Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 5 rectifié et 78 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 78 rectifié est présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques revêtant l’intention de représenter un mineur, intention appréciée par le contenu, par les images ou par les titres donnés aux images. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Les amendements nos 5 rectifié, 7 rectifié et 8 rectifié ont tous le même objet.
L’article 227-23 du code pénal vise « le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur, lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ». Or, il est appliqué de manière restrictive, sans doute parce qu’il faut s’adapter aux moyens dont disposent les enquêteurs.
En réalité, Pharos et Europol tendent à instaurer une distinction assez claire entre pédocriminalité et pédopornographie. Le patron d’Europol n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner lors de son audition, en précisant qu’il parlait uniquement de pédocriminalité et non de pédopornographie.
Quelle est la différence entre les deux ? La pédocriminalité consiste à commettre des abus sexuels et des viols sur un mineur et à en diffuser les images. Il faut que la victime soit réellement mineure.
Quant à la pédopornographie, elle consiste à représenter un mineur dans de telles situations, ce qui est également visé par l’article 227-23 du code pénal.
Dans les faits, on se concentre sur les mises en scène de mineurs violés et victimes d’abus sexuels. Or il existe aussi quantité d’images sur les sites pornographiques qui représentent des mineurs. Tous ceux qui comportent des rubriques « teens » ou « écolières », par exemple, proposent des images qui mettent en scène la sexualité d’un majeur avec une mineure. Peu importe que la jeune fille ait réellement 18 ans ou non, l’intention est de représenter une écolière ou une petite fille.
Pour le moment, ces images continuent d’être diffusées sur internet. En effet, Pharos se concentre sur la pédocriminalité et ne pourchasse pas la pédopornographie. Même si toutes les images sont visionnées, les critères utilisés pour les contrôler consistent seulement à savoir si la jeune fille est pubère et si elle a des poils et des seins. Lorsque c’est le cas, les images passent, car la plateforme cible uniquement celles où figurent réellement des enfants.
Ces amendements visent à ce que l’intention de mettre en scène la sexualité d’un majeur avec un mineur reçoive un traitement égal à celui qui s’applique lorsque la victime est réellement mineure.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Il est défendu.
Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d’une personne dont l’aspect physique est celui d’un mineur. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements, qui veulent renforcer la lutte contre la pédopornographie en interdisant des contenus présentant la simulation de rapport pédocriminels.
Nous parlons donc de contenus qui mettent en scène deux personnes majeures, qui ont consenti à être filmées et à ce que leur image soit diffusée. L’objectif est d’éviter que, sous couvert de fiction, on ne vienne faire l’apologie de comportements interdits et réprimés par le code pénal. Je comprends parfaitement la logique de cet amendement, qui est aussi celle de ceux qui suivent.
Toutefois, si la cause est noble, la solution que vous proposez pose des difficultés d’ordre juridique. En effet, elle consiste ni plus ni moins à pénaliser les images d’une relation entre deux personnes majeures.
Premièrement, je considère que cette orientation est dangereuse et qu’elle est très probablement contraire à la Constitution.
Je relève que le champ d’application de votre amendement ne se restreindrait pas aux sites pornographiques. En effet, dans la mesure où celui-ci vise à modifier un article du code pénal, toutes les productions, quelle qu’en soit la nature, seraient concernées. Il suffit de relire l’article 227-23 pour le constater : il vise ainsi toute « image » ou « représentation » qui « présente un caractère pornographique ».
Cette définition très large rend le dispositif particulièrement dangereux, a fortiori s’il devait être conjugué avec les dispositions de l’amendement n° 8 rectifié, que nous examinerons dans quelques instants et qui vise à interdire de filmer, même sans diffusion, des rapports sexuels impliquant toute personne mineure, y compris au sens de l’article 227-23.
Si nous adoptons ces deux amendements identiques ainsi que l’amendement n° 8 rectifié, il sera interdit à deux personnes majeures de se filmer, même pour un usage complètement privé, dès lors que l’une d’entre elles serait déguisée en personne mineure.
Deuxièmement, il faut mesurer les conséquences de l’adoption de ces amendements identiques sur le travail des agents chargés de lutter contre la pornographie, notamment dans le cadre de Pharos. Nous tenons d’ailleurs à saluer ces derniers ; ils effectuent un travail remarquable et difficile – les auditions ont été éloquentes à cet égard.
