M. Guy Benarroche. Le travail est l’un des moteurs de la réinsertion des détenus, mais l’exercice de cette activité en détention reste problématique malgré un certain nombre d’avancées récentes et au-delà des contraintes liées au milieu carcéral.
Sur la question de la rémunération, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe a récemment conclu à la non-conformité de la situation française avec le droit à une rémunération décente pour les personnes détenues, le paiement à la pièce, officiellement interdit, ayant toujours cours dans certains lieux.
Dans les ateliers de production, le minimum légal est de 45 % du Smic, mais lorsque l’activité de travail concerne le bon fonctionnement de la prison, comme le nettoyage ou la cuisine, il oscille entre 20 % et 33 % du Smic.
Les avancées sur les droits sociaux de la loi du 22 décembre 2021 ne sont que partielles et l’absence à la fois de modalité de saisie de l’inspection du travail et de possibilité de s’organiser collectivement fait des détenus des travailleurs à part.
J’ajouterai à cela que j’avais déjà eu l’occasion, monsieur le garde des sceaux, de vous parler de ce sujet. Le droit du travail ne doit pas s’arrêter aux portes des lieux de détention. Le travail constitue un facteur essentiel d’intégration sociale et l’un des combats que vous portez et revendiquez, d’ailleurs, au sein du Gouvernement. Nous vous demandons donc de mener ce combat pour tous, avec nous, y compris pour les détenus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. C’est un avis défavorable. Le contrat d’emploi pénitentiaire a été créé lors de l’adoption de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, c’est-à-dire relativement récemment. On n’a donc pas pu en mesurer totalement les effets.
Par conséquent, les évolutions que vous proposez sont peut-être à envisager, mais ultérieurement, lorsqu’un bilan de cette loi aura pu être dressé.
Au surplus, je vous indiquerai que le Sénat n’était pas spécialement favorable au contrat d’emploi et que les entreprises ne l’étaient pas toujours non plus. Laissons donc les choses se faire avant d’aller au-delà de cette première avancée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis d’autant plus défavorable à cet amendement, monsieur le sénateur, que le contrat d’emploi pénitentiaire qui a été voté il y a assez peu de temps, comme cela vient d’être rappelé, réforme considérablement, et en profondeur – je pèse mes mots –, le statut de détenu travailleur.
En premier lieu, les détenus bénéficient depuis lors d’un véritable contrat de travail de droit public, ce qui n’existait pas autrefois. Ils ne sont plus payés à la pièce : la pratique a totalement disparu. La France fixe des minimums de rémunération qui sont parmi les plus élevés : 5,15 euros de l’heure contre 1,50 euro en Allemagne, 1,73 euro en Belgique et 2,80 euros aux Pays-Bas.
Avec ce salaire, le détenu est tenu de rembourser ses victimes. Ce contrat d’emploi pénitentiaire est donc au moins triplement vertueux. D’abord, il y a sûrement à la clé un travail ou une formation, ce qui va dans le bon sens pour une réinsertion et pour l’absence de récidive. Ensuite, c’est intéressant pour les patrons : il y a un intérêt économique, mais également un engagement citoyen qui est fort. C’est enfin intéressant pour les victimes.
En second lieu, le détenu a un certain nombre de droits sociaux : assurance chômage, assurance vieillesse, ouverture de droits en matière d’accident de travail, etc. Tout cela n’existait pas autrefois. Il s’agit donc là d’améliorations.
Je pense que le travail est l’un des leviers qui permettent de lutter sérieusement contre la récidive.
Le sens de l’effort n’est pas un sens interdit, ni en prison ni ailleurs. Avec ce contrat d’emploi pénitentiaire, nous ferons venir de plus en plus de patrons dans les établissements pénitentiaires pour fournir du travail.
Pour vous donner des chiffres, dans les années 2000, 50 % des détenus travaillaient. Quand je suis arrivée à la Chancellerie, tel était le cas pour seulement 20 % d’entre eux, soit 30 points de moins. Aujourd’hui, plus de 30 % des détenus travaillent, alors même que la population carcérale a augmenté au cours des dernières années. Le nombre de détenus travaillant a donc nettement augmenté, ce qui me paraît aller dans le bon sens. En effet, quelqu’un qui travaille dispose d’un petit pécule et se forme. Par ailleurs, il est souvent embauché par l’entreprise qui l’employait en tant que détenu.
Il faut tout faire pour éviter les sorties sèches ; c’est le gage d’un moins grand nombre de récidives. Sans doute pouvons-nous tous être d’accord sur ce point.
