M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explications de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les résultats du vote ayant permis l’adoption de ce texte, qui a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive ce lundi.
Toutefois, malgré les difficiles négociations tenues en amont de ladite commission mixte paritaire, je garde en mémoire les trois cent quatorze voix exprimées en faveur de cette programmation, qui est – j’en suis certain – au diapason des attentes de la Nation et de nos militaires.
Ce résultat révèle le consensus républicain guidant le vote des crédits de l’armée d’un montant de 413 milliards d’euros.
Personne n’a jamais remis en cause l’impérieuse nécessité de disposer d’une armée performante, capable de faire face aux nouvelles menaces et de répondre à ses engagements internationaux, tant à l’échelle européenne que dans le cadre de l’Otan.
Néanmoins, il nous appartiendra de veiller, à l’avenir, au respect des engagements pris et nous devrons – soyons-en convaincus – exercer une attention de tous les instants sur l’exécution de cette programmation.
Je regrette que la commission mixte paritaire ait amputé certaines mesures présentes dans le texte issu du Sénat.
Exit – vous avez évoqué le sujet, monsieur le ministre – la création d’une commission de vérification des exportations d’armement au sein de la délégation parlementaire au renseignement. Nous aurons en lieu et place une simple commission parlementaire d’évaluation de la politique d’exportation, aux contours flous.
Exit la création d’un livret d’épargne souveraineté, dans le cadre de la promotion du lien fort entre la Nation et l’armée, destiné au financement de l’industrie de défense en complément de l’effort budgétaire. La création de ce livret ne serait pas, selon le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, de nature à améliorer le financement de la base industrielle et technologique de défense.
En revanche, vous nous proposez en guise de compensation, en pleine crise du logement, alors même que les Français peinent à accéder à des logements à loyer modéré, de « déshabiller » une partie des fonds collectés destinés justement à l’habitat social dans le cadre du livret A : je dis « Bravo ! » et surtout pas « Merci ! ».
Exit la conditionnalité du recueil de données de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Exit les amendements sénatoriaux en faveur de l’augmentation des cibles de matériel, qui visaient 153 blindés multirôles Griffon en flotte d’ici à 2030, 17 engins de reconnaissance et de combat Jaguar, 325 blindés légers Serval et 2 avions A400M.
Toutefois, je salue le compromis favorable aux positions du Sénat sur la trajectoire budgétaire. Notre commission souhaitait garantir une progression des crédits rythmée et régulière. C’est chose faite. L’ajustement de la trajectoire repose sur une hausse des crédits de 3,3 milliards d’euros en 2024, puis en 2025, de 3,2 milliards d’euros en 2026 et 2027 et enfin de 3,5 milliards d’euros jusqu’en 2030.
Je me permets, ici et maintenant, de paraphraser les propos du président Cambon soulignant que ce compromis répond à l’effet d’accélération attendu par nos armées, soit 47 milliards d’euros en 2024 pour atteindre 67 milliards d’euros en 2030.
Notons que la commission mixte paritaire a confirmé le principe d’une meilleure information du Parlement sur le soutien à l’Ukraine, ainsi que des dispositions mémorielles tendant à l’amélioration des mesures de réparation et de reconnaissance, notamment un assouplissement des critères pour l’octroi de la mention « Mort pour la France ».
Monsieur le ministre, malgré les réserves qui persistent et qu’il était nécessaire de rappeler, les élus du groupe RDSE, habités par le sens du devoir et des responsabilités, estiment que le projet de LPM n’est pas seulement un texte égrenant une farandole de chiffres (M. le ministre approuve.), mais vise à construire, à consolider et à défendre nos armées.
Dans ces conditions, le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que législateurs, nous savons que toutes les lois sont importantes ; mais certaines sont on ne peut plus décisives et la loi de programmation militaire est indéniablement de celles-là.
Si ce n’est pas une loi comme les autres, c’est parce qu’elle touche à l’essentiel et au fondamental. Elle est le socle sur lequel repose la vocation première de notre État : protéger la France et les Français.
