Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Cyril Pellevat, Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
leçons à tirer du drame d’annecy
M. Loïc Hervé, Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
fin des tarifs réglementés de gaz au 30 juin 2023
M. Fabien Gay ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; M. Fabien Gay.
M. François Patriat ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
aide humanitaire de la france à l’ukraine
Mme Isabelle Briquet ; Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
mobilisation des gendarmes pour les jeux olympiques
Mme Guylène Pantel ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
événements intervenus à annecy
M. Guillaume Gontard ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
M. Daniel Chasseing ; Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Daniel Chasseing.
activisme de l’association les soulèvements de la terre contre le maraîchage
Mme Laurence Garnier ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
contours de france travail et conditionnalité du rsa
Mme Monique Lubin ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; Mme Monique Lubin.
M. Philippe Tabarot ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
accord européen sur le télétravail
M. Jean-Marie Mizzon ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
décision du conseil français du culte musulman relative au port de l’abaya
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
pollution aux perfluorés dans le rhône
M. Gilbert-Luc Devinaz ; Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Gilbert-Luc Devinaz.
engagement de l’état dans le centre national de la fonction publique territoriale
M. Bruno Sido ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Bruno Sido.
impact pour les collectivités de l’augmentation du point d’indice
Mme Daphné Ract-Madoux ; M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
4. Demande par deux commissions des prérogatives d’une commission d’enquête
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
6. Revalorisation du métier de secrétaire de mairie. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques
Clôture de la discussion générale.
M. Stanislas Guerini, ministre
Amendement n° 10 rectifié de M. Cédric Vial. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 2 de M. Hussein Bourgi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Christian Bilhac. – Devenu sans objet.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur
Amendement n° 3 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié de M. Christian Bilhac. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 33 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 4 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 37 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Cédric Vial
Amendement n° 29 rectifié de M. Éric Gold. – Rectification.
Amendements identiques nos 11 rectifié bis de M. Cédric Vial et 29 rectifié bis de M. Éric Gold. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement n° 34 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 30 de M. François Patriat. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 7 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Cédric Vial. – Adoption.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jean-Michel Arnaud. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 20 rectifié de M. Philippe Folliot. – Rejet.
Amendement n° 31 de M. Hussein Bourgi. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 26 rectifié de M. Jean-Michel Arnaud. – Retrait.
Amendement n° 8 de M. Hussein Bourgi. – Retrait.
M. Stanislas Guerini, ministre
Adoption, par scrutin public n° 302, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
7. Protéger les logements contre l’occupation illicite. – Discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
Conclusions de la conférence des présidents
9. Communication d’un avis sur un projet de nomination
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
10. Protéger les logements contre l’occupation illicite. – Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 20 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 22 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 11 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 1er C (suppression maintenue)
Amendement n° 26 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 15 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 27 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 29 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Denis Bouad. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption définitive, par scrutin public n° 303, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
11. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
attaque à annecy
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cyril Pellevat. Madame la Première ministre, le 8 juin, l’horreur absolue a frappé la paisible ville d’Annecy. Sur les berges du lac, un assaillant a attaqué à l’arme blanche quatre très jeunes enfants, âgés de 22 à 36 mois. Deux d’entre eux ont vu leur pronostic vital engagé. Deux adultes ont également été gravement blessés.
Cet acte est de l’ordre de l’indicible : on protège un enfant, on le console, on l’éduque, mais jamais, ô grand jamais, on ne le poignarde dans sa poussette.
Le cœur de tous les Français s’est brisé pour les victimes et leurs parents, mais aussi pour les passants traumatisés. Je leur réitère notre entier soutien, car si l’inquiétude concernant l’état de santé des blessés s’est dissipée, le chemin de la guérison, tant physique que psychique, sera encore long.
Je tiens également à rendre hommage au préfet, à nos forces de l’ordre et de sécurité civile, aux soignants et aux héros du quotidien, comme Henri, pour leur bravoure. Leur formidable mobilisation a sans aucun doute permis d’éviter un bilan encore plus lourd. Je puis témoigner que le choc et l’effroi suscités par la cruauté d’une telle attaque ne les ont pas empêchés d’être admirables.
Je souhaite aussi exprimer ma reconnaissance aux élus locaux pour leur réactivité. Je pense en particulier au maire d’Annecy, François Astorg, que je veux assurer de mon soutien à l’heure où il fait l’objet d’attaques indignes.
Enfin, madame la Première ministre, nous vous sommes reconnaissants, à vous ainsi qu’au Président de la République et au ministre de l’intérieur et des outre-mer, de vous être rendus rapidement sur place pour exprimer le soutien de l’ensemble de la Nation.
Si l’heure est aujourd’hui au recueillement et s’il nous faut éviter les polémiques, plusieurs zones d’ombre demeurent. Je ne doute pas que l’enquête en cours permettra de nous éclairer sur le parcours, migratoire comme psychiatrique, de l’assaillant.
En tout état de cause, les premiers éléments qui nous sont parvenus nous interpellent.
Il semble en effet que les délais de traitement de la demande d’asile de l’assaillant ont été particulièrement longs, alors que celle-ci était manifestement irrecevable. Le système Eurodac permettait pourtant de vérifier que cet individu avait déjà obtenu le statut de réfugié en Suède.
Comment expliquez-vous, madame la Première ministre, que la décision de refus ne lui ait été signifiée que six mois après le dépôt de sa demande ?
En outre, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit qu’il est possible d’accorder la liberté de circulation aux ressortissants de pays tiers résidant sur le territoire d’un État membre.
Il s’agit bien, non pas d’une obligation, mais d’une faculté laissée à la discrétion des États. Je souhaite donc savoir si vous comptez restreindre ce droit qui a permis à cet homme de séjourner en France sans visa pour une durée de trois mois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, vous l’avez rappelé, jeudi dernier, dans la matinée, un homme a attaqué de très jeunes enfants dans un parc à Annecy.
Il n’y a rien de plus lâche, de plus choquant, de plus monstrueux que de s’en prendre à l’innocence, que de s’en prendre à de jeunes enfants.
Quatre enfants et deux adultes ont été grièvement blessés dans cette attaque.
Je me suis immédiatement rendue sur place avec le ministre de l’intérieur ; dès le lendemain, le Président de la République lui-même s’est tenu aux côtés des familles et a exprimé son soutien à tous les intervenants.
Au nom du Gouvernement et comme vous, monsieur le sénateur, je veux dire mes pensées à toutes les victimes, exprimer ma solidarité à leurs familles et à leurs proches et renouveler mon soutien aux habitants et aux familles d’Annecy, profondément choqués par cette attaque.
Je veux aussi adresser mes remerciements et rendre hommage avec vous aux forces de l’ordre qui sont intervenues de manière extrêmement rapide, ainsi qu’aux secours, aux soignants et aux citoyens, dont l’action a permis de sauver les victimes et d’éviter l’irréparable.
Monsieur le sénateur Pellevat, comme vous et comme tous les Français, je souhaite que la lumière soit faite sur les circonstances exactes de cette effroyable attaque. Une enquête est en cours. Elle permettra d’éclairer les faits, le parcours et les motivations de l’auteur.
En attendant les conclusions de cette enquête, l’heure est à la dignité, l’heure est au recueillement, l’heure est au soutien des victimes, de leur famille et des habitants d’Annecy.
Je puis vous assurer que, de son côté, le Gouvernement reste plus que jamais mobilisé pour protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
leçons à tirer du drame d’annecy
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Il faisait beau ce jeudi matin au bord du lac, sur le Pâquier, à Annecy. Tout à coup, dans le square, au pied du pont des Amours qui enjambe le canal du Vassé, un assaillant armé d’un couteau est venu poignarder plusieurs petits enfants jusque dans leurs poussettes, avant de s’en prendre à des personnes âgées.
Nous devons aux premiers témoins d’avoir ralenti l’agresseur, puis à la chaîne des forces de l’ordre, secouristes et soignants d’être intervenus avec une rapidité exceptionnelle, ce qui a permis de sauver la vie de toutes les victimes. Notre reconnaissance à leur égard est immense.
Depuis cet événement tragique, la ville et toute la Haute-Savoie sont sous le choc.
La venue des plus hautes autorités de l’État, notamment la vôtre le jour même, madame la Première ministre, et le rassemblement citoyen de dimanche dernier ont été des occasions d’exprimer notre unité et notre solidarité avec les familles.
Si quelques polémiques assez vaines ont été balayées, et c’est tant mieux, des questions lourdes restent posées et attendent des réponses courageuses, madame la Première ministre. Celles-ci sont à mes yeux de deux ordres : l’application des règles du droit d’asile et la psychiatrie.
En premier lieu, si le fonctionnement de l’espace Schengen fixe des règles européennes relatives à la liberté de circulation, il n’existe pas en soi de liberté d’établissement. L’auteur des faits semblerait avoir choisi de résider dans les rues d’Annecy depuis sept mois.
En second lieu, l’état de la psychiatrie hospitalière en Haute-Savoie est catastrophique. Des services ont été fermés à l’hôpital de Thonon pour être transférés à l’hôpital de La-Roche-sur-Foron, où un tiers des lits sont, là aussi, fermés par manque de personnel.
Dans ces conditions, comment imaginer une politique de prévention digne de ce nom ? Comment « aller vers » les personnes sans domicile fixe de plus en plus nombreuses, souvent d’origine étrangère, qui sont dans des situations de véritable marginalité ?
Madame la Première ministre, en parallèle avec l’enquête judiciaire en cours, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les décisions préventives que le Gouvernement entend prendre pour qu’un tel drame ne se reproduise jamais ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, vous avez raison de le dire, le drame survenu à Annecy jeudi dernier est un choc terrible pour tous nos concitoyens. À l’heure actuelle, les six blessés, parmi lesquels se trouvent quatre jeunes enfants, sont hors de danger. J’ai de nouveau une pensée pour eux, pour leurs familles et pour leurs proches.
Si nous avons évité le pire, nous devons cette issue heureuse à l’action des forces de l’ordre, des secours, des soignants et des citoyens. De nouveau, avec vous, monsieur le sénateur, je veux leur rendre hommage.
Aujourd’hui, l’enquête se poursuit. Elle permettra de tirer des conclusions sur le profil, l’état psychiatrique, le parcours et les intentions de l’assaillant. Je tiens à le redire : nous avons naturellement interrogé tous les services de renseignement des autres pays européens et nous avons naturellement interrogé les autorités judiciaires : aucun signalement, notamment psychiatrique, n’avait été fait concernant cet agresseur.
En parallèle, indépendamment de ce drame et de l’enquête, la mobilisation du Gouvernement continue, comme celle de tous les élus qui, comme vous, monsieur le sénateur, veulent agir pour la sécurité de nos concitoyens et veiller au respect de nos frontières.
J’en profite pour répondre à la question qui m’a été précédemment posée. Je pense en effet que les demandes d’asile émanant d’une personne qui a déjà le statut de réfugié dans un autre État membre doivent pouvoir être traitées plus rapidement.
Nous examinerons ce point, en complément des démarches importantes et des avancées dont nous sommes à l’initiative à l’échelon européen, et qui se sont notamment traduites, lors du dernier conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, par la définition d’une procédure de demande d’asile obligatoire aux frontières de l’Europe qui répond aux attentes de notre pays ainsi qu’à celle de nombreux États membres européens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
fin des tarifs réglementés de gaz au 30 juin 2023
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mes chers collègues, le 30 juin prochain, avec la suppression des tarifs réglementés de gaz, une nouvelle étape sera franchie dans la libéralisation du secteur de l’énergie. Celle-ci s’accompagnera de la fin du bouclier tarifaire, qui interviendra dès le lendemain.
Quelque 2,6 millions de foyers devront alors passer d’un contrat fixe et régulé à une offre de marché. C’est une folie dans cette période de crise énergétique.
Monsieur le ministre, vous avez une vision erronée des cours du gaz sur le marché mondial. La stabilité que nous observons depuis le début de l’année 2023 n’est en effet qu’une accalmie.
Les prix restent hauts et risquent d’augmenter de nouveau dès cet hiver, dans un contexte de concurrence mondiale pour la livraison de gaz qatari et de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, mais aussi de reprise économique de l’industrie chinoise.
Souvenez-vous, la concurrence devait faire baisser les prix. Rien que pour le gaz, le résultat est une augmentation des tarifs de plus de 90 % en une décennie, et un bond de plus de 50 % depuis la crise énergétique !
Plus personne ne croit en votre fable, car les usagers, nos entreprises et nos collectivités subissent un véritable racket au profit des acteurs alternatifs et des traders qui gonflent leurs dividendes grâce au marché européen de l’énergie.
Dans ce contexte, notre groupe a déposé une proposition de loi visant à la prolongation des tarifs réglementés de vente du gaz et à leur extension.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prolonger les tarifs réglementés ? Ou allez-vous laisser 2,6 millions de foyers être livrés au marché et s’enfoncer dans la précarité énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Fabien Gay, c’est non pas une fable, mais la réalité que je vais vous raconter : depuis un peu plus d’un an, les ménages français sont protégés contre la hausse des prix du gaz – et les tarifs réglementés de vente (TRV) n’ont rien à voir dans l’affaire.
La réalité, c’est que, TRV ou pas, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un bouclier tarifaire, les hausses des tarifs auraient été exceptionnelles – TRV ou pas, je le répète.
Vous savez très bien ce qui se passera au 1er juillet prochain, monsieur le sénateur : les TRV disparaîtront, conformément à la loi relative à l’énergie et au climat votée par les deux chambres du Parlement et promulguée en 2019.
Cela n’entraînera aucun changement pour la plupart des 2,6 millions de ménages que vous avez mentionnés, puisque, par défaut, ils basculeront sur le tarif dit Passerelle d’Engie. (M. Fabien Gay s’exclame.) Quant à ceux qui auront décidé de changer de fournisseur, sans doute parce qu’ils considèrent que le nouveau fournisseur est meilleur marché, ils bénéficieront peut-être même de baisses de prix.
M. Fabien Gay. C’est ça !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Au total, vous le voyez bien, nous protégeons les ménages français par le bouclier tarifaire. Vous le savez, le gaz est aujourd’hui revenu à ses prix les plus bas, ceux qui prévalaient avant la crise et avant la guerre en Ukraine. (M. Fabien Gay s’exclame.) Il faut reconnaître que le marché européen nous y aide.
Évidemment, il faut changer le marché européen. Nous le faisons en profondeur, notamment en matière de fixation des prix de l’électricité.
Pour l’heure, ne faites pas peur à des ménages qui, je le répète, au 1er juillet prochain, ne verront rien, si ce n’est peut-être, pour certains d’entre eux, une baisse de tarifs. (Mme Cathy Apourceau-Poly s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, jusqu’à quand allons-nous respecter des règles européennes que plus personne ne respecte sauf nous ?
Les Portugais et les Espagnols ont obtenu une dérogation. Aujourd’hui même, les Allemands ont annoncé un plan de 50 milliards d’euros, notamment pour subventionner le prix du gaz. Quant à nous, nous restons pieds et poings liés à ces règles que plus personne ne respecte et qui mettent à mal nos collectivités, nos entreprises et, surtout, les usagers.
Il est urgent de recréer un grand service public de l’énergie autour d’un monopole public. Si vous ne le faites pas, nous le ferons à votre place ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
plan pour la petite enfance
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Comment évoquer les problèmes de l’enfance sans mentionner à mon tour le drame terrible survenu récemment dans notre pays, acte odieux et monstrueux que nous condamnons tous avec fermeté ? Nos pensées vont, comme les vôtres, madame la Première ministre, à la fois aux victimes, aux familles et aux proches.
Sans transition, madame la Première ministre, je souhaite vous interroger sur le problème de l’enfance. J’associe à ma question mon ami Xavier Iacovelli, particulièrement impliqué dans ce domaine. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Cela a été occulté par les événements dramatiques que nous venons de connaître, mais vous avez annoncé il y a quelques jours, à l’issue du Conseil national de la refondation Petite enfance, la création d’un service public de la petite enfance visant à assurer un meilleur accueil pour les enfants en bas âge dans notre pays. Cette annonce répond à un engagement pris à de multiples reprises par le Président de la République, engagement que vous avez tenu, madame la Première ministre.
Recrutements insuffisants, disparités régionales, inégalités sociales importantes : il est aujourd’hui indispensable de revaloriser le métier d’accueil, qui est à la fois un pilier de notre politique familiale et un pivot d’un accès équitable à l’emploi et au travail. Il s’agit donc d’une étape supplémentaire de la politique en faveur du plein emploi que le Gouvernement tient à faire avancer.
Ce fonds est doté de 1,5 milliard de francs… (« D’euros ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) Non, 1,5 milliard d’euros – excusez-moi, mes chers collègues, c’est parce que le montant m’impressionne ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Ce fonds est donc doté de 1,5 milliard d’euros par an, soit environ 5,5 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat, qui seront débloqués par l’État.
Madame la Première ministre, vous avez de plus annoncé, répondant en cela aux attentes acteurs de terrain, que les communes seraient demain les autorités organisatrices de l’offre d’accueil.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Patriat. Notre assemblée, comme les communes concernées, porte grand intérêt à ce nouveau dispositif. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Pouvez-vous nous donner quelques détails sur ce service public de la petite enfance, madame la Première ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président François Patriat, assurer l’accueil de la petite enfance, c’est construire l’avenir de notre pays et montrer le modèle de société que nous voulons.
En améliorant l’accueil des jeunes enfants, nous répondons en effet à l’une des premières préoccupations des parents, nous avançons pour l’égalité entre les femmes et les hommes et nous levons l’un des freins majeurs à l’emploi.
Depuis six ans, nous avons avancé, mais les parents vivent trop souvent un parcours d’obstacles pour obtenir une place d’accueil. Qui plus est, de fortes inégalités sociales persistent. Au total, le nombre de places reste insuffisant.
C’est pourquoi, conformément aux engagements du Président de la République, j’ai annoncé un plan ambitieux avec le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, Jean-Christophe Combe, pour lancer un véritable service public de la petite enfance,…
Mme Sophie Primas. Payé par qui ?
M. Roger Karoutchi. Par les communes !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … créer 200 000 places d’accueil supplémentaires d’ici à 2030 et garantir à tous les parents une solution pour leurs enfants.
Notre objectif est d’abord de permettre une meilleure coordination entre les acteurs, en confortant les maires dans leurs missions, par la création d’un statut d’autorité organisatrice de l’offre d’accueil. Je connais l’engagement des maires, et je veux le saluer.
Ainsi, le projet de loi pour le plein emploi, qui comportera les mesures législatives correspondantes, prévoit que les offres d’accueil et les besoins des parents sont recensés à l’échelle de la commune.
Il prévoit également que les grandes communes élaborent des schémas stratégiques pour définir une trajectoire de développement de l’offre adaptée aux besoins des familles. Je sais, monsieur le sénateur François Patriat, que votre groupe y est particulièrement attentif. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous allons ensuite augmenter considérablement les moyens consacrés à la petite enfance, conformément à ce que nous avons prévu dans notre trajectoire budgétaire, en investissant plus de 5 milliards d’euros supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Il s’agit d’accompagner les investissements des collectivités, mais aussi, comme elles le souhaitent, de couvrir davantage les coûts de fonctionnement de ces nouvelles places en crèche.
Nous voulons également faciliter la vie des parents, œuvrer à l’attractivité des métiers et améliorer la formation des professionnels de la petite enfance, auxquels je veux rendre hommage.
Nous souhaitons enfin améliorer la confiance dans le système d’accueil, notamment en renforçant les dispositifs de contrôle. J’ai confié à la présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, Florence Dabin, une mission visant à identifier des solutions rapides et efficaces pour prévenir la maltraitance.
Monsieur le président Patriat, avec le service public de la petite enfance, nous garantissons l’accès à une solution d’accueil pour tous, nous agissons pour le plein emploi en levant une barrière au retour au travail, nous œuvrons pour l’égalité des chances et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce sont des objectifs que, je n’en doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, vous partagez tous sur ses travées. Avec la mobilisation de tous les acteurs et des élus, nous réussirons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
aide humanitaire de la france à l’ukraine
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Marie-Arlette Carlotti, s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Madame la ministre, alors que la guerre se poursuit en Ukraine et que les populations civiles continuent d’y vivre sous les bombardements incessants, je m’interroge sur la stratégie du Gouvernement pour ce qui concerne l’accompagnement à la nécessaire reconstruction de ce pays ami.
Ces derniers mois, les bombardements russes ont spécifiquement ciblé les infrastructures civiles. Le barrage de Kakhovka en est, malheureusement, le dernier exemple en date.
Ces bombardements désorganisent le pays, affectent le quotidien de millions d’Ukrainiens, amoindrissent leurs conditions de résistance et soulèvent la question de la reconstruction.
S’il a apporté un soutien financier à l’Ukraine, le gouvernement français n’a pas précisé sa stratégie en matière d’accompagnement des autorités ukrainiennes dans le rétablissement des services essentiels à la vie quotidienne de la population.
Quels secteurs seront concernés en priorité ? Avec quels moyens ? Dans quel cadre ?
Certains pays de l’Union européenne sont d’ores et déjà présents pour appuyer les efforts du gouvernement ukrainien dans de nombreux secteurs d’activité. La France n’est pas, pour l’instant, au rendez-vous.
Des opérateurs nationaux, notamment privés, se sont pourtant dits prêts à s’engager en faveur de ce pays allié, à condition que la zone rouge soit au moins partiellement levée. Cela rendrait possible leur action dans un contexte relativement moins incertain. Est-ce envisagé, et si oui, sous quels délais ?
Je souhaiterais également savoir quel est le mandat donné aux opérateurs publics tels qu’Expertise France ou que l’Agence française de développement (AFD), car à défaut, une action concertée ne sera pas possible.
Madame la ministre, aujourd’hui et, surtout, demain, la France doit et devra être aux côtés du peuple ukrainien ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, l’Ukraine ne sera pas vaincue. Elle se relèvera et, lorsqu’elle aura surmonté cette épreuve, elle sera unie et pleinement ancrée dans la famille européenne. Nous en avons la conviction.
Nous avons tout d’abord fourni à l’Ukraine une aide d’urgence, imposée par la guerre, qu’elle soit militaire – on en parle souvent – ou civile, notamment lors des moments les plus difficiles de l’hiver. Nous avons ainsi contribué à la résilience du peuple ukrainien.
Nous envoyons également de l’aide humanitaire. Depuis le sabotage du barrage, nous avons déjà envoyé dix tonnes de matériel.
Ensuite, nous travaillons d’ores et déjà à l’après. C’est la raison pour laquelle nous avons nommé, au mois de mars dernier – la France fut le premier pays du G7 à le faire –, un envoyé spécial pour l’aide économique et la reconstruction de l’Ukraine, en la personne de Pierre Heilbronn. Celui-ci travaille en lien avec les Ukrainiens afin d’identifier leurs besoins prioritaires, et avec les bailleurs internationaux pour construire les financements.
La France met aussi en place des mesures concrètes pour les entreprises françaises qui souhaiteraient s’engager en Ukraine. Si celles-ci sont nombreuses – la conférence qui s’est tenue le 13 décembre dernier à Bercy l’a montré –, nous réfléchissons aux règles de sécurité qui doivent encadrer cet engagement, madame la sénatrice, sachant que l’Ukraine est pour l’heure un pays en guerre.
Enfin, je participerai le 21 juin, à Londres, à une conférence internationale sur la reconstruction de l’Ukraine. À cette occasion, j’annoncerai notamment de nouveaux financements pour la reconstruction des infrastructures civiles critiques, qui, comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, sont attaquées jour après jour par la Russie.
Vous le voyez, madame la sénatrice, il n’est pas trop tôt pour s’occuper de l’après et c’est ce que nous faisons, depuis des mois déjà.
mobilisation des gendarmes pour les jeux olympiques
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Les jeux Olympiques et Paralympiques se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août 2024 et du 28 août au 8 septembre 2024. Ce rendez-vous est très attendu par nos concitoyens, tant il revêt une dimension populaire et multiculturelle.
Le 23 mai dernier, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a signé un protocole pour assurer la sécurité de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Au total, 35 000 membres des forces de l’ordre seront mobilisés, qu’ils soient gendarmes, policiers ou agents du ministère des armées. Des agents de sécurité privée et de la Ville de Paris compléteront le dispositif. Le ministre a également annoncé le déploiement de 2 800 agents supplémentaires d’ici à l’ouverture des Jeux.
Il ne fait aucun doute que ces décisions sont le fruit d’une évaluation précise des besoins pour une manifestation de cette envergure. Toutefois, l’on commence à craindre dans nos territoires ruraux une probable réquisition complémentaire des agents des services de sécurité publique, qui exercent quotidiennement dans nos brigades de gendarmerie et dans nos commissariats de police.
En conséquence, il pourrait être impossible, durant cette période, faute d’effectifs, d’assurer la protection des événements sociaux, culturels et sportifs dans nos régions, le risque étant même qu’ils ne soient annulés.
Or bon nombre d’associations n’ont pas les moyens financiers de recourir aux services de sociétés de sécurité privées. Quant aux petites communes, elles ne disposent pas de policiers municipaux.
Avant que la flamme olympique ne gagne Paris, elle devrait traverser plus de soixante départements. Vous conviendrez, madame la secrétaire d’État, que cela ne servirait à rien si une partie des Français étaient privés d’un été festif en 2024.
Que prévoyez-vous donc pour garantir l’équilibre territorial des effectifs des services de sécurité publique durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques, notamment dans les territoires ruraux ? Les renforts estivaux seront-ils maintenus ? Les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) ne seront-ils pas déplacés ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Pantel, les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, vous le savez, sont un événement planétaire qui nécessitera une mobilisation totale et sans précédent de nos forces de sécurité. Gérald Darmanin a eu l’occasion de le dire devant vous.
L’engagement du ministère de l’intérieur et des outre-mer ne pourra être que total pour garantir une sécurisation optimale de l’événement, mais aussi pour assurer la sécurité de nos concitoyens dans les territoires.
Les forces de sécurité intérieure seront en première ligne, vous l’avez dit. Chaque jour, près de 35 000 agents des forces de sécurité intérieure seront mobilisés. La réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, forte de 31 000 femmes et hommes, et les réserves des écoles de police et de gendarmerie seront également mobilisées.
La décision a été prise de suspendre, le temps des Jeux, la distinction entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie, ce qui permettra une organisation par mission plus adaptée à la situation.
L’engagement des personnels de sécurité privée, des agents des polices municipales et des militaires des forces armées sera nécessaire pour parfaire le dispositif global.
Bien sûr, nous pourrons compter sur l’appui de l’ensemble des technologies de sécurité et de renseignement autorisées par la loi.
Sur l’ensemble du territoire national, les forces de sécurité seront mobilisées pour garantir la sécurité quotidienne des Français. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer, vous le savez, a demandé aux préfets de mettre en œuvre des plans zéro délinquance.
Vous le voyez, madame la sénatrice, tout est fait pour anticiper et préparer au mieux cet événement majeur pour la France sans mettre en difficulté les territoires. Nous savons que nous pouvons compter sur l’entière mobilisation des femmes et des hommes de la gendarmerie et de la police nationales. Nos forces de sécurité seront, n’en doutons pas, à la hauteur. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
événements intervenus à annecy
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, jeudi dernier, l’horreur a frappé Annecy et a étreint le cœur du pays tout entier : sept personnes, dont quatre enfants, ont été victimes d’une sauvagerie aussi absurde qu’incompréhensible.
À toutes les victimes, à leurs parents, à leurs familles, à leurs proches, à la ville d’Annecy meurtrie, à son maire, François Astorg, à la France sidérée, les écologistes apportent tout leur soutien.
Le pire de l’humanité côtoie souvent le meilleur. Nous admirons l’héroïsme des passants, qui ont tenté de s’interposer, et celui d’Henri, qui a mis l’assaillant en fuite. Nous saluons le professionnalisme des forces de l’ordre, qui ont interpellé rapidement l’individu, le sang-froid de celles et de ceux qui ont prodigué à temps les premiers soins. Nous remercions les médecins, qui ont travaillé sans relâche. Grâce au bouclier inestimable que constituent nos services publics, le pire a été évité.
Madame la Première ministre, alors que les vautours avaient quitté leur nid plus vite qu’à l’accoutumée, vous avez, avec la droiture que nous vous connaissons, appelé chacun à la dignité. Nous saluons ce propos et nous le faisons nôtre.
Face à l’horreur, le plus grand danger qui guette le corps social est la désunion.
Face à la folie, la colère et la haine, émotions compréhensibles, sont néanmoins parfaitement vaines.
La haine néonazie qui s’est déversée en toute impunité dans les rues d’Annecy appelle la condamnation la plus ferme de tous les républicains.
La haine raciste qui se déchaîne contre le maire d’Annecy appelle le soutien sans faille de toute la classe politique.
Nous appelons chacun et chacune à ne pas céder aux sirènes de la démagogie, à ignorer les solutions toutes faites, aussi ineptes qu’injustes. La haine, la peur et le rejet de l’autre ne protégeront jamais nos enfants, bien au contraire.
Ce sont la justice, la bienveillance, l’inclusion, la solidarité, la prise en charge de la maladie mentale, tout ce qui permet de lutter contre la misère et l’isolement, tout ce qui renforce la communauté humaine qui protégeront la Nation et ses enfants.
Madame la Première ministre, que comptez-vous faire pour assurer la tenue de cette ligne de dignité ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Gontard, vous avez rappelé les faits. Le drame qui a touché Annecy jeudi dernier a profondément marqué notre communauté nationale.
Qu’il me soit permis, de nouveau, d’exprimer mon soutien aux victimes, ma solidarité envers les familles, les proches et les Annéciens.
Qu’il me soit permis, encore, car nous ne le faisons jamais assez, de rendre hommage à la police nationale, à la police municipale, aux secours, aux soignants et aux citoyens qui ont permis de stopper rapidement ce drame et de sauver les victimes. À l’heure qu’il est, leurs jours ne sont plus en danger.
Monsieur le président Gontard, l’enquête fera la lumière sur les circonstances précises de ce drame ; il ne m’appartient pas d’en anticiper les conclusions.
Certains ont tenté de qualifier les faits et leur auteur alors même que nous ne connaissions pas l’identité de ce dernier et que certaines victimes étaient entre la vie et la mort. Face à un tel drame, il n’y a pas de place pour des polémiques politiciennes.
Soyez assuré, monsieur le président, que je refuserai toujours les accusations hâtives et les tentatives de récupération. Elles ne sont pas dignes du drame que nous avons traversé.
Le ministre de l’intérieur et les forces de sécurité intérieure sont mobilisés. Nous sommes au travail pour protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
revenus des infirmières
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Le Président de la République veut renforcer la souveraineté de la France en matière de production de médicaments, c’est bien.
Il faut toutefois également améliorer les conditions de travail des infirmières libérales.
J’ai récemment rencontré en Corrèze les représentants d’un collectif de trois cent quarante infirmières. Tous les jours de la semaine, week-ends et jours fériés compris, ces professionnelles, passionnées par leur métier, se rendent au domicile de personnes dépendantes afin de leur prodiguer des soins chroniques.
Piliers du maintien à domicile, elles sont pourtant maltraitées en termes de revenus. L’indemnité forfaitaire de déplacement est passée de 2,30 euros à 2,50 euros en 2011 ; l’indemnité kilométrique de 0,35 euro à 0,50 euro en 2009 ; et les actes médicaux infirmiers de 3 euros à 3,15 euros en 2009. Depuis, aucune augmentation n’est intervenue !
Dans la nomenclature des actes, le bilan des soins infirmiers (BSI) a remplacé les actes infirmiers de soins (AIS). Il existe trois forfaits : le BSA pour une prise en charge légère, le BSB pour une prise en charge intermédiaire et le BSC pour une prise en charge lourde.
À titre d’exemple, une personne âgée de 93 ans, dépendante, mais non incontinente, est classée BSA. Dans son cas, trois passages à domicile sont prévus : le matin pour une toilette lourde, le midi pour la prise de médicaments et le soir pour une nouvelle toilette. Alors que l’infirmière percevait 36 euros dans le cadre des AIS, elle ne peut plus facturer aujourd’hui que le BSA, soit 13 euros.
Certaines infirmières sont obligées de refuser des soins. De nombreux actes sont hors nomenclature.
Madame la ministre, il faut conserver les infirmières. Elles sont les collaboratrices indispensables des médecins, les fantassins du maintien à domicile. Pourtant, elles n’ont bénéficié d’aucune revalorisation depuis 2011.
Comptez-vous prendre en compte leurs légitimes revendications ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Chasseing, vous avez raison de souligner l’importance et le rôle primordial des infirmiers et infirmières libéraux dans notre système de santé. Il s’agit de la première profession de santé libérale en France métropolitaine. Elle est également la plus présente en zone rurale et dans les petites agglomérations.
François Braun et moi-même ne cessons de le réaffirmer : le Gouvernement soutient l’implication essentielle des infirmiers libéraux auprès des patients. À cet égard, nous accordons bien entendu une importance prioritaire à la question de leur rémunération, d’une part, parce qu’il est important de reconnaître financièrement l’étendue des services de santé qu’ils assurent, d’autre part, parce que, comme l’ensemble de nos concitoyens, les infirmiers diplômés d’État libéraux (Idel) sont touchés par les tensions sur le pouvoir d’achat qui affectent l’ensemble des secteurs économiques.
Face à cette situation, nous avons souhaité que les partenaires conventionnels mènent des négociations ciblées en vue d’apporter rapidement un soutien à l’activité de soins des Idel. Ces discussions se sont ouvertes avec l’assurance maladie. Les échanges de la semaine dernière se sont bien déroulés et devraient, nous l’espérons, aboutir rapidement à un accord. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Je sais par ailleurs que des débats relatifs au déploiement des bilans de soins infirmiers traversent la profession. J’ai eu l’occasion de suivre la tournée d’une infirmière libérale, avec qui j’ai discuté longuement de ce sujet.
Si le déploiement du BSI a été décalé, cette réforme du mode de financement des actes infirmiers demeure pertinente – je tiens à vous rassurer sur ce point, monsieur le sénateur –, et nous souhaitons la poursuivre rapidement. Il s’agit en effet d’un outil efficace, dont les infirmiers se sont d’ores et déjà saisis.
Une meilleure reconnaissance des Idel passe aussi par une meilleure connaissance de leurs compétences, de leur expertise et par l’ouverture d’un nouveau champ d’exercice autonome en exercice coordonné pour la prise en charge des plaies chroniques, le droit de prescription et d’administration de l’ensemble des vaccins ou encore l’expérimentation de la réalisation de certificat de décès.
Enfin, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, déposée par Frédéric Valletoux, le Gouvernement soutiendra un amendement visant à créer le statut d’infirmier référent.
Nous travaillons également à la définition de ce statut dans le cadre de l’ambitieux chantier de refondation du métier d’infirmier que nous avons ouvert le 26 mai dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie, madame la ministre, d’être à l’écoute de ces professionnelles. Elles font un travail formidable pour le maintien à domicile. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
activisme de l’association les soulèvements de la terre contre le maraîchage
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Madame la Première ministre, dimanche dernier, des délinquants des Soulèvements de la Terre ont violé des propriétés privées, détruit des outils de travail, saccagé les cultures des maraîchers nantais. Ils ont arraché des cultures expérimentales, économes en eau, qui étaient précisément destinées à préparer la transition écologique du maraîchage.
Sur le site, et c’est encore plus grave, des élus ceints de leur écharpe tricolore étaient présents aux côtés de ces délinquants. Ils sont la honte de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et RDPI.)
Le 25 mai, à Saint-Brévin-les-Pins, ils défilaient, la main sur le cœur, contre les violences d’extrême droite ; le 11 juin, à Pont-Saint-Martin, ils soutenaient les violences des écoterroristes d’extrême gauche.
Madame la Première ministre, vous êtes garante de l’ordre public et vous avez les moyens d’agir.
Les conseils des ministres se succèdent, mais la dissolution promise des Soulèvements de la Terre n’a toujours pas été prononcée. C’est pour quand ?
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Laurence Garnier. Vous devez aussi agir à l’encontre des élus présents et demander à votre ministre de l’intérieur et des outre-mer de les suspendre de leurs fonctions, comme le code général des collectivités territoriales l’y autorise.
M. David Assouline. Vous aussi, vous en voulez aux élus ?
Mme Laurence Garnier. L’écologie est en train de devenir le totem d’immunité d’une extrême gauche qui appelle de ses vœux la « zadisation » de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Madame la Première ministre, vous avez cédé à Notre-Dame-des-Landes. Ne cédez plus face au totalitarisme vert. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Laurence Garnier, je vous remercie de votre question.
Le constat que vous faites est très largement partagé, indépendamment d’ailleurs des clivages politiques. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Quand on milite pour le climat, on n’arrache pas des salades et du muguet. Quand on milite pour la Terre, on ne harcèle pas et on n’humilie pas les agriculteurs, qui nous nourrissent et qui font vivre la terre.
Quand on prétend défendre une cause sociale, écologique, humaniste, on ne s’en prend pas aux personnes ni aux forces de l’ordre. On n’organise pas des manifestations interdites. Ce sont là des évidences.
Aussi, je vous confirme que la Première ministre et le Gouvernement ont la ferme intention de présenter en conseil des ministres le dossier de dissolution des Soulèvements de la Terre.
M. David Assouline. Et celle du GUD, c’est pour quand ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. Le dossier, qui doit être impeccable, est en cours de constitution.
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la présence d’élus à ces manifestations. Il y a clairement quelque chose qui ne va pas. Un élu de la République, quel que soit son mandat, quel que soit le parti auquel il appartient, n’a pas à participer à une manifestation lorsqu’elle est interdite par la préfecture. C’est la base ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué. Un élu de la République n’a pas à cautionner par sa présence des exactions, en l’occurrence contre des agriculteurs, et d’autant moins quand il prétend par ailleurs défendre ces derniers lorsqu’il est dans son territoire ou sa circonscription. Ça aussi, c’est la base, madame la sénatrice : nous sommes pleinement d’accord sur ce sujet. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
Enfin, quand on arbore une écharpe tricolore, quand on est investi de la confiance de ses concitoyens, qu’on est porteur d’un mandat, qu’il soit local ou national, on doit tout simplement en être digne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. David Assouline. Cela ne vous rapportera aucune voix !
contours de france travail et conditionnalité du rsa
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, le rapport très bien documenté que vient de publier l’Observatoire des inégalités prouve, s’il le fallait encore, avec des arguments extrêmement sérieux, que la fracture sociale continue de s’aggraver dans notre pays.
Les ouvriers et les employés, qui représentent 20 % de la population, ne voient pas leurs conditions de vie s’améliorer. Pis, ils jugent que leurs enfants n’ont pas de perspectives d’avenir. En outre, ils subissent de plein fouet la réforme des retraites, qui les pénalisera en premier. Je n’y reviens pas.
Un projet de loi relatif au plein emploi nous sera prochainement soumis. Il était question que ce texte prévoie des heures de travail obligatoires pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cette mesure n’y figure plus. D’abord, elle était pour le moins incongrue, ensuite, elle était impossible à mettre en œuvre.
Il reste que selon nous, ce projet de loi servira une fois de plus à jeter l’opprobre sur les plus pauvres et à les stigmatiser. Penser qu’on pourra faire travailler des gens qui sont aujourd’hui les plus éloignés de l’emploi relève d’un raisonnement simpliste. Ceux qui sont aujourd’hui encore au RSA sont ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi.
Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre dans les prochains mois pour enfin vous attaquer à la fracture sociale, sans pour autant stigmatiser, comme toujours, les plus pauvres ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Lubin, vous m’interrogez sur les difficultés liées à la fracture sociale. Parmi les causes de cette fracture figurent la précarité et le maintien dans la précarité, ainsi que l’exclusion et le maintien dans l’exclusion.
Selon un rapport publié au début de l’année 2022 par la Cour des comptes, lui aussi très bien documenté, sept ans après une première inscription au RSA, 42 % des bénéficiaires sont toujours inscrits au RSA, soit de manière continue, soit de manière récurrente, et seulement 33 % de ces mêmes inscrits ont retrouvé un emploi, lequel, souvent, n’est pas stable – et c’est un euphémisme.
Il nous faut agir. Le fait que quatre allocataires sur dix soient toujours au RSA au bout de sept ans signe une forme d’échec collectif.
C’est un échec en termes de formation. Nous y répondons avec le plan d’investissement dans les compétences (PIC). Cela prend du temps, mais c’est efficace.
C’est un échec de notre capacité à accompagner. Lorsque le revenu minimum d’insertion (RMI) a été créé en 1988, la loi prévoyait que 20 % des fonds devaient être consacrés à l’insertion et 80 % à l’allocation. Aujourd’hui, nous consacrons moins de 10 % des fonds à l’insertion. C’est aussi une explication.
Le Gouvernement souhaite investir de manière massive dans l’accompagnement, comme cela est préconisé dans le rapport que m’a remis le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises au mois d’avril.
Nous souhaitons réformer l’accompagnement des allocataires du RSA, d’abord – je l’ai dit – en y consacrant des moyens, ensuite en prévoyant un diagnostic social et professionnel de chacun, ainsi qu’un suivi.
Aujourd’hui, près d’un allocataire sur cinq, soit 17 % des allocataires, ne bénéficie ni d’un suivi social ni d’un suivi professionnel. Nous souhaitons donc élaborer avec eux, en application de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion, un contrat d’engagement réciproque prévoyant des activités d’insertion, de formation et d’accompagnement. Il s’agit, non pas de bénévolat obligatoire ni de travail gratuit, mais d’accompagnement.
Obtiendrons-nous des résultats pour tout le monde ? Peut-être pas. Mais le pire serait de renoncer, car 1,95 million de foyers ne vivent aujourd’hui que du RSA,…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. … ce qui n’est pas une situation acceptable. C’est cela qui nourrit la fracture sociale que vous dénoncez, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, une fois n’est pas coutume, je partage votre point de vue. Le rapport de la Cour des comptes est parfaitement explicite. Nous savons que, dans une mesure assez importante, l’inclusion ne fonctionne pas.
Cela étant, le projet de loi dont nous aurons l’occasion de discuter contient certaines mesures dont je ne comprends pas bien l’utilité. En revanche, je n’ai pas vu qu’il prévoyait des moyens supplémentaires. Je crains qu’on ne confie l’insertion des bénéficiaires du RSA…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Monique Lubin. … à des personnes qui ne connaissent pas suffisamment ces publics. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
zones à faibles émissions
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
La loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ont engagé la mise en place progressive de zones à faibles émissions (ZFE).
L’objectif est d’éviter 7 000 décès, qui, chaque année, sont directement liés aux oxydes d’azote, ces derniers provenant majoritairement du transport routier.
Pour autant, comme vous le savez, monsieur le ministre, ces mesures sont mal vécues par un grand nombre de nos concitoyens. Cette mauvaise perception est confirmée par une consultation sénatoriale : 86 % des plus de 50 000 personnes interrogées sont défavorables ou très défavorables aux ZFE.
Nos concitoyens voudraient bien, mais ne peuvent pas toujours se séparer de leur automobile, faute de moyens pour le faire ou de transports en commun adaptés.
C’est la raison pour laquelle la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a souhaité, après avoir procédé à une cinquantaine d’auditions, présenter un rapport d’information intitulé Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l’impasse, que nous espérons réaliste, concret et de bon sens.
Au terme de ce travail, nous avons formulé un certain nombre de recommandations en réponse aux inquiétudes de nos concitoyens, auxquelles se mêlent parfois colère et rejet, dans le contexte que nous connaissons de baisse du pouvoir d’achat.
Aussi, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à renforcer les dispositifs d’accompagnement pour les ménages modestes et ceux qui résident loin des ZFE, tels que le prêt à taux zéro ou le leasing social ?
Êtes-vous prêt à synchroniser le développement d’offres de transport en commun et à assouplir le calendrier de restriction de circulation, comme le Sénat le préconise ?