Mme Laurence Rossignol. L’oisiveté est mère de tous les vices…
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : nous sommes bien entendu favorables au contrat que vous avez mis en place. Nous l’avons d’ailleurs défendu dans cette assemblée, Mme la rapporteure l’a rappelé tout à l’heure, alors même que la majorité du Sénat n’y était pas très favorable.
Nous approuvons et soutenons ce qui a été fait dans ce domaine, et continuerons à le faire. Par cet amendement, il s’agit simplement de prévoir un certain nombre d’aménagements supplémentaires visant à améliorer ce contrat. Nous partageons totalement ce que vous venez dire s’agissant de la réinsertion par le travail.
M. le président. L’amendement n° 242, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 360
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– adaptation de la possibilité de déposer plainte, y compris une pré-plainte en ligne, aux Français établis hors de France.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à garantir le dépôt des pré-plaintes en ligne depuis l’étranger, notamment pour les Françaises vivant à l’étranger.
On compte environ 3 millions de ressortissantes et de ressortissants français à l’étranger, dont environ 1,5 million de femmes. Or les conditions de vie des Françaises de l’étranger créent une concentration de tous les risques susceptibles d’engendrer des violences conjugales : isolement, dépendance financière et matérielle, dans la mesure où un certain nombre d’entre elles partent pour accompagner leur conjoint qui poursuit sa carrière professionnelle à l’étranger.
Les femmes victimes de violences se retrouvent ainsi dans un pays dont elles ne maîtrisent pas la langue, parfois sans ressources financières, parfois avec des enfants. Elles sont le plus souvent confrontées à un système juridique qu’elles ne maîtrisent pas.
En outre, certaines d’entre elles vivent dans des pays où le traitement pénal des violences conjugales est moins bon qu’en France, voire inexistant.
Parfois, elles ne peuvent pas porter plainte. Quand elles peuvent le faire, elles souhaitent également déposer leur plainte auprès des juridictions françaises, parce qu’elles sont françaises et que l’auteur des crimes est également français. Il s’agit de faire en sorte que l’auteur soit condamné, que ces violences soient recensées et qu’elles puissent bénéficier de l’assistance sociale octroyée par les autorités consulaires.
Il est extrêmement difficile de porter plainte quand on est à l’étranger. J’en ai fait moi-même l’expérience récemment, après avoir été contactée par des compatriotes qui se trouvaient dans une telle situation.
Cet amendement a donc pour objet de garantir aux Français qui se trouvent à l’étranger la faculté de porter plainte en ligne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Bien évidemment, nous comprenons tout à fait l’intérêt qu’il y a, pour des Français résidant à l’étranger, à porter plainte.
Toutefois, nous n’avons pas bien compris la finalité de cet amendement, ma chère collègue. En effet, a priori, les plaintes en provenance de l’étranger relèvent du tribunal judiciaire de Paris et se font par écrit.
Or la pré-plainte permet d’obtenir un rendez-vous, afin de ne pas attendre dans le commissariat. Je ne comprends donc pas bien la difficulté rencontrée ni la finalité de cette adaptation que vous demandez.
Telle est la raison pour laquelle nous demandons le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Je me tourne, sur cette question, vers M. le garde des sceaux, ne voyant pas où se trouve la difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. À vrai dire, je ne comprends pas non plus la plus-value d’une pré-plainte déposée en ligne depuis l’étranger.
Par ailleurs, la loi du 25 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur permet à toute victime d’une infraction pénale de déposer plainte. Les dispositions seront précisées dans le cadre d’un décret, qui sera pris très prochainement.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Permettez-moi de vous expliquer à quoi sert le dispositif qui est proposé.
Il s’agit d’aider les Françaises vivant à l’étranger à porter plainte. J’ai récemment été confrontée au cas d’une ressortissante qui, après avoir manqué de se faire tuer par son conjoint, a voulu porter plainte en France.
Comment procède-t-on ? On va sur internet, on tape « violences conjugales », puis « porter plainte en France ». (Mme Mélanie Vogel prend son portable et fait la recherche.) Sur le site service-public.fr, on tombe alors sur « Contacter la police ou gendarmerie par messagerie instantanée », puis sur « Signaler des violences conjugales », enfin sur « Accéder à la démarche en ligne ».
Or la première chose qu’on vous demande est votre code postal. Quand on est à l’étranger, la démarche s’arrête là. Je demande donc simplement que le cas des Françaises se trouvant à l’étranger soit prévu, afin qu’elles puissent accéder à ce service.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il faudrait qu’elles indiquent le département de Paris…
M. Jérôme Bascher. Cela ne relève pas du législatif !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le garde des sceaux va s’en occuper…
M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 242 est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Une telle disposition n’est sans doute pas d’ordre législatif, je l’entends. Je veux bien retirer l’amendement, si M. le garde des sceaux m’assure qu’on pourra, de l’étranger, accéder aux services proposés par internet, et notamment à la messagerie instantanée avec la police ou la gendarmerie.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il n’est naturellement pas question de laisser des victimes se trouvant à l’étranger sans réponse, si tel est le sens de votre amendement.
Le ministère de l’intérieur prépare des décrets, notamment sur la question de la plainte par télécommunication audiovisuelle.
À ma connaissance, les Français se trouvant à l’étranger ne sont pas exclus de ce dispositif. Cela étant dit, cela mérite vérification, dans la mesure où vous posez une vraie question.
Je m’engage donc à me rapprocher du ministère de l’intérieur et à vous faire parvenir une réponse très rapide sur cette question. Je le répète, il n’est pas question de laisser des victimes sur le côté.
D’ailleurs, vous l’avez constaté, la question indispensable du déplacement des victimes à l’étranger est traitée dans le cadre de ce texte.
Rassurez-vous, nous nous mettons en lien avec le ministère de l’intérieur et nous vous donnons très rapidement une réponse, au cours des débats, puisque nous nous apprêtons à passer une partie de la semaine ensemble, pour examiner ce texte.
Mme Mélanie Vogel. Je retire donc cet amendement !
M. le président. L’amendement n° 242 est retiré.
L’amendement n° 139, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 367
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement s’engage en outre à poursuivre la revalorisation de l’aide juridictionnelle et, dans le contexte de la création de la contribution pour la justice économique, à ouvrir cette aide aux personnes morales.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le rapport annexé comporte une partie relative à la transformation de l’aide juridictionnelle, afin que celle-ci devienne plus accessible.
En revanche, la revalorisation de cette aide n’est pas traitée. Aujourd’hui, la prise en charge totale des frais de justice s’applique à un revenu fiscal annuel inférieur à 11 200 euros, soit 938,50 euros par mois. Nombreux sont ceux qui ont un revenu légèrement supérieur, bien que très inférieur au seuil acceptable. Bien qu’ils aient besoin d’une aide juridictionnelle, ils n’en bénéficient pas aujourd’hui.
Le manque de moyens aboutit, vous le savez bien, monsieur le garde des sceaux, à dissuader un certain nombre de personnes à s’engager dans une procédure, alors qu’ils le souhaiteraient.
En 2020, le rapport de la mission Perben relative à l’avenir de la profession d’avocat soulignait que le budget de l’aide juridictionnelle français se situait dans la moyenne basse de l’Union européenne et devait être rehaussé.
Même si nous saluons la progression de 4,2 % des crédits budgétaires consacrés à l’aide juridictionnelle dans la loi de finances pour 2023, il faut encore aller de l’avant concernant sa revalorisation.
Par ailleurs, nous devons donner les moyens à nos concitoyens d’être égaux. Ainsi, l’aide juridictionnelle doit être ouverte aux personnes morales les plus fragiles économiquement, afin de ne pas entraver l’accès à la justice des petites et moyennes entreprises, auxquelles nous devons donner les moyens de se défendre, alors qu’elles sont naissantes ou en situation difficile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous pensons qu’il s’agit là d’un sujet important. La présentation qui en a été faite au travers de cet amendement est relativement large.
Concernant la revalorisation de l’aide juridictionnelle, vous vous êtes engagé, monsieur le garde des sceaux, concernant les modes alternatifs de règlement des différends (Mard). Nous la demandons pour les violences intrafamiliales (VIF) et dans le cadre des tribunaux de commerce, comme l’ont préconisé le rapport Perben et les États généraux de la justice.
Certes, de telles dispositions relèvent de la loi de finances. Toutefois, il convient d’y réfléchir, et votre réponse nous permettra de progresser sur cette question. Telle est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Permettez-moi de vous rappeler ce que nous avons fait en matière d’aide juridictionnelle.
S’agissant des dépenses, nous sommes passés de 342,4 millions d’euros en 2017 à 629,8 millions d’euros en 2022, ce qui représente une augmentation de plus de 80 %. C’est énorme !
Une telle augmentation est notamment due à la hausse du montant de l’unité de valeur, qui a dépassé en 2022, pour la première fois, son niveau d’origine en valeur réelle, c’est-à-dire corrigée de l’inflation.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 140, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 369
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les demandes et suivis concernant le traitement de l’aide juridictionnelle par envoi postal ou auprès d’un guichet seront toutefois maintenus ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement concerne le traitement – et non pas la revalorisation – de l’aide juridictionnelle.
La dématérialisation et l’objectif du zéro papier font l’objet, dans le rapport annexé, d’une partie importante.
Il s’agirait, et je le comprends très bien, de rapprocher les citoyens de leur justice. Je ne le nie pas, pour un certain nombre d’entre eux, tel sera le cas. La dématérialisation a des effets positifs, qui sont indéniables : praticité, centralisation de l’information, gain de coût et de temps. Simplement, elle a un certain nombre de limites, liées à l’illectronisme, qui touche tout de même 13 % de la population, ce qui n’est pas rien.
Le procédé de dématérialisation de l’aide juridictionnelle risque d’avoir comme conséquence d’exclure les individus les plus vulnérables, qui sont les plus touchés par l’illettrisme numérique et qui sont pourtant les plus concernés par l’aide juridictionnelle. Je pense aux personnes porteuses de handicap, aux personnes âgées, aux migrants, aux personnes éloignées et aux personnes en grande précarité.
Ainsi, pour les personnes susceptibles de demander l’aide juridictionnelle, la dématérialisation constitue un réel danger, parce qu’elle ne garantira plus leur accès au droit. Au contraire, elle amplifiera l’exclusion de ces populations, qui sont déjà en marge.
La Défenseure des droits, dans son rapport de février 2022, intitulé Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, pointait du doigt la détérioration de la qualité des services et, surtout, l’inégalité d’accès entre les usagers face aux procédures dématérialisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement. Nous avons déjà débattu du numérique, et le rapport annexé ne prévoit qu’une possibilité supplémentaire. Il ne s’agit en aucun cas de supprimer quoi que ce soit ! Il n’est pas opportun de prévoir que ce qui n’est pas supprimé existe encore.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Guy Benarroche, bien entendu, des personnels resteront chargés d’accueillir les justiciables, dans les points-justice ou les services d’accueil unique du justiciable (Sauj).
Personne n’est rejeté, chacun est accueilli comme il se doit, et c’est bien le moins, lorsqu’il n’a pas accès au numérique ou lorsqu’il ne possède pas de téléphone portable. Aucune juridiction ne demande aux personnes précaires de sortir, sans lui donner le renseignement qu’il sollicite ! Cela n’existe pas !
Le numérique permet tout de même d’aller beaucoup plus vite. On a maintenant des réponses en quelques heures, alors qu’il fallait parfois compter des mois autrefois. Et 90 % des juridictions peuvent répondre par voie dématérialisée.
J’ai souhaité qu’on mette la justice – mais pas toute la justice, je vais vous dire pourquoi – à portée de doigt, de façon qu’elle soit plus proche de nos concitoyens. Sur justice.fr, dont je vous suggère de nouveau de télécharger l’application, monsieur le sénateur, vous pouvez savoir immédiatement si vous êtes admissible au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Vous me répondrez que tout le monde n’a pas de portable ! Certes, mais si vous souhaitez renseigner quelqu’un qui est dans la précarité, vous pouvez le faire, même dans la rue.
Il existe également d’autres applications, dont je fais ici, et je m’en excuse, la publicité. Ces dernières ont d’ores et déjà été téléchargées des milliers de fois. Fort heureusement, les décisions de justice ne sont pas encore rendues par portable ! On n’enlèvera jamais l’humain. C’est votre préoccupation, mais aussi la mienne.
Sur la question de l’aide juridictionnelle, on ne peut pas dire que le numérique n’a pas fait considérablement avancer les choses ; il les a rendues plus simples. Pour autant, de nombreux personnels sont à la disposition des plus précaires pour les renseigner et les guider.
Je l’ai dit tout à l’heure, mais je le redis : les futurs magistrats, qui vont dans les points-justice, sont au contact des plus précaires pour leur donner les premières informations dont ils ont besoin.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 140 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, je partage ce que vous venez de dire sur la numérisation et les applications et n’ai jamais dit le contraire. Les gens comme nous – quoique cela puisse se révéler compliqué pour moi, et pas seulement ! – avons les outils et la capacité de recourir au numérique. Nous sommes également entourés de personnes aidantes, si nous sommes un peu trop âgés pour maîtriser totalement ces techniques.