Le débat de ce jour vient clore une séquence de sept mois consacrée par le Sénat à l’étude du projet de loi de programmation militaire 2024-2030.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que les commissions des lois et des finances, saisies pour avis, ont œuvré à enrichir le texte du Gouvernement. Le nombre et la diversité de leurs auditions en témoignent.
De nombreux amendements, auxquels les sénateurs du groupe Les Républicains ont contribué, ont été adoptés en commission comme en séance.
À mon sens, nous sommes allés au fond des choses, animés par l’idée de produire un texte crédible, opérationnel pour les armées françaises, qui, depuis plusieurs années, sont très sollicitées sur le territoire national et en opération extérieure (Opex).
L’accord trouvé en commission mixte paritaire, qui ouvre la voie à une promulgation rapide de la loi de programmation militaire, est donc une bonne nouvelle. Monsieur le ministre, je crois que nous serons d’accord sur ce point.
La plupart des orientations retenues au Sénat, et qui illustrent nos préoccupations, ont été conservées par la commission mixte paritaire.
La Haute Assemblée a obtenu que l’effort soit rehaussé dès l’année prochaine. Au total, 2,3 milliards d’euros supplémentaires pourront être mobilisés d’ici à 2027. C’est à nos yeux fondamental et c’était bien le minimum pour garantir la cohérence de la programmation militaire, non seulement face aux menaces grandissantes, mais aussi face à l’inflation ; dans le contexte que nous connaissons, dépenser plus vite est finalement une manière de faire des économies sur l’ensemble de la période.
Le renforcement des moyens de contrôle du Parlement et celui du lien armée-Nation sont aussi des avancées notables, dont il faut se féliciter. La défense est l’affaire de tous.
Pour ce qui concerne la base industrielle et technologique de défense (BITD), les dispositions adoptées tiennent compte des difficultés de financement des entreprises de la défense, notamment les PME et les ETI. Elles répondent aussi à la multiplication des contraintes normatives qui s’appliquent ou vont s’appliquer à ce secteur.
Nous disposons d’entreprises innovantes réparties sur tout le territoire, de compétences rares et longues à acquérir et d’un outil industriel performant : il faut préserver ces atouts si l’on ne veut pas finir, comme nombre de nos voisins d’Europe, en clients captifs de l’industrie américaine. C’est aussi l’avenir de la BITD européenne qui se joue.
Un environnement plus favorable aux banques et aux investisseurs se met progressivement en place. À ce titre, l’affectation aux entreprises de la défense d’une partie des ressources collectées au titre du livret A est une étape importante ; rendez-vous est pris dans trois ans pour un premier bilan.
En parallèle, l’amélioration de la visibilité sur l’évolution des commandes et livraisons de matériel permettra aux entreprises d’assurer la continuité industrielle.
Reste que, dans le nouvel ordre mondial qui émerge, et face à la pression accrue des compétiteurs stratégiques, la France doit pouvoir conserver un rôle de premier plan et disposer de moyens en conséquence. La modernisation de la dissuasion, qui vient d’être actée, constitue une garantie non négligeable. Les conflits de haute intensité ou hybrides qui se dessinent requerront – nous le savons – plus de masse et d’agilité. Ils exigeront aussi de nouveaux efforts budgétaires.
Mes chers collègues, à défaut d’avoir pu faire plus, le Sénat a contribué à faire mieux. Nous avons amélioré significativement le texte du Gouvernement sur nombre de points essentiels : c’est le rôle du débat parlementaire.
Les élus du groupe Les Républicains voteront donc ce projet de loi de programmation militaire, jalon important sur le chemin de la restauration des armes de la France.