Ces agents utilisent des critères relativement simples pour sélectionner les contenus, ce qui permet un blocage rapide et massif. À l’inverse, les conditions posées dans les dispositions de votre amendement quant au contenu, aux images et au titre supposent de mener un travail d’analyse au cas par cas que les agents ne peuvent réaliser, faute de moyens.
Je crains donc que, bien involontairement, l’adoption de cet amendement ne vienne déstabiliser l’action de Pharos et nuire à l’efficacité du travail de blocage des contenus pédocriminels, qui doit être la priorité des priorités.
Troisièmement, je crois que le Sénat doit faire preuve de cohérence et tenir compte des importants travaux menés par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Quand les contenus impliquent deux personnes majeures, il s’agit bien de pornographie et non de pédocriminalité.
Le rapport d’information Porno : l’enfer du décor indique clairement que les principaux responsables des contenus hardcore, violents et dégradants sont non pas les producteurs, mais les grandes plateformes, ou « tubes », prêtes à diffuser n’importe quel contenu tant que c’est rentable – je me permets de citer ce rapport d’information, madame Rossignol, car vous êtes comme moi membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Laurence Rossignol. Je suis même auteure du rapport. (Sourires.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ce n’est certes pas mon cas, mais je l’ai voté et promu, y compris dans mon territoire.
On assiste depuis une quinzaine d’années à une concentration du secteur économique de la diffusion de la pornographie. L’acteur économique clef n’est plus le studio, producteur de contenu, mais la plateforme numérique, vectrice de diffusion massive de contenus. Le besoin massif de nouveaux contenus pour alimenter ces plateformes a notamment constitué le point de départ de pratiques favorisant les violences sexistes et sexuelles envers les femmes, leur exploitation sexuelle, ainsi que la production de contenus de plus en plus trash et violents pour alimenter les intérêts économiques de cette véritable industrie du sexe.
Ce sont donc les plateformes qu’il faut cibler, comme le propose Mme Billon au travers de son amendement. C’est là qu’il faut agir et non dans le code pénal.
Enfin et surtout, l’adoption de votre amendement aurait pour effet de pénaliser de la même manière l’enregistrement d’images impliquant de très jeunes enfants et un film mettant en scène deux personnes majeures.
Vous voulez instaurer une peine d’emprisonnement de cinq ans, voire sept ans si le film a été diffusé sur internet, pour un contenu qui traduit l’intention – j’insiste sur ce terme – de représenter un mineur, quand bien même la personne en question serait en réalité majeure.
Le législateur doit-il vraiment mettre sur le même plan un jeu de rôles entre adultes consentants et des images qui représentent – pardon de le dire crûment – le viol d’un enfant ? Est-ce là la ligne que nous voulons suivre ? En tout cas, ce n’est pas la mienne.
J’en suis navré, mais la commission spéciale est défavorable aux amendements identiques nos 5 rectifié et 78 rectifié, de même qu’à l’amendement n° 7 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi, mais il me semble que vous faites une confusion lorsque vous évoquez des jeux de rôles entre deux adultes consentants. La question qui se pose ici est celle de la « représentation », pour reprendre les termes du code pénal.
Or qu’entendre par « représentation » sinon une situation dans laquelle un homme se retrouve face à la représentation d’une mineure, c’est-à-dire face à une personne en jupette, en socquettes et portant des couettes – accoutrement qui figure celui d’une enfant –, sur laquelle on commet un viol ? Ce type d’image pousse à l’inceste et incite au viol.
C’est entretenir la confusion que de dire qu’il s’agit de deux adultes consentants. Il s’agit en réalité d’une incitation à l’inceste, puisque ces images laissent à penser que l’on peut abuser d’une enfant. Voilà ce que nous voulons dénoncer au travers de ces amendements.
Nous avons travaillé sur le sujet et le rapport d’information Porno : l’enfer du décor confirme notre position : quand on se bat contre l’industrie pornographique, on ne peut accepter la diffusion d’images qui pousseront à commettre des crimes. Allez donc regarder les sites en question : aucun doute n’est permis sur la volonté de représenter des enfants.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État. Tout d’abord, pour être parfaitement claire, ce sont les associations qui nous demandent de ne plus employer le terme « pédopornographie » pour lui préférer celui de « pédocriminalité ». Il ne s’agit donc pas pour nous d’opposer la pédopornographie à la pédocriminalité, mais d’utiliser ce dernier terme de manière globale.