Mais c’est parmi les personnes qui sont naturellement demandeuses de l’aide juridictionnelle que l’on compte également en plus grand nombre celles qui souffrent d’illectronisme, lesquelles représentent déjà 13 % de la population.
Madame la rapporteure et vous-même êtes très optimistes en pensant que ces personnes trouveront des endroits pour les aider à moins de cinquante kilomètres de chez elles.
M. Guy Benarroche. Il n’est pas évident pour tout un chacun de parcourir cinquante kilomètres, mais c’est un autre sujet…
Pour ma part, j’ai été confronté, avec des personnes que j’ai dû aider, à des problèmes liés à la dématérialisation d’un certain nombre d’administrations. Je peux vous garantir qu’elles n’ont pas trouvé des guichets ouverts avec des personnes pour leur répondre !
Comme elles n’ont pas non plus la possibilité d’utiliser une ligne téléphonique ou d’envoyer un courrier à une adresse précise pour effectuer des formalités, dans un certain nombre de cas, les situations ne seraient pas réglées sans la bonne volonté soit du personnel administratif, soit d’associations de bénévoles.
Il ne me paraîtrait donc pas absurde de préciser, dans le rapport, que l’on continue à développer la possibilité d’avoir des contacts humains, y compris téléphoniques.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il est bien sûr essentiel que tous les justiciables aient accès à la justice. Nous le devons à tous, du plus puissant jusqu’au plus modeste.
Vous l’avez oublié, il existe des points justice forains, qui se déplacent, ainsi que des audiences foraines, que j’ai recréées, pour celles qui avaient disparu.
Vous évoquiez en effet tout à l’heure les difficultés de mobilité de certains justiciables. Je l’entends. Or la justice se déplace, notamment vers les plus démunis. C’est une réalité.
M. le président. L’amendement n° 109, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Harribey et MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et Marie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 376
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Enfin, le ministère examinera d’une part la possibilité de revaloriser l’indemnité d’aide juridictionnelle pour les avocats et les commissaires de justice concernant les actes relatifs à l’ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 du code de procédure civile.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement et celui qui suit, même s’ils ne portent pas sur le même sujet, sont inspirés des préconisations de votre rapport, madame la rapporteure.
Je suis beaucoup plus opportuniste que vous lorsqu’il s’agit de présenter un amendement ! En effet, les véhicules législatifs ne sont pas si fréquents. Certains, comme celui-ci, sont des TGV, tandis que d’autres s’arrêtent longuement en gare, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Lorsqu’un train semble performant, je monte dedans avec mes amendements. Je vous suggère de faire de même, c’est la meilleure chose qui puisse arriver à vos recommandations !
J’imagine par ailleurs que celles-ci ne déplaisent pas à M. le garde des sceaux, si j’en crois tout le bien qu’il a dit de votre rapport. Pour ma part, j’ai cru comprendre qu’il adhérait à vos recommandations.
L’amendement n° 109 vise simplement à revaloriser l’indemnité d’aide juridictionnelle pour les avocats et les commissaires de justice concernant les actes relatifs aux ordonnances de protection, toujours plus nombreux. Vous l’avez constaté, certains avocats sont spécialisés dans la défense des femmes victimes de violences. Ils agissent presque pro bono !
Par cet amendement, nous prévoyons donc que le garde des sceaux examine la possibilité de revaloriser l’indemnité d’aide juridictionnelle pour ces avocats.
Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 110.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 110, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 382
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Une fonctionnalité visant à permettre aux victimes d’être informées en temps réel de l’avancée de leur procédure sera également mise en place.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, qui reprend également une recommandation du rapport de Mme Vérien, vise à prévoir une fonctionnalité permettant aux victimes d’être informées en temps réel de l’avancée de leur procédure. Mme la rapporteure devrait défendre cet amendement mieux que moi…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission est défavorable à ces deux amendements. Par principe, je n’inclus pas un rapport dans un autre rapport !
L’objet de l’amendement n° 109 relève de la loi de finances, et il faudra bien évidemment mener ce combat dans ce cadre. Introduire une telle mesure dans ce rapport annexé n’aurait aucun effet ! Je reste attentive à cette question. Pour autant, nous avons refusé d’insérer les dispositions du rapport Plan rouge VIF dans le rapport annexé.
Mme Laurence Rossignol. La loi de finances aurait été bien préparée !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?