Enfin, nous devrons suivre avec vigilance l’exécution de la LPM au titre des prochains projets de loi de finances. Cette exigence forte, nous la devons aux Françaises et aux Français, en particulier à tous ceux qui s’engagent pour servir et défendre notre pays. À la veille de la fête nationale, en cette fin d’examen du projet de LPM, nous avons une pensée fraternelle et respectueuse pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton et M. Jean-Noël Guérini applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Foch disait qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie. De même, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. Mais la France, elle, n’a jamais oublié que la sécurité n’est pas donnée : elle doit être acquise.
Nombre de nos partenaires ont refusé de croire qu’une prospérité sans défense ne protège pas des agressions. L’invasion de l’Ukraine par la Russie marque la fin des illusions et le début d’un réveil douloureux pour beaucoup d’Européens.
La France et ses partenaires doivent désormais faire face à des menaces de haute intensité. À moins de 3 000 kilomètres de Paris, deux armées modernes s’affrontent. La guerre est de retour sur notre continent ; son intensité doit nous alarmer. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.)
Les pertes subies lors de ce conflit atteignent déjà un niveau effrayant. Au total, 300 000 soldats auraient été mis hors de combat – 100 000 Ukrainiens et 200 000 Russes.
Un autre chiffre permet de souligner ce changement de paradigme : la Russie a perdu 2 000 chars en Ukraine. La France n’en dispose au total que de 200.
M. Emmanuel Capus. Durant des décennies, l’armée française a dû faire face à d’importantes restrictions budgétaires. Malgré ces réductions, les femmes et les hommes de nos armées ont réussi à mener à bien les missions, toujours délicates, qui leur ont été confiées. À la suite du président Cambon, je rends hommage à leur engagement, à leur courage et à leur professionnalisme ; et je salue la mémoire de ceux, trop nombreux, qui sont tombés pour la France.
Dans un monde de plus en plus instable, nous sommes confrontés à des menaces hybrides, d’intensité variable, émanant d’États tout autant que d’acteurs asymétriques.
Dans le cadre de cette nouvelle programmation militaire, il nous faut déterminer quel modèle d’armée assurera le mieux la protection de notre pays et de ses intérêts.
La guerre moderne de haute intensité implique un durcissement des unités ainsi que leur massification. Ensemble, nous avons fait le choix d’une montée en gamme. Nos alliances, et singulièrement la coopération européenne, doivent nous permettre de satisfaire à l’impératif de masse.
Après des heures de débats, les représentants des deux assemblées sont parvenus à s’accorder sur un texte commun.
Députés comme sénateurs, nous sommes tous conscients de la nécessité d’accroître significativement les moyens de nos armées afin qu’elles puissent affronter les menaces qui pèsent sur la France.
La trajectoire financière a été encore renforcée par la commission mixte paritaire, grâce au travail du Sénat et à l’engagement du Gouvernement. (M. le ministre le confirme.) Le contexte géopolitique nous contraint d’accélérer le calendrier.
Plus que jamais, nous devons veiller à maintenir la crédibilité de notre dissuasion nucléaire : elle est la clef de voûte de notre architecture stratégique. Il est absolument indispensable qu’elle puisse continuer à remplir sa mission.
À cet égard, je salue la performance du planeur hypervéloce V-MAX accomplie à la fin du mois dernier. Cette étape importante témoigne de notre détermination à nous maintenir au plus haut niveau capacitaire. (M. le ministre acquiesce.) Pour y parvenir, il nous faut veiller à la bonne santé de notre base technologique et industrielle de défense. Ces entreprises ont besoin de commandes et, en ce sens, l’exportation est essentielle. Pour être souverains, les Européens doivent acheter européen.
Nous nous réjouissons que l’épargne des Français soit également mobilisée pour soutenir l’effort de défense. Une fraction du livret A sera désormais consacrée au financement des entreprises de défense.
Aujourd’hui comme hier, la patrie a besoin de femmes et d’hommes pour la défendre. Les effectifs de nos armées devront être portés à 275 000 équivalents temps plein (ETP) en 2030. Pour les appuyer, mais aussi pour faire vivre le lien armée-Nation, le projet de LPM porte le nombre de réservistes à 80 000 environ à l’horizon 2030.
Ces mesures ont évidemment un coût élevé pour les finances publiques. « L’État pourrait être efficace dans la police et la justice s’il ne s’occupait pas de mille préoccupations accessoires » : cette considération de Frédéric Bastiat vaut également pour la défense de la Nation.
Mes chers collègues, pour que l’État puisse être plus efficace dans ses missions régaliennes, il est indispensable de réduire ses autres dépenses, fruits de ces « mille préoccupations accessoires ». Nous devrons y veiller.
En tout état de cause, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce texte. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les conclusions de la commission mixte paritaire relative au projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Les écologistes saluent les progrès qu’a connus ce texte au fil de son examen parlementaire, notamment les modifications adoptées par le Sénat et retenues par la commission mixte paritaire.
Nous soulignons le renforcement du contrôle parlementaire sur tous les volets de l’action de l’exécutif en matière de défense. Ces avancées atténuent quelque peu l’incongruité démocratique que représente ce domaine réservé de l’exécutif.
Nous nous félicitons que le Parlement se prononce sur la réactualisation de cette programmation militaire en 2027. De même, nous approuvons l’obligation d’élaborer un Livre blanc pour préparer la prochaine LPM.
En revanche, nous regrettons que la commission mixte paritaire ait largement amputé les missions de la commission parlementaire chargée de contrôler les exportations d’armes par la France ; cette instance devra se contenter d’un travail d’évaluation. Dans la dernière mouture, elle n’a plus aucun pouvoir de contrôle et d’investigation. C’est un net recul par rapport aux ambitions du Sénat. La France a manqué une occasion de respecter enfin le code de bonne conduite de l’Union européenne.
Ce projet de LPM demande un effort important à la Nation, avec une augmentation du budget des armées de près de 50 % d’ici à 2030 et un effort global de plus de 118 milliards d’euros sur le reste de la décennie, dont 17 milliards d’euros par an en moyenne sans financement spécifique. Le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne d’ailleurs « les incertitudes sur le financement » d’une partie des ressources extrabudgétaires. Ce constat n’est pas de nature à nous rassurer.
Monsieur le ministre, dans l’ensemble, nos inquiétudes demeurent à l’issue de cette commission mixte paritaire. Enfermé dans son dogmatisme, votre gouvernement refuse de faire contribuer les plus aisés à l’effort national et promet le retour du déficit public sous les 3 % d’ici à la fin du quinquennat. Or nous ne savons toujours pas comment vous allez financer la LPM.
Pour dégager les 118 milliards d’euros supplémentaires de cette programmation militaire, il faudra nécessairement amputer les crédits d’autres politiques publiques tout aussi essentielles. À nos yeux, ce n’est pas acceptable.
Les défis à relever, au premier rang desquels le défi climatique, sont trop nombreux pour que l’on puisse laisser filer indéfiniment les dépenses de défense. Les membres du groupe écologiste souhaitent d’ailleurs que le Gouvernement soit aussi réactif et ambitieux pour assurer la sécurité climatique que pour assurer la sécurité militaire de la France.
M. Guillaume Gontard. C’est là où le bât blesse : malgré l’ampleur de l’effort de la Nation, les moyens humains et capacitaires des forces conventionnelles, en particulier de l’armée de terre, restent manifestement insuffisants.
Cette programmation ne répond que partiellement aux besoins de l’armée de terre, de son équipement et du bien-être des soldats et de leurs familles. Nous n’en sommes pas encore à « l’armée à hauteur d’hommes » défendue par vos prédécesseurs. La France maintient un modèle d’armée globale reposant sur une dissuasion nucléaire très coûteuse, qui ne correspond ni à sa puissance ni à ses moyens réels. J’ai d’ailleurs noté avec satisfaction que vous souhaitez ouvrir ce débat.
Alors que ce modèle est déjà difficile à tenir, de nouveaux espaces de conflictualité apparaissent, si bien que le problème ne fait que s’aggraver. En refusant de faire des choix et de fixer des priorités, le Gouvernement expose le pays à un double risque : soit l’échantillonnage de ses moyens militaires, soit l’augmentation exponentielle de ses dépenses militaires dans les prochaines décennies.
Nous en sommes convaincus : le modèle de notre armée doit être rationalisé. Il doit, de surcroît, s’inscrire dans une coalition européenne.
L’Europe est l’échelle à retenir si l’on veut que la France retrouve la puissance à laquelle elle aspire. C’est aussi l’échelle pertinente pour faire face aux nouvelles menaces géostratégiques, comme pour mutualiser les efforts engagés par les pays membres en faveur de leur sécurité.
Sur toutes ces questions, malgré quelques améliorations obtenues au titre du rapport annexé, ce projet de LPM reste peu disert.
Nous nous félicitions toutefois des progrès enregistrés sur l’initiative des groupes écologistes des deux chambres. Je pense notamment à l’amélioration de l’inclusivité et de la mixité de nos armées ; à l’affirmation de quelques ambitions en matière de transition énergétique ; ou encore au rappel de la nécessité de tenir nos engagements contractés en vertu du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Plus largement, nous saluons le travail parlementaire mené sur ce texte. En outre, monsieur le ministre, nous vous remercions de votre attitude tout au long de ces débats,…
M. Guillaume Gontard. … qui ont été un exemple de coconstruction efficace ; nous savons le reconnaître quand tel est le cas.
Il y a un an, nous étions en droit de croire que, sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, tous les projets de loi de la mandature seraient examinés de la sorte…
Les membres du groupe écologiste sont parfaitement conscients du besoin impérieux de reconstituer nos stocks stratégiques pour continuer d’aider l’Ukraine. Ils ne contestent pas l’effort nécessaire que la Nation engage en faveur de sa défense.
Néanmoins, au regard de toutes les réserves exprimées précédemment, dans notre grande majorité, nous nous abstiendrons sur ce projet de LPM. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le ministre, permettez-moi d’associer à mes propos ma collègue Nicole Duranton, qui a travaillé avec moi sur le présent texte.
Mes chers collègues, à la veille de notre fête nationale et de son traditionnel défilé, je m’adresse également à tous nos militaires : je tiens à saluer leur altruisme, leur professionnalisme et leur abnégation. Ils défendent quotidiennement notre Nation, parfois au prix de leur vie.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. Ludovic Haye. Aujourd’hui s’achève le parcours législatif d’un texte essentiel pour nos armées ; d’un texte qui sert la souveraineté de la France et régira notre politique de défense pour les sept prochaines années.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture avec ses prédécesseurs, mettant ainsi un terme à plusieurs décennies de réduction de nos capacités militaires. À l’heure où la grammaire de la force refait son apparition dans les relations internationales, il était indispensable que la France renoue avec la grammaire de la puissance en réinvestissant dans ses forces armées.
Ainsi, dans le cadre du projet de LPM 2024-2030, il était essentiel que la France continue de renforcer ses moyens, notamment pour garantir son autonomie stratégique, pour assurer ses engagements comme allié de l’Otan et comme membre de l’Union européenne, et pour être une puissance d’équilibre.
Après tant de budgets insuffisants, les programmations militaires 2019-2025 et 2024-2030 représentent indubitablement un effort de défense accru de la part de la France. À l’horizon 2030, nous aurons atteint un modèle d’armée complet et équilibré, apte à répondre aux menaces protéiformes auxquelles notre Nation devra faire face.
À bien des égards, la France est placée face à des défis majeurs qui lui imposent un travail d’anticipation. Avec la programmation militaire 2024-2030, notre pays passe de la réparation à la transformation de nos capacités de défense. Cette œuvre législative est nécessaire, qui plus est dans le contexte actuel.
Nous vivons dans un monde où l’exception française prend tout son sens ; un monde où l’excellence française doit reprendre toute sa place.
M. Ludovic Haye. Monsieur le ministre, ce projet de LPM consacre un effort particulier aux outre-mer, que vous connaissez bien. Les élus de notre groupe sont évidemment sensibles à cette initiative.
Le volet « outre-mer » du présent texte représentera 13 milliards d’euros sur la période. Corvettes, avions de transport, drones, génie dual : nos forces de souveraineté bénéficieront d’un effort généralisé sur le plan capacitaire. Elles constitueront un premier échelon renforcé, immédiatement disponible et à même de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Monsieur le rapporteur, je salue la grande qualité et même l’exemplarité des travaux menés par nos deux chambres.
L’Assemblée nationale nous a transmis un texte enrichi avec pertinence après deux semaines d’examen. Mes chers collègues, je tiens à vous remercier de votre travail actif et concret, mené dans vos commissions respectives comme en séance. J’en suis persuadé : cette navette parlementaire fera date, par la qualité des échanges auxquels elle a donné lieu comme par la volonté permanente de trouver un compromis.
La concorde et l’écoute ont été les maîtres-mots du travail final, accompli par les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire.
Les débats de cette commission mixte paritaire ont été à la hauteur des enjeux et des attentes de chacun. Ils furent certes passionnés, mais non moins cordiaux. Je salue également leur grande qualité.
Nous avons pu mener un dialogue constructif avec le Gouvernement, tout particulièrement avec M. le ministre des armées.
M. Ludovic Haye. De nombreux points ont été débattus et nous avons statué, je pense notamment à la trajectoire budgétaire. La commission mixte paritaire a conclu à une accélération des investissements sur les quatre premières années de la programmation. La culture du compromis, inhérente à l’institution parlementaire, a permis d’arriver à un accord quant aux augmentations annuelles du budget de la défense.
En effet, 2,3 milliards d’euros initialement programmés entre 2027 à 2030 seront redéployés, de sorte que les crédits mobilisés s’élèveront à 3,3 milliards d’euros pour 2024 et 2025, à 3,2 milliards d’euros pour 2026 et 2027 et à 3,5 milliards d’euros pour 2028, 2029 et 2030.
Ainsi enrichi par le Parlement, ce projet de loi de programmation militaire envoie un signal clair : la France poursuit l’effort de rénovation et de transformation de ses armées afin de répondre aux menaces grandissantes qu’elle doit affronter, dans un monde en perpétuelle mutation. La France souhaite garantir son autonomie stratégique. La France entend avancer sans s’interdire d’ambitieux programmes de coopération.
Les membres de notre groupe voteront ce texte, qui traduit une ambition sans précédent depuis les années 1960. Mes chers collègues, je vous invite à faire de même, pour notre pays, pour nos armées et pour notre souveraineté. Il y va de la grandeur de la France. Un grand homme nous a appris qu’à cette fin une seule attitude est permise : il faut viser haut et se tenir droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront avec satisfaction le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, lequel est appelé à devenir notre quinzième loi de programmation militaire. Il répond en effet à nos exigences.
Je salue à mon tour les débats exemplaires auxquels a donné lieu ce projet de LPM. Il serait bon que d’autres ministres suivent cet exemple de coconstruction… J’en suis persuadé : nos discussions intenses, en partie nocturnes, ont été utiles au pays et à nos armées.
En outre, la commission mixte paritaire a conservé de nombreux apports assurés par le Sénat, en particulier sur l’initiative des élus de notre groupe.
Je pense, tout d’abord, à la définition des principes et des objectifs. Il était important de commencer par rappeler le sens et les buts du présent texte, même s’il fallait évidemment préserver une certaine souplesse : une programmation militaire courant sur tant d’années peut être appelée à évoluer en fonction des conflits et des risques auxquels nous faisons face.
Je pense, ensuite, à la question des finances. Depuis le début, nous avons fait savoir que l’enveloppe de 413 milliards d’euros nous semblait satisfaisante, même si d’autres défendaient des points de vue différents.
La « bosse », qui avait fait débat lors de l’examen de la précédente programmation militaire, a été annulée et c’est une bonne chose. M. le ministre a accepté que 2,3 milliards d’euros soient déplacés de la période 2027-2030 à la période 2024-2027. Nous avons exigé que ces crédits soient d’abord et avant tout dédiés à l’entraînement (M. le rapporteur le confirme.), à la fidélisation des postes et à l’entretien du matériel. Cet effort est attendu et nécessaire pour nos forces armées.
De même, nous saluons les nombreuses dispositions, notamment indiciaires, qui – nous l’espérons – permettront d’améliorer la vie de nos troupes.
Mes chers collègues, il va sans dire que, dans cette enceinte, la question du contrôle parlementaire a toute son importance.
Avouons-le : la précédente loi de programmation militaire avait un peu fait l’impasse sur ce point… À l’inverse, le présent texte impose un bilan en la matière et c’est une bonne chose ; c’est même une nécessité.
Le Livre blanc – ou kaki, si l’on préfère – mérite également d’être salué. La construction de la prochaine programmation militaire donnera bien lieu à un débat, eu égard à l’importance du lien armée-Nation. Le conflit en Ukraine nous le rappelle : la population doit entendre et comprendre les risques auxquels nous faisons face.
Sur ce sujet, je tiens enfin à insister sur ce que je considère, contrairement à M. Gontard, comme une avancée historique.
Au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous avons plaidé pour une évaluation globale de la question des ventes d’armes et nous nous félicitons que le présent texte charge une commission parlementaire de mener ce travail.
En toute circonstance, il y a ceux qui voudraient toujours plus et ceux qui veulent avant tout agir de manière efficace. Or cette commission permet de concilier deux impératifs particulièrement importants à nos yeux.
Il faut bien sûr soutenir l’industrie de défense. Pour notre part, nous souhaitons que la France garde son rang, voire progresse, en matière de production et de vente d’armes, en équipant nos troupes pour assurer notre sécurité comme en exportant. (M. Ludovic Haye acquiesce.) Mais, en parallèle, le débat démocratique doit se poursuivre. À mon sens, nous avons atteint un bon compromis, et même un compromis historique, entre ces deux enjeux. Le présent texte est une première.
Au cours de nos débats, nous avons abordé la politique de la France en Afrique. À l’avenir, nous débattrons également de l’Otan. Aujourd’hui, nous disposons d’une armée complète et c’est une bonne chose, car les armes conventionnelles et la dissuasion nucléaire sont nécessaires. Mais, aujourd’hui, d’autres questions se posent clairement : que devons-nous faire concrètement, plus en profondeur, dans l’Otan ? Que mettons-nous sous le vocable de la politique européenne de défense ?
Ces enjeux sont devant nous. Le récent sommet de l’Otan a d’ailleurs donné lieu à un certain nombre de décisions relatives au soutien de défense supplémentaire à apporter à nos amis ukrainiens.
Avant de conclure, je souligne une nouvelle fois le travail accompli par nos deux chambres, en particulier par le président Cambon. Il a su, pendant plusieurs mois, associer l’ensemble des rapporteurs budgétaires et les représentants de tous les groupes ; je salue cette méthode et le remercie une fois de plus.
Monsieur le ministre des armées, je relève également votre capacité d’écoute et votre sens du dialogue : ces qualités nous ont permis de mener un travail « à l’ancienne » (M. le ministre sourit.), au meilleur sens du terme. Nos débats exigeants et francs nous ont permis d’aller au fond des choses. Un tel travail honore les fonctions ministérielle et législative que nous occupons. (M. le ministre acquiesce.)
Une nouvelle fois, je rends hommage aux hommes et aux femmes qui composent nos armées. Ils exercent des missions sans équivalent, aussi bien en opération extérieure que sur notre territoire, et donnent parfois leur vie pour le plus beau pays du monde, notre pays : la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Jean-Noël Guérini et Jacques Le Nay applaudissent également.)