Êtes-vous prêt à rendre ce dispositif plus lisible et à engager une réelle planification de plus long terme, pour éviter d’envoyer 13 millions d’automobiles à la casse dans moins de deux ans ?
Êtes-vous prêt, tout simplement, à réconcilier qualité de l’air et acceptabilité sociale ?
Si tel n’est pas le cas, monsieur le ministre, il est à craindre que les tensions sociales que les gouvernements ont connues à la suite de la hausse du prix du carburant, de l’instauration des limitations de vitesse à quatre-vingts kilomètres par heure ou de la taxe carbone ne soient qu’un hors-d’œuvre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Tabarot, avant toute chose, sachez que je suis prêt à vous recevoir, ainsi que le président Longeot, pour que vous puissiez me remettre le rapport sénatorial que vous venez d’évoquer, dont je salue l’existence et la temporalité.
Comme je vous l’ai indiqué ici même voilà quelques semaines, l’association France urbaine et les élus qui sont déjà concernés par une partie des ZFE, à commencer par Jean-Luc Moudenc, premier vice-président de France urbaine, et Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, me remettront le 10 juillet prochain un rapport présentant tout ce qui, selon eux, ne va pas, tout ce qu’il convient d’améliorer et la manière de rendre plus facile, plus acceptable et plus soutenable l’ensemble du dispositif des ZFE.
J’ai lu dans des articles de presse des idées qui me semblent pertinentes.
Permettez-moi toutefois de vous livrer dès maintenant un ou deux éléments susceptibles de contribuer à apaiser les inquiétudes.
La loi ne prévoit nullement l’interdiction pour les véhicules Crit’Air 2 de circuler un jour dans les ZFE. Quant aux véhicules Crit’Air 3, il n’y a que dans les agglomérations qui connaîtraient un dépassement de seuils qu’ils ne pourront plus circuler. Le nombre d’agglomérations susceptibles de se trouver dans cette situation est à l’heure actuelle de cinq.
La loi prévoit qu’une partie des quarante-trois agglomérations concernées pourront bénéficier d’exonérations compte tenu de la qualité de leur air. Nous sommes sur le point de publier ces chiffres. De nombreuses agglomérations de plus de 150 000 habitants sont concernées.
Je vous rejoins sur de nombreux points, monsieur le sénateur. Si nous avions demandé aux Français s’ils étaient favorables à la diminution du nombre de décès provoqués par les particules fines et le dioxyde d’azote, ainsi qu’à l’augmentation de l’espérance de vie, 100 % d’entre eux auraient répondu oui. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour autant, ce n’est pas parce qu’un objectif est noble que les moyens qui permettent de l’atteindre ne doivent pas être étudiés de manière fine.
Vous indiquez, y compris dans votre rapport, que la pollution de l’air n’est pas due exclusivement au transport routier, et qu’une approche globale est nécessaire.
Pour notre part, notre objectif est simple : protéger la santé de nos concitoyens, mettre en œuvre une réforme concrète et assouplir le dispositif des ZFE en préservant l’essentiel, mais en évitant les crispations qui pourraient résulter d’une application aveugle.
accord européen sur le télétravail
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon. J’ai bien conscience que ma question, qui s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, ne concerne ni la totalité du territoire national ni l’intégralité des Français, mais il se trouve qu’elle appelle une réponse à l’échelon national.
Je souhaite en effet vous interroger, monsieur le ministre, sur la ratification par la France d’un accord européen relatif à la durée du travail en télétravail des travailleurs frontaliers, accord qui, comme vous le savez, permettra dès le 1er juillet prochain à un salarié, avec l’autorisation de son employeur, de porter de 25 % à 45 % le temps de travail réalisé en télétravail, tout en conservant – c’est l’avantage – son régime de couverture sociale.
Dans mon département, le beau département de la Moselle, que je vous invite à visiter, monsieur le ministre, plus de 100 000 travailleurs frontaliers s’efforcent quotidiennement de passer la frontière, avec beaucoup de difficultés, car toutes les voies routières ou autoroutières sont saturées. Quant aux bus et aux trains, ils sont tous bondés.
L’accord européen pourrait permettre de régler non seulement le volet social, mais aussi le volet environnemental du télétravail, et de rendre moins pénible la vie de ces habitants.
Pour que cette avancée soit effective, encore faut-il que la France, comme l’ont fait l’Allemagne et la Belgique, ratifie cet accord.
Monsieur le ministre, quand la France ratifiera-t-elle cet accord ? Le ratifierez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la signature possible par la France de l’accord multilatéral relatif au télétravail.
Je rappelle que, en application du règlement européen n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les travailleurs qui télétravaillent actuellement plus d’un jour par semaine dans leur État de résidence voient leur protection sociale basculer de l’État de leur employeur à celui de leur lieu de résidence.
Depuis la crise du covid-19, les différents États membres se sont entendus, de manière dérogatoire et provisoire, pour augmenter le nombre de jours de télétravail possibles sans bascule dans la législation sociale de l’État de résidence. Cette période de flexibilité a permis de neutraliser les effets sociaux du télétravail et d’accompagner nos compatriotes frontaliers, alors que la crise du covid-19 a entraîné une augmentation très sensible de la durée du télétravail.
Les États membres ont souhaité travailler à une intégration plus durable de ces changements. Une commission administrative pour la coordination des régimes de sécurité sociale a donc été créée. Il a par ailleurs été décidé de prolonger la période de flexibilité jusqu’au 30 juin de cette année.
Les travaux de ce groupe ad hoc ont permis d’aboutir à un accord multilatéral, qui a d’ores et déjà obtenu l’agrément de certains États membres, ainsi que d’États frontaliers.
Nous examinons maintenant les conséquences précises de cet accord. Comme vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, en leur permettant de travailler depuis leur domicile plus facilement, celui-ci simplifie la vie de nos concitoyens transfrontaliers.
Nous devons également évaluer les impacts de cet accord en termes de recettes provenant des cotisations sociales, de dépenses liées aux indemnités chômage, mais également en matière d’externalités et de recrutement dans les bassins d’emploi concernés.
Ces évaluations sont menées en lien avec les discussions qui sont en cours au sein du conseil des ministres du travail et des affaires sociales de l’Union européenne, dans le cadre de la révision intégrale du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, lequel ne concerne pas uniquement le télétravail.
Dans les jours à venir, sous l’autorité de Mme la Première ministre, nous arrêterons notre position finale en tenant compte de l’ensemble de ces paramètres. À ce jour, le texte, à la rédaction duquel nous avons contribué, est toujours en cours d’instruction par nos services.
décision du conseil français du culte musulman relative au port de l’abaya
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, la semaine dernière, le site gouvernemental jeveuxaider.gouv.fr, plateforme publique de l’engagement, affichait l’image d’une jeune fille voilée, qui a subrepticement été remplacée, trois jours plus tard, par celle d’une autre jeune fille, à la tête découverte.
Ma question est simple : comment nous faire croire que le Gouvernement lutte contre les abayas lorsqu’il affiche ouvertement sur un site gouvernemental une jeune fille voilée sous le drapeau français ?
Plus globalement, quelle est la ligne du Gouvernement en matière de lutte contre l’inquiétante offensive islamiste dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Eustache-Brinio, il ne m’appartient pas de commenter l’exemple que vous avez cité, mais le Gouvernement n’est pas naïf : la République, en particulier son école, est actuellement la cible d’organisations islamistes. Ces dernières orchestrent, via les réseaux sociaux, des attaques contre la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Depuis la rentrée scolaire de 2022, les services de renseignement, en liaison constante avec les responsables des communautés éducatives, documentent une tendance préoccupante concernant les atteintes à la laïcité, notamment à l’école.
Nous suivons cette évolution de près, en étroite collaboration avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et ses services. Comme vous, madame la sénatrice, nous avons entendu les demandes légitimes des enseignants et des directeurs d’établissement qui souhaitent disposer de directives claires. Nous leur devons une telle clarté.
Permettez-moi de rappeler que la loi de 2004 interdit expressément le port de tout signe religieux ostentatoire dans les établissements scolaires publics, en application du principe de laïcité.
Pour le dire plus clairement, et dans la droite ligne de mes déclarations d’octobre dernier, les abayas et les qamis constituent des vêtements religieux par destination, dès lors que la finalité qui s’attache à leur port ne fait aucun doute et que celui-ci constitue une tentative de contournement manifeste de la loi de 2004.
Les chefs d’établissement concernés sont fondés à prendre des sanctions envers les élèves qui s’adonnent à de tels comportements, voire à leur interdire l’accès à l’établissement.
Cette ligne est celle du Gouvernement ; elle a été précisée dans une instruction que Gérald Darmanin et moi-même avons adressée aux préfets le 17 octobre dernier.
M. Max Brisson. Quid du ministre de l’éducation nationale ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, la loi de 2004 est une loi de protection et d’émancipation, et nous devons veiller à sa stricte application, sans naïveté ni complaisance.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je ne suis pas certaine que les Français soient convaincus par vos explications, madame la secrétaire d’État.
Comment expliquez-vous qu’une conférence à la Sorbonne sur l’entrisme des Frères musulmans, initialement reportée, se soit tenue sous haute protection, sans le soutien de la ministre concernée ?
Comment expliquez-vous le silence et l’inaction du ministère de l’éducation nationale pour faire en sorte que le collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans lequel enseignait Samuel Paty, porte son nom ?
Comment expliquez-vous l’ambiguïté du discours gouvernemental autour de l’abaya, fruit du wahhabisme, c’est-à-dire de l’islam le plus rigoriste prôné en Arabie Saoudite, que l’on voit prospérer de manière inquiétante dans nos collèges et nos lycées ? Vous ne m’avez pas rassurée à ce sujet.
Comment expliquez-vous le silence du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sur toutes ces questions, alors que de plus en plus de petites filles sont voilées dans notre pays, des enfants auxquelles on inculque l’idée que leur corps serait sale, impur, et qu’il devrait être caché au regard des hommes ?
N’existe-t-il pas des mots que tout le monde connaît et que chacun est capable de comprendre dès son plus jeune âge : « non » et « interdit » ? Dès lors, pourquoi ne jamais les utiliser afin de préserver l’unité de la Nation et de la communauté nationale ?
Ne pas répondre à ces questions avec clarté, ne pas choisir, c’est permettre à l’offensive islamiste de continuer à progresser. Vous en êtes et vous en serez comptables devant les Français. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
pollution aux perfluorés dans le rhône
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la Première ministre, présents dans les poêles en téflon, dans les textiles industriels ou dans les emballages alimentaires, des milliers de polyfluoroalkyles (PFAS) sont partout dans notre quotidien.
Ces molécules pratiquement indestructibles se retrouvent également dans les rivières, l’eau de pluie, les sols, l’alimentation et même le lait maternel. Sommes-nous face au poison du siècle ?
Je viens de la région la plus exposée à ces polluants éternels. Après les recommandations émises par l’agence régionale de santé (ARS) de ne pas consommer les poissons pêchés dans le Rhône, puis les œufs et les volailles élevées dans certaines communes, un récent documentaire a révélé une imprégnation extrêmement élevée, sept fois supérieure à la moyenne nationale, chez les riverains de l’usine Arkema. Une plainte a d’ailleurs été déposée le 25 mai dernier par un collectif d’associations et de citoyens.
Les habitants, tout comme les élus, sont à juste titre très inquiets, car les effets nocifs et toxiques de certaines de ces substances sont désormais reconnus.
Selon le dernier rapport de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), les PFAS ne font l’objet d’aucune réglementation dans notre pays.
En dépit de ce dur constat, le plan d’action sur trois ans annoncé par le Gouvernement ne prévoit l’instauration d’aucune norme relative aux rejets industriels. L’urgence est pourtant manifeste.
Madame la Première ministre, comment votre gouvernement prévoit-il d’accompagner les collectivités concernées par ces pollutions ? Qui paiera la dépollution des sites contaminés ? Et quand peut-on espérer la mise en place d’une vaste étude d’imprégnation sur les populations locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Devinaz, assurer une meilleure prise en compte des effets et une maîtrise accrue des risques pour l’environnement et la santé liés à l’usage des polyfluoroalkyles répond à une préoccupation forte et légitime de nos concitoyens.
Il s’agit – vous l’avez souligné – d’un enjeu de santé publique essentiel et d’une priorité pour le Gouvernement, qui est pleinement mobilisé, à l’échelon national comme européen. Nous devons assurer une transparence totale sur les informations dont nous disposons.
Avec Christophe Béchu, nous avons souhaité renforcer notre ambition collective sur ce sujet dans le cadre d’un plan d’action lancé en janvier dernier, lequel propose des mesures concrètes en matière de maîtrise des rejets industriels et de connaissance des contaminations environnementales. Notre priorité est d’améliorer notre connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, dans le but de réduire l’exposition des populations.
À ce titre, l’analyse des effluents industriels fortement susceptibles de contenir des PFAS fait actuellement l’objet d’un projet d’arrêté ministériel ouvert à la consultation du public. Celui-ci vise environ 5 000 installations industrielles sur l’ensemble du territoire, couvrant la quasi-totalité des sites pouvant produire, utiliser ou rejeter des PFAS. Notre objectif est de mieux surveiller les émissions de ces installations et de mettre en œuvre des actions pour les réduire.
J’ajoute que la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive Eau potable, rend obligatoire, à partir de 2026, le contrôle sanitaire des PFAS dans l’eau ; nous avons souhaité anticiper cette exigence en rendant ce contrôle applicable dès janvier dernier, pour mieux surveiller la présence de ces polluants dans les eaux.
J’en viens à la situation de Pierre-Bénite. En coordination avec le préfet, nous avons prescrit à l’entreprise Arkema de réduire par palier les rejets de PFAS sur le site, puis d’y mettre un terme d’ici à la fin de 2024.
Par ailleurs, à la suite de la première campagne de mesures dans l’environnement réalisée par Arkema, conformément aux arrêtés préfectoraux du 1er juillet 2022, des mesures supplémentaires de PFAS dans les sols et dans les végétaux ont été exigées des exploitants, autour de leurs installations, à leurs frais.
Afin de mieux appréhender les risques sanitaires, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie en novembre dernier. Nous attendons des éléments de réponse en fin d’année.
En complément, l’enquête sur la santé, la biosurveillance, l’alimentation et la nutrition, nommée Albane, qui sera prochainement menée par Santé publique France, s’intéressera spécifiquement à l’exposition aux PFAS. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je comprends l’importance de surveiller, mais je crois qu’il est préférable d’agir. Il me semble que même si des initiatives sont en cours au niveau européen, nous ne sommes pas contraints d’attendre leurs conclusions.
Le Danemark, par exemple, interdit certains PFAS depuis 2020.
J’estime que, au-delà de la surveillance, il convient de prendre des mesures coercitives. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
engagement de l’état dans le centre national de la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Madame la Première ministre, vous vantez les mérites de l’apprentissage et vous avez raison. À ce titre, vous encouragez les collectivités territoriales à recruter et à former davantage de jeunes. Cependant, sans soutien financier de l’État, celles-ci seront dans l’incapacité de répondre à cet appel.
Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les représentants des employeurs territoriaux s’efforcent d’établir un accord de financement pérenne.
Le nouveau système, instauré par la loi de finances pour 2022, prévoit une taxe d’apprentissage de 0,1 % pour les employeurs territoriaux, en contrepartie de laquelle l’État et France Compétences contribuent à hauteur de 15 millions d’euros chacun, et le CNFPT, à hauteur de 13 millions d’euros.
Au début de cette année, après avoir menacé de vous retirer, vous avez accepté, sous la pression des employeurs locaux, de maintenir pendant trois années supplémentaires la contribution de l’État aux frais de formation des apprentis dans les collectivités.
Cependant, par une circulaire du 10 mars dernier relative au renforcement du recrutement d’apprentis dans la fonction publique pour les années 2023-2026, vous annoncez unilatéralement le désengagement de France Compétences à compter de 2024, sa participation passant de 15 millions d’euros en 2023 à 5 millions d’euros en 2025, avant l’extinction complète de sa contribution.
Une réelle dynamique s’est pourtant engagée en faveur de l’apprentissage, le nombre de contrats d’apprentissage étant passé de 8 000 en 2020 à 12 000 en 2022. En 2023, celui-ci s’établira à 18 000, ce qui représente un engagement financier de plus de 160 millions d’euros. Les recettes perçues par le CNFPT s’élevant à 75 millions d’euros, il manque près de 87 millions d’euros. Cela n’est pas tenable financièrement.
Dans la même circulaire, vous demandez aux employeurs locaux de faire plus, tout en vous désengageant.
Alors, madame la Première ministre, que comptez-vous faire pour pérenniser le développement de l’apprentissage dans les collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sido, l’encouragement de l’apprentissage au sein des collectivités territoriales est au cœur de nos priorités pour deux raisons : d’une part, l’apprentissage offre aux collectivités la possibilité d’attirer de jeunes talents, d’autre part, il donne aux jeunes l’occasion de se confronter à une palette de métiers au service de l’intérêt général dans les territoires, leur permettant d’acquérir des compétences solides.
L’apprentissage est un véritable tremplin vers l’emploi, ainsi qu’une chance pour les collectivités.
Cet effort passe par le maintien de notre engagement financier dans les collectivités territoriales dans les années à venir, à hauteur de 15 millions d’euros pour les apprentis recrutés en 2023, en 2024 et en 2025, comme cela était prévu pour 2022.
Comme vous l’avez indiqué, la Première ministre a inscrit cet engagement dans sa circulaire du 10 mars 2023, afin d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de recrutement d’un million d’apprentis d’ici à la fin du quinquennat.
Ce sont donc 12 000 apprentis en 2022, et probablement autant en 2023, qui ont rejoint et rejoindront nos collectivités locales.
Cet engagement de l’État, à hauteur de 45 millions d’euros sur trois ans, permettra de développer le recrutement d’apprentis dans nos collectivités territoriales. Nous sommes d’ailleurs en passe de finaliser la convention qui lie l’État au Centre national de la fonction publique territoriale.
Nous devons également lever les blocages statutaires qui empêchent les collectivités qui le souhaitent de recruter durablement leurs apprentis : notre volonté est bien de faire de cette méthode une voie de recrutement pérenne pour les collectivités locales, afin d’éviter que celles-ci ne se séparent de leurs apprentis au bout de deux ans.
C’est l’un des axes du chantier « accès, parcours, rémunérations » mené par Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui permettra de faire de l’apprentissage une véritable modalité de recrutement dans la fonction publique territoriale. (M. Pierre Charon proteste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, vous subventionnez l’apprentissage dans le secteur privé à hauteur de 6 milliards d’euros par an d’argent public.
Un apprenti du secteur public est-il à ce point moins méritant qu’il n’appelle pas le même effort national en termes budgétaires ? S’agit-il là d’une énième méthode pour faire peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
impact pour les collectivités de l’augmentation du point d’indice
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Monsieur le ministre, vous avez récemment annoncé une augmentation de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique, applicable dès le 1er juillet prochain, ainsi que des mesures complémentaires – prime facultative et augmentation du nombre de points – pour les agents des catégories B et C en 2024.
Dans le contexte d’inflation élevée que nous connaissons, nous ne pouvons que nous en réjouir : cette augmentation offre un coup de pouce au pouvoir d’achat des agents publics, qui en ont grand besoin.
Cependant, cette annonce intervient alors que les budgets des communes ont été votés. Ces derniers étant déjà contraints, des augmentations d’impôts ont parfois dû être décidées afin de maintenir les investissements.
De plus, certaines communes n’ont eu connaissance du montant de leur facture trimestrielle d’électricité qu’après le vote de leur budget, et elles font parfois face à des augmentations substantielles. Dans mon département, malgré la mise en place de boucliers tarifaires, celles-ci peuvent atteindre jusqu’à 40 %. En somme, nos villes et, surtout, nos villages, n’ont plus ni marge budgétaire ni perspective.
Dans ces conditions, à défaut d’aide, l’équilibre budgétaire est menacé, ce qui pourrait compromettre les investissements et les projets des communes. En l’absence de moyens pour les amorcer, les collectivités ne pourront prétendre aux aides – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert ou autres subventions.
Les élus ont l’impression que l’on reprend d’une main ce qu’on leur donne de l’autre.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : l’augmentation du point d’indice de la fonction publique étant une décision d’État, l’État envisage-t-il de compenser celle-ci, comme il l’avait fait, au moins partiellement, dans le cadre de la loi de finances rectificative d’août 2022 ?
Par ailleurs, comment avez-vous consulté, et comment envisagez-vous de consulter à l’avenir les associations d’élus, ces élus qui sont encore et toujours en première ligne dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Ract-Madoux, vous me posez plusieurs questions.
Avons-nous organisé des concertations avec les associations d’élus ? La réponse est oui : j’ai réuni ces associations le 23 mai dernier, puis le 12 juin, en compagnie de ma collègue Dominique Faure, avant de recevoir les organisations syndicales et d’annoncer un certain nombre de mesures.
Avons-nous tenu compte de leurs propos ? La réponse est également affirmative. Lors de la réunion du 23 mai, ces associations ont exprimé trois demandes spécifiques : modérer au maximum l’effort indiciaire, qui est contraint pour les collectivités, concentrer nos efforts sur les salaires les plus bas, la fonction publique territoriale étant composée aux trois quarts de fonctionnaires de catégorie C et lisser l’effort indiciaire dans le temps.
Les annonces que j’ai faites au nom du Gouvernement, après l’arbitrage de la Première ministre, répondent à ces trois demandes.
Premièrement, le point d’indice n’augmentera cette année que de 1,5 %, contre 3,5 % en cours d’année dernière.
Deuxièmement, nous avons utilisé l’enveloppe budgétaire de manière différente, afin de privilégier les plus bas salaires, comme le demandaient les associations d’élus.
Troisièmement, cet effort sera bien lissé dans le temps, puisqu’une première partie – l’augmentation du point d’indice – sera effective dès 2023, tandis que la seconde partie – la distribution de points de manière indifférenciée à toute la grille – interviendra en janvier 2024, offrant une meilleure prévisibilité.
Pour finir, permettez-moi, madame la sénatrice, d’ajouter une question supplémentaire, la seule qui vaille, à mon sens : si les collectivités avaient été les seules décisionnaires, si elles avaient maîtrisé le point d’indice, quelle décision auraient-elles prise compte tenu du taux d’inflation, qui s’établira de nouveau cette année autour de 6 % et qui touche notamment le secteur alimentaire ?
Mme Sophie Primas. Elles auraient fait un bien meilleur choix !
M. Stanislas Guerini, ministre. Je suis convaincu qu’elles auraient pris la même décision que celle que nous avons annoncée. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 21 juin, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, que la suite éventuelle de l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite soit inscrite à l’ordre du jour, à l’issue du présent espace réservé et, éventuellement, ce soir.
Acte est donné de cette demande.
4
Demande par deux commissions des prérogatives d’une commission d’enquête
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettres en date de ce jour, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale demandent au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener une mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de ce jour.
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Revalorisation du métier de secrétaire de mairie
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues (proposition n° 554, texte de la commission n° 690, rapport n° 689).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons combien le fait d’être maire est une mission difficile, exigeante, parfois ingrate, mais ô combien exaltante. Cette mission est accomplie de façon humaniste par des femmes et des hommes qui œuvrent avec passion pour leur territoire et avec dévouement pour leurs concitoyens.
Dans l’ombre de ces élus, œuvre avec tout autant d’engagement une garde rapprochée entièrement dévouée aux maires qui l’emploient. Ces hommes, et surtout ces femmes – à 94 % –, ce sont les secrétaires de mairie, maillon incontournable de la vie communale.
Juristes, urbanistes, comptables, informaticiennes, les secrétaires de mairie en fonction dans les communes de moins de 3 500 habitants sont essentielles à la fois pour les habitants – pour lesquels elles représentent le premier service public de proximité – et pour le maire, dont elles sont le principal et parfois unique collaborateur.
Très polyvalents, dotés d’un sens aigu du service public, les secrétaires de mairie exercent une fonction d’appui administratif, technique et juridique auprès du maire et des élus dans tous les domaines d’intervention municipale : accueil du public, aide aux démarches administratives, médiation entre les citoyens et l’administration, conseil au maire et aux élus municipaux, aide à l’élaboration du budget. Ils sont également chargés de la comptabilité et de la commande publique, des dossiers de subventions, de l’urbanisme, du droit funéraire, de l’état civil, de l’organisation des élections, du fonctionnement de la commune et de ses instances, du suivi des agents techniques et des travaux, etc.
Véritables chevilles ouvrières de la vie communale, garants du respect des règles légales et réglementaires dans tous les domaines de compétence des municipalités, ces agents doivent en outre se tenir informés de toutes les évolutions normatives concernant les collectivités territoriales.
Ils ne sont pas seulement les piliers administratifs de nos municipalités, leur rôle va bien au-delà. En effet, s’ils sont les garants de la bonne gestion des affaires publiques municipales, ils sont aussi les gardiens de la démocratie locale.
Facilitateurs du dialogue entre les élus et les citoyens, ils jouent un rôle crucial dans la diffusion de l’information municipale, dans la mise en place des dispositifs de participation citoyenne et dans la résolution des problèmes rencontrés par les habitants de nos communes. Leur disponibilité et leur sens de l’écoute contribuent à renforcer la confiance entre l’administration et les citoyens.
Ces agents jouent incontestablement un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de nos collectivités locales et leur contribution ne doit pas être sous-estimée.
Pourtant, en dépit de la gratitude unanime de leurs élus, les secrétaires de mairie sont confrontés à des conditions de travail difficiles, à l’isolement et à une reconnaissance insuffisante. En effet, les rémunérations sont peu attractives et ne reflètent pas la complexité ni la diversité de leurs missions, les possibilités de formation sont limitées et, surtout, les perspectives de carrière sont quasi inexistantes.
Aujourd’hui, près de 2 000 postes restent vacants et ce ne sont pas moins de 8 000, voire 10 000 postes qui devront être renouvelés d’ici à 2030.
Les secrétaires de mairie méritent donc une plus grande reconnaissance pour leur contribution précieuse à la gouvernance locale.
Au Sénat, l’impérieuse nécessité de valoriser ce métier a fait l’objet d’un large consensus politique, comme l’a montré, le 6 avril dernier, l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi déposée par notre collègue Céline Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Naturellement, je ne manquerai pas non plus de saluer le travail approfondi de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et le rapport de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain sur l’attractivité de ce poste ainsi que leurs propositions pour faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier.
Aujourd’hui, nous travaillons ensemble pour renforcer leur statut et leur fournir des outils pour les aider à monter en compétences afin d’accomplir leurs missions avec succès. C’est l’objet du texte que nous vous proposons.
La présente proposition de loi vise, d’une part, à répondre à ce besoin de renforcement des compétences tout en veillant à conserver un large vivier de candidats et, d’autre part, à reconnaître l’expérience des agents de catégorie C exerçant d’ores et déjà cette fonction.
À cet égard, l’article premier permet de créer une voie de promotion interne dérogatoire, en dehors des quotas, pour des agents de catégorie C qui exercent la fonction de secrétaire de mairie afin de leur permettre, par le biais d’un processus de reconnaissance des acquis de l’expérience simplifié, d’être nommés en catégorie B.
Il s’agit ici d’une forme de plan de requalification qui s’adresse aux secrétaires de mairie actuellement en fonction.
L’article 2 s’intéresse, quant à lui, aux futurs secrétaires de mairie, en prévoyant une formation qualifiante initiale, de façon à permettre à un agent de catégorie C faisant fonction de secrétaire de mairie ou occupant d’autres fonctions, mais souhaitant accéder à celle-ci, d’exercer cette fonction et, à ce titre, d’être promu en catégorie B en ayant validé des compétences spécifiques, et ce quel que soit son cadre d’emploi ou sa filière, ce qui permettra d’élargir le vivier.
Enfin, l’article 3 reconnaît la spécificité du métier de secrétaire de mairie en offrant aux agents qui l’exercent le bénéfice d’avancements de carrière accélérés, au profit de la poursuite de leur parcours professionnel au sein de la commune qui les emploie ou dans d’autres collectivités, par exemple sur des postes de directeur général des services (DGS) dans des communes de plus de 2 000 habitants.
Cette proposition de loi apporte une réponse au sujet complexe du statut des secrétaires de mairie et devra être complétée à la fois par des actes réglementaires et par des échanges de bonnes pratiques concernant le partage des fonctions entre différentes communes, l’utilisation des logiciels, l’accès à la formation continue et le contenu de celle-ci, le remplacement en cas d’absence, le recours au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep), etc.
En offrant à ces agents la garantie d’une rémunération juste et équitable par rapport à la réalité de leur travail et en soutenant leur développement professionnel, nous renforçons leurs compétences et leurs capacités à servir efficacement les maires et leurs concitoyens.
En leur accordant une meilleure reconnaissance, des conditions de travail améliorées et des perspectives d’évolution professionnelle, nous investissons dans la qualité des services publics locaux.
La reconnaissance de leur expérience et la récompense de leur expertise permettront de maintenir une motivation élevée et d’attirer de nouveaux talents dans ce secteur certes crucial, mais en tension. C’est un enjeu d’avenir pour la ruralité. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à soutenir ces mesures et à œuvrer ensemble pour une véritable valorisation des secrétaires de mairie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC. – MM. Christian Bilhac et Guillaume Chevrollier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix semaines après l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi de Céline Brulin et de ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous examinons un nouveau texte visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, déposé cette fois-ci par M. François Patriat, ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, et des collègues d’autres groupes.
Les textes se suivent et toutefois ne se ressemblent pas. Contrairement à ce qui s’était produit pour la proposition de loi précédente, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 1er juin. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel s’exclame également.)
Nous pouvons sans aucun doute y voir le signe de sa volonté de faire aboutir ce texte. Bien évidemment, nous saluons ce volontarisme, tout en déplorant qu’il n’en soit pas allé de même pour la proposition de loi du groupe CRCE,…
M. Guy Benarroche. Tout à fait !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … que je remercie une fois encore d’avoir engagé le processus de réflexion et d’action sur cette problématique.
Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que des mesures concrètes soient rapidement prises pour répondre au besoin légitime de reconnaissance des agents qui exercent les fonctions de secrétaire de mairie, et remédier au manque d’attractivité dont ce métier souffre aujourd’hui.
Sans quoi, la pénurie de secrétaires de mairie à laquelle font face la quasi-totalité des maires des communes de moins de 2 000 habitants ne pourra que s’aggraver. In fine, le bon fonctionnement de ces communes sera compromis, et la qualité du service public en pâtira.
La commission des lois partage donc pleinement la visée de la présente proposition de loi de revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Elle souscrit en particulier à l’objectif de favoriser l’accès à la catégorie B pour les agents qui, parmi les secrétaires de mairie, relèvent de la catégorie C.
La proposition de loi tend à favoriser cet accès par le biais de deux nouvelles voies de promotion interne : la première, dérogeant à la règle des quotas, expirerait au 31 décembre 2028, tandis que la deuxième, reposant sur la validation d’une formation qualifiante, serait pérenne.
C’est une évidence : il est grand temps de mettre en adéquation les compétences multiples et exigeantes qui sont attendues des secrétaires de mairie et les responsabilités importantes qui leur sont confiées avec le niveau de catégorie hiérarchique reconnu.
En conséquence, il convient de consacrer l’emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins. J’insiste, monsieur le ministre, sur ce sujet. (M. le ministre acquiesce.)
Pour ce faire, la priorité est de permettre aux agents de catégorie C qui sont aujourd’hui en poste d’accéder à la catégorie B, à la seule condition de respecter une durée minimale d’ancienneté qui sera déterminée par décret. En pratique, seraient visés les secrétaires de mairie de catégorie C qui sont en poste depuis quinze, vingt ou encore vingt-cinq ans, qui n’ont pas la possibilité de passer les concours, et auxquels les règles de la promotion interne de droit commun ne permettent pas non plus de passer en catégorie B. Un délai d’environ cinq ans leur serait offert pour bénéficier de cette voie dérogatoire de promotion interne. Tel est l’objectif de l’article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction issue des travaux de la commission.
La deuxième étape est de permettre aux agents de catégorie C en poste depuis une durée moindre d’accéder également à la catégorie B, à la condition cette fois-ci d’avoir validé une formation qualifiante. Cette nouvelle voie de promotion interne est proposée par l’article 2, tel que la commission l’a modifié.
En commission, nous avions jugé nécessaire de lever l’ambiguïté qui affectait la rédaction de l’article 2, et avions donc réservé aux secrétaires de mairie déjà en poste la voie de la promotion interne par la formation qualifiante. Notre objectif était de ne pas accroître, pour l’avenir, le nombre de secrétaires de mairie de catégorie C. Cela nous semblait en contradiction avec la conviction selon laquelle l’emploi de secrétaire de mairie doit être réservé aux catégories B et A.
La rédaction proposée par le Gouvernement à l’article 2 nous semble toutefois appropriée, puisqu’elle permet aux agents qui seraient nommés à un emploi de secrétaire de mairie entre la promulgation de la loi et le 31 décembre 2028 de bénéficier de la voie de promotion interne par la formation qualifiante.
Cette date du 31 décembre 2028 est importante : elle doit marquer, selon nous, la fin de la possibilité, pour les maires, de nommer aux emplois de secrétaire de mairie un agent de catégorie C. Débuteront ainsi une nouvelle dynamique de recrutement et, pour les secrétaires de mairie, la consécration pleine et entière de leur emploi comme emploi de catégorie B.
Bien évidemment, ce tournant fondamental nécessitera une mesure réglementaire, à savoir la modification du statut particulier du cadre d’emplois des adjoints administratifs territoriaux.
Nous serons par conséquent particulièrement attentifs à la réalisation de cette modification par le Gouvernement. Sans elle, la présente proposition de loi manquera son objectif essentiel.
Par ailleurs, la commission a souhaité renforcer l’identification des fonctions de secrétaire de mairie, et a pour cela consacré de manière innovante l’exercice de telles fonctions dans le code général des collectivités territoriales. Cette disposition pourra, je le crois, contribuer à la meilleure reconnaissance de ces agents, en levant les ambiguïtés qui peuvent exister aujourd’hui.
Enfin, nous devons tirer parti de la succession, à quelques semaines d’intervalle, de deux textes portant sur le même sujet pour enrichir le texte dont nous discutons aujourd’hui par les dispositions votées à l’unanimité en avril.
Afin de renforcer l’ambition de la présente proposition de loi, la commission a donc repris les mesures relatives à la formation, à la promotion interne et à l’emploi de contractuels du texte précédent.
Tout d’abord, la commission a souhaité conforter la formation des secrétaires de mairie, qui est essentielle au regard de la variété des missions exercées et de la technicité des compétences requises. L’article 2 bis introduit ainsi une formation initiale obligatoire, propre à ces agents.
L’objectif est que chaque secrétaire de mairie dispose, dès sa prise de poste, des outils adaptés pour exercer ses missions. Nous savons en effet combien, une fois en poste, il devient difficile pour les secrétaires de mairie de suivre des formations, même de quelques jours seulement : par manque de temps, du fait de l’éloignement géographique du lieu de formation, et, surtout, en raison de la quasi-impossibilité de se faire remplacer.
Ensuite, parce qu’il est nécessaire d’améliorer les perspectives d’évolution de carrière de l’ensemble des secrétaires de mairie quel que soit leur cadre d’emplois, l’article 2 ter vise à favoriser, de façon pérenne, aussi bien la promotion interne des secrétaires de mairie de catégorie C, pour leur accès à la catégorie B, que celle des secrétaires de mairie de catégorie B, pour leur accès à la catégorie A. Il nous semble en effet important de ne pas oublier des agents de catégorie B qui exercent aussi depuis de nombreuses années et qui n’ont pas la possibilité de passer un concours pour accéder à la catégorie A.
Enfin, la commission a jugé nécessaire de compléter les dispositions visant à renforcer l’attractivité de l’emploi de secrétaire de mairie par une mesure tendant à donner aux employeurs locaux davantage de souplesse.
L’article 4 permet ainsi aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter des agents contractuels à temps complet aux emplois de secrétaire de mairie – sachant qu’elles peuvent déjà le faire pour des emplois à temps non complet.
La commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi ainsi modifiée.
Nous reconnaissons tous qu’elle ne pourra pas remédier à elle seule au manque d’attractivité dont souffre le métier de secrétaire de mairie ni répondre au besoin criant de reconnaissance de milliers d’agents.
Je suis néanmoins convaincue que, en faisant de l’emploi de secrétaire de mairie un emploi de catégorie B, nous enverrons un signal fort à la fois aux agents et aux maires et que nous amorcerons une véritable revalorisation de ce métier indispensable à nos communes et à nos concitoyens.
Mes chers collègues, à deux mois d’écart, le Sénat a pris ce sujet à bras-le-corps. J’espère qu’il s’exprimera tout à l’heure avec la même belle unanimité que le 6 avril dernier.
Il revient désormais au Gouvernement non seulement de veiller à ce que ce texte acquière force de loi, mais également de travailler, sans plus attendre, à ses évolutions concrètes.
Pour ce faire, il pourra s’appuyer sur le travail réalisé par les rapporteurs de la mission d’information sur l’attractivité du métier de secrétaire de mairie, lancée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Mes collègues Cédric Vial, Jérôme Durain et moi-même avons formulé plusieurs propositions très précises qui relèvent du domaine réglementaire, certaines pouvant être mises en application sans trop tarder. D’autres, de nature législative, seront présentées par amendement tout à l’heure.
Au-delà de la question relative à la catégorie hiérarchique et à la formation, les règles relatives à la rémunération des secrétaires de mairie doivent être revues. Plus largement, c’est l’ensemble des grilles indiciaires de la fonction publique territoriale qui doit être réformé. La récente revalorisation de l’indice minimum de traitement pour suivre l’augmentation du Smic a en effet accru encore un peu plus le tassement des grilles indiciaires. Un tiers des agents des collectivités est désormais payé au Smic. De même, la refonte générale des règles d’avancement pour l’ensemble des fonctionnaires mériterait d’être menée à bien au plus vite.
Monsieur le ministre, je vous le disais déjà le 6 avril, la balle est dans votre camp. Merci de ne pas attendre un troisième texte pour agir ! (M. le ministre sourit. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y voilà ! Nous avions pris date il y a deux mois, lors du débat sur la proposition de loi que vous aviez déposée, madame la sénatrice Brulin, avec le groupe CRCE. Nous avions pris date pour avancer. Nous pouvons dire que nous honorons aujourd’hui un rendez-vous essentiel. En effet, c’est de cela qu’il s’agit : être au rendez-vous, à propos d’un métier qui est, comme vous l’avez rappelé, la pierre angulaire de nos communes, celui de secrétaire de mairie.
C’est un rendez-vous de reconnaissance, un rendez-vous de valorisation, un rendez-vous de promotion que nous avons pris avec les secrétaires de mairie.
Nous avions partagé le 6 avril un constat clair. Ce constat, que je résume à grands traits, nous le connaissons : le métier de secrétaire de mairie est exercé à 94 % par des femmes, majoritairement à temps non complet, et majoritairement en catégorie C.
Nous avions eu alors des débats de grande qualité et, je crois, convergents, pour mieux reconnaître celles et ceux qui exercent ces fonctions primordiales auprès de nos concitoyens.
Nous avions partagé des pistes intéressantes pour renforcer l’attractivité de ce métier et reconnaître que la polycompétence requise pour exercer ces tâches complexes relevait réellement de la catégorie B – il s’agissait là, me semble-t-il, d’un point de consensus très clair dans nos débats (Mme le rapporteur approuve.)
Cela nécessitait d’agir dans plusieurs directions : d’abord par une meilleure reconnaissance de ce métier, ensuite à travers des perspectives de construction et d’évolution de carrière renforcées, enfin, et surtout, par des rémunérations étoffées.
Ces enjeux sont primordiaux – je crois que cela ne soulève pas de débat. Nous devons valoriser les secrétaires de mairie actuellement en poste – c’est une question de fidélisation –, mais aussi attirer de nouveaux profils pour ce métier, sachant qu’un tiers des secrétaires de mairie partira à la retraite d’ici à 2030.
Après l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin, je veux également saluer le travail précieux que la délégation aux collectivités territoriales a mené ces derniers mois – sous votre égide, madame la présidente Gatel –, dans le cadre du rapport d’information sur l’attractivité du métier de secrétaire de mairie rédigé par Mme la rapporteure Di Folco, MM. les sénateurs Vial et Durain.
Je veux également saluer l’initiative du président Patriat et du groupe RDPI de présenter le texte qui nous rassemble aujourd’hui et que je crois à même de susciter une convergence de vues.
Je veux aussi saluer le travail que vous avez mené en commission, madame la rapporteure, afin d’intégrer au texte, dès la commission, des dispositions contenues dans la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin. Vous avez l’art de la synthèse, madame la rapporteure, et je vous en remercie.
En ce sens, le texte qui nous occupe me semble faire consensus. Vous l’aurez compris, j’y suis favorable et je vous proposerai d’y ajouter quelques dispositions complémentaires lors de nos débats. Je suis certain que nous pourrons travailler dans le même esprit transpartisan que celui qui a animé nos discussions le 6 avril.
Je vous le dis sans détour : je souhaite que ce texte puisse cheminer et être adopté le plus rapidement possible, c’est la raison pour laquelle j’ai pris la responsabilité politique d’engager, au nom du Gouvernement, la procédure accélérée.
Au fond, la proposition de loi dont nous débattons me semble extrêmement importante, tant pour les secrétaires de mairie que pour ce qu’elle traduit de ce que nous voulons faire du statut de la fonction publique : un formidable outil au bénéfice du développement des compétences des agents et de la reconnaissance de leur engagement.
La proposition de loi que vous avez déposée, monsieur le président Patriat, permet de mieux reconnaître les secrétaires de mairie. Il s’agit d’une priorité que nous partageons tous. Cela passe, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure, par l’inscription de cette fonction dans le code général des collectivités territoriales, et je vous remercie d’avoir introduit cette disposition en commission. Je la soutiens à tout point de vue.
Cela passe également par la reconnaissance du niveau de ces fonctions. Je l’ai dit : celles-ci correspondent, au minimum, à la catégorie B. Cela relève du domaine réglementaire, mais je prends l’engagement, dans cet hémicycle, de le traduire rapidement dans les textes correspondants.
Cela passe aussi par une nouvelle dénomination, qui a fait l’objet de nos débats. J’ai pris à ce sujet un engagement de méthode : respecter la parole des secrétaires de mairie et de toutes les parties prenantes, dont les associations d’élus, ainsi que le travail que vous avez mené sur cette question.
Il me semble qu’une forme de consensus est en train de se dégager – même si ce n’est jamais parfait – en faveur du nom « secrétaire général de mairie ». Je suis favorable, au regard de ce consensus, à l’inscription dans la loi de cette nouvelle dénomination.
Reconnaître ce métier, c’est aussi en faciliter l’accès au plus grand nombre, dès lors que les compétences sont au rendez-vous. Je me réjouis à ce titre que ce texte reprenne la disposition de la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin, qui permet aux communes entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter directement des contractuels.
J’y ajoute un engagement – vous m’aviez appelé à en prendre. Avec ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je prends l’engagement de travailler en lien avec les universités pour favoriser l’émergence de formations initiales de secrétaire de mairie, comme le propose le rapport de la mission d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de façon à multiplier les candidats potentiels aux concours de la catégorie B ou A ou à des recrutements en tant que contractuels.
Au-delà des enjeux de reconnaissance et d’accès, la valorisation du métier de secrétaire de mairie passe également par la formation. Je viens d’en parler pour la formation initiale, mais je veux aussi évoquer la formation continue. Aujourd’hui – je le dis très directement –, le fait de se former n’a pas assez d’impact dans le parcours d’un agent public. C’est à ce problème que nous devons répondre. Or je crois que cette proposition de loi nous apporte des leviers en la matière, pour les secrétaires de mairie.
Elle le fait d’abord pour l’exercice des missions propres à ce métier. Là encore, je salue la réintégration faite en commission de la disposition de la proposition de loi Brulin qui impose une formation obligatoire à la prise de fonction.
Le texte fournit ensuite des leviers pour faciliter et encourager la promotion. C’est une nouveauté : il prévoit que les secrétaires de mairie qui exercent déjà ces fonctions, et qui auront suivi une formation qualifiante, puissent bénéficier d’une promotion hors quota pour passer en catégorie B. Je crois qu’il s’agit d’une excellente disposition.
Je veux aller plus loin : j’ai la conviction qu’il ne faut pas fermer les viviers de recrutement. C’est la raison pour laquelle je vous présenterai un amendement pour offrir, dès la promulgation de la loi, à un agent de catégorie C qui serait, par exemple, agent d’accueil dans un département et qui souhaiterait devenir secrétaire de mairie, la possibilité d’accéder à ces fonctions et, de ce fait, à la catégorie B, grâce à la formation qualifiante dont je ne veux pas qu’il soit exclu. Cela nous permettra, dans les cinq prochaines années, de constituer un vivier répondant à la nécessaire qualification en catégorie B de ce métier.
Si vous adoptez cette proposition de loi ainsi amendée, ce sera la première fois que la formation constituera, par la reconnaissance des compétences, une nouvelle voie de promotion et un accélérateur de carrière.
C’est toute la philosophie que j’entends défendre pour réformer et transformer la fonction publique dans son ensemble.
J’ai parlé de formation, je veux aussi parler de promotion. Ce texte contient en effet des dispositions importantes. J’ai pris auprès des collectivités et des employeurs territoriaux l’engagement d’assouplir les dispositifs de promotion pour mieux reconnaître les agents.
Une fois de plus, nous retrouvons de grands principes dans la proposition de loi, appliqués aux secrétaires de mairie, à travers les deux dispositions de promotion qu’il contient : la formation, dont j’ai parlé, et la mise en œuvre dans les prochaines années d’un plan de requalification et d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) spécifiques et adaptés aux secrétaires de mairie et que nous définirons en travaillant avec l’ensemble des parties prenantes.
En revanche – et j’ai eu l’occasion d’en parler avec le sénateur Vial, notamment –, j’ai une réserve par rapport à l’une des dispositions qui ont été discutées. Prévoir un dispositif de même nature pour une promotion interne des secrétaires de mairie de catégorie B en catégorie A, également hors quota, m’apparaît moins justifié, puisque cela correspondrait moins à une logique de requalification – ces missions pouvant relever soit de la catégorie B, soit de la catégorie A.
Comme j’ai pu vous l’indiquer, j’ai aussi une réserve sur un article issu de la proposition de loi de Céline Brulin qui prévoit un pourcentage de places réservées aux secrétaires de mairie à l’intérieur des quotas eux-mêmes, car cette disposition est présentée au moment même où – je l’ai dit, et c’est mon objectif – nous visons plutôt à assouplir les quotas de promotion.
Enfin, il faut le dire clairement, la reconnaissance des secrétaires de mairie passe aussi par leur rémunération. Le calibrage de cette fonction en catégorie B est une voie pour apporter aux agents concernés une rémunération supplémentaire, un gain immédiat.
Toutefois, je souhaite que nous allions plus loin, et je soutiens à ce titre l’amendement de M. Patriat qui vise, au-delà de la facilitation des promotions, à offrir des accélérateurs de carrière au sein même de chaque grade. Je crois qu’il faut consacrer la particularité de ce métier et le niveau de responsabilité associé. Je sais que nous partageons cette philosophie.
Au-delà de l’aspect indiciaire, je sais également ce qui peut être fait en matière indemnitaire. Madame et messieurs les rapporteurs de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation, vous étiez favorables à la création d’une prime de responsabilité attribuée aux secrétaires de mairie. Je partage le sens de cette demande : ce métier est un métier de responsabilité. Le dispositif juridique actuel permet toutefois déjà cela, via la catégorie « indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise » (IFSE) du Rifseep. Si cette dernière est trop peu utilisée par les maires, je propose que nous travaillions ensemble, avec les employeurs territoriaux, dans le cadre, par exemple, d’une future charte d’engagement, pour prévoir les critères et les montants pouvant être utilisés afin de faire de cette IFSE une véritable prime de responsabilité pour les secrétaires de mairie.
Nous allons évidemment continuer à agir ensemble, chacun dans ses responsabilités : par la loi, par le règlement, mais également par la mobilisation de l’ensemble des acteurs et j’assumerai, là aussi, mon rôle de ministre de la fonction publique.
Vous m’avez demandé de prendre des engagements en matière indiciaire : c’est ce que je fais en soutenant ou en introduisant différents articles. Je travaillerai les décrets avec les employeurs territoriaux, en associant évidemment les parlementaires. Nous devrons mobiliser l’ensemble des associations d’élus, sur tous les leviers, de formation notamment.
Il faut développer plusieurs axes. J’en mentionnerai deux. Le premier est la mutualisation. Il s’agit d’une dimension très importante. Le cadre juridique existant permet d’ores et déjà de faire beaucoup – avec les centres de gestion et les intercommunalités –, mais il faut accompagner les différents acteurs pour permettre une meilleure mutualisation pour nos secrétaires de mairie. Le deuxième axe est la mise en réseau. Il s’agit d’un des apports essentiels de votre travail. Vous plaidez pour le développement des immersions et du tutorat. J’y suis pleinement favorable.
Je crois, moi aussi, à la force des rencontres, aux partages de pratiques, en proximité. Les secrétaires de mairie s’en sont d’ailleurs elles-mêmes saisies, mais cela doit être mis à l’échelle grâce à l’animation des centres de gestion et des intercommunalités. Je m’engage de mon côté à renforcer aussi les liens avec le réseau France Services.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous étions donné rendez-vous d’ici à l’été – c’était l’engagement que j’avais pris en séance. Nous y sommes. Soyons à la hauteur de nos engagements et de ce texte ambitieux qui, je le crois, servira l’attractivité et l’efficacité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (M. Jacques Fernique applaudit.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où le fait politique n’est plus compris, l’élu de proximité demeure l’élu préféré des Français, nous le disons tous.
L’action concrète du maire, au plus proche du quotidien de nos concitoyens, et son écoute permanente de ses administrés forgent un des liens les plus solides qui perdurent, alors que beaucoup trop de Français sont perdus dans le « comment ça marche » d’un millefeuille territorial dont ils se demandent quelle peut être la fonction, voire parfois la légitimité.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui porte sur un des rouages clés du fonctionnement de cet échelon local si essentiel, à savoir le poste de secrétaire de mairie.
Aussi sérieux et essentiel que soit le sujet, notre groupe regrette toutefois quelque peu la manœuvre ayant conduit à l’examen de cette nouvelle proposition de loi.
Le Sénat, dans son ensemble et dans la diversité de ses groupes, est très attentif à la question du bon fonctionnement de l’échelon local. Cette préoccupation est telle que nous avons déjà pu débattre dans cet hémicycle, il y a à peine plus de deux mois, le 6 avril dernier, du sujet préoccupant de la revalorisation des secrétaires de mairie, et ce grâce à un texte de nos collègues communistes, texte d’ailleurs adopté à l’unanimité.
Il nous paraît un peu dommage que la majorité présidentielle, qu’il s’agisse des parlementaires ou des membres du Gouvernement, n’ait pas jugé utile alors d’exprimer ses positions et de proposer ses solutions sous forme d’amendements sur ce texte ; le moment était pourtant opportun, c’était un réel temps de débat parlementaire et démocratique.
Espérer, à juste titre, parvenir à un compromis bénéfique pour l’ensemble du pays devrait être le seul moteur de notre action ; refuser, en quelque sorte, que cela passe par une proposition de loi dont les défenseurs n’appartiennent pas à sa majorité n’est en revanche pas forcément, à nos yeux, un gage de bonnes intentions.
Toujours est-il que nous sommes aujourd’hui face à un nouveau texte : c’est une nouvelle chance de répondre aux attentes légitimes de nos territoires.
Je salue le sérieux dont a fait preuve notre commission en réintroduisant les dispositions relatives aux secrétaires de mairie déjà votées en avril dans le texte que nous étudions aujourd’hui.
Je veux profiter du temps qui m’est imparti dans cette discussion générale pour saluer le dévouement de ces personnes, véritables clés de voûte de l’échelon local, ces secrétaires de mairie, dont l’appui juridique, administratif et technique, particulièrement lors de la préparation des budgets, permet le fonctionnement de nos communes et le bon déroulement de leurs actions et politiques locales.
Véritable interface entre les citoyens et les élus ou l’administration communale, ce poste, occupé en très grande majorité par des femmes, ne bénéficie pas d’un cadre ou d’un statut à la hauteur des missions qui lui sont dévolues.
Le manque de reconnaissance de ce métier pourrait susciter des difficultés de recrutement dans les prochaines années, difficultés qui existent déjà au vu des quelque 2 000 postes vacants. L’urgence d’agir en faveur de la revalorisation de ces fonctions est réelle.
La contractualisation à grande échelle nous pose toujours problème, vous le savez, mes chers collègues. Comme les deux tiers de ces personnes exercent à temps partiel et que près d’un quart d’entre elles travaillent pour plusieurs communes, nous aurions préféré que s’engage une réflexion sur une éventuelle mutualisation à l’échelle intercommunale, pour partager le personnel entre les communes.
Pour autant, notons le constat partagé et la volonté commune de mieux sécuriser le fonctionnement des mairies, via la pérennisation et la valorisation des secrétaires de mairie.
La pérennisation et la visibilité dans les perspectives de carrière et de formation de ces emplois particuliers sont la clé de la consolidation et de la reconnaissance de leur travail.
Je salue également les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a formulé des recommandations très pertinentes sur le sujet. Dans une réelle démarche transpartisane, notre groupe a cosigné les amendements tendant à concrétiser dans ce texte ces travaux.
Notre groupe votera donc ce texte et appelle à son tour le Gouvernement à se saisir enfin, pleinement et rapidement, de ces questions majeures, car nous devrions plus que jamais permettre à ces agents de travailler dans des conditions dignes et convenables afin d’assurer un service public de qualité et accessible pour tous. J’ai à cet égard bien noté les engagements pris à l’instant par M. le ministre.
Tout comme la commission des lois l’avait fait il y a deux mois, nous engageons le Gouvernement à bien prendre en compte les rémunérations et les parcours professionnels de ces personnes, dans le cadre des travaux portant sur l’accès à la fonction publique, ainsi que sur les rémunérations et les parcours professionnels en son sein, lancés le 1er février dernier par le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à notre tour, en déposant ce texte, nous avons souhaité nous engager pour remédier à un point faible de notre dispositif public, un point faible que nous avons tous identifié et qui nous a largement été présenté dans nos départements.
Nous avons voulu travailler sur la base de la première réflexion menée sur l’initiative de nos amis communistes. Chacun se rappelle le contexte de notre vote unanime en faveur de leur proposition de loi : nous considérions qu’il conviendrait de lui apporter un certain nombre de perfectionnements ou de rectifications. C’est bien ce que nous souhaitons faire aujourd’hui, dans le même esprit transpartisan, dont je suis sûr qu’il sera partagé par tous ceux qui soutiendront ce travail, auquel Didier Rambaud et moi-même nous sommes particulièrement consacrés au sein de notre groupe.
Je veux aussi saluer la contribution de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a approfondi le dossier et dont le travail sera certainement exploité cet après-midi. Je dois aussi exprimer un salut tout particulier à notre rapporteur, Mme Di Folco, dont l’excellente contribution souligne la parfaite connaissance de ces sujets d’administration et de fonction publique.
Notre souhait est que la loi consacre rapidement le classement général dans la catégorie B de la fonction publique des secrétaires généraux de mairie aujourd’hui en fonction – comme beaucoup de nos collègues, nous souhaitons que ce soit ce terme que l’on emploie à l’avenir.
Nous souhaitons aussi – ce point a suscité en commission des discussions et des oppositions que, j’espère, nous allons pouvoir surmonter – que cette intégration à la catégorie B de la fonction publique bénéficie aussi à de nouveaux entrants dans cette profession venant de la catégorie C, à condition qu’ils aient suivi une formation qualifiante.
Nous souhaitons également – c’était l’un des points nouveaux et importants de notre proposition de loi – leur garantir une progression de carrière qui corresponde aux contraintes et à la pression particulière qu’emporte cette fonction, du fait de la charge de travail et de la responsabilité qui pèsent sur ses titulaires.
Nous souhaitons enfin que la présente proposition de loi, dont j’espère qu’elle sera bientôt la loi, si nous parvenons à la faire aboutir, ne crée pas seulement une obligation de formation, mais offre aussi des possibilités réelles en la matière. On voit bien en effet que c’est, à l’heure actuelle, l’un des angles morts de la situation des secrétaires de mairie, pour lesquels il n’y a pas véritablement de qualification formellement reconnue et qui connaissent des difficultés, malgré les efforts réels du CNFPT et de ses délégations départementales, pour suivre les formations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
Je voudrais par ailleurs, monsieur le ministre, mentionner à titre personnel deux sujets complémentaires qui relèvent plutôt du règlement, mais qui, à mon sens, constituent des actions nécessaires pour rendre l’emploi durablement attractif : d’une part, la possibilité pour les communes de consentir une aide au logement des secrétaires de mairie, car beaucoup d’entre eux doivent déménager lors de leur recrutement, ce qui implique de leur offrir une aide ; d’autre part, la possibilité pour les communes de consentir une aide au transport, car certaines des personnes chargées du secrétariat général de mairie doivent se déplacer fréquemment, notamment quand elles sont en service dans deux, voire trois communes.
Nous aurons aussi besoin, monsieur le ministre – vos premières annonces sont encourageantes de ce point de vue –, que le Gouvernement apporte en direct un soutien à certaines dispositions ouvrant des charges financières pour les collectivités, de manière à surmonter leur irrecevabilité financière. J’insiste également pour que le Gouvernement prévoie, d’ici au prochain projet de loi de finances, un soutien particulier pour les plus petites communes, dont les ressources sont souvent comprises entre 100 000 et 200 000 euros et pour lesquelles l’effort demandé pourrait dès lors s’avérer disproportionné.
Nous comptons donc sur votre appui, monsieur le ministre, en particulier pour l’examen de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale, qui seul permettra que ce texte devienne loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 6 avril dernier, nous débattions dans cet hémicycle, sur l’initiative du groupe CRCE, de la proposition de loi de notre collègue Céline Brulin relative aux secrétaires de mairie, qui affirmait la nécessité de revaloriser ce métier.
Deux mois plus tard, nous nous retrouvons pour débattre de la proposition de loi de notre collègue François Patriat et de son groupe sur le même sujet des secrétaires de mairie. Cela est suffisamment rare pour être relevé.
J’y vois deux raisons possibles. Selon la première hypothèse, cela traduirait l’expression de notre mauvaise conscience à l’égard des secrétaires de mairie, dont nous nous plaisons à saluer l’engagement et à embrasser la cause. Selon la seconde, cela traduirait le constat d’un travail inachevé lors de notre vote en faveur de la proposition de loi de Céline Brulin le 6 avril dernier.
Je veux vous rassurer, mes chers collègues : si nous avons parfois mauvaise conscience, ou si nous éprouvons un sentiment de travail inachevé, ce n’est fort heureusement pas de notre responsabilité. C’est la faute de l’article 40 de la Constitution, qui nous entrave, nous contraint et limite nos marges de manœuvre législatives et budgétaires. (M. Alain Richard s’exclame.)
Mme Françoise Gatel. Je suis tout à fait d’accord !
M. Hussein Bourgi. C’est aussi la faute du Gouvernement, monsieur le ministre : pardonnez-moi, mais vous n’avez pas fait le choix, le 6 avril dernier, d’enrichir la proposition de loi de Céline Brulin, ce que je regrette.
Partant de ce constat, je ne peux que déplorer la position du Gouvernement sur le sujet des secrétaires de mairie : il leur témoigne de la sollicitude tout en adoptant une posture d’attente, ou plutôt, à en croire votre intervention de ce jour, une stratégie de petits pas.
Alors, monsieur le ministre, je vous le demande très simplement : quand comptez-vous présenter un projet de loi digne de ce nom, c’est-à-dire un projet de loi transversal et volontariste, englobant tous les sujets qui intéressent les secrétaires de mairie, un projet de loi qui précise aussi les moyens budgétaires alloués aux nécessaires évolutions de ce métier ?
Le 1er juin dernier, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a publié les conclusions de son rapport d’information sur le métier de secrétaire de mairie. Je souhaite ici saluer le travail remarquable de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain, mais surtout attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les dix-sept propositions frappées au coin du bon sens qu’ils ont formulées dans ce rapport.
Monsieur le ministre, il n’appartient qu’à vous de puiser dans cette boîte à idées que le Sénat verse au débat et met à votre disposition. Je suis certain que vous trouverez matière, dans ces 17 propositions, pour enrichir vos propres réflexions et travaux.
Je forme le vœu que le débat de ce jour nous permette d’obtenir des réponses de votre part sur l’échéance à laquelle nous sera soumis le projet de loi sur l’attractivité de la fonction publique que vous nous annoncez depuis tant de mois. Je pense que votre réponse intéressera non seulement les sénateurs et sénatrices ici présents, mais aussi les nombreux secrétaires de mairie qui suivent nos débats sur le site du Sénat ; permettez-moi de les saluer à cette occasion.
Il devient en effet urgent de légiférer en la matière, car le métier de secrétaire de mairie est un métier sous tension : agents polyvalents, à la fois rédacteurs, juristes, fiscalistes, trésoriers, urbanistes, mais aussi parfois assistantes sociales et conseillers en informatique ou en orientation scolaire, les secrétaires de mairie représentent bien souvent le premier visage du service public municipal.
C’est un service public à visage humain, qui n’oblige pas à prendre rendez-vous ou à passer par une plateforme dématérialisée.
C’est un service public au sens noble du terme, accessible à toutes et tous.
Au quotidien, les secrétaires de mairie permettent à nos villages de fonctionner en tant qu’entités administratives et politiques.
Au quotidien, ces dizaines de milliers de femmes et d’hommes concourent à la mise en œuvre des politiques publiques communales et à leur efficience.
Disons-le sans ambages : sans les secrétaires de mairie, les communes, notamment en milieu rural, n’existeraient plus.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous : les secrétaires de mairie aiment leur métier ; mais, pour nombre d’entre elles et d’entre eux, ce métier est aujourd’hui synonyme de manque de reconnaissance, de quête de sens, d’isolement.
Les auditions menées par Mme la rapporteure Catherine Di Folco à l’occasion de l’examen de ces deux propositions de loi nous ont permis d’entendre des témoignages mettant en exergue le manque d’attractivité d’un métier pourtant crucial. Les raisons en sont nombreuses : manque de statut propre au métier, précarité des contrats, temps partiels, faible rémunération.
Cette réalité est en totale inadéquation avec la multiplicité des missions à accomplir et avec la complexité des tâches administratives et réglementaires qui pèsent sur les communes et les intercommunalités.
Ce manque d’attractivité a déjà des conséquences : au 10 mars 2023, on comptait 1 919 postes de secrétaires de mairie vacants en France. Les petites communes sont, hélas, les plus touchées.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est-il à la hauteur des enjeux ? Assurément, non. Cette proposition de loi est nécessairement parcellaire, car ses auteurs ont dû composer avec les contraintes de l’article 40 que j’évoquais il y a quelques instants. La rédaction issue des travaux en commission des lois a néanmoins permis d’en améliorer et d’en bonifier la teneur.
Je souhaite, au nom de mon groupe, saluer la rapporteure Catherine Di Folco, dont les apports ont immanquablement enrichi la qualité du texte de Céline Brulin comme de celui de François Patriat.
La présente proposition de loi met l’accent tant sur la formation des secrétaires de mairie que sur leurs évolutions de carrière, soit deux leviers essentiels pour relancer un peu l’attractivité de ce métier. Ces mesures sont bienvenues et nous y sommes favorables.
La rémunération reste, pour l’heure, l’angle mort de nos travaux, alors même que nos collectivités locales peinent à recruter, car elles ne peuvent proposer des salaires aussi attrayants qu’elles le souhaiteraient.
Il semble évident qu’un concours de l’État est nécessaire, particulièrement dans les petites communes du monde rural.
Monsieur le ministre, je me tourne vers vous. Vous avez la maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je n’ai qu’une requête à formuler : pouvez-vous vous engager à ce que ce texte y soit voté avant la fin de la présente session parlementaire, afin que les dispositions contenues dans ces deux propositions de loi, aussi modestes soient-elles, entrent pleinement en vigueur dans les mois qui viennent ?
Les secrétaires de mairie le demandent. En le faisant, vous feriez œuvre utile. Nous comptons sur vous. Les secrétaires de mairie comptent sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard et Mmes Évelyne Perrot et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d’être rappelé, il y a quelques mois, notre groupe, qui est petit, mais efficace, vous présentait une proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Avec l’appui de notre rapporteure, Mme Catherine Di Folco, et du fait de son état d’esprit constructif, nous étions parvenus, unanimement, à poser une première pierre, certes modeste, mais nécessaire, pour la reconnaissance de ces femmes – je le redis, ce sont pour plus de 90 % des femmes – indispensables à la vie de nos petites communes.
Le couple maire-secrétaire de mairie est reconnu par nos concitoyens, qui y voient le pilier de la vie de nos communes rurales, bien plus sans doute que le couple maire-préfet tant vanté durant la crise sanitaire.
Ensemble, ils font vivre ces communes, qui constituent le premier, mais parfois aussi le dernier, des services publics dans nombre de nos territoires et qui, à ce titre, doivent faire face à des attentes et à des besoins toujours plus grands à mesure que l’État abandonne ces territoires.
Lors de l’examen de notre texte, qui avait été sollicité sur toutes les travées de cet hémicycle, vous aviez consenti, monsieur le ministre, à poursuivre ce travail de manière transpartisane. Nous avions même pris date afin que le projet de loi de finances pour 2024 permette de concrétiser d’indispensables mesures salariales.
Moyennant quoi, nous voilà aujourd’hui devant une nouvelle proposition de loi, déposée par le groupe RDPI. La proximité des élections sénatoriales y serait-elle pour quelque chose ?
Mme Nathalie Goulet. Mais non… (Sourires.)
Mme Céline Brulin. Notre groupe est fort attaché à l’initiative parlementaire, nous reconnaissons évidemment ce droit à chacun des groupes, fût-il d’inspiration gouvernementale.
Mais nous pensions, peut-être un peu naïvement, que cette nouvelle proposition de loi, à laquelle, j’imagine, vous avez apporté une petite contribution, monsieur le ministre, permettrait d’aller beaucoup plus loin dans la reconnaissance des secrétaires de mairie.
Nous pensions que des mesures d’ordre réglementaire, que vous avez le pouvoir de prendre, notamment des mesures salariales, seraient mises à l’ordre du jour beaucoup plus rapidement.
Nous pensions que le travail effectué par Cédric Vial, Catherine Di Folco et Jérôme Durain au nom de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation serait mis à profit. En effet, au-delà de la légitime reconnaissance des secrétaires de mairie, il faut lutter contre la pénurie que nous connaissons et qui risque de s’accroître, compte tenu du départ à la retraite prochain – même si vous en avez reculé l’âge – de nombre d’entre elles : un tiers d’ici à 2030.
La présente proposition de loi, telle que l’a retravaillée Mme la rapporteure, va permettre d’accélérer la promotion interne des secrétaires de mairie, qui appartiennent aujourd’hui majoritairement à la catégorie C, vers la catégorie B. C’est une bonne chose, et nous ne mégoterons pas notre soutien à cette mesure.
Mais on pourrait imaginer, si vous n’étiez pas si « accro » à l’article 40 de la Constitution, monsieur le ministre, que cela permette aussi à celles d’entre elles qui appartiennent de longue date à la catégorie B de rejoindre la catégorie A.
On pourrait imaginer un plan de « déprécarisation » de la profession. Certes, la pénurie oblige à recruter des contractuels, mais rien n’empêche de travailler à leur intégration à la fonction publique territoriale.
On pourrait imaginer que l’amélioration du sort des secrétaires de mairie devienne un modèle pour l’amélioration globale de la situation des fonctionnaires, notamment territoriaux. Vous l’avez d’ailleurs évoqué fort justement, madame la rapporteure.
Or, monsieur le ministre, vous ne proposez qu’une revalorisation de 1,5 % du point d’indice, enjolivée de primes non renouvelables, non prises en compte pour le calcul de la retraite. Ainsi, vous mécontentez de nouveau l’ensemble des organisations syndicales ainsi que les associations d’élus, qui n’ont pas été associées à la démarche, alors que les collectivités doivent concrétiser ces mesures au sein de leurs budgets serrés.
On pourrait enfin imaginer, par exemple à l’occasion de la présentation du plan France Ruralités, que soient prises des mesures de compensation pour ces communes, afin précisément qu’elles puissent faire œuvre utile en matière de salaire pour les secrétaires de mairie.
On est malheureusement encore loin de tout cela !
Certes, je ne doute pas que le Sénat parvienne à améliorer encore un peu les choses. Mais ne considérez pas, monsieur le ministre, que cela vaudra pour solde de tout compte : avec les pouvoirs dont vous disposez, vous pouvez faire beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel. (M. Guillaume Chevrollier applaudit.)
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans doute les secrétaires de mairie sont-ils une sorte de tube de l’été, puisque nous sommes sur ce sujet depuis avril ; en tout cas, je souhaiterais vraiment, comme plusieurs des orateurs qui m’ont précédée, qu’il aboutisse avant l’été !
Si nous sommes aujourd’hui aussi nombreux, aussi intéressés par ce sujet, c’est sûrement parce qu’il le vaut bien, et la paternité de l’ouvrage auquel nous travaillons sera sans doute difficile à établir. Quoi qu’il en soit, je veux saluer le travail excellent de Céline Brulin et de ses collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail remarquable de sérieux et de rigueur de notre rapporteur Catherine Di Folco et, naturellement, celui de mes collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le trio formé par Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, qui ont produit un rapport extrêmement intéressant et de grande qualité sur les secrétaires de mairie.
Je veux enfin saluer toutes et tous les secrétaires de mairie : nous en connaissons beaucoup, nous savons ce qu’est leur vie au quotidien, nous savons combien ils ou elles sont un peu plus encore que la cheville ouvrière de l’action publique.
Aussi, monsieur le ministre, il n’y a que vous que je n’ai pas encore salué. Je vais donc le faire, mais très franchement et sans arrière-pensées, un peu comme Mme Brulin l’a fait, sous la forme de la notation de fin d’année que l’on donne à un élève : celui-ci est bon, appliqué, il peut mieux faire, il doit accélérer et ainsi nous permettre de conclure ! (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, nous avons aujourd’hui dans notre pays 23 000 secrétaires de mairie, mais 1 900 postes sont vacants et plus de 30 % de ces personnes partiront à la retraite d’ici à la fin de la décennie.
Le poste de secrétaire de mairie est unique par sa responsabilité. J’ai eu l’occasion, dans mon département, de connaître la douleur d’une secrétaire de mairie et de son maire quand le plan local d’urbanisme de leur commune, qui était en voie de finalisation, a fait l’objet d’un recours victorieux parce que la secrétaire de mairie n’avait pas pu envoyer le fameux document officiel à la date prévue : il y avait un retard de 24 heures !
La responsabilité est donc énorme ; comme quelqu’un parmi nous l’a dit avant moi, les secrétaires de mairie sont des fabricants de possible quand les maires sont des inventeurs de possible. Or si nous n’avons plus de secrétaires de mairie, monsieur le ministre, nous n’aurons plus de maires ! Il faut donc savoir attirer ces secrétaires de mairie, les former et les accompagner, parce qu’elles travaillent souvent dans une grande solitude. Il faut aussi savoir leur offrir de la reconnaissance.
Quand nous parlons des secrétaires de mairie, nous parlons des communes et des maires. Nous ne cessons, ici comme ailleurs de déplorer le désenchantement des maires, de nous en attrister : nous compatissons, nous saluons, nous rendons hommage, c’est encore heureux, mais cela ne suffit pas ! Or ce désenchantement des maires, s’il est dû à plusieurs causes, découle notamment de ce qu’ils font trop souvent face à une complexité énorme sans recevoir l’appui d’une secrétaire de mairie, qui est une sorte de couteau suisse. On doit donc considérer ce métier dans sa particularité.
Pour ma part, je suis déconcertée par l’usage qui est fait de l’article 40 de la Constitution et je veux, si je puis dire, faire un billet d’humeur à son sujet. Cet article de notre Constitution exprime un principe de précaution : nous n’allons pas encourager les maires à engager des dépenses, nous essayons d’être vertueux. Seulement, cette norme de précaution est aujourd’hui transformée en objectif. Dès lors, à cause de l’article 40, on ne pourrait pas permettre à un maire de faire passer sa secrétaire de mairie de la catégorie B à la catégorie A. Cela coûterait, pour un emploi à temps complet, 1 800 euros par mois. S’ajoutent d’autres verrous : le principe de libre administration des collectivités et celui d’équilibre du budget de fonctionnement. Sincèrement, je pense que, en nous montrant incapables de surmonter, tous ensemble, le carcan d’une norme qui devient contre-productive, nous ne servons ni l’intérêt public ni l’efficacité de l’action publique : c’est inexplicable auprès des élus locaux !
Monsieur le ministre, vous avez entendu le soutien unanime, la polyphonie extrêmement positive, le travail rigoureux accompli par tout le monde. Pour ma part, je ne sous-estime pas votre bonne foi ni votre volonté, je les reconnais, mais il faut vraiment conclure et avancer sur ce sujet. Monsieur le ministre, il faut parfois être disruptif et se dégager des carcans normatifs ! En la matière, je pense que le statut de la fonction publique est trop normatif pour être équitable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sens des responsabilités, le service de proximité, la souplesse, la fidélité : voilà des qualités que tout employeur s’arracherait. Ce sont celles de la plupart des secrétaires de mairie, postes en très grande majorité occupés par des femmes. Pourtant, à ce jour, cette fonction n’attire pas, car elle est sursollicitée, peu rémunérée et peu valorisée. Leur humilité silencieuse les a trop longtemps confinées dans l’oubli du législateur. Il est temps que cela change !
Si les communes rurales sont la clé de l’équilibre des territoires, les secrétaires de mairie sont la clé des communes rurales. Plus la commune est rurale, plus les secrétaires de mairie sont polyvalentes et primordiales pour le bon fonctionnement local.
Elles occupent notamment, souvent seules, une fonction stratégique dans la gestion des opérations électorales. Elles sont ainsi les garantes de la vitalité démocratique de la France périphérique, elles constituent donc le lien de confiance entre le peuple et le pouvoir, entre les administrés et l’administration.
Elles ont aussi la charge du bon déroulement des moments les plus importants de la vie des habitants, puisqu’elles assistent l’officier d’état civil qu’est le maire. Pour ce faire, elles sacrifient de leur temps, les samedis et dimanches. L’élargissement de leurs compétences, de manière générale, crée des journées à rallonge qu’elles acceptent avec abnégation.
Ces couteaux suisses à la française apprennent leur métier sur le tas et s’adaptent à la multiplication et à la complexification des normes. Elles sont les premières victimes du « harcèlement textuel » évoqué dans un récent rapport sénatorial, ainsi que des injonctions contradictoires des différents codes.
Elles ont aussi un rôle d’appui auprès du maire, de son conseil municipal et des services qu’elles coordonnent. Elles assurent un soutien permanent et sont le pivot entre les interlocuteurs. D’ailleurs, les élus changent plus souvent que les secrétaires de mairie, qui ont donc aussi un rôle de mémoire et de continuité des institutions communales.
Ce guichet humain, cette oreille désintéressée et à accessible, ni le numérique ni l’intelligence artificielle ne pourront les remplacer.
Aujourd’hui, pourtant, on subit une pénurie de secrétaires de mairie. Nous sommes donc appelés à trouver des réponses à la hauteur de l’enjeu. Il y a 2 000 postes à pourvoir, c’est-à-dire 2 000 communes en urgence vitale. Plus la commune est petite, plus l’importance de la fonction est cruciale. Là où tous les services publics ont disparu, le secrétaire de mairie maintient une présence au service du public.
Il y a donc là un véritable enjeu d’avenir, spécialement pour la ruralité.
C’est pourquoi je soutiendrai ce texte, ainsi que les amendements qui tendent à permettre une meilleure formation et une revalorisation salariale et statutaire. Je pense aussi qu’il est plus que temps que la loi s’adapte à l’évolution des fonctions des secrétaires de mairie, en requalifiant les agents de catégorie C en catégorie B.
Je serai heureux de pouvoir voter avec vous, mes chers collègues, en faveur d’une meilleure reconnaissance des secrétaires de mairie, qui tiennent notre nation debout en cimentant son socle communal de leur présence bienveillante.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les problèmes de recrutement des secrétaires de mairie sont symptomatiques des mutations de la fonction publique territoriale et du fonctionnement des collectivités. Ma collègue Maryse Carrère, lors de l’examen de la précédente proposition de loi sur le sujet, en avril, a bien résumé les choses : « Le métier concentre à lui seul les difficultés de la fonction publique territoriale. »
Le manque de formation, l’inflation normative, les transferts de compétences aux intercommunalités et la frustration des administrés face à des services publics dégradés sont autant de facteurs qui expliquent les 1 300 démissions de maire et la vacance de 1 900 postes de secrétaires de mairie – les deux étant naturellement liées, car maire et secrétaire de mairie forment, dans les plus petites communes, un binôme indissociable.
Cette proposition de loi porte sur les deux difficultés principales de ce métier : le manque de formation et le manque de reconnaissance.
Le secrétaire de mairie est souvent décrit comme un couteau suisse, qui épaule le maire. Malgré l’implantation des maisons France Services, le secrétaire de mairie demeure une ressource indispensable, la mairie étant le seul service public implanté dans l’intégralité des communes, au plus près des populations les plus fragiles.
La polyvalence dont doivent faire preuve ces agents nécessite une formation plus musclée et régulièrement actualisée pour suivre les évolutions réglementaires. Pour l’heure, les intercommunalités prennent le relais, notamment grâce aux réseaux de secrétaires de mairie, qui permettent aux agents d’un même territoire de se concerter et de mettre en commun leurs compétences.
Cette proposition de loi vise donc à renforcer la formation des secrétaires de mairie, à la fois pour leur donner des clés supplémentaires dans l’exercice de leur métier et pour leur permettre d’évoluer plus vite.
Pour les secrétaires de mairie de catégorie C déjà en poste, deux nouvelles voies de promotion interne sont prévues pour faciliter l’accession à la catégorie B : par un processus de reconnaissance des acquis de l’expérience simplifié et une dérogation à la règle des quotas jusqu’en 2028 ; puis grâce à la validation d’une formation qualifiante à compter de 2029. Nous proposerons sur ce point de revenir à la version initiale du texte, qui prévoyait une entrée en vigueur de cette mesure sans délai.
Pour ma part, je solliciterai le Gouvernement pour qu’il produise un rapport sur l’opportunité de créer un brevet de technicien supérieur (BTS) de secrétaire de mairie. Il s’agirait d’une formation initiale et nationale, axée sur la professionnalisation – ce qu’une formation universitaire ne permet pas toujours.
Toutefois, ces mesures ne seront efficaces que si nous créons des conditions favorables pour que ces formations soient effectivement dispensées. En effet, les pénuries de personnel et la multiplicité des employeurs peuvent freiner les départs en formation, par crainte que l’accumulation de travail en retard ne soit difficile à rattraper lors du retour en poste.
En tout état de cause, l’attractivité de ce métier doit être renforcée, car celui-ci répond à un besoin impérieux de nos territoires.
Afin de soutenir les secrétaires de mairie exerçant dans plusieurs communes, notre groupe avait déposé un amendement visant à mieux valoriser les agents relevant de plusieurs employeurs, qui a malheureusement été déclaré irrecevable. En zone rurale, le cas est fréquent et à l’origine d’une réelle désaffection, du fait de la surcharge de travail, de la fatigue et des coûts supplémentaires liés au transport.
Comme cela a été rappelé, 1 900 postes sont actuellement vacants et un tiers des secrétaires en poste cesseront leur activité dans les huit prochaines années. Compte tenu du fait que des agents travaillent dans plusieurs mairies, l’attractivité de milliers de communes sera directement affectée. Nous devons donc envisager des mesures plus fortes de revalorisation spécifique.
Pour conclure, le groupe RDSE soutiendra bien sûr cette proposition de loi, qui traite une véritable préoccupation de nos élus locaux. Pour garantir le bon fonctionnement des communes, mais aussi la qualité du service public, il est urgent de revaloriser ce métier en mutation et en tension. Cette initiative ne pourra toutefois pas exempter le Gouvernement d’un travail sur la revalorisation salariale et d’autres mesures non législatives très attendues. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Cédric Vial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les secrétaires de mairie exercent des fonctions essentielles au bon fonctionnement des municipalités de moins de 3 500 habitants.
Ils sont près de 23 000 à exercer ce beau métier, en formant un binôme avec leur maire, qu’ils assistent, conseillent et accompagnent et sont les garants de la continuité du service public dans leurs territoires. Il s’agit d’un métier complet, polyvalent et, par-dessus tout, d’un métier qui a du sens.
Pourtant, depuis 2022, il est considéré comme le métier le plus en tension de la fonction publique territoriale : près de 2 000 postes sont actuellement vacants et entre 8 000 et 10 000 postes devront être renouvelés d’ici à 2030.
Cette situation exceptionnelle constitue un enjeu majeur pour notre organisation territoriale. Un plan d’action rapide est nécessaire pour y répondre, ainsi qu’aux attentes légitimes des secrétaires de mairie et des maires de notre pays.
C’est dans cet esprit que Jérôme Durain, Catherine Di Folco et moi-même avons conduit une mission d’information. Après avoir consulté les principaux acteurs nationaux et locaux et étudié les initiatives innovantes mises en œuvre localement, nous avons proposé une vision d’avenir de ce métier, déclinée en dix-sept propositions, pour le rendre plus lisible, plus accessible et plus attractif.
Ce plan d’action forme un tout et se décline en cinq axes : la formation ; une meilleure reconnaissance du métier et des responsabilités afférentes ; des perspectives de carrières et d’évolution professionnelles ; un accompagnement durant l’exercice de leurs fonctions ; une communication pour améliorer l’attractivité du métier.
Ce travail a été réalisé, comme le Sénat en a l’habitude, dans un état d’esprit transpartisan et constructif. Il a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité par les membres la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par Françoise Gatel, que je remercie sincèrement de son précieux soutien.
Je formulerai trois points d’alerte.
Première alerte : monsieur le ministre, alors que la logique aurait voulu que ces propositions fassent l’objet d’une transcription législative, l’annonce d’une proposition de loi préparée par vos services, sans attendre le résultat de nos travaux, est venu bouleverser cette logique et les bons usages. Plutôt que de nous en formaliser, et bercés par vos affirmations d’une volonté à conduire un travail collectif et transpartisan, nous vous avons fait confiance et nous nous sommes adaptés.
Deuxième alerte : le dépôt de cette proposition de loi par notre collègue François Patriat, sans aucun échange préalable, n’a pas permis que celle-ci soit réellement pluraliste. Qu’à cela ne tienne, estimant primordial qu’un texte aboutisse sur le sujet, nous nous sommes dit que nous modifierions le texte en commission, grâce au travail de Catherine Di Folco, notre rapporteure, et que le reste ferait l’objet de discussions avec vous, monsieur le ministre, dans la perspective de parvenir à un accord aujourd’hui en séance.
Pourquoi se méfier ? Vous nous avez tellement rassurés sur vos intentions d’aboutir à un résultat qui soit le fruit d’un travail collectif…
Troisième alerte : lors de votre audition par les membres de notre délégation, vous avez affirmé, au sujet de la création de la prime de responsabilité, élément majeur et central du nouveau système que nous proposons : « Je suis favorable à ce que vous proposez, mais il faudra étudier les modalités. »
Dont acte, poursuivons et étudions ces modalités pour avancer, avons-nous répondu. Pour nous, le plus important reste qu’un texte soit adopté, tant l’attente est forte parmi les secrétaires de mairie, que nous ne voulons pas décevoir. Alors, voyons-nous, échangeons, car l’échéance approche et seul le Gouvernement a la faculté d’inscrire par amendement certaines dispositions auxquelles nous tenons. Pas de problème de droit d’auteur, je vous propose de les déposer vous-même avec notre soutien ou d’autoriser leur discussion lorsque votre seul accord suffit – travail collectif, transpartisan…
Nous avons alors décidé de nous voir. Mon objectif était clair : comme la plupart de mes collègues, vous ai-je dit, je veux transposer le résultat de notre travail dans la loi pour que son examen ne devienne pas le rendez-vous des espoirs déçus. Mais quel est le vôtre, monsieur le ministre ?
« L’objectif de cet échange informel est de “traiter” le sénateur Vial en lui confirmant votre intérêt pour son rapport d’information et tout en tenant une position globalement défavorable sur ses amendements. » C’est ainsi, monsieur le ministre, que sont décrites vos intentions dans le dossier préparé par vos collaborateurs, que vous avez malencontreusement oublié à votre départ. (Sourires. – Mme Nathalie Goulet s’esclaffe.)
Plus loin, il est bien sûr précisé, mesure par mesure, pourquoi ou comment vous vous y opposerez ou les éviterez. Sachant que nous nous reverrions aujourd’hui, je ne vous l’ai pas envoyé par la poste, mais évidemment, je vous le rendrai à l’issue de mon intervention. (Sourires. – M. Hussein Bourgi rit.)
Quoi qu’il en soit, il ne reste pas grand-chose de nos propositions. J’ai attendu jusqu’au dernier moment un geste de votre part sur certaines dispositions de nature législative ; il n’est pas venu.
Dorénavant, je sais aussi, de manière anticipée, le sort que vous comptez réserver aux autres dispositions de nature réglementaire que nous proposons pour valoriser les secrétaires de mairie ou leur offrir des perspectives de carrière.
Monsieur le ministre, je le regrette, mais j’affirme, à l’avance, que l’examen de cette proposition de loi sera un nouveau rendez-vous manqué. La promesse d’un travail collaboratif et collectif s’est dissoute dans de petites sournoiseries.
Comme le chantait Diane Tell, « Il faut dire que les temps ont changé, de nos jours c’est chacun pour soi »… Nous ne pouvions pas nous entendre, monsieur le ministre, nous avions des objectifs trop différents.
Nous voulions, dans quelques conditions que ce soit et sans égard pour qui se verrait attribuer la paternité des mesures, faire aboutir un système d’organisation qui reconnaisse mieux le métier de secrétaire de mairie, le rende plus attractif et anticipe le défi majeur du recrutement dans les prochaines années.
Vous vouliez un texte avec le logo de la majorité sur ce sujet avant les élections sénatoriales, pour faire semblant de l’avoir traité. Si vous étiez un homme d’État, vous sauriez qu’au Sénat, ces choses-là ne se font pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE. – MM. Hussein Bourgi et Guy Benarroche applaudissent également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi un texte spécifique pour les secrétaires de mairie ? Avant tout parce que c’est un métier pas comme les autres !
En effet, il faut savoir gérer un budget, monter les dossiers de subvention, maîtriser le droit de l’urbanisme, connaître un bon nombre de démarches administratives, se former aux nouveaux logiciels et, bien souvent, travailler pour plusieurs mairies… Bref, les secrétaires de mairie sont de véritables couteaux suisses, des agents tout-terrain de la fonction publique.
Ils sont, avec le maire, derrière la première porte à laquelle l’habitant vient frapper. Ainsi, ils recueillent parfois des demandes très concrètes et, d’autres fois, de véritables engueulades. Ils sont également amenés à gérer des situations personnelles compliquées, ce qui nécessite un vrai savoir-faire dans les relations humaines.
Ce métier est passionnant ; ceux qui le font le font avec cœur. Pourtant, force est de constater qu’il traverse une réelle crise des vocations. Les maires ont de plus en plus de mal à recruter et la pyramide des âges, qui nous indique qu’un secrétaire de mairie sur trois cessera son activité au cours des huit prochaines années, nous oblige à proposer des solutions concrètes. C’est tout l’objet de ce texte.
Cette proposition de loi ne résout pas tout, mais elle vise juste : elle permet de déroger à la règle des quotas et simplifie des parcours de carrière dans la fonction publique qui, on le sait, sont particulièrement complexes et rigides.
Ainsi, ce texte prévoit une meilleure reconnaissance des acquis et un assouplissement de l’accession à des grades supérieurs, notamment pour passer de la catégorie C à la catégorie B. De plus, il facilitera le recrutement et permettra l’embauche de contractuels dans des communes comptant jusqu’à 2 000 habitants.
Par ailleurs, s’il est nécessaire de proposer des formations à celles et à ceux qui se lancent dans le métier, soyons vigilants à ne pas les rendre obligatoires pour tout le monde, en particulier ceux qui ont déjà plusieurs années d’expérience.
De plus, la progression des carrières est une chose, sa traduction dans les salaires en est une autre. Le Gouvernement a annoncé une hausse du point d’indice, mais il faut, comme il l’a aussi annoncé, s’attaquer d’urgence à la révision des grilles indiciaires de la fonction publique. Nous le savons, à l’heure actuelle, passer de la catégorie C aux premiers échelons de la catégorie B ne change quasiment rien sur la fiche de paye.
En outre, il est nécessaire d’accompagner les communes qui n’auraient pas la capacité d’organiser des formations, de recruter et d’assumer les augmentations liées aux progressions de carrières.
Nous souhaitons que, après le vote d’aujourd’hui, le texte soit rapidement repris à l’Assemblée nationale et que la loi soit promulguée dans les plus brefs délais.
Au-delà du sujet de la carrière, le découragement qu’éprouvent certains secrétaires de mairie – et certains maires – est lié à la lourdeur, à la rigidité et, parfois, à la nature de leurs relations avec les services de l’État. Je pense notamment au contrôle de légalité, à la situation des trésoreries et à celles des services des directions départementales des territoires (DDT). L’État doit opérer une véritable révolution en interne pour que ses services soient perçus comme un partenaire, et non un adversaire, des communes.
Tous les élus du groupe Les Indépendants qui en sont cosignataires voteront ce texte si important et saluent cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme la rapporteure l’a très bien expliqué : demain les secrétaires de mairie se feront plus rares. C’est un comble pour nos mairies, dont nombre des multiples tâches qu’elles ont entre leurs mains ne cessent de gagner en complexité – je pense notamment à l’urbanisme ou aux marchés publics.
Nous soulignons souvent, sur ces travées, à quel point le couple maire-préfet est important pour nos communes, mais le binôme maire-secrétaire de mairie l’est tout autant, car il constitue la colonne vertébrale des petites municipalités.
Les auteurs de l’excellent rapport d’information publié par la délégation aux collectivités territoriales ont souligné ce que nous observons dans nos départements : en contrepartie des compétences, de la polyvalence et de la disponibilité qui leur sont demandées, les agents doivent se voir offrir un horizon professionnel et des évolutions dans leurs carrières, assorties d’une rémunération dynamique récompensant leur implication.
La lassitude des professionnels d’aujourd’hui annonce la désaffection des candidats de demain. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de rendre son attractivité à ce beau métier, qui illustre la première richesse de nos petites communes : la proximité.
Aussi, les dispositions que Mme la rapporteure a fait adopter en commission pour tenir compte des compétences acquises dans la promotion des agents à la catégorie supérieure – que ce soit la catégorie B ou la catégorie A – constituent une avancée salutaire.
Monsieur le ministre, la rémunération est un facteur fondamental d’attractivité. Or elle relève du pouvoir réglementaire, dont vous êtes le dépositaire. Le salaire des secrétaires de mairie étant versé par les communes, l’État doit intégrer à sa politique de dotations aux collectivités le fait que ces agents – principalement des femmes – incarnent souvent, à eux seuls, le premier échelon de l’administration.
De plus, un effort de formation est nécessaire pour que les secrétaires de mairie mènent à bien leur mission. N’oublions pas qu’ils sont eux aussi confrontés aux problèmes inhérents à la ruralité. L’éloignement géographique complique la participation physique aux enseignements. Dès lors, pourquoi ne pas délivrer ces contenus à distance ? Cela réglerait tant la question du déplacement que celle du nombre de places disponibles, souvent trop restreint.
L’augmentation de la capacité des formations doit aller de pair avec une multiplication des sessions dispensées tout au long de l’année. Pour favoriser l’indispensable tuilage, pourquoi ne pas proposer à certains secrétaires de consacrer entièrement leur dernière année avant la retraite à la formation ? En plus de diffuser leur connaissance intime de la fonction, ils pourraient également assurer un tutorat auprès des nouvelles recrues.
Enfin, madame la rapporteure l’a rappelé lors de l’examen de ce texte en commission, la question de l’intitulé du poste fait encore débat, en particulier chez les premiers concernés. L’idée de renommer leur métier en « secrétaire général de mairie » me paraît mieux correspondre aux réalités qu’il recouvre. Il participe aussi de l’attractivité de ce poste, transversal, qui recouvre autant la préparation du budget que la gestion du personnel communal.
Toutefois, la défiance exprimée par certains représentants syndicaux se comprend : sans améliorations substantielles des perspectives de carrière et sans hausse des salaires, les secrétaires de mairie ne prendront guère au sérieux nos belles formules de législateurs.
En se penchant sur cette question, le Sénat remplit sa mission. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, qui doit montrer s’il est prêt à encourager et à promouvoir des agents compétents et dévoués, en permettant l’adoption de mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, le groupe Les Républicains demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de suspension de séance ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je n’y vois pas d’objection.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, des articles de la proposition de loi.
proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie
Article 1er A (nouveau)
Après l’article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-19-1. – Pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 2 000 habitants, le maire nomme un ou plusieurs agents, qui peuvent exercer celles-ci à temps partiel. »
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.
M. Cédric Vial. Je tiens à rappeler deux ou trois éléments. Un toilettage des textes réglementaires régissant actuellement le statut des secrétaires de mairie apparaît nécessaire.
En effet, il existe des différences d’appréciation, comme nous l’avons constaté lors des auditions que nous avons menées, notamment entre la direction générale de la fonction publique, monsieur le ministre, et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), sur ce qu’est un secrétaire de mairie et sur quelles strates il intervient.
L’empilement des textes au fil des ans a conduit à ces difficultés de lecture réglementaire. Le statut de secrétaire de mairie, selon le décret du 30 décembre 1987, s’applique aux communes de moins de 3 500 amendements. Si l’on avance souvent le chiffre de 2 000 habitants, c’est parce que, au-delà de ce seuil, une municipalité peut – ce n’est pas une obligation – nommer un directeur général des services (DGS). Il y a donc un flou réglementaire.
Alors que nous nous apprêtons à discuter de ce qu’est un secrétaire de mairie, de ce que sera peut-être un secrétaire général de mairie, nous vous rappelons, monsieur le ministre, la nécessité de rédiger une circulaire pour rappeler à la fois les missions, les fonctions, les différentes strates, les sujétions afférentes à chacune de ces fonctions, en renvoyant vers des textes réglementaires.
Ces derniers devront être légèrement toilettés, puisque nous allons probablement créer un statut de secrétaire général de mairie qui existe déjà dans les textes depuis qu’un décret a été pris, de manière, à mon avis, maladroite.
Je tenais à intervenir en amont des discussions sur les questions de strates, de nom et de statut, pour insister sur la nécessité de toiletter les textes réglementaires et de prendre une circulaire-cadre pour définir clairement les fonctions et renvoyer vers les textes afférents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.
M. Jean-François Longeot. Je tiens à rappeler à mon tour le rôle fondamental, dans nos collectivités, des secrétaires de mairie. Ces derniers sont les bras droits des maires et doivent faire preuve, au quotidien, de nombreuses compétences. Pourtant, d’ici à 2030, un tiers des actuels secrétaires de mairie seront à la retraite et les maires se trouveront démunis, en particulier en milieu rural.
Si les fonctions de secrétaire de mairie exigent une grande polyvalence et des compétences plurielles, ce métier n’en demeure pas moins invisible ; ceux qui l’exercent aspirent à une réelle reconnaissance.
Tout d’abord, il est évident que la dénomination doit être changée pour que la fonction soit mieux reconnue : le titre de secrétaire général de mairie conviendrait très certainement mieux.
Mais le plus important demeure la revalorisation de ce métier. En effet, 60,5 % des secrétaires de mairie occupent actuellement des postes d’agents de catégorie C, ce qui ne correspond aucunement à la réalité du métier.
Il est donc important que ces agents puissent valider leurs acquis pour passer de la catégorie C à la catégorie B sans passer de concours, et que les différences de traitement entre titulaires et non titulaires soient gommées.
Des grilles d’indemnisation propres pourraient être mises en place, en adéquation avec le degré de responsabilité et les multiples savoir-faire de ces agents. La création du Rifseep a certainement comblé une partie des lacunes de la grille indiciaire de la fonction publique, avec l’augmentation du Smic, mais cela ne suffit pas.
Les secrétaires de mairie doivent être davantage accompagnés pour se former tout au long de leur carrière, la forte évolution normative induisant inévitablement une technicité accrue.
Ces professionnels sont impliqués et ne comptent pas leur temps. Ayant le droit de travailler 40,25 heures par semaine, ils dépassent bien souvent les 35 heures hebdomadaires. Or les heures supplémentaires ne sont pas prises en compte – et c’est important, nous venons d’avoir un débat sur le sujet – pour le calcul de leur retraite, tout comme 80 % du Rifseep.
Il est donc important de répondre aux attentes de nos secrétaires de mairie ; ne les décevons pas une nouvelle fois !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Je ne prendrai pas la parole sur chaque article, mais je tiens à répondre à M. Cédric Vial.
Monsieur le sénateur, vous indiquez, à juste titre, qu’un toilettage réglementaire est nécessaire et vous appelez à ce que nous prenions une circulaire-cadre. Nous débattrons sur l’intitulé de la fonction, sur les grades, etc. De nombreux sujets étant en effet d’ordre réglementaire, je m’engage, préalablement à nos débats, à traduire les propositions qui seront avancées dans les textes réglementaires, et de prendre une circulaire-cadre.
Voilà l’esprit dans lequel j’aborde cette discussion.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Billon, MM. E. Blanc, J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Del Fabro, Demas, Doineau et Dumont, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand et Gremillet, Mme Guidez, MM. Guerriau, Hugonet et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2122-19-... ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-19-.... – Pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 3 500 habitants, le maire nomme un agent de catégorie C aux fonctions de secrétaire de mairie ou un agent de catégorie B ou A aux fonctions de secrétaire général de mairie, sauf si un agent de catégorie A occupe les fonctions de directeur général des services. Ces agents peuvent exercer ces fonctions à temps partiel ou non complet. »
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse sur la circulaire-cadre.
Cet amendement est important, car il porte sur la dénomination de la fonction. C’est un vieux sujet, qui remonte à quarante ans. On a souvent tergiversé, mais jamais vraiment trouvé de solution. La seule fois où l’on avait tranché pour créer un cadre d’emploi commun aux secrétaires de mairie, des situations très différentes ont été regroupées sous une seule dénomination, ce qui a posé des problèmes et abouti à l’extinction de ce cadre d’emploi.
Cet amendement vise à considérer que les fonctions de secrétaire de mairie relèvent de la catégorie B de la fonction publique et que le nom soit changé en « secrétaire général de mairie ». Ainsi, les agents appartenant à la catégorie B ou A de la fonction publique qui exercent ces fonctions deviendront secrétaires généraux de mairie.
En revanche, les agents de catégorie C resteront secrétaires de mairie. Or 60 % de ces professionnels appartiennent actuellement à cette catégorie, c’est-à-dire une majorité d’entre eux. Nous allons tout faire pour que le dispositif que nous adopterons accompagne ces secrétaires de mairie, par de la formation et par une promotion interne reconnaissant l’expérience, vers la fonction de secrétaire général de mairie.
Nous voulons leur proposer une évolution professionnelle, de secrétaire de mairie à secrétaire général de mairie, cette dernière fonction devenant la norme, quelle que soit la strate, selon les compétences de l’agent. On pourra alors être secrétaire général de mairie dans une commune de 50 habitants comme dans une commune de 3 500 habitants.
M. François Bonhomme. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cette appellation est notre seul petit point de divergence. Je suis entièrement d’accord sur la nécessité de changer d’appellation : celle de secrétaire général de mairie me convient tout à fait, quelle que soit la catégorie de l’agent concerné. In fine, les secrétaires de mairie devront relever de la catégorie B. Vous comprendrez donc qu’inscrire dans la loi que les secrétaires de mairie relèvent de la catégorie C me chagrine : je suis réservée.
Je suis également réservée sur le fait d’opérer une distinction entre deux professionnels qui exercent les mêmes fonctions sans porter le même titre.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure.
Monsieur le sénateur, j’ai deux points de convergence totale avec votre argumentaire. D’une part, il faut changer l’intitulé de la fonction : « secrétaire général de mairie » semble faire consensus, ainsi que je l’ai souligné dans mon intervention en discussion générale. Je soutiendrai donc des amendements qui visent à l’inscrire dans la loi. D’autre part, l’ensemble des secrétaires de mairie devra relever de la catégorie B à partir de 2029.
Toutefois, je partage les réserves très bien exprimées par Mme la rapporteure. De surcroît, la correspondance entre fonction et catégorie est de nature réglementaire : je m’engage donc à donner une traduction réglementaire au choix qui sera fait par le Sénat.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 10 rectifié au profit des amendements qui visent le seul changement d’intitulé.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sur le fond, je soutiens la proposition de M. Vial : l’intitulé « secrétaire général de mairie » est une reconnaissance du niveau de qualification qui sera validé lorsque les personnes bénéficieront de la catégorie B en vertu de l’article 1er.
Toutefois, puisque cela relève du champ réglementaire, M. Vial va probablement retirer son amendement.
Monsieur le ministre, il me semble important que le décret réserve bien l’intitulé « secrétaire général de mairie » aux agents qui ont franchi le cap de formation et de qualification propre à la catégorie B ; les autres resteront en catégorie C pendant la période transitoire qui court jusqu’en 2029.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Il s’agit d’un sujet de fond, déterminant pour la suite de nos discussions. C’est l’une des propositions phares de notre mission d’information.
Je ne partage pas l’avis de Catherine Di Folco. Si vous ne voulez plus de secrétaires de mairie de catégorie C, ne leur donnez pas le titre de secrétaire général de mairie ! Nous disons que les mairies ont besoin de secrétaires généraux et que ceux qui ne le sont pas encore peuvent le devenir. Mais si vous donnez aux agents de catégorie C le titre de secrétaire général de mairie, vous ne les incitez pas à rejoindre la catégorie B.
Notre rapport a mis l’accent sur la constitution de filières de formation conduisant les agents vers les catégories B ou A. Les secrétaires de mairie de catégorie C, qui représentent 60 % de l’ensemble, ne doivent être ni transformés ni supprimés, mais accompagnés vers la catégorie B, via la reconnaissance de leur expérience – ils exercent déjà les missions d’agents de catégorie B – ou une formation.
On parle de 60 % des secrétaires de mairie ! Les procédures que nous nous apprêtons à examiner vont permettre à 25 % ou 30 % des secrétaires de mairie de passer de la catégorie C à la catégorie B, mais il en restera encore 40 % ou 45 % qu’il faudra continuer à inciter à rejoindre la catégorie B grâce à la formation, à l’examen professionnel et à la promotion interne. Voilà l’enjeu !
Nous visons le même objectif. C’est pourquoi je vous propose cette distinction qui offre une évolution aux agents. Nous leur disons : vous n’avez pas le même titre, mais vous pouvez évoluer. C’est vertueux et c’est la clé de tout ce que nous souhaitons mettre en place.
Je suis en désaccord avec la rapporteure et le ministre sur un dernier point ; c’est au maire de décider qui il souhaite embaucher, ce n’est pas au ministère d’autoriser ou d’interdire. Les maires embaucheront qui ils veulent. S’ils choisissent un agent de catégorie C, il ne sera pas secrétaire général de mairie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je suis plutôt d’accord avec Mme la rapporteure, car il s’agit d’accompagner 60 % des secrétaires de mairie de la catégorie C vers la catégorie B. En dépit de notre souhait d’accélérer, cela va nécessairement prendre un peu de temps…
Certaines femmes – puisqu’il s’agit essentiellement de femmes – resteront secrétaires de maire, alors que d’autres, qui exercent pourtant la même profession, deviendront secrétaires générales de mairie. Leur demande de reconnaissance ne sera pas exaucée, puisque l’appellation actuelle, qui deviendra un peu désuète, risque de les « rabaisser ».
Nous souhaitons aussi rendre ce métier particulier plus lisible et améliorer sa reconnaissance. Mais, en multipliant les titres, au lieu de clarifier et d’expliciter, nous risquons d’ajouter de la confusion. Je préfère donc qu’il n’y ait pas de distinction, sauf, bien entendu, entre « secrétaire général de mairie » et « directeur général des services », car il ne s’agit pas du tout de la même catégorie.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Mes arguments sont les mêmes que ceux de Mme la rapporteure, de M. le ministre et de Mme Brulin.
Permettez-moi d’en ajouter un : il s’agit souvent de contrats à temps partiel. Mettez-vous à la place d’un secrétaire de mairie qui travaillerait dans deux ou trois communes. Selon la strate concernée, il serait secrétaire de mairie ici, secrétaire général là… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il me semble qu’il faut de la cohérence et que tout le monde soit secrétaire général.
L’amendement proposé fait référence à la catégorie C. Or tous nos travaux visent à ne plus recruter de secrétaires de mairie de catégorie C. Si nous souhaitons résorber cette catégorie, ne l’inscrivons pas dans la loi en permettant aux maires de continuer à recruter. Autrement, nous n’en aurons jamais fini avec la déprécarisation des secrétaires de mairie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er A est ainsi rédigé, et les amendements nos 2 et 18 n’ont plus d’objet.
Article 1er
Par dérogation à l’article L. 523-1 du code général de la fonction publique, à compter du quatrième mois suivant celui de la publication de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2028, les fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d’avancement de leurs cadres d’emplois respectifs, exerçant les fonctions de secrétaire de mairie, peuvent bénéficier d’une promotion interne dans un cadre d’emploi de catégorie B, selon les modalités prévues à l’article L. 523-5 du même code, sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, et notamment les conditions d’ancienneté requise dans l’exercice des fonctions de secrétaire de mairie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, sur l’article.
M. Jean-Claude Anglars. Je tiens à saluer les avancées de cette proposition de loi dans la revalorisation du métier de secrétaire de mairie. Ce métier est essentiel au bon fonctionnement des mairies, à la fois pour les habitants – en tant que premier service public de proximité – et pour le maire – dont le secrétaire de mairie est le principal, voire l’unique, collaborateur.
Les différentes mesures prévues pour renforcer l’attractivité de ce métier sont satisfaisantes, mais insuffisantes face à la forte tension de recrutement dans la fonction publique territoriale, où plus de 1 910 postes sont vacants.
Le recours à des contractuels est de plus en plus nécessaire, notamment dans les communes rurales.
Les secrétaires de mairie sont soumis à de nombreuses contraintes – sociales, familiales et professionnelles – et, bien souvent, ne disposent pas de bonnes conditions pour préparer et réussir les concours internes.
C’est pourquoi j’avais déposé un amendement permettant de titulariser ces agents contractuels. Cette solution aurait permis de fidéliser les contractuels actuellement en poste et qui seraient tentés d’arrêter, mais aussi d’en attirer de nouveaux. Bien que j’aie pris toutes les précautions nécessaires à la mise en place de cette expérimentation, cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Pourtant, les personnes visées occupant déjà des postes de contractuels, il n’y avait donc ni création ni aggravation d’une charge publique… Je regrette que notre initiative législative parlementaire soit de plus en plus contrainte par une interprétation excessivement rigoureuse des articles 40 et 45 de la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le terrain, les agents sont confrontés à des organisations paradoxales qui freinent l’amélioration de l’attractivité du métier de secrétaire de mairie.
À la suite de la diffusion des travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation présidée par Françoise Gatel, permettez-moi de citer une secrétaire de maire avec laquelle j’ai échangé : « Certains agents ont passé les examens sans changer de catégorie, quand d’autres changent de catégorie sans avoir réussi l’examen. »
Cette secrétaire de mairie vendéenne a réussi l’examen de rédacteur territorial en 2005. Pourtant, en 2023, soit près de vingt ans plus tard, elle est toujours « adjointe administrative de 1re classe ». On conçoit aisément que cette situation, qui ne concerne pas qu’elle, crée de la frustration chez les agents.
Pour l’ensemble de la Vendée, il n’y a que six postes de rédacteur ; c’est loin d’être suffisant. La faiblesse du nombre de postes ouverts limite les perspectives d’évolution des agents et freine l’amélioration de l’attractivité du métier. Il est urgent de remédier à ce manque de reconnaissance : les deux nouvelles voies de promotion interne sont, bien évidemment, bienvenues.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.
M. Cédric Vial. Cet article, qui prévoit le passage de la catégorie C à la catégorie B, est l’un des plus importants de ce texte.
Je le dis pour mes collègues qui ne seraient pas familiers du droit de la fonction publique territoriale : pour bénéficier de ce dispositif de promotion interne hors quota – qui est une très bonne chose –, le droit commun prévoit qu’il faut être fonctionnaire territorial depuis au moins huit ans et en poste depuis au moins quatre ans. Selon un sondage que j’ai réalisé – mais M. le ministre pourra nous communiquer des chiffres plus précis s’il en dispose –, cela représenterait entre 25 % et 30 % des secrétaires de mairie de catégorie C. C’est bien, mais « ça ne fait pas la rue Michel »… Il faudra d’autres dispositifs.
Pour revaloriser la fonction de secrétaire de mairie, nous ne devons pas seulement gérer le stock, mais leur offrir des perspectives d’évolution. Les secrétaires de mairie de catégorie C doivent pouvoir évoluer vers la catégorie B, avec des procédures plus simples et plus adaptées à leurs responsabilités, selon un parcours. Les secrétaires de mairie de catégorie B doivent également pouvoir passer en catégorie A.
Quant au secrétaire de mairie de catégorie A, il doit pouvoir devenir non pas A+, mais au moins attaché principal. Or une règle interdit d’embaucher un attaché principal dans une commune de moins de 2 000 habitants : c’est tout simplement interdit, monsieur le ministre !
Si vous êtes de catégorie A et que vous souhaitez évoluer, vous devez changer de collectivité. Je vous invite à venir dans ma commune : j’ai dû changer trois fois de secrétaire de mairie à la suite de réussites à l’examen professionnel ; les lauréates n’avaient plus le droit de rester dans ma commune.
Voyez aussi les communes touristiques, qui comptent 10 000 lits touristiques pour 500 habitants et qui n’ont pas le droit d’embaucher un attaché principal, alors même qu’elles gèrent des équipements parfois beaucoup plus lourds que les communes de 3 000 ou 4 000 habitants. (M. Michel Savin renchérit.)
Il faut donner des perspectives de carrière aux agents. Malheureusement, le dispositif proposé aujourd’hui, même s’il n’est pas négligeable, demeure incomplet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Je voudrais abonder dans le sens de notre collègue Cédric Vial. Certaines des tâches des secrétaires de mairie relèvent de la conception, voire de l’encadrement. Cela justifie que davantage de personnels de catégorie A soient recrutés, y compris dans les plus petites communes. À chacun son exemple : je pense à une commune d’une zone industrialo-portuaire dont les enjeux d’aménagement industriel sont considérables et qui a donc besoin de compétences.
De nombreuses secrétaires de mairie de catégorie B doivent poursuivre leur carrière pour atteindre la catégorie A, voire plus. Monsieur le ministre, pourquoi refuser une telle évolution ?
Je m’inquiète : au sein des mesures que vous avez récemment annoncées, outre la revalorisation de 1,5 % du point d’indice – jugée unanimement insuffisante –, vous envisagez des primes que vous dites ciblées, sur les catégories C et B. Mais tout cela risque d’écraser la grille. Certes, quelques agents de catégorie C pourront progresser en catégorie B ; on peut également attendre quelques modestes améliorations salariales pour les personnels de catégories B et C, mais pas pour ceux de la catégorie A.
C’est une sorte de cadeau empoisonné pour demain, car après la catégorie B, il n’y aura plus de progression salariale possible en catégorie A. Le problème de pouvoir d’achat que vous prétendez régler aujourd’hui se reposera avec force demain en raison de l’écrasement de la grille. Pourquoi proposer de telles mesures ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, sur l’article.
M. Jean-Michel Arnaud. Je souhaiterais obtenir quelques précisions. Je me suis rapproché du centre de gestion de la fonction publique territoriale du département des Hautes-Alpes. J’ai constaté que dans les départements ruraux – où les secrétaires de mairie exercent avant tout leurs fonctions –, le faible nombre d’agents limite le nombre de postes ouverts à la promotion interne.
Pour les rédacteurs – qui relèvent de la catégorie B –, en application de l’article 9 du décret du 22 mars 2010, le quota de promotion interne est d’une inscription sur liste d’aptitude pour trois recrutements intervenus par d’autres voies – réussite au concours, inscription sur liste d’aptitude, détachement, mutation ou intégration directe.
À titre d’illustration, si l’on applique cette règle dans mon département, en 2023, un poste de rédacteur – catégorie B – serait ouvert pour 37 candidats, un poste d’attaché – catégorie A – pour 23 candidats. Nous avons absolument besoin de savoir, et le texte ne le dit pas clairement, quelles sont les modalités de calcul du nombre de postes ouverts pour les secrétaires de mairie au titre de la promotion interne.
L’exposé des motifs indique qu’il s’agit d’une voie dérogatoire hors quotas. De mon point de vue, cela signifie que tous les secrétaires de mairie remplissant les conditions d’ancienneté seront automatiquement promus, à l’instar des agents de maîtrise. Pouvez-vous me confirmer que tel est le cas ? Il faut que les choses soient bien claires pour nos collaborateurs, notamment dans les départements où il y a très peu de postes ouverts à la promotion interne ; c’est la seule façon de rassurer et de maintenir une dynamique d’évolution pour nos collaborateurs. À défaut, ils n’auront d’autre choix que de quitter le département pour des territoires où plus de postes sont ouverts.
Merci, monsieur le ministre, pour les précisions que vous pourrez apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.
M. Jérôme Bascher. Hier, la mission d’information sur l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales, créée sur l’initiative du RDSE, dont j’étais le président et Guylène Pantel la rapporteure, a adopté son rapport.
Que préconise ce rapport ? Il faut libérer la gestion administrative de nos collectivités ! Certes, cette proposition de loi ne peut pas aller aussi loin et ces sujets relèvent en grande partie du pouvoir réglementaire, monsieur le ministre.
Mais entendez l’appel de Jean-Michel Arnaud, de Cédric Vial et d’autres collègues siégeant sur toutes les travées ! Votre ministère continue de gérer, de façon centralisée, la fonction publique, alors qu’il s’agit ici de la fonction publique territoriale ! Nous avons besoin, dans le respect du principe de libre administration des collectivités, de beaucoup plus de souplesse.
Certes, cette proposition de loi en introduit un peu, reconnaissons-le, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. On ne va pas aller loin et on risque de créer beaucoup de frustrations. Une fois encore, nous aurons beaucoup parlé, mais il y aura peu de résultats et les gens seront frustrés. Je vous invite, monsieur le ministre, à aller beaucoup plus loin !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je voudrais répondre à M. Arnaud.
L’article 1er prévoit qu’il est possible de passer de la catégorie C à la catégorie B, sans tenir compte des quotas ; c’est une possibilité, pas une obligation. Encore faut-il que la collectivité présente le dossier de l’agent à la promotion interne, que cet agent figure sur la liste d’aptitude et que la collectivité ouvre un poste de catégorie B pour l’y nommer… C’est ainsi que fonctionne la promotion interne.
Ici, nous facilitons ce passage en supprimant le quota d’un pour trois que vous avez évoqué, durant une période dérogatoire de cinq ans. Mais cela n’est ni automatique ni systématique. Le mot « peut » figure dans le texte : le maire peut présenter le dossier de son agent et si ce dernier est sur la liste d’aptitude, le maire pourra ouvrir le poste. Aucune obligation ne pèse sur lui : c’est une facilité qui est accordée, sous la forme d’un assouplissement temporaire.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Benarroche, Mme Billon, MM. E. Blanc, J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes de La Provôté, Del Fabro, Demas, Doineau, Dumont et Férat, M. B. Fournier, Mme Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand, Gremillet et Guerriau, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey et Meurant, Mme Pluchet, M. Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin, Piednoir et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les fonctionnaires ayant bénéficié d’une promotion interne, dans les conditions prévues au premier alinéa, ont l’obligation d’occuper pendant au moins trois ans, à compter de la date de leur promotion, un poste de secrétaire général ou de directeur général des services.
II. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les conditions dans lesquelles s’applique l’obligation d’exercer les fonctions de secrétaire général de mairie ou de directeur général des services après une promotion
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Malheureusement, mon amendement n° 12 a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Monsieur le ministre, il vous aurait pourtant suffi, dans votre intervention en discussion générale, de vous déclarer favorable à une discussion pour qu’il puisse être présenté… C’était l’une de mes demandes. Malheureusement, nous devrons nous contenter d’examiner le cas des agents de catégorie C qui passeraient en catégorie B.
L’amendement n° 13 rectifié bis vise à demander aux secrétaires de mairie qui deviendront secrétaires généraux de mairie via la promotion interne de s’engager à rester au moins trois ans dans leur poste.
Notre objectif est clair : nous allons avoir besoin de recruter 10 000 secrétaires de mairie d’ici 2030 et devons donc tout mettre en œuvre pour conserver les secrétaires de mairie en place, notamment en les promouvant.
La promotion interne ne doit pas être seulement un moyen d’accéder à la catégorie B sans passer de concours ; cela doit être aussi un moyen de reconnaître nos secrétaires de mairie et de les maintenir dans leur poste. Ce serait une mesure de bon sens.
Je sais que c’est compliqué à mettre en œuvre, mais cela se fait déjà, pour les étudiants en médecine ou d’autres professions. Cela augmenterait nos chances de relever avec succès le défi du recrutement de 10 000 agents d’ici 2030.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les modalités d’application du présent article sont fixées par le centre de gestion départemental ou interdépartemental après avis de la commission administrative paritaire.
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. L’article 1er ouvre une voie de promotion interne dérogatoire et temporaire pour permettre aux secrétaires de mairie relevant d’un cadre d’emploi de catégorie C d’être nommés dans un cadre d’emploi de catégorie B. Selon son alinéa 2, les modalités d’application de cette nouvelle voie de promotion interne seraient précisées par un décret en Conseil d’État.
Je rejoins la remarque de mon collègue Bascher : pourquoi un décret en Conseil d’État ? Pourquoi ne pas confier aux centres de gestion – auxquels les communes dans lesquelles travaillent les secrétaires de mairie sont affiliées – et donc aux élus du territoire, le soin de fixer les modalités de ce dispositif ?
Madame la rapporteure, j’ai siégé au Conseil national d’évaluation des normes pendant douze ans. Je prends le pari : ce décret, élaboré dans les arcanes administratifs, fixera tellement de conditions et de complications qu’il ne sera applicable nulle part ! Je veux croire en votre bonne foi, mais je connais trop l’administration.
M. Jérôme Bascher. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Bourgi, la coordination que vous proposiez n’a plus de sens depuis l’adoption de l’amendement de M. Vial qui prévoit une appellation différente selon les catégories B ou C. Je vous suggère donc de le retirer.
M. Hussein Bourgi. Il est retiré !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Vial, vous voulez fidéliser les secrétaires de mairie en les obligeant à occuper un poste de secrétaire général de mairie ou de directeur général des services pendant au moins trois ans à compter de la date de leur promotion. Je comprends votre idée, mais elle pose deux difficultés.
Votre dispositif n’est pas opérant, car le poste de directeur général des services ou de secrétaire général est un emploi fonctionnel, qui dépend du maire : on ne peut donc pas obliger son titulaire à l’occuper pendant trois ans.
En outre, l’idée de fidéliser aurait du sens dans la commune qui a promu l’agent ; or l’amendement mentionne indifféremment « un » poste de secrétaire général, donc dans une autre commune le cas échéant. C’est donc inopérant pour fidéliser au sein de la commune qui a promu l’agent. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Monsieur Bilhac, les lignes directrices de gestion des centres de gestion sont édictées non pas au niveau de leur commission administrative paritaire (CAP), mais de leur comité social territorial : la rédaction de votre amendement n’est donc pas satisfaisante.
Par ailleurs, avec 90 centres de gestion, nous pourrions avoir 90 modalités différentes, alors qu’un décret en Conseil d’État permettra leur uniformisation sur l’ensemble du territoire, ce qui me semble préférable. Je vous demande également de retirer votre amendement, sans quoi l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Je souscris aux propos de Mme la rapporteure.
J’étais favorable par principe à l’amendement de M. Bourgi : je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat, pour des raisons de coordination.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, l’amendement n° 3 a été retiré.
M. Stanislas Guerini, ministre. Certes, mais je tenais à rappeler ma position de principe, madame la présidente.
Par ailleurs, Mme la rapporteure a été extrêmement précise dans ses observations sur les deux autres amendements : j’émets les mêmes avis défavorables.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Certes, il y a 88 centres de gestion, mais il y a aussi la Fédération nationale des centres de gestion qui coordonne l’action des centres de gestion.
On ne peut pas répéter ici à longueur de séance que la France est diverse, qu’elle est différente, que les territoires ne sont pas tous les mêmes, que des réglementations identiques sclérosent notre pays et nous dire qu’il faut un règlement unique pour les secrétaires de mairie des communes rurales. Je l’entends, mais ne le comprends pas : je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Madame la rapporteure, vous avez partiellement raison sur les DGS et les emplois fonctionnels : au-dessus de 2 000 habitants, on peut être directeur général des services sur un emploi fonctionnel. C’est une possibilité, actée par une délibération du conseil municipal et avec l’accord de l’agent.
Mais un agent de catégorie A peut avoir le titre de directeur général des services dans une commune de plus de 2 000 habitants sans occuper un emploi fonctionnel. C’est prévu par les textes. Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de clarifier la situation.
Je souhaite qu’un agent promu reste secrétaire général, même s’il change de commune, afin de ne pas appauvrir le vivier. Je tenais à apporter ces éclaircissements.
Néanmoins, je comprends les arguments de Mme la rapporteure et je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Outre les modalités de promotion interne mentionnées à l’article L. 523-1 du code général de la fonction publique, les statuts particuliers des cadres d’emplois de catégorie B peuvent prévoir l’établissement d’une liste d’aptitude ouverte aux fonctionnaires de catégorie C justifiant d’une durée minimale d’ancienneté dans l’exercice des fonctions de secrétaire de mairie et ayant validé une formation qualifiante. La nature de cette formation ainsi que les modalités de sa validation sont précisées par décret.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2029.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, première phrase
1° Remplacer les mots :
justifiant d’une durée minimale d’ancienneté dans l’exercice des fonctions de secrétaire de mairie
par les mots :
exerçant les fonctions de secrétaires de mairie à la date de la promulgation de la présente loi ou ayant été recrutés comme secrétaires de mairie entre la promulgation de la présente loi et le 31 décembre 2028, justifiant d’une durée minimale d’ancienneté dans l’exercice de ces fonctions
2° Compléter cette phrase par les mots :
sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Les dispositions de cet amendement reposent sur un principe qui, me semble-t-il, fait consensus. Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, à compter de 2029, l’ensemble des recrutements de secrétaire de mairie pourra se faire en catégorie B.
Mon obsession, que je crois partagée par plusieurs d’entre vous, est d’éviter de fermer les viviers de recrutement d’ici à 2029. Il s’agit de continuer de recruter des secrétaires de mairie au sein de la fonction publique territoriale, composée aux trois quarts d’agents de catégorie C. Pour ce faire, nous voulons permettre à ceux de ces agents qui ne rempliront pas les conditions requises pour bénéficier du quota de promotion, que cette proposition de loi prévoit de créer au travers de la validation des acquis de l’expérience, d’avoir accès à cette formation de qualification de manière à leur ouvrir la voie vers la catégorie B et vers la fonction de secrétaire général de mairie.
Cet amendement vise donc à modifier le dispositif pour éviter de restreindre les quotas de promotion au cours de la période transitoire. C’est ainsi, selon moi, que la portée de cet article sera pleinement effective.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.
Les deux amendements suivant sont identiques.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° 35 est présenté par MM. Patriat et Richard, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
M. Éric Gold. L’article 2 tend à créer une voie de promotion interne pour les fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie et relevant d’un cadre d’emploi de catégorie C ayant validé une formation qualifiante.
La commission a toutefois souhaité différer au 1er janvier 2029 l’entrée en vigueur de cette disposition afin de rendre plus opérationnelle l’articulation entre les dispositifs dérogatoires temporaires de l’article 1er et la disposition pérenne de l’article 2.
Les secrétaires de mairie sont les piliers sur lesquels repose la gestion quotidienne des affaires municipales. Ils sont les gardiens des procédures administratives, des dossiers et des décisions prises par nos élus. Leur polyvalence et leur adaptabilité sont des qualités indispensables pour faire face aux exigences d’un poste aussi diversifié.
Or, d’ici à 2030, un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite et les candidats ne se pressent pas pour reprendre leur poste.
Aussi, il me semble nécessaire que ce dispositif, qui vise à favoriser les vocations et les candidatures pour un métier particulièrement en tension, puisse entrer rapidement en vigueur.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour présenter l’amendement n° 35.
M. François Patriat. M. Gold a très bien défendu cet amendement.
Il s’agit d’encourager les vocations et les candidatures. Aussi, il importe que ce dispositif puisse entrer en vigueur très rapidement.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. H. Leroy, Bascher et Genet, Mme Pluchet, MM. C. Vial, Anglars et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. E. Blanc, Calvet et Cambon, Mme Chauvin, M. Courtial, Mme Dumont, M. Favreau, Mmes F. Gerbaud et Goy-Chavent, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Nougein, Panunzi, Perrin, Piednoir, Regnard, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer l’année :
2029
par l’année :
2024
La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Cet amendement, déposé par notre collègue Alexandra Borchio Fontimp, vise à revenir sur un sujet évoqué précédemment par Mme la rapporteure dans une réponse à notre collègue Bilhac.
En effet, pourquoi faudrait-il deux modes de promotion successifs plutôt qu’une ouverture concomitante dès 2024 ?
Cet amendement a donc pour objet de prévoir l’entrée en vigueur du second dispositif en 2024 plutôt qu’en 2029, ce qui permettrait d’attirer des candidats et de les fidéliser dans les emplois de secrétaire de mairie. Cela nous paraît une mesure de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 33 rectifié présenté par le Gouvernement.
Elle s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 28 rectifié et 35, ainsi que sur l’amendement n° 36. Toutefois, je crains fort qu’ils ne tombent si l’amendement du Gouvernement est adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. En effet, madame le rapporteur, ces amendements seront satisfaits si l’amendement n° 33 rectifié est adopté.
Nous reprenons le principe de convergence – vous l’avez désigné comme tel – selon lequel il convient de ne pas fermer l’accès à cette formation de qualification aux agents de catégorie C, une fois le texte adopté.
Je demande donc le retrait de tous les amendements en discussion commune au profit de l’amendement du Gouvernement.
M. François Patriat. Je retire mon amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 35 est retiré.
La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Le dispositif que nous avons voté précédemment sur la promotion interne hors quota permettra probablement de régler assez rapidement le cas de 30 % des agents. Alors que l’on recrutait jusqu’alors 60 % d’agents de catégorie C et 20 % d’agents de catégorie B, si le dispositif fonctionne à plein régime, les proportions passeront à 40 % d’agents de chacune des deux catégories.
Comment faire en sorte de ne plus recruter que des agents de catégorie B en 2029 si vous ne mettez pas en place un accélérateur de formation qui permettra aux agents de catégorie C de passer en catégorie B ?
Il faut créer en parallèle cette formation qualifiante pour tous ceux qui ne répondent pas aux critères de recrutement, à savoir huit ans d’exercice dans la fonction publique et quatre ans d’ancienneté. Les agents qui ne remplissent pas ces critères doivent pouvoir bénéficier d’une formation. Pourquoi la reporter de cinq ans ? Il faut que les agents de catégorie C puissent passer en catégorie B, afin d’élargir le vivier de recrutement des secrétaires de mairie.
Je soutiens l’amendement de Mme Borchio Fontimp. Il est nécessaire d’actionner les deux dispositifs d’accélération en même temps ; s’il en va autrement, ça ne fonctionnera pas.
Voilà mon seul désaccord avec Catherine Di Folco. Nous sommes d’accord sur presque tout, mais je considère qu’il ne faut pas interdire le recrutement d’agents de catégorie C. Ce doit être une voie de recrutement possible, même si l’objectif à plus long terme est de faire passer ces agents vers la catégorie B. On n’effacera pas d’un trait de plume les agents de catégorie C, et ce d’autant moins que l’on trouve dans les petites collectivités de nombreux exemples d’agents de cette catégorie qui, bien accompagnés, font parfaitement le travail.
Certes, on peut faire différemment et mieux, mais il faut être réaliste : si l’on n’accélère pas le développement de la formation, on ne parviendra pas à tenir l’objectif de 2029. Interdire complètement le recrutement d’agents de catégorie C me semble une fausse bonne idée.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Mon cher collègue, je suis tout à fait d’accord avec vous et c’est la raison pour laquelle j’ai émis un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.
Vous avez pu lire, tout comme moi, que cet amendement vise dans son II à supprimer l’alinéa 2 de l’article, c’est-à-dire l’entrée en vigueur de la disposition au 1er janvier 2029. Les autres amendements sont donc satisfaits – et vous l’êtes certainement aussi. (Sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 28 rectifié et 36 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. H. Leroy, Bascher et Genet, Mme Pluchet, MM. Anglars et Belin, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Calvet et Cambon, Mme Chauvin, M. Courtial, Mme Dumont, M. Favreau, Mmes F. Gerbaud et Goy-Chavent, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Nougein, Panunzi, Perrin, Piednoir, Regnard, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 412-5 du code général de la fonction publique est complété par les mots : « , et les emplois de secrétaire de mairie ».
La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Cet amendement de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp vise à ouvrir l’accès à un emploi fonctionnel type, disposant d’une grille indiciaire propre, à l’instar de celui des experts de haut niveau, uniquement aux agents de catégories B et A exerçant des fonctions de secrétaire de mairie.
La création de ce statut d’emploi demeurerait à la main de chaque maire, libre ou non de l’ouvrir par délibération. Cependant, cela permettrait surtout une rémunération majorée en pleine considération des fonctions et responsabilités exercées.
Cette avancée permettrait de mieux identifier cet emploi, qui ne serait plus assimilé à un simple poste de secrétariat, et de tenir compte de la technicité et de la polyvalence nécessaires à son exercice.
Cet amendement s’inscrit dans l’objectif de valorisation défendu par le texte en ce qu’il vise à faciliter le parcours professionnel de ces agents en introduisant de réelles perspectives d’évolution et en rétablissant éventuellement une représentativité plus égalitaire entre les femmes et les hommes, à l’instar de ce qui a cours dans les strates supérieures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je suis d’accord avec notre collègue pour dire que le métier de secrétaire de mairie manque de visibilité, mais l’emploi fonctionnel n’est pas la bonne réponse.
J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Brulin que l’emploi fonctionnel était soumis à certaines contraintes. Il s’agit, vous le savez bien, d’un emploi précaire ; or je ne suis pas certaine que les secrétaires de mairie aient besoin d’un emploi précaire…
Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Nous avons eu de nombreux débats avec les associations d’élus sur ce sujet.
Je crois pouvoir dire ici que leur position a évolué de sorte qu’elle rejoint désormais celle, à mon sens très sage, que vient d’exprimer Mme la rapporteure.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Anglars, l’amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Anglars. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.
L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, J.B. Blanc, E. Blanc, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Bonhomme, Mme Billon, M. Benarroche, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes de La Provôté, Del Fabro, Demas, Doineau, Dumont et Férat, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand et Gremillet, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 452-38 code général de la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’animation du réseau départemental des secrétaires de mairie et des secrétaires généraux de mairie. »
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Nous en venons à présent aux mesures d’accompagnement.
Cet amendement vise à inscrire dans les compétences obligatoires des centres de gestion l’animation du réseau départemental des secrétaires et secrétaires généraux de mairie.
Pourquoi cela ? L’une des difficultés et des contraintes auxquelles sont confrontés les secrétaires et secrétaires généraux de mairie tient à l’isolement. Dans une étude réalisée par le centre de gestion de la Lozère, il apparaît que 82 % des secrétaires de mairie disent ne faire partie d’aucun réseau professionnel et que 84 % d’entre eux souhaiteraient en faire partie.
Un certain nombre de centres de gestion ont déjà mis en place ce type de réseau avec l’aide de partenaires comme l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ou d’autres encore. Selon une estimation très empirique, entre 30 % et 40 % des centres de gestion de France l’ont fait.
Cela correspond à une demande forte des secrétaires de mairie, qui souhaitent pouvoir animer ce réseau. Les centres de gestion pourront l’organiser comme bon leur semblera, avec les partenaires qu’ils choisiront et sous la forme qu’ils détermineront. Il s’agira d’une compétence obligatoire, ce qui signifie que la prestation sera gratuite et intégrée dans ce qu’on appelle les « 08 », c’est-à-dire financée par la cotisation sur les salaires.
Au cours des auditions, la Fédération nationale des centres de gestion nous a confirmé son accord pour mettre en place cette mesure. La plupart des directeurs de centre de gestion que nous avons entendus la jugent très utile. Je considère qu’il s’agit d’une mesure de bon sens, qui sera efficace pour lutter contre l’isolement professionnel des secrétaires de mairie.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 38, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 14 rectifié bis, alinéa 4
Remplacer les mots :
secrétaires de mairie et des secrétaires généraux de mairie
par les mots :
agents exerçant les fonctions liées au secrétariat de mairie
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 38 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Compte tenu du vote sur l’article 1er, je retire ce sous-amendement, qui n’a plus lieu d’être.
Ce réseau de professionnels me paraît indispensable. Dans la mesure où les centres de gestion sont déjà nombreux à l’assurer, il ne sera pas difficile de le rendre obligatoire : la commission est favorable à l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 38 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 14 rectifié bis ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Cet amendement, qui part du terrain et de la pratique, vient consacrer le rôle essentiel des centres de gestion : avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. L’organisation de ce réseau et son évolution me paraissent en effet nécessaires. Cela correspond à ce que préconise notamment le rapport d’information de notre délégation aux collectivités territoriales.
Souhaitant rompre leur isolement et partager des bonnes pratiques et des conseils, certaines secrétaires de mairie se sont déjà organisées en créant un groupe sur un réseau social assez connu, qui compte désormais plus de 9 000 membres.
Pour ne pas allonger les débats, je dirai simplement que l’organisation de ce type de réseau devrait davantage dépendre des centres de gestion que de Mark Zuckerberg… (Sourires.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons finir l’examen de ce texte à vingt heures trente-cinq et qu’il reste dix-sept amendements à examiner.
Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Gold, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 523-4 du code général de la fonction publique, il est inséré un article L. 523-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 523-4-…. – Lors de leur entretien professionnel, les agents exerçant les fonctions de secrétaire de mairie peuvent se faire assister d’un représentant des organisations syndicales des fonctionnaires territoriaux. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Maillon indispensable au bon fonctionnement des petites communes, le secrétaire de mairie met en œuvre les décisions du conseil municipal, gère les ressources humaines, participe à l’élaboration du budget, rédige les documents administratifs et est l’interlocuteur privilégié des usagers. Malgré ces responsabilités, cette profession est peu reconnue et peu valorisée.
Les entretiens professionnels jouent un rôle essentiel dans le développement de cette carrière : ils sont une occasion précieuse d’évaluer les compétences, les besoins de formation et les perspectives d’évolution de ceux qui exercent cette profession.
Afin de garantir un processus d’évaluation juste et équilibré, il serait opportun que les secrétaires de mairie puissent être assistés d’un représentant syndical lors de ces entretiens, plutôt que de se retrouver seuls face au maire et à ses adjoints ou devant le conseil municipal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Madame la présidente, mon cher collègue, je comprends votre intention, mais je considère que cette mesure n’est ni opérationnelle ni justifiée.
En effet, les secrétaires de mairie des petites collectivités ne peuvent se tourner vers un représentant syndical, car, la plupart du temps, il n’en existe pas ! Il faudrait donc en faire venir un d’une fédération départementale ou régionale ; or celui-ci ne trouverait pas vraiment d’intérêt à venir dans une petite collectivité, alors qu’il ne connaît ni l’agent, ni la structure concernée, ni même le maire.
De plus, si l’agent souhaite contester son évaluation et les résultats de son entretien, il a tout loisir de le faire auprès de la commission administrative paritaire du centre de gestion. Des élus syndicaux et des élus y siègent, qui pourront statuer sur sa demande.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
Article 2 bis (nouveau)
Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° La sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre IV est complétée par un article L. 422-34-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-34-1. – Outre la formation initiale dont ils bénéficient en application des statuts particuliers dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités concernées. » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article L. 451-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il définit et assure la formation des agents publics occupant un emploi de secrétaire de mairie dans les conditions prévues à l’article L. 422-34-1. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. Cette prise de parole résulte d’un échange avec madame le maire de Puy-de-Serre.
L’article 2 bis vient renforcer la formation des secrétaires de mairie en créant un module adapté aux besoins des collectivités concernées, qui doit être dispensé dans un délai d’un an à compter de la prise de poste. Ce dispositif est le bienvenu, compte tenu de l’offre de formation actuelle, trop courte et trop fragmentée, comme l’a souligné la rapporteure.
Ces formations sont dispensées par le CNFPT. En Vendée, les agents doivent se rendre à la maison des communes de la Vendée, à la Roche-sur-Yon, pour suivre cette formation. Un grand nombre d’entre eux sont ainsi confrontés à un temps de trajet important et à des difficultés de mobilité.
La secrétaire de mairie de Puy-de-Serre, commune située à environ une heure de route de la préfecture, a pris l’initiative de devenir référent du CNFPT afin de proposer une offre de formation locale. La mairie de Puy-de-Serre, au croisement de trois communautés de communes, est ainsi devenue un centre de formation pour les agents du sud de la Vendée.
Ces centres délocalisés présentent des avantages multiples. Ils permettent notamment de renforcer le maillage territorial et de développer un réseau entre agents. Il est donc nécessaire de tout mettre en œuvre pour valoriser et soutenir ce type d’initiative, afin qu’il se multiplie et que sa pérennité soit garantie.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Benarroche, Mme Billon, MM. J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Del Fabro, Demas, Doineau et Dumont, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand, Gremillet et Guerriau, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Après les mots :
secrétaire de mairie
insérer les mots :
et de secrétaire général de mairie
La parole est à M. Cédric Vial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Benarroche, Mme Billon, MM. E. Blanc, J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Del Fabro, Demas, Doineau, Dumont et Férat, M. B. Fournier, Mme Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand, Gremillet et Guerriau, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant selon quelles modalités pourrait être créée, au niveau national, une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Nous revenons au sujet de la formation, plus particulièrement de la formation initiale.
Dans le cadre de la mission d’information de la délégation aux collectivités territoriales, nous avons pu étudier les dispositifs qui ont été mis en place. Or, monsieur le ministre, nous avons constaté qu’il n’existait pas de formation de secrétaire de mairie. On se forme sur le tas à ce métier, par l’expérience sur le terrain.
Depuis quelques années, certaines initiatives ont tout de même vu le jour, qu’il s’agisse de licences professionnelles ou plus fréquemment de diplômes universitaires (DU). Nous avons eu la surprise de constater que ces formations à un même diplôme unique – celui de DU de secrétaire de mairie – pouvaient être intégrées au niveau du baccalauréat ou au niveau bac+2, voire au niveau infra-bac, et variaient dans leurs modalités, certaines comportant 100 heures de formation, d’autres 500 heures et d’autres encore s’effectuant en apprentissage.
Si l’on veut revaloriser le métier, il faut flécher ces formations vers un grade de secrétaire général de mairie de catégorie B, comme on l’a dit précédemment. Il convient donc que le niveau de qualification soit a minima équivalent au poste de catégorie B.
En outre, si toutes les formations conduisent à un même diplôme unique, il faut qu’elles soient harmonisées.
Enfin, pour atteindre l’objectif de recrutement que nous nous sommes fixé d’ici à 2030, nous devons même aller plus loin en mettant en place une filière diplômante dans le cadre d’un brevet de technicien supérieur (BTS) ou d’une licence professionnelle liés au métier de secrétaire général de mairie. C’est là un très beau métier auquel il faut former des gens.
On répondra ainsi à une question que l’on abordera dans la suite du débat, celle de savoir comment communiquer sur ce métier et donner envie aux gens de l’exercer. Si l’on met en place ces formations, ceux qui les encadreront interviendront dans les forums des métiers et seront là pour faire connaître cette profession aux étudiants.
L’organisation et l’harmonisation du dispositif relevant de la responsabilité du ministère de l’éducation nationale, cet amendement vise à demander un rapport d’évaluation au Gouvernement en vue de la création de cette filière universitaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Madame la présidente, la chose n’est pas courante, mais pour une fois je suis favorable à cette demande de rapport. Il me semble en effet que le sujet en vaut la peine. Pour préparer au mieux les futures formations, il faut avoir une vue d’ensemble.
Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai également l’avis de la commission sur l’amendement n° 29, qui a le même objet que celui-ci. Monsieur Gold, si vous aviez l’amabilité de le rendre conforme à celui de M. Vial, j’émettrai un avis favorable sur les deux amendements rendus identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Chacun reconnaîtra ici la sagesse de Mme la rapporteure.
Les rapports ne doivent jamais être un obstacle à l’action et aux décisions que l’on doit prendre, en l’occurrence la mise en place de ce diplôme universitaire.
Je précise toutefois qu’il faudra respecter l’autonomie des établissements universitaires. Tel est le sens du travail que nous avons engagé avec ma collègue Sylvie Retailleau, comme je l’ai dit en discussion générale, pour mettre en place ce diplôme universitaire, qui sera un élément fort d’attractivité et de communication autour de ce métier.
L’auteur de cet amendement considère qu’il faut un rapport pour faire l’état des lieux des différentes filières et initiatives existantes ; le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les modalités selon lesquelles pourrait être créé un diplôme de brevet de technicien supérieur préparant au métier de secrétaire de mairie.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Pour satisfaire Mme la rapporteure, je souhaite rendre conforme mon amendement à celui de M. Vial.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 29 rectifié bis, dont le libellé est désormais identique à celui de l’amendement n° 11 rectifié bis.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié bis et 29 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 bis.
Article 2 ter (nouveau)
Le 2° de l’article L. 523-5 du code général de la fonction publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci veille à ce que les listes d’aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. »
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Je serai bref, car nous avions déjà eu un débat sur ce sujet lors de l’examen de la proposition de loi de Céline Brulin.
Cet amendement est de cohérence. En effet, je suis favorable à tous les dispositifs qui permettront d’assouplir les quotas de promotion – nous en avions amplement débattu. Je trouve quelque peu contradictoire de créer pour ainsi dire un quota dans le quota, alors qu’il s’agit d’assouplir en général les quotas de promotion au bénéfice du métier de secrétaire de mairie.
D’où cet amendement de suppression, qui est cohérent avec la position d’ensemble que j’ai pu vous présenter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. C’est là un point de divergence entre nous, monsieur le ministre.
En effet, je considère qu’il ne faut pas laisser sur le bord de la route les agents de catégorie B. Je rappelle que certains d’entre eux exercent leur métier depuis de fort longues années, mais ne peuvent prétendre facilement à la promotion interne inscrite dans le droit commun et qui fonctionne par quotas. Il est indispensable de faire preuve de bienveillance à leur égard.
En outre, notre collègue Vial avait déposé un amendement sur ce sujet qui a subi les foudres de l’article 40, rendant cette mesure d’autant plus importante : avis défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Benarroche, Mme Billon, MM. J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Del Fabro, Demas, Doineau et Dumont, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand, Gremillet et Guerriau, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et de secrétaire général de mairie
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 ter, modifié.
(L’article 2 ter est adopté.)
Article 3
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par MM. Patriat et Richard, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 522-13 du code général de la fonction publique, il est inséré un article L. 522-13-… ainsi rédigé :
« Art. L. 522-13-…. – Les agents exerçant les fonctions de secrétaire de mairie bénéficient d’un avantage spécifique d’ancienneté pour le calcul de l’ancienneté requise au titre de l’avancement d’échelon. »
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Cet amendement vise à rétablir l’article relatif à l’avantage spécifique de l’ancienneté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. C’est un deuxième point de divergence.
Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, il est nécessaire de réformer les échelons pour l’ensemble des agents sans faire du métier de secrétaire de mairie une spécificité. Dans une petite collectivité, où il y a de nombreuses sujétions, une secrétaire de mairie de catégorie C verra sa carrière avancer plus rapidement que celle d’un agent technique de la même catégorie. Celui-ci ne bénéficiera pas d’un avancement d’échelon aussi rapide, alors qu’il travaille dans la même commune. On créera ainsi des divergences parmi des collègues de même catégorie. Selon moi, la révision du dispositif doit être générale : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. L’examen de cet amendement nous donne l’occasion de nous arrêter quelques instants sur la notion de reconnaissance du métier de secrétaire de mairie par la rémunération.
C’est en effet un élément important, qui doit trouver sa traduction dans la loi. C’est du moins ce qui était apparu à l’issue du débat que nous avions eu sur la forme de reconnaissance que nous pourrions apporter à ceux qui exercent ce métier, le 6 avril dernier, lors de l’examen en séance de la proposition de loi de Mme Brulin.
Je vous avais alors soumis les dispositifs indemnitaires, notamment les plafonds du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel au sein de la fonction publique (Rifseep), qui étaient à disposition des communes, en vous indiquant qu’ils étaient largement sous-utilisés par celles-ci.
Vous m’aviez répondu, certainement à juste titre, que je devais prendre mes responsabilités en proposant une valorisation indiciaire dans la rémunération fixe des secrétaires de mairie ; or je crois que c’est ce que nous faisons aujourd’hui. Par conséquent, les dispositifs n’entrent pas en opposition les uns avec les autres.
Que propose le président Patriat dans son amendement, sinon d’établir que la fonction de secrétaire de mairie revient à exercer une responsabilité particulière et distinctive ? Un rédacteur de catégorie B n’exerçant pas la fonction de secrétaire de mairie ne peut être assimilé à un rédacteur de la même catégorie qui exercerait cette fonction, car, comme les uns et les autres ont pu le dire, la prise de responsabilité, la complexité de la tâche et la prise de risque – pour reprendre les propos de la présidente Gatel – ne sont pas les mêmes.
Il me semble donc que nous devrions reconnaître la logique d’affectation fonctionnelle selon laquelle la responsabilité mise en œuvre dans l’exercice du métier de secrétaire de mairie vaut une forme de prime en matière de responsabilité.
Voilà pourquoi je propose que nous soutenions l’amendement du président Patriat qui vise à ce que les agents puissent bénéficier d’une accélération de la grille d’ancienneté en fonction du temps pendant lequel ils auront exercé le métier de secrétaire de mairie.
Cette proposition s’inspire de deux dispositifs qui existent déjà, celui qui est prévu pour les fonctions exercées dans le cadre des quartiers prioritaires de la ville et celui que nous avons créé dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, en prévoyant des accélérateurs de carrière pour des emplois fonctionnels. Dans cette logique, il serait assez légitime de reconnaître la responsabilité particulière du secrétaire de mairie en adoptant cette possibilité d’accélération indiciaire en matière d’ancienneté.
Cette disposition n’est pas antinomique avec le dispositif défendu par M. Vial, qui prévoit une prime de responsabilité. Sans rouvrir le débat sur l’article 40 de la Constitution, j’ai tenu à prendre mes responsabilités et c’est la raison pour laquelle j’ai pris l’engagement d’accompagner les maires dans le cadre de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), qui reconnaît au sein du Rifseep la fonction de secrétaire de mairie.
Je souhaite en effet que l’on travaille avec les employeurs sur une charte qui prévoirait les conditions d’octroi de l’IFSE en fonction des caractéristiques propres à telle ou telle commune. On pourrait ainsi encadrer et créer par un règlement au fond une disposition indemnitaire qui viendrait compléter le processus d’accélération indiciaire que François Patriat propose dans cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaiterais tout de même nuancer l’argument de Mme la rapporteure. Bien sûr, dans certaines situations, des circonstances particulières peuvent justifier que l’on accélère la promotion d’échelon à l’issue d’une analyse transversale et d’une négociation sociale qui restent à mener.
Mais je crois vraiment que nous ne devrions avoir aucun doute sur la nécessité de prendre une telle mesure dès maintenant pour la fonction propre de secrétaire de mairie.
Permettez-moi de comparer la situation de ces agents avec celle des travailleurs dans les quartiers prioritaires : il y a un même stress, une même pression. De plus, comme l’ont mentionné plusieurs de nos collègues, le ou la secrétaire de mairie porte la responsabilité du bon déroulement de toute une série d’opérations dont dépendent la vie de la commune et ses intérêts.
Selon moi, la nature de leur mission justifie vraiment cette accélération, d’ailleurs mesurée, de l’ancienneté et de la promotion des secrétaires de mairie, en contrepartie de la charge mentale particulière liée à leur fonction : il me semble donc que nous devrions voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Si je n’ai pas pris la parole jusqu’ici, je tiens en revanche à revenir un instant sur cet amendement.
Je vous rappelle que tous ceux qui se sont exprimés depuis le début de nos débats ont vanté les vertus des secrétaires de mairie, le caractère exceptionnel de leur rôle, la polyvalence dont font preuve ces « couteaux suisses », la multiplicité des tâches qu’ils remplissent…
Mais si l’on veut donner davantage d’attractivité à cette fonction, il faut, au-delà de l’apparence de justice que Mme la rapporteure voudrait rétablir, faire davantage. Si l’on traite de la même façon un secrétaire de mairie et un agent de service, en arguant qu’ils peuvent tous les deux faire la même chose, je ne comprends plus très bien ce qui est visé.
Cette volonté de revenir en arrière, de tirer vers le bas ceux que nous voulons au contraire promouvoir ne permettra pas de donner aux secrétaires de mairie la reconnaissance qu’ils méritent.
J’espère avoir convaincu certains de nos collègues de voter mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cette mesure entre en contradiction avec la disposition que nous avons votée voilà quelques années et qui a consisté à supprimer les différentes possibilités d’avancement d’échelon qu’étaient l’avancement normal, l’avancement accéléré et l’avancement au choix, pour ne conserver qu’une modalité d’avancement unique, de droit.
Avec cette mesure d’accélération, mon cher collègue, on reviendrait de fait en arrière.
M. Michel Savin. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. Je partage l’avis de Mme la rapporteure.
Je connais bien ce métier : le plus intéressant pour un secrétaire de mairie consiste-t-il vraiment à bénéficier du titre de secrétaire général, tout en conservant l’échelle indiciaire d’un agent de catégorie C ?
Plutôt que de lui accorder le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel qui, pardonnez-moi de le dire, ne lui apportera pas grand-chose en termes de retraite, ou un avancement d’échelon qui créera un régime particulier par rapport aux autres catégories professionnelles, je préférerais qu’on lui attribue une échelle indiciaire correspondant à ce nouveau statut de secrétaire général de mairie. Cela serait plus logique.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Je tiens à préciser, pour lever toute ambiguïté, que l’adoption de cet amendement entraînerait une double accélération : en premier lieu, le secrétaire de mairie qui viendrait à être promu en catégorie B connaîtrait un avancement indiciaire du fait de sa promotion ; en second lieu, il faut ajouter à cet avancement, que le présent amendement, s’il était voté, n’annihilerait pas, la possibilité offerte au secrétaire de mairie de franchir plus rapidement les différents échelons indiciaires.
Au fond, comme l’ont extrêmement bien rappelé Alain Richard et François Patriat, cette mesure contribuerait à reconnaître qu’une année passée en tant que secrétaire de mairie vaut parfois, en termes d’expérience, deux années à exercer une autre fonction.
Ainsi, on proposerait aux secrétaires de mairie, en sus d’une promotion, un accélérateur de carrière indiciaire qui se répercuterait sur leur rémunération fixe.
À mon sens, le rejet de cet amendement serait une occasion manquée de revaloriser ces rémunérations, encore une fois sans exclusive du travail que nous pourrions engager sur le dispositif indemnitaire de ces agents. J’y insiste, cette disposition va dans le sens de nos secrétaires de mairie.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 demeure supprimé.
Article 4 (nouveau)
L’article L. 332-8 du code général de la fonction publique est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 2 000 habitants. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.
L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Durain, Anglars, Bascher et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Benarroche, Mme Billon, MM. J.B. Blanc et Bonhomme, Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, M. Brisson, Mme Brulin, MM. Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carlotti et Chain-Larché, MM. Charon, Chasseing, Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Del Fabro, Demas, Doineau et Dumont, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Gatel, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Grand, Gremillet et Guerriau, Mme Guidez, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne, H. Leroy et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc, Maurey, Meurant et Michau, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pantel, MM. Panunzi, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Ravier, Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Tabarot, Tissot et M. Vallet, Mme Ventalon, MM. Verzelen, J.P. Vogel, Wattebled et Hingray, Mme Jacquemet et M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
secrétaire de mairie
insérer les mots :
et de secrétaire général de mairie
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Chauvet et Cigolotti, Mme Férat, MM. Mizzon, Henno et Bonneau, Mme Billon et MM. Canévet et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le nombre :
2 000
par le nombre :
3 500
La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Depuis la loi du 12 mars 2012, les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants peuvent être occupés de manière permanente par des contractuels.
Si l’article 4, introduit dans le texte sur l’initiative de la commission, permet aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter des agents contractuels en tant que secrétaires de mairie à temps complet, le présent amendement vise à étendre la mesure aux communes comptant jusqu’à 3 500 habitants.
Je constate, notamment dans une majorité de territoires ruraux et de montagne, comme mon département des Hautes-Alpes, des difficultés à recruter des secrétaires de mairie. La possibilité d’embaucher par voie contractuelle apparaît dès lors comme un recours salvateur pour de nombreuses communes. Cet amendement, s’il était adopté, permettrait donc à un plus grand nombre de municipalités de recruter un agent contractuel en tant que secrétaire de mairie.
En étendant le seuil de 2 000 à 3 500 habitants – les communes de 2 000 à 3 499 habitants forment le quatrième groupe démographique au sens de l’article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales –, ce sont environ 2 300 communes supplémentaires, dont un certain nombre de chefs-lieux de canton, ainsi que de communes de stations de sports d’hiver, qui ont pour la plupart une population permanente faible et qui rencontrent des difficultés pour recruter des secrétaires de mairie dans de bonnes conditions, qui entreraient dans le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En relevant le seuil de recrutement des contractuels pour l’emploi de secrétaire de mairie à temps plein de 1 000 à 2 000 habitants, la commission a souhaité faire un pas supplémentaire et compléter une disposition votée dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, qui prévoyait le recrutement d’agents contractuels pour des emplois dont la quotité de temps de travail était inférieure à 50 %.
Il ne me semble pas très pertinent d’aller au-delà de ce seuil de 2 000 habitants, parce que relativement peu de communes dont la population excède ce seuil embauchent un secrétaire de mairie – ces municipalités recrutent plus volontiers des directeurs généraux des services.
J’ajoute que cet amendement est en quelque sorte satisfait puisque, dès lors que sa population excède le seuil de 2 000 habitants, rien n’interdit à une commune de recruter un contractuel si aucun fonctionnaire ne postule. C’est une faculté dont le maire dispose d’ores et déjà.
Je vous demande donc, mon cher collègue, le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Arnaud, l’amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Michel Arnaud. Oui, je le maintiens par principe : Cédric Vial a rappelé voilà quelques instants que l’on ne pouvait postuler au grade de DGS que dans les communes excédant le seuil de 3 500 habitants.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, dans les communes de plus de 2 000 habitants !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 452-22 du code général de la fonction publique, il est inséré un article L. 452-22-… ainsi rédigé :
« Art. L. 452-22-…- Il est institué dans chaque centre de gestion de la fonction publique un conseil représentatif des agents administratifs exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. Le conseil est constitué pour moitié d’élus et pour moitié de représentants des agents administratifs représentants. Il émet des avis simples sur toutes les questions d’ordre général qui concernent le cadre d’emploi.
« Les membres de ce conseil ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à son fonctionnement ne peut être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à instaurer dans chaque centre de gestion de la fonction publique territoriale un conseil représentatif des agents administratifs exerçant les fonctions de secrétaire de mairie.
Ce conseil serait constitué pour moitié d’élus et pour moitié de représentants des agents administratifs. Il émettrait des avis simples sur toutes les questions d’ordre général qui concernent ce cadre d’emploi.
Au cours de nos débats, plusieurs de nos collègues ont souligné l’isolement d’un certain nombre de secrétaires de mairie. Dans cette perspective, il me semble important qu’il puisse y avoir, en lien et en accord avec les centres de gestion, une instance de dialogue, et ce d’autant plus que l’on parle beaucoup en ce moment de la nécessité d’instaurer un dialogue social approfondi dans toutes les strates de la société.
Certes, il existe un dialogue quotidien entre le secrétaire de mairie et son élu, mais il s’agit ici de sortir de ce cadre et d’en créer un plus large, à même de favoriser le dialogue, ce qui permettra d’explorer un certain nombre de pistes, notamment au regard des enjeux essentiels de formation et de recrutement.
Si les secrétaires de mairie, au sein de ces instances, et en accord avec les élus, peuvent réfléchir à ces questions, il s’agira d’une avancée éminemment positive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Folliot, vous avez présenté un amendement similaire lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Brulin. Je ne peux qu’émettre de nouveau un avis défavorable, et ce pour plusieurs raisons, que je me permets de vous rappeler.
Tout d’abord, au sein des centres de gestion de la fonction publique territoriale, il existe déjà des instances paritaires, tels que la commission administrative paritaire (CAP) et le comité social territorial (CST), qui traitent des cas individuels et collectifs.
Ensuite, une telle mesure susciterait des questionnements légitimes : dès lors que l’on crée une instance spécifique pour les secrétaires de mairie, pourquoi ne créerait-on pas une instance tout aussi spécifique pour les ingénieurs territoriaux, par exemple ? (M. Philippe Folliot manifeste son désaccord.) Si l’on commence à tenir compte des spécificités au sein des cadres d’emploi, il faut être en mesure de les justifier.
À l’inverse, il existe une instance de niveau national qui embrasse toutes les professions : le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). C’est davantage vers celui-ci qu’il faudrait se tourner pour traiter de ces questions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur la requalification en catégories A et B des emplois de secrétaires de mairie.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Aujourd’hui, les secrétaires de mairie appartiennent pour la plupart – à plus de 60 % – à la catégorie C. Ils touchent des salaires globalement insuffisants au regard de leur niveau de responsabilité et des compétences multiples qu’exige leur fonction.
Pourtant, le constat selon lequel le niveau des responsabilités exercées par un secrétaire de mairie relève au minimum de la catégorie B fait l’objet d’un large consensus.
Certes, le plan de requalification que prévoit d’instaurer l’article 1er permettra à des agents de catégorie C exerçant les fonctions de secrétaire de mairie d’accéder à un cadre d’emplois de catégorie B, mais cette option ne constitue pas une solution pérenne, puisqu’il est prévu que ce plan expirera au 31 décembre 2028.
Il semble aujourd’hui opportun de faire évoluer le cadre légal et réglementaire pour faire en sorte que la nomination aux emplois de secrétaires de mairie soit conditionnée à l’appartenance a minima à la catégorie B, sans que cela empêche pour autant le recrutement d’agents de catégorie C, qui accéderaient alors à la catégorie B sous réserve d’accomplir une formation qualifiante.
Contraint par l’article 40 de la Constitution, le Parlement ne peut mettre en œuvre cette réforme sans le concours du Gouvernement. C’est pourquoi cet amendement vise à ce que l’exécutif lui remette un rapport dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nous sommes véritablement disruptifs aujourd’hui, puisqu’il s’agit de la deuxième demande de rapport à laquelle nous sommes favorables. (Sourires.) Ce n’est pas courant, mais je pense vraiment que ce rapport est nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Nous touchons ici à la limite de la disruption de la majorité présidentielle, car je ne partage pas l’avis de Mme la rapporteure.
Demander qu’un rapport sur un plan de requalification qui est prévu pour cinq ans, jusqu’en 2028, soit remis six mois après la promulgation de la loi me semble relever d’un calendrier qui n’est pas très opérant.
C’est pourquoi, contrairement à l’avis que j’ai émis sur la précédente demande de rapport, je me vois contraint d’être défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. J.M. Arnaud, Le Nay, Chauvet et Cigolotti, Mme Férat, MM. Mizzon, Henno et Bonneau, Mme Billon et M. Canévet, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
secrétaire de mairie
par les mots :
responsable de l’administration communale
La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
L’amendement n° 8, présenté par MM. Bourgi, Kanner et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après le mot :
secrétaire
insérer le mot :
général
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur cet amendement, dans la mesure où nous avons adopté l’amendement n° 10 rectifié, qui distingue les fonctions de secrétaire de mairie et de secrétaire général de mairie. Il ne serait pas de bonne coordination de voter un amendement qui tend à imposer une seule des deux dénominations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Mme la rapporteure a malheureusement raison.
Nous étions, elle et moi, favorables à ce l’on modifie l’appellation de la fonction de secrétaire de mairie pour lui substituer celle de secrétaire général de mairie. Nous avions en revanche un différend sur l’opportunité de faire la distinction entre les secrétaires de mairie appartenant à la catégorie C et les secrétaires généraux de mairie dont la fonction relèverait des catégories A et B.
En votant l’amendement n° 10 rectifié, votre assemblée a choisi d’opérer cette différenciation. Dès lors que le présent amendement vise à ne retenir que la dénomination « secrétaire général de mairie », je partage la position de Mme la rapporteure et considère qu’il serait incohérent de le voter.
M. Jérôme Durain. Je retire mon amendement !
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Aujourd’hui, il nous était possible de parvenir à une commission mixte paritaire conclusive. Il aurait fallu que le travail que nous avons effectué au mois d’avril soit repris et complété avec célérité par nos collègues députés, de sorte que le texte qui nous revienne soit le reflet d’une parfaite collaboration entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce n’est pas le choix qui a été fait, ce que je regrette quelque peu.
Cela étant, il faut saluer l’apport majeur du Sénat à la proposition de loi qu’a déposée notre collègue Patriat et sur laquelle nous nous prononçons aujourd’hui.
Nous avons bien noté, monsieur le ministre, votre promesse d’engager la procédure accélérée sur ce texte. Pour une fois, je considère que cette démarche est vraiment nécessaire et bienvenue.
Nous avons aussi noté que vous êtes favorable à la remise du rapport que nous avons demandé.
Nous nous retrouverons au moment de l’examen du projet de loi de finances pour vérifier que les engagements que vous avez pris cet après-midi ont été tenus, ce que j’espère.
Cette proposition de loi est utile et je remercie sincèrement nos collègues du groupe communiste et de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation d’avoir pris l’initiative de ces travaux.
J’espère que ce texte nous sera soumis de nouveau très rapidement et qu’il sera suivi d’effets, au travers d’un certain nombre de dispositions idoines dans le cadre du prochain projet de loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Nos débats me laissent un petit goût amer, parce que nous allons voter un texte qui ne nous permet pas de sortir la tête haute ni d’être contents de l’issue de nos travaux.
Certaines mesures sont certes intéressantes et nous ont permis de faire progresser la cause – je salue à ce titre le travail de nos collègues sur ce texte. Néanmoins, il manque un certain nombre de choses, un manque qui aura des conséquences, monsieur le ministre.
Si ce texte est insuffisant, c’est à cause de la procédure : dans la mesure où la proposition de loi a été déposée avant la fin des travaux de la mission parlementaire, nous n’avons pu y faire figurer les mesures que nous souhaitions, pas plus avant qu’après son dépôt, par voie d’amendement, à cause d’un certain nombre de dispositions, notamment l’article 40 de la Constitution. Vous auriez bien évidemment pu, monsieur le ministre, lever le gage ou défendre certains de ces amendements, mais vous ne vous y êtes pas résolu.
C’est parce que vous avez choisi une procédure parlementaire spécifique que nous n’avons pu introduire ces dispositions par voie d’amendement. C’est aussi la raison pour laquelle nous serons peut-être, voire probablement obligés de déposer une nouvelle proposition de loi.
Cela nous donnera l’occasion de reparler de toutes ces mesures qui manquent à l’appel et dont nous avons besoin pour que l’édifice que nous souhaitons bâtir pour les secrétaires de mairie soit réellement mis en œuvre, afin de revaloriser leur métier, de leur offrir des perspectives de carrière, de rendre leur métier plus attractif et d’empêcher que, dans quelques années, il n’y ait tout simplement plus suffisamment de secrétaires de mairie et donc de maires. Car tel est bien l’enjeu, mes chers collègues, ne l’oublions pas !
Malheureusement, un certain nombre de choix, dont j’estime que vous êtes le principal responsable, monsieur le ministre, ne nous ont pas permis de clore définitivement le sujet. Nous nous contenterons donc des mesures qui ont été votées aujourd’hui – et qui sont de bonnes mesures –, mais nous serons probablement obligés d’y revenir.
Pour terminer, je tiens à saluer tous les secrétaires de mairie qui nous regardent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous venons d’ajouter une nouvelle pierre à l’édifice qu’il convient de construire pour revaloriser à la fois le métier et les rémunérations des secrétaires de mairie.
Je ne reviens pas – certains de nos collègues l’ont fait à maintes reprises et dans des termes particulièrement évocateurs – sur le contexte ayant conduit à l’examen de cette proposition de loi. Ce texte laisse effectivement un goût amer aux uns et aux autres, tant ce gouvernement passe son temps à dire qu’il veut transcender les courants politiques, alors qu’en définitive il ne parvient qu’à faire l’unanimité, au Sénat, contre lui. Il aurait fallu s’y prendre autrement pour avancer ensemble.
Il reste du chemin à parcourir. Il me semble par ailleurs que vous ne nous avez pas répondu, monsieur le ministre, sur les raisons pour lesquelles vous refusiez d’accélérer le passage des secrétaires de mairie de la catégorie B vers la catégorie A, enjeu qui me semble pourtant essentiel.
Nous venons de voter la remise d’un rapport sur la formation initiale. C’est véritablement un chantier qui doit tous nous mobiliser, car il s’agit de l’un des principaux facteurs de l’attractivité de cette fonction.
Un travail de « déprécarisation » doit également être engagé. Dans le cadre de la proposition de loi déposée par le groupe CRCE, et en accord avec la rapporteure, le recrutement de contractuels était certes prévu pour pallier la pénurie de fonctionnaires, mais il faut également veiller à travailler en parallèle à un plan de déprécarisation.
Il faut aussi – et certains l’ont très bien dit aujourd’hui – garder à l’esprit la charge financière que peut représenter ce type d’emplois pour de petites communes, qui supportent bien d’autres dépenses sur leurs épaules en ce moment. Il convient de prévoir des mesures de compensation pour que cet objectif puisse se concrétiser dans nos villages.
Derrière tout cela, derrière la reconnaissance légitime du secrétaire de mairie, c’est l’existence même de nos communes qui est en jeu. Certains sont prompts à se tourner vers les communes à chaque nouvelle crise, mais il faut aussi faire en sorte que ces collectivités disposent des moyens de fonctionner.
J’ai coutume de dire que les communes sont le premier, mais souvent aussi – malheureusement ! – le dernier service public dans un certain nombre de territoires : il faut donc les aider à assumer cette prérogative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Comme l’ensemble des membres du groupe RDSE, je voterai cette proposition de loi, même si j’estime qu’elle ne va pas assez loin et qu’elle ne permettra de régler qu’une partie du problème.
Il s’agit d’un petit pas vers de meilleures rémunérations : pour ceux qui débuteront en catégorie B, on parle là du Smic – il faut le savoir, mes chers collègues ! Et encore, on entre maintenant au quatrième, cinquième ou sixième échelon de la grille indiciaire…
Pour ceux qui bénéficieront d’une promotion et passeront de la catégorie C à la catégorie B, c’est d’un gain de 10, 12, 15 euros de plus qu’il s’agit. Voilà la réalité ! Ils seront intégrés à l’indice immédiatement supérieur à leur indice actuel.
Par conséquent, l’attractivité des rémunérations continue de poser question…
À mon sens, le vrai problème, c’est la formation : comment un secrétaire de mairie qui travaille tout seul dans une commune rurale peut-il faire pour suivre la formation initiale ? C’est déjà difficile pour lui aujourd’hui et on va créer une formation complémentaire : je ne sais pas comment cela va se passer…
Au contact de la réalité du terrain, on se rend compte qu’une personne seule, quand elle s’en va, est obligée de fermer le secrétariat. Voilà la réalité dans les communes rurales !
J’avais prévu de déposer des amendements relatifs à la formation, mais on m’a évidemment opposé l’article 40 de la Constitution.
Je propose, et j’en avais déjà parlé lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Brulin, la mise en place de contrats aidés, financés à 80 %, qui auraient permis à des personnes de se former avant d’accéder à la fonction de secrétaire de mairie. Il s’agirait de contrats d’apprentissage, mais mieux rémunérés, qui comporteraient à la fois une formation théorique dispensée par le Centre national de la fonction publique territoriale ou l’université, et une formation pratique auprès d’un ancien secrétaire de mairie.
Mon amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution au motif qu’il s’agit de contrats aidés, alors même que le niveau de rémunération est beaucoup trop faible et que la durée de ces contrats est beaucoup trop courte pour que l’on parvienne à former un secrétaire de mairie.
Certes, nous avons noté des avancées intéressantes dans ce texte, comme la mise en place d’une formation universitaire ; certes, nous le voterons, mais nous nourrissons aussi quelques inquiétudes quant à la revalorisation de ce beau métier.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Même si ce texte n’est pas parfait, même s’il laisse à certains, comme l’a dit à l’instant Cédric Vial, un goût amer dans la bouche, il faut tout de même relever que le verre est à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Je tiens véritablement à saluer le travail qui a été fait, particulièrement celui des auteurs de la proposition de loi, celui de la rapporteure de la commission des lois et, de façon générale, tous les efforts réalisés ici.
Monsieur le ministre, nous comptons vraiment sur vous pour trouver les moyens de financer les collectivités locales qui seront amenées à prendre en charge ces revalorisations salariales, même si elles sont naturellement insuffisantes – les intéressés nous le diront. Ces mesures vont encore coûter de l’argent aux collectivités locales : il est donc indispensable, au vu des difficultés qu’elles rencontrent actuellement, de ne pas les décourager en prenant des mesures qui, le cas échéant, ne seraient pas compensées.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de tenir compte de ma remarque.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je tiens à dire que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est partagé entre satisfaction, regrets et attentes.
Nous avons eu la satisfaction d’avoir pu avancer sur un certain nombre de sujets, qui ont suscité – et je le dis en me tournant vers Catherine Di Folco et Cédric Vial, corapporteurs avec moi de la mission sur l’attractivité de la fonction publique territoriale mise en place par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation – beaucoup d’attentes sur le terrain.
Je pense à des sujets extrêmement concrets pour les employeurs territoriaux, les maires, comme l’isolement des secrétaires de mairie, le cumul d’employeurs, la difficulté à faire preuve de polyvalence dans des domaines extrêmement variés, celle d’assumer des responsabilités qui engagent le maire, le conseil municipal – surtout quand on connaît la pression qui est mise sur les élus en ce moment –, la formation initiale, l’accompagnement dans l’emploi, l’animation d’un réseau au sein duquel les secrétaires de mairie peuvent trouver un soutien, parfois psychologique, de la part de leurs pairs, leurs collègues, et apprendre de nouvelles compétences, la question des rémunérations, enfin, qui n’est pas le moindre des sujets pour les secrétaires de mairie.
Nous regrettons en revanche qu’il ait fallu s’y reprendre à plusieurs fois : il aura fallu une première proposition de loi, déposée par Céline Brulin et son groupe, puis une mission de la délégation aux collectivités territoriales et, enfin, cette deuxième proposition de loi présentée par le groupe RDPI. Et tout le monde voit bien que nous ne sommes pas encore au bout du chemin…
Nos attentes se reportent maintenant sur le Gouvernement : monsieur le ministre, il faut que vous nous aidiez, puisque c’est maintenant à vous que nous transmettons la balle, à aller au bout de ce travail. Le Sénat a fait le sien en apportant tout ce qu’il pouvait apporter. Nous comptons maintenant sur l’exécutif pour transformer l’essai.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Tout d’abord, je tiens à remercier pour leur soutien tous ceux de nos collègues qui voteront cette proposition de loi. J’entends bien que ce texte n’est sans doute pas idéal, qu’il n’est pas celui que chacun d’entre vous aurait pu espérer, mais il comporte toutefois des avancées importantes qu’aucun autre texte n’avait permises jusqu’ici.
Madame Brulin, j’entends vos remarques, mais je vous ferai remarquer à mon tour que, lorsque nous avons voté – à l’unanimité – votre proposition de loi, nous n’avons émis aucune réserve. Nous avons simplement considéré qu’il s’agissait d’un bon texte, qu’il permettait d’avancer, et nous l’avons voté, contrairement à vous, qui allez voter cette proposition de loi en regrettant que n’y figure pas telle ou telle mesure. (Mme Céline Brulin proteste.) Quand il s’agit de vos textes, il vous semble normal que nous les votions, mais quand il s’agit des nôtres, vous trouvez normal d’émettre systématiquement des réserves.
Je conteste par ailleurs l’idée selon laquelle, à chaque fois que nous déposons un texte, nous ne ferions que préempter ceux que vous auriez préparés.
À cet égard, je me tourne vers nos collègues de la majorité sénatoriale : combien de textes présentés par votre majorité préemptent-ils des textes qui sont ensuite proposés par le Gouvernement ? (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Combien de fois est-ce arrivé ? De grâce, épargnez-nous ce procès : pas à nous !
Même si je vous suis reconnaissant de bien vouloir voter ce texte, sur lequel nous sommes tous d’accord – et je remercie en particulier André Reichardt de faire la part des choses, tout comme Jérôme Durain, qui a reconnu que le texte comportait des avancées, tout en suscitant des attentes –, j’ai parfois le sentiment, en vous entendant, que notre groupe serait en quelque sorte illégitime à déposer un texte. Si je vous suis, vous seriez plus fondés que nous à le faire, tout du moins à en déposer avant nous, notamment parce que vous le feriez mieux que nous ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Cela étant, j’y insiste, je remercie tous ceux qui soutiennent ce texte, dont j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, à entendre vos prises de parole, je crois que nous nous dirigeons vers une adoption à l’unanimité de cette proposition de loi, ce dont je ne peux que me réjouir, non pas pour le Gouvernement ou le Sénat, mais pour les secrétaires de mairie.
Je crois que votre vote et le travail que vous avez effectué depuis des semaines, depuis des mois – je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, madame Brulin, monsieur le président Patriat, vous tous ici – sont utiles et font réellement avancer les choses.
Je me suis engagé à recourir à la procédure accélérée, ce qui montre la volonté du Gouvernement d’aboutir rapidement. Je partage le souhait de la Première ministre de trouver une niche parlementaire dans le cadre de laquelle ce texte pourrait être adopté d’ici à l’été. Nous travaillons en ce sens afin d’avancer le plus rapidement possible et de traduire dans la loi ces dispositions. Nous nous reverrons d’ailleurs peut-être pour l’adoption des conclusions d’une éventuelle commission mixte paritaire.
Ne soyez pas trop durs à l’égard de votre travail. On peut bien évidemment avoir des regrets ; moi-même, je déplore que nous n’ayons pas adopté cette procédure d’accélération en matière d’ancienneté qui aurait accordé aux secrétaires de mairie une rétribution supplémentaire, sachant que la reconnaissance de leur fonction passe aussi par la rémunération.
Il nous reste donc encore un peu d’ouvrage. Nous nous heurtons ici à la différence entre travail législatif, travail réglementaire et ce qu’il nous reste à accomplir dans la vraie vie, dans la pratique, sur la formation, sur les filières universitaires, sur la mutualisation des moyens et que nous devrons mener en concertation avec les centres de gestion, avec le CNFPT, avec les collectivités locales et avec les collectifs de secrétaires de mairie, qui mènent un travail utile sur le terrain.
Entre les droits formels que nous votons ici et les droits réels, nous devons faire preuve d’un engagement collectif. Pour ma part, en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques, je m’engage, dans les actes, à renforcer l’attractivité de ce métier essentiel de secrétaire de mairie, qui permet à nos communes de tenir debout.
Je vous remercie sincèrement du travail qui a été effectué. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Denis Bouad et Éric Gold applaudissent également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 302 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 342 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
7
Protéger les logements contre l’occupation illicite
Discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (proposition n° 498, texte de la commission n° 692, rapport n° 691).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi du président Kasbarian, dont je veux saluer le travail visant à protéger nos concitoyens contre toute forme d’occupation illicite de leur logement.
Les choses sont claires : la lutte contre le squat est indispensable ! C’est d’ailleurs l’une de mes priorités, car oui, la loi doit d’abord protéger les honnêtes gens.
Le texte qui est soumis aujourd’hui à votre approbation, je l’espère définitive, comporte des avancées majeures en matière pénale, administrative et civile.
Sur le plan pénal, tout d’abord, je tiens à souligner la qualité des travaux parlementaires qui ont précisé le champ du délit d’introduction ou de maintien dans un local autre que le domicile.
Par ailleurs, à la suite de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, la notion de local à usage économique a été clarifiée, ainsi que l’avait souhaité le président Patriat, que je remercie chaleureusement.
Les débats ont également conduit à instaurer une gradation dans l’échelle des peines, qui me semble tout à fait bienvenue. Ainsi, le squat d’un domicile, lieu particulièrement protégé en tant que siège de l’intime et de la vie privée, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement, alors que celui d’un autre local est passible de deux ans d’emprisonnement.
Enfin, je salue le fait que la nouvelle infraction sanctionnant le locataire de mauvaise foi qui se maintient sans motif de droit dans un local à usage d’habitation soit désormais punie d’une peine d’amende.
Sur le volet pénal, le texte qui résulte de la navette parlementaire me semble donc tout à fait satisfaisant. Je veux saluer votre travail, monsieur le rapporteur Reichardt, ainsi que l’engagement connu de longue date de votre collègue, la sénatrice Estrosi Sassone.
En accord avec l’Assemblée nationale, vous avez élargi le champ d’application de la procédure d’évacuation administrative issue de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi Dalo, à la libération des domiciles et des logements vacants.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont convenu de circonscrire ce dispositif à la situation des squatteurs. Je m’en félicite, car la procédure d’évacuation administrative, à l’évidence, n’est pas appropriée pour régler ce type de litige.
Le texte aborde également la procédure d’expulsion, que l’on pourrait qualifier de droit commun.
Ainsi, vous avez souhaité, de concert avec les députés, l’insertion automatique dans le contrat de bail d’une clause de résiliation de plein droit pour impayés de loyers. Cette généralisation constitue une avancée en termes de lisibilité et de simplification procédurale.
Parallèlement, un consensus s’est dégagé pour imposer un rythme plus rapide à la procédure d’expulsion.
Je ne peux qu’approuver ce nouvel équilibre, qui permet de faire passer de trois ans à un an le délai de la procédure d’expulsion, tout en préservant le droit au logement, sujet sur lequel le Gouvernement, en particulier mon collègue Olivier Klein, est particulièrement mobilisé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble que vous arrivez au terme de vos travaux, car la rédaction qui est soumise aujourd’hui à votre Haute Assemblée, fruit de nos réflexions communes, me paraît équilibrée en ce qu’elle renforce les droits des propriétaires sans remettre en cause la protection des occupants de bonne foi.
Je forme le vœu que vous puissiez adopter cette proposition de loi en des termes identiques à ceux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. André Reichardt, rapporteur, et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que cette proposition de loi arrive au terme de son parcours parlementaire, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail des deux chambres.
Ce texte traite de sujets importants et de situations profondément humaines. Grâce au travail des deux chambres, nous avons désormais une proposition de loi enrichie, à l’équilibre renforcé. Je me félicite de ces avancées concrètes, nécessaires et précieuses.
La navette parlementaire a été gage de protection, de clarification et de sécurisation juridique.
La situation du squatteur, qui doit être sanctionné à la mesure de sa faute, est maintenant clairement distinguée de celle du locataire défaillant, qui doit pouvoir être accompagné lorsqu’il est de bonne foi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il l’est déjà !
M. Olivier Klein, ministre délégué. Le squatteur sera plus durement sanctionné, alors que le locataire restera protégé quand sa situation le justifie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les parlementaires et le Gouvernement ont entendu les alertes des associations pour aboutir à une proposition de loi mesurée et infiniment utile.
Le texte soumis à votre examen n’aura donc pas pour effet de conduire en prison les locataires en situation d’impayés de loyers…
M. Thomas Dossus. Encore heureux !
M. Olivier Klein, ministre délégué. … et je m’en réjouis.
Il n’aura pas non plus pour effet de réduire l’accompagnement social. Au contraire, celui-ci est stabilisé, clarifié et déclenché plus tôt dans la procédure afin de combattre dès que possible la spirale de la pauvreté.
Le juge n’est pas empêché d’accorder des délais aux locataires qui peuvent payer leurs loyers, mais qui ont affronté une période difficile. Il conserve le pouvoir de juger au cas par cas, en fonction des demandes du locataire et de sa situation financière.
La proposition de loi tend à renforcer le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex), pour mieux accompagner les locataires. Grâce aux ajouts du Sénat, ces Ccapex seront désormais davantage territorialisées et les élus locaux y disposeront d’une place accrue.
À mon tour, je veux remercier tous ceux qui, au Sénat, ont permis ces avancées, en particulier M. le rapporteur et Mme Estrosi Sassone, ainsi que l’ensemble des parlementaires associés à ces travaux.
Les Ccapex seront aussi davantage décisionnaires, par exemple pour le maintien des aides personnelles au logement (APL). Au regard du contexte actuel, je les inviterai d’ailleurs à se montrer ouvertes au regard des difficultés rencontrées par bon nombre de nos concitoyens. Elles pourront commencer leur travail plus tôt pour que le diagnostic social et financier soit prêt dès que possible.
Pour cette raison, il me semble très important de conserver tous les efforts accomplis en matière de prévention des expulsions locatives.
Il faut laisser du temps au travail social et il faut laisser le juge analyser chaque situation, afin d’être au plus près des réalités difficiles d’une expulsion, qui est toujours un échec.
Enfin, et cela me tenait à cœur, ce texte vise à renforcer les sanctions contre les marchands de sommeil.
En tant qu’ancien maire de Clichy-sous-Bois, j’ai trop souvent été confronté à ceux qui organisent indûment des squats, en faisant croire qu’ils sont propriétaires des logements, et ce en toute illégalité et au détriment des plus faibles.
Cela s’inscrit d’ailleurs dans la lutte menée par le Gouvernement contre l’habitat indigne, dont les procédures ont été renforcées et simplifiées par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, adoptée lors de la précédente législature.
Ma mobilisation sur ce sujet est constante ; elle se traduit dans ce texte et se poursuivra à vos côtés et à ceux des élus locaux de tous bords dans les prochaines semaines.
Mesdames, messieurs les sénateurs, loin des caricatures et des surenchères, vous avez aujourd’hui à vous prononcer sur une proposition de loi équilibrée et proportionnée, bâtie dans une logique de compromis grâce au travail attentif – j’y insiste – des parlementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi n’a jamais eu pour objet de résoudre la crise du logement dans notre pays,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme rien de ce que vous faites !
M. Olivier Klein, ministre délégué. … mais elle permet de lutter contre les abus, contre ceux qui profitent du système et qui arnaquent les petites gens.
Elle tend à résoudre des cas insupportables et des situations humaines que vous rencontrez lors de rendez-vous dans vos circonscriptions, mis en lumière lors des auditions. Il peut s’agir de petits propriétaires victimes de situations intolérables de squat ou bien de locataires de bonne foi connaissant temporairement des difficultés pour payer leurs loyers.
Ce texte, qui tend à assurer une juste conciliation entre le droit à la propriété et le droit au logement, deux droits essentiels qu’il ne faut pas opposer, permet de protéger tant les propriétaires que les locataires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour ma part, je n’oppose pas la lutte contre le squat et l’occupation illicite à une politique du logement ambitieuse et sociale.
M. Thomas Dossus. Mais il n’y a pas de politique du logement !
M. Olivier Klein, ministre délégué. Une politique du logement ne peut être une politique du squat. Une politique du logement ne peut être une politique des impayés de loyers. Une politique du logement doit répondre à toutes les attentes légitimes.
Je le répète, face au mal-logement, l’objectif est l’accès à un logement pérenne. Aussi, la politique du logement que nous menons est en faveur des plus modestes et des plus fragiles. Jamais dans l’histoire l’effort en faveur de l’hébergement d’urgence n’a été aussi massif qu’au cours de ce quinquennat et du précédent.
En 2017, on comptait 120 000 places d’hébergement d’urgence ; aujourd’hui, c’est 205 000 places. Chaque soir, 6 millions d’euros sont dépensés pour l’hébergement d’urgence. C’est l’honneur de ce pays et de ce gouvernement.
Le plan Logement d’abord 2, annoncé par la Première ministre lors de la restitution du Conseil national de la refondation Logement et que j’aurai l’honneur de présenter la semaine prochaine, prévoit une hausse des moyens afin de prolonger la dynamique positive du premier plan Logement d’abord.
L’accès à un logement durable pour sortir de la logique de l’hébergement d’urgence est notre priorité. Cela passera par la création de 10 000 nouvelles places de pensions de famille et de 35 000 nouvelles places en intermédiation locative d’ici à la fin du quinquennat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte a été amélioré et rendu équilibré grâce à un travail transpartisan des deux chambres. Il témoigne de notre capacité à construire des compromis au service de l’intérêt général pour répondre aux attentes concrètes et quotidiennes des Françaises et des Français.
Je suis certain que nos débats de ce soir permettront de continuer de faire œuvre utile et ainsi de préserver l’équilibre de cette proposition de loi, qui va dans le bon sens et que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis une seconde fois pour débattre, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, pour laquelle – fait suffisamment rare pour être souligné – la procédure accélérée n’a pas été engagée par le Gouvernement, ce dont il faut se féliciter.
Ce texte traite de deux sujets auxquels le Sénat est depuis longtemps attentif : la lutte contre le squat et la sécurisation des rapports locatifs.
Voilà plus de deux ans, en janvier 2021, le Sénat a adopté la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat. Plusieurs dispositions que le Sénat avait alors soutenues ont été reprises dans la version initiale de cette proposition de loi ou intégrées par nos soins en première lecture.
Nous sommes nombreux à regretter que le Gouvernement n’ait pas été plus tôt à l’écoute des propositions du Sénat, ce qui nous aurait permis de gagner un temps précieux pour lutter contre le squat, qui affecte régulièrement de petits propriétaires.
Par conséquent, je considère que le texte sur lequel nous allons débattre aujourd’hui s’inscrit dans la pleine continuité des travaux sénatoriaux. Nous pouvons nous féliciter d’arriver enfin au terme d’un processus législatif de près de trois ans, depuis le dépôt de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone en 2020.
J’en viens désormais au contenu de ce texte. Sur les quinze articles qu’il comptait à l’issue de la première lecture, cinq sont encore en discussion, les autres ayant été adoptés – ou supprimés - conformes par l’Assemblée nationale.
De façon générale, nous pouvons largement nous satisfaire du texte qui nous a été transmis. À l’exception de quelques points, relativement mineurs, sur lesquels je reviendrai, nous pouvons le considérer comme un compromis respectueux des positions des deux chambres, qui préserve très majoritairement nos apports et tient compte de nos lignes rouges.
En particulier, le chapitre III, inséré par le Sénat et visant à équilibrer la proposition de loi en renforçant l’accompagnement social des locataires en difficulté, a été adopté conforme par l’Assemblée nationale. Monsieur le ministre Klein, vous nous l’avez rappelé et je tiens à mon tour à insister sur ce point.
Sans revenir sur l’ensemble des dispositions de ce texte, puisque dix articles font déjà l’objet d’une rédaction commune aux deux chambres et que nous avons pu largement en débattre lors de la première lecture, je centrerai mes propos sur les articles encore en discussion, à savoir les articles 1er A, 1er C, 2, 2 ter et 4.
L’article 1er A, qui crée un délit d’occupation frauduleuse des locaux à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel n’a fait l’objet que d’une modification sémantique, qui ne pose aucune difficulté dans la mesure où, conformément à la position exprimée par le Sénat en première lecture, le Gouvernement a renoncé à limiter ce délit aux seuls locaux exploités.
L’article 1er C avait été adopté en séance publique au Sénat, sur la proposition de notre collègue Catherine Procaccia. Il imposait aux préfets de recourir à la force publique dans un délai de sept jours suivant la décision du juge pour les cas de squat de domicile.
J’avais déjà exprimé à l’époque quelques réserves sur cet amendement, en soulignant les difficultés de nature pratique et juridique qu’il soulevait (Mme Dominique Estrosi Sassone opine.), notamment le fait que ce délai de sept jours soit inférieur au délai commun de recours, à savoir un mois.
Il semblait également préférable que le préfet conserve un pouvoir d’appréciation lorsqu’il est saisi d’une demande de concours de la force publique, notamment pour tenir compte des éventuels troubles à l’ordre public que pourrait provoquer l’expulsion de force.
En se fondant sur les mêmes arguments, l’Assemblée nationale a supprimé cet article – il fallait s’y attendre – en deuxième lecture. En cohérence avec les réserves que j’avais exprimées en janvier dernier, je vous propose de maintenir cette suppression.
J’en viens désormais à l’article 2, relatif à la procédure administrative d’évacuation forcée, plus connue sous le nom de « procédure de l’article 38 de la loi Dalo ».
En deuxième lecture, l’Assemblée nationale n’est revenue que sur une seule des modifications apportées par le Sénat, en supprimant la réduction de quarante-huit à vingt-quatre heures du délai dont disposerait le préfet pour mettre en demeure le squatteur de quitter les lieux.
Elle a, en outre, complété cet article afin de prendre en compte les récentes réserves d’interprétation formulées par le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité portant précisément sur l’article 38 de la loi Dalo.
Ces ajouts me semblent utiles, car ils permettront de garantir la pleine conformité de cette procédure à la Constitution et ainsi de sécuriser son assise juridique. C’est pourquoi je vous suggère d’adopter cet article conforme, en prenant toutefois acte du désaccord – attendu – sur la réduction du délai de mise en demeure du squatteur de quitter les lieux.
Nonobstant des modifications rédactionnelles mineures portant sur l’article 2 ter, l’Assemblée nationale a renforcé le contrôle de l’application du dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants en imposant à l’État de vérifier « régulièrement la conformité de [la] mise en œuvre [de ce dispositif] aux dispositions légales et réglementaires applicables », lorsque ce dispositif bénéficie à des personnes morales de droit privé.
Cette précision va dans le bon sens, celui de la position exprimée par le Sénat en première lecture : nous avions appelé le Gouvernement à accentuer le suivi de ce dispositif pour l’instant quasi inexistant. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite de nouveau à adopter cet article dans la rédaction qui nous a été transmise.
Enfin, à propos de l’article 4, qui concerne les pouvoirs d’office du juge en matière d’octroi de délais de paiement et de suspension des effets des clauses résolutoires de plein droit et qui a fait l’objet d’un désaccord substantiel en première lecture entre les deux chambres, nous avons pu aboutir à une rédaction de compromis.
Pour mémoire, l’Assemblée nationale souhaitait initialement conditionner l’octroi de délais de paiement, la vérification des éléments constitutifs de la dette locative, le contrôle du caractère décent du logement et, surtout, la suspension des effets de la clause résolutoire, c’est-à-dire le maintien dans le logement, à une saisine du locataire au lieu de permettre au juge de se saisir d’office.
En première lecture, le Sénat a rétabli les pouvoirs d’office du juge en la matière, considérant qu’il était dans l’intérêt aussi bien du locataire que du bailleur que les relations contractuelles soient maintenues et que la dette locative soit acquittée, plutôt que de recourir à une expulsion dite ferme.
En deuxième lecture, l’Assemblée nationale s’est en grande partie alignée sur la position du Sénat – il faut l’en remercier – en maintenant les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement, mais aussi pour la vérification des éléments constitutifs de la dette locative et de la décence du logement. En revanche, la suspension des effets de la clause résolutoire – c’est-à-dire le maintien dans le logement – ne pourra être accordée par le juge qu’à la suite d’une saisine en ce sens par le bailleur ou le locataire.
Je ne vous le cache pas, cela a été, pour moi, une véritable interrogation. Il s’agit, à mes yeux, d’un point de vigilance dont il conviendra de suivre les effets une fois la loi entrée en vigueur.
À ce stade, nous pouvons néanmoins prendre le parti de faire confiance aux acteurs judiciaires, qui devraient adopter une lecture souple de cet article afin de faire en sorte que les locataires soient informés de leurs droits. Le Sénat a d’ailleurs adopté – c’est à souligner – un amendement en première lecture, maintenu par l’Assemblée nationale, imposant au préfet d’informer le locataire faisant l’objet d’une assignation en justice de son droit de demander au juge des délais de paiement.
Je vous propose donc d’adopter également cet article dans la rédaction qui nous a été transmise.
En guise de conclusion, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir de l’aboutissement de ce texte de compromis qui constitue, à mon sens, un bel exemple, s’il était besoin de le rappeler, messieurs les ministres, de l’utilité de la procédure ordinaire, qui laisse davantage de temps aux échanges et à la construction d’une position commune entre les deux chambres. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
8
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site internet du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE SÉNATORIALE
Jeudi 15 juin 2023
À 10 h 30
- Examen des demandes de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il leur confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission conjointe de contrôle afin d’examiner la question du signalement et du traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes
De 10 h 30 à 13 heures puis de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer, présentée par Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; (texte de la commission n° 702, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 700, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 juin à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au groupe SER (pour une durée de 4 heures)
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, présentée par Mme Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 704, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 juin à 15 heures
- Proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 696, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 juin à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC
- Proposition de loi visant à développer l’attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l’ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, présentée par Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 688, 2022-2023) (demande des groupes SER et UC)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 juin à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 20 juin 2023
À 14 h 30
- Projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, de la commission des finances et de la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 9 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 20 juin en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 juin à 15 heures
À 21 h 30
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 5 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 h 30
• Réponse du Gouvernement
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 juin à 15 heures
Mercredi 21 juin 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 21 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche (texte de la commission n° 735, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 19 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023)
Jeudi 22 juin 2023
À 10 h 30
- Suite du projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023)
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 20 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 21 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 22 juin à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 22 juin en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif à l’industrie verte (procédure accélérée ; texte de la commission n° 737, 2022-2023)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 27 juin 2023
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 740, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avec une saisine pour avis de la commission des finances et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 22 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 juin en début de matinée et en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 juin à 15 heures
Mercredi 28 juin 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 28 juin à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 740, 2022-2023)
Jeudi 29 juin 2023
À 10 h 30
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 28 juin à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 28 juin à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse (texte de la commission n° 673, 2022-2023)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 28 juin à 15 heures
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 740, 2022-2023)
Éventuellement, vendredi 30 juin 2023
Le matin et l’après-midi
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 740, 2022-2023)
- Clôture de la session ordinaire 2022-2023
SESSION EXTRAORDINAIRE 2022-2023
ORDRE DU JOUR CONDITIONNEL ET PRÉVISIONNEL DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE JUILLET 2023
(sous réserve de la publication du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire)
Lundi 3 juillet 2023
À 16 heures et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ou nouvelle lecture
En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 30 juin à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer ou nouvelle lecture
En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 30 juin à 15 heures
- Projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (texte n° 683, 2022-2023) et projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (texte n° 684, 2022-2023)
Ces textes ont été envoyés à la commission des finances.
Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 28 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 3 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 30 juin à 15 heures
- Projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 (texte n° 705, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 28 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 30 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 3 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 30 juin à 15 heures
Mardi 4 juillet 2023
À 9 h 30
- Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
De 14 h 30 à 19 h 30
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité (texte n° 393, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 4 juillet en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 juillet à 15 heures
- Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (procédure accélérée ; texte n° 593, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 23 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 27 juin après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 4 juillet à 13 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 juillet à 15 heures
Le soir
- Suite du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (procédure accélérée ; texte n° 593, 2022-2023)
Mercredi 5 juillet 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 juillet à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (procédure accélérée ; texte n° 593, 2022-2023)
Jeudi 6 juillet 2023
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 5 juillet à 15 heures
- Suite du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (procédure accélérée ; texte n° 593, 2022-2023)
Éventuellement, vendredi 7 juillet 2023
Le matin et l’après-midi
- Suite du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (procédure accélérée ; texte n° 593, 2022-2023)
Lundi 10 juillet 2023
À 16 heures et le soir
- Projet de loi pour le plein emploi (procédure accélérée ; texte n° 710, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 juillet après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 juillet à 15 heures
Mardi 11 juillet 2023
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi pour le plein emploi (procédure accélérée ; texte n° 710, 2022-2023)
Mercredi 12 juillet 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 juillet à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 ou nouvelle lecture et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 ou nouvelle lecture
En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour une explication de vote commune, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 11 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 ou nouvelle lecture
En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 11 juillet à 15 heures
- Suite du projet de loi pour le plein emploi (procédure accélérée ; texte n° 710, 2022-2023)
Jeudi 13 juillet 2023
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’Organisation maritime internationale (texte n° 528, 2022-2023)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière et du protocole à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière relatif à l’évaluation stratégique environnementale (texte n° 438, 2022-2023)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 11 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 12 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 12 juillet à 15 heures
- Suite du projet de loi pour le plein emploi (procédure accélérée ; texte n° 710, 2022-2023)
- Clôture de la session extraordinaire 2022-2023
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mardi 11 juillet 2023 à 18 heures
9
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par vingt-trois voix pour et aucune voix contre, à la nomination de Mme Laurence Borie-Bancel à la présidence du directoire de la Compagnie nationale du Rhône.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
10
Protéger les logements contre l’occupation illicite
Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner une proposition de loi très attendue.
Comme vous, monsieur le rapporteur, nous considérons que le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture constitue un bon compromis. Il permet de lutter plus efficacement contre le squat tout en améliorant l’accompagnement des locataires en difficulté. En parallèle, il assure un équilibre entre la défense du droit de propriété et la protection du droit au logement.
Le durcissement des peines encourues en cas de violation de domicile, la création d’un délit d’occupation frauduleuse d’un local ne constituant pas un domicile, la répression de la propagande et de la publicité en faveur du squat et l’alourdissement des peines applicables aux marchands de sommeil sont autant de réponses concrètes aux situations dramatiques et traumatisantes auxquelles sont aujourd’hui confrontés nombre de nos concitoyens.
Plus largement, c’est la santé économique du secteur du logement qui s’en trouvera améliorée. Les mesures de cette proposition de loi sont en effet de nature à rassurer les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.
Nous constatons avec satisfaction que le texte soumis à notre examen comprend de nombreuses dispositions issues d’amendements sénatoriaux.
Mes collègues du groupe RDPI et moi-même sommes heureux d’avoir pu contribuer à l’amélioration du dispositif proposé par l’Assemblée nationale. À cet égard, nous nous réjouissons que nos collègues députés aient maintenu, à l’article 1er A, une disposition issue d’un amendement du président Patriat : la gradation entre la peine prévue pour le squat de domicile et celle applicable au squat de locaux ne constituant pas un domicile.
Pour ce qui concerne l’article 1er C, je salue la sagesse de nos collègues députés. Ils sont revenus sur l’obligation, pour le préfet de département, d’appliquer une décision d’expulsion rendue par le juge dans un délai de sept jours. Cette disposition risquait de porter atteinte au droit au recours. Aussi, elle aurait sans nul doute été censurée par le Conseil constitutionnel.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez déjà souligné : depuis l’adoption du texte en première lecture par le Sénat, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la procédure accélérée d’expulsion, que l’article 2 de cette proposition de loi prévoit d’étendre aux locaux à usage d’habitation.
Tirant les conséquences de la réserve d’interprétation formulée par les sages de la rue de Montpensier, l’Assemblée nationale a opportunément prévu l’obligation, pour le préfet, de prendre en considération la situation personnelle et familiale du squatteur préalablement à la mise en demeure de quitter le logement. Nous saluons cette excellente initiative, qui permet de sécuriser juridiquement le dispositif.
Pour ce qui concerne l’article 2 ter, nous nous félicitons du renforcement du contrôle de la mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales. L’État pourra ainsi prévenir tout risque de voir des entreprises se saisir du dispositif à des fins contraires à son objet initial.
Mes chers collègues, comme moi, vous avez peut-être entendu parler du terrible drame survenu à La Garenne-Colombes le 3 juin dernier. Une sexagénaire ayant accumulé d’importantes dettes de loyer auprès d’un bailleur social s’est immolée devant la mairie de cette commune. Elle a malheureusement succombé à ses blessures.
Cette affaire tragique montre combien il est urgent de renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté. Tel est l’objet des articles 5, 7 et 8, que l’Assemblée nationale a votés conforme en deuxième lecture.
Je conclus mon propos en remerciant, au nom du groupe RDPI, le président Kasbarian, ainsi que les groupes Renaissance et Horizons de l’Assemblée nationale, qui nous ont permis de prendre à bras-le-corps les problématiques du squat et du contentieux locatif. Bien évidemment, les élus du groupe RDPI voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet et M. Pierre Médevielle applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.
M. Denis Bouad. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dénombre en France 4,15 millions de personnes mal logées. Ce chiffre est tiré du dernier rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, publié le lendemain de l’examen de ce texte en première lecture par notre assemblée.
Alors que cette proposition de loi dite « anti-squat » revient devant nous en deuxième lecture, on pourrait être tenté de mettre ce chiffre en regard des quarante situations de squat recensées chaque année dans le pays, mais cela ne me semble pas pertinent. En effet, ce texte mal renommé ne se concentre pas sur la seule question du squat. Il vise également les locataires en difficulté, qui se trouvent en situation d’impayé.
Dans le contexte actuel, les choix opérés par cette proposition de loi nous semblent symboliques d’une forme d’aveuglement face à la crise du logement et à ses conséquences dans notre pays.
Construction de logements sociaux, lutte contre la vacance, revalorisation des aides au logement, plan massif de rénovation thermique : aux yeux des sénateurs socialistes, il existe une foule de chantiers prioritaires. Or, dans ces différents domaines, les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur.
Monsieur le ministre, c’est au nom de cette ambition que, dès septembre 2022, nous vous avons appelé à faire du logement la grande cause nationale de ce quinquennat. Malheureusement, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale traduit une ambition toute différente.
Si nous sommes convaincus de la nécessité de protéger les propriétaires contre les occupations abusives, il nous semble essentiel de préserver, comme vous l’avez dit vous-même, un équilibre entre le droit à la propriété et le droit au logement. Or le présent texte vient rompre cet équilibre construit au fil des décennies sans pour autant apporter de nouvelles garanties concrètes aux propriétaires.
En tant que législateurs, nous devons être attentifs à l’efficacité des dispositifs que nous votons. Dans cet esprit, on peut s’interroger sur l’intérêt de la création d’un délit, passible d’une amende de 7 500 euros, pour le locataire en défaut de paiement qui se maintient dans un logement.
Cette mesure n’apporte strictement aucune plus-value aux propriétaires. Ce ne sont pas eux qui percevront ces 7 500 euros. On sait d’ailleurs que, dans la très grande majorité des cas, les dettes locatives ne sont pas recouvrées par les propriétaires. Il en sera évidemment de même du montant de cette amende. En effet, rares sont les locataires qui choisissent de ne pas payer leur loyer et de se retrouver en situation d’expulsion. Au total, cet article aura pour seule conséquence l’engorgement de notre appareil judiciaire.
En première lecture, nous avions également dénoncé la réduction des délais entre le commandement de payer et l’assignation en justice.
De l’avis des professionnels comme des associatifs, cette période est essentielle pour mener tout le travail d’accompagnement social que suppose une procédure d’expulsion. C’est d’ailleurs ce travail qui, dans certains cas, permettra de trouver des solutions de paiement profitables aux deux parties.
On peut bien sûr débattre de la durée des procédures d’expulsion. Entre leur lancement et l’expulsion effective, il s’écoule, en général, dix-huit à vingt-quatre mois. Dès lors, on comprend que l’enjeu n’est pas de réduire de quinze jours le délai entre le commandement de payer et l’assignation.
Dans un grand nombre de cas, la principale cause d’allongement de la procédure est l’absence de solution de relogement, qui empêche le concours de la force publique.
Déjà difficile, le relogement des locataires menacés d’expulsion est encore compliqué par la pénurie de logements sociaux. Une nouvelle fois, nous en revenons à la crise du logement – c’est bien le problème central – et à la nécessité d’une réponse politique à la hauteur des enjeux.
Les décisions prises depuis 2017, notamment la mise en œuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS), ont considérablement fragilisé le secteur du logement social. Les bailleurs sociaux n’ont plus la capacité de produire des logements en nombre suffisant, si bien que la construction de logements sociaux a chuté de 40 %.
Entre 2017 et 2022, ce sont 15 milliards d’euros d’économies qui ont été réalisés sur le logement des Français les plus modestes ; et, malgré de nombreux signaux d’alerte, le ministre chargé des comptes publics annonçait le mois dernier que le ministère du logement serait particulièrement concerné par la baisse des dépenses publiques envisagées pour 2024.
Après la baisse des aides personnalisées au logement, après les milliards d’euros d’économies imposés au titre de la RLS, quelles seront les nouvelles baisses de crédits des politiques du logement ? Surtout, quelles en seront les conséquences pour les Français, qui ont de plus en plus de mal à se loger ?
Cette proposition de loi ne résout pas les problèmes des propriétaires. En revanche, elle pourrait accélérer la précarisation extrême de certains locataires.
Les acteurs associatifs, tout comme la Défenseure des droits, et même les rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations unies chargés du logement et de l’extrême pauvreté, se sont inquiétés des conséquences de cette proposition de loi. Dans un courrier adressé à notre gouvernement, ces derniers ont relevé « l’absence d’étude d’impact sur les conséquences qui pourraient résulter des changements introduits par ce texte ».
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, ces mises en garde devraient vous interpeller.
Une nouvelle fois, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposeront à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions de ce texte, avant de voter contre.
Nos arguments pouvaient se résumer en quelques mots : cette proposition de loi déséquilibre les rapports entre propriétaires et locataires,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Au contraire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … au détriment des seconds. Elle fragilise davantage encore les familles les plus démunies et les mal-logés sous prétexte de traiter un nombre infime de situations.
Il arrive en effet que de petits propriétaires voient leur lieu de vie squatté. Pour faire face à ces problèmes, la loi contient déjà un certain nombre d’outils. Peut-être méritent-ils d’être encore renforcés ; quoi qu’il en soit, ces cas de figure sont extrêmement rares.
En résumé, on a utilisé ces faits divers et ces drames pour justifier une offensive contre les locataires et les plus démunis.
Contre cette proposition de loi, nos arguments sont encore plus forts aujourd’hui, car, hélas !, la situation s’est détériorée.
Nous l’avons déjà dit en première lecture : il ne devrait pas y avoir d’expulsion sans relogement. En effet, le logement n’est pas un bien comme les autres : c’est un élément essentiel de la dignité humaine. Quand on expulse quelqu’un, quel que soit son statut, ce n’est pas une solution de le jeter à la rue.
Le Président de la République avait dit, en 2017, qu’il ne voulait plus voir personne à la rue, que c’était l’une de ses priorités. Or une telle politique ne fait qu’aggraver le problème.
Nous ajoutions que la meilleure solution était une politique plus favorable à la mise en œuvre du droit au logement opposable, du Logement d’abord et du droit au logement pour tous.
Nous proposions également des outils pour mieux combattre les impayés. Je vous rappelle que nous avons toujours défendu la garantie universelle des loyers (GUL), votée par le Sénat au titre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Cette garantie protégerait de manière équilibrée les propriétaires et les locataires. En parallèle, nous insistions sur la revalorisation des APL pour limiter les impayés.
Que voyons-nous depuis ?
Premièrement, le nombre d’impayés augmente dans des proportions extrêmement préoccupantes. Cette évolution est certes récente – après la crise covid on ne l’observait pas encore –, mais elle prend désormais une ampleur considérable. C’est sans doute la conséquence de l’inflation.
Deuxièmement, le nombre de demandeurs d’habitation à loyer modéré (HLM) a littéralement bondi.
Troisièmement, pour les familles modestes, les APL couvrent une part de moins en moins grande des dépenses de logement, notamment du fait de l’augmentation des loyers et des charges.
Monsieur le ministre, une fois de plus, votre gouvernement cultive le « en même temps » : il durcit les lois en direction des locataires et des plus démunis et, en même temps, il ne prend pas les décisions nécessaires pour contrecarrer la crise du logement.
Les conclusions du Conseil national de la refondation Logement ne peuvent que nous inquiéter. Aucune régulation des loyers n’est prévue. L’indice de référence des loyers (IRL) est relevé de 3,5 % quand les rémunérations de la fonction publique n’augmentent que de 1,5 % : les traitements des fonctionnaires ne suivent pas l’inflation. Il n’y a ni augmentation des aides à la pierre, ni baisse de la TVA, ni remise en cause de la RLS. Et pour le Logement d’abord, qui, face à de tels problèmes, devrait être l’un des outils privilégiés, vous ne proposez que 160 millions d’euros supplémentaires, quand les associations – je vous renvoie aux conclusions du CNR – fixaient leur seuil minimal à 400 millions d’euros.
Bref, la politique que vous menez ne fera qu’accroître les problèmes. Non seulement elle menace la dignité d’un certain nombre de nos concitoyens, mais, en réalité, elle ne résoudra aucun des graves problèmes dont il s’agit, notamment les cas marginaux que vous avez invoqués.
Une fois de plus, nous voterons contre cette proposition de loi.
Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que j’ai été meurtrie par vos propos sur « les honnêtes gens ».
Vous avez dit : je défends les honnêtes gens…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Eh oui !
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Figurez-vous que, parmi les gens qui squattent, il y a des personnes qui sont tout à fait honnêtes, mais en détresse sociale. (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)
Nous ne sommes pas pour la politique des squats. Nous sommes pour la politique qui garantit…
M. le président. Chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … le droit au logement des plus démunis…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … contre les squats ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon discours n’aura pas tout à fait la même teneur que le précédent…
Après les débats auxquels cette proposition de loi a donné lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, je ne comprends pas que l’on persiste à opposer, d’un côté, les gentils protecteurs des mal-logés et, de l’autre, les méchants défenseurs des propriétaires.
Ce texte ne mérite pas tant d’indignité. Il n’a pas vocation à résoudre l’ensemble des problèmes de logement : il a pour but de régler le problème du squat…
Mme Nathalie Goulet. Il a donc un objet tout à fait délimité, auquel il fait bien de s’attaquer.
Le fait d’être mal-logé ne justifie évidemment pas le squat. Le fait d’être propriétaire ne protège pas des difficultés financières. J’y insiste, il serait temps de sortir du manichéisme.
Le présent texte porte sur l’occupation illicite des logements, qui recouvre à la fois le phénomène du squat et la situation des locataires défaillants. Il s’agit bien entendu de deux sujets distincts.
Je tiens à rendre hommage à notre rapporteur, André Reichardt, ainsi qu’à Dominique Estrosi Sassone, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann, qui sont, dans cette maison, les bonnes fées du droit au logement et de l’urbanisme ! (Sourires.)
Leur travail, comme celui des commissions des lois et des affaires économiques, a permis de rééquilibrer ce texte : il en avait encore besoin après sa première lecture au Sénat.
Monsieur le ministre, la procédure accélérée n’ayant pas été enclenchée, ce texte bénéficie de deux lectures dans chaque chambre, ce qui présente tout de même beaucoup d’avantages, en particulier pour éviter les malfaçons : dans un délai qui reste raisonnable, nous adoptons des textes de meilleure facture…
M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. C’est tout de même plus satisfaisant que de voter la loi au lance-pierre.
D’un côté, nous avons des squatteurs sans droit ni titre, qui élèvent par moments la violation de domicile au rang de combat idéologique, utilisant notamment des guides du squat ; nous avons d’ailleurs pris des dispositions pour sanctionner la publication de tels documents.
Les propriétaires comme les locataires peuvent être victimes de squat : les chiffres en témoignent. Nous avons souhaité renforcer la lutte contre ce phénomène en supprimant la possibilité pour le juge d’accorder des délais à un squatteur faisant l’objet d’une décision d’expulsion. En cela, nous envoyons un signal clair à ceux et celles qui pensent pouvoir ignorer le droit de propriété, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
De l’autre côté, nous avons des locataires qui ne paient pas ou plus leur loyer. À cet égard, le présent texte fait bien la différence entre les personnes subissant des accidents de la vie et les locataires de mauvaise foi.
Monsieur le garde des sceaux, je me réjouis de vous retrouver pour l’examen de ce texte, peu après le vote du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice : pour traiter de ces questions, votre présence est évidemment la bienvenue, et le binôme que vous formez avec votre collègue chargé du logement se révèle tout à fait efficace.
Je me félicite de vous voir tous deux au banc du Gouvernement pour débattre de problèmes dont nous aurons à traiter lors de l’examen du projet de loi de finances. En effet, nous devrons assurer les moyens d’exécuter les décisions prises…
Non seulement les locataires défaillants ne doivent pas tous être mis sur le même plan, mais – je le répète – ils ne sauraient être confondus avec les squatteurs. C’est pourquoi nous avons tenu, au Sénat, à maintenir les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement aux locataires de bonne foi : le présent texte ne pénalise que les locataires de mauvaise foi, qui refusent de régulariser leur situation ou de quitter le logement qu’ils occupent de manière illicite. C’est l’équilibre que le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé.
Tel qu’il ressort de l’Assemblée nationale, le présent texte remplit sa fonction : assurer la lutte contre les squats.
C’est en alliant ces considérations d’efficacité et de justice que nous parviendrons à rétablir la confiance des Français dans la propriété. Les squats sont des opérations extrêmement irritantes, qui font régulièrement la une des journaux ; peut-être ces situations sont-elles marginales, mais il n’en est pas moins nécessaire de les traiter.
Cette proposition de loi atteint son but et nous la voterons des deux mains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conception qu’ont nos sociétés de la propriété et le régime juridique qui y est associé figurent parmi les éléments fondamentaux de notre droit.
De Locke à Rousseau, la notion de propriété a inspiré nombre de penseurs au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Nos textes fondateurs gardent la trace de leurs débats, à commencer par la Déclaration des droits de l’homme, qui – je me permets de le rappeler – dispose que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », parmi lesquels la liberté et la propriété.
C’est au législateur d’agir pour éviter que des propriétaires ne se trouvent désemparés face à l’occupation d’un bien dont l’acquisition a nécessité, parfois, des années de travail et de sacrifice.
Chacun a en tête les cas médiatisés de retraités à faibles revenus dont les résidences sont squattées. Face à ces affaires, l’administration semble impuissante et incapable de réagir.
Nous l’affirmons : il faut défendre les propriétaires. Bien sûr, cela ne signifie pas que nous n’avons pas conscience des réalités sociales conduisant à ces situations dramatiques. La précarité et la paupérisation de notre société doivent être combattues, en même temps qu’il faut garantir le respect de la propriété.
Il est peut-être naïf de le rappeler, mais l’État français devrait être en mesure, d’un côté, de protéger des occupations illicites et, de l’autre, de veiller à la prise en charge des personnes démunies. Nous constatons, hélas ! des défaillances dans ces deux domaines.
Quoi qu’il en soit, pour assurer la répression du squat, cette proposition de loi est la bienvenue.
Je pense en particulier aux dispositions pénales introduites par le présent texte, lesquelles viennent combler une lacune de notre droit. Comment imaginer qu’il n’existe à ce jour ni délit ni peine pesant sur l’occupation d’un immeuble sans titre, sur le seul fondement de l’atteinte au droit de propriété, indépendamment de la notion de domicile ? Ironie de l’ordre du jour sénatorial : nous débattons de ce texte quelques jours après avoir examiné un projet de loi relatif aux douanes, qui met précisément en avant cette notion.
Il faut que la loi incrimine ces agissements largement et les quantums de peine proposés me semblent justes. Toutefois, pour ce qui concerne ces dispositions innovantes, nous saluons les apports du Sénat : ils permettront de distinguer parfaitement le squatteur du locataire pour ne sanctionner que le premier des deux.
Nous sommes également favorables à la nouvelle prorogation, par l’article 2 bis, du dispositif introduit par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Cet outil permet de confier à des organismes agréés l’occupation temporaire de locaux vacants afin d’assurer leur protection et leur préservation.
Naturellement, le problème des occupations illicites appelle la question des locaux vacants, notamment dans les zones hyper-urbanisées, au regard de la difficile situation du logement social.
Mes chers collègues, j’en viens au second volet de ce texte, à savoir les dispositions relatives aux locataires en difficulté. À cet égard, nous avons été particulièrement vigilants. En effet, nous souhaitons éviter tout amalgame entre ces personnes et les squatteurs, dont les situations sont fondamentalement différentes.
Dès la première lecture, les élus de notre groupe s’étaient inquiétés d’un possible déséquilibre entre les droits des propriétaires et la protection des locataires. Toutefois, tel qu’il nous est soumis à l’issue de la navette, le présent texte semble satisfaisant. Aussi, comme en première lecture, les membres du RDSE voteront majoritairement cette proposition de loi. (M. Pierre Médevielle applaudit.)
M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette seconde lecture, nous arrivons au terme de l’examen du présent texte, qui ne contient plus que cinq articles en débat, la plupart ayant d’ores et déjà été votés par l’Assemblée nationale dans la rédaction établie par le Sénat.
Je tiens tout particulièrement à remercier notre rapporteur, André Reichardt, avec qui nous avons pu travailler de manière très constructive en première lecture, puis dans la suite de la navette.
Tout d’abord, je rappellerai les apports majeurs du Sénat pour assurer la répression du squat et la gestion des impayés de loyer.
Le squat est un viol de l’intimité (M. le garde des sceaux acquiesce.) et nous souhaitons qu’il soit réprimé sans faiblesse : je me réjouis que ce texte reprenne l’essentiel des dispositions de la proposition de loi que j’avais déposée sur ce sujet et que le Sénat a votée en janvier 2020.
Il sera désormais possible de s’attaquer aux réseaux qui organisent et favorisent le squat.
Mme Dominique Estrosi Sassone. La protection du domicile est étendue. En outre, en pérennisant le logement intérimaire sous contrôle strict de l’État, le présent texte promeut une alternative légale à l’occupation de sites inoccupés, au bénéfice de personnes fragiles ou en mobilité.
Pour ce qui concerne les impayés de loyer, l’apport du Sénat a été tout aussi déterminant. Dans l’intérêt des propriétaires comme des locataires, nous avons préservé les possibilités d’accord amiable et de règlement de la dette locative sous l’égide du juge. Ce dernier doit pouvoir vérifier le montant de la dette et la décence du logement. Il doit également être en mesure d’établir un échéancier et de fixer des délais de paiement sur la base d’un diagnostic social et financier renouvelé.
Sur ma proposition, le Sénat a renforcé l’accompagnement des locataires en difficulté, ainsi que la prévention précoce des impayés et des expulsions, dans un nouveau chapitre de cette proposition de loi. Ce dernier a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale et je m’en réjouis.
Dans chacun de nos départements, la saisine des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives aura lieu beaucoup plus tôt. Ces instances disposeront de pouvoirs renforcés. En parallèle, le temps prévu pour la réalisation du diagnostic social et financier sera doublé : en résultera une nette amélioration de l’action des travailleurs sociaux.
Parmi les dispositions encore en discussion, je relèverai deux points.
Premièrement, nous avons su adapter et sécuriser le présent texte pour tenir compte de la récente décision du Conseil constitutionnel validant la procédure d’évacuation forcée prévue par l’article 38 de la loi Dalo. Il s’agit notamment des cas où le logement squatté est le futur domicile de la victime, en particulier lorsqu’elle vient de l’acheter ou de conclure le bail.
Deuxièmement, en cas de procédure d’impayé, il conviendra que le préfet informe les locataires de l’ensemble de leurs droits, qu’il s’agisse des délais de paiement ou du maintien dans les lieux. Ce sera également un volet essentiel de la réforme du diagnostic social et financier qui résultera de ce texte. En effet, il est de l’intérêt des deux parties que ces éléments aillent de pair afin que le locataire conserve son logement et que le propriétaire récupère son dû. Sans le corollaire du maintien dans les lieux, l’échéancier établi par le juge n’aurait pas de sens.
À nos yeux, nous avons su trouver un équilibre, en étant plus fermes contre les squatteurs et les locataires de mauvaise foi tout en assurant une meilleure prévention des expulsions, sans en faire peser le poids sur les propriétaires. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, défendre le droit de propriété n’est pas chose aisée. C’est un comble au pays des droits de l’homme ! La propriété occupe en effet une place centrale dans la Déclaration de 1789, où elle figure en deuxième position de la liste établie par l’article II, juste après la liberté – excusez du peu – et avant la sûreté et la résistance à l’oppression.
Défendre le droit de propriété, ce n’est pas prendre parti pour les propriétaires, ce n’est pas ignorer les difficultés sociales, ce n’est pas non plus militer contre le droit au logement. C’est simplement défendre la démocratie et ses valeurs.
Il me paraît important de rappeler ces évidences, car le droit de propriété est de plus en plus malmené en France, de facto et de jure.
De facto, parce que les intrusions et les occupations illicites sont devenues choses communes dans l’ensemble du territoire national.
Nous avons tous entendu parler de familles ou de couples de personnes âgées soudain privées de leur logement par des squatteurs. Ils se trouvent du jour au lendemain dans une situation extrêmement difficile : ils sont à la fois obligés d’assumer les charges induites par un logement dont ils ne jouissent plus et privés d’un bien qui leur est cher. Surtout, en raison de la complexité juridique et administrative, ces personnes, qui voient leur droit bafoué, pensent que la situation profite à ceux qui ont enfreint la loi et qui ne sont pas tenus de rendre des comptes.
Cette situation donne à penser que ceux qui ne respectent pas la loi peuvent agir en toute impunité. Elle est le terreau fertile de réactions virulentes, qui ne s’expriment pas dans les faits, mais qui le feront dans les urnes.
Mais le droit de propriété est aussi malmené de jure : les textes tendent à protéger les locataires contre les propriétaires. Cette tendance n’est pas nouvelle : Arthur Levasseur, premier haut-commissaire chargé du logement de France, en responsabilité lors du Cartel des gauches, déclarait devant la Chambre des députés : « Je serai le ministre des locataires ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il avait bien raison !
M. Pierre Médevielle. Depuis lors, notre droit n’a cessé de mieux protéger les locataires, pour contrebalancer le pouvoir dont les propriétaires disposent de fait. Ce rééquilibrage est sain dans la mesure où il permet d’éviter que des foyers précaires ne se retrouvent à la rue.
Mais les abus sont désormais légion. (Mme Marie-Noëlle Lienemann lève les bras au ciel.) Ils relèvent plus souvent de la mauvaise foi ou de la malhonnêteté que de la précarité. C’est pourquoi il était nécessaire de redonner force à la justice pour lutter contre l’occupation illicite des logements. Aussi, cette proposition de loi est la bienvenue ; je me réjouis que le Sénat puisse l’adopter aujourd’hui sans modification, afin de faciliter sa mise en œuvre rapide.
L’Assemblée nationale, en deuxième lecture, a conservé la plupart des améliorations que le Sénat avait apportées en première lecture. Ainsi, la réduction des délais, la simplification des procédures et l’aggravation des sanctions contre les squatteurs sont autant de réponses que nos compatriotes attendent depuis longtemps.
Enfin, le chapitre III de la proposition de loi, qui vise à mieux accompagner les locataires en difficulté, permet d’équilibrer le dispositif et d’apporter une réponse, certes incomplète, mais effective, à la crise du logement qui s’annonce.
Comme en première lecture, notre groupe votera ce texte à l’unanimité. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà la deuxième lecture d’une proposition de loi discutable, censée porter sur le sujet sensible et primordial du logement.
Discutable, car le titre est trompeur : le logement n’est pas le sujet central du texte, qui fait un amalgame entre logement, domicile et propriété.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est sûr !
M. Guy Benarroche. Au-delà des dérives certaines, dues à la précipitation dans l’écriture, mais déjà atténuées par le Sénat lors de la première lecture, cette proposition de loi est bâtie sur une prémisse très simple : le squat serait la conséquence de la carence du droit actuel, incapable de dissuader les squatteurs et leurs complices et de garantir les droits des propriétaires. Les auteurs du texte présupposent, d’une manière que je trouve caricaturale, une absence d’équilibre, qu’ils prétendent corriger, entre le droit au logement et le droit à la propriété.
En réalité, les résolutions de cas, parfois très médiatiques, montrent que le droit en vigueur est suffisant et qu’il n’est pas nécessaire de modifier la loi. Bien sûr, il faut permettre un recours rapide à l’autorité publique pour expulser des occupants illégaux d’un domicile principal ou secondaire. Mais la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, adoptée ici même en octobre 2020, le permet déjà. Elle a même considérablement durci la répression à l’égard de tels occupants. Pourtant, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’aller plus loin – selon moi, beaucoup trop loin.
L’émotion et l’emballement médiatique offrent des opportunités à certains pour prôner une répression sévère, sans considération de l’état des locaux ou de leur occupation.
Je rappelle que les notions de domicile et de protection dudit domicile relèvent principalement du droit à la vie privée. Les auteurs du texte souhaiteraient infliger de nouvelles sanctions à toute personne se maintenant dans un bien immobilier, quel qu’en soit leur usage et que ce bien soit vacant ou non.
L’application à la lettre de ce texte pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile, selon le Secours catholique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
M. Guy Benarroche. L’adoption de cette proposition de loi représenterait une régression rare du droit au logement, d’après cette même association, et une inquiétante criminalisation de la pauvreté, comme l’a rappelé aujourd’hui même la Défenseure des droits lors de son audition.
Cette proposition de loi instaure bel et bien des délits d’introduction et d’occupation d’un bien immobilier, qui seraient fondés non plus sur le domicile, mais sur le fait que ce bien serve de logement.
Monsieur le ministre, à l’heure où tous constatent l’échec du CNR Logement, le problème du mal-logement reste un sujet majeur : on compte près de 3,9 millions de mal-logés et 300 000 sans domicile fixe (SDF) dans notre pays. Or cette question n’est pas abordée ni même prise en compte dans ce texte !
Pourtant, en 2022, avant l’examen de cette proposition de loi, quelque 17 500 ménages ont été contraints de quitter leur logement avec le concours de la force publique. Il s’agit du plus haut niveau d’expulsions locatives jamais enregistré !
Le droit au logement est reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle, mais les politiques du logement en France n’ont pas réussi à rendre concret ce principe. Aussi, renforcer l’arsenal pénal en étendant en quelque sorte le champ des squatteurs et le périmètre des condamnés potentiels dans ce contexte d’expansion du mal-logement nous paraît au mieux inapproprié.
Enfin, ce texte n’a pas bénéficié d’une étude d’impact, puisque la majorité présidentielle a préféré déposer une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi, ce qui est regrettable.
Les carences de l’État, couplées aux dispositions de ce texte, ouvrent de trop grandes possibilités de sanctions, liées non pas à une situation de squat intolérable, mais à des occupations résultant d’actions revendicatives et militantes, voire de réquisitions légitimes.
Les associations ou les collectifs qui occupent de façon illicite depuis des années des bureaux vides pourront-ils être sanctionnés ? Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Guy Benarroche. Qu’en sera-t-il des pénalités encourues pour l’occupation de la réception d’une entreprise lors d’une action associative ou militante ?
Les dispositions de la proposition de loi pourraient-elles s’appliquer en cas d’occupation d’un terrain sans destination ou d’un local agricole non exploité et sans meubles ?
Bien sûr, les propriétaires ne doivent plus subir les défaillances de l’État, qui est parfois incapable de les aider à reprendre possession de leur logement, alors qu’ils sont dans leur droit.
Aussi, nos préoccupations sur les conséquences de ce texte, à un moment où l’accès au logement devient un problème majeur dans notre pays, amènent les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à s’opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une première lecture en décembre 2022, la navette parlementaire permet aujourd’hui de poursuivre l’examen de cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
Elle est la démonstration que l’examen parlementaire est un facteur d’amélioration des textes, à condition de laisser au Parlement le temps de travailler. Chaque chambre a pu enrichir la proposition de loi pour parvenir à une rédaction permettant un vote conforme.
L’atteinte à la propriété privée est un problème public d’ampleur, comme l’ont déjà souligné nombre d’orateurs précédents : on dénombre près de 500 000 commandements de payer et quelque 150 000 assignations en justice, pour 70 000 décisions d’expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le concours de la force publique.
Ce texte revêt une forte dimension symbolique. En ne laissant plus s’organiser un état de fait d’occupations illégales de propriétés privées ou de loyers impayés, son adoption permettra de renforcer la confiance dans l’État et dans les pouvoirs publics.
Dans un souci de justice, ce texte tend à défendre avec équité l’application de la loi et à empêcher que l’on abuse impunément des biens d’une personne.
Cette proposition de loi n’est pas une réponse de plus à un fait divers ; elle a une portée certaine sur un enjeu majeur, dont la politisation a empêché toute avancée plus rapide.
Ce texte s’inscrit en effet à la suite de plusieurs travaux sénatoriaux, en particulier de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Estrosi Sassone, qui a été adoptée par le Sénat en janvier 2020. Je salue ici le travail important déjà engagé sur le sujet.
Le texte vise à mieux protéger la propriété privée, « droit inviolable et sacré » selon l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, contre les squatteurs. Cette proposition de loi vise également à rééquilibrer les rapports locatifs, à la lumière des nombreuses difficultés rencontrées par les propriétaires confrontés aux impayés de loyer.
L’adoption de ce texte permettra de rassurer les propriétaires et de favoriser – on peut l’espérer – le maintien et la mise en location de biens dans un contexte de très fortes tensions sur le marché immobilier à la suite des récentes contraintes liées à la rénovation énergétique et à la fixation des loyers.
En première lecture, la commission des lois et la commission des affaires économiques du Sénat ont réalisé un travail considérable. Ainsi, quelque vingt-huit amendements ont été adoptés, afin notamment de distinguer la situation du squatteur de celle du locataire défaillant et de prévenir les expulsions locatives dans l’intérêt commun des propriétaires et des locataires.
Le texte a également pour objet, d’une part, d’améliorer l’application de la loi, qui est particulièrement difficile en matière d’occupation illicite de logement ; de l’autre, d’accélérer la procédure contentieuse locative.
Je terminerai mon intervention par une pensée particulière pour les maires aux prises avec ce type de problème. Ils recueillent les doléances de leurs administrés et sont, en tant qu’élus de proximité, les premiers confrontés aux tensions résultant de ces situations. Espérons qu’ils constateront une amélioration à la suite de l’adoption de ce texte.
Je pense aussi aux préfets, acteurs essentiels en la matière, chargés d’exécuter les décisions de justice en apportant le concours de la force publique. Il s’agit de décisions forcément difficiles, mais nécessaires pour faire appliquer la loi dont nous souhaitons tous qu’elle soit plus efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 5.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (n° 692, 2022-2023)
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la motion.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, samedi 3 juin, à La Garenne-Colombes, une femme menacée d’expulsion s’est rendue devant la mairie. Ce n’était pas la première fois, mais cette fois-ci elle n’y demanda pas assistance. Désespérée, elle s’est aspergée d’essence. En situation de grande précarité, avec une dette locative élevée et trop peu de ressources pour y faire face, elle a mis fin à ses jours en s’immolant…
Cet exemple dramatique, même s’il n’est pas isolé, n’est pas le lot de toutes les situations de détresse rencontrées par nos concitoyens dans la précarité à qui l’on a asséné un commandement de quitter les lieux ou contre lesquels on a requis un concours de la force publique. Et heureusement, car ils sont 1,2 million en situation d’impayés, tous montants confondus. Je prends cet exemple, parce qu’il est significatif du désespoir engendré par de telles situations de pauvreté et du poids que ce texte peut ajouter sur des épaules déjà bien chargées par les dettes.
Véritable criminalisation de la pauvreté, cette proposition de loi ajoute de la dette à la dette en sanctionnant les impayés par des amendes pouvant aller jusqu’à 7 500 euros, les auteurs ayant même envisagé d’imposer des peines de prison à ceux qui se trouvent dans la misère locative.
Plusieurs d’entre nous pensent défendre ici les petits propriétaires, qui sont de plus en plus minoritaires,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Mais non !
M. Pascal Savoldelli. … puisque 3,5 % des ménages possèdent près de 68 % du parc privé ! Il y a des situations d’occupation de logement qui posent problème, il est vrai, mais elles ne seront réglées ni par une amende, ni par la force, ni par cette proposition de loi. Derrière un texte que vous avez intitulé « loi anti-squat » se dissimulent des mesures anti-locataires.
Le manque de logements accessibles avec des loyers adaptés aux revenus des ménages, le manque de logements tout court, avec un niveau de construction au plus bas depuis vingt ans, et, bien évidemment, le nombre insuffisant de places d’hébergement sont des éléments représentatifs du manque de moyens alloués à la politique du logement. Étant donné que près de 5,7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus au logement, il paraît évident que seules la revalorisation des salaires et l’augmentation du pouvoir d’achat constitueraient une solution pérenne à la crise du logement.
Le délai anormalement long pour être reconnu prioritaire au titre de la loi Dalo ne fait qu’augmenter : il atteint dix ans – une décennie ! – à Paris et au moins trois ans en Île-de-France. Et pour beaucoup, partout, les délais sont souvent indéterminés et plus longs encore. Les hébergements sont toujours saturés, en nombre insuffisant et de mauvaise qualité.
Dans la rue, on ne vit pas, on survit, si on a de la chance. On est victime de violence, on est confronté à la solitude ou à l’isolement. Sans évoquer la situation des femmes à la rue, victimes de l’intersectionnalité de leur situation.
Les locataires endettés sont des êtres humains, des femmes, des hommes et même des enfants. Dans notre pays, les familles ne sont pas prioritaires pour un hébergement si leur enfant a plus de trois ans.
Comment ne pas penser au jeune Falou, âgé de 4 ans, et à sa maman. Passant d’hôtel en hôtel et de logement de secours en logement de secours pendant des mois, livrés à eux-mêmes et dépendants du fonctionnement aléatoire du 115. Cette situation ayant entraîné un retard de croissance inquiétant, le jeune Falou ne grandissait plus depuis ses 3 ans.
Mes chers collègues, alors que vous vous apprêtez à durcir les sanctions à l’encontre des locataires cherchant à se maintenir à l’abri, sachez que 611 personnes sans domicile sont mortes dans la rue l’an dernier ! Cette année, il y en a déjà plus d’une par jour, selon le collectif Les Morts de la rue. Sur la période 2012-2021, 126 personnes décédées étaient mineures ; en 2021, le plus jeune avait 1 mois ! Ceux-là ne sont-ils pas des enfants comme les autres ? La convention relative aux droits de l’enfant, dont l’article 1er dispose que l’on est enfant jusqu’à 18 ans et l’article 27 réaffirme le droit à l’alimentation, à l’habillement et au logement pour tous les enfants, est pourtant très claire.
Certains d’entre eux sont des enfants sans toit, alors même qu’ils sont scolarisés, comme le jeune Falou, au groupe scolaire de l’Orme au Chat d’Ivry-sur-Seine. Je connais la stupeur de ses camarades de classe, des parents d’élèves et des enseignants confrontés à l’inaction. C’est pourquoi nous avons lutté tous ensemble, avec le collectif de parrainages civils de la ville, mais aussi, je le reconnais, avec la préfète du Val-de-Marne, qui a constaté avec nous l’imperfection des dispositifs d’hébergement d’urgence.
Dans la période que nous vivons – hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie sans hausse proportionnelle des salaires –, ce n’est pas le moment d’ajouter des punitions ni de se montrer plus sévère à l’encontre de celles et ceux qui n’y arrivent plus.
Pis, l’action mise en œuvre par le Gouvernement ces dernières semaines a eu pour seule conséquence de permettre une hausse des loyers de 3,5 %, à la suite d’une proposition de loi débattue la semaine dernière : nous l’avons rejetée, mais elle va revenir, avec l’aide de la majorité présidentielle, de la droite et de l’extrême droite, à l’Assemblée nationale. Comme si tout n’était pas déjà assez cher ! Comme si les APL n’avaient pas été les premières cibles de la politique du logement de M. Macron dès son premier quinquennat !
Le monde vers lequel vous nous conduisez prend déjà forme : quelque 330 000 personnes sont à la rue, près de 2,4 millions de ménages attendent un logement social, dont 100 000 dans mon département du Val-de-Marne, plus de 4 millions de personnes sont mal-logées et 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique.
Aux victimes de la bombe sociale provoquée par la crise du logement, vous répondez : « payez vos loyers ou vous payerez des amendes ».
Pourtant, notre droit protège ; et il doit d’abord protéger davantage celles et ceux qui en ont le plus besoin. Voilà notre rôle d’élus, de républicains convaincus !
Alors que les pouvoirs publics n’existent que pour favoriser la cohésion sociale, ils en sont aujourd’hui les destructeurs.
Une personne, qu’elle soit pauvre ou non, a droit à un toit. Elle a droit à un logement décent, quels que soient ses revenus. Et c’est d’ailleurs le problème de ce texte, qui tend à accentuer l’asymétrie de pouvoir entre les locataires et les propriétaires. Par cette proposition de loi, vous retirez des droits aux locataires, sans ajouter de devoirs aux propriétaires, comme si le marché réglait tout.
J’avais relevé en ce sens les propos du Président de la République qui déclarait, dans un élan de lucidité : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » C’était le 12 mars 2020, au début de la pandémie de covid-19, mais les promesses du monde d’avant n’ont jamais vu le monde d’après…
Les essentiels, « que nos sociétés rémunèrent si mal », comme le Président ajoutait encore, comptent justement dans leurs rangs de nombreuses personnes prises à la gorge par le prix exorbitant de leur loyer, combiné à la faiblesse de leurs revenus et à la violence de certaines lois.
Vous vous rangez derrière le droit de propriété, c’est là votre seul argument – je viens de l’entendre de nouveau. Pourtant, ce droit n’est pas mis à mal, le propriétaire restant tout à fait propriétaire de son bien, qui doit demeurer différent de son domicile. Sur ce point aussi, la proposition de loi ajoute de la confusion en mettant sur le même plan les notions de propriété et de domicile. (M. François Bonhomme proteste.)
Je le dis avec force : le droit de propriété n’est jamais gagnant quand il s’appuie sur des fondements d’exclusion et d’inégalité d’accès. Je veux citer ici Eugène Varlin, figure de la Commune de Paris, qui disait très justement : « Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines. »
Que sont devenus le droit au logement, le droit à la dignité, le droit à vivre décemment ? Et nous allons déployer notre police et notre justice, pour punir les plus pauvres ?
Je veux vous rappeler les fondements de nos institutions. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, issue de la Révolution française, que nous célébrerons avec fierté dans un mois, garantit le droit à la vie privée. Cette vie-là ne peut exister dans la rue.
Comme nous le rappelait l’abbé Pierre, le logement est un droit, non un privilège. Les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui ont valeur constitutionnelle et qui sont d’une très grande modernité, l’explicitent clairement. Le dixième alinéa dispose ainsi : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Le onzième alinéa est aussi très clair : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Que faisons-nous de ces valeurs constitutives de notre Nation ?
Ne perdez pas de vue l’idéal républicain et les valeurs qui ont fondé notre République, au prix de nombreuses luttes.
C’est aussi, et j’en termine ainsi, la demande formulée dans le courrier adressé à la France, le 30 mars dernier, par le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur le logement convenable et par le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et sur les droits de l’homme. La Défenseure des droits a aussi formulé une alerte, estimant que ce texte n’était ni nécessaire ni proportionné.
Vous n’êtes pas si sévère avec les marchands de sommeil – l’un d’entre nous a abordé ce sujet précédemment – dont l’activité est particulièrement lucrative. Vous me direz si je me trompe, monsieur le garde des sceaux, mais ils ne risquent au maximum qu’une amende de 15 000 euros, alors qu’ils profitent de la misère des gens. (M. le garde des sceaux le conteste.)
Les membres de mon groupe entendent ces nombreuses alertes unanimes. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons d’acter l’irrecevabilité de cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, contre la motion.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Elle permet, au contraire, d’assurer un équilibre entre le droit de propriété et le droit au respect de la vie privée, entre le principe d’inviolabilité du domicile et le droit au logement.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que le Conseil constitutionnel, le 24 mars dernier, a jugé conforme à la Constitution la procédure accélérée d’expulsion de l’article 38 de la loi Dalo, que la proposition de loi vise à renforcer.
Ce texte ne méconnaît donc aucun principe constitutionnel. Il est pragmatique et juste. Il a pour objet de rééquilibrer un arsenal juridique jusqu’alors favorable aux occupants. Je rappelle qu’actuellement un squatteur risque un an de prison et 15 000 euros d’amende, alors que le propriétaire qui change la serrure encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. (M. François Bonhomme renchérit.)
Notre objectif est non pas de mettre plus en difficulté les personnes fragiles, mais de trouver des solutions durables pour tous. Il est intolérable de voir se multiplier les sites de promotion du squat. Nous devons être fermes et y mettre un terme.
Le squat est entouré d’un mythe politico-romantique qui cache une réalité plus sombre : la détresse de nombreux petits propriétaires, souvent sans recours.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera contre cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Mes chers collègues, sans surprise, la commission est défavorable à cette motion.
Son adoption irait à l’encontre de la position déjà exprimée par le Sénat en première lecture, au cours de laquelle nous avons soutenu ce texte, qui reprend très largement les propositions que nous avions déjà votées lors de l’examen de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, voilà près de trois ans.
Par ailleurs, la commission souscrit aux objectifs généraux fixés par les auteurs de ce texte, à savoir la lutte contre le squat d’abord, la sécurisation des rapports locatifs ensuite, la responsabilisation des locataires enfin. Je rappelle ce point très important, qui a déjà été mentionné plus tôt : le Sénat a substantiellement complété ce texte en ajoutant un nouveau chapitre tendant à renforcer l’accompagnement social des locataires confrontés à des difficultés. Nous pouvons donc considérer que cette proposition de loi est plutôt équilibrée.
Pour ce qui est des arguments des auteurs de la motion relatifs à l’éventuelle inconstitutionnalité du texte, je leur opposerai non seulement que le droit à la propriété privée est de longue date garanti par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion, lors d’une question prioritaire de constitutionnalité de mars dernier, de se prononcer sur la procédure d’évacuation forcée, abordée dans la présente proposition de loi. Le Conseil a reconnu que le législateur pouvait légitimement « assurer l’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers. »
Pour ces raisons, cher Pascal Savoldelli, la commission est défavorable à cette motion visant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sans surprise, notre position est la même que celle de la commission.
Je préciserai un point tout de même, puisque vous m’y avez invité, monsieur le sénateur Savoldelli : les marchands de sommeil peuvent être punis de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende – et non de 15 000 euros, comme vous l’avez indiqué –, sans tenir compte d’un certain nombre de circonstances aggravantes.
J’ajoute qu’il est parfaitement possible de saisir l’immeuble concerné quand il sert à de tels hébergements indignes. De plus, grâce aux mécanismes que nous avons mis en place, nous pouvons réattribuer un immeuble, une fois qu’il a été saisi et confisqué, notamment à une association caritative, comme nous l’avons récemment fait à Dunkerque.
J’aurai un dernier mot pour Mme la sénatrice Lienemann. La phrase qui vous a tant choquée, je la reprends au mot près : la lutte contre le squat est indispensable – je pense que vous serez d’accord avec moi – ; c’est d’ailleurs l’une de mes priorités, car oui, la loi doit d’abord protéger les honnêtes gens.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les autres aussi !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le confirme de nouveau ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite
Chapitre Ier
Mieux réprimer le squat
Article 1er A
(Non modifié)
Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel
« Art. 315-1. – L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
« Art. 315-2. – Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende.
« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Dans le texte qui nous est transmis en deuxième lecture subsistent de nombreuses dispositions que nous avons tenté de retirer en première lecture. Les discussions ont alors été intenses, et les arguments avancés dans cet hémicycle, notamment pour durcir les sanctions contre les locataires en difficulté, étaient en complet décalage avec la réalité du terrain.
Les sanctions prévues à cet article incluaient même à l’origine des peines de prison contre les locataires qui connaissaient des impayés de loyers et qui ne quittaient pas leur logement après un jugement d’expulsion…
M. André Reichardt, rapporteur. Ce n’est plus le cas !
Mme Marie-Claude Varaillas. Quand on connaît la situation de ces familles en détresse, sur lesquelles planent souvent d’autres menaces que les seules dettes locatives, cela constituait déjà une offense à l’égard de nos concitoyens. La prison était démesurée, et nous avons obtenu sa suppression. Reste que l’amende proposée paraît complètement hors-sol, à l’image de ce texte qui généralise des mesures à partir de faits divers déconnectés du réel.
Il y aurait donc, dans notre pays, des personnes capables de payer 7 500 euros d’amende, mais qui n’auraient pu s’acquitter de leur loyer ! Certes, les loyers sont de plus en plus élevés, mais, si des personnes n’arrivent pas à verser un loyer mensuel de 1 000 euros pour un deux-pièces à Paris – voilà la réalité de votre politique du laisser-faire, messieurs les ministres –, croyez-vous qu’elles pourront payer les amendes ? Certainement pas !
Je le redis, notre pays ne manque pas de fermeté à l’égard des locataires les plus pauvres : il manque surtout de logements accessibles, de places d’hébergement et d’une hausse des salaires permettant à chacun de payer facilement son loyer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’objet de cet amendement est contraire à la position exprimée par le Sénat en première lecture et confirmée par la commission lors de ses travaux en deuxième lecture.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si je suis contre cet article, donc favorable à sa suppression, c’est parce qu’une autre solution existe.
On cherche à nous faire passer pour des gens qui considèrent que les propriétaires n’ont pas à percevoir leurs loyers, ni à retrouver le logement en bon état à la fin du bail. Or nous estimons seulement que les dispositions prévues à cette fin déséquilibrent le rapport entre le bailleur et le locataire, au détriment de ce dernier lorsqu’il est en difficulté.
La solution passerait par la garantie universelle des loyers (GUL), c’est-à-dire par la mutualisation des risques. D’ailleurs, on le constate, les risques d’impayés sont tellement importants qu’il devient nécessaire de mettre en place des garanties – je ne parle même pas des aides personnelles au logement. La GUL permettrait de garantir à la fois le locataire de bonne foi qui ne pourrait payer son loyer et le propriétaire, puisque celui-ci toucherait tout de suite son loyer.
Par ailleurs, le gestionnaire de la GUL pourrait se retourner contre les locataires de mauvaise foi, qui sont d’ailleurs rarement les plus pauvres.
Ce système a été voté dans le cadre de la loi Alur. Pourtant, on ne veut plus parler de ce système de mutualisation des risques à un moment où ces derniers ne font que croître.
Monsieur Patriat, je vous le rappelle, la critique sur le déséquilibre entre locataires et propriétaires a déjà été émise lorsque la gauche a fait voter en 1982 la loi relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi Quilliot. C’est toujours la même chose : on finit toujours par nous dire que les avancées permises par la gauche ne sont ni légitimes ni sources de progrès ! Hélas, ce que vous proposez est un recul.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne vais pas vous étonner : il y a une cohérence entre nos arguments en faveur de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et ceux que nous développons pour demander la suppression de cet article.
En effet, la mesure prévue ici constitue une dérive déjà présente en première lecture. Tout le monde l’a bien compris, les procédures d’expulsion des locaux ne pouvant être considérés comme des domiciles principaux seront accélérées. Pour notre part, nous considérons qu’il n’y a pas d’urgence à libérer un espace inutilisé ou vacant.
Ainsi, on va déployer des forces de police dont les effectifs sont souvent insuffisants dans nos communes pour remettre à la rue des personnes qui se retrouveront par conséquent dans une situation d’insécurité.
Je ne développerai pas d’autres éléments pour étayer mon point de vue. La suite de nos travaux, notamment l’examen de la prochaine loi de finances, montrera quels projets soutiennent les différentes sensibilités politiques de cet hémicycle : nous verrons alors qui encourage le développement de moyens à destination des différents types d’hébergements pour éviter ces situations.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
de deux ans d’emprisonnement et de 30 000
par les mots :
d’un an d’emprisonnement et de 15 000
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet article sanctionne de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende l’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel.
Si nous estimons que cette mesure est démesurée, régressive et intransigeante, c’est tout d’abord parce que cet article confond la propriété et le domicile. Il s’agit pourtant d’une distinction essentielle, car il n’est pas aussi grave de s’introduire dans un hangar que dans un domicile. Nous ne sommes pas opposés à la protection des deux, mais nous souhaitons que perdure, au minimum, la gradation de la protection issue de cette distinction.
Cet article présente une autre particularité, la création d’une peine de prison. Nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023-2027, la semaine dernière, l’inflation pénale crée, de fait, de plus en plus de comportements illégaux et répréhensibles, lesquels se traduisent par une criminalisation et une pénalisation accrues, c’est-à-dire une incarcération des délinquants, qui sont très souvent des primodélinquants, ainsi qu’une amplification et une aggravation du phénomène de surpopulation carcérale. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Qui plus est, les auteurs de ce texte veulent porter la peine prononcée pour l’intrusion de propriété, même inexploitée, au même niveau que le recel de cadavres !
C’est pourquoi nous demandons non pas la suppression complète de cet article, mais l’ajustement de la peine au délit. Un allégement de la peine à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende nous semble déjà plus que largement dissuasif, d’autant que l’ONU alerte le Gouvernement, rappelle que la France doit respecter ses engagements internationaux et souligne que cette proposition de loi empiète sur certaines libertés.
Les rapporteurs de l’ONU nous alertent aussi sur l’extrême pauvreté et les droits humains en matière de logement convenable. Ils font également part de leur inquiétude sur cet article.
Nous devrions donc poursuivre notre réflexion, pour trouver une sanction allégée et adaptée.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mme Noël, MM. Panunzi, Cadec et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Regnard et Calvet, Mmes Procaccia et Pluchet, M. Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Houpert, D. Laurent, Pellevat, Bouchet, B. Fournier, Meurant et Cambon, Mmes Belrhiti, Petrus et Goy-Chavent, MM. Saury, E. Blanc, C. Vial, Gremillet, Duplomb et Klinger et Mme Chauvin.
L’amendement n° 4 rectifié ter est présenté par Mmes V. Boyer et Di Folco, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Lopez et Thomas, MM. Bacci, Anglars, Tabarot, de Nicolaÿ et Savary, Mme Lassarade, M. Genet, Mme Bellurot et M. J.B. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue au présent article.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l’amendement n° 1er rectifié ter.
Mme Laurence Muller-Bronn. Cet amendement vise à permettre à l’autorité judiciaire de prononcer une interdiction du territoire français dans les conditions prévues par l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger qui aurait commis le délit prévu à l’article 315-1 du même code.
Le but du texte que nous examinons est de durcir la peine prévue à l’article 315-1 pour lutter contre l’occupation illicite des logements. C’est également l’objet de cet amendement.
Il convient de rappeler que le respect de la loi pénale est le minimum pour toute personne vivant sur le territoire français. Aussi, un étranger qui méconnaît ces dispositions doit se voir prononcer une peine d’interdiction du territoire français, et ce d’autant que cette proposition de loi a pour conséquence un durcissement de la peine encourue.
Bien sûr, cet amendement n’a pas pour objet de renvoyer tous les étrangers coupables de ce délit. Il vise simplement à laisser une marge de manœuvre plus importante à l’autorité judiciaire pour prononcer cette peine. Cette institution, « gardienne de la liberté individuelle » conformément à l’article 66 de la Constitution, assurera cette nouvelle possibilité dans le seul cadre légal prévu par le code pénal et appréciera chaque situation pour permettre de répondre aux exigences demandées par l’État de droit.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié ter.
Mme Valérie Boyer. Il vient d’être parfaitement défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. D’une part, au risque de me répéter, je rappelle que la rédaction de l’article 1er A nous semble constituer un équilibre entre les positions exprimées par l’Assemblée nationale et par le Sénat. C’est pourquoi la commission souhaite son adoption conforme.
En particulier, l’amendement n° 22, qui est un amendement de suppression, est contraire à la position du Sénat en première lecture, qui a été confirmée par les travaux de la commission en deuxième lecture.
D’autre part, l’adoption des amendements identiques nos 1 rectifié ter et 4 rectifié ter, dans leur rédaction actuelle, autoriserait le juge à prononcer une interdiction de territoire définitive pour les personnes étrangères condamnées pour squat, ce qui semble non seulement disproportionné, mais aussi contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative au droit à la vie privée et familiale.
Qui plus est, l’article 226-4 du code pénal, qui sanctionne le squat du domicile, ne prévoit pas de peine d’interdiction du territoire. Il serait donc excessif d’instaurer une peine d’interdiction du territoire pour le squat des locaux à usage économique, alors que celle-ci n’est pas prévue pour le squat du domicile, qui est pourtant bien plus grave en termes de conséquences pour la vie privée de nos concitoyens.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 9, les peines encourues pour squat d’un local à usage d’habitation ou pour squat d’un local à usage économique ont déjà été abaissées par le Sénat en première lecture – le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, je le rappelle, prévoyait une peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende pour le squat des locaux à usage d’habitation et des locaux à usage économique, soit une peine identique à celle que l’article 1er prévoit pour le squat du domicile. La commission considère qu’il convient d’en rester au compromis trouvé pour maintenir l’effet dissuasif recherché.
J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait hostile à l’amendement n° 22. Point n’est besoin d’épiloguer !
Monsieur le sénateur Benarroche, je note avec grand intérêt que vous n’êtes pas contre le principe de l’emprisonnement, puisque, au travers de cet amendement, vous prévoyez une sanction d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Vous auriez pourtant pu proposer un travail d’intérêt général (TIG) ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guy Benarroche sourit.)
Enfin, les auteurs des amendements identiques nos 1 rectifié ter et 4 rectifié ter y vont fort, si vous me permettez cette familiarité ! Un étranger qui entre dans un domicile ne risque pas d’être expulsé, alors qu’il risque de l’être s’il dort dans un hangar. Au fond, ces amendements tendent à inciter les étrangers à squatter un domicile plutôt que le hangar qui le jouxte…
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, dont l’objet est à bien des égards excessif.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je voudrais simplement citer un certain nombre d’affaires qui ont beaucoup marqué nos concitoyens.
Le 10 mai 2022, cent quatre squatteurs étrangers ont été évacués de trente-quatre logements dans trois bâtiments différents de la cité Kallisté à Marseille.
Le 6 juin 2022, une personne de nationalité marocaine prétendument mineure et deux personnes algériennes ont squatté et dégradé une maison à Vienne, agressant le propriétaire à son retour.
Le 26 octobre 2022, à Bègles, onze personnes algériennes déboutées du droit d’asile sont expulsées d’un squat par le préfet.
Le 27 janvier 2023, dans le Val-de-Marne, un Tunisien sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été interpellé par la police dans un logement, causant des dégradations dont les réparations s’élèveraient à plusieurs milliers d’euros. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme Valérie Boyer. Eu égard à ces différentes situations d’occupations illicites – je n’en ai cité que quelques exemples, il y en a malheureusement plus –, il est logique que nous, représentants du peuple français, représentants des communes, nous fassions ce qui est en notre pouvoir pour mieux protéger nos concitoyens. Nous ne sommes pas seulement face à des faits divers : nous sommes face à de véritables faits de société et à des drames ! (M. le garde des sceaux proteste.)
Aussi, ces amendements identiques ont pour objet de permettre à l’autorité judiciaire de prononcer une interdiction du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger qui aurait commis l’infraction prévue à l’article 1er A.
L’autorité judiciaire conserve une marge de manœuvre : il ne s’agit pas d’instaurer une peine automatique, ni forcément définitive ! La disposition proposée reste conforme à l’article 131-30 du code pénal, aux termes duquel, « lorsqu’elle est prévue par la loi, la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit ».
Le respect de la loi pénale est le minimum pour toute personne vivant sur le territoire français. Celui qui méconnaît ces dispositions doit se voir prononcer une peine d’interdiction du territoire français, d’autant que cette proposition de loi a pour conséquence un durcissement de la peine encourue.
M. le président. Vous avez suffisamment expliqué votre vote, ma chère collègue !
Mme Valérie Boyer. Je tenais à insister sur l’objet de cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je reconnais bien là votre habileté, monsieur le garde des sceaux… (Sourires.)
J’en appelle maintenant à votre finesse de raisonnement. Au Sénat, nous adoptons des amendements à des textes, et j’ai bien entendu voté l’amendement du groupe CRCE visant l’abrogation totale de cet article.
Ce que nous votons a un effet sur les gens de la vraie vie. Ainsi, ceux qui ne pourront plus payer leur loyer et devront quitter leur domicile pour chercher à se loger ailleurs souffriront. Ils se heurteront au délit d’introduction.
Monsieur le garde des sceaux, il va de soi que je préférais qu’ils ne soient pas condamnés à des peines de prison. Reste que, si le juge peut les condamner à un an de prison et à 15 000 euros d’amende, c’est déjà mieux que deux ans de prison et 30 000 euros d’amende ! Je pense que nous pourrons partager ce constat, ce qui ne signifie pas que je sois favorable aux peines de prison.
J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, que c’est à nous de faire en sorte que le condamné fasse des travaux d’intérêt général et ne soit pas incarcéré. Car à force de condamner les gens à des peines d’emprisonnement, vous aurez beau construire des établissements pénitentiaires, cela ne suffira pas !
Madame Valérie Boyer, je ne reviendrai pas sur les OQTF et les exemples que vous avez pris. Mais je pourrais vous citer autant d’exemples de situations dangereuses ou terribles de gens qui, étrangers ou pas, meurent parce qu’ils ne peuvent pas avoir accès à un logement et s’installent alors dans des locaux inoccupés pour survivre, y compris à Marseille.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends que vous soyez titillé par mon propos, qui se voulait aimable, monsieur Benarroche. À tout péché miséricorde… (Sourires.)
Madame Boyer, il n’était pas nécessaire de nous égrener la liste des étrangers – Tunisiens, Marocains… – qui se sont mal tenus. C’est d’ailleurs une liste assez courte ! (Mme Valérie Boyer le conteste.)
Je me suis placé sur un terrain purement logique. Comment défendre un amendement qui vise à prévoir l’expulsion pour un étranger qui dormirait dans un hangar ou sur un terrain à la belle étoile, alors que celui qui s’introduirait dans un domicile ne risquerait pas une telle peine ? C’est tout ce que j’ai dit.
Au fond, vous auriez pu me dire que j’avais raison. Vous n’avez pas souhaité le faire. Il est inutile de polémiquer plus avant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter et 4 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 23 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Bouad, pour présenter l’amendement n° 6.
M. Denis Bouad. Il est particulièrement inquiétant que soit envisagée la pénalisation des personnes ayant occupé un lieu d’habitation alors qu’elles rencontraient des difficultés dans le paiement de leur loyer.
L’introduction d’une amende de 7 500 euros en pareille situation est véritablement disproportionnée. On voit d’ailleurs mal comment un propriétaire qui réclame des impayés sera aidé par l’accroissement de la dette de son locataire…
En vérité, avec cette mesure, le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : accroître la pression sur les familles pour qu’elles partent d’elles-mêmes, évitant ainsi à l’État de trouver lui-même des solutions de relogement avant une expulsion manu militari. Voilà donc la réponse de la majorité gouvernementale à la crise du logement et aux milliers de gens qui éprouvent de grandes difficultés pour se maintenir dans leur logement.
Ce texte n’est ni juste ni équilibré. C’est pourquoi le groupe SER demande que cette sanction pénale soit retirée de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Pascal Savoldelli. Il est défendu, monsieur le président. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le montant :
7 500
par le montant :
3 250
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, je rappelle que, en première lecture, le Sénat a voté la suppression de la peine de prison qui était prévue à cet article – je répète à cette occasion que je ne suis évidemment pas partisan des peines de prison –, suppression qui a été conservée par l’Assemblée nationale, et c’est tant mieux.
Nous demandons maintenant que le montant de l’amende, aujourd’hui fixé à 7 500 euros, soit réduit de moitié et ramené à 3 250 euros. En effet, nous estimons que le maintien dans un local désaffecté ou dans un local habité n’a pas la même gravité et que, une fois de plus, cette proposition de loi confond domicile et propriété.
Le montant de l’amende paraît en outre disproportionné. Condamner des personnes en grande difficulté financière à une amende représentant à peu près douze fois le revenu de solidarité active (RSA) est totalement incohérent. C’est d’ailleurs le cas aussi pour le propriétaire qui est censé récupérer les loyers impayés, puisque l’amende est telle qu’elle empêchera les locataires, dont le porte-monnaie n’est pas extensible, de verser ce qu’ils doivent aux propriétaires. Une telle mesure ne leur permettra donc pas de régulariser leur situation. Au contraire, elle aggravera leur précarité.
Qui plus est, sauf erreur, cette amende est cumulative avec la peine déjà très lourde de l’introduction illicite dans un domicile ou une propriété. Ainsi, le cumul de ces deux peines est suffisamment dissuasif, même en ramenant le montant de l’amende à 3 250 euros, pour que l’on s’en tienne là.
Si quelques affaires de squat ont fait les gros titres et permis de légitimer auprès de l’opinion publique la mise en place de cette proposition de loi, la réalité est que ce texte s’attaque aux ménages les plus vulnérables et aura pour conséquence d’empiéter sur leurs droits. En d’autres termes et pour le dire sans ambages, il ne ressemble pas à un élan de solidarité de la part des députés Renaissance !
Cet article fait primer la propriété immobilière sur la nécessité pour un individu de disposer d’un logement. Je ne rappelle pas la position des rapporteurs de l’ONU à cet égard, sinon qu’« il faut donner la priorité voulue aux groupes sociaux vivant dans une condition défavorable en leur accordant une attention particulière ». C’est tout ce que nous voulons faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Ces amendements reviennent de nouveau sur la position exprimée par le Sénat en première lecture. À ce titre, les amendements identiques visent la suppression d’une partie de l’article.
Je rappelle que le dispositif que nous avons voté ne concerne qu’une très faible proportion des locataires défaillants : il s’agit non pas du locataire sujet à une difficulté épisodique de paiement de son loyer, mais du locataire défaillant qui se maintiendrait dans le logement en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois.
Concrètement, compte tenu des délais légaux incompressibles qui entourent la procédure judiciaire, cela signifie que l’on se situe en moyenne déjà deux ans après le premier impayé.
M. André Reichardt, rapporteur. Il semble alors non seulement normal, mais aussi juste, de donner au propriétaire qui ne peut récupérer son bien un nouvel outil pour dissuader cette pratique.
Enfin, pour répondre aux auteurs de l’amendement n° 11, je précise que le Sénat a déjà assoupli le dispositif proposé par l’Assemblée nationale en supprimant la peine de six mois de prison qu’auraient pu encourir ces locataires. Abaisser en parallèle la sanction pécuniaire risquerait de faire perdre au dispositif sa portée.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Ce qui fait débat et qui peut paraître utopique, voire injuste à certains, c’est que, dans des amendements de suppression ou de repli, la gauche part du principe suivant : lorsqu’une expulsion est exécutée, une proposition de relogement ou d’hébergement doit être prévue.
C’est cette question qui fait débat. Je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’elle n’appartienne qu’à la gauche. (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.) Reste que c’est une vraie question.
Les valeurs républicaines que j’ai invoquées tout à l’heure supposent que l’on propose a minima un hébergement – je ne parle pas d’un logement à n’importe quel prix. En effet, une famille que l’on expulse se retrouve à la rue et entre alors dans le cercle non vertueux de l’isolement, de la solitude, etc. Nous connaissons tous ces situations : aucun département, aucune ville n’y échappe.
Voilà ce qui sous-tend notre position et explique la nature de nos amendements. Ce n’est pas de l’extrémisme ! À cette étape, il incombe à la République de formuler une offre d’hébergement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 23.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
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Article 1er C
(Suppression maintenue)
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Article 2
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;
b) Les mots : « ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé » ;
c) Après les mots : « son domicile », sont insérés les mots : « ou sa propriété » ;
d) Sont ajoutés les mots : « , par le maire ou par un commissaire de justice » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite, dans un délai de soixante-douze heures, l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;
3° (Supprimé)
4° Au premier alinéa, aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département » ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prise », sont insérés les mots : « , après considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant, » ;
6° Après la première phrase du troisième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l’introduction d’une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l’exécution de la décision du représentant de l’État. »
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement dont l’objet est contraire à la position exprimée par le Sénat en première lecture.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement de repli tend à cibler des alinéas précis de cet article, qui étendent les procédures d’expulsion accélérée et que nous souhaitons voir disparaître.
En mettant sur le même plan tout type de propriété, vous ne protégez pas seulement les logements contre l’occupation illicite, vous empêchez toute mise à l’abri de quiconque, quelles qu’en soient les raisons ou quel que soit le lieu.
De fait, vous êtes en train de franchir une nouvelle étape et de durcir davantage les mesures contre les plus précaires, en renforçant la protection des biens au détriment des personnes.
Il est compréhensible de vouloir respecter la propriété, mais pas d’expulser une personne sans solution de relogement ou de mise à l’abri, comme vient de le dire mon collègue. Ce n’est pas défendre l’intérêt général !
L’âge moyen des personnes qui vivent dans la rue, nous le savons, est d’environ cinquante ans. Celles et ceux qui s’en sortent et qui quittent la rue ont souvent des séquelles et rencontrent de grandes difficultés de réinsertion. Elles sont prises dans un cercle vicieux. Ce texte va inéluctablement rendre leur situation plus compliquée. Il faut éviter les expulsions à tour de bras !
Enfin, sachez que, à la fin de l’année 2022, quelque 2 000 enfants étaient à la rue chaque nuit. Alors qu’ils n’ont pas de toit, aucune loi ne les protège. Pour ma part, je considère que cette situation est insoutenable. Elle est indigne de notre pays, signataire de la convention internationale des droits de l’enfant.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Notre groupe s’oppose à l’assimilation entre propriété privée et domicile. La jurisprudence a d’ailleurs toujours différencié la protection dans ces deux cas. Nous souhaitons que cette jurisprudence soit maintenue.
La présente proposition de loi, ma collègue vient de le dire, fonde très clairement un nouveau paradigme, porteur d’une grande violence sociale : la primauté absolue du droit de propriété sur tout autre droit social, notamment celui de disposer d’un logement pour y vivre.
Pourtant, en 1995, le Conseil constitutionnel avait déjà érigé la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent au rang d’objectif de valeur constitutionnelle.
Par cet amendement, nous dénonçons la dénaturation insidieuse du délit de violation de domicile et de la procédure d’expulsion prévue en conséquence.
Pensé pour protéger la vie privée des personnes en sanctionnant l’occupation de logements meublés, le délit protège désormais la propriété immobilière, en sanctionnant l’occupation de tout local d’habitation, fût-il inhabité, vide de tout meuble ou vacant depuis des années.
Cette extension considérable du délit de violation de logement est d’autant plus choquante, monsieur le ministre du logement, que la France compte aujourd’hui dix fois plus de logements vacants que de personnes à la rue.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par Mme Noël, MM. Panunzi, Cadec et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Regnard et Calvet, Mmes Procaccia et Pluchet, M. Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Houpert, D. Laurent, Pellevat, Bouchet, B. Fournier, Meurant et Cambon, Mmes Belrhiti, Petrus et Goy-Chavent, MM. Saury, E. Blanc, C. Vial, Gremillet, Duplomb et Klinger et Mme Chauvin.
L’amendement n° 3 rectifié ter est présenté par Mmes V. Boyer et Di Folco, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Lopez et Thomas, MM. Bacci, Anglars, Tabarot, de Nicolaÿ et Savary, Mme Lassarade, M. Genet, Mme Bellurot et M. J.B. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le mot : « officier » est remplacé par le mot : « agent » ;
II. – Alinéa 7
Après le mot :
maire
insérer les mots :
, ses adjoints
III. – Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
Mme Laurence Muller-Bronn. L’amendement n° 136 déposé en novembre 2022 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Il tend à étendre au maire la faculté de constater l’occupation illicite constitutive d’un squat de domicile, au sens de l’article 226-4 du code pénal. En effet, le maire exerce d’ores et déjà ses attributions d’officier de police judiciaire (OPJ) sous la direction du procureur de la République.
Il s’agit d’une avancée importante, même si le présent amendement tend à ajouter également la possibilité pour les adjoints de procéder à ce constat pour rester en cohérence avec le premier alinéa de l’article 16 du code de procédure pénale.
L’amendement n° 136 visait également à rappeler que, comme les auditions l’ont montré, les officiers de police judiciaire sont bien souvent insuffisamment nombreux pour pouvoir procéder au constat de manière réactive. Le renfort du maire ou de ses adjoints dans cette procédure ne sera pas inutile, mais il demeurera insuffisant, notamment dans certaines communes de grande taille ou de taille moyenne.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre également aux agents de police judiciaire de procéder à ce constat.
Les agents de police judiciaire sont sous placés les ordres et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire. Par ailleurs, ils ont pour mission « de constater les crimes, délits ou contraventions et d’en dresser procès-verbal ». Ils sont donc tout désignés pour procéder à ces constats.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié ter.
Mme Valérie Boyer. L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 prévoit que, en cas « d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence, principale à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire. »
Les députés ont étendu cette disposition aux maires et aux commissaires de police. En effet, comme les auditions l’ont montré à l’Assemblée nationale, les officiers de police judiciaire sont bien souvent insuffisamment nombreux pour procéder au constat de manière réactive.
En aucun cas, il n’a été prévu que les adjoints au maire et les agents de police judiciaire puissent avoir la faculté de constater l’occupation illicite constitutive d’un squat de domicile.
Si le Parlement a été capable d’étendre cette faculté aux maires et aux commissaires de police, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour les agents de police judiciaire ou les adjoints au maire ? Si cela n’était pas prévu pour les maires ou les commissaires, pourquoi le serait-ce pour les agents de police ou les adjoints au maire ?
En fait, cet amendement, identique à celui de ma collègue Laurence Muller-Bronn, a pour objet d’accélérer le déroulement de cette procédure, afin que les squatteurs puissent être expulsés au plus vite. Il vise aussi à permettre aux mairies d’être plus efficaces et moins soumises aux aléas de ces occupations.
Nous l’avons tous constaté en tant que maires lorsque nous avons eu affaire à des victimes de squat : les procédures sont lourdes et longues, même si elles ont été améliorées. La disposition que nous proposons permettrait aux maires d’être beaucoup plus réactifs.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Notre groupe trouve disproportionnée la possibilité d’utiliser le régime d’exception de l’article 38 de la loi Dalo, la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, lorsqu’il s’agit de locaux vides.
Que faire dans des locaux vides, monsieur le garde des sceaux ? Michel Polnareff parlait dans sa chanson de la chambre vide de la maison vide… Peut-on appliquer le régime d’exception de la loi Dalo à des locaux vides ?
Les délais d’évaluation de la situation personnelle sont particulièrement courts. La non-judiciarisation de la mise en demeure dans ces cas-là ne nous paraît pas justifiée.
Par ailleurs, nous souhaitons que, en parallèle des amendes ou des peines de prison prévues pour les locataires, l’on augmente les sanctions prévues pour les marchands de sommeil. Nous avions déposé un amendement sur ce sujet, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution – il n’est jamais ressorti de l’entonnoir ! (Sourires.)
Les marchands de sommeil posent pourtant un réel problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Les amendements de suppression n° 24 et 13 visent explicitement à revenir sur la position exprimée par le Sénat en première lecture. Je considère par conséquent que nous avons déjà pu débattre largement de ces sujets.
Le III des amendements identiques n° 2 rectifié ter et n° 3 rectifié ter vise à supprimer les dispositions que l’Assemblée nationale a ajoutées en deuxième lecture afin de prendre en compte les récentes réserves d’interprétation que le Conseil Constitutionnel a formulées à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ces ajouts, de l’avis de la commission, sont utiles et garantissent la pleine conformité de la procédure d’évacuation forcée de l’article 38 de la loi Dalo à la Constitution. Nous souhaitons donc les maintenir.
En outre, ces amendements sont partiellement satisfaits, puisque les adjoints au maire, tout comme les maires, ont déjà la qualité d’officier de police judiciaire, conformément à l’article 16 du code de procédure pénale. À ce titre ils peuvent donc déjà constater l’occupation illicite d’un logement.
Enfin, monsieur Benarroche, les dispositions de l’amendement n° 10 me semblent aller à l’encontre de leur objet, sûrement aux dépens de ses auteurs, puisque son dispositif vise à supprimer les alinéas qui permettent de différer l’expulsion. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Au total, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’émets le même avis sur les cinq amendements : défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je soutiens les amendements de notre collègue Guy Benarroche qui visent la différenciation entre l’occupation d’un domicile et celle d’un autre local.
Mes chers collègues, vous êtes en train de rompre l’équilibre entre l’intérêt général, l’ordre public et la propriété qui a été instauré par Conseil national de la Résistance – le véritable CNR, monsieur le garde des sceaux ! – à la Libération. On avait alors considéré que, pour des motifs d’intérêt général, d’ordre public, de respect de la dignité de la personne et de droit au logement, il était possible de réquisitionner des logements ou des locaux vides et que la propriété pouvait être interrompue, si j’ose dire, en cas de non-usage. Le droit de réquisition ne pouvait donc s’appliquer au domicile d’une famille.
Le débat date de cette époque : où se situe le point d’équilibre entre la propriété et son abusus, en l’occurrence le fait de ne rien faire d’un bien ?
Je pense que nous assistons là à un important recul républicain. J’espère que l’histoire montrera qu’il vaut mieux revenir à la législation antérieure.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le rapporteur, je vais retirer mon amendement, car votre réponse m’a satisfaite.
Si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que, même s’il est satisfait juridiquement, la disposition qu’il tend à introduire n’est pas effective. J’espère que des instructions seront données après l’adoption de ce texte, afin qu’elle soit mise en œuvre dans les territoires. C’est important, car cela soulagera beaucoup les mairies.
Pour l’instant, je le répète, le dispositif que nous proposons ne fonctionne pas dans les territoires. Or nous en avons réellement besoin.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je retire également l’amendement n° 2 rectifié ter !
M. le président. Les amendements nos 2 rectifié ter et 3 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette évacuation forcée ne peut être réalisée lorsqu’aucune place d’hébergement ne peut être proposée aux occupants du lieu. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à prévoir qu’une évaluation forcée ne peut être réalisée si aucune place d’hébergement n’est susceptible d’être proposée aux occupants du lieu.
Je connais un peu le parcours du ministre du logement, qui, je le sais, connaît ces situations. Pour ma part, je les connais pour m’être occupé de l’action sociale dans mon département.
Les travailleurs sociaux parlent de « fonctionnement en escalier » : lorsque vous entrez dans un hébergement d’urgence, vous devez ensuite obtenir un hébergement de réinsertion sociale, avant d’avoir droit à un logement de droit commun.
Franchement, il faut que l’on arrive à trouver une solution à ce problème. Les chiffres, que nul ne conteste ici, ont explosé : on parle de 330 000 personnes sans abri, mais je pense que ce nombre est supérieur. Si on ne trouve pas de solutions d’hébergement, on risque d’en arriver à une situation d’une violence extraordinaire dans notre société. On en sera à 400 000 ou 500 000 sans-abri. Le risque, c’est que la cohésion sociale et le vivre-ensemble explosent.
Interrogez les travailleurs sociaux sur les difficultés qu’ils rencontrent : ils vivent ce fonctionnement en escalier – cela n’a rien d’idéologique –, et c’est terrible. Je le répète, le risque, c’est la violence et la rancœur à l’égard de la République.
Je tenais à attirer votre attention sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Je suis sensible à l’argumentation de Pascal Savoldelli, mais j’attire son attention sur le fait que le préfet dispose d’une marge d’appréciation avant de décider de mettre un squatteur en demeure de quitter le domicile d’autrui.
Tel qu’il est rédigé, l’article 38 de la loi Dalo autorise le préfet à ne pas donner suite à la demande d’un propriétaire victime d’une occupation frauduleuse de son logement s’il estime qu’il existe « un motif impérieux d’intérêt général ».
Les marges d’appréciation du préfet ont été en outre accrues lors de l’examen du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, pour tenir compte de la récente QPC que j’ai mentionnée précédemment : il est désormais prévu que le préfet « considère la situation personnelle et familiale de l’occupant » illicite avant de prononcer une mise en demeure.
Ces précautions me semblent suffisantes, sauf à nier la possibilité d’intervention du préfet, et proportionnées, afin de maintenir l’effectivité d’un dispositif qui – je le rappelle une fois encore, car c’est manifestement nécessaire ! – s’adresse aux squatteurs des domiciles d’autrui et non aux locataires défaillants.
Je comprends la sensibilité du groupe CRCE à cette problématique, mais, pour les raisons que je viens d’indiquer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Le garde des sceaux m’a repris tout à l’heure sur les sanctions applicables aux marchands de sommeil. Pourrait-il me faire parvenir les dernières décisions de justice qui ont été prises les concernant ? Cela m’intéresse… Quand je me trompe, je reconnais mon erreur. En outre, j’aime être au fait de la vérité.
Cela étant, mes chers collègues, si j’avais proféré tant d’énormités, vous m’auriez tous repris, je n’en doute pas. J’ai l’habitude des débats aiguisés et argumentés ici, au Sénat.
Il faut dix ans en moyenne à Paris pour obtenir un logement au titre du droit au logement opposable, trois ans en Île-de-France. J’entends l’argument sur la marge d’appréciation du préfet – ce dernier n’est pas en cause –, mais les faits sont là : je le répète, il faut dix ans à Paris et trois ans en Île-de-France pour être relogé ! Ailleurs, dans les autres régions – je le sais par mes collègues qui ne sont pas de l’Île-de-France –, les délais ne cessent de s’allonger.
J’attire votre attention, sans volonté aucune de polémiquer : un nombre exponentiel de gens vont se retrouver sans hébergement si on ne trouve pas de solution.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
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Article 2 ter
(Non modifié)
I. – L’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et à titre expérimental » sont supprimés ;
1° bis Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme du contrat de résidence temporaire, si le résident se maintient dans les lieux, l’organisme ou l’association mentionnés au troisième alinéa du présent article ou le propriétaire peut faire constater l’occupation sans droit ni titre des lieux en vue de leur libération, selon la procédure de l’ordonnance sur requête. » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des personnes morales de droit privé bénéficient du dispositif mentionné au présent article, l’État vérifie régulièrement la conformité de sa mise en œuvre aux dispositions légales et réglementaires applicables. »
II et III. – (Non modifiés)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par Mme Artigalas, MM. Bouad et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À la première phrase du dernier alinéa, l’année : « 2023 » est remplacé par l’année : « 2024 » ;
La parole est à M. Denis Bouad, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Denis Bouad. Le texte pérennise un dispositif qui autorise les propriétaires à confier la gestion de leurs biens immobiliers vacants à des sociétés privées agréées par l’État.
Des résidents temporaires peuvent être logés dans ces locaux vacants durant une période limitée, en échange d’une redevance.
Des lois successives ont prévu que ce dispositif devait faire l’objet d’une évaluation, laquelle devait être remise au Parlement. Or aucun rapport n’a jamais été transmis par le Gouvernement. Par ailleurs, il semble, d’après les remontées du terrain dont nous disposons, que ce dispositif soit perfectible.
Il est pour le moins surprenant de pérenniser ce dispositif alors même que plusieurs médias ont récemment dénoncé des dérives de nature à justifier une révision des conditions de délivrance et de contrôle de l’agrément de l’État, mais aussi des conditions sanitaires et de respect de la vie privée.
Sans évaluation de ce dispositif par le Gouvernement, notre groupe est opposé à sa pérennisation.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Guy Benarroche. Je sais que le Sénat n’aime pas – moi non plus, d’ailleurs –, les expérimentations qui sont généralisées sans même avoir fait l’objet d’une évaluation. Tous ici, sur quelques travées que nous siégions, nous avons souvent critiqué cette façon de procéder à propos de multiples expérimentations.
Cette expérimentation a été mise en place en 2009. Un rapport annuel de suivi et d’évaluation devait être remis chaque année au Parlement, de 2010 à 2014, soit cinq rapports.
La loi Alur de 2014 a prévu la communication au Parlement d’un rapport bisannuel de suivi et d’expérimentation, de la fin de 2015 à 2018, soit sept rapports.
La Élan de 2018 a prorogé l’expérimentation en rappelant l’obligation de fournir un bilan avant le terme de l’expérimentation au 31 décembre 2023, soit un rapport, que nous n’avons toujours pas reçu.
Au total, treize rapports auraient dû être remis au Parlement par les gouvernements successifs, mais ne l’ont pas été. Et on nous demande aujourd’hui de généraliser une expérimentation qui n’a jamais été évaluée !
Je ne comprends pas que le Sénat propose aujourd’hui de généraliser cette expérimentation, après tout ce que nous avons voté par le passé et alors qu’aucun rapport ne nous a jamais été remis depuis 2009. Où est la cohérence ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Monsieur Bouad, monsieur Benarroche, je regrette tout comme vous que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de la mission de suivi et d’évaluation de l’expérimentation relative à l’occupation temporaire, que la loi Élan, monsieur le ministre, lui a pourtant confié explicitement.
Il serait cependant malvenu – je le dis comme je le pense – de refuser la pérennisation d’un dispositif pour la seule raison de l’inaction du Gouvernement. Sa pérennisation permettra au contraire d’apporter une sécurité juridique aux propriétaires qui mettent leurs locaux à disposition et constituera donc une mesure incitative.
Les auditions que j’ai menées en qualité de rapporteur ont permis de tirer un bilan positif de cette expérimentation. Selon les chiffres qui m’ont été transmis, certes avant l’examen du texte en première lecture, plus de 1 000 bâtiments vacants ont fait l’objet d’une occupation temporaire depuis la création de ce dispositif en 2009, ce qui a permis de loger près de 10 000 résidents temporaires.
Ces chiffres montrent que ce dispositif a trouvé son public et mériterait d’être davantage connu, aussi bien pour lutter contre la vacance des logements que pour proposer des solutions d’hébergement temporaire.
Enfin, je rappelle que l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui vise à imposer à l’État de procéder à des contrôles réguliers des associations et organismes bénéficiant de ce dispositif.
Dans ces conditions, il nous semble opportun de pérenniser ce dispositif, qui a d’ailleurs déjà été prorogé à trois reprises.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Le Gouvernement souhaite pérenniser ce dispositif. L’ancien professeur de sciences physiques que je suis a tendance à penser qu’une expérimentation de quatorze ans n’en est plus une et qu’il s’agit d’une pérennisation déguisée…
Certes, aucune évaluation n’a été faite de ce dispositif depuis quatorze ans par les gouvernements successifs, ce que je déplore. Cela étant, nous allons mettre en place une mission d’inspection pour que ce dispositif, qui, pour l’essentiel, fonctionne bien, soit pérennisé.
Par ailleurs, si des organismes étaient défaillants, ce qui a parfois été le cas, nous leur retirerions leur agrément, comme je me suis déjà engagé à le faire.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 17.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’activité des organismes ou associations agréés s’exerce sur le territoire du département où l’agrément a été accordé. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Puisque l’on a pérennisé l’expérimentation, j’espère que les contrôles prévus seront réellement effectués et que nous aurons des informations à cet égard, faute d’avoir obtenu des informations sur l’expérimentation…
Cela étant, on pourrait au moins essayer d’encadrer un peu ce dispositif, sachant qu’il a donné lieu à des dérives : si les choses se passent bien parfois, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, vous le savez parfaitement.
Nous proposons donc de renforcer les conditions de délivrance et de contrôle de l’agrément de l’État pour les opérations d’occupation temporaire des locaux, en limitant leurs compétences territoriales. Au lieu d’accorder un agrément à des sociétés qui sont souvent des entreprises de gardiennage, on pourrait mieux les contrôler, en restreignant les autorisations ou les agréments à certains territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’article 1er du décret d’application de l’article 29 de la loi Élan, qui régit le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants, prévoit explicitement que la demande de l’agrément est présentée par l’association ou l’organisme intéressé au préfet du département où se situe l’une des opérations d’occupation temporaire envisagée.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, dans la mesure où il est satisfait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition s’applique uniquement dans les cas où la vacance du lieu, après la fin du contrat de résidence temporaire, n’excède pas trois mois.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Puisque le dispositif est maintenu, dès lors que les travaux d’aménagement n’ont pas lieu dans les trois mois suivant le départ du résident temporaire, nous préconisons que ce dernier puisse rester dans les lieux, en payant évidemment un loyer, et ne puisse être expulsé en l’absence de signes tangibles de démarrage de travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. La proposition de nos collègues du groupe CRCE, si elle était adoptée, aurait simplement pour effet de dissuader de nombreux propriétaires de locaux vacants de les mettre à disposition pour une occupation temporaire.
Si la période de vacance était supérieure à trois mois – par exemple le temps pour le propriétaire de trouver les fonds nécessaires à la réalisation de travaux d’ampleur –, les dispositions relatives à la libération des lieux par les occupants temporaires ne seraient plus applicables.
L’instauration d’un régime différent selon que la vacance serait supérieure ou inférieure à trois mois rendrait en outre à mon sens le dispositif moins lisible et plus complexe.
Je le répète, le dispositif de l’article 29 de loi Élan ne trouverait plus de propriétaire intéressé.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour exactement les mêmes raisons, j’émets le même avis défavorable que M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le résident n’aurait pas de solution alternative d’hébergement ou de logement proposée avant la fin du contrat temporaire de résidence, le représentant de l’État dans le département peut ordonner la prolongation du contrat de résidence temporaire à la demande du résident, pour un délai de six mois renouvelable. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement tend à introduire une mesure relativement modérée, qui fait écho aux dispositions relatives à la réquisition, lesquelles ne sont jamais mises en œuvre par les préfets. J’ignore si Mme Valérie Boyer compte établir la liste exhaustive des réquisitions effectives, mais cela s’annonce difficile !
Les préfets disposent pourtant de ce droit en vertu de la loi, concernant spécifiquement les logements vacants. L’alinéa que nous proposons d’ajouter leur offrirait la possibilité de prolonger une occupation éphémère en renouvelant le contrat de résidence temporaire, préservant ainsi la protection existante à l’égard d’une personne sans domicile.
Cette disposition pourrait se révéler utile, notamment lors des périodes de grands froids, alors que les places d’hébergement deviennent difficiles à trouver et que de nombreuses personnes risquent de se retrouver sans-abri, augmentant ainsi le nombre des individus sans domicile fixe.
Mes chers collègues, nous vous soumettons là une mesure concrète, une solution de rechange : permettre aux préfets d’autoriser une occupation éphémère, sous le contrôle de l’État.
Je vous prie de me pardonner de paraître direct, voire clivant, aux yeux de certains d’entre vous, mais si cette proposition était également rejetée, cela signifierait que l’on ne cherche pas véritablement de solution pour les personnes concernées et qu’on les condamne à demeurer sans abri et sans hébergement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Je suis sincèrement navré pour Pascal Savoldelli : comme l’amendement précédent, la proposition de nos collègues du groupe CRCE aurait pour effet de dissuader un grand nombre de propriétaires de locaux vacants de les proposer pour une occupation éphémère.
Or un tel dispositif ne peut fonctionner efficacement que s’il conserve suffisamment de souplesse, pour le propriétaire des locaux comme pour les résidents.
J’ai cherché à m’adapter à votre sensibilité particulière, mon cher collègue, à la nécessité de trouver des solutions d’hébergement de rechange, mais, tel qu’il est rédigé, cet amendement tend à autoriser des résidents temporaires à demeurer dans le logement de manière indéfinie, dans la mesure où la période de six mois mentionnée serait renouvelable.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends votre thèse, monsieur le rapporteur, et je serais prête à l’entendre s’il s’agissait d’accorder un droit à une personne, de manière quasi automatique, dans le cas où l’opération n’a pas lieu.
L’objectif de cet amendement est toutefois de conférer aux préfets la possibilité d’évaluer l’opportunité de la mesure. Comme vous le savez parfaitement, un préfet ne prendra pas de décision susceptible d’entraver un futur aménagement ou une construction. Il ne cherchera pas à nuire délibérément à un propriétaire portant un tel projet. Que le choix lui revienne permet précisément de juger du bon équilibre entre la réalité du projet et l’intérêt général pour maintenir ou non une personne dans les lieux.
Vous le savez, certains propriétaires envisagent de réaliser leurs projets d’ici à trois à six mois, mais font face à des retards pour diverses raisons, comme des contestations de permis de construire. Dès lors, en présence du préfet, un accord pourrait être trouvé.
C’est pourquoi, dans la mesure où le préfet serait autorisé à prolonger ce bail temporaire, la disposition ne paraît pas aussi dissuasive que vous semblez le redouter.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Marie-Noëlle Lienemann a bien détaillé la nature de notre proposition. Je ne mets en cause aucune mauvaise volonté de la part de M. le rapporteur, mais il ne s’agit pas ici du droit de la personne : cette possibilité relèverait de l’autorité des préfets, avec une possibilité de reconduction au bout de six mois.
De grâce, faisons confiance au représentant de l’État dans le département ! Je ne vois pas où réside le doute sur ce point.
Vous voterez librement, mes chers collègues, mais je vous demande de le faire en considération de la réalité de cet amendement, lequel autorise une occupation temporaire, éphémère, sur l’initiative du préfet et à la suite de son diagnostic.
C’est sur cette question que votre vote doit porter : faut-il offrir ou non au préfet une telle souplesse, en réponse à une situation donnée ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’apprécie toujours les arguments avancés par M. le rapporteur, qui défend l’idée selon laquelle le texte ne doit pas être modifié, tout en prenant position sur chaque amendement ; je l’en remercie.
Pour autant, je ne comprends pas l’argument avancé ici : d’une manière homothétique, celui-ci implique en réalité que le propriétaire ne ferait pas confiance à l’État, et non plus à l’occupant, pour faire respecter son droit de propriété. Si tel était bien le cas, il pourrait néanmoins accorder sa confiance au Sénat : il ne fait aucun doute qu’au sein de notre assemblée le droit de propriété sera défendu !
Monsieur le rapporteur, je le répète, cette proposition ne fait courir aucun risque aux propriétaires.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 ter.
(L’article 2 ter est adopté.)
Chapitre II
Sécuriser les rapports locatifs
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Article 4
(Non modifié)
L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, au début, le mot : « Toute » est remplacé par les mots : « Tout contrat de bail d’habitation contient une » et, après le mot : « garantie », sont insérés les mots : « . Cette clause » ;
1° bis A Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le locataire est informé par le représentant de l’État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement, prévu au V du présent article. » ;
1° bis À la première phrase du V, les mots : « même d’office » sont remplacés par les mots : « à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience » ;
2° La première phrase du premier alinéa du VII est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. »
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous abordons ici l’article 4, lequel systématise la présence de clauses de résiliation dans les contrats de bail.
Il nous semble impossible de considérer que toutes les situations sont identiques, et cette opinion est partagée par des associations et nombre de nos concitoyens. Comme cela a été indiqué précédemment, tous les impayés ne justifient pas une expulsion, et un contrat de location ne repose pas uniquement sur une question de paiement.
Je souhaite également attirer l’attention du ministre, sans que je lui apprenne rien, sur le fait qu’un coût important pour l’État découlera de ces dispositions, car notre République, ce pays que nous aimons, possède des spécificités, notamment des garde-fous exceptionnels au regard de la situation qui règne dans de nombreux autres pays. Même s’il y a beaucoup à dire, nous maintenons un niveau élevé de protection.
En fin de compte, nous allons donc accroître nos dépenses. C’est un paradoxe : de plus en plus d’hommes, de femmes, voire d’enfants vont être privés de droits, alors que nous augmenterons la dépense publique. Si nous devons avancer en ce sens, faisons en sorte que cette dépense soit au moins source de droits nouveaux !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position du Sénat, exprimée en première lecture.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Bouad.
M. Denis Bouad. En conditionnant l’octroi de délais de paiement à la reprise des paiements du loyer et des charges avant la date de l’audience, l’article 4 porte atteinte aux dispositifs de prévention des expulsions locatives.
En supprimant la suspension d’office par le juge de la clause résolutoire, vous allez précipiter des dizaines de milliers de personnes vers l’expulsion.
Cette mesure accroît inutilement la pression sur les familles en difficulté de paiement, dans un contexte économique et social particulièrement mal choisi pour fragiliser davantage les personnes les plus vulnérables. Couplée à l’accélération de la procédure d’expulsion prévue à l’article 5, elle empêchera également les services sociaux et les acteurs de la solidarité de réaliser correctement leur diagnostic social et financier, donc de mobiliser des aides pour trouver des solutions amiables et organiser la reprise des paiements.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande la suppression de ces dispositions.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 30 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 18. (Marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, ne vous inquiétez pas, nous aurons fini aux douze coups de minuit !
La demande de reprise du paiement du loyer avant l’audience nous semble excessive et n’est pas loyale vis-à-vis de personnes en difficulté, victimes, pour la quasi-totalité d’entre elles, d’un accident de la vie – perte d’emploi, maladie, décès, etc.
Si un diagnostic social et financier doit bien être réalisé, nombre de ménages arrivent à l’audience sans avoir été convoqués par un travailleur social ou en n’ayant pu le rencontrer que tardivement et brièvement. Ils ne sont donc ni informés ni accompagnés assez tôt dans la mise en œuvre de démarches pour accéder à des aides telles que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), les dispositifs de lutte contre le surendettement, etc. La saturation des services sociaux n’est plus à démontrer : beaucoup de postes restent vacants et ne sont pas remplacés.
Quant aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex), la Cour des comptes elle-même constate qu’elles ne peuvent étudier qu’une proportion marginale des dossiers dont elles sont saisies.
Les locataires ne sont ni informés ni soutenus dans la reprise du paiement du loyer, laquelle ne correspond d’ailleurs pas au premier réflexe du bailleur : celui-ci sollicite avant tout le remboursement de la dette et lui impute parfois les paiements ultérieurs, plutôt que de les recevoir comme des loyers courants.
Pour les bénéficiaires des allocations de logement, il est important d’avoir à l’esprit que c’est la décision de justice accordant un échéancier qui décidera la caisse d’allocations familiales (CAF) à rétablir l’aide, donc à permettre aux ménages de reprendre le règlement intégral de leur loyer.
Pour finir, j’indique que cet amendement a été rédigé en grande partie grâce aux travaux de la Fondation Abbé Pierre.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 30. (Nouvelles marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. S’agissant des horaires, mes chers collègues, je vous rappelle que ce texte avait initialement sa place dans une niche contrainte dans le temps, mais que le Gouvernement a décidé de l’en sortir, afin de s’assurer qu’il soit voté. Nous sommes maintenant collectivement dans cette situation, et je vous serais donc reconnaissant d’en prendre acte !
L’alinéa 4 de l’article 4 porte une anticipation singulière du jugement de rétablissement du bail du locataire. Ce dernier devra avoir remboursé l’intégralité de sa dette pour espérer retrouver un logement de droit commun et bénéficier d’un bail en bonne et due forme.
Or les jugements dans les cas d’impayés de loyers et de procédures d’expulsion servent à établir un accord sur la reprise du loyer et octroient parfois des délais supplémentaires aux locataires, leur laissant le temps de se rétablir ou de mobiliser une aide, comme le FSL.
Il arrive en outre qu’ils provoquent un déclic pour des personnes qui n’avaient pas montré de signaux positifs concernant le paiement du loyer, parfois pendant plusieurs mois ou années, et qui retrouvent de l’espoir en bénéficiant d’un sursis dans leur processus d’expulsion ou d’un soutien pour retrouver un droit aux aides personnelles au logement.
C’est notamment le cas lorsqu’un plan d’apurement est mis en œuvre avec l’aide d’un travailleur social, ce qui permet d’obtenir beaucoup plus facilement un remboursement que lorsque l’on accentue la précarité par une expulsion systématique sans solution de relogement. Ce dernier cas de figure limite au contraire les possibilités d’insertion et de perception d’un salaire pour les locataires en impayés.
En somme, ces dispositions vont obliger les locataires à la fois à reprendre le paiement du loyer en amont et à avoir remboursé la dette locative. Je crains qu’un tel mécanisme ne dégrade la situation de beaucoup des personnes concernées.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Guy Benarroche. Dans le même article, l’alinéa 5 va également dégrader la situation.
Supprimer la suspension de la clause résolutoire d’office par le juge va précipiter vers l’expulsion des dizaines de milliers de personnes, que les services de prévention des expulsions locatives, l’offre de logement social et les capacités d’hébergement, complètement saturées, ne seront absolument pas en mesure d’absorber. On peine déjà, je le rappelle, à reloger les ménages dont la situation relève du droit au logement opposable (Dalo).
Le locataire doit scrupuleusement respecter l’échéancier qui lui est fixé, en plus de payer mensuellement son loyer ; à défaut, le bail est résilié. Le bailleur n’est donc aucunement lésé : si la décision de justice est respectée, il est payé, et son locataire reste ; si elle ne l’est pas, l’expulsion a lieu.
Il faut prendre en compte le fait que cette disposition s’ajoute aux autres mesures de la loi, déjà très sévères et préjudiciables pour les ménages en impayés : réduction des délais en amont, réduction des délais pour quitter les lieux, lourde amende si ceux-ci restent dans le logement après décision de justice prononçant leur expulsion.
La grande majorité des impayés de loyer intervient à la suite d’un accident de la vie. Permettons au moins aux locataires qui en ont la capacité de rester dans leur logement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 31.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous insistons fermement : les propriétaires ne sont pas lésés dans la situation actuelle. Le locataire est en effet tenu de régler son loyer, conformément à l’échéancier défini. S’il s’acquitte de cette obligation, il peut rester dans les lieux ; dans le cas contraire, l’expulsion a lieu.
Par conséquent, je ne vois pas la nécessité d’enfoncer encore plus sous l’eau la tête de gens qui ne sont pas tous de mauvais payeurs ou des individus irresponsables. Il s’agit parfois de personnes confrontées à une détresse sociale temporaire ; aussi, au contraire, tout doit être mis en œuvre dans la société pour leur permettre de se rétablir et de retrouver une voie normale.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
Lorsque le juge
insérer les mots :
se saisit d’office ou lorsqu’il
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli, visant à fournir une garantie supplémentaire d’accès à un droit que certains justiciables sont susceptibles d’ignorer. Le bailleur et le locataire peuvent déjà saisir le juge afin de suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit, comme le précise l’article 4 de cette proposition de loi.
Nous proposons d’ajouter la possibilité pour le juge de s’autosaisir. Certains justiciables méconnaissent en effet leurs droits : les locataires en situation de précarité sont souvent mal informés sur ceux-ci et sur les modalités pour les faire valoir.
On pourrait arguer qu’il suffira d’améliorer l’information, etc. En attendant, la connaissance des droits est essentielle. Elle permet à l’individu de savoir ce qui lui est dû et à quoi il peut prétendre.
Or le droit peut être difficile à comprendre, voire inaccessible, pour les justiciables, qui ne sont pas nécessairement familiers des procédures. Je ne vois donc pas comment une telle possibilité d’autosaisine du juge pourrait être préjudiciable à qui que ce soit. Elle constitue la seule garantie que le droit à la suspension soit accessible à tous de manière équitable devant la loi.
Nous considérons en outre que le juge est un arbitre ; sa qualité de professionnel garantit une impartialité et une compétence pour juger de la nécessité de s’autosaisir. Compte tenu de la complexité du droit, et en particulier de la législation relative au droit immobilier, nombreux sont ceux qui ignorent qu’ils peuvent faire usage d’un tel levier.
Précédemment, nous avons refusé de faire confiance à l’État ainsi qu’aux préfets, maintenant nous refusons de faire confiance au juge. À quoi faisons-nous confiance ? Uniquement au droit de propriété ?
M. Pascal Savoldelli. Au marché !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet article 4 a constitué le principal point de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’Assemblée nationale souhaitait initialement supprimer intégralement les pouvoirs d’office du juge en matière d’octroi de délais de paiement, de vérification des éléments constitutifs de la dette locative, de contrôle de la décence du logement et de suspension des effets de la clause résolutoire – c’est-à-dire en matière de maintien dans le logement.
Cette suppression nous est apparue comme contre-productive, pour des raisons évidentes, aussi bien pour le locataire que pour le bailleur. En effet, le maintien dans le logement doit être privilégié pour inciter le locataire en difficulté à régler sa dette locative, selon un échéancier d’apurement établi par le juge.
C’est pourquoi nous avons, lors de la première lecture, rétabli les pouvoirs d’office sur tous ces points, en les conditionnant cependant à la reprise du versement du loyer courant par le locataire, ce qui nous semble constituer une condition minimale pour satisfaire le bailleur et responsabiliser le locataire, qui se doit d’honorer ses engagements contractuels.
Nous avons, en parallèle, ajouté des dispositions permettant de rendre plus précoce l’élaboration du diagnostic social et financier et d’accroître les pouvoirs des Ccapex, dans la perspective de mieux accompagner les locataires les plus en difficulté, sans que cela soit à la charge des bailleurs.
Mes chers collègues, je ne vous cache pas que la défense de ces points a nécessité d’âpres négociations avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, qui est également l’auteur de cette proposition de loi.
Nous sommes parvenus à une rédaction de compromis qui tient compte des lignes rouges du Sénat : les pouvoirs d’office du juge ont été en grande partie rétablis, même si j’aurais souhaité qu’ils le soient totalement. Nous pouvons donc nous satisfaire de cette rédaction, que je vous invite à voter conforme.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur ces six amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Je tiens à ajouter que l’expulsion locative est un échec pour un locataire de bonne foi en difficulté. C’est la raison pour laquelle le travail que vous avez mené, qui renforce la Ccapex, me semble avoir porté ses fruits.
C’est important, car cet article présente ainsi un résultat équilibré. Il continue à préserver le pouvoir du juge, notamment celui d’apprécier la reprise des paiements avant le recours à la justice. Par la suite, en présence du locataire en difficulté ou de son représentant lors de la séance, le juge pourra accorder des délais.
Les pouvoirs du juge sont donc préservés et une position d’équilibre entre l’Assemblée nationale et le Sénat a été trouvée.
Par conséquent, je souhaite le maintien du texte en l’état et je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, puisque nous avons un peu d’avance (Exclamations.), je me permets d’intervenir.
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué avec brio l’amendement qui vous a été présenté, que vous auriez donc pu approuver. Faire et défaire, c’est toujours travailler. (Sourires.) Le Sénat a fait, et en l’occurrence bien fait ; l’Assemblée nationale a défait ; nous demandons au Sénat de refaire.
C’est pour cette raison que j’espérais un avis favorable de votre part.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Notre groupe se réjouit de l’adoption définitive de cette proposition de loi, qui a conservé, à l’issue de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, la plupart des contributions apportées par le Sénat en première lecture.
Cela a été souligné à maintes reprises, ce texte a trouvé un véritable équilibre : d’une part, il renforce la fermeté à l’encontre des squatteurs et des locataires indélicats ; d’autre part, il prévoit une amélioration de la prévention des expulsions et un meilleur accompagnement des locataires en difficulté. En effet, nous nous gardons bien de confondre ces derniers avec des squatteurs ou des locataires de mauvaise foi.
Ce soir, nous envoyons également un message fort aux propriétaires, ce qui est très important. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.
M. Ludovic Haye. Je souhaite avant tout à exprimer mes remerciements à l’égard de toutes les personnes qui se sont investies dans l’élaboration de cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
En premier lieu, je salue notre rapporteur, qui n’a pas ménagé ses efforts, ainsi que le président de la commission des lois, M. Buffet, et l’ensemble des membres de cette instance.
Comme vous le savez, ce texte a pour objectif, d’une part, de clarifier le régime juridique du squat et, d’autre part, de favoriser l’accélération du contentieux locatif.
Le Gouvernement a exprimé, tout au long du processus législatif, sa volonté d’équilibrer cette proposition de loi. Vous l’avez bien exprimé, monsieur le ministre, lorsque vous avez souligné qu’il ne fallait pas réagir de la même manière face aux squats, en particulier ceux qui sont orchestrés par des marchands de sommeil, et face aux impayés de loyers.
Compte tenu de ces arguments, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 303 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 248 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi.
Mme Agnès Canayer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous exprimer ma gratitude pour le travail accompli. Grâce à l’effort concerté de tous les parlementaires, le texte adopté aujourd’hui est équilibré.
Au nom du Gouvernement, et en mon nom propre, je remercie sincèrement l’ensemble des sénateurs de la qualité des débats. Les échanges lors des deux lectures au sein de la Haute Assemblée ont souligné l’importance que nous accordons tous à la question du logement, en particulier à l’équilibre entre les propriétaires et les locataires. Ils ont montré l’attention que nous portons aux plus vulnérables, tout en respectant les droits des propriétaires.
De plus, nous avons été unanimes s’agissant des squats, qui constituent indubitablement des situations inacceptables et contre lesquelles nous devons lutter, en particulier lorsqu’elles découlent d’agissements de marchands de sommeil.
Je salue enfin Guillaume Kasbarian, qui a probablement suivi nos échanges en ligne.
Je ne suis pas tout à fait Cendrillon, mais il est presque minuit : à très bientôt ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 15 juin 2023 :
De dix heures trente à treize heures puis de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer, présentée par Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 702) ;
Proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 700).
À l’issue de l’espace réservé au groupe SER (pour une durée de 4 heures) :
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, présentée par Mme Sonia de La Provôté (texte de la commission n° 704) ;
Proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 696).
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC :
Proposition de loi visant à développer l’attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l’ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, présentée par Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 688).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Laurent Lafon, Mmes Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Elsa Schalck, M. David Assouline, Mme Sabine Van Heghe et M. Julien Bargeton ;
Suppléants : Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Cédric Vial, Mmes Béatrice Gosselin, Annick Billon, MM. Jean-Jacques Lozach, Bernard Fialaire et Jérémy Bacchi.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER