflation.
Au cours de nos échanges, certains considèrent parfois que les organismes tiers ne remplissent pas des missions de service public absolument indispensables, qu’il s’agisse par exemple des agences de l’eau, de l’Autorité des marchés financiers (AMF), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ou d’autres. Ces structures se comptent par dizaines.
Puisque nous voulons éviter la politique du rabot, il faut l’éviter aussi pour ces organismes, qui ne doivent pas voir leur budget augmenter moins que l’inflation, c’est-à-dire diminuer de facto.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis
L’article L. 100-1 A du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° La programmation des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs mentionnés aux 1° à 6° du présent I. » ;
2° Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, avant le début de la session ordinaire, une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. Cette stratégie est compatible avec les objectifs mentionnés aux 1° à 6° du I du présent article ainsi qu’avec la programmation des moyens financiers mentionnée au 7° du même I. Elle peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les moyens financiers publics, en précisant la répartition entre l’État et les collectivités territoriales, nécessaires à l’atteinte des objectifs mentionnés aux 1° à 6° du I, selon une logique de répartition planifiée annuelle. » ;
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’article 8 bis a été introduit en première lecture à la suite d’un amendement de notre ancien collègue Daniel Breuiller. Il a survécu à l’examen par l’Assemblée nationale et a même été enrichi.
Son objet est simple. Depuis la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, un texte législatif sur la politique énergétique française est prévu tous les cinq ans pour décrire les trajectoires en matière de mix. Nous proposons de prévoir des moyens financiers pour que les objectifs ne restent pas des vœux pieux.
À l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, la commission lui a ajouté un nouveau volet : le Gouvernement doit communiquer chaque année au Parlement une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique et de la politique énergétique nationale.
Comme vous le savez, il y a débat sur ce qu’est un investissement public. Le rapport Pisani-Ferry, pour ne citer que lui, tend à proposer une trajectoire de 34 milliards d’euros d’investissement public pour la transition, mais sans jamais préciser ce qui relève de l’État ou des collectivités. Lors des dialogues de Bercy, nos échanges ont parfois été marqués par un certain flou en la matière.
Nous vous proposons dès lors de compléter une nouvelle fois cet article 8 bis par un amendement. Ce dernier tend à demander au Gouvernement de préciser la répartition entre l’État et les collectivités de l’effort financier nécessaire à la transition. Il s’agit non pas d’aggraver les charges financières qui pèsent sur les collectivités locales elles, mais bien de savoir ce que l’État attend d’elles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je sollicite l’avis du Gouvernement.
À l’époque, la commission des finances avait soutenu l’amendement de notre collègue Daniel Breuiller. Il y a eu des discussions à l’Assemblée nationale. Nous verrons quel sera l’avis du Gouvernement, mais je pense qu’une harmonisation est possible et que nous pourrions nous diriger vers une adoption.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, les députés ont enrichi le dispositif. Vous faites référence à la version antérieure. La loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) comportait bien une annexe sur le financement. Ce qui est sorti de l’Assemblée nationale est un dispositif beaucoup plus riche : il prévoit une stratégie de financement de la transition écologique qui sera présentée une fois par an par le Gouvernement et débattue au Parlement.
Votre amendement vise à enrichir un mécanisme qui, d’une certaine manière, est moins-disant, puisqu’il se réfère à la LPEC et à son annexe financière.
Je vous propose donc de conserver ce qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale et qui est, je le crois, attendu par tous les groupes. Vous avez d’ailleurs participé aux dialogues de Bercy et réclamé une stratégie pluriannuelle de financement de la transition énergétique. Nous avons annoncé que cette stratégie serait débattue une fois par an. Ce sera l’occasion de faire le point sur les financements de l’État, des collectivités territoriales, des opérateurs publics, voire du secteur privé. Nous avons satisfait toutes celles et tous ceux qui attendaient, à juste titre, une vraie clarification sur cette stratégie pluriannuelle.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’adoption de cet amendement ne retirerait rien au texte issu de l’Assemblée nationale. Je pense donc que vous pouvez encore changer d’avis, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Un débat chaque année, c’est important, et même crucial, mais je maintiens mon amendement, car nous avons besoin également d’une vision pluriannuelle pour prévoir certains investissements. Je regrette d’ailleurs que la LPEC nous soit présentée si tard : nous la voterons après avoir adopté des textes sur l’énergie.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur, ce que je propose n’entrave pas les dispositions adoptées par l’Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement est pertinent, puisque le Sénat a adopté à de multiples reprises un amendement prévoyant l’affectation d’une partie des recettes de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) aux collectivités locales, notamment à celles qui ont signé des contrats de transition écologique.
L’argument du Gouvernement contre cet amendement a toujours été que c’était trop tôt, qu’il fallait attendre un texte sur le financement des collectivités locales pour aborder le sujet. On nous annonce une loi de financement de la transition, c’est donc le moment ou jamais pour parler du partage des recettes entre les différents niveaux de l’action publique !
Nous sommes d’ailleurs nombreux ici à penser qu’en matière d’écologie, pour être efficace, l’action doit être conçue au plus près des territoires, à un échelon où l’on sait parfaitement ce qui est le plus efficace pour décarboner les politiques publiques.
Nous avons donc tout intérêt à adopter cet amendement, ce qui vous permettra de tenir les promesses de vos prédécesseurs sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement est pertinent.
Monsieur le ministre, vous nous dites que les contrats de Cahors, c’est fini. Pour être crédible, pour aller au bout, il faut en tirer les conséquences pour la transition énergétique : nous avons besoin d’identifier les ressources consacrées par l’État à la planification écologique et les ressources données aux collectivités territoriales.
Le vocabulaire peut être trompeur. Mais, en l’occurrence, c’est un « choc de simplification » que proposent les auteurs de cet amendement. (M. le rapporteur s’esclaffe.) Il s’agit de donner plus de clarté à nos concitoyennes et nos concitoyens sur les ressources consacrées à la transition énergétique. C’est un amendement citoyen, qui incite à la responsabilité. Nous le voterons.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« I bis. – Avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, une loi détermine les priorités d’action de la politique de transition écologique et de préservation de la biodiversité ainsi que les moyens budgétaires annuels qui lui sont consacrés, avec l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle détermine les conditions du contrôle et de l’évaluation par le Parlement de l’adéquation entre les priorités d’action et les moyens consacrés. Le Haut Conseil pour le climat remet un avis sur la cohérence de cette loi de programmation des financements de la transition écologique.
« Chaque loi prévue au précédent alinéa est compatible avec les lois prévues au I du présent article. »
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement tend à la création d’une loi destinée à prévoir les moyens alloués à la transition écologique et à la préservation de la biodiversité. Un nouveau type de loi devrait être créé dans un souci de transparence pour déterminer le niveau d’investissement nécessaire, en s’appuyant sur des études d’impact et sur l’avis du Haut Conseil pour le climat. Cela permettrait à la représentation nationale de se prononcer sur la conformité financière de l’ambition écologique du Gouvernement.
Une telle loi de programmation climatique serait le moyen de clarifier les chiffrages et de permettre au Gouvernement de s’engager sur un périmètre clair, voire sur la trajectoire fixée par le rapport de M. Pisani-Ferry et de Mme Mahfouz.
On peut rêver d’une loi de programmation qui prévoirait les moyens d’atteindre 66 milliards d’euros par an, soit le volume des investissements requis pour la transition écologique. Pour la puissance publique, le montant des dépenses supplémentaires est estimé entre 25 milliards d’euros et 34 milliards d’euros par an.
Si un projet de loi était déposé avec un tel contenu, nous le voterions, en responsabilité. Mais, avant de pouvoir le voter, il faut le créer ! C’est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je ne suis pas favorable à la multiplication des lois de programmation. Leur portée normative est relative. Surtout, si nous disposions chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances, des données permettant un débat budgétaire éclairé, cela suffirait pour effectuer un suivi en temps réel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La commission des finances de l’Assemblée nationale a justement adopté le principe d’une stratégie de financement pluriannuelle non seulement de la transition énergétique, mais aussi de la transition écologique. Vous y trouverez la part de chacun, y compris des collectivités territoriales !
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8 bis, modifié.
(L’article 8 bis est adopté.)
Chapitre II
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales
Article 9
I. – L’agrégat « Périmètre des dépenses de l’État » est composé :
1° Des crédits du budget général, hors dépenses de contribution aux pensions civiles et militaires, hors charge de la dette, hors amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 et hors remboursements et dégrèvements d’impôts ;
2° Des impositions de toutes natures plafonnées dans les conditions prévues à l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;
3° Des budgets annexes ;
4° Des dépenses des comptes d’affectation spéciale, hors programme « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État » du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », hors compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », hors programme « Désendettement de l’État » du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et hors programme « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » du compte d’affectation spéciale « Pensions » ;
5° Des dépenses du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public » ;
6° Du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ;
7° Des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales ;
8° Des retraitements de flux internes au budget de l’État.
II. – Les dépenses relevant du périmètre mentionné au I sont au plus égales, en euros courants, à 496 milliards d’euros en 2023, à 491 milliards d’euros en 2024, à 505 milliards d’euros en 2025, à 512 milliards d’euros en 2026 et à 519 milliards d’euros en 2027.
III. – (Non modifié)
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et dans la loi de finances de l’année
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement de coordination, à l’instar de celui que votre commission des finances a déposé sur l’article 8. Les conditions de plafonnement des affectations d’impositions de toutes natures étaient définies à l’article 46 de la loi de finances pour 2012. La révision de la loi organique nous conduit à transférer ces éléments dans la loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 10, car la cible de dépenses annuelles des administrations publiques a été transformée en plafond. Il s’agit sans doute d’un geste à l’endroit de la majorité sénatoriale, qui ne sera pas récompensé selon vos souhaits, monsieur le ministre.
Cela ne nous paraît pas une bonne idée, et c’est peu respectueux des droits du Parlement, qui vote les plafonds dans chaque loi de finances, la loi de programmation des finances publiques n’ayant pour objet que de définir un cap et des cibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
L’objectif d’exécution des schémas d’emploi de 2023 à 2027 pour l’État et ses opérateurs est, au plus, la réduction de 5 % des emplois exprimés en équivalents temps plein.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 40 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Ian Brossat. Il s’agit d’un amendement de suppression, contre le dogme de la réduction du nombre d’emplois publics. Notre groupe l’assume : nous ne sommes pas favorables à la réduction du nombre d’agents de l’État, parce que celle-ci se paie par une dégradation du service public.
Ce que nous vivons en ce moment témoigne du fait que nous assistons dans notre pays depuis des années à une clochardisation du service public. Nous le voyons bien à l’école. Nous n’avons donc pas besoin de moins d’agents du service public, de moins d’agents de l’État ; au contraire, nous devons renforcer nos services publics, ce qui requiert plus d’agents de l’État.
D’ailleurs, tout cela fait système. Quand on érige en dogmes la baisse de la dépense publique et le refus de mettre à contribution les plus fortunés, inévitablement, cela se paie par une dégradation du service public et par une réduction du nombre d’agents publics. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. Nous parlons du nombre de fonctionnaires pour cinq ans. La stabilité prévue par la copie du Gouvernement ne correspond pas aux lois de programmation que nous votons dans beaucoup de domaines.
Une baisse de 5 % peut paraître mineure, mais cela représente une personne sur vingt. En cinq ans, dans chaque établissement scolaire, il faudra enlever un enseignant sur vingt ; dans chaque commissariat, un policier sur vingt ; dans chaque service d’hôpital, une infirmière sur vingt. Est-ce vraiment raisonnable ? La question se pose, lorsqu’on présente cette baisse ainsi, c’est-à-dire du point de vue de la vie réelle du pays et de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
Notre position n’est pas un dogme. Vous évoquez quelques missions régaliennes de l’État. Nous ne les remettons évidemment pas en cause et elles requièrent, selon les territoires et les périodes, une augmentation des effectifs. Mais il y a quelques centaines d’agences de l’État. Et celles-ci, malheureusement, ont souvent pris une grande liberté. Dès lors qu’elles disposent de ressources affectées, elles décident comme elles veulent et sans contre-pouvoir de l’utilisation de l’argent public, notamment des recrutements.
Comme l’un de nos collègues l’a souligné tout à l’heure, il est indispensable d’évaluer les moyens financiers et en personnel affectés à différentes missions. Certaines peuvent être accomplies avec moins d’agents. Dans d’autres, il en faudra peut-être davantage. Chaque année, les effectifs de la fonction publique varient de 100 000 à 150 000 personnes. Vous voyez qu’il y a un peu de matière…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. L’article 10 reprend une proposition que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait formulée en première lecture.
Il ne s’agit pas d’attaquer les services publics ou de réduire leur qualité. Au contraire, il s’agit de maîtriser la dépense publique en contrôlant la masse salariale. On peut très bien faire cela sans dégrader la qualité des services. Le nombre de fonctionnaires n’a cessé d’augmenter et la qualité des services n’a cessé de se détériorer, en tout cas selon la perception des Français. Il n’y a donc pas de corrélation entre la masse salariale et la qualité des services, mes chers collègues.
Il appartient au Gouvernement de choisir où faire des coupes : renforcer les services régaliens de l’État et faire des économies dans d’autres secteurs. L’État l’a fait, notamment en diminuant de manière assez importante la masse salariale à Bercy. Il n’y a pas eu de dégradation de la qualité des services fiscaux dans le pays…
C’est l’enjeu de cet article 10. Je ne voterai donc pas ces deux amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous n’avons pas seulement un débat quantitatif sur les emplois dans la fonction publique. Le débat est aussi qualitatif. Au fond, la question est de savoir combien nous voulons d’emplois publics, et combien d’emplois privés. Ian Brossat a pris l’exemple de l’école. Nous pourrions le développer pendant longtemps…
Nous avons adopté une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques ; je salue mon collègue Arnaud Bazin. Un article recommandait une réinternalisation des compétences au sein de la fonction publique ! Magnifique ! Ça, c’est du service public en plus…
Qu’est-ce que c’est, l’emploi public ? Depuis 2016, la moitié des agents recrutés dans la fonction publique étaient sous contrat de droit public. Près d’un sur cinq était en emploi aidé. Le président Macron a commencé à casser la fonction publique en 2019, en prétendant que le statut n’était plus adapté. Comme si un Président de la République ne savait pas que le principe même du statut, c’est la séparation du grade et de l’emploi ! Cela, nous l’expérimentons tous dans nos collectivités territoriales.
Vous nous parlez des agences. Soit. Mais lesquelles, exactement ? Quels emplois, précisément ? Les agents de l’État sont les moins bien payés, ce sont ceux qui ont le moins de protection sociale, et ils ne bénéficient pas du régime des pensions de l’État.
Les contractuels, évoqués par le rapporteur, sont tributaires du bon vouloir de leur responsable hiérarchique pour toutes les dimensions de leurs conditions d’emploi : le recrutement, la détermination de la rémunération, le renouvellement des contrats, les augmentations salariales et l’accès à un contrat à durée indéterminée. C’est là qu’est le débat.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Je ne voudrais pas prolonger le débat, mais je souhaite défendre l’article 10.
M. le rapporteur a évoqué les agences ; c’est une vraie problématique. Le ministre a souligné la qualité de la production du service public. Or des agences d’État viennent désormais s’occuper d’ingénierie territoriale, faisant doublon avec ce qui a été mis en place par les collectivités.
Pour maintenir la qualité du service public, nous devons évidemment maintenir les postes de ceux qui le produisent, qui sont devant les usagers. La difficulté porte plutôt sur l’administration administrante. Dans mon département, il y a eu un débat lors de la suppression de postes dans l’éducation nationale à la rentrée de l’année dernière. J’ai alors appris que 15 % du personnel enseignant n’était pas devant des élèves, sans même parler du personnel administratif. C’est là que sont les gains de productivité potentiels. À hôpital, les soignants ne représentent que 56 % de la masse salariale. Là aussi, il y a des économies à faire. (M. Christian Bilhac applaudit.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 40 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après le mot :
est
rédiger ainsi la fin de cet article :
une évolution raisonnée des emplois exprimés en équivalent temps plein, selon les besoins réévalués annuellement.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement procède de la même démarche. Le rapporteur a rappelé à juste titre le besoin d’évaluation. Or il s’agit ici non pas d’évaluer les besoins en fonction des cas, mais de réduire globalement les effectifs de 5 %, c’est-à-dire de faire un grand plan social de la fonction publique dans les années qui viennent.
Nous proposons donc une rédaction plus raisonnable. Viser une réduction de 5 % ne peut pas être le principal objectif, dans les circonstances actuelles. Ce serait désarmer la République.
Vous parlez des agences, où il y aurait du gras. Pourtant, on n’arrête pas de leur donner du travail, à ces agences ! C’est ce que nous avons fait, par exemple, dans les lois que nous avons récemment votées, comme la loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dans laquelle nous multiplions les missions de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Dans le même temps, nous voudrions les dépouiller de leurs agents ? Cet article est assez hypocrite, et même un peu schizophrène, puisqu’il ne dit pas où exactement l’on prendrait ces 5 %.
On nous dit qu’il y a les bons emplois, qui sont devant le public, et les autres, comme s’il y avait des bâtiments administratifs remplis de personnes fainéantes, qui vivraient aux crochets de la société. Mais on ne nous dit jamais où exactement. Et l’on n’évalue pas vraiment les besoins.
Nous vous proposons donc une autre rédaction de l’article, pour éviter de fixer un objectif abstrait, qui deviendrait vite très concret pour la vie des gens, quand le service public serait une fois de plus affaibli.
M. le président. L’amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
la réduction de 5 %
par les mots :
la stabilité globale
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir les dispositions du texte adopté à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. L’Assemblée nationale a retenu un objectif de stabilité de l’emploi de l’État et de ses opérateurs, en conservant l’apport du Sénat, qui prévoit que cette stabilité est un plafond, et non une cible.
Le Sénat souhaite une diminution de 5 % des emplois de l’État et de ses opérateurs d’ici à 2027, soit la suppression de 120 000 emplois. Nous jugeons cette cible peu crédible, étant donné que nous renforçons les effectifs dans la police, la justice, l’armée et l’enseignement supérieur. Où pourrions-nous donc supprimer 120 000 emplois d’ici 2027 tout en respectant les engagements qui figurent dans les lois de programmation ? Cela nous semble irréaliste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement n° 4.
Monsieur le ministre, vous nous expliquez que nous ne précisons pas où faire des économies. Vous, vous êtes formidable : vous nous proposez un projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 où, en 2024, est prévue la stabilité des effectifs. Or le projet de loi de finances prévoit déjà plus de 8 000 emplois publics nouveaux. Je ne savais pas que stabilité et augmentation étaient deux synonymes !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 4 ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
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Article 12
I. – En 2024, 2025 et 2026, les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l’État, hors contribution du budget général au compte d’affectation spéciale « Pensions », hors charges de la dette et hors remboursements et dégrèvements, ne peuvent, à périmètre constant, excéder les montants suivants, exprimés en milliards d’euros courants :
(En milliards d’euros) |
|||||
Crédits de paiement |
Loi de finances pour 2023 (format 2023) |
Loi de finances pour 2023 (format 2024) |
2024 |
2025 |
2026 |
Action extérieure de l’État |
3,1 |
3,1 |
3,3 |
3,4 |
3,4 |
Administration générale et territoriale de l’État |
3,7 |
3,5 |
3,9 |
4,3 |
4,6 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
3,6 |
3,6 |
4,5 |
4,5 |
4,6 |
Aide publique au développement |
5,9 |
5,9 |
5,9 |
6,4 |
6,9 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1,9 |
1,9 |
1,9 |
1,8 |
1,7 |
Cohésion des territoires |
17,9 |
17,9 |
19,4 |
19,7 |
20,2 |
Conseil et contrôle de l’État |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
Crédits non répartis |
1,2 |
1,2 |
0,5 |
0,2 |
0,2 |
Culture |
3,5 |
3,5 |
3,7 |
3,8 |
3,8 |
Défense |
43,9 |
43,9 |
47,2 |
50,5 |
53,7 |
Direction de l’action du Gouvernement |
0,9 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
Écologie, développement et mobilité durables |
36,6 |
35,7 |
20,7 |
25,6 |
26,3 |
- dont programme 345 “Service public de l’énergie” et indemnité exceptionnelle carburant |
21,7 |
21,7 |
5,5 |
9,8 |
9,9 |
- hors programme 345 et indemnité exceptionnelle carburant |
14,9 |
14,0 |
15,2 |
15,8 |
16,4 |
Économie |
7,7 |
7,7 |
4,1 |
3,9 |
3,9 |
Engagements financiers de l’État* |
60,3 |
61,2 |
60,8 |
66,0 |
71,0 |
Enseignement scolaire |
60,3 |
60,3 |
64,2 |
65,1 |
65,4 |
Gestion des finances publiques |
8,0 |
8,0 |
8,3 |
8,4 |
8,3 |
Immigration, asile et intégration |
2,0 |
2,0 |
2,2 |
2,2 |
2,3 |
Investir pour la France de 2030 |
6,1 |
6,1 |
7,7 |
8,5 |
7,7 |
Justice |
9,6 |
9,6 |
10,1 |
10,7 |
10,7 |
Médias, livre et industries culturelles |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
Outre-mer |
2,5 |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
2,6 |
Plan de relance |
4,4 |
4,4 |
1,4 |
0,7 |
0,6 |
Pouvoirs publics |
1,1 |
1,1 |
1,1 |
1,1 |
1,2 |
Recherche et enseignement supérieur |
30,6 |
30,6 |
31,6 |
32,1 |
32,7 |
Régimes sociaux et de retraite |
6,1 |
6,2 |
6,2 |
6,4 |
6,4 |
Relations avec les collectivités territoriales |
4,5 |
4,5 |
4,3 |
4,2 |
4,2 |
- dont dispositifs exceptionnels |
0,4 |
0,4 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
- hors dispositifs exceptionnels |
4,1 |
4,1 |
4,2 |
4,2 |
4,2 |
Santé |
3,4 |
3,4 |
2,3 |
1,9 |
2,0 |
- dont programme 379 “Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience” |
1,9 |
1,9 |
0,9 |
0,4 |
0,5 |
- dont autres programmes |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
1,5 |
1,5 |
Sécurités |
15,8 |
16,1 |
16,5 |
17,0 |
17,5 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
29,4 |
29,4 |
30,7 |
31,8 |
32,9 |
Sport, jeunesse et vie associative |
1,8 |
1,8 |
1,8 |
1,6 |
1,6 |
Transformation et fonction publiques |
1,2 |
1,1 |
1,1 |
0,8 |
0,8 |
Travail et emploi |
20,7 |
20,7 |
22,4 |
22,4 |
21,6 |
*Le programme 355 est rattaché à la mission « Engagements financiers de l’État » à compter du projet de loi de finances pour 2024. |
II. – Des économies à hauteur de 6 milliards d’euros par an pour les années 2025 à 2027, issues notamment du dispositif de revue de dépenses instauré par l’article 167 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et par l’article 21 de la présente loi sont pour partie imputées sur les plafonds de crédits prévus au présent article. L’ensemble de ces économies est réalisé sur le périmètre des dépenses de l’État défini à l’article 9.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je reprends, modestement, mon habitude d’intervenir sur certains articles. (Sourires.) J’aurais pu choisir l’article précédent, lié aux moyens humains, mais je me contenterai de l’article 12, relatif aux plafonds pluriannuels des crédits des missions sur lesquelles nous reviendrons au cours des semaines prochaines.
Pour le budget général, l’article fixe un plafond de 410 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 20 milliards d’euros. Pour la période 2023-2026, les deux principales augmentations, en valeur, concernent la mission « Défense », qui gagne 9,8 milliards d’euros, notamment grâce à la loi de programmation militaire, et la mission « Enseignement scolaire », qui gagne 5,1 milliards d’euros.
La mission « Engagements financiers de l’État » gagne aussi 9,8 milliards d’euros, notamment pour faire face à la charge de la dette, que plusieurs orateurs ont évoquée. Le plafond de crédits pour 2025 est fixé à 66 milliards d’euros en nouvelle lecture, contre 58,8 milliards d’euros en première lecture : c’est une augmentation significative, de 7,2 milliards d’euros !
Compte tenu du travail effectué en commission, je voterai cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 23 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 41 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Éric Bocquet. Il s’agit donc de revoir les plafonds de crédits par mission. Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » diminueraient de 300 millions d’euros sur la période 2023-2027 en valeur, et même plus si l’on tient compte de l’inflation. De même, les crédits de la mission « Santé » baisseraient de 1,4 milliard d’euros, ce qui nous inquiète particulièrement dans le contexte actuel, même si l’explication de cette baisse est peut-être à chercher dans l’extinction de la compensation à la sécurité sociale des coûts des vaccins, sachant que 83 % des crédits de la mission servent à financer l’aide médicale de l’État.
Monsieur le ministre, nous constatons également que les crédits relevant de votre ministère ne cessent de diminuer chaque année, ce qui est en contradiction totale avec les objectifs du plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière, que vous prétendez ambitieux. Chaque euro dépensé en la matière rapporte 21 euros aux caisses de l’État, comme vous le savez. Voilà de la dépense budgétaire productive !
La stagnation des crédits de la mission depuis 2018 et la baisse de 300 millions d’euros prévue, sur un total de 8,3 milliards d’euros, signent une réduction en volume des moyens dévolus au contrôle fiscal et au recouvrement. Pourtant, le transfert de nombre de missions de la douane à la direction générale des finances publiques (DGFiP) aurait dû s’accompagner de moyens financiers supplémentaires. Vous avez eu l’excellente idée de créer le Conseil d’évaluation des fraudes, auquel Nathalie Goulet et moi-même souhaitons siéger. Mais j’attends toujours votre réponse officielle au courrier que je vous ai adressé le 3 octobre.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. Notre amendement vise également à supprimer cet article. Le tableau donne des chiffres très précis jusqu’en 2027, par mission budgétaire. Certains chiffres sont assez inquiétants.
De manière générale, puisque les circonstances évoluent elles aussi, est-il bien raisonnable d’entrer dans un tel niveau de détail ?
Voyez la mission budgétaire « Action extérieure de l’État », dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial. Voilà un an, la première loi de programmation des finances publiques prévoyait une enveloppe de 3,1 milliards d’euros pour l’ensemble du quinquennat. Or, entretemps, le Quai d’Orsay entrait en crise et, au mois de mars 2023, le Président de la République – tout procède de lui – annonçait la création de 700 emplois, ainsi que des moyens supplémentaires. Une fois ces bonnes annonces – elles tenaient compte du caractère régalien de l’institution – traduites dans la loi de programmation des finances publiques, les 3,1 milliards d’euros sont devenus 3,4 milliards d’euros.
Je m’en réjouis, mais cela montre bien qu’il n’est ni raisonnable ni même respectueux du vote annuel du Parlement, de détailler aussi précisément les crédits de chaque mission.
Nous pourrions très bien voter une loi de programmation moins détaillée. Nous éviterions ainsi de susciter de grandes inquiétudes, notamment pour ce qui concerne certaines missions dans le domaine social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 et 41 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 25 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, tableau
1° Treizième ligne
Rédiger ainsi cette ligne :
«
Écologie, développement et mobilité durables |
36,6 |
35,7 |
33,40 |
41,20 |
44,90 |
»
2° Quinzième ligne
Rédiger ainsi cette ligne :
«
hors Programme 345 et indemnité exceptionnelle carburant |
14,9 |
14,0 |
27,90 |
31,40 |
35,00 |
»
La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Grégory Blanc. Le rapport Pisani-Ferry a fixé la trajectoire des dépenses nécessaires pour réaliser la transition écologique.
Il s’agit d’accompagner notre économie et nos entreprises, mais aussi de nous adapter aux aléas climatiques, ainsi qu’au choc de l’érosion de la biodiversité.
Le FMI a donné des indications qui s’inscrivent dans les mêmes ordres de grandeur.
Or il est évident que les plafonds de dépenses prévus dans ce projet de loi sont insuffisants.
Cet amendement est en cohérence avec l’intervention de Thomas Dossus en discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Pascal Savoldelli. Nous proposons de majorer les moyens budgétaires alloués à la transition écologique de 8,3 milliards d’euros en fin de programmation d’ici à 2027.
Transformer le bâti est l’un des leviers majeurs de la lutte contre le dérèglement climatique. Le bâtiment est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre et de 40 % de la consommation finale d’énergie en France.
Nous connaissons tous les résultats de la Convention citoyenne pour le climat : elle demandait la rénovation globale de 800 000 logements.
Il s’agit donc d’un problème de moyens. Sur les 750 000 financements débloqués auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) – vous n’appelez pas à la suppression de cette agence, monsieur le rapporteur ?–, les trois quarts des actions ont consisté en un simple changement de mode de chauffage, notamment en faveur des poêles et chaudières à granulés ou des pompes à chaleur.
Par ailleurs, il n’est pas possible de connaître le détail du calcul du montant des aides proposées.
Toujours selon l’Anah, 50 000 rénovations globales ont été réalisées, dont seulement 5 000 concernaient des maisons individuelles. C’est quinze fois moins que ce que prévoit la stratégie nationale bas-carbone, quinze fois moins que ce qui est exigé pour atteindre notre objectif de neutralité carbone du logement en 2050.
L’intérêt de cet amendement est donc évident : accroître les crédits budgétaires – je n’ai pas peur des mots – consacrés à la transition écologique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je doute qu’il faille concentrer des dizaines de milliards d’euros sur la seule mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
Pour faire de véritables progrès en matière de transition écologique, il faut répartir les crédits de façon raisonnable. À multiplier les dépenses, nous aurons un problème de recettes.
Je décèle dans votre proposition une forme d’addiction à l’impôt. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mobiliser autant d’argent en un temps aussi réduit est impossible. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Une fois n’est pas coutume, ma réponse m’est fournie par le Gouvernement lui-même. (M. le rapporteur s’esclaffe.)
Une étude du ministère de la transition écologique en date de mars 2022 – vous ne pouvez qu’être solidaire de vos collègues, monsieur le ministre ! – évaluait à 10 milliards d’euros par an les dépenses de santé qui seraient économisées si l’ensemble des passoires énergétiques étaient rénovées d’ici à 2028.
L’aide à la rénovation est aussi une question de santé publique. C’est la raison pour laquelle nous la défendons.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Allié du Gouvernement !
M. Pascal Savoldelli. De la santé publique !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Le calendrier nous est dicté non pas par une envie soudaine d’investir massivement dans la transition énergétique, mais par le consensus scientifique.
Ce mois d’octobre aura été l’un des plus chauds jamais enregistrés depuis que l’on mesure la température. L’urgence climatique n’étale ni la dette ni le besoin de dépenses.
Les économistes auxquels nous avons demandé des rapports ne sont pas des zadistes. Tous soulignent ce besoin urgent d’investissements massifs.
Les engagements que nous prenons à l’échelle européenne sont de plus en plus pressants. Ne sommes-nous pas passés d’un objectif de diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 à un objectif de diminution de 55 % ?
Il faut investir et mobiliser des capitaux non pas dans cinquante ans, mais maintenant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 25.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
I. – L’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, exprimés en millions d’euros courants, est évalué comme suit, à périmètre constant :
Trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales à périmètre constant |
|||||
Loi de finances pour 2023 |
Projet de loi de finances pour 2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales * |
54 953 |
54 391 |
54 959 |
55 666 |
56 043 |
Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales hors mesures exceptionnelles |
52 847 |
53 980 |
54 941 |
55 661 |
56 043 |
- dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée |
6 700 |
7 104 |
7 625 |
7 884 |
7 786 |
- dont total mission “Relations avec les collectivités territoriales” (hors mesures exceptionnelles) |
4 096 |
4 151 |
4 151 |
4 172 |
4 172 |
- dont prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales (hors mesures exceptionnelles) |
36 960 |
37 347 |
37 585 |
37 824 |
38 075 |
- dont taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions (ex-DGF) |
5 090 |
5 378 |
5 579 |
5 780 |
6 011 |
* Hors dotation de soutien à l’investissement local exceptionnelle (périmètre du présent article) |
II. – (Non modifié)
III. – Pour la durée de la programmation, l’ensemble des concours financiers autres que le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée prévu à l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales et que le produit de l’affectation de la taxe sur la valeur ajoutée aux régions, au Département de Mayotte, à la collectivité de Corse et aux collectivités territoriales de Martinique et de Guyane prévue à l’article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 précitée est plafonné, à périmètre constant, aux montants prévus au tableau du I du présent article.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. L’État est, historiquement, le partenaire principal des collectivités territoriales. Les prévisions de concours financiers de l’État aux collectivités territoriales suscitent toujours beaucoup d’inquiétudes.
En 2022, ces concours s’élevaient, selon le texte initial du projet de loi, à 52,2 milliards d’euros. En nouvelle lecture, ils augmentent finalement de 3,84 milliards d’euros pour la période 2022-2027, au lieu des 2,37 milliards d’euros prévus dans la version initiale.
Pour autant, cette hausse en euros courants correspond toujours, en euros constants, à une contraction des concours financiers alloués aux collectivités territoriales, qui passeraient de 52,2 milliards d’euros en 2022 à 49,65 milliards d’euros en 2027.
De telles inquiétudes sont légitimes. Elles devront être prises en compte à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.
Mme Isabelle Briquet. C’est méconnaître les collectivités locales que de les soumettre à un tel plafonnement.
Monsieur le ministre, vous avez tenu des propos rassurants sur la bonne santé des collectivités. Je vous ai également bien écouté lors du récent débat sur la taxe foncière qui s’est tenu dans cet hémicycle. Nous avions discuté de l’épargne brute.
Or, s’il est incomparable avec celui de l’État, le coût de la dette des collectivités s’est notablement alourdi. Aussi, leur situation est bien moins favorable dès lors que l’on considère l’épargne nette.
Dans la période actuelle en particulier, les collectivités méritent davantage de soutien.
C’est la raison pour laquelle, comme en première lecture, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 42 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
courants
par le mot :
constants
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous vous proposons d’indexer les concours financiers aux collectivités territoriales inscrits dans la loi de programmation des finances publiques sur l’inflation.
Il s’agit, pour le groupe CRCE-Kanaky, d’une proposition minimale : les collectivités ne doivent pas voir leurs recettes amputées.
Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas nous reprocher notre incohérence : nous avons déjà déposé une proposition de loi tendant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation.
Prenons du recul. Sauf erreur de ma part, les collectivités ont perdu, depuis 2012, à périmètre constant et sans tenir compte de la hausse des prix, plus de 11 milliards d’euros de DGF. (M. le ministre délégué le conteste.) Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, ce sont les chiffres !
J’en profite d’ailleurs pour vous demander si vous pensez diminuer la part de la DGF dans le panier de recettes des collectivités.
C’est une bonne question, dans la mesure où vous avez démantelé la fiscalité directe locale, en supprimant la taxe d’habitation, puis la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). On se demande à présent comment l’on peut corseter encore davantage les transferts financiers.
Une partie des chefs d’entreprise et acteurs économiques du département dont je suis l’élu m’ont fait part de leurs inquiétudes : ils sont préoccupés par la situation des communes et le seront bientôt par celle des départements, en raison de la chute des recettes issues des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Les réalités sont différentes selon les territoires, je vous l’accorde. Néanmoins, les conséquences sont terribles sur les marchés, sur l’économie locale et particulièrement sur le tissu des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Ce sont elles – 90 % des entreprises – qui font notre force, en France comme dans le Val-de-Marne.
Tel est le sens de cet amendement, qui a été rédigé dans un esprit de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne pense pas être, depuis 2017, l’un des plus ardents défenseurs de la politique du Gouvernement.
Pour autant, vous évoquez la baisse de la DGF.
M. Olivier Paccaud. - 46 % sous Hollande !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il me semble que la baisse la plus sévère a eu lieu au cours de la période 2012-2017, lorsque la gauche était au pouvoir avec François Hollande comme Président de la République.
M. Stéphane Sautarel. Eh oui !
M. Olivier Paccaud. Exactement !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Des compensations et des ajustements d’une année sur l’autre peuvent être envisagés.
Dès l’examen du prochain projet de loi de finances, nous ferons en sorte que les collectivités ne soient pas, comme vous le craignez, trop pénalisées.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La ponction exercée sur la DGF remonte en effet à la période 2014-2017.
En 2023, lorsque le Gouvernement a décidé d’augmenter cette dotation à hauteur de 320 millions d’euros, cela faisait plus de douze ans qu’elle n’avait pas été revalorisée.
Dans le budget 2024, la DGF enregistre une hausse de 220 millions d’euros, tandis que nous doublons par ailleurs le soutien à l’investissement des collectivités.
Je vous rejoins sur ce point : les collectivités territoriales jouent un rôle décisif dans le soutien à l’investissement local et au tissu économique local.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cessons donc de les martyriser !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les collectivités au travers d’un fonds vert, dont les crédits passeront dans ce budget de 2 milliards d’euros à 2,5 milliards d’euros.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau :
Rédiger ainsi ce tableau :
Trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales à périmètre constant |
|||||
Loi de finances pour 2023 |
Projet de loi de finances pour 2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales * |
54 953 |
68 327 |
68 453 |
70 458 |
71 481 |
Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales hors mesures exceptionnelles |
52 847 |
66 564 |
68 128 |
69 338 |
70 245 |
- dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée |
6 700 |
7 104 |
7 625 |
7 884 |
7 786 |
- dont total mission “Relations avec les collectivités territoriales” (hors mesures exceptionnelles) |
4 096 |
16 198 |
16 282 |
16 357 |
16 433 |
- dont prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales (hors mesures exceptionnelles) |
36 960 |
37 884 |
38 641 |
39 317 |
40 000 |
- dont taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions (ex-DGF) |
5 090 |
5 378 |
5 579 |
5 780 |
6 011 |
* Hors dotation de soutien à l’investissement local exceptionnelle (périmètre du présent article) |
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’objectif de cet amendement est double : indexer les concours financiers de l’État aux collectivités locales sur l’inflation et créer, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », une dotation de transition écologique réservée aux collectivités territoriales de 12 milliards d’euros par an.
L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime en effet que 12 milliards d’euros par an devront être investis pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.
Cet amendement vise donc à permettre à la France de tenir ses engagements.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Bonneau, Laugier et Mizzon, Mme Vermeillet, M. Kern, Mme Jacquemet, MM. Longeot, Cambier, Delahaye, P. Martin et Hingray, Mme Billon, M. Menonville, Mmes Gatel et Saint-Pé et MM. Dhersin et Duffourg, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, quatrième ligne
1° Troisième colonne
Remplacer le nombre :
7 104
par le nombre :
12 104
2° Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
7 625
par le nombre :
4 625
3° Cinquième colonne
Remplacer le nombre :
7 884
par le nombre :
6 884
4° Sixième colonne
Remplacer le nombre :
7 786
par le nombre :
6 786
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. En déposant cet amendement, notre collègue Michel Canévet a fait preuve de constance.
Il propose de modifier le fonctionnement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), au sein duquel coexistent aujourd’hui trois régimes : celui de l’année n de l’investissement, celui de l’année n+1 et celui de l’année n+2.
Il s’agit de profiter de la loi de programmation des finances publiques pour corriger une telle anomalie. La modification serait neutre sur cinq ans.
Cet amendement tend à faire en sorte que le remboursement intervienne l’année même de l’investissement.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Bonneau, Laugier et Mizzon, Mme Vermeillet, M. Kern, Mme Jacquemet, MM. Longeot, Cambier, Delahaye, P. Martin et Hingray, Mme Billon, M. Menonville, Mmes Gatel et Saint-Pé et MM. Dhersin et Duffourg, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, quatrième ligne
1° Troisième colonne :
Remplacer le nombre :
7 104
par le nombre :
10 104
2° Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
7 625
par le nombre :
5 625
3° Cinquième colonne
Remplacer le nombre :
7 884
par le nombre :
6 884
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Il s’agit d’un amendement de repli, avec des seuils différents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je faisais remarquer précédemment que le Gouvernement multipliait les annonces à un milliard d’euros.
Vous reprenez ici les chiffres et recommandations de différents rapports. Cela fait partie du travail de l’opposition et des minorités parlementaires. Cela étant, si nous additionnions l’ensemble de vos propositions, les chiffres du déficit et de la dépense publics ne s’arrangeraient guère !
La question soulevée par Michel Canévet relève davantage du débat budgétaire. Je le lui ai dit, tout en le mettant en garde sur un point. Il peut arriver que nous ayons, les uns et les autres, nos contradictions. Or il peut paraître contradictoire de proposer de décaisser des sommes importantes – 3 milliards d’euros à 5 milliards d’euros – et, dans le même temps, d’œuvrer à la baisse de la dépense publique.
Sans émettre de jugement de valeur, j’estime que nous devons conserver une certaine logique.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J’ai entendu les propos de M. le rapporteur.
Le débat que nous aurons durant les prochaines années est simple. Certes, la dette existe, et nos finances publiques doivent être compatibles avec la réalité économique du pays.
Cependant, la dette climatique et la dette environnementale existent également (M. le rapporteur acquiesce.), et elles s’imposeront à nous avec force.
Tout l’enjeu est de concentrer les crédits sur les dépenses nécessaires.
Tel est le sens de l’amendement de Thomas Dossus, que nous avons cosigné. Pour les raisons que je viens d’évoquer, il est, me semble-t-il, impératif de le voter.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Je comprends difficilement l’avis défavorable de M. le rapporteur.
Prise dans le cadre d’un projet de loi de programmation des finances publiques, la décision d’harmoniser le FCTVA sur la période ne coûtera pas un centime, mais créera un simple décalage.
Sur la période, l’État ne dépensera pas un euro supplémentaire (M. le rapporteur le conteste.)
Nous voulons simplement harmoniser le régime de TVA pour l’ensemble des collectivités. Les sommes qui seront versées en plus l’année n seront versées en moins l’année n+1.
M. le président. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
En excluant les dépenses liées aux mesures de relance, le ratio entre, d’une part, les dépenses considérées comme défavorables au sens du rapport sur l’impact environnemental du budget, prévu au 6° du I de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et, d’autre part, les dépenses considérées comme favorables et mixtes au sens de ce même rapport diminue au moins de 30 % entre la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour l’année 2022 et le projet de loi de finances pour 2027.
Durant cette période, le Gouvernement procède à une évaluation des dépenses budgétaires et fiscales neutres ou non cotées.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
En excluant les dépenses liées aux mesures de relance,
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement et sur les suivants, qui relèvent, selon moi, d’une même logique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 43 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche, Gillé et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Après le mot :
défavorables
insérer les mots :
et mixtes
2° Remplacer le mot :
prévu
par le mot :
mentionné
3° Supprimer les mots :
du I
4° Après la deuxième occurrence du mot :
rapport
insérer le signe :
,
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Pour plus de volontarisme en matière de planification écologique, nous proposons, par cet amendement, de revenir à la version sénatoriale du texte initial, qui inscrit les dépenses mixtes avec les dépenses défavorables plutôt qu’avec les dépenses favorables.
Dans un souci de compromis, les auteurs du présent amendement proposent également de reprendre l’exclusion des mesures de relance du calcul.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Après le mot :
défavorables
insérer les mots :
et mixtes
2° Supprimer les mots :
et mixtes
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. À nos yeux, considérer les dépenses budgétaires et fiscales mixtes dans la même catégorie que les dépenses vertueuses pose problème.
Nous préférons associer les dépenses mixtes aux dépenses défavorables.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et mixtes
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je pense qu’il ne faut pas opposer les dépenses mixtes et les dépenses favorables. La construction de nouvelles lignes ferroviaires ou encore la prime à la conversion, par exemple, sont en effet considérées comme des dépenses mixtes. Il est préférable de conserver cette dichotomie, qui permet de mieux appréhender les efforts réels et de tenir compte de la nature spécifique de certaines dépenses.
Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce ratio est fixé selon une logique d’extinction des dépenses considérées comme défavorables et mixtes au sens dudit rapport sur l’impact environnemental du budget.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’article 14 affiche une ambition utile, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps : lutter contre les dépenses budgétaires et fiscales nocives pour l’environnement.
Il prévoit à horizon 2027 une baisse du ratio entre, d’une part, les dépenses considérées comme défavorables et, d’autre part, les dépenses considérées comme favorables et mixtes.
Si nous saluons l’esprit de cet article, nous déplorons néanmoins son manque d’ambition et proposons donc plusieurs améliorations.
Selon nous, l’effort sur les dépenses brunes devrait viser non pas simplement à leur réduction, mais à leur suppression pure et simple à long terme.
En effet, la trajectoire que notre pays s’est engagé à suivre avec ses partenaires européens est très ambitieuse. C’est pourquoi nous estimons nécessaire que cet objectif soit inscrit dans la loi.
Par ailleurs, la suppression desdites niches fiscales représente une source de revenus significatifs pour l’État, qui pourrait les flécher vers les ménages qui en ont le plus besoin, notamment les plus affectés par la transition écologique.
Le montant de ces dépenses, hors bouclier tarifaire, est estimé à 10,7 milliards d’euros, dont 7,6 milliards d’euros de dépenses fiscales, soit une enveloppe qui serait d’autant plus utile qu’elle pourrait être mobilisée ailleurs. Nous proposons donc de la récupérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
I. – Les créations, les extensions ou les prorogations d’un dispositif d’aides aux entreprises instaurées par l’État après le 1er janvier 2024 ne sont applicables que pour une durée précisée par le texte qui les institue, dans la limite de cinq ans.
II. – Pour toute mesure d’extension ou de prorogation d’un dispositif d’aides aux entreprises instaurée par l’État par un texte postérieur au 1er janvier 2024, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de cette mesure, au plus tard le 1er avril de l’année au cours de laquelle le dispositif d’aide prend fin. Cette évaluation présente notamment les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure et apporte des précisions sur l’efficacité et le coût de celle-ci.
III. – Le ministre chargé du budget publie, au moins annuellement, la liste des dispositifs d’aides aux entreprises dont les extensions ou prorogations sont soumises aux I et II.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
deux
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous proposons de limiter à deux ans la création ou la prorogation d’aides aux entreprises.
Les aides aux entreprises pourraient laisser croire que la France est une véritable économie administrée, tant le marché est défaillant et exige de la puissance publique tant et tant d’avantages pour toutes les activités de l’entreprise.
La commission recense 2 100 aides publiques, dont 422 de portée nationale.
Pourtant, il fut un temps où la dépense publique n’était pas si mal vue que cela. Le 3 octobre 2020, Bruno Le Maire s’exclamait devant un parterre de chefs d’entreprise réunis en colloque à la Banque publique d’investissement : « C’est dans ces moments de crise qu’il faut profiter de l’argent de l’État. Croyez-moi, ce n’est pas tous les jours que vous verrez un ministre des finances vous dire : “Vous avez besoin d’argent ; je vous en donne.” »
M. Albéric de Montgolfier. Un peu trop !
Mme Nathalie Goulet. Sans contrôle !
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir les dispositions du texte adopté à l’Assemblée nationale.
Dans sa version initiale, l’article prévoyait que les créations, les extensions ou les prolongations de dispositifs d’aides aux entreprises ne seraient applicables que pour une durée maximale de cinq ans.
La commission des finances de l’Assemblée nationale a réduit cette durée à trois ans. La commission des finances du Sénat a ensuite souhaité revenir à la durée initiale de cinq ans, qualifiant cette durée d’équilibre satisfaisant, en cohérence avec les autres durées d’encadrement prévues à l’article 7 pour les dépenses fiscales ou les niches sociales.
Nous proposons une durée de trois ans. Les aides aux entreprises seraient ainsi alignées sur les niches fiscales et sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Certains amendements tendaient à proposer de fixer à huit ans maximum la durée des aides aux entreprises.
En proposant une durée de cinq ans, nous avons trouvé, me semble-t-il, la position d’équilibre. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
Monsieur le ministre, sur cette question, la position du Gouvernement fluctue. La durée initiale de cinq ans, à laquelle il serait bon de revenir, apporte une certaine visibilité.
J’appelle l’attention de ceux qui pensent qu’une durée de deux ou trois ans serait adéquate. À l’exception des très grandes entreprises ou des grands groupes, qui ont la capacité de réorienter les dispositifs pour répondre aux aides mises en place, les établissements de taille intermédiaire (ETI) et les PME passeraient à côté de ces aides. Cela n’est pas souhaitable.
Restons sur la position initiale de notre commission et du Sénat : le mécanisme ne doit s’appliquer qu’aux aides relevant de l’État.
Les aides destinées aux collectivités ne seraient pas concernées. Il faut laisser à chacune sa libre administration.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 29 ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il y a, sur cette question, deux positions sincères.
D’un côté, il est aisé de comprendre que les entreprises ont besoin de visibilité. Il faut donc étaler les aides sur une certaine durée.
D’un autre côté, l’efficacité de ces aides n’est pas évaluée. Monsieur le ministre, quand pourra-t-on améliorer les dispositifs d’évaluation ?
Certaines erreurs, comme le fait de ne pas avoir exigé de déclaration sociale nominative, n’ont pas pu être rattrapées ; elles ont favorisé, par exemple, le développement de fraudes massives aux aides covid.
D’autres problèmes de ce type se sont posés par ailleurs.
Un certain nombre d’aides pèsent sur le contribuable et sur le budget du Gouvernement alors qu’elles n’apportent aucune plus-value et que leur efficacité est nulle.
Je suis favorable à la fixation d’une durée minimale pour garantir une certaine visibilité, mais pas à la signature d’un blanc-seing !
Monsieur le ministre, il est de votre responsabilité de mettre en place des dispositifs d’évaluation, afin, le cas échéant, de mettre un terme aux aides inefficaces.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Rochette, L. Vogel, Grand, Wattebled, A. Marc et Guerriau, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier et M. Chevalier, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
notamment
insérer les mots :
l’impact écologique et
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Afin d’améliorer l’information du Parlement, et dans l’optique d’accélérer la transition écologique, il importe d’évaluer l’impact écologique de toutes les mesures d’aides aux entreprises.
Ainsi, cet amendement, déposé sur l’initiative de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, tend à élargir le périmètre de l’évaluation des dispositifs d’aides aux entreprises, prévue par l’article 15, afin d’y intégrer la dimension écologique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cet amendement constitue en quelque sorte un élément de réponse aux propos de notre collègue Nathalie Goulet.
Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Chapitre III
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales
Article 16
I et II. – (Non modifiés)
III. – Au niveau national, l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement prévu au II, exprimé en pourcentage, en valeur et à périmètre constant, s’établit comme suit :
Collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Dépenses de fonctionnement |
4,8 |
2,0 |
1,5 |
1,3 |
1,3 |
IV. – Pour l’application du III, les dépenses réelles de fonctionnement sont retraitées des dépenses exposées au titre du revenu de solidarité active, de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap, définies respectivement aux articles L. 262-24, L. 232-1 et L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que des dépenses exposées au titre de l’aide sociale à l’enfance, définies à l’article L. 222-1 du même code.
Les conditions d’application du présent IV sont précisées par décret.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 30 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 9.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Pascal Savoldelli. Je souligne un aspect très positif du travail du Sénat. Ensemble, nous avions réussi, grâce à notre vote unanime, à nous débarrasser des contrats de Cahors. Évitons de les rétablir en adoptant la trajectoire, définie à cet article, de diminution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales de 0,5 % par an en volume. Cette trajectoire est mauvaise, monsieur le ministre.
Vous avez dit qu’il fallait que chacun fasse des efforts : le Gouvernement comme les collectivités territoriales. Mais, je rappelle que 85 % des dépenses publiques de protection de l’environnement relèvent des collectivités territoriales, de même que 72,8 % des dépenses publiques de logement et d’équipements collectifs ou que 70,9 % des dépenses publiques de loisir et de culture.
S’arroger le droit de dire aux collectivités territoriales qu’il faut qu’elles baissent leurs dépenses de fonctionnement, c’est toucher à ce qui est vital pour la cohésion de notre société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Uzenat, Fichet, Michau, Kerrouche et Gillé, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
fonctionnement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, est fixé au même niveau que l’inflation.
II. – Alinéa 3, tableau
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à aligner l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement sur l’inflation. Il s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des propos tenus par nos collègues communistes.
Certes, des efforts ont été consentis par rapport à la logique qui prévalait dans les contrats de Cahors. Pour autant, la situation est inquiétante pour tous les niveaux de collectivités territoriales, qu’il s’agisse du bloc communal, des départements ou des régions.
Les collectivités ne sont pas responsables de l’endettement de notre pays. Elles constituent les premiers investisseurs publics et les premiers amortisseurs sociaux. Il convient dès lors de les accompagner dans la période extrêmement tendue que nous traversons, marquée par une inflation beaucoup plus élevée que celle que nous connaissions voilà quelques années lorsque les accords de Cahors avaient été mis en œuvre.
C’est pourquoi il nous semble nécessaire que les collectivités soient davantage soutenues et que leurs dépenses de fonctionnement soient alignées sur le niveau de l’inflation.
Tel est l’objet de cet amendement. Nous espérons qu’il sera largement soutenu : il correspond à une attente partagée par tous les élus locaux, quelle que soit leur sensibilité, comme nous avons pu le constater sur le terrain ces dernières semaines. Je souhaite donc que cette demande, largement partagée, soit entendue par le Gouvernement et par la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques et de deux sous-amendements.
L’amendement n° 45 rectifié ter est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Uzenat, Fichet, Michau, Kerrouche et Gillé, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 50 rectifié est présenté par M. Capus, Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 54 rectifié est présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Mouiller et Bas, Mmes Noël et Muller-Bronn, MM. H. Leroy, Tabarot, D. Laurent, Paccaud, Anglars, Bouchet et Burgoa, Mme Garnier, MM. Lefèvre et Pointereau, Mme Dumont, MM. Houpert, Brisson et J.P. Vogel, Mme Belrhiti, MM. Chatillon, Somon, Mandelli, Bruyen et Milon, Mmes Richer, Petrus, Josende, Gosselin et Aeschlimann, M. Daubresse, Mmes Puissat, Di Folco et Ventalon, M. Belin, Mmes M. Mercier, F. Gerbaud et Lassarade, M. Gremillet, Mmes Nédélec et Bellurot, M. Pellevat, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Frassa et Rojouan et Mme Canayer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Après le mot et le signe :
familles,
insérer les mots :
des dépenses supplémentaires exposées par les collectivités territoriales et leurs groupements dans le cadre d’un contrat avec l’État, dans la limite du financement apporté par l’État,
La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié ter.
M. Thierry Cozic. Cet amendement de repli émane de l’Assemblée des départements de France (ADF).
Le projet de loi prévoit que les collectivités locales participent à l’effort de redressement des finances publiques en respectant un objectif de réduction de leurs dépenses réelles de fonctionnement de 0,5 % par an par rapport à l’inflation prévisionnelle.
Les départements sont, à cet égard, dans une situation très spécifique, car leurs marges de manœuvre financières sont sans doute beaucoup plus contraintes que celles des autres collectivités.
Si des avancées ont été obtenues en première lecture, grâce à l’exclusion des allocations individuelles de solidarité et des dépenses sociales du périmètre des dépenses concernées par l’objectif de réduction, en raison des lourds enjeux qui traversent notre société, l’ADF considère néanmoins que les dépenses contractualisées entre l’État et les collectivités doivent être écartées, pour des raisons de pure cohérence.
De plus, un nombre important de dépenses, pour la plupart décidées unilatéralement par l’État, assorties de peu de compensations – lorsqu’il y en a –, se sont accumulées en 2022 et 2023. Je citerai notamment l’avenant 43, la hausse du point d’indice, la revalorisation des métiers du médico-social, les primes de feu, la revalorisation des minima sociaux, etc.
Nous voulons donc revenir sur la trajectoire de réduction des dépenses de fonctionnement en excluant certaines du calcul. Un décret fixera la liste de ces dernières, en concertation avec les associations représentatives d’élus.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
M. Emmanuel Capus. Comme mon collègue l’a indiqué, cet amendement émane de l’ADF.
Les départements sont dans une situation très particulière. Ils sont, comme l’ensemble des collectivités, prêts à participer, de manière tout à fait volontaire, à la réduction de la dépense publique, mais ils sont pris en tenailles et leur situation est intenable : ils subissent l’inflation, comme toutes les collectivités, mais ils ont aussi à leur charge des dépenses qui ne sont pas pilotables : le revenu de solidarité active (RSA), les mineurs non accompagnés ou encore le financement la dépendance, en hausse à cause du vieillissement de la population.
Il y a eu des avancées, avec l’exclusion notamment des allocations individuelles de solidarité de l’objectif de réduction des dépenses, mais il convient, si l’on veut être juste et raisonnable et définir des objectifs atteignables, d’exclure toutes les dépenses résultant d’un contrat avec l’État, dans la limite de la compensation versée par ce dernier.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié.
M. Arnaud Bazin. Si nous acceptons que les dépenses locales progressent d’un demi-point de moins que l’inflation, encore faut-il exclure du périmètre les dépenses non pilotables. Lorsque des efforts sont possibles, les collectivités les feront, mais lorsque c’est impossible, il faut tout simplement en prendre acte.
Nous avons déjà obtenu que les allocations individuelles de solidarité versées par les départements soient retirées du panier des dépenses prises en compte au titre de l’objectif d’évolution de la dépense locale, mais il reste encore à régler la question des dépenses engagées à la suite d’une demande de l’État. Il serait logique de les retirer également du calcul.
C’est pourquoi cet amendement vise à exclure du périmètre retenu les dépenses supplémentaires engagées par toutes les collectivités territoriales, et non pas seulement par les départements, dans le cadre d’un contrat avec l’État.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur la situation des départements. Nombre d’entre eux sont très dépendants des DMTO ; c’est le moins que l’on puisse dire ! Or cette ressource s’est effondrée de 20 % à 30 % selon les départements ces dernières semaines. Leur situation budgétaire devient donc très tendue. Les conséquences se font sentir dès cette année, mais elles seront encore plus sensibles l’année prochaine. Nous aurons l’occasion d’en reparler, car il s’agit d’un sujet de préoccupation extrêmement grave.
M. le président. Le sous-amendement n° 67, présenté par Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Amendement n° 54
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sont également retraitées les contributions versées par les communes de la Métropole du Grand Paris au fonds de compensation des charges transférées dans les conditions prévues au XI de l’article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Ce sous-amendement et le suivant s’inscrivent la même philosophie : ils visent à traiter le cas des dépenses obligatoires des communes qui correspondent à l’euro près à certaines recettes.
Le sous-amendement n° 67 concerne la métropole du Grand Paris. Dans cette organisation spécifique, les communes reçoivent de la métropole la compensation de la suppression de la part « salaire » de la taxe professionnelle et reversent exactement le montant reçu à l’établissement public territorial (EPT) auquel elles appartiennent. Elles collectent par ailleurs les impôts fonciers pour leur EPT, depuis que ces derniers ont perdu leur statut d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre lors de la création de la métropole, le 1er janvier 2016. Les montants peuvent être très importants : ces dépenses s’élèvent ainsi à 50 millions d’euros pour Boulogne-Billancourt. Étant donné la dynamique des taxes foncières, il ne serait pas très juste que ces dépenses restent dans le périmètre retenu pour le calcul de l’objectif d’évolution de la dépense globale.
M. le président. Le sous-amendement n° 68, présenté par Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Amendement n° 54
…° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sont également retraités les reversements effectués à un tiers par les collectivités en contrepartie d’une taxe qu’elle collecte en leur nom.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Ce sous-amendement vise, dans la même logique que le précédent, à faire en sorte que soient retraités les reversements de taxe que les collectivités collectent pour compte de tiers. Je pense par exemple à la taxe de séjour, qui est collectée par les communes : celles-ci reversent une partie de son produit à leur office du tourisme, lorsqu’elles en ont créé un, et le reste à leur département. Là encore, il s’agit de dépenses contrebalancées par des recettes, donc sans effet sur la capacité d’autofinancement de la collectivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 45 rectifié ter, 50 rectifié et 54 rectifié. Je salue à cet égard le travail intelligent et fructueux qui a été mené avec les auteurs de ces amendements : ils ont su les modifier depuis l’examen du texte en commission pour les rendre compatibles avec notre position.
Les sous-amendements nos 67 et 68 n’ont pas été examinés par la commission.
À titre personnel, je souscris volontiers à l’objet du premier, sur lequel j’émets donc un avis favorable.
Je demande en revanche le retrait du sous-amendement n° 68. En effet, le retraitement des dépenses proposé ne sera possible que si les collectivités sont dotées d’un office du tourisme. Dans le cas contraire, le dispositif ne pourra pas s’appliquer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Plusieurs amendements visent à exclure certaines dépenses contraintes des départements du périmètre pris en compte au titre de l’objectif d’évolution de la dépense locale.
Plutôt que d’appréhender ces dépenses à travers le prisme de la contractualisation entre l’État et les départements, la commission des finances de l’Assemblée nationale a préféré adopter des amendements visant à retrancher du périmètre les dépenses obligatoires : il s’agit de celles liées au RSA, à la prestation de compensation du handicap (PCH), à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), à l’aide sociale à l’enfance. Celles-ci ont été retirées et ne figurent plus dans le texte qui a été transmis au Sénat.
Cette démarche semble plus opérationnelle que celle qui consiste à viser des dépenses associées à une contractualisation entre l’État et les départements.
Le périmètre retenu par le projet de loi est clair, expurgé des dépenses dites de guichet, sur lesquelles le département n’a pas de levier. On ne peut pas lui demander de réduire ces dépenses alors qu’il ne fait que les constater.
Le souhait des auteurs de ces amendements de protéger les départements face à des évolutions qu’ils ne maîtrisent pas est donc déjà satisfait par la rédaction actuelle.
Avis défavorable sur les trois amendements identiques, ainsi que sur les deux sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le ministre, je ne comprends rien à votre argument ! Il est parfaitement logique de retirer du calcul les dépenses versées par les départements au titre des allocations individuelles de solidarité, car ces dépenses sont simplement constatées et ne sont pas pilotables. Le texte en tient déjà compte, et nous sommes satisfaits de la rédaction sur ce point.
Nous demandons en plus que les dépenses supplémentaires engagées à la demande de l’État dans le cadre d’un contrat avec ce dernier soient traitées de la même manière. C’est très simple ! On ne saurait opposer les deux. Nous voulons prendre acte des décisions intervenues à l’Assemblée nationale tout en prenant en considération les dépenses supplémentaires contractualisées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. C’est de la déontologie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je retire le sous-amendement n° 68. Un décret précisera les modalités d’application de cet article. Je suis sûre que les services fiscaux, qui connaissent toutes les situations dans lesquelles une collectivité est collectrice pour compte de tiers, comme dans le cas de la taxe de séjour que j’ai évoqué, sauront les mentionner dans le décret d’application pour les exclure du périmètre.
En revanche, je ne comprends pas très bien votre position, monsieur le ministre. L’article 16 fait référence à un article qui existait déjà dans la précédente loi de programmation des finances publiques. Celui-ci était lié aux contrats de Cahors. Or les modalités d’application de ces contrats prévoyaient un retraitement des dépenses pour lesquelles les communes de la métropole du Grand Paris ne sont que des « boîtes aux lettres ». Si le texte reste en l’état, cela créera une inégalité flagrante entre ces communes et les villes appartenant à la même strate de population ailleurs en France. C’est totalement inéquitable ! (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je souscris à cette analyse. Ces différents amendements, y compris celui qui émane de l’ADF, procèdent de la même logique et visent à reprendre le mécanisme de retraitement de certaines dépenses qui figurait dans les contrats de Cahors.
Nous voterons ces amendements pour faire vivre la réflexion et donner satisfaction aux collectivités.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 rectifié ter, 50 rectifié et 54 rectifié, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Article 17
I. – L’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ne peut, à périmètre constant, excéder les montants suivants, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut et en milliards d’euros courants :
Montant maximal de l’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse |
|||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
En % du produit intérieur brut |
21,7 |
21,9 |
21,9 |
21,9 |
21,8 |
En milliards d’euros courants |
610,9 |
641,8 |
665,2 |
685,8 |
705,4 |
II. – L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peut, à périmètre constant, conformément à la méthodologie décrite dans le rapport annexé à la présente loi, excéder les montants suivants, exprimés en milliards d’euros courants :
(En milliards d’euros courants) |
||||
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
247,6 |
254 |
262,5 |
270,1 |
278,0 |
III. – Les taux annuels d’évolution des sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne peuvent, à périmètre constant, excéder les taux suivants :
(En %) |
|||||
Sous-objectifs de l’ONDAM |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Soins de ville |
3,7 |
3,5 |
3,0 |
2,7 |
2,7 |
Établissements de santé |
5,2 |
3,2 |
2,6 |
2,7 |
2,8 |
Établissements et services pour personnes âgées |
6,7 |
4,6 |
4,8 |
4,5 |
4,2 |
Établissements et services pour personnes handicapées |
6,5 |
3,4 |
3,1 |
3,1 |
3,1 |
Fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement |
6,5 |
-4,7 |
3,4 |
3,4 |
3,4 |
Autres prises en charge |
10,2 |
4,6 |
4,9 |
4,9 |
4,9 |
Le taux d’évolution annuel est calculé, pour une année donnée, au regard de la situation de l’année précédente.
IV. – Des économies issues du dispositif de revue de dépenses instauré par l’article 167 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et par l’article 21 de la présente loi représentent 6 milliards d’euros par an pour les années 2025 à 2027 et sont réparties entre les dépenses des administrations de sécurité sociale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 46 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau, Kerrouche et Uzenat, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet pour présenter l’amendement n° 31.
M. Éric Bocquet. Nous proposons de supprimer cet article, qui définit le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour les années 2023 à 2027.
Les prévisions budgétaires du Gouvernement pour les quatre prochaines années en ce qui concerne la sécurité sociale prévoient un tassement des dépenses de santé, avec une hausse limitée à 2,3 % par an, alors que la commission des comptes de la sécurité sociale estime que ces dernières devraient augmenter de 4 % par an, soit deux fois plus que ce que prévoit le Gouvernement, pour faire face au vieillissement de la population et à l’évolution des besoins.
Je ne rappellerai pas la situation dramatique que connaissent nos hôpitaux et les personnels soignants. Pour la seule année 2024, il ne manque pas moins de 2 milliards d’euros au budget de l’hôpital.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié bis.
Mme Frédérique Espagnac. Par cet amendement, nous nous opposons à ce qui s’apparente à une nouvelle contraction des moyens réels de la sphère sociale.
La trajectoire définie par le Gouvernement se traduit par une réduction du déficit trop brutale eu égard aux besoins et par une hausse de l’Ondam inférieure à l’inflation, et ce alors même que nous connaissons une crise hospitalière aiguë.
Il est dès lors de notre responsabilité de s’opposer à une orientation qui ne tire en rien les leçons des erreurs du passé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31et 46 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
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Article 19
À compter du 1er janvier 2024, une fraction représentant 0,3 % du montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est mise en réserve au début de chaque exercice.
Cette mise en réserve s’applique de manière uniforme à chacun des sous-objectifs de l’objectif national mentionné au premier alinéa.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 32 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 47 rectifié bis est présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau et Kerrouche, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli pour présenter l’amendement n° 32.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que notre amendement précédent. Le projet de loi de programmation prévoit que 0,3 % des crédits des établissements de santé seront mis en réserve chaque année. Il faudra l’expliquer au monde la santé et aux patients !
Je m’étonne en outre que le Gouvernement fixe cette trajectoire dans ce texte, alors que c’est au Parlement qu’il revient de voter le plafond des dépenses et son éventuel dépassement. Nous n’avons pas besoin de cette trajectoire. Le Parlement décidera souverainement lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Buzyn avait annoncé le déblocage de 415 millions d’euros en 2019 pour financer le plan Ma santé 2022, et M. Braun avait annoncé 400 millions d’euros pour faire face à l’épidémie de bronchiolite ; heureusement d’ailleurs ! Voilà qui illustre les problèmes posés par ces lois de programmation. D’un côté, le Gouvernement définit un cap apparent de limitation des dépenses. De l’autre, l’exécutif est parfois conduit, et c’est normal, à prendre des décisions pour faire face à des crises imprévues. Cela montre que la programmation est inapplicable.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 47 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’article 19 prévoit la reconduction de la mise en réserve, au début de chaque exercice, d’une fraction représentant 0,3 % du montant de l’Ondam.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale. La commission des finances du Sénat a souhaité que les efforts de maîtrise des dépenses de santé ne reposent pas de manière disproportionnée sur les établissements de santé. Le Gouvernement souhaite plutôt revenir à une approche globale des mises en réserve. Celles-ci ne consistent pas d’ailleurs en une annulation de crédits : elles permettent simplement de gérer les risques de dépassement de dépenses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. En somme, monsieur le ministre, nous vous aurions mal compris ou nous ne saurions pas bien lire !
Vous souhaitez rétablir votre texte ; c’est votre droit. Mais, pour notre part, nous maintiendrons notre rédaction.
Je souhaite seulement rappeler que l’hôpital supporte actuellement 68 % des mises en réserve, contre 0 % pour l’Ondam des soins de ville, alors même que, cette année, l’Ondam de ville a encore une fois dérapé, avec une hausse de 3,7 %, et non de 2,9 %, comme cela était prévu. Cette situation explique en partie les difficultés de l’hôpital aujourd’hui.
Je viens de mener une campagne électorale pour les élections sénatoriales. Le sujet de la santé et de la situation des hôpitaux, des centres hospitaliers universitaires (CHU) comme des centres hospitaliers régionaux (CHR) ou des hôpitaux de proximité, mérite une grande attention. Les efforts et les mises en réserve doivent être partagés : c’est la voie de la sagesse et de la raison.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Article 20
I. – Les créations ou les extensions d’exonérations ou d’abattements d’assiette et de réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement qui sont instaurées par un texte promulgué à compter du 1er janvier 2024 ne sont applicables que pour une durée maximale de trois ans, précisée par le texte qui les institue. Les prorogations d’exonérations ou d’abattements d’assiette et de réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement qui interviennent après le 1er janvier 2024 ne sont applicables que pour une durée maximale de trois ans et à la condition d’avoir fait l’objet d’une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l’efficacité et le coût de celles-ci.
II. – (Non modifié)
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau et Kerrouche, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour chaque dépense sociale en vigueur avant le 1er janvier 2023, le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre 2024 une évaluation intégrant une date d’extinction ne pouvant être postérieure au 31 décembre 2029.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Notre raisonnement à l’égard des niches sociales est identique à celui que nous avons tenu précédemment sur les niches fiscales : nous souhaitons leur extinction, à moins qu’une évaluation ne permette de justifier le contraire.
Les niches sociales nuisent au financement de la protection sociale. Elles sont au moins aussi importantes que les niches fiscales. Nous voulons les supprimer, et cette intention est visiblement très largement partagée sur toutes les travées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Si nous souscrivons tous à l’intention, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) ont rendu au mois de mai 2023 un rapport qui définit une stratégie afin d’évaluer la majeure partie des niches sociales. Ce travail devrait être terminé à la fin de l’année prochaine. En tout état de cause, il semble préférable d’attendre la fin de cette réflexion avant de nous prononcer.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L’INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT
Chapitre IER
Ensemble des administrations publiques
Article 21
I. – En vue d’éclairer la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sont conduites des évaluations de la qualité de l’action publique, dont les conclusions sont transmises au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année. Ces évaluations peuvent porter sur l’ensemble des dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de fonds publics ainsi que sur les crédits d’impôt, les dépenses fiscales et les exonérations ou abattements d’assiette et les réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement. Ces évaluations identifient, notamment, des mesures d’amélioration de l’efficacité, de l’efficience et des coûts des politiques et des structures évaluées. Elles dressent la liste des doublons de compétences et de missions entre les administrations publiques.
Chaque année, en vue d’éclairer la préparation du projet de loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement la liste des trente dépenses fiscales les plus coûteuses arrivant à échéance à la fin de l’année en cours ainsi que l’évaluation des trente dépenses fiscales les plus coûteuses non bornées dans le temps et celle des trente dépenses fiscales les plus coûteuses dont les bénéficiaires sont limités.
Chaque année, en vue d’éclairer la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement remet au Parlement la liste des exonérations ou des abattements d’assiette et des réductions de taux s’appliquant aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement arrivant à échéance à la fin de l’année en cours.
II. – (Non modifié)
III. – Les évaluations devant être réalisées en application du I comportent :
1° Une liste des personnes physiques ou morales, privées ou publiques, entendues ou ayant participé directement ou indirectement à la réalisation des travaux ;
2° Une réponse adressée, le cas échéant, par les personnes ou organismes concernés par les observations ou les conclusions des travaux d’évaluation.
IV. – À l’exclusion de celles qui relèvent du secret professionnel, médical, fiscal ou de l’instruction ou de celles qui touchent à la défense nationale ou à la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, l’ensemble des données utilisées pour la réalisation des évaluations sont mises à la disposition du public dans un format numérique largement réutilisable.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Féraud, Kanner, Cozic et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet, Michau et Kerrouche, Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elles veillent à identifier et quantifier les impacts sociaux, économiques et environnementaux des politiques et structures évaluées.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Le présent amendement vise à compléter les évaluations prévues à l’article 21, afin que celles-ci ne soient pas seulement d’ordre comptable ou budgétaire, mais qu’elles soient également sociales, économiques, ou environnementales.
Au fond, c’est ce qui justifie notre position sur ce projet de loi : nous lui reprochons d’avoir une vision purement budgétaire et tronquée, alors qu’il conviendrait d’adopter une approche plus large.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je pense que l’intégration de toutes les dimensions – sociale, économique ou environnementale –, dans les évaluations des dépenses va dans le bon sens.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale. Celle-ci conserve l’apport du Sénat, selon lequel le Gouvernement transmet au Parlement la liste des évaluations devant être réalisées au plus tard l’année précédant leur restitution. C’est une avancée.
En revanche ne sont pas retenues dans cette version les dispositions aux termes desquelles la liste des personnes entendues ou ayant participé directement ou indirectement à l’évaluation serait incluse dans les rapports d’évaluation et les données non soumises au secret seraient mises à disposition du public. Ces deux dispositions pourraient en effet soulever des problèmes juridiques et limiter la capacité de mener à bien des évaluations de qualité de l’action publique. Cette limitation pourrait par exemple découler du nécessaire respect du secret des affaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne comprends pas la réticence du Gouvernement.
Pour ce qui est des éléments couverts par le secret des affaires, en parfaite logique, les noms ne figureront pas dans les données rendues publiques. Cependant, à un moment où l’on souhaite que la donnée publique, qui obéit à certaines règles juridiques, soit communiquée de manière transparente – le mot est souvent employé – pour éclairer le débat, il faudrait bien que vous osiez, monsieur le ministre ! Osons ensemble !
Je ne comprends donc pas votre position, monsieur le ministre, qui me paraît en outre assez peu respectueuse du travail de notre chambre, puisque nous sommes reconnus comme assez protecteurs des droits et des libertés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je veux soutenir énergiquement notre rapporteur.
On parle d’évaluation depuis tout à l’heure, à propos de plusieurs dispositifs. Or je voudrais vous rappeler, monsieur le ministre, que la semaine dernière encore, lors de notre séance de questions orales, vous nous avez indiqué que votre administration était incapable de savoir combien nous coûtaient les conventions fiscales avec les pays du Golfe, notamment avec le Qatar. Je veux bien que l’on évalue à peu près tout, mais il y a tout de même des sujets pour lesquels des trous perdurent manifestement dans le dispositif. Alors, évaluons, évaluons et décidons ensuite !
M. le président. Je mets aux voix l’article 21.
(L’article 21 est adopté.)
Chapitre II
Administrations publiques centrales
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Chapitre III
Administrations publiques locales
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Chapitre IV
Administrations de sécurité sociale
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Chapitre V
Autres dispositions
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M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous doutez bien que les membres du groupe CRCE-Kanaky ne voteront pas en faveur de ce projet de loi.
J’ai expliqué pourquoi tout à l’heure, en défendant la motion que nous avons déposée. En fin de compte, il s’agit d’un projet de loi de programmation imposé par les institutions européennes, avec un recul de la dépense publique.
Nous avons pu avoir un débat fort intéressant sur la concurrence libre et faussée : on est en train de donner des pans entiers de l’action publique au secteur privé.
Ensuite, il va tout de même falloir nous expliquer comment on va pouvoir se passer de 100 000 fonctionnaires. Vous nous avez dit que cela n’affecterait pas les fonctions régaliennes de l’État : ce ne sera pas des policiers. On avait déjà compris que ce ne serait pas des militaires. Ce ne sera pas non plus des soignants. Sinon, vous vous lèveriez tous, sur toutes nos travées, vous vous écrieriez que c’est impossible. Vous nous direz que ce ne sera pas non plus des enseignants. Alors, qui est de trop ? Qui est de trop, parmi les 100 000 fonctionnaires qu’il va falloir supprimer ?
Que va-t-il donc se passer ? Il y aura des transferts au marché de pans entiers des politiques publiques. On aura des cabinets de conseil plutôt que des agents publics, des algorithmes plutôt que des contrôleurs fiscaux ; à la place de l’hôpital public, il faudra se tourner vers des cliniques qui sélectionneront leurs patients, en fonction de leur compte en banque. On aura des transports privés plutôt que des transports publics, des investissements privés plutôt que des investissements publics.
Quant aux collectivités territoriales, avec ce texte, on leur dira d’en haut, avec la verticalité jupitérienne, que leurs dépenses de fonctionnement devront diminuer de 0,5 %. Or, comme je l’ai déjà dit il y a quelques jours, un maire, quand il est face à ses administrés, il n’a pas de 49.3 à sa disposition ! Il est obligé de leur répondre, dans le cadre de ses compétences obligatoires ou en vertu de la clause générale de compétence : il y a plein de choses qui ne vont pas, et il ne peut pas se dégager par un 49.3 !
Je veux vous dire encore une chose pour vous expliquer ce qui se passe. Vous nous dites : « la politique de l’offre, la politique de l’offre ! » ; vous vous vantez de vos résultats. Mais ce qui est vérifié – j’ai cité Les Échos tout à l’heure –, c’est que les dividendes, les rémunérations des actionnaires, atteignent des records historiques.
Au final, votre projet de loi de programmation, qu’est-ce que c’est ? C’est une dette qui va s’amplifier et qu’on va devoir rembourser aux marchés financiers, c’est-à-dire aux principaux actionnaires du CAC 40.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Voilà le cercle qui nous attend : un cercle qui n’est pas vertueux ! C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Frédérique Espagnac et M. Simon Uzenat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous quel sera le vote du Sénat ; chacun de nos groupes a en effet pu l’exprimer dès la discussion générale.
Cela étant, il n’en reste pas moins que nous allons voter sur un texte qui inscrit dans le marbre l’échec à venir du présent quinquennat.
C’est la même politique qui continue. En dépit de l’injustice fiscale, on continue la politique de l’offre ; le Gouvernement l’assume très bien. On persiste à mener les réformes structurelles découlant des engagements du Président de la République.
Certes, nous avons supprimé la phrase qui y faisait référence dans le rapport annexé, mais nous assisterons de nouveau à un détricotage de notre modèle de protection sociale pour remplir les objectifs budgétaires. Il y aura plus d’inégalités, mais il n’y aura pas de moyens pour les services publics ; des dynamiques de privatisation vont donc continuer, même si des mouvements sociaux nécessiteront probablement de revenir en arrière sur un certain nombre de mesures.
Bref, c’est ici la même politique que celle qui a été menée pendant le quinquennat précédent. Je sais, monsieur le ministre, que vous l’assumez, mais je crois que c’est aussi le rôle de la gauche de dire ici, au Sénat, qu’une autre politique est possible et que la vôtre conduit le pays dans une impasse, vers de grandes difficultés sociales, sans lui apporter le redressement économique promis.
Voilà pourquoi nous voterons évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marianne Margaté applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Comme nous l’avons dit, nous voterons pour ce projet de loi de programmation.
Ce soir, nous avons débattu normalement de ce texte, alors même que nous savons tous qu’il sera soumis au 49.3. Par conséquent, quelle qu’ait été la teneur de nos débats, il n’y restera que ce que le Gouvernement voudra bien en conserver.
Je pense néanmoins, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de messages vous ont été passés, notamment sur la nécessité de faire évoluer les textes d’application ou de prendre en compte un certain nombre de difficultés qui ont été rencontrées dans l’application de la précédente loi de programmation des finances publiques.
Cette fois, vous allez donc définir le contenu d’un texte qui va s’appliquer pendant quatre ans. À mon sens, ce que nous vous avons tous dit ce soir, depuis nos différentes travées, ne mérite pas d’être balayé d’un trait de plume dans le texte que vous présenterez à l’Assemblée nationale dans quelques jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous, écologistes, voterons évidemment contre ce texte, et même deux fois contre, si j’ose dire. En effet, nous ne nous faisons aucune illusion sur le double échec de ce texte : non seulement on ne tiendra pas les trajectoires budgétaires qui y figurent, mais il nous empêchera aussi de nous engager dans d’autres trajectoires, de prendre d’autres engagements.
On l’a dit plusieurs fois au cours de l’étude du texte : la France prend des engagements importants à l’échelle européenne, des engagements nécessaires à la survie de l’humanité, mais aussi de notre pays, puisque l’on voit bien l’effondrement en cours, les étés que l’on subit et les catastrophes qui s’accélèrent. Or nous ne nous armons pas pour y faire face. Ce projet de loi est un nouveau texte qui ne permet pas d’y faire face. Dès lors, même si l’on jongle avec les milliards d’euros, en réalité, nous ne sommes toujours pas à la hauteur de l’enjeu.
Une autre raison encore justifie que nous votions contre ce texte : c’est évidemment le désarmement de la République engagé par la majorité de droite du Sénat. Je veux parler du plan social dans la fonction publique : on annonce 120 000 postes d’agents supprimés ! Évidemment, nous ne pouvons pas l’accepter, surtout dans la situation actuelle : on voit bien que nos services publics sont à l’os, pas un week-end ne se passe sans qu’une manifestation se déroule, dans une ville ou un village, contre le retrait de tel ou tel service public. Nous ne pouvons donc pas voter ce texte, qui organise une nouvelle saignée dans les services publics.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Ce débat est un bon galop d’essai pour le projet de loi de finances qui arrive. On est en train de se chauffer un peu. (Sourires.)
En matière d’économies, le groupe UC n’a pas manqué de faire des propositions lors de l’examen des dernières lois de finances. J’espère que, cette fois-ci, nous serons entendus.
En tout état de cause, monsieur le ministre, comme on dit en Normandie, une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance. (Nouveaux sourires.) Vous reconnaîtrez avec moi que nous avons des raisons d’être méfiants. C’est pourquoi nous attendons avec impatience une loi de lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 204 |
Contre | 102 |
Le Sénat a adopté.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 17 octobre 2023 :
À quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (texte de la commission n° 26, 2023-2024).
En outre à seize heures trente :
Désignation des dix-huit sénateurs membres de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des quarante-six membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, des trente-six membres de la délégation sénatoriale à la prospective et des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER