Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme le soulignent de nombreuses organisations syndicales, les travailleurs sont au cœur des transformations à venir et en première ligne de leurs répercussions ; ils doivent donc en être comptés parmi les acteurs.
En outre, en l’absence d’un contrôle social, nous courrons le risque de devoir aider systématiquement les entreprises les moins vertueuses, au fil des crises environnementales.
En conséquence, il est primordial de garantir que les entreprises mettent en œuvre leurs obligations en matière de Beges et adoptent un plan de transition à la hauteur des objectifs fixés. Il y va de la pérennité des activités économiques, et donc des emplois et des compétences.
Dans la pratique, le dialogue social est le levier le plus efficace pour construire et suivre une trajectoire de décarbonation adaptée aux réalités de l’entreprise concernée.
Le plan de transition articulé au Beges hiérarchise et cadence dans le temps les chantiers de transformation à mener afin d’anticiper les risques et de se saisir des opportunités économiques de la transition écologique.
Pour renforcer son acceptabilité sociale, il doit être négocié avec les représentants des salariés, en s’appuyant sur les dispositifs d’accompagnement et de financement existants – Ademe, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), etc. ainsi que sur l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la transition écologique et le dialogue social. En cas d’échec de la négociation, le plan unilatéral de l’employeur sera soumis à un avis conforme.
Nous considérons que, par la négociation sociale, les organisations syndicales doivent être parties prenantes de la transition écologique et garantes de sa réussite au sein des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. Le sénateur Cardon indique que, là où il y a une volonté, il y a un chemin ; reconnaissons que, sur le chemin du Beges, la volonté des entreprises fait pour le moment défaut.
Il ne nous semble donc pas raisonnable de créer une obligation de réalisation d’un Beges, même simplifié, pour les structures de plus de 50 salariés, comme le prévoient les dispositions de l’amendement nos 271 rectifié bis et des amendements identiques nos 273 rectifié et 393 rectifié, cette obligation étant déjà peu respectée par les entreprises qui y sont actuellement assujetties.
Par ailleurs, concernant les amendements nos 271 rectifié bis et 272 rectifié, je ne suis pas favorable à soumettre le plan de transition adossé au Beges à la négociation et à prévoir, en cas d’échec de celle-ci, que ce plan soit soumis à l’avis conforme du comité social et économique.
Enfin, l’amendement n° 271 rectifié bis tend à inclure dans le Beges des émissions indirectes, dites de scopes 2 et 3 ; or cette proposition est satisfaite depuis le 1er janvier 2023. Cette extension bienvenue permettra de prendre en compte les émissions externalisées par une structure.
L’avis de la commission est en conséquence défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je partage l’avis du rapporteur, dont les motifs sont fondamentalement cohérents.
On exprime souvent, sur ces travées, la volonté de ne pas surtransposer nos directives européennes, au risque d’obérer la compétitivité de nos PME.
Or ce que vous proposez, en accélérant les échéances prévues par l’Europe ou en élargissant des obligations qui s’appliquent aujourd’hui uniquement aux entreprises de plus de 500 employés, va précisément dans ce sens.
Bien évidemment, nous soutenons la généralisation des Beges. Comme l’a indiqué le rapporteur, environ 50 % – peut-être un peu moins – des entreprises de plus de 500 employés s’engagent dans cette démarche. C’est sur cet objectif que nous concentrons nos efforts, dans le cadre de ce projet de loi. Nous ne souhaitons pas, dès lors, imposer une obligation disproportionnée aux entreprises de moins de 50 employés.
Pour autant, dans le cadre de l’appui public de Bpifrance et de l’Ademe, nous avons choisi de conditionner les aides à l’élaboration d’un Beges simplifié. Cela ne relève pas du domaine législatif, mais il est bon que la représentation nationale en soit informée. Il s’agit d’argent public, et nous y veillerons.
Quant aux instances sociales, madame la sénatrice Lienemann, l’obligation d’informer les organisations syndicales existe, même si je comprends que cela puisse ne pas vous sembler suffisant : elle est inscrite dans la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD – pour Corporate Sustainability Reporting Directive –, qui impose aux organisations syndicales d’être informées sur les critères de durabilité d’ici à 2025. Leur avis pourrait ainsi être communiqué au conseil d’administration, ce qui permettrait d’associer davantage les employés à ces réflexions, sans pour autant que nous imposions un avis conforme.
Par conséquent, l’avis est défavorable sur ces amendements, même si ceux-ci s’inscrivent dans la direction que nous souhaitons prendre, en veillant toutefois à ne pas introduire trop de contraintes.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je souhaite réagir aux propos du ministre qui a, en somme, opposé la compétitivité et l’établissement de ce bilan pour des entreprises de taille plus modeste.
L’arrivée du deuxième système d’échange de quotas d’émission ETS 2, pour Emissions Trading System, concernant les émissions non couvertes par l’ETS 1, limité aux grandes entreprises, va également concerner les petites.
Par conséquent, la prise en considération anticipée de ces émissions pourrait emporter des conséquences positives sur le bilan économique de ces entreprises, l’introduction de cette nouvelle taxation englobant finalement beaucoup plus d’émissions de gaz à effet de serre que ce qui était prévu jusqu’à présent.
En matière de compétitivité, notamment des petites entreprises, il pourrait ainsi être bénéfique de procéder rapidement à des bilans précis des émissions de gaz à effet de serre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne me semble pas que la négociation sociale sur les émissions de gaz à effet de serre relève de la surtransposition européenne.
Certes, la directive impose un devoir de transparence, donc d’information, mais, dans de nombreux pays de l’Union européenne, notamment en Allemagne, un principe de codécision est appliqué au sein de nombreuses entreprises, rendant inenvisageable de traiter de tels sujets sans une négociation avec les salariés.
J’entends souvent le Gouvernement affirmer – surtout après l’épisode de la réforme des retraites – qu’il porte une grande attention à la négociation sociale, laquelle devra, dit-il, piloter l’avenir de notre pays dans le champ social.
Or cette matière offre, au sein des entreprises, un beau sujet de négociation, susceptible de faire avancer tout le monde, sans pour autant créer de conflit insurmontable. Nous pourrions donc avancer vers plus de démocratie sociale, mais vous refusez cette option.
Je ne parviens pas à comprendre cette position : il s’agit d’une occasion manquée de donner du souffle à la démocratie sociale et de favoriser une large acceptation des transitions écologique et énergétique qui vont s’imposer dans les entreprises et qui ne passeront pas toujours comme une lettre à la poste.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il me semble vraiment que vous manquez une occasion en n’inscrivant pas dans ce texte que ces questions doivent faire l’objet d’une négociation sociale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 271 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié et 393 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous revenons au cours normal de la discussion du texte de la commission.
Avant le titre Ier
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Salmon, Fernique, Breuiller, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I.- Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les installations industrielles de fabrication ou d’assemblage des produits ou équipements qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable mentionnées dans la loi n° … du … relative à l’industrie verte, sont définies conformément au règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 en excluant les nouvelles activités relatives au gaz fossile et au nucléaire incluses dans le règlement délégué 2022/1214 de la Commission du 9 mars 2022.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre préliminaire
Définition des industries vertes
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Comme je l’ai souligné en discussion générale, la définition de l’industrie verte est une question cruciale, mais elle reste largement absente de ce texte.
Certains articles mentionnent des filières spécifiques comme l’hydrogène ou les énergies renouvelables, d’autres laissent au domaine réglementaire le soin de définir les activités dans le secteur des technologies propices au développement durable. L’unique critère parfois mentionné est l’impact carbone, mais les conséquences sur la biodiversité et la santé, tout aussi essentielles, ne sont pas prises en compte.
Dans un contexte de raréfaction des ressources et de multiplication des effets sur la santé humaine et sur la biodiversité, il nous semble nécessaire que ce texte propose une définition, qui ne saurait se limiter à la décarbonation. Comme le souligne également le Conseil national de la transition écologique dans son avis, ce serait en effet un peu court.
Cet amendement vise à définir les installations industrielles dites vertes qui pourront bénéficier des dispositifs mis en place selon les critères du règlement européen sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables, dit Taxonomie. Il tend cependant à exclure les nouvelles activités relatives au gaz fossile et au nucléaire mentionnées dans l’acte délégué complémentaire adopté par la suite, auquel – vous vous en doutez ! – nous ne souscrivons pas.
Le règlement européen Taxonomie met en place une classification des activités en utilisant des critères scientifiques, afin d’aider les investisseurs à identifier les activités durables. Il s’appuie sur six objectifs environnementaux – atténuation et adaptation climatiques, biodiversité, pollution, eau et économie circulaire – et concerne les entreprises de plus de 500 salariés.
En commission, notre rapporteur n’a pas jugé pertinent de se référer à un règlement européen, car celui-ci serait susceptible d’évoluer et pourrait ne pas nécessairement répondre aux souhaits exprimés au niveau national.
Nous estimons au contraire que nous proposons une garantie en nous appuyant sur le règlement actuel concernant la taxonomie, qui nous semble apporter les protections nécessaires et s’appuyer sur des critères efficaces.
Rappelons toutefois que le cadre européen s’impose à tous : autant s’y référer dès maintenant. Avec l’arrivée du Net-Zero Industry Act, nous devrons nous adapter : anticipons !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. En effet, mon cher collègue, la définition de l’industrie verte que vous proposez s’appuie exclusivement sur la taxonomie européenne, ce qui nous lierait complètement les mains.
Les textes européens évoluent souvent sur des périodes très longues, comme nous le constatons actuellement avec celui que vous venez de citer. De plus, ils peuvent ne pas nécessairement répondre à nos aspirations nationales, ainsi que je l’ai déjà souligné en commission.
Votre proposition consiste pourtant à nous y cantonner, en allant encore plus loin, puisque vous souhaitez en exclure le nucléaire, alors même que nous avons beaucoup bataillé à Bruxelles pour l’inclure.
Dans un contexte où les technologies évoluent rapidement, il nous semble plus pertinent de conserver de la latitude et d’ajuster la liste des industries vertes par voie réglementaire, en fonction des différents aspects abordés par ce texte. Cela nous conférera une plus grande agilité : avis défavorable.
Pour autant, je tiens à préciser au Gouvernement que nous demeurerons vigilants quant au contenu du décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce débat est très important, car il touche au cœur de notre philosophie en matière de stratégie de réindustrialisation.
Souhaitons-nous uniquement privilégier sur notre territoire des industries dites vertes selon une taxonomie européenne plutôt restreinte, puisque seulement 5 % à 10 % des industries seraient concernées, tout en excluant le nucléaire, ce qui serait regrettable ?
Au contraire, aspirons-nous aussi à relocaliser en France des industries traditionnelles, certes en procédant à leur décarbonation, mais en leur simplifiant la vie ?
Vous nous proposez une procédure à deux couloirs parallèles qui, loin de simplifier et d’accélérer les procédures d’installation, risquerait de les complexifier : elle reposerait en effet sur un train de mesures pour les industries vertes et sur un autre pour les industries qui ne le seraient pas.
Nous avons une vision un peu différente de l’objet de ce projet de loi, lequel vise à simplifier l’installation de toutes les industries, en favorisant leur relocalisation, et à accompagner leur décarbonation. C’est précisément l’objet du label triple E – pour Excellence environnementale européenne –, lequel intégrera bien les enjeux de taxonomie dans sa définition. Décarboner, c’est réindustrialiser chez nous, dans tous les secteurs.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, j’entends bien la nécessité d’avoir une vision large de l’industrie.
Cependant, vous venez d’indiquer qu’il y aurait deux couloirs distincts : l’industrie verte et l’industrie qui ne le serait pas. Or ce projet de loi concerne spécifiquement l’industrie verte !
Nous souhaitons bien définir ce que nous entendons par industrie verte, car, ainsi que cela a été souligné sur différentes travées, cette définition fait cruellement défaut dans ce projet de loi.
Il nous revient de déterminer en quoi une industrie peut être verte. Prenons l’exemple du secteur textile : si nous relocalisons en France des activités de fast fashion, nous aurons toujours affaire à une industrie non verte. En revanche, nous pourrions très bien réindustrialiser en France dans ce secteur, mais en favorisant le textile durable.
Il me semble donc essentiel de bien définir ce que nous entendons par industrie verte. Il est certes louable de vouloir relocaliser, mais si cela signifie continuer de produire des articles non durables, menant à une consommation insoutenable, cela ne correspond en aucun cas à une industrie verte.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement en nous appuyant sur une taxonomie existante, afin d’éviter de devoir inventer la définition à partir de rien. J’attends donc véritablement que nous nous entendions sur ce qu’est une industrie verte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES ET À RÉHABILITER LES FRICHES
Chapitre Ier
Planification industrielle
Avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 269 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les installations industrielles de fabrication ou d’assemblage des produits ou équipements qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable mentionnées dans la présente loi sont définies conformément au règlement Taxinomie européenne 2020/852 du 18 juin 2020 établissant un cadre visant à favoriser les investissements durables communs à l’Union européenne.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été développées précédemment, si ce n’est que cet amendement ne tend pas à exclure le nucléaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 269 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – L’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « marchandises, », sont insérés les mots : « de développement logistique et industriel, notamment en matière de localisation préférentielle, » ;
2° Le troisième alinéa est supprimé.
II. – Les objectifs de développement industriel prévus à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont fixés pour la première fois dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires au plus tard lors de la procédure de modification prévue au 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
III (nouveau). – À la dernière phrase du 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante-deux ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité prendre la parole avant l’examen des articles, pour souligner les difficultés posées par ce projet de loi.
Ainsi que cela a été mentionné à plusieurs reprises, celui-ci ne contient ni définition ni cadre précisant ce qui relève ou non de l’industrie verte. Selon le texte, il s’agit d’activités favorables au développement durable dans des secteurs qui seront définis ultérieurement par le Conseil d’État.
Tout cela est trop vague et crée une confusion d’autant plus grande que le texte est focalisé, non pas sur l’empreinte écologique des émissions de CO2, mais sur leur réduction.
La biodiversité, les écosystèmes, l’eau et les ressources naturelles sont traités comme des sujets annexes, malgré le large consensus qui, du Mouvement des entreprises de France (Medef) à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), s’est dégagé au terme des consultations menées en amont de ce projet de loi. J’ai déposé un amendement visant à remédier à cette difficulté – j’aurai l’occasion d’y revenir.
Autre source de confusion, le plan d’épargne avenir climat (Peac) cible les jeunes de moins de 18 ans, mais ne leur offre aucune garantie ni gage de transparence concernant les activités financées par leur épargne. Nous savons en effet que des fonds éthiques, dont certains sont labellisés par l’État, financent aussi l’industrie pétrolière.
Quant au label Greenfin, il exclut le nucléaire, qui est pourtant une énergie décarbonée.
Je précise néanmoins que le Sénat a adopté deux dispositions majeures qui concernent les maires – j’avais moi-même déposé des amendements en ce sens. La première est l’exclusion des projets d’industrie verte du décompte du zéro artificialisation nette (ZAN) ; la seconde, le recueil de l’avis préalable des élus locaux concernant les implantations industrielles.
Cette dernière disposition est indispensable, car ce sont les maires qui fixent les orientations de développement de leur commune.
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par MM. Salmon, Gontard, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
industriel
insérer les mots :
favorable au développement durable et à la transition écologique, en donnant la priorité au tissu industriel existant et ses adaptations possibles
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à mettre l’intitulé du projet de loi en adéquation avec son contenu – c’est la moindre des choses !
Si l’instauration d’une planification industrielle à l’échelon régional va dans le bon sens, il est nécessaire que celle-ci soit orientée vers la décarbonation et la relocalisation des activités industrielles, par la consolidation des tissus industriels locaux concourant au développement durable.
Les gigafactories ne tomberont pas du ciel par l’effet de la seule volonté du Gouvernement : celles-ci s’inscriront dans un écosystème local.
Dans un contexte de raréfaction des ressources et d’accentuation des répercussions sur la santé humaine et sur la biodiversité qu’emportent les projets industriels, il est nécessaire que ce projet de loi définisse un cadre propice à une politique de réindustrialisation à la hauteur des enjeux sociaux, climatiques et de création d’emplois qui s’imposent à nous.
Si cela va sans dire, j’estime que cela ira encore mieux en l’inscrivant dans la loi et dans le code général des collectivités territoriales – c’est même impératif !
Pourquoi se priver de donner la priorité au tissu industriel existant et à ses adaptations possibles ? Il me semble que tel est l’enjeu premier de toute politique publique en faveur de la réindustrialisation de notre pays.
Cet amendement vise ainsi à inscrire ces objectifs essentiels, en complément des objectifs de lutte contre le changement climatique, de développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération, de pollution de l’air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets fixés par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Je comprends la logique qui préside à votre amendement, mon cher collègue, mais le Sraddet inclut déjà des objectifs relatifs à la lutte contre le changement climatique, au développement de l’exploitation des énergies renouvelables, à la pollution, à la biodiversité, etc.
Le rôle du Sraddet est justement d’articuler et de concilier l’ensemble de ces éléments afin de déployer un aménagement du territoire régional respectueux de ces différents impératifs.
Pour cela, la planification industrielle arrêtée par le Sraddet doit bien évidemment concerner toutes les industries, y compris celles qui ne sont pas vertes. Les installations existantes en font partie, tout comme les industries qui doivent être accueillies dans le cadre d’une réindustrialisation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement est satisfait, car, comme le rapporteur l’a indiqué, il est d’ores et déjà possible d’inclure de nombreux éléments, notamment ceux que vous visez, monsieur le sénateur, dans le Sraddet.
S’il était décidé, demain, de décarboner l’usine ArcelorMittal à Dunkerque, cet objectif pourrait être inscrit dans le Sraddet. Il s’agit pourtant d’une industrie on ne peut plus traditionnelle, puisque nous produisons de l’acier depuis cent cinquante ans. Il reste que, si celle-ci s’appuyait demain sur l’hydrogène ou sur une technologie permettant la capture de carbone, les vastes installations que de tels projets nécessiteraient seraient inscrites dans le Sraddet. Je crains toutefois que, s’agissant d’acier, cette industrie demeure assez polluante pendant quelques années encore…
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 144, présenté par M. Montaugé, Mmes Préville et Briquet, MM. Marie et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Lurel, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière de développement industriel, les objectifs fixés encouragent les activités ayant un impact favorable sur l’environnement ou qui concourent à l’atteinte de la neutralité climatique en 2050, et sont précisés par décret pris en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. L’article 1er aurait dû constituer un socle permettant de lancer la planification industrielle sur les territoires tout en favorisant l’engagement par les régions de concertations avec l’ensemble des collectivités.
Or cet article se borne à ajouter la planification industrielle, sans plus de précision, à la liste déjà longue des objectifs devant figurer dans le Sraddet.
Le groupe SER regrette le manque d’ambition et de précision de ce projet de loi Industrie verte au regard des objectifs affichés.
Telle qu’elle est prévue, la planification n’est pas mise en perspective au regard des ambitions affichées à l’échelon européen, et elle ne s’inscrit pas non plus dans les trajectoires que le pays s’est fixées, qu’il s’agisse de neutralité carbone, de planification écologique, d’économie circulaire, de sobriété foncière ou encore de biodiversité.
Peut-être plus grave encore, aucune référence n’est faite à l’économie qui se met en place sous nos yeux et qui fera le monde de demain en même temps qu’elle déterminera le niveau de compétitivité économique, sociale et environnementale de notre pays.
Cet article est non seulement dénué de vision stratégique, mais il n’oriente nullement les régions au regard des concertations qu’elles devront mener ni des arbitrages qu’elles devront rendre.
J’estime que les objectifs de développement industriel doivent être mieux identifiés. Je propose donc qu’un décret fixe un cadre cohérent avec la proposition de règlement européen Net-Zero Industry Act, qui ne date que de mars 2023, tout en prenant en compte les enjeux d’aménagement et de cohésion du territoire.
Ce décret pourrait également prendre en compte les retours d’expérience de programmes tels que Territoires d’industrie, qui a montré son efficacité en matière de reconquête industrielle et qui est perçu très positivement par les élus locaux et les chefs d’entreprise industrielle. Ces derniers considèrent en effet ce programment comme un cadre essentiel d’échanges et de soutien aux projets territoriaux.