Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. Exactement !
Mme Toine Bourrat. L’intelligence artificielle est, certes, une avancée, mais rien ne remplace le contrôle humain. En effet, comment imaginer qu’un artéfact, qu’une machine parvienne seule à protéger l’homme de son invention ?
Pour fixer des limites et insérer nos critères civiques et moraux dans le progrès, il nous faut des hommes formés, sensibles aux dérives dont ils peuvent être eux-mêmes victimes, des hommes toujours irremplaçables dès lors qu’il s’agit de « prendre soin », d’« éduquer » et de « modérer ».
Mais, encore une fois, restons lucides, mes chers collègues ! Tant qu’aucune contrainte ne pèsera sur les plateformes pour qu’elles se dotent des moyens humains nécessaires, rien ne se fera.
Fort heureusement, le Parlement a récemment fixé une majorité numérique. Fixée à 15 ans, elle délimite clairement les âges de la vie où les dangers de l’internet sont plus ou moins mesurés, intégrés, donc limités par la conscience d’un être formé pour cela. Fixée à 15 ans, elle place le parent au cœur de l’éducation du mineur, puisque son consentement sera obligatoire pour s’inscrire sur un réseau social.
Mais préserver les acquis n’est plus suffisant, mes chers collègues. Dans la mondialisation, c’est une guerre de conquête qu’il nous faut mener. Je n’ose dire « une révolution culturelle », mais l’esprit est là.
Force doit rester à la loi. Et la loi, c’est l’Homme, avec un grand H. En effet, gouverner – je le rappelle en regardant cet hémicycle où d’autres plaidoyers furent prononcés, où d’autres causes furent défendues –, c’est bel et bien contraindre pour protéger ceux qui se trouvent dans la fleur de l’âge, un âge où tout se détermine et où tout se construit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis ravie de vous retrouver aujourd’hui pour discuter du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, et je salue à mon tour le travail de notre commission spéciale et de ses deux rapporteurs.
Les dispositions de ce texte, techniques et diverses, recouvrent un enjeu très concret : assurer la protection des citoyens et le respect de nos valeurs dans l’espace numérique. Elles dessinent des avancées que je tiens à souligner.
La transition numérique est un puissant levier de progrès économique et social. C’est également un moteur de la transition écologique. Pourtant, les possibilités offertes par le numérique comportent des risques indéniables, auxquels les auteurs de ce texte tentent de répondre, au travers de plusieurs dispositions. J’en aborderai deux.
Je pense tout d’abord à la protection des mineurs vis-à-vis des contenus présentant un caractère pornographique ou pédopornographique. Ainsi, l’article 2, tel qu’il a été amendé en commission, tend à renforcer les pouvoirs d’intervention de l’Arcom dans la lutte contre l’accès des mineurs à ce type de sites, dans le prolongement du rapport d’information de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’industrie de la pornographie.
Je pense ensuite la protection des internautes dans l’environnement numérique vis-à-vis des actions de propagande en ligne, de cyberharcèlement et d’hameçonnage. En complément des mesures inscrites dans le projet de loi, je souhaite mettre en avant l’enjeu essentiel de la lutte contre l’illectronisme et de l’éducation aux usagers numériques confrontés aux risques de fraude en ligne, qui concernent en particulier les personnes les plus vulnérables.
Ce texte vise à traduire en droit français la réglementation européenne sur le numérique, qui est notamment constituée du DMA et du DSA.
Au-delà de la nécessaire adaptation de notre droit au cadre européen, ce texte doit permettre à la France d’être un acteur moteur de la régulation digitale en Europe. Le Sénat s’inscrit d’ailleurs pleinement dans cette ambition, au travers de la loi de 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, issue d’une proposition du sénateur Patrick Chaize.
Par ailleurs, je voudrais aborder un sujet qui requiert notre attention aiguë : la souveraineté numérique des pouvoirs publics, et plus spécifiquement des collectivités territoriales. En effet, nombre d’acteurs soulignent les risques induits par la dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis des Gafam, que ce soit en matière financière ou, de façon plus préoccupante encore, en matière de cybersécurité.
La hausse considérable des tarifs de l’abonnement à la dernière version de Microsoft Office a récemment conduit des collectivités à chercher d’autres solutions bureautiques. En pratique, toutefois, changer de fournisseur est souvent difficile, car il existe des barrières techniques, voire commerciales, à l’interopérabilité des services. Or un tel enfermement auprès d’un unique fournisseur rend les systèmes informatiques moins résilients en cas de cyberattaque. Plus encore, le développement des offres collaboratives à travers le cloud soulève des questions sur l’utilisation que des gouvernements étrangers pourraient faire de données stockées sur les serveurs détenus par des Gafam.
Toutes ces raisons plaident en faveur du développement d’une offre française, voire européenne, de logiciels métiers et bureautiques qui soit attractive et résiliente pour les collectivités territoriales, y compris pour les plus petites, qui auront besoin d’un accompagnement technique et financier adapté.
Monsieur le ministre, dans le prolongement de ce texte il me semble donc indispensable que l’État élabore rapidement une stratégie nationale sur ce sujet, en lien avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission spéciale.
projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique
TITRE Ier
PROTECTION DES MINEURS EN LIGNE
Section 1
Renforcement des pouvoirs de l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de protection en ligne des mineurs
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant les besoins financiers et humains de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse résultant des nouvelles missions qui leur seront confiées par la présente loi, ainsi que la manière dont ces besoins seront traduits lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à demander au Gouvernement quelques informations.
Ce projet de loi tend à élargir les missions de plusieurs régulateurs de l’espace numérique. Ainsi, l’Arcom devient responsable du référentiel technique pour le contrôle de l’accès aux sites pornographiques. Des pouvoirs d’injonction administrative à l’encontre des sites et des fournisseurs d’accès lui sont également confiés, tout comme la capacité de prononcer des sanctions ou de demander le retrait de contenus.
De surcroît, l’Arcep sera responsable de la partie relative au cloud. Elle sera notamment chargée d’établir un référentiel d’interopérabilité et de portabilité des données. Ses pouvoirs d’enquête seront aussi renforcés.
Par ailleurs, la Cnil sera chargée de la protection des données individuelles durant tous ces processus.
Enfin, les missions du PEReN sont renforcées.
Ces nouvelles attributions auront des conséquences qui pèseront lourdement sur les épaules des autorités administratives indépendantes, dont les missions ne cessent d’être élargies au gré des propositions de loi adoptées par le Parlement. Ainsi, lors de son audition, le président de l’Arcom a indiqué que confier aux autorités de régulation des missions supplémentaires nécessite de renforcer leurs moyens humains et financiers. Or nous n’avons pas entendu beaucoup de déclarations du Gouvernement à ce sujet. En tant que législateur, il est de notre devoir de nous assurer que les moyens seront à la hauteur des ambitions de ce texte.
C’est pourquoi, par cet amendement d’appel, j’aimerais entendre le Gouvernement sur le sujet de l’augmentation des moyens de ces différentes autorités administratives indépendantes, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour l’année 2024.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je comprends très bien l’esprit de l’amendement de notre collègue, M. Dossus. Ce projet de loi va considérablement accroître les missions de l’Arcom, de la Cnil et de l’Arcep.
La demande de rapport au Gouvernement ne semble toutefois pas être la bonne méthode. En effet, les rapporteurs spéciaux et pour avis du projet de loi de finances peuvent déjà intégrer dans le périmètre de leur questionnaire budgétaire la question des moyens de ces autorités au regard de leurs nouvelles missions.
Ce débat aura bien évidemment lieu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de retirer votre amendement, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur le sénateur, mon avis est le même que celui de M. le rapporteur, mais je vais tout de même essayer de vous apporter quelques éléments de réponse.
Aussi bien pour les règlements européens qui ont déjà été évoqués que pour les dispositions de nos textes de droit interne, il est évidemment indispensable que les autorités administratives indépendantes concernées disposent des moyens nécessaires pour leur exécution.
Dans la loi de finances pour 2023, quelque 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ont été budgétés pour l’Arcom, en prévision des nouvelles missions qui lui seront confiées pour la mise en œuvre du DSA. Par ailleurs, la Commission européenne s’est elle aussi dotée de moyens supplémentaires via le recrutement d’une centaine d’agents chargés de l’exécution des règlements DMA et DSA. Enfin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, nous aurons ces débats au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, auquel je vous invite à contribuer, notamment sur ces aspects-là, aux côtés des rapporteurs spéciaux évidemment.
M. le président. Monsieur Dossus, l’amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Thomas Dossus. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.
Article 1er
L’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi rédigé :
« Art. 10. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille à ce que les contenus pornographiques mis à la disposition du public par un service de communication au public en ligne ne puissent pas être accessibles aux mineurs et en conséquence, à ce que les personnes dont l’activité est d’éditer un tel service de communication au public en ligne vérifient préalablement l’âge de leurs utilisateurs.
« Elle établit et publie à cette fin, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, un référentiel déterminant les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l’âge mis en place pour l’accès aux services de communication au public en ligne qui mettent à la disposition du public des contenus pornographiques, en matière de fiabilité du contrôle de l’âge des utilisateurs et de respect de leur vie privée.
« II. – (Supprimé) ».
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an, avec mes collègues Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous achevions six mois de travaux qui ont apporté une véritable expertise sur l’industrie pornographique. Jusqu’alors, ce sujet était un grand absent du débat public, a fortiori des politiques publiques.
La pornographie, disponible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour tous, a des conséquences graves sur les mineurs : addiction, comportements et pratiques sexuelles à risque, entre autres. Les conséquences ne se limitent pas seulement aux plus jeunes, mais se répercutent également dans l’ensemble de notre société.
Dans notre rapport d’information intitulé Porno : l’enfer du décor, nous soulignons l’importance d’imposer un véritable contrôle de l’âge des internautes avant tout accès à un contenu pornographique. Nous insistons sur l’importance et l’urgence d’appliquer enfin la loi. À la suite de l’adoption de l’amendement de notre collègue Marie Mercier en 2020, la loi oblige désormais les propriétaires de site pornographique à mettre en place un contrôle d’accès à destination des mineurs.
Or l’Arcom n’a toujours pas fait usage de la compétence qui lui a été donnée de publier des lignes directrices relatives à la fiabilité des procédés techniques sur le contrôle de l’âge et des utilisateurs.
Nous jugeons donc primordial que l’Autorité adopte une démarche proactive. Nous suggérons de faire mention au sein de ces lignes directrices de la nécessité d’opérer le contrôle de l’âge dès l’entrée sur le site, avant de pouvoir visionner la moindre image, même floutée.
À cet article 1er, il ne s’agit que de faire appliquer la loi, ni plus ni moins ; nous ne pouvons plus nous satisfaire de tentatives. Le contrôle de l’âge doit enfin être une réalité ; il doit enfin être effectif et fiable !
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 88 est présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les services de communication au public en ligne qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques mettent en place des mesures de vérification d’âge empêchant l’accès des mineurs à ces contenus.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à supprimer la mention du référentiel dans l’article 1er. Tel qu’il est rédigé, cet article tendrait, je le crains, à créer une obligation de moyens minimale pour les sites pornographiques, qui se contenteraient ainsi de satisfaire au référentiel.
Au contraire, il faut inverser la charge de la preuve : c’est aux sites d’apporter la preuve qu’ils ont, par tous les moyens, mis en œuvre les outils nécessaires pour interdire aux mineurs d’accéder à leurs contenus.
Par ailleurs, comme je l’ai mentionné précédemment, il y a une concomitance malheureuse… Nous attendons le jugement que le tribunal judiciaire de Paris rendra le 7 juillet prochain. Or il porte justement sur le fait que les sites prétendent ne pas avoir la possibilité de mettre en œuvre l’obligation inscrite dans la loi de 2020.
Aussi, d’un certain point de vue, en votant aujourd’hui un référentiel, nous confirmons le fait qu’ils n’avaient pas les outils pour le faire ; c’est très embêtant ! C’est pour cela qu’il serait raisonnable de supprimer un tel référentiel, pour les trois prochains jours et pour l’avenir.
Peut-être pourrions-nous également préciser à tout le moins que le référentiel n’est qu’un des moyens – ce n’est pas le seul – permettant aux sites pornographiques de se conformer à la loi.
Tel est l’objet de mon amendement. J’espère être suivie, car il est raisonnable et, surtout, adapté au réel !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 88.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter ma collègue Laurence Rossignol pour le groupe socialiste.
Il vise à responsabiliser davantage les plateformes pornographiques en supprimant le référentiel d’exigences techniques établi par l’Arcom.
Il est important de dire que nous envoyons un message fort aux plateformes pornographiques.
Plus personne ne peut ignorer aujourd’hui les ravages de l’accès à des contenus pornographiques sur les mineurs. Je rappelle qu’un tiers des mineurs de moins de 15 ans se rend chaque mois sur un site pornographique, comme vient de l’indiquer notre collègue Annick Billon.
Selon nous, la suppression du référentiel d’exigences techniques ne signifie pas l’absence de régulation ou de responsabilité, bien au contraire ! Cela doit nous conduire à rechercher des solutions plus efficaces et mieux adaptées pour empêcher l’accès des mineurs à ces contenus. Nous devons explorer d’autres voies pour mettre en place des mécanismes de filtrage et de contrôle plus efficaces, en collaboration avec les plateformes pornographiques, les experts en technologie et les organismes de régulation compétents.
Nous ne pouvons laisser la responsabilité de la protection des mineurs aux seuls parents ou aux seuls systèmes de contrôle parental, soyons-en conscients ! Il faut reconnaître la part de responsabilité des plateformes pornographiques ! Elles doivent jouer un rôle actif dans la prévention de l’accès des mineurs à leurs contenus.
C’est tout le sens de notre amendement, et je souhaite, comme Laurence Rossignol, qu’il soit voté par la majorité des sénateurs et des sénatrices.
M. le président. L’amendement n° 130, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. − Alinéa 3
Supprimer les mots :
dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi,
II. − Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….− L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique établit et publie le référentiel mentionné au I dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement s’inscrit dans le cadre de l’élaboration du référentiel déterminant les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l’âge. Il s’agit notamment de ceux qui sont mis en place pour accéder aux services de communication au public en ligne qui proposent des contenus pornographiques.
Cet amendement vise à soumettre le référentiel établi par l’Arcom à un avis conforme de la Cnil, dans le but de permettre à cette dernière de veiller à la protection des libertés et d’élaborer un référentiel coercitif de qualité. En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 1er du présent projet de loi ne détaille pas le type d’avis rendu par la Cnil dans l’élaboration dudit référentiel.
Cet amendement permettrait ainsi à la Cnil, forte de son expertise et de l’attention qu’elle porte à la protection des libertés, d’être pleinement associée à l’élaboration de ce référentiel coercitif.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et de respect de leur vie privée
par les mots :
, de respect de leur vie privée et d’empreinte environnementale du numérique
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Je vais présenter une série d’amendements visant à mieux définir le référentiel, mais je précise que je voterai les amendements identiques nos 3 et 88 de Mmes Rossignol et Cohen.
L’amendement n° 34 vise à ajouter un critère relatif à l’empreinte environnementale. Il est classique pour notre groupe de favoriser l’écoconception des logiciels produits par l’État.
Certes, nous ne nions pas que la consommation d’énergie liée aux vidéos sur internet soit massive, tout comme l’est celle qui est liée à la consultation de contenus pornographiques. Toutefois, nous pensons qu’il est important d’introduire des critères d’écoconception, d’autant plus quand un tel dispositif résulte d’une injonction de l’État.
Nous souhaitons que les mécanismes de vérification de l’âge par les plateformes comportent un équilibre entre efficacité, protection des données personnelles et protection de l’environnement.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et de leur anonymat en ligne
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous pensons que le référentiel doit garantir le respect de l’anonymat en ligne. Dans la même logique, nous souhaitons garantir la protection de l’anonymat en ligne dans l’établissement de ce référentiel. L’anonymat est l’un des éléments centraux d’internet depuis sa création. C’est la base de la protection de la vie privée.
Cet anonymat, garanti depuis le début de l’existence d’un espace libre, a permis l’émergence d’idées, de concepts et de technologies nouvelles, dont certaines ont changé la face du monde.
Cet anonymat ne doit être remis en cause que dans de très rares cas et toujours sous le contrôle du juge. La vérification de l’âge pour accéder à un site ne représente pas un motif suffisant pour lever cet anonymat.
C’est pourquoi nous proposons de mentionner en toutes lettres que cet anonymat devra être respecté par les mécanismes de vérification de l’âge des sites et donc être intégré aux critères du référentiel établi par l’Arcom.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que de garantie de protection de leurs données personnelles, en s’assurant notamment que ces dernières ne soient ni exploitées, pour des fins autres que celles établies par le référentiel, ni cédées ni vendues à des tiers
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Le référentiel doit respecter la protection des données, et nous proposerons des dispositifs en ce sens.
Il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de nous assurer que lors du contrôle de l’âge par les plateformes concernées, les données collectées ne serviront qu’à cette fin.
Aussi, nous proposons d’écrire explicitement que les données collectées ne pourront être exploitées à d’autres fins ni être cédées ou revendues.
Dans la rédaction actuelle du texte, seul le respect de la vie privée est mentionné. Cette référence nous paraît bien trop large et imprécise.
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les systèmes de vérification de l’âge sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. La transparence logicielle, incarnée sur internet par l’open source, est une garantie fondamentale pour les libertés publiques. Lorsqu’un logiciel, un code ou un programme sont consultables librement, toute personne disposant d’un minimum de bagage technique peut s’assurer de son contenu et de son bon fonctionnement.
Pour nous, cette exigence de transparence s’impose d’autant plus quand des données personnelles sont en jeu, comme c’est le cas pour le contrôle de l’âge, prévu à l’article 1er de ce texte. Il n’y a ici ni secret industriel à défendre ni un enjeu de propriété intellectuelle si important qu’il s’imposerait aux questions de défense de l’anonymat, des données personnelles et des libertés numériques ; du reste, ce référentiel est imposé à tous.
Ainsi, les utilisateurs ont le droit de constater par eux-mêmes la façon dont sont utilisées leurs informations personnelles lors du contrôle de l’âge qui est réalisé sur les plateformes. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le référentiel interdit explicitement l’usage des technologies de reconnaissance biométriques.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous pensons que le référentiel doit interdire l’usage des technologies biométriques. L’article 1er du projet de loi tend à confier à l’Arcom le soin de définir ce référentiel. Il déterminera des exigences techniques auxquelles devront répondre les systèmes de vérification d’âge des sites comportant des contenus pornographiques.
L’objectif est de s’assurer de l’âge des utilisateurs et des utilisatrices de ces plateformes, afin qu’aucun mineur n’y ait accès. L’établissement de ce référentiel doit à l’heure actuelle respecter deux critères définis en amont : la fiabilité du contrôle de l’âge et le respect de la vie privée. Nous proposons d’ajouter d’autres critères, mais d’interdire la reconnaissance faciale. Bien sûr, cela pourrait être une solution technique pour s’assurer de l’identité ou de l’âge de l’utilisateur, mais elle comporte de nombreux risques, notamment du point de vue de la protection de la vie privée et de la collecte des données anthropométriques.
Ces risques rendent éthiquement impossible l’usage de cette technologie pour vérifier l’âge des personnes. C’est pourquoi il est proposé de les interdire.