Criminaliser la pédopornographie ne me pose donc aucun problème, dans la mesure où nous le faisons déjà à travers le concept de pédocriminalité.
En outre, dans une logique de représentation par des images, il me paraît compliqué – à entendre les enquêteurs, c’est même une certitude – d’intégrer une notion supplémentaire d’intention. La loi est claire quant aux sanctions à prévoir dans le cas d’images représentant des mineurs dans une situation d’inceste. Mais il est beaucoup plus difficile de déterminer l’intention derrière la représentation d’un déguisement.
Dans la pratique, cela ajouterait des difficultés juridiques et compliquerait la tâche des enquêteurs, alors que l’on a déjà du mal à engager des poursuites quand il s’agit d’images de viol en ligne, de viol d’enfants ou d’images représentant des enfants en situation de pornographie, c’est-à-dire dans des cas de pédocriminalité.
Je me rallie à l’avis du rapporteur, car nous devons nous en tenir à nos objectifs principaux, même si je comprends ce que veulent dire les auteurs de ces amendements sur ce qui relève de l’intention et de l’incitation. Il est grand temps de concentrer notre action sur la répression des crimes réels, en y mettant les moyens nécessaires.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ces amendements visent à modifier le code pénal. Il s’agit donc de toucher à des dispositions qui donneront lieu à un procès pénal et d’évoquer des situations d’une certaine gravité. Dès lors, on ne peut se permettre d’être approximatif.
L’interprétation du juge est large dans notre pays ; essayons donc d’être aussi concrets que possible dans nos propositions.
En matière pénale, on ne criminalise pas l’intention : notre collègue Elsa Schalck l’a rappelé en commission de manière très éloquente. En tant que rapporteur issu de la commission des lois, je me dois également d’être le gardien de ces grands principes du droit pénal.
Par ailleurs, la matérialité des faits doit l’emporter : soit ce sont des adultes, soit ce sont des enfants. S’il s’agit d’adultes, même s’ils jouent la comédie, cela reste des adultes.
Élargir tous les concepts du droit pour tenir compte de ceux qui se font passer pour des enfants alors que nous savons tous qu’ils ne le sont pas, c’est aller tout droit vers la censure du Conseil constitutionnel. Cela vaut pour cet amendement, mais aussi pour d’autres à l’endroit desquels je ferai preuve de la même fermeté.
Certes, votre argumentaire obéit à un autre raisonnement, auquel je ne suis pas totalement insensible. Toutefois, me faisant le gardien de la loi pénale telle qu’elle s’exerce dans notre pays, je rappelle que l’intention ne peut être criminalisée et que la matérialité primera toujours sur la fiction.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je suis très surprise par le tour que prend cette discussion.
Je m’attendais à d’autres arguments de votre part, monsieur le rapporteur. Je m’attendais notamment à ce que vous me disiez que mon amendement était satisfait en ce qui concerne les mineurs.
Mon but, en le déposant, était d’approfondir notre compréhension de l’article 227-23 du code pénal. Celui-ci prévoit en effet que l’image ou la représentation d’un mineur présentant un caractère pornographique est une infraction pénale. Le terme « représentation » vise le fait de vouloir montrer un mineur, peu importe que la personne incarnant cette représentation soit majeure.
La question que nous devons nous poser est de savoir si l’article 227-23 permet de faire retirer toutes les rubriques qui inondent les sites pornographiques sur internet et dont la classification relève d’une intention pédocriminelle, c’est-à-dire de l’intention de représenter la sexualité d’un majeur avec un mineur ?
Vous posez comme postulat, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit de deux adultes ; mais personne n’en sait rien, pas même les enquêteurs. De ce qu’ils nous ont dit, madame la secrétaire d’État, j’ai compris qu’ils cherchaient à voir, image par image, si le jeune représenté était bien mineur. C’est sur ce critère qu’ils s’appuient pour lancer ou non des poursuites. Nous proposons simplement qu’ils puissent le faire sur une base plus large.
Vous avez tous suivi l’affaire Bastien Vivès. Où la situez-vous par rapport à nos débats ?
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 78 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 227-23 du code pénal, les mots : «. Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis » sont remplacés par le signe : « , ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-23 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables dès lors qu’elles ont pour intention de représenter des relations sexuelles de caractère incestueux. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Nos discussions sont difficiles tant l’écart est grand entre ce que la loi prévoit en matière d’incrimination possible, l’ensemble des infractions pénales commises par l’industrie pornographique au travers des contenus diffusés et la réalité des enquêtes menées et des poursuites engagées. Cet écart est tel que nous ne savons jamais exactement de quoi nous parlons.
Certes, charger la loi ne permet pas toujours d’aller plus loin ; mais la loi, dans certains cas, ne permet pas de poursuivre.
Cet amendement concerne l’inceste, et c’est encore la même histoire : en ouvrant les rubriques des sites pornographiques, sans même avoir besoin de regarder les vidéos, il est possible d’accéder à des contenus intitulés « en famille », « entre frères et sœurs », « beau-père-belle-fille »…
C’est tout ce que nous combattons, tout ce que nous cherchons à faire reculer dans notre pays, tout ce contre quoi la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et Édouard Durand sont mobilisés. C’est un fléau !
On considère que deux enfants par classe sont victimes d’inceste ; or ces enfants sont surexposés en raison de la banalisation de l’inceste par l’industrie pornographique. Comment voulez-vous que nous, pouvoirs publics et parlementaires, luttions contre le fléau de l’inceste si tout un chacun peut consulter un site et considérer l’inceste comme un fantasme parmi d’autres.
Que ce soit un fantasme n’est pas grave ; une collègue me disait voilà quelques jours que je voulais légiférer sur les fantasmes. Non, je veux légiférer non pas sur les fantasmes, mais sur les contenus représentant l’inceste, le banalisant, le transformant en une pratique sexuelle excitante pour les hommes qui consultent des sites pornographiques. C’est cela qui est inacceptable !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les arguments développés sur les amendements précédents valent aussi pour celui-ci, même s’il s’agit ici d’inceste et non de pédocriminalité : avis défavorable.
Par ailleurs, lorsque j’emploie le terme« inceste », je vise l’inceste réprimé par le droit pénal – les acceptions de ce mot diffèrent en effet selon que l’on consulte le code pénal ou le Larousse.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État. À mon sens, les textes permettent déjà d’engager des poursuites.
Ainsi, pour ce qui concerne l’affaire Bastien Vivès, que vous avez évoquée, une enquête pénale est en cours et je m’en réjouis. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai pas saisi le procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
À partir du moment où la représentation visée est celle d’une mineure et d’un membre de sa famille, le droit en vigueur est largement suffisant.
J’appelle votre attention sur les précédents amendements que vous avez défendus et qui visaient à déduire des tenues portées par une personne que celle-ci est représentée comme une mineure. J’y ai été défavorable en raison des difficultés pratiques que leur adoption aurait emportées pour les enquêteurs.
En revanche, nos services d’enquête doivent se consacrer à la lutte contre les sites entièrement dédiés à la diffusion de représentations de mineurs et qui banalisent les relations sexuelles avec des mineurs. Il s’agit donc davantage d’une question de moyens et de dynamique d’enquête.
Je considère que la loi permet déjà de mettre un terme à ce type d’images, raison pour laquelle le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 122 rectifié quater, présenté par MM. Chaize, Retailleau, Bascher et Mandelli, Mmes Demas, Dumont, Jacques et Berthet, MM. Somon, Burgoa et C. Vial, Mmes Malet, V. Boyer et Eustache-Brinio, M. Bouchet, Mmes Lavarde et Bourrat, M. Calvet, Mme Bellurot, MM. Sido, Allizard, Bazin et Mouiller, Mmes Deseyne, Estrosi Sassone et Joseph, M. Perrin, Mmes Garnier et Gosselin, MM. Rapin et Brisson, Mmes Di Folco, Richer et L. Darcos, MM. Panunzi et Genet, Mmes Puissat, F. Gerbaud, Chauvin, M. Mercier et Borchio Fontimp, MM. Hugonet et D. Laurent, Mmes Micouleau et Belrhiti, M. B. Fournier, Mmes Del Fabro et Lassarade, MM. Klinger, Chevrollier, Piednoir et Gremillet, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et Anglars, Mmes Pluchet et Schalck, MM. Malhuret, Tabarot et Bouloux et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Lorsqu’il est constaté des émeutes ou des mouvements populaires portant atteinte à l’ordre public ou à la sécurité publique et incitant de façon manifeste à la violence contre des personnes dépositaires de l’autorité publique, à la dégradation des bâtiments ou des installations publics ou à l’intrusion en leur sein, l’autorité administrative compétente peut émettre des injonctions de retrait à l’encontre de tout service de réseau social en ligne pour retirer ou bloquer l’accès des contenus, dans un délai de deux heures à compter de la réception de ladite injonction, incitant de façon manifeste aux émeutes, à la violence contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, à la dégradation des bâtiments ou des installations publics ou à l’intrusion en leur sein.
II. – La méconnaissance de l’obligation mentionnée au présent I est punie d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.
III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. L’actualité de ces derniers jours témoigne des effets amplificateurs des réseaux sociaux sur les émeutes et les mouvements populaires violents.
La multiplication des messages, des images, des vidéos et des rediffusions en direct des émeutes ou des mouvements populaires violents renforce la participation à ces émeutes ou mouvements, en augmente le niveau de violence, conduisant ainsi non seulement à des atteintes inacceptables à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique, mais aussi à des dégradations et intrusions inadmissibles envers les bâtiments et installations publics.
La passivité des réseaux sociaux appelle une réponse plus ferme. Le présent amendement a pour objet de permettre aux autorités administratives compétentes d’émettre des injonctions à l’encontre des réseaux sociaux afin qu’ils retirent ou bloquent, dans un délai de deux heures, les contenus incitant de façon manifeste à la violence, notamment envers les personnes dépositaires de l’autorité publique.
Je veux enfin rendre hommage à nos forces de sécurité, qui œuvrent chaque jour et chaque nuit avec courage pour maintenir l’ordre et qui se trouvent désemparées face à ces nouveaux outils, qui bénéficient de façon injuste aux casseurs.
Dans un débat sur la sécurisation et la régulation de l’espace numérique, je ne pouvais occulter ce sujet d’actualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Patrick Chaize souhaite rendre inaccessibles les contenus qui appellent à la violence pendant les périodes d’émeutes, dans un délai de deux heures, par injonction de l’autorité administrative adressée aux réseaux sociaux.
Mon cher collègue, vous soulevez un débat essentiel et je vous en remercie. Toutefois, à ce stade, je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
Je profite de cette occasion pour rendre hommage, comme vous, à tous les élus locaux qui ont été agressés au cours de ces journées et de ces nuits d’émeutes, notamment au maire de L’Haÿ-les-Roses, ainsi qu’au jeune sapeur-pompier qui a donné sa vie pour lutter contre un incendie allumé par des inconscients, qui ne sont rien d’autre que des criminels.
En notre nom à tous, mes chers collègues, je veux assurer tous les élus locaux et tous les policiers, gendarmes et pompiers du soutien total, résolu, sans faille du Sénat.
Nous ne laisserons pas faire les délinquants qui abîment la démocratie. Nous devons être inflexibles face à ceux qui prennent prétexte de la mort d’un jeune homme de 17 ans pour casser, incendier, dégrader les bâtiments publics et privés, face à ceux qui profitent d’un drame absolu pour s’en prendre à nos maires.
Or il est impossible de nier le rôle important joué par les réseaux sociaux dans la propagation des pillages, des violences et des atteintes de toute nature à l’autorité de l’État qui ont suivi la mort du jeune Nahel.
Il faut le rappeler à tous ceux qui se croient protégés par l’écran de leur téléphone : quels que soient les moyens par lesquels elles sont commises, l’incitation à la violence et la diffusion d’images représentant des crimes ou des délits sont punies par la loi. Ceux qui se prêtent à ces actes insupportables encourent des peines méritées de prison ferme.
Grâce à la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique et au Sénat, ils encourront bientôt une peine de bannissement. En effet, c’est bien sur notre initiative que les délits d’appel à l’attroupement armé et d’atteinte à la démocratie ont été ajoutés dans le périmètre de cette nouvelle peine complémentaire, la semaine dernière.
C’est aussi grâce au Sénat que la peine de bannissement pourra s’appliquer à ceux qui harcèlent et insultent les élus sur les réseaux sociaux.
Monsieur le ministre, sans évoquer les déclarations les plus récentes du Président de la République, j’en profite pour vous interpeller sur celles de votre collègue garde des sceaux, qui a appelé à « péter les comptes Snapchat ».
Ces propos ont suscité des interrogations, celles de Patrick Chaize et de nous tous, sur la manière dont la justice est en mesure, aujourd’hui, en droit positif, de répondre ou non à cet impératif.
Je sollicite donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement.