M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, vous retombez toujours dans le même travers : je vous interroge sur vos orientations politiques et vous me donnez une réponse technique.
De quelle « France des propriétaires » voulez-vous ? Un pays où le taux de propriétaires sera dans dix ans de 70 % ou de 80 % ? Nous n’avons pas de réponse à cette question, et nous ne sommes toujours pas rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est peu dire que le logement connaît une crise extrêmement grave, historique ; elle résulte du fiasco de l’action du Gouvernement depuis six ans. On constate cette année une baisse de 30 % de la construction de logements neufs, et le chiffre de 90 000 nouveaux logements sociaux ne sera probablement pas dépassé, contre 125 000 voilà six ans.
Sur ce dossier, vous faites de l’argent – 10 milliards d’euros sur Action Logement – et vous tenez des discours. Malheureusement, même le ministre concerné ne considère pas qu’il s’agit d’un débat essentiel.
Vous en appelez à la responsabilité des élus locaux ; il y a des élus locaux qui font le boulot…
Mme Sophie Primas. Beaucoup !
M. Yannick Jadot. … et qui le font bien. Je pense notamment à l’initiative, que vous avez mentionnée, du bail réel solidaire. La ville de Lyon, par exemple (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), planifie 1 000 BRS par an.
Quelle mesure envisagez-vous de prendre pour que la Banque des Territoires, outil majeur en faveur de ce type de dispositifs, massifie et mobilise beaucoup plus de financements en vue de favoriser les investissements des offices de foncier solidaire (OFS) et de faire de l’accession à la semi-propriété une réussite ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jadot, à votre prise de parole politique, j’apporterai une réponse non pas politique, mais la plus précise possible.
Encore une fois, vous posez un diagnostic et vous accusez le Gouvernement. Or les propositions que vous avez formulées en conclusion de votre propos sont déjà mises en œuvre !
Vous avez évoqué le BRS. Ce dispositif qui nous est si cher et dont vous vantez les mérites, c’est ce gouvernement qui l’a fait voter et qui le porte depuis 2017… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Non, c’est un gouvernement socialiste, en 2015 !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je fais partie de ceux qui considèrent que le BRS est très utile dans les zones tendues, où le prix du mètre carré est très élevé.
Vous souhaitez aussi que la Banque des Territoires intervienne beaucoup plus massivement. Or celle-ci est actionnaire de tous les OFS ! Elle joue donc pleinement son rôle.
Il est un point sur lequel nous pourrions diverger, et c’est l’ancienne élue locale qui vous parle : peut-être attendez-vous de l’État qu’il dicte aux collectivités locales la façon de mettre en œuvre tel ou tel dispositif… Or, dans le cadre de la libre administration des collectivités, celles-ci sont teintées des politiques publiques qu’elles portent.
Nous sommes là pour poser un diagnostic, comme vous, et pour trouver des outils permettant d’accélérer l’accession – sociale ou classique – à la propriété, qui fait partie de notre socle ; nous y travaillons assidûment.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour la réplique.
M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous prétendez apporter une réponse technique. Or je ne vous ai pas entendu expliquer comment la Banque des Territoires serait abondée pour que soit atteint le chiffre de 40 000 BRS, soit la contribution de ce dispositif à la construction de nouveaux logements.
En cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, je rappelle que plusieurs villes ont introduit un recours contre l’État, parce que celui-ci ne remplit pas ses obligations en termes d’accueil d’urgence. Les 330 000 sans-abri qui vivent dans notre pays sont très loin de l’accession à la propriété ! Ils dépendent de la solidarité nationale et des efforts consentis par le Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure !
M. Yannick Jadot. Paris, Grenoble, Lyon, Bordeaux et Rennes (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) demandent que le Gouvernement fasse son travail ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les offices de foncier solidaire sont portés par les collectivités, à leur initiative. La participation de la Caisse des dépôts et consignations n’est pas limitée ! Vous avez dit qu’il nous faudrait abonder massivement la Banque des Territoires ; c’est le cas, via la Caisse des dépôts…
Nous sommes totalement convaincus de l’efficacité de la Banque des Territoires dans le domaine du logement, au travers d’outils réglementaires existants qui nous paraissent pertinents, à condition que les collectivités s’en saisissent.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. À l’occasion de cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, j’aurais aimé obtenir une réponse sur le sujet, qui concerne 330 000 de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a en effet un grave problème de logement en France, et je me réjouis que nous ouvrions la session parlementaire avec ce sujet. Et pour cause : 2,4 millions de personnes sont en attente d’un logement social ; 4 millions souffrent du mal-logement ; 330 000 sont sans domicile fixe.
En théorie, faciliter l’accès à la propriété, c’est permettre à celles et ceux qui le peuvent de libérer des logements en location et à de nouveaux locataires de libérer, parfois, des places d’hébergement.
C’est ainsi qu’est pensé le parcours résidentiel, mais en théorie seulement. Quand bien même il n’y aurait pas de taux d’intérêt exorbitants, multipliés par 3,5 en un an et demi, quand bien même il y aurait assez de constructions – il en faut près de 200 000 par an dans le secteur social et autant dans le privé –, l’accès à la propriété resterait pour beaucoup un rêve lointain.
Les causes des difficultés d’accès à la propriété sont multiples.
Il y a d’abord les bas salaires, bien sûr. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir terminer le mois. Comment voulez-vous qu’ils épargnent ou investissent ?
Vient ensuite le prix du foncier, notamment dans les métropoles, mais pas seulement – en tant que sénatrice de Seine-et-Marne, je le mesure particulièrement –, qui est le premier facteur responsable du coût exorbitant des logements.
Des solutions existent, comme le bail réel solidaire, pour réduire le coût du foncier dans les acquisitions. Mais il y a aussi un enjeu de lutte contre la spéculation. Sinon, les inégalités se creusent. L’héritage d’un patrimoine est aujourd’hui le meilleur moyen de devenir propriétaire… sans compter les multipropriétaires qui accaparent les logements disponibles pour se constituer une rente, renforçant ainsi la dynamique inégalitaire à l’œuvre.
Ma question est donc simple : madame la ministre, êtes-vous prête à prendre en main ce sujet en agissant contre la spéculation immobilière et en ouvrant plus largement l’accès à la propriété, qui contribue au respect du droit au logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Margaté, je partage vos propos sur le parcours résidentiel, absolument nécessaire, ainsi que sur la pénurie et la crise du logement.
Je rappellerai simplement les actions que nous conduisons à cet égard, au moyen d’outils que vous connaissez. Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) ainsi que les établissements publics fonciers d’État (EPFE) permettent ainsi aux collectivités ou à l’État de maîtriser le foncier, de lutter contre l’inflation de son prix et d’accompagner les primo-accédants vers l’accession, sociale ou non. Nous partageons donc votre constat.
Encore une fois, nous voulons absolument que les Français accèdent à la propriété.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (M. Éric Gold applaudit.)
Mme Annick Girardin. Madame la ministre, la pénurie de logements est la « bombe sociale » des années à venir. Les blocages sont connus de tous sur ces travées : pas assez de logements sociaux à louer ; pas assez de logements locatifs privés à louer ; une accession à la propriété gravement en panne du fait d’un prix de l’immobilier qui a flambé et de taux d’intérêt qui montent.
Pourtant, l’habitat, comme le travail, participe – nous en sommes tous d’accord – de la dignité et de l’émancipation des individus. Pour cette raison, nous, sénateurs du groupe RDSE, croyons que le plein logement est une priorité, au même titre que le plein emploi !
Avec le droit au logement, nous sommes attachés précisément au droit à la propriété. N’est-ce pas grâce à l’alliance des travailleurs et des petits propriétaires urbains ruraux et ultramarins qu’a pu émerger une République sociale au cours des deux derniers siècles ?
Comment répondre à la demande d’accession à la propriété, socle de notre société française, face à la crise actuelle du pouvoir d’achat ?
Des solutions existent : le prêt social location-accession, créé en 2004 et étendu en 2020 ; le bail réel solidaire, créé en 2016 ; l’aide à l’accession sociale et à la sortie de l’insalubrité spécifique à l’outre-mer, créée en 2019. Pourtant, force est de constater que la situation ne s’améliore pas et qu’il est très compliqué, pour la plupart de nos concitoyens, d’accéder à la propriété.
Certes, le Gouvernement vient de décider de relever les plafonds des revenus des ménages éligibles et de maintenir le prêt à taux zéro pour ce type d’acquisition. Mais les chiffres sont loin d’être suffisants : 14 000 contrats de location-accession dans le neuf ; 12 000 ventes dans le parc existant, avec des garanties qui ne sont pas toujours satisfaisantes en termes de qualité des logements. À moyen terme et à long terme, des questions se posent.
Le BRS présente des garanties, grâce aux offices de foncier solidaire. Comment comptez-vous faciliter son déploiement, massif et urgent, dans l’ensemble de notre pays, tant dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Girardin, vous soutenez le droit au logement et le droit à la propriété, et vous indiquez que les solutions existantes ne sont pas suffisamment efficaces du fait de la crise du logement.
J’ajouterai aux propos que j’ai déjà tenus que le mouvement HLM réalise chaque année 14 000 logements en accession sociale. Nous continuons à soutenir ces dispositifs ouverts au PTZ, partout en France.
Au sein de cette offre, le bail réel solidaire connaît un engouement réel, mais insuffisant ; vous avez raison. Ce dispositif est satisfaisant, mais il faut laisser le temps aux collectivités locales de se l’approprier. Plus de cent OFS agréés existent aujourd’hui. Certaines collectivités imposent d’ailleurs aux promoteurs de prévoir un quota de projets de logements en BRS.
Nous allons soutenir le développement de ce produit abordable et non spéculatif en augmentant les plafonds de ressources du dispositif – vous l’avez dit – et en lançant un plan de déploiement du BRS.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les crises et les défis s’accumulent dans la période que nous vivons, force est de constater que le secteur du logement n’y échappe pas : le marché de l’accession à la propriété est en déclin, pour le neuf comme pour l’existant.
Pourtant, accéder à la propriété doit demeurer une liberté, une possibilité pour les Français. Face à un constat aussi alarmant, profitons de ce débat pour parler des solutions. J’en vois deux : d’une part, le prêt à taux zéro ; d’autre part, le bail réel solidaire. Ces deux outils sont appelés à être modifiés, comme l’a récemment annoncé dans la presse le ministre chargé du logement.
Le prêt à taux zéro, tout d’abord, est destiné à l’achat d’un logement neuf ou d’un logement à réhabiliter, sans frais de dossier, et les intérêts sont à la charge de l’État. Dans quelle mesure les conditions d’accès à ce prêt seront-elles modifiées, et dans quelles communes ?
Il convient de reconnaître, ensuite, l’importance du bail réel solidaire, un dispositif créé en 2015 qui permet à des ménages modestes de devenir propriétaires d’un logement neuf situé en zone tendue, et ce à un prix réduit, obtenu en dissociant le bâti du terrain. Mais il faut aller encore plus loin. Madame la ministre, comment accompagner les communes qui veulent développer le BRS ?
D’autres solutions pourraient-elles être envisagées pour faciliter l’accession à la propriété des Français, alors que la crise du logement est bel et bien amorcée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous évoquez deux sujets dont nous avons largement parlé : le PTZ et le BRS.
Je veux vous donner quelques chiffres, qui auraient pu répondre aux attentes du sénateur Jadot. Notre objectif est d’atteindre 40 000 PTZ en 2024, avec une répartition sur l’ensemble des tranches de revenus et la création d’une tranche supplémentaire de revenus.
L’élargissement de l’accès au PTZ est la conséquence de l’arrêté flash relatif au zonage, qui a permis de classer 154 communes en zone tendue et de faire passer 55 communes de la zone B1 à la zone A. Les ménages de ces communes, qui regroupent près de 5 millions d’habitants, bénéficieront donc en 2024 d’un accès au PTZ amélioré pour des opérations neuves.
Pour ce qui concerne le BRS, vous m’avez interrogée sur l’accompagnement des collectivités locales.
Je l’ai indiqué, nombre de collectivités ont commencé à prévoir des quotas de BRS dans leurs programmes de logements neufs. Il existe près de 150 organismes de foncier solidaire, et les services déconcentrés de l’État sont déjà au travail pour promouvoir ces outils. Les associations régionales de bailleurs sociaux se tiennent à la disposition des élus pour leur expliquer comment monter une opération de bail réel solidaire.
Même si de nombreuses collectivités se saisissent déjà de ces outils, le Gouvernement envisage de lancer un véritable plan pour le développement du BRS dans les prochains mois, tout en respectant le libre arbitre des collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accession à la propriété est particulièrement complexe dans les zones touristiques, ainsi que dans les zones où le prix du foncier a explosé ces dernières années. Les jeunes ménages, mais pas seulement eux, n’ont plus les moyens de se loger dans leur région d’origine ou près de leur lieu de travail.
Je souhaite vous interroger, moi aussi, madame la ministre, sur le bail réel solidaire, créé en 2015, et non pas en 2018, comme vous l’avez dit.
Ce dispositif d’accession à la propriété qui permet aux ménages modestes de devenir propriétaires d’un logement neuf situé en zone tendue, à un prix abordable, a plusieurs avantages.
Tout d’abord, en dissociant le foncier du bâti, l’acheteur n’acquiert que le logement et loue son terrain à un organisme de foncier solidaire, ce qui lui fait réaliser entre 20 % et 40 % d’économies, selon le secteur géographique.
Ensuite, le bien acheté ne peut être utilisé qu’en résidence principale et ne peut pas changer de destination. Cela évite la stagnation des biens en résidence secondaire, alors que l’offre de logements est sous tension.
Il y a cependant un point négatif : le financement de ce dispositif ne concerne que les zones tendues. Certes, le décret du 26 août dernier, en révisant leur zonage, a permis de compléter la liste des communes. Mais, dans mon département des Hautes-Pyrénées, cela ne représente que 27 communes sur 469. Certaines, qui sont légitimement concernées par la pénurie de logements, ne peuvent donc pas prétendre au financement de la Banque des Territoires.
Ma question est simple : est-il envisagé d’étendre le financement de ce dispositif au-delà des zones tendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Artigalas, vous soulignez le fait que l’acquisition d’un bien en BRS permet de faire des économies à hauteur de 20 % à 40 %. C’est tout à fait juste. L’énorme avantage de ce dispositif est qu’il permet d’acquérir une résidence principale.
Vous avez aussi évoqué un point négatif : le financement. Or ce problème est constant, et non pas lié au BRS. Échangeons, travaillons, partageons : le sujet donnera lieu à des amendements lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il est exact que, dans les Hautes-Pyrénées, peu de communes sont considérées comme relevant d’une zone tendue et que de nombreuses communes ne peuvent accéder à ces financements. Pour autant, nous avons fait le choix d’élargir la base d’application du dispositif. Je ne pense pas qu’il soit pertinent, alors que nous venons de conduire des évolutions significatives, de prévoir de nouveaux changements.
Cependant, le dialogue est toujours ouvert, et mon collègue Patrice Vergriete ne manquera pas de prendre contact avec vous pour discuter de votre demande.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Les critères des zones tendues sont trop restrictifs face à la crise actuelle du logement. La tension dans le secteur du logement s’observe partout, notamment dans les communes touristiques et dans celles situées en périphérie de ces zones.
L’extension du BRS permettrait à un nombre plus important de ménages d’accéder à la propriété. Il existe un réel problème de logement dans notre pays : 2,42 millions de ménages sont en attente d’un logement social, dont 1,63 million pour une première attribution. Ce chiffre n’a jamais été aussi élevé. Il faut aussi relancer la production de logements sociaux. C’est très important !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. En zone touristique tendue, l’accession sociale à la propriété, plus particulièrement par le biais des baux réels et solidaires, est une réponse que beaucoup de municipalités souhaitent choisir. Elles y voient en effet l’occasion de rétablir de réels parcours résidentiels et ainsi de favoriser le logement des jeunes et leur accession à la propriété.
Or le développement exponentiel des résidences secondaires auquel nous assistons ces dernières années rend très difficile la maîtrise du foncier par les bailleurs sociaux ou les collectivités locales. Celles-ci assistent ainsi, impuissantes, à une importante raréfaction de leur foncier, qui se répercute directement sur l’accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages.
La cause principale de cette flambée du nombre de résidences secondaires est connue : la rentabilité. En effet, si le coût d’achat peut paraître important, il est très rapidement amorti par le recours aux locations saisonnières, grâce à l’entremise des plateformes numériques, bien plus rapidement qu’en ayant recours à la location à l’année, qui s’effondre, ou à la construction d’un réel parcours résidentiel, dont l’accession sociale à la propriété est un élément majeur.
Dans ces conditions, le Gouvernement trouve-t-il encore judicieux de maintenir les abattements fiscaux, pouvant aller jusqu’à 71 %, qui s’appliquent à la location de meublés touristiques ? Ne faudrait-il pas au contraire les supprimer, notamment pour les multipropriétaires ?
Ne faudrait-il pas aussi assujettir à la TVA le produit de ces locations saisonnières à partir d’un certain seuil ?
Enfin, ne faudrait-il pas permettre aux communes de bénéficier, au-delà de la majoration autorisée en zone tendue, de la décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) par rapport à la taxe foncière ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Brisson, vous soulignez l’absolue nécessité d’agir pour que nos jeunes puissent accéder à la propriété plus facilement. Je souscris à vos propos.
Mme la sénatrice Artigalas me demandait pourquoi nous cantonnons l’accès du PTZ aux zones tendues ; nous le faisons parce que le prix du foncier y est de deux à trois fois plus élevé ! (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)
Nous voulons rendre l’accession à la propriété plus abordable. Là où elle l’est déjà, en effet, le dispositif du PTZ ne s’applique pas.
Monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux une révision de la fiscalité applicable aux résidences secondaires, et vous avez raison de le faire. Ce travail, en cours depuis plusieurs mois, a notamment fait l’objet de la réunion du groupe de travail que j’ai déjà évoquée. Avec Patrice Vergriete, Christophe Béchu et les services de Bercy, nous étudions une modification de cette fiscalité, qui pourra être proposée par voie d’amendement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Vous jugez que ces abattements fiscaux sont élevés ; ils peuvent atteindre 71 % pour les meublés et les non meublés de tourisme classés. Pour autant, il convient d’encourager les propriétaires à être exemplaires en termes de préservation de l’environnement et de rénovation thermique…
Je réponds favorablement à votre demande : il faut mener un travail sur la fiscalité des trois catégories de logements suivantes : meublés et non meublés de tourisme classés, et logements nus.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, vous nous dites que vous êtes en phase avec nos propositions et que nous avons raison…
Le Sénat a voté l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances, trois amendements visant à apporter des réponses aux problèmes que j’ai évoqués. À l’époque, le ministre des comptes publics avait reconnu l’intérêt de telles propositions. Mais celles-ci ont disparu du texte adopté à l’Assemblée nationale à la suite du recours à l’article 49.3. Vos paroles ne sont pas en conformité avec vos actes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Guislain Cambier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne saurait aborder la question du logement sans traiter la question foncière. Sans foncier, il n’est tout simplement pas possible de réaliser de nouvelles constructions et donc d’accéder à la propriété en France.
Le foncier est devenu une denrée rare et prisée. Sa raréfaction doit nous inciter à penser autrement notre politique d’accession à la propriété et au logement.
Quelles sont nos options ?
Premièrement, investir massivement dans la rénovation énergétique : en 2022, ce sont ainsi plus de 660 000 dossiers qui ont été transmis à l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Mais nous ne sommes pas à la hauteur du défi pour l’instant. En effet, seuls 10 % de ces dossiers concernent des rénovations globales.
Les ambitions annoncées par le Président de la République lors du Conseil de planification écologique sont, certes, encourageantes, mais nous attendons des actes.
Deuxièmement, bâtir autrement : là encore, nous ne répondons pas « présent ». Nous sommes en plein milieu d’une crise du logement neuf d’une ampleur inédite et alarmante. Le nombre de logements neufs mis en vente a ainsi chuté de près de 30 % entre 2022 et 2023.
Enfin, nous devons mobiliser tous les leviers disponibles pour lutter contre l’explosion actuelle du prix du foncier. Les Français les plus modestes doivent pouvoir accéder à la propriété, comme les plus fortunés. C’est un enjeu majeur de justice sociale pour notre pays.
Madame la ministre, par-delà les mesures ponctuelles et fragmentées, comment allez-vous rendre de nouveau le foncier accessible à tous ? Allons-nous enfin bâtir une politique d’accession à la propriété digne de notre pays et de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cambier, vous souhaitez que nous investissions massivement dans la rénovation des logements. Mais nous avons consacré pas moins de 5 milliards d’euros à la rénovation du parc existant !
Vous voudriez aussi que notre politique soit plus lisible et plus claire. Peut-être vous ai-je mal compris, mais tous les dispositifs que vous appelez de vos vœux existent ; il s’agit des outils que nous avons longuement évoqués : BRS, PTZ, Banque des Territoires via les offices de foncier solidaire. Et les établissements publics fonciers (EPF) aideront les collectivités à maîtriser leur foncier et à éviter l’inflation du prix du mètre carré…
Les outils sont donc là, lisibles et clairs ! Il faut investir pour encourager, à la fois, la construction de logements neufs et la rénovation, car les deux vont de pair, et le logement libre comme le logement social.
Le diagnostic est posé, et les solutions sont là. Elles ne sont pas parfaites, il faut les ajuster ; mais, face aux crises que l’on rencontre, on peut imaginer et inventer…
Vous dites qu’il faut faire autrement. Pour ma part, j’incite toujours à agir différemment, à inventer de nouveaux dispositifs. Je vous invite à exposer ceux que vous proposez de façon